I. AUDITION DE Mme MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ, LE JEUDI 28 MAI 1998

Sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi n° 445 (1997-1998), d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.

M. Christian Poncelet, président, a souligné l'importance de la venue de Mme Martine Aubry devant la commission des finances dans le cadre de l'examen pour avis par la commission du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. Il a souhaité obtenir à cette occasion des précisions complémentaires sur le coût et le mode de financement des mesures contenues dans ce projet de loi.

A titre liminaire, Mme Martine Aubry a fait part de son souhait que le texte, notamment grâce au Sénat, puisse être adopté définitivement avant l'été. Elle a ainsi espéré que, grâce à ce projet de loi, une réponse collective puisse être apportée au phénomène de l'exclusion qui constitue une défaite pour l'ensemble de la classe politique. Elle a également relevé que ce projet était l'aboutissement d'un long travail effectué par les associations, citant à cet effet les rapports du Professeur Pequignot, du Père Wresinsky et de Mme Geneviève Anthonioz-De Gaulle. Elle a estimé qu'il s'inscrivait dans la continuité de textes antérieurs. Elle a considéré que les principes de base contenus dans ce projet pouvaient rencontrer un accord général. Il s'agit, d'une part, de faire sortir le plus rapidement possible de l'exclusion les personnes qui en sont les victimes, mais aussi de donner à chacun un accès aux droits fondamentaux que sont l'emploi, la culture ou l'éducation et ainsi de ne pas créer de droits particuliers pour les exclus, mais de les faire bénéficier pleinement des droits déjà existant. Elle a souligné le rôle que doit jouer la prévention, notamment en matière de surendettement ou d'expulsion. Enfin, Mme Martine Aubry a rappelé la nécessité de mobiliser tous les partenaires et de respecter leurs attributions respectives, notamment celles des collectivités locales, en mettant en place une plus grande coordination entre les différents acteurs. Elle a ensuite détaillé les différents droits définis par le texte.

S'agissant de l'emploi, elle a relevé que l'accueil et l'accompagnement des jeunes et des adultes vers des formations qualifiantes et un emploi allaient être développés. L'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) sera dotée à cet effet de moyens complémentaires.

Après avoir déploré que 100.000 personnes bénéficient du revenu minimum d'insertion (RMI), sans discontinuer, depuis son institution, elle a souhaité que l'ANPE puisse trouver, pour chacun, la formation adéquate, et non plaquer un dispositif préexistant. Elle a évoqué, à cette occasion, la refonte des emplois de solidarité, avec un accent mis sur les contrats emploi consolidé (CEC) qui sont des contrats de cinq ans, la création d'un contrat de qualification pour adultes, et insisté sur le nécessaire développement de l'insertion par l'économique, qui devrait être ciblée vers les publics en difficulté et ne pas concurrencer les entreprises artisanales.

Elle a relevé le rôle que jouerait pour les jeunes éloignés de l'emploi le programme "trajet d'accès à l'emploi" (TRACE), qui leur offrira un parcours alternant formation et activités professionnelles, avant de les réintégrer dans le circuit classique de l'emploi. S'agissant de la possibilité de cumuler des minima sociaux avec un salaire d'activité, elle a souhaité que ce cumul soit possible sur une année afin d'éviter certaines situations paradoxales lors de la reprise d'une activité rémunérée, où l'intéressé voit diminuer ses ressources effectivement disponibles.

En matière de logement, elle a confirmé que les moyens existants seraient accrus et mobilisés, notamment grâce au dispositif " PLA-intégration ", et qu'une taxe sur les logements vacants serait instaurée. Elle a également indiqué qu'afin de développer la mixité sociale dans le cadre de la politique de la ville, les modalités d'attribution des logements sociaux seraient réformées dans le sens d'une plus grande transparence et que des conventions seraient signées par les préfets pour permettre aux personnes les plus défavorisées d'accéder à ces logements. Elle a enfin rappelé les modifications apportées en ce domaine par l'Assemblée nationale en première lecture.

Elle a souligné que la mise en place de l'accés aux soins pour tous consisterait à développer la mission sociale de l'hôpital en mettant en place des lieux d'accueil et de permanence, ainsi qu'à étendre les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS).

S'agissant du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle, elle a noté qu'il compléterait et parachèverait le mouvement initialisé avec la mise en place de l'aide médicale gratuite.

M. Christian Poncelet, président, tout en se félicitant de la gratuité des soins pour les plus démunis, a insisté sur la nécessité d'un contrôle vigilant afin d'éviter d'éventuels abus.

Mme Martine Aubry, après avoir indiqué partager cette position, a noté qu'en matière de prévention des expulsions il importe de vérifier, avant l'expulsion, la bonne foi des locataires. De façon plus générale, elle a rappelé que le projet de loi d'orientation reposait sur la mobilisation de tous, que ce soit en accroissant la formation des acteurs sociaux opérant sur le terrain ou en développant la coordination des actions déjà menées, plutôt qu'en créant de nouveaux dispositifs.

En conclusion, elle a rappelé que l'ensemble du projet de loi d'orientation avait fait l'objet d'un chiffrage budgétaire, et que les mesures seraient financées par un redéploiement global des crédits sur l'ensemble des ministères.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a remercié Mme la Ministre d'avoir exposé la cohérence d'ensemble du dispositif et émis quatre observations. Sur le fond, il s'est félicité du consensus général existant sur la nécessité de lutter contre l'exclusion et a rappelé que cette préoccupation était déjà présente dans le projet de loi de cohésion sociale déposé par le Gouvernement de M. Alain Juppé. Il a cependant souligné que la lutte contre les exclusions ne pouvait ignorer la contrainte budgétaire et, tout en approuvant le principe des redéploiements, il a souligné la nécessité d'en vérifier la réalité. De même, il a souligné que la lutte contre l'exclusion ne pouvait se substituer à la politique de l'emploi et rappelé les différences d'approche existant en ce domaine entre le Sénat et le Gouvernement, qu'il s'agisse des risques résultant de l'accroissement de la fiscalité pesant sur les entreprises ou des dispositions législatives relatives aux emplois-jeunes et aux " 35 heures ".

Enfin, il a fait part de son souhait que le financement de ce texte soit gagé par une plus grande rigueur budgétaire, et que le redéploiement soit effectué sur les crédits de l'emploi et non sur ceux déjà consacrés à la lutte contre l'exclusion. A ce titre, il a indiqué ne pas pouvoir se contenter des brefs commentaires financiers figurant dans le rapport de M. Le Garrec, qui avait cependant relevé dans son rapport fait au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le caractère "peu précis" de certains financements.

Après avoir regretté la confusion existant dans l'évaluation des coûts entre le projet de loi d'orientation stricto sensu et le programme de prévention et de lutte contre l'exclusion, il a souhaité pouvoir disposer de chiffres précis, mesure par mesure, ainsi que d'éléments concernant le coût du projet de loi relatif à la couverture maladie universelle.

Il s'est enfin interrogé sur les conséquences financières de la nouvelle politique du Gouvernement en matière de minima sociaux, et a déploré la mise en place d'une taxe sur les logements vacants qui procède certes de bonnes intentions mais aboutira inévitablement à de mauvais résultats.

Mme Martine Aubry a ensuite répondu aux questions du rapporteur pour avis. S'agissant de l'articulation entre le projet de loi d'orientation et le programme de lutte contre les exclusions, elle a indiqué que deux projets de loi viendraient compléter ce projet : le premier, relatif à la couverture maladie universelle, devrait être examiné à l'automne 1998, et le second, relatif à l'accès aux droits, sera déposé par Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux.

En ce qui concerne le premier projet de loi, elle a indiqué qu'une mission de concertation et de proposition avait été confiée à M. Jean-Claude Boulard, député, pour améliorer la situation des personnes qui ne bénéficient pas du régime général de sécurité sociale et combler les lacunes existant en matière de protection complémentaire. Elle a estimé que le surcoût engendré par ce texte pouvait être actuellement estimé à près de 5 milliards de francs par an, même si des incertitudes existent toujours en ce domaine, tenant au fait que la population potentiellement concernée n'est pas connue de façon précise. Elle a cependant espéré que les négociations en cours, notamment avec les professions médicales, permettraient d'en réduire le coût.

S'agissant du financement de la revalorisation des minima sociaux, elle a indiqué que celui-ci s'opérera par des redéploiements, mais aussi des économies budgétaires liées à la baisse prévisible du nombre des chômeurs et des bénéficiaires de ces minima. Après avoir rappelé que la diminution de 55 à 40 % du pourcentage des chômeurs indemnisés par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) s'était traduite par un accroissement des charges de l'Etat au titre de ces minima, elle a souligné que la réduction actuelle du nombre de chômeurs générerait des économies pour l'UNEDIC, dont le résultat devrait être excédentaire pour 1998 à hauteur de 1,5 milliard de francs. Elle a, de ce fait, souhaité que des négociations soient menées avec l'UNEDIC, afin de pouvoir utiliser une partie de ses excédents pour financer des mesures en faveur des jeunes. Elle s'est également déclarée favorable à ce que soit accrue la cohérence entre les aides destinées aux jeunes et les minima sociaux, afin que ceux-ci ne soient pas détournés de leur vocation et permettent effectivement à leurs bénéficiaires de réintégrer le monde du travail, et non de vivre exclusivement de mesures d'assistance.

A propos du programme TRACE, Mme Martine Aubry a indiqué que le Comité de coordination de la formation professionnelle des régions et le Conseil national des missions locales avaient donné des avis favorables, et que le Gouvernement n'imposerait rien, mais passerait des conventions avec les régions. Elle a estimé que celles-ci avaient tout à gagner au programme, qui rendrait plus efficaces leurs dépenses de formation professionnelle.

Pour financer la lutte contre l'illettrisme, elle a indiqué que 84 millions de francs par an étaient prévus. Considérant que la politique actuelle de lutte contre l'illettrisme était peu satisfaisante parce que trop centralisée et dépassée pédagogiquement, elle a annoncé avoir confié une mission à un expert pour la réformer.

S'agissant des soins gratuits à l'hôpital pour les personnes dépourvues d'assurance maladie, elle a indiqué que 300 conventions existaient actuellement, et que leur nombre devrait s'établir à 500 en 1999 et à 800 en l'an 2000. Elle a considéré que le public concerné était voué à diminuer à la suite de la mise en place de la couverture maladie universelle, et que l'on pouvait donc considérer l'effort consenti comme transitoire.

Pour les créations d'emplois dans les zones d'éducation prioritaires, elle a indiqué que le ministère de l'éducation nationale procéderait par redéploiement des moyens existants.

Traitant du financement des mesures nouvelles contenues dans le projet de loi, elle a déclaré espérer des économies sur l'indemnisation du chômage, sur les dispositifs d'accompagnement des licenciements, notamment les préretraites, et surtout sur les minima sociaux. Elle a toutefois considéré que ces économies attendues sont difficiles à chiffrer.

M. Christian Poncelet, président, a relevé que ces redéploiements budgétaires confirmaient le bien-fondé de la volonté manifestée par le Sénat, lors du dernier débat budgétaire, de réaliser des économies sur certains crédits du ministère des affaires sociales.

S'agissant du coût des dispositions nouvelles adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, Mme Martine Aubry a indiqué, tout d'abord, ne pas être d'accord avec toutes ces mesures. Ainsi, elle a estimé que la possibilité de cumul entre un contrat d'emploi-solidarité (CES) et un travail à mi-temps, introduite par les députés, n'était pas opportune dans la mesure où les CES devaient être réservés aux personnes qui ne peuvent pas travailler dans un cadre classique. Elle a toutefois admis qu'il pouvait être pertinent de prévoir une possibilité de cumul dans les dernières semaines du CES, afin de ménager une transition vers l'emploi ordinaire.

La ministre de l'emploi et de la solidarité a fait également état de son désaccord sur l'élargissement de la composition de la commission de surendettement aux élus et aux représentants des associations, ce qui risquait de changer le sens des décisions prises. Elle a considéré qu'il convenait d'éviter toute démagogie en la matière, et donc de s'en tenir à la composition restreinte proposée par le projet de loi.

Elle a estimé que l'extension du dispositif d'aide aux créateurs d'entreprises pour les salariés faisant l'objet d'un licenciement économique était la seule mesure réellement coûteuse ajoutée par les députés, soit 45 millions de francs par an sur la base de 1.500 personnes concernées.

Elle a indiqué que le coût des compensations de l'exonération de la taxe pour dépassement du plafond légal de densité des coefficients n'était pas chiffré, et que celui de la compensation des exonérations de taxe foncière sur le foncier bâti était estimé à 10 millions de francs. De même, elle a indiqué que le coût de la suppression de la taxe forfaitaire sur les frais d'huissiers de justice n'était pas connu.

En réponse à M. Christian Poncelet, président, qui l'interrogeait sur le pouvoir donné par l'Assemblée nationale à la commission de surendettement d'effacer les dettes fiscales et sociales, Mme Martine Aubry s'est prononcé contre l'automaticité de telles mesures et a estimé indispensable que les services fiscaux, tout en participant à la commission de surendettement, conservent toute leur liberté d'appréciation pour décider des remises gracieuses.

S'agissant du plancher correspondant au RMI fixé par les députés pour le "reste à vivre" en matière de surendettement, elle a estimé que cette règle déterminerait des "reste à vivre" un peu plus importants qu'auparavant, qui permettront de limiter les risques ultérieurs de surendettement.

M. Michel Mercier, considérant qu'une augmentation des crédits du fonds de solidarité logement (FSL) était prévue, a demandé si le principe d'un cofinancement automatique par les départements serait maintenu. Par ailleurs, il a regretté que la gestion de ces fonds soit obligatoirement confiée à un groupement d'intérêt public, à une caisse d'allocations familiales ou à une association agréée par le préfet, alors que l'expérience prouve qu'ils pouvaient parfaitement être gérés directement par le département.

S'agissant de l'accès aux soins, il a regretté que le projet de loi d'orientation de lutte contre les exclusions ne comporte pas déjà le dispositif relatif à la couverture maladie universelle. Il s'est également interrogé sur l'opportunité de constituer un pôle de santé publique sous la responsabilité de l'Etat.

S'agissant des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), il a souhaité savoir si leur financement exclusif par l'Etat serait maintenu, ou si l'on s'orientait vers un financement mixte Etat-collectivités locales.

Il a enfin souhaité connaître les moyens budgétaires prévus pour le financement de la formation des travailleurs sociaux.

M. Marc Massion, après avoir rappelé qu'il convenait d'éviter toute concurrence déloyale entre les structures d'insertion par l'économique et les entreprises ordinaires, a relevé qu'il existait également une vive inégalité entre les associations d'insertion, les entreprises d'insertion, et les entreprises intérimaires d'insertion. Il a demandé si le projet de loi d'orientation clarifiait leurs conditions d'intervention.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est inquiétée du financement du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, et notamment des redéploiements annoncés. Elle a souhaité savoir comment l'Agence nationale pour l'emploi pourrait faire face à ses nouvelles missions, et à quel coût. Elle a enfin souhaité savoir si une augmentation de l'allocation veuvage et une modification de ses plafonds étaient prévues, considérant que les prestations versées actuellement correspondaient à seulement un quart des prélèvements sur les salaires à ce titre.

M. Emmanuel Hamel, après avoir rappelé la déception de Mme Geneviève Anthonioz-de Gaulle suite à l'absence d'unanimité de vote à l'Assemblée nationale, et fait état des arguments de M. Philippe Séguin pour justifier le rejet du texte par les députés de l'opposition, a demandé à la ministre de l'emploi et de la solidarité d'apporter les assurances sur le financement du projet de loi d'orientation nécessaires pour rendre possible un vote unanime.

M. Jean Clouet, évoquant la taxe sur les logements vacants, a rappelé que beaucoup de propriétaires relativement démunis font déjà difficilement face aux charges et aux impôts afférents à des logements qui sont devenus aussi bien invendables qu'inlouables. Il s'est demandé s'il n'était pas possible de concevoir un mécanisme d'abandon de tels logements au profit de l'Etat.

M. Claude Lise, a estimé que les agences départementales d'insertion, créées en 1994 dans les départements d'outre-mer sous la forme d'établissements publics administratifs nationaux, portaient atteinte aux principes de la décentralisation et constituaient des machines bureaucratiques inefficaces. Rappelant que tous les élus des DOM en souhaitaient la réforme, il a demandé si l'amendement en ce sens déposé puis retiré à l'Assemblée nationale serait de nouveau présenté au Sénat. Il s'est déclaré en faveur d'établissements publics administratifs locaux, coprésidés par le préfet et le président du conseil général ou, à défaut, pour le retour au droit commun.

M. Jean Cluzel, après avoir rappelé que les aides prévues pour accompagner la réduction du temps de travail ne seraient pas applicables aux sociétés audiovisuelles bénéficiant de la redevance, s'est inquiété du handicap qui risque d'en résulter pour les sociétés publiques par rapport aux sociétés privées.

Il a également appelé l'attention de la ministre sur la question de la répartition de l'allocation veuvage, considérant qu'en la matière l'Etat avait manqué à sa parole depuis des années.

M. Michel Charasse, après avoir souhaité le succès du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, s'est interrogé sur la probabilité que plus personne ne soit " privé d'un toit " au 1 er janvier 2001.

M. Jacques Oudin, évoquant la taxe sur les logements vacants, a estimé que la notion de "vacance involontaire" n'était pas très opérante, a relevé que la taxe additionnelle au droit de bail (TADB), déjà affectée en principe à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), ne lui était pas intégralement versée, et s'est interrogé sur l'opportunité d'étendre la taxe sur les logements vacants aux offices d'HLM.

Mme Martine Aubry, en réponse à M. Marc Massion, a indiqué être convaincue de l'utilité de l'insertion par l'économique, qui fait office de sas entre le chômage et l'emploi ordinaire, en redonnant un sentiment d'utilité sociale aux personnes concernées. Elle a néanmoins estimé que l'intervention de l'Etat en la matière devait rester justifiée et cohérente, en ne bénéficiant qu'à des publics réellement en difficulté. Cet impératif implique de meilleurs contrôles et une limitation des possibilités de mise à disposition au profit d'entreprises ordinaires, qui donnent lieu à beaucoup d'abus, dont certains sont portés devant les tribunaux. Elle a ainsi cité le cas de deux entreprises créant une association intermédiaire pour mettre à leur propre disposition réciproque des salariés peu payés et subventionnés. Elle a estimé que les associations intermédiaires qui souhaitaient bénéficier des mêmes incitations que les entreprises d'intérim d'insertion pouvaient toujours changer de statut.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, elle a indiqué qu'il n'y aurait pas de redéploiement d'office au sein des crédits consacrés à l'emploi et à l'aide sociale, mais des économies spontanées résultant des sorties des dispositifs de minima sociaux, et que, pour le reste, les redéploiements seront globaux sur l'ensemble du budget de l'Etat.

En réponse à M. Michel Mercier, elle a indiqué que le principe de parité du financement du FSL serait maintenu, mais que l'évolution de ce fonds ferait l'objet d'une discussion entre l'Etat et les départements. Elle a indiqué que les dispositions relatives à l'assurance maladie universelle auraient pu figurer dans le projet de loi d'orientation, mais que celles relatives à la couverture maladie universelle ne sont pas encore arrêtées et ne pourront pas être présentées plus tôt qu'à l'automne, en liaison avec la loi de financement de la sécurité sociale. Elle s'est déclarée favorable à un pôle de santé publique relevant de la responsabilité de l'Etat pour les maladies contagieuses, et a estimé que l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, en ce qui concerne la lutte contre la tuberculose, constituait un premier pas en ce sens. Elle a affirmé que le financement des CHRS par l'Etat n'était pas remis en cause, même si l'aide sociale des départements peut intervenir lorsqu'il s'agit de mères en charge d'enfants de moins de trois ans. Enfin, elle a précisé que les crédits supplémentaires consacrés à la formation des travailleurs sociaux s'élèveront à 26 millions de francs en 1998 et à 52 millions de francs en 1999, rendant possible une augmentation de 10 % de leur effectif.

S'agissant de l'ANPE, la ministre de l'emploi et de la solidarité s'est félicitée du changement de culture de l'agence , qui accepte désormais d'aller vers les entreprises, portant ainsi sa part de 30 % à 50 % des offres d'emplois. Toutefois, considérant que 15 % seulement des chômeurs de longue durée sont reçus au moins une fois dans l'année, elle a estimé que l'ANPE, après avoir fait l'effort nécessaire pour être plus efficace sur le marché du travail, devait aujourd'hui redonner la priorité au suivi des chômeurs en grave difficulté.

S'agissant de l'allocation veuvage, elle a admis que la situation actuelle n'était pas convenable, et s'est déclarée favorable à une revalorisation de l'allocation pour les première et deuxième années de versement.

En réponse à M. Emmanuel Hamel, elle a indiqué avoir cherché à joindre les principaux dirigeants de l'opposition à l'Assemblée nationale, mais que ceux-ci n'avaient pas souhaité la rencontrer. Elle a souligné que, néanmoins, 70 amendements de l'opposition ont été acceptés en première lecture. Elle s'est déclarée en désaccord sur les chiffres avancés par M. Philippe Séguin, et a rappelé que M. Jacques Barrot avait chiffré son propre projet de loi de cohésion sociale à 3,5 milliards de francs seulement la première année, intégralement financés par la réforme de l'allocation sociale de solidarité. Elle a également exprimé son désaccord avec les critiques formulées par M. Philippe Séguin, qui considère que le projet de loi d'orientation revêt un caractère étatiste, relève d'une logique d'assistance et remet en cause la propriété privée.

S'agissant de la taxe sur les logements vacants, elle a souligné que les propriétaires qui se trouvent involontairement dans l'incapacité de louer n'auront pas à la payer. Faisant état d'une expérience conduite à Lille, elle a indiqué qu'en écrivant à tous les propriétaires de logements vacants pour les sensibiliser et les informer des aides auxquelles ils ont droit, 40 % des logements vacants avaient pu être remis sur le marché. Elle a affirmé qu'il était illogique de continuer à construire des logements, alors que près de 2,5 millions de logements restent vacants dans le pays. Elle a estimé que la taxe, incitative, ne léserait en rien le droit de propriété.

M. Christian Poncelet, président, a fait observer que cette taxe serait vraisemblablement difficile à recouvrer, notamment en cas d'indivision du logement vacant, et son produit limité.

M. Michel Charasse a rappelé qu'une taxe comparable, votée en 1991, n'avait jamais été appliquée car trop compliquée. Il a estimé que seules les commissions communales des impôts ont la compétence requise pour recenser les logements vacants, et a préconisé de les réunir spécialement afin de déterminer l'assiette d'une taxe éventuelle.

M. Jacques Oudin a estimé qu'une aide financière est plus efficace qu'une taxation, et s'est prononcé en faveur du rejet de la taxe sur les logements vacants ou, à défaut, pour une exonération du premier logement vacant de chaque propriétaire.

Mme Martine Aubry a rappelé que la vacance devrait être d'au moins deux ans et qu'un délai serait prévu avant le recouvrement effectif de la taxe. Tout en admettant la possibilité d'effets pervers, elle a estimé indispensable une prise de conscience de la part des propriétaires. Elle a craint qu'une extension de la taxe aux logements HLM vacants n'ait simplement pour effet de reporter une charge sur les locataires occupants, et observé que la vacance des HLM résultait de la faiblesse de la demande dans certains quartiers.

M. Jacques Oudin a observé que certains offices publics d'HLM sélectionnent leurs locataires, ce qui peut expliquer les vacances de certains de leurs logements.

En réponse à M. Claude Lise, Mme Martine Aubry a estimé que ce n'était pas rendre service aux départements d'outre-mer que de les faire entrer dans une logique d'assistance. Considérant les fortes pressions locales en matière de RMI, elle a jugé peu prudent de confier la présidence des agences départementales d'insertion (ADI) aux seuls élus. Elle a néanmoins admis que les ADI nécessitaient une réforme pour être plus rapides et plus souples dans leur fonctionnement.

En réponse à M. Jean Cluzel, elle a indiqué que les sociétés audiovisuelles avaient été exclues de l'aide à la réduction du temps de travail parce que cette question doit être traitée dans le cadre de la subvention globale qui leur est apportée par l'Etat.

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