Art. 76
(Art. 23 de la loi n° 94-629 du
25 juillet 1994 relative à la famille)
Suppression de
l'aide à la
scolarité
Le
présent article vise à supprimer l'aide à la
scolarité, instituée par l'article 23 de la
loi n°
94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille
en remplacement de
l'ancien système de bourses nationales des collèges. L'article 77
du présent projet de loi rétablit en conséquence le
système des bourses de collèges.
La mise en place de l'aide à la scolarité en 1994 cherchait
à remédier aux insuffisances des bourses de collèges.
Comme le constataient MM. Claude Huriet et Charles de Courson dans un rapport
publié en 1995
5(
*
)
,
" le système des bourses de collèges était devenu
obsolète "
. Les lacunes de ce système étaient
triples :
- Un montant moyen peu élevé
Le montant moyen de la bourse était de 647 francs en 1993-1994 pour les
dépenses liées à la scolarité
évaluées entre 3.400 et 3.800 francs par an. Dans les faits,
52 % des boursiers recevaient le minimum, soit 336 francs.
Cette lacune était encore aggravée par l'absence de
revalorisation des barèmes et des montants depuis 1979.
De plus, le montant de la bourse n'était pas forcément en
adéquation avec les ressources réelles de la famille, le montant
de la bourse étant fonction des ressources de
l'antépénultième année.
- Un coût de gestion disproportionné pour l'Etat
Le calcul du montant des bourses était extrêmement complexe. Un
système de points de charge permettait de faire varier le montant de la
bourse en fonction de pas moins de douze critères différents.
Il en résultait un coût de gestion très lourd pour
l'éducation nationale : 250 francs par bourse alors que 52 % des
boursiers ne touchaient que 336 francs.
- Des formalités très lourdes pour les familles
Pour l'obtention des bourses, les familles devaient établir des dossiers
complets de demande, accompagnés de multiples pièces
justificatives.
L'instauration de l'aide à la scolarité en 1994 visait à
corriger ces lacunes. L'aide à la scolarité peut être
attribuée, pour chaque enfant à charge de 11 à 16 ans, aux
familles bénéficiaires d'une prestation familiale, de l'aide
personnalisée au logement, de l'allocation aux adultes handicapés
ou du revenu minimum d'insertion, dont les ressources ne dépassent pas
un plafond de référence. Elle est versée par les caisses
d'allocations familiales en une seule fois en même temps que l'allocation
de rentrée scolaire.
Comme le relève le rapport précité,
" le
système de l'aide à la scolarité a résolu une
partie des problèmes "
soulevés par le bourse des
collèges.
L'aide à la scolarité a d'abord permis de distribuer une
enveloppe budgétaire plus élevée à un nombre plus
important de familles.
On estime entre 258.000 et 308.000 le nombre de
familles qui ont bénéficié de l'aide à la
scolarité alors qu'elles ne percevaient pas la bourse des
collèges. D'autre part, le nouveau mode de revalorisation des montants
de l'aide et des barèmes des conditions de ressources se traduit par une
augmentation de l'enveloppe globale.
TABLEAU COMPARATIF ENTRE BOURSES DES COLLÈGES
ET
AIDE
A LA SCOLARITÉ
(1)
|
Bourse des collèges |
Aide à la scolarité |
||||
|
1992-1993 |
1993-1994 |
1994-1995 |
1995-1996 |
1996-1997 |
1997-1998 |
Nombre de bénéficiaires |
1.038.956 |
1.059.559 |
1.188.000 |
ND |
ND |
1.240.000 (estimation) |
Montant de l'enveloppe |
682 MF |
697 MF |
772 MF |
ND |
ND |
828 MF |
Montant moyen de la bourse |
540 F |
647 F |
650 F |
ND |
ND |
667 F |
(1)
Source : - rapport Huriet-de Courson précité jusqu'en 1995
- ministère de l'Education nationale pour 1997-1998
L'aide à la scolarité a également permis une
réduction importante des coûts de gestion.
Le traitement des
dossiers est en effet plus simple, l'aide à la scolarité ne
prenant en compte que deux critères (revenus des familles et nombre
d'enfants) contre douze dans l'ancien système. De plus, la
réforme s'est traduite par une économie de 300 postes
budgétaires dans les inspections académiques, équivalente
à 38 millions de francs. Désormais,
la Caisse nationale des
allocations familiales chiffre à 100 francs le coût moyen de
gestion de chaque aide alors qu'il était de 250 francs pour les
bourses des collèges.
L'aide à la scolarité a enfin permis de simplifier les
démarches des familles.
Les familles n'ont plus à remplir de
dossier spécifique de demande, ni à fournir de pièces
justificatives. Les CAF disposent en effet déjà de l'ensemble des
informations nécessaires à l'ouverture du droit à l'aide
à la scolarité.
La Cour des Comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de
1997, souligne ces effets positifs de l'aide à la scolarité :
" les familles ont bénéficié d'un
allégement important des procédures et de l'assurance d'une
progression de l'aide pour l'avenir au même rythme que les autres
prestations familiales ".
Dès lors, il semble peu raisonnable de supprimer l'aide à la
scolarité pour revenir à un système de bourses de
collèges même aménagé.
Le Gouvernement avance
toutefois deux types d'arguments en faveur de son projet de suppression de
l'aide à la scolarité. Or, ces arguments apparaissent bien
fragiles.
Le Gouvernement estime, en premier lieu, que l'aide à la
scolarité a précipité la chute de fréquentation des
cantines scolaires.
L'aide à la scolarité aurait, en ce domaine, deux effets pervers.
D'une part, le versement de l'aide se fait en une seule fois alors que la
bourse des collèges était versée trimestriellement, le
paiement des frais de demi-pension se faisant aussi généralement
trimestriellement. L'aide à la scolarité donnerait alors lieu
à une dépense immédiate et ne serait pas affectée
par les familles au paiement des cantines. D'autre part, la procédure de
saisie-attribution de l'aide à la scolarité en cas de
non-paiement des cantines serait bien moins efficace que l'ancienne
possibilité de préemption qu'avaient les chefs
d'établissement sur les bourses des collèges.
Ce diagnostic semble néanmoins fragile pour trois raisons :
- l'impact défavorable de l'instauration de l'aide à la
scolarité sur la fréquentation des cantines n'a pas
été démontré. La Cour des comptes a ainsi
noté que
" la réforme a été le
révélateur d'un problème qui existait bien avant son
instauration ".
MM. Huriet et de Courson, dans leur rapport
précité, constataient que l'instauration de l'aide à la
scolarité
" n'a pas conduit à une hausse des exclusions
des demi-pensions, qui sont antérieures à la réforme et
ont plutôt eu tendance à baisser " ;
- la question n'est pas tant celle des modalités de versement des
bourses que celle de leur montant. Le montant moyen de l'aide à la
scolarité est de 650 francs alors que les frais de demi-pension
s'élèvent à 2.500 francs par an. Dès lors, quelles
que soient les modalités de versement, les familles les plus
défavorisées éprouvent des difficultés à
régler les frais de cantine ;
- il existe actuellement des fonds sociaux destinés à
favoriser l'accès des enfants issus des familles les plus en
difficulté à la cantine. En 1995 a été
créé le
fonds social collégien
. Il est actuellement
doté de 180 millions de francs de crédits qui sont
affectés majoritairement au paiement des cantines. En 1997, le
Gouvernement a mis en place le
fonds social des cantines
, doté de
290 millions de francs
6(
*
)
. Il
existe donc des fonds sociaux disposant de 470 millions de francs
spécialement affectés au paiement des cantines scolaires.
Dès lors, il semble préférable d'utiliser ces
crédits spécialement affectés plutôt que de
réformer l'aide à la scolarité, qui a une vocation
dépassant le simple règlement des frais de demi-pension, dans la
perspective d'une amélioration de la fréquentation des cantines.
Le fonds social pour les cantines semble d'ailleurs en mesure de
résoudre ce problème : on constate en effet que 50.000
élèves supplémentaires vont à la cantine depuis sa
mise en place à la rentrée 1997.
La seconde critique formulée par le Gouvernement porte sur le champ des
bénéficiaires de l'aide à la scolarité. Trois types
d'élèves ne bénéficient pas de l'aide à la
scolarité alors qu'ils auraient pu bénéficier de la bourse
des collèges : les enfants de moins de 11 ans inscrits au
collège, les enfants de plus de 16 ans inscrits au collège, les
enfants issus de familles ne touchant aucune des prestations versées par
la caisse d'allocations familiales. On évalue à 90.000 le nombre
d'enfants ainsi exclus du bénéfice de l'aide à la
scolarité.
Ces lacunes du système d'aide à la scolarité ne
semblent pourtant pas justifier sa suppression.
Il est en effet possible de corriger les " effets de champ " de
l'aide à la scolarité sans remettre en cause le mécanisme.
Ainsi, votre commission proposera un amendement (
Cf. commentaire ci-dessous
article additionnel après l'article 77)
étendant aux plus de
16 ans inscrits au collège le bénéfice de l'aide à
la scolarité. Cela permettra alors à environ 60.000 des 90.000
élèves exclus de toucher l'aide à la scolarité. De
plus, l'hypothèse d'un versement des allocations familiales dès
le premier enfant permettrait de réintégrer dans le champ de
l'aide à la scolarité les familles ne percevant actuellement
aucune prestation versée par les caisses d'allocations familiales.
Les critiques formulées à l'encontre de l'aide à la
scolarité reposent donc sur des fondements fragiles et ne remettent pas
en cause l'efficacité du système actuel.
Il semble d'autant
plus illogique de supprimer ce système souple qu'il existe des
dispositifs également souples et décentralisés comme le
fonds social collégien ou le fonds social des cantines qui peuvent
corriger à la marge les rares lacunes de l'aide à la
scolarité.
Cet avis est d'ailleurs partagé par l'Inspection générale
de l'administration et de l'éducation nationale, qui souligne les
risques de suppression de l'aide à la scolarité. Elle note ainsi,
dans son rapport 1997,
" qu'il n'est pas certain que la réforme
du système des bourses de collèges, en dépit des
difficultés qu'elle a fait naître, doive être remise en
cause. Alors que la législation vient tout juste d'être
modifiée et que les nouvelles modalités sont encore mal
intégrées dans l'esprit et la pratique des familles, un retour
à la situation antérieure ne ferait sans doute qu'accroître
l'instabilité du système et son opacité ".
Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement de suppression de
cet article.