C. LES CARACTÉRISTIQUES DES PERSONNES RETENUES
1. La sélection des étrangers à l'entrée des lieux de rétention
Au coeur de l'efficacité du dispositif de rétention, mesuré en particulier par le taux de reconduite des retenus, figure la sélection des étrangers à l'entrée des lieux de rétention. Celle-ci résulte des choix des préfets, non seulement au stade de la décision de mise en rétention, mais aussi au stade antérieur des actions de contrôle et d'interpellation. A ces deux stades, les choix opérés influent directement sur le taux de reconduite des personnes retenues.
§ L'orientation des actions de contrôle et d'interpellation est en principe fixée par le procureur de la République, mais les services de police et de gendarmerie sont eux-mêmes guidés par les objectifs chiffrés qui leur sont assignés en la matière. Quant au préfet, son pouvoir est important puisqu'il a autorité sur ces services concourant à la sécurité publique ; lui-même et ses collaborateurs les réunissent régulièrement. Pour atteindre les objectifs chiffrés de reconduite, le préfet a tout intérêt à orienter les actions de contrôle sur des cibles d'étrangers en situation présumée irrégulière dont l'interpellation, le cas échéant, pourra être suivie d'une reconduite.
C'est le cas par exemple à Bastia , où la politique d'interpellation semble très étroitement liée aux objectifs fixés de reconduite : le nombre de personnes interpellées et non mis en rétention est ainsi réduit ; par exemple, en 2008, pour 522 personnes interpellées, 413 ont été mises en rétention. Ce même ciblage se constate dans les départements où les places de rétention sont limitées, que ce soit en CRA ou en LRA.
Or les personnes les plus susceptibles d'être reconduites sont notamment celles dont l'identité et le lieu d'habitation sont connus, par exemple celles qui résident en France depuis longtemps, seules ou avec leurs familles, et y travaillent. Un ciblage sur les personnes les plus susceptibles d'être reconduites permet d'éviter que nombre d'interpellations, puis de mises en rétention aboutisse finalement à un échec de la reconduite.
§ Une sélection s'opère en outre à l'entrée dans les CRA. Bien qu'en principe ils n'y soient pas autorisés, la plupart des préfectures et des CRA visités reconnaissent que, dans la sélection à l'entrée, la préférence est le plus souvent donnée aux étrangers présentant le moins de risque de ne pouvoir être reconduits (détention de documents de voyage, appartenance à des nationalités dont les ressortissants sont volontiers reconnus par les autorités consulaires, célibat). Avec une telle sélection, les indicateurs de performance et les objectifs chiffrés (réduction de la durée moyenne de rétention, amélioration du taux de réussite) sont plus sûrement atteints.
Pour les étrangers qui présentent davantage de risques de ne pouvoir être reconduits, des APRF sans maintien ou des assignations à résidence sont décidées. Il s'agit en particulier de ceux ne détenant pas de documents de voyage et n'appartenant pas à des nationalités dont les ressortissants sont reconnus par les autorités consulaires.
§ Cette succession de choix plus ou moins tacites tout au long du processus de l'éloignement appelle plusieurs remarques :
- il est humainement contestable et budgétairement inefficace de placer une ou plusieurs fois des étrangers en rétention en sachant pertinemment qu'il n'y a aucune chance de les reconduire ; il conviendrait donc que les préfets responsables des CRA soient sensibilisés à l'évolution du taux de reconduite des retenus ;
- pour autant, il ne faudrait pas que la sélection des étrangers retenus aboutisse à renoncer à l'éloignement des ressortissants de certains Etats au motif qu'il est très difficile d'obtenir des laissez-passer consulaire ;
- afin de concilier, pour une bonne gestion des lieux de rétention, le traitement équitable des personnes et la réalisation des objectifs de reconduite, il importe à la fois d'éviter des rétentions inutiles, mais aussi de trouver des solutions pour les étrangers de facto non reconductibles de manière forcée, avec par exemple la généralisation d'assignations à résidence mieux contrôlées et le renforcement des aides au départ volontaire.