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Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai (Procédure accélérée)
Mme Annick Billon, auteure de la proposition de loi
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Discussion de l'article unique
Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai (Procédure accélérée - Suite)
Discussion de l'article unique (Suite)
Intitulé de la proposition de loi
Pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental (Procédure accélérée)
Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi
M. Xavier Iacovelli, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap
Discussion de l'article unique
Ordre du jour du mardi 8 juillet 2025
SÉANCE
du jeudi 3 juillet 2025
3e séance de la session extraordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
Secrétaires : Mme Céline Brulin, Mme Marie-Pierre Richer.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Jean-Marc Delia. - Au scrutin public n°335, Mme Laurence Muller-Bronn souhaitait s'abstenir.
Acte en est donné.
Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues.
Discussion générale
Mme Annick Billon, auteure de la proposition de loi . - Parmi les trois actions suivantes, laquelle est la plus sévèrement punie ? Réponse A : insulter une femme dans la rue ? Réponse B : conduire sans permis ? Réponse C : vendre du pain un 1er mai ? La réponse a de quoi surprendre : réponse C !
Un boulanger qui fait travailler ses salariés le 1er mai risque en effet 750 euros par salarié ! Un boulanger parisien a reçu une amende de 80 000 euros pour avoir fait travailler 21 salariés le 1er mai 2021, tous volontaires et payés double. Même chose, en 2024, pour cinq boulangers vendéens.
Alors que la conduite sans permis cause 200 morts par an, faire travailler un 1er mai n'a jamais tué personne. C'est la raison d'être de cette proposition de loi, déposée avec le président Hervé Marseille et cosignée par 160 sénateurs, dont trois présidents de groupe - cela illustre son urgence et sa légitimité.
Nous sommes attachés au 1er mai, chômé depuis 1946 et qui incarne 80 ans d'histoire sociale. Nous ne remettons pas en cause ce totem. Nous donnons une base légale...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Légale !
Mme Annick Billon. - ... à des pratiques en vigueur depuis plus de quarante ans. Je remercie le Gouvernement d'avoir activé la procédure accélérée et inscrit rapidement ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Qui peut faire travailler ses salariés le 1er mai ? Selon le code du travail, les « établissements qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre leur travail ». Mais il n'y a pas de liste précise : pour un hôpital, c'est évident ; pour une boulangerie, c'est plus compliqué. Si elle livre un hôpital, oui ; sinon... Le petit-déjeuner du 1er mai devient une affaire d'État.
Pourtant, selon une position ministérielle ancienne, les entreprises autorisées à ouvrir le dimanche peuvent bénéficier de la même dérogation pour le 1er mai. Un courrier de 1986 de Martine Aubry, alors directrice des relations du travail, en atteste. Mais un arrêt de la Cour de cassation de 2006 a changé la donne, considérant qu'il fallait analyser les situations au cas par cas : c'est à l'artisan de prendre le risque, puis au juge de trancher.
Dans la pratique, les professionnels, forts d'une tradition de plusieurs décennies, n'ont pas changé leurs habitudes : l'artisan ouvre sa boutique, les employés sont payés le double, le client repart avec sa baguette sous le bras - tout le monde est content. Mais une vague de contrôle entre 2023 et 2025 (plusieurs « Eh oui ! » à gauche) a remis en cause le statu quo.
Les fleuristes vivent le même casse-tête. Imaginez la scène : le fleuriste respectueux de la loi ferme boutique et voit s'installer à côté de lui un vendeur de muguet à la sauvette. Le client n'y voit que du vert ; le fleuriste, lui, voit rouge. Les vendeurs de muguet sont censés être soumis à des règles strictes : vente en brins, sans autre fleur ni feuillage ou emballage, pas de tréteau ni de table et surtout pas d'installation à proximité d'un fleuriste. Vous en conviendrez, ces règles ne sont pas respectées. Les fleuristes subissent donc une concurrence déloyale.
Or le 1er mai est le quatrième jour de l'année en volume de ventes, atteignant parfois 10 % du chiffre d'affaires annuel. Pour les 35 000 boulangers qui ferment, c'est entre 70 et 80 millions d'euros de manque à gagner. En Vendée, cette journée représente 25 % de chiffre d'affaires de plus qu'un autre jour férié. Trois jours fériés en mai, cela peut représenter 300 à 400 euros en plus sur la fiche de paie d'un salarié.
En 2025, 22 boulangeries ont été verbalisées - pour avoir fait leur travail ! Ces professions ont besoin de clarté.
Nous avons déposé le texte le 25 avril 2025, à la veille du 1er mai. Le rapporteur Olivier Henno a précisé le dispositif et je l'en remercie : au lieu de s'appuyer sur le décret fixant les dérogations au repos dominical, il prévoit un décret spécifique plus resserré et réaffirme la condition de volontariat - qu'Hervé Marseille et moi proposerons de renforcer encore.
Le texte doit prospérer avant le 1er mai 2026. Il est temps de mettre fin à cette incertitude. Entre le pain interdit et le muguet clandestin, remettons de l'ordre dans la loi !
Je salue la présence en tribune du président de Valhor, qui représente tous les fleuristes de France. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, et du RDPI)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales . - « Il ne faut légiférer que d'une main tremblante. » La maxime de Montesquieu s'applique plus encore à certains sujets - la symbolique du 1er mai fait de ce jour l'un d'entre eux.
Il a une longue histoire : support de la lutte internationale pour la journée de trois fois huit heures, il s'est chargé d'une forte dimension mémorielle après le drame du 1er mai 1891 à Fourmies, qui fit neuf morts et trente blessés - un sénateur du Nord ne peut qu'y être particulièrement sensible. Après son appropriation par Vichy, la Résistance le consacra comme jour férié et chômé par les lois du 30 avril 1947 et du 29 avril 1948.
Parmi les onze jours fériés, le 1er mai fait exception. Les salariés occupés ont droit à une indemnité supplémentaire égale à leur salaire. Depuis 1947, la liste des établissements autorisés à exercer n'a jamais été précisée par voie réglementaire. Certains secteurs, dont les transports publics et les hôpitaux, ne peuvent manifestement pas interrompre leurs activités. Pour d'autres, l'affaire est plus ardue.
Une position ministérielle a longtemps établi une correspondance avec la dérogation permanente au droit au repos dominical. C'était pratique, la liste des secteurs concernés par la dérogation au repos dominical étant fixée par décret.
Dans une lettre du 23 mai 1986, Martine Aubry, directrice des relations du travail - Philippe Séguin étant ministre - établissait qu'un boulanger ouvert le 1er mai ne commettait aucune infraction. Mais la Cour de cassation a jugé en 2006 que les établissements admis à déroger au repos dominical n'avaient pas droit par principe à occuper leurs salariés le 1er mai, chaque situation devant être analysée au cas par cas.
L'État de droit ne relève pas d'un jardin à la française. Mais dans nos départements, les choses se réglaient facilement, l'ouverture des boulangeries, fleuristes, théâtres et cinémas allant toujours de soi, y compris pour les salariés, grâce au doublement de la rémunération.
En 2023 et 2024, les inspecteurs du travail ont cependant procédé à des verbalisations localisées, notamment en Charente, à Lyon, à Paris, sans compter en Vendée en 2024, contre cinq boulangers.
Ils risquent une amende de quatrième classe, soit 750 euros par salarié - un risque financier non négligeable pour des TPE.
Les détracteurs de ces textes de loi objecteront que le travail dans les boulangeries était contra legem, et que légiférer en leur donnant raison serait laxiste... Cet argument est spécieux, puisque les cinq boulangeries vendéennes ont été relaxées le 25 avril 2025. Cela illustre la faiblesse du droit existant : la charge de la preuve incombe aux employeurs.
Il y a trop d'incertitudes juridiques. La jurisprudence n'y a pas mis fin, pas plus que la négociation collective, l'interdiction d'employer des salariés le 1er mai étant d'ordre public. De même, l'indépendance des inspecteurs du travail, qu'il convient de respecter, ne laisse pas de marge de manoeuvre à une instruction ministérielle. Le législateur doit donc se saisir de l'enjeu.
La commission a précisé le périmètre des secteurs concernés. La rédaction initiale renvoyait au décret sur les dérogations au repos dominical, mais cette liste est large et tend à s'étendre. Le 1er mai n'est pas un dimanche ni un jour férié comme un autre. Nous avons donc renvoyé à un autre décret, avec l'accord de la ministre, encadré par des critères légaux précis, dont la liste comprend les commerces de bouche de proximité permettant la continuité de la vie sociale (on ironise à gauche), les commerces de fleurs liés à un usage traditionnel du 1er mai, les établissements du secteur culturel. Nous n'avons pas inclus les grandes surfaces. Je défendrai un amendement évitant tout élargissement. La commission a conditionné l'activité des salariés à leur volontariat, afin de ne pas porter une atteinte disproportionnée au 1er mai, tout en excluant les établissements, comme les hôpitaux, où cette condition n'est pas souhaitable.
L'intention n'est pas de banaliser le 1er mai, mais de garantir la pratique traditionnelle d'ouverture. C'est une clarification du droit et non un renversement de principe. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Comment faire vivre les principes de notre droit du travail sans ignorer les réalités du terrain et les besoins de nos concitoyens ?
Mme Corinne Féret. - ... et en oubliant les luttes des salariés !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le 1er mai, fête du travail (M. Pascal Savoldelli proteste), journée des droits des travailleurs, porteur d'un héritage social fort, est le seul jour férié à la fois chômé et payé. Cette reconnaissance n'est pas un hasard ; c'est l'aboutissement de décennies de luttes ouvrières en France et à l'étranger. (On ironise à gauche.) C'est un acquis et un symbole.
Cette proposition de loi ne remet nullement en cause le statut et la tradition du 1er mai ; elle ne le banalise pas. (Mêmes mouvements)
La force d'une loi ne réside pas seulement dans son contenu, mais aussi dans le fait d'énoncer une règle claire, lisible et applicable sur tout le territoire.
Mme Corinne Féret. - La loi est très claire, il faut la respecter !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'exemple cité par Annick Billon est limpide. Des salariés souhaitent travailler, j'y insiste. (L'ironie redouble à gauche.)
Les règles relatives au 1er mai sont source de confusion. Le code du travail prévoit des dérogations pour les dimanches et jours fériés, mais il est trop imprécis sur le 1er mai. Les orateurs m'ayant précédé ont évoqué la lettre de Martine Aubry de 1986 et l'arrêt de la Cour de cassation de 2006, ayant entraîné des sanctions et une insécurité juridique, avec des appréciations hétérogènes selon les territoires ; alors que les professionnels agissaient en toute bonne foi, je le souligne. (Mme Cathy Apourceau-Poly ironise.)
Avec Astrid Panosyan-Bouvet, nous avons considéré comme nécessaire de faire évoluer la loi, afin de défendre des artisans qui rendent des services quotidiens en zone urbaine ou rurale. Le tribunal de La Roche-sur-Yon a reconnu la bonne foi des employeurs, mais cela ne suffit pas à sécuriser juridiquement leur position. C'est au législateur d'agir. Je salue donc l'initiative d'Annick Billon et Hervé Marseille (Mmes Silvana Silvani et Cathy Apourceau-Poly ironisent), qui ne remet pas en cause l'existant, mais comble une faille juridique pénalisant commerçants, salariés et territoires en sécurisant employeurs et travailleurs.
Nous ne banalisons pas une journée emblématique du dialogue social. (« Non » ironiques à gauche) Le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi.
Mme Monique Lubin. - Ben, tiens !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Il s'agira d'employer des salariés volontaires - j'y insiste - (exclamations ironiques à gauche) avec une rémunération doublée. Et, oui, des salariés sont demandeurs. (Mme Corinne Féret s'exclame.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Augmentez le Smic !
Mme la présidente. - Écoutons Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je remercie le rapporteur qui a borné les activités concernées. Certains services pourront continuer à se prévaloir du cadre existant : secours et sécurité, établissements sanitaires et médico-sociaux, transports, maintenance, industries de l'énergie ou utilisant des fours, agriculture, gens de la mer et hôtellerie.
En plus de ces activités essentielles, quatre types d'établissements pourront ouvrir le 1er mai avec des salariés volontaires (on se gausse à gauche, l'oratrice ayant détaché chaque syllabe du mot) : les établissements assurant à titre principal la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate, les établissements dont l'activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail, les établissements répondant à un besoin du public lié à un usage traditionnel du 1er mai et les établissements exerçant une activité culturelle. Nous avons le souci de préserver l'héritage du 1er mai. Le décret est en cours de rédaction et paraîtra rapidement...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Mais oui, c'est urgent !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Il sera fidèle à l'intention du législateur et ne comprendra pas d'autres exceptions. Nous ne souhaitons pas inclure la grande distribution. (Exclamations ironiques à gauche)
Mme Corinne Féret. - Merci !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Pour l'instant...
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Cette proposition de loi ne porte en rien atteinte au droit des travailleurs, je le répète. Seuls les salariés volontaires sont concernés, leur rémunération sera doublée, conformément à l'article L. 3133-6 du code du travail. (Protestations à gauche)
Ce texte d'équilibre articulant liberté d'entreprendre, liberté de travailler, respect des traditions locales et protection des droits sociaux est utile, équilibré, attendu. (Mêmes mouvements)
Mme Silvana Silvani. - C'est grotesque !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Ce texte ne fait pas l'économie de notre histoire sociale...
Mme Monique Lubin. - Non, il crache dessus !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - ... il en est une déclinaison contemporaine. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°18 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le 1er mai est la fête des travailleurs, et non la fête du travail, comme certains le prétendent à l'extrême droite. Depuis le 1er mai 1890, la classe ouvrière l'a défini comme journée d'auto-reconnaissance comme classe sociale, rendant visible la présence massive des travailleurs. Cette fête populaire sert de catalyseur et de baromètre des mouvements sociaux.
En France, ce sont des défilés, mais aussi des rassemblements, des meetings, des moments où l'on chante Le Temps des cerises, où l'on danse aux bals de villages.
Dans le sillage des ouvriers de Chicago qui avaient manifesté le 1er mai 1867 en faveur de la journée de huit heures et du 1er mai 1891, dont la répression avait fait neuf morts, dont deux enfants, et trente blessés, il s'inscrit dans l'histoire du mouvement social - histoire que le groupe centriste veut effacer.
Le 13 novembre 2024, le président du groupe Les Républicains du Sénat avait évoqué sur Public Sénat la suppression d'un jour férié. Si vous choisissez le 1er mai, c'est parce que c'est le seul jour obligatoirement chômé selon la loi. L'idée qu'on puisse être payé sans travailler est insupportable pour la majorité sénatoriale et le Gouvernement, qui épargnent les fêtes religieuses et les commémorations de guerres capitalistes. Sous prétexte que cinq boulangeries ont été sanctionnées, il faut changer le droit qui organise la vie des salariés depuis 1947. Comme elles ont été relaxées, le Gouvernement fait passer ce texte en urgence.
Il existe pourtant des dérogations. Mais certains ont voulu s'insérer dans la brèche, comme si un café ou un restaurant ne pouvait s'arrêter de fonctionner... Depuis des années, des employeurs ouvraient leur établissement. La plus haute juridiction de droit civil a contredit cette tolérance ministérielle, et il faudrait légaliser ces pratiques illégales ?
Ce texte s'inscrit dans un ensemble de remises en cause du droit social, menées depuis plusieurs années par le Sénat. Notre pacte social est mis à mal. C'est un festival de la part du groupe centriste : remise en cause du droit de grève dans les transports, création d'une journée de travail gratuite, et maintenant effacement du seul jour légalement chômé.
La rédaction initiale, prévoyant un alignement sur le dimanche, révèle notre profond désaccord sur la vision de notre société. Certains veulent qu'on travaille 365 jours par an pour pouvoir consommer en tout temps et en tous lieux ! Nous pensons, de notre côté, que les temps sans consommation sont trop rares, et qu'il faudrait démarchandiser la société.
Le rapporteur a réduit le champ, mais il ne nous a pas fourni d'évaluation du nombre de salariés concernés, qui pourrait s'élever à 1,5 million. (Protestations sur les travées du groupe UC)
Vous avez beau jeu de dire qu'ils seront volontaires. Vous avez eu l'air de découvrir en commission le principe de lien de subordination. Lorsqu'un patron demande à un salarié de venir travailler le 1er mai, il accepte, par crainte de représailles. (Mme Jocelyne Guidez s'exclame.)
Le volontariat n'existe pas pour les salariés. Dix ans après le vote de la loi Macron, il n'existe pas plus que les taxis qui devaient raccompagner les salariés chez eux. La majoration de salaire de 50 % est descendue à 30, voire 20 % selon les conventions collectives. Selon l'étude de l'Insee « Qui travaillera dimanche ? », l'ouverture dominicale ne s'est accompagnée d'aucune hausse des effectifs et du chiffre d'affaires.
Vous reprenez l'argument de la rémunération doublée, mais il n'existe pas d'argent magique, ni le dimanche ni le 1er mai ! Les clients ne consomment pas davantage ce jour, car les entreprises refusent d'augmenter les salaires. Voici un texte qui aurait mérité un projet de loi avec procédure accélérée : une augmentation du Smic et une indexation des salaires sur l'inflation !
Après les dérogations au repos dominical, l'âge de départ à la retraite, la journée de solidarité, les 35 heures et le 1er mai sont les nouvelles cibles du RDPI, et des groupes Les Indépendants, Les Républicains et UC, qui s'attaquent ouvertement aux organisations syndicales.
Vous détricotez le principe du 1er mai chômé, afin de justifier sa remise en cause totale. L'objectif ? Voler un jour de congé aux salariés, car ils ne travaillent pas suffisamment, selon la vieille rengaine patronale. Pourtant, en 2022, l'OCDE classait la France sixième en matière de productivité en Europe.
Travailler dans de bonnes conditions est nécessaire pour que nous ne finissions pas tous cassés à la retraite. Cette proposition de loi est une bombe à fragmentation de la société. La prudence et la proportionnalité chères au rapporteur auraient dû l'inciter à l'abstinence. Mais vous semblez prêts à affronter une nouvelle colère sociale, le 1er mai ayant été acquis dans le sang et les larmes.
Selon Clara Zetkin, « c'est l'unique vrai jour de fête du prolétariat exploité et militant. C'est un jour de fête librement voulu et résolu en antagonisme avec les jours de fête religieux ou laïcs octroyés aux esclaves de l'usine, de la mine et des champs par la volonté des gouvernants et des exploiteurs. Le 1er mai est une fête de l'avenir, une fête révolutionnaire. »
Nous sommes profondément attachés à cette dimension et refusons ce texte, comme l'ensemble des organisations syndicales. Le groupe communiste et Kanaky vous appelle solennellement à voter notre motion. (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Le Gouvernement est particulièrement défavorable à cette motion.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable également. Nous ne voulons empêcher quiconque de chanter Le Temps des cerises ou d'écouter Jean Ferrat. (Sourires à droite) Ce texte connecté à la vie réelle sécurise les employeurs et les salariés.
M. Pascal Savoldelli. - Il n'y a pas beaucoup de salariés dans vos rangs !
M. Olivier Henno, rapporteur. - Elle est connectée à la vie réelle.
M. Pascal Savoldelli. - Nous allons en parler !
M. Olivier Henno, rapporteur. - Les TPE qui emploient des salariés ne sont pas des esclavagistes. Le travail n'est pas un enfer, et le lien de subordination n'a pas forcément une dimension maléfique. (On ironise sur les travées du groupe CRCE-K ; applaudissements sur les travées du groupe UC)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Faire travailler le 1er mai porte atteinte à un jour symbolique façonné par une histoire longue et internationale. Le législateur n'a pas vocation à protéger des intérêts particuliers, mais un temps commun, temps libre de toute subordination pour les travailleurs et travailleuses, un temps d'émancipation.
Vous niez l'aspiration originelle de ce jour : réduction du temps de travail, libération d'un temps pour son épanouissement personnel, familial, et pour faire ensemble société, faire ensemble classe. La veille de la fusillade de Fourmies, le patronat avait affiché une annonce affirmant que le 1er mai serait travaillé, comme les autres jours.
Faire travailler le 1er mai crée aussi une inégalité entre ceux qui seront contraints de travailler et ceux qui auront la possibilité de se reposer et de participer aux temps sociaux, dont les manifestations. Nous voterons la motion.
Mme Monique Lubin. - Voici venu le temps des...
M. Laurent Burgoa. - Cerises ?
Mme Monique Lubin. - ... propositions de loi réactionnelles, pour ne pas dire réactionnaires. Il suffit que quelques boulangers, qui n'ont pas respecté la loi - j'y insiste - se voient opposer justement leurs obligations pour qu'on décide tout d'un coup qu'il faut la changer.
Expliquez-nous en quoi il est indispensable d'acheter du pâté fraîchement préparé le matin à la charcuterie, ou d'acheter du pain dans une boulangerie qui a mobilisé sa horde de salariés - 21 dans l'exemple de Mme Billon - pour faire des tartes, des viennoiseries, des salades ! On ne pourrait donc absolument pas s'en passer ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Non !
Mme Monique Lubin. - La socialiste que je suis a bien compris votre manoeuvre de nous sortir la lettre de Martine Aubry... Mais elle a simplement voulu, en accord avec son ministre, faire en sorte que les services qui ne doivent pas s'arrêter, notamment les services de soins, puissent continuer à travailler. Nous voterons évidemment la motion. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
M. Daniel Chasseing. - Il est nécessaire de clarifier la possibilité de travailler le 1er mai pour les volontaires, dans certaines professions. Un amendement bienvenu encadre le volontariat.
Cette proposition de loi ne remet pas en cause le 1er mai, jour chômé et férié, fête des travailleurs. Une tolérance existait envers les travailleurs volontaires auparavant, mais, face aux contrôles et aux sanctions, il devient nécessaire de clarifier le droit.
Je suis favorable à ce texte d'Annick Billon, que j'ai cosigné, qui protège les professionnels et les salariés. Je ne voterai donc pas la motion.
Mme Annick Billon. - Le groupe UC votera évidemment contre cette motion qui caricature la proposition de loi et s'appuie sur des arguments erronés. Nous sommes attachés au 1er mai chômé et férié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Quels sont les arguments erronés ?
Mme Annick Billon. - Nous n'ouvrons pas de brèche. (On le nie sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Nous sécurisons une situation.
Pendant quarante ans, vous avez acheté du pain et du muguet le 1er mai sans que cela ne vous pose aucun problème. (On proteste à gauche.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Jamais !
Mme Annick Billon. - Martine Aubry a sécurisé le droit en 1986 et depuis, pas un seul parlementaire de gauche n'a remis sa décision en question. Cette proposition de loi sécurise le droit.
Mme Cécile Cukierman. - Elle sécurise le profit !
Mme Annick Billon. - Nous ne partageons pas votre vision du travail à la Germinal. (Vives exclamations à gauche)
M. Pascal Savoldelli. - Beaucoup de commentateurs affirment qu'il n'y a plus de confrontation gauche-droite. On en a l'illustration ce matin !
Madame la ministre, le 19 janvier 2025, vous avez déclaré étudier la piste de sept heures supplémentaires de travail salarié non payé. Voilà la vérité de cette proposition de loi, qui reprend un amendement s'inspirant de la journée de solidarité déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) le 20 novembre 2024, par les groupes Les Républicains et UC. Ce dont nous débattons n'a rien à voir avec les boulangeries !
Le Premier ministre de l'époque, Michel Barnier, avait dit que l'on ne pouvait prendre de décision sans l'accord des organisations syndicales. Ce n'est pourtant pas un homme de gauche ! Or toutes les organisations syndicales sont contre. C'est pourquoi nous avons déposé cette motion.
Au PLFSS, les députés du RN ont été dans le sens des amendements qui faisaient peser le financement de l'autonomie sur le travail. Vous pouvez vérifier ! (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Madame Apourceau-Poly, vous avez parlé du temps des cerises et des bals populaires. Vous avez oublié le pain, tradition française ! (On proteste à gauche.) Certains de nos concitoyens ont toujours acheté du pain tous les jours, sans que cela pose la moindre difficulté. Or le système actuel n'est pas sûr ; la loi n'est pas claire. Cette proposition de loi y remédie.
Monsieur Savoldelli, vous souhaitez nous amener sur un tout autre terrain, celui de la journée de solidarité instaurée après la canicule de 2003. La question qui s'est posée, dans le cadre du PLFSS pour 2025, était celle d'une deuxième journée de solidarité. Cette option n'a pas été retenue. Ce n'est pas du tout l'objet de cette proposition de loi, très précise sur la liste des professions susceptibles de bénéficier d'une dérogation.
Pour le 1er mai, la rémunération est double, à l'opposé de la logique de la journée de solidarité, qui consiste à demander aux gens de travailler une journée de plus sans être rémunérés. Vous introduisez de la confusion. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Corinne Féret. - C'est une atteinte aux salariés.
À la demande des groupes UC et CRCE-K, la motion n°18 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°337 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l'adoption | 101 |
Contre | 225 |
La motion n°18 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Michel Masset . - Cette proposition de loi m'interpelle. On ne peut pas distinguer le 1er mai de la question du travail et des travailleurs. Est-ce l'urgence du moment ? Est-ce le bon véhicule pour traiter cette question qui traverse la société tout entière ?
Pour autant, ce débat est légitime. Je comprends les revendications des commerçants, confrontés à la tradition commerciale d'un côté et à l'insécurité juridique de l'autre. De grandes enseignes ouvrent le 1er mai, sans que l'État n'assure le respect de la loi. Les professionnels demandent une stricte égalité. L'éventuelle perte de chiffre d'affaires ne doit pas reposer sur ceux qui sont les seuls à respecter la loi.
Cette proposition de loi divise, alors que nous devons chercher la concorde.
Les valeurs du 1er mai ne seraient plus d'actualité ? Pourtant, cette date fait partie de la mémoire sociale de la République, sanctuarisée en 1947.
Ce texte fragilise ce socle symbolique et met à mal l'unité du corps social des salariés. Certes, le volontariat est exigé et une majoration salariale est prévue, mais l'histoire nous a appris que les dérogations finissent par devenir la norme... L'exemple d'un travail dominical est à cet égard très parlant.
Alors que le syndicalisme est en net recul, les capacités de négociation des salariés sont amoindries et le volontariat fragilisé, notamment dans les petites structures.
Je reconnais le travail de la commission et de son rapporteur.
Je ne suis pas arc-bouté, mais un vrai débat national n'en doit pas moins être ouvert sur la dégradation des conditions de travail. Je pense en particulier aux travailleurs agricoles en ces jours caniculaires et à tous ceux qui sont confrontés à l'ubérisation du travail. Le législateur ne doit pas passer outre la démocratie sociale. En court-circuitant les corps intermédiaires, on aboutirait à une décision non acceptée.
Reconnaissant les intentions d'apaisement de la commission des affaires sociales, les membres du RDSE voteront, comme souvent, selon leurs convictions. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) « Le 1er mai c'est pas gai, je trime, a dit le muguet » : Georges Brassens pointe ce symbole avec humour. Le 1er mai n'est pas un jour ordinaire : il est le seul à être férié, chômé et payé. Il est un repère historique et symbolique, une conquête sociale, une tradition culturelle, un moment de pause pour tout le pays.
Je ne suis pas une habituée des cortèges syndicaux et de leurs slogans portés à bout de bras. Mais je respecte la portée historique de cette date, qui rend hommage aux avancées obtenues par les salariés : journée de 8 heures, protection sociale, congés payés.
De Fourmies à Chicago, le 1er mai s'est imposé comme un moment de fierté, pour ceux qui ont construit les bases de notre droit du travail. C'est aussi un jour de retrouvailles familiales ou amicales, où le brin de muguet symbolise le renouveau.
Il nous faut trouver une position d'équilibre. Or nous sommes confrontés à un vide juridique qui pénalise injustement certains professionnels et ne rend service ni aux salariés, ni aux employeurs, ni aux usagers.
Nous avons en mémoire les sanctions contre les boulangers qui, en faisant travailler leurs salariés, ne demandaient pas un traitement de faveur mais pensaient agir selon une tolérance ancienne, réaffirmée par une position ministérielle en 1986.
Mme Monique Lubin. - Ce n'est pas vrai !
Mme Jocelyne Guidez. - Je remercie Annick Billon et Hervé Marseille de cette initiative, ainsi qu'Olivier Henno pour son travail précieux.
Qui, mieux que les boulangers, incarnent cette culture française du bon sens ? Le pain fonde notre art de vivre à la française, au point d'avoir été intégré au patrimoine immatériel de l'Unesco. Quelque 6 milliards de baguettes sont vendues chaque année dans notre pays. Le Français se définit par son béret et sa baguette sous le bras. La France ne cesse jamais d'être la France, même le 1er mai.
Le muguet est un symbole qui date de la campagne de Charles IX dans la Drôme. Touché d'en avoir reçu un brin, il décida, en 1561, d'en offrir aux dames de la cour, en guise de porte-bonheur. Ce geste s'est enraciné dans nos traditions. Le 1er mai, il est vendu par des non-professionnels. Et pendant ce temps, les fleuristes resteraient portes closes ? Il ne s'agit pas d'ouvrir la dérogation à tous les établissements, mais à ceux dont l'activité est particulièrement liée à cette date. Faisons confiance à l'intelligence du terrain : rien n'empêchera un boulanger de limiter son activité au matin du 1er mai, par exemple.
La loi consacre le volontariat. (Mme Monique Lubin ironise.) Sous la pression d'un employeur, l'employé peut se censurer. Mais le volontariat est souvent recherché, par les salariés modestes ou les jeunes... (Murmures à gauche)
Mme Monique Lubin. - Mais bien sûr !
Mme Jocelyne Guidez. - ... car il s'agit d'un complément de salaire élevé, alors que les rémunérations sont faibles dans ces secteurs. Pourquoi pas, quand c'est librement consenti ?
Le chiffre d'affaires de la vente du muguet le 1er mai est estimé à 19,4 millions d'euros.
La boulangerie traditionnelle est en difficulté. On vend sept fois moins de baguettes qu'il y a un siècle. Alors même que la hausse des coûts de l'énergie et la concurrence des zones commerciales, entre autres, fragilisent nos artisans, pourquoi imposer une contrainte incomprise alors que le bon sens prévalait auparavant ? De même, il est important de laisser la liberté aux Français de se retrouver au cinéma ou au théâtre ce jour-là.
Quelle est la cohérence quand un boulanger est sanctionné de 750 euros d'amende pour avoir fait travailler un salarié volontaire et qu'un casseur de vitrine écope de 550 euros ? (Mme Monique Lubin se gausse.) Choisissons le bon sens. Le groupe UC votera ce texte. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI)
Mme Silvana Silvani . - Dans Une simple promenade, Jules Romains écrit à propos du 1er mai 1909 : « Par bonheur pour l'ordre, ce premier mai tombe un samedi, et ce samedi est jour de grande paye. Ne passeront ce soir à la caisse que ceux qu'on aura pointés à l'atelier. Pour chômer cette fois-ci, il faut plus de courage qu'à l'ordinaire. » Cette proposition de loi nous renvoie cent ans en arrière, quand les salariés devaient choisir entre la mobilisation syndicale et l'obligation d'aller travailler.
Comme souvent quand on s'attaque à un acquis social, la première version était grossière. Après une manoeuvre de repli, le rapporteur nous propose une version qu'il dit équilibrée. Mais l'objectif politique demeure. Ce texte est un cheval de Troie qui remet en cause le 1er mai férié et chômé.
Mme Annick Billon. - Ce n'est pas vrai.
Mme Silvana Silvani. - Sous des allures raisonnables, il est extrêmement dangereux. Le volontariat et le doublement du salaire sont des améliorations, mais aussi des leurres pour les salariés appelés à travailler le 1er mai. Le volontariat est une illusion lorsqu'il y a un lien de subordination. Les salariés ne pourront choisir librement d'aller travailler le 1er mai si leur employeur le leur demande.
Le texte devait répondre à l'insécurité juridique affectant les boulangers et les fleuristes. Or les commerces peuvent déjà ouvrir le 1er mai. Il est seulement interdit de faire venir les salariés. (Mme Annick Billon proteste.) Vous prenez le prétexte des boulangeries pour étendre les dérogations aux supérettes, bureaux de tabac, cinémas...
Mme Annick Billon. - C'est faux.
Mme Silvana Silvani. - Ce sont les grands groupes du secteur qui seront gagnants : Brioche Dorée, Fnac, Interflora.
Mme Annick Billon. - C'est faux !
Mme Silvana Silvani. - Notre histoire sociale doit-elle être sacrifiée pour que le chiffre d'affaires de Brioche Dorée dépasse les 250 millions d'euros en 2026 ? Vous banalisez les exceptions pour en faire la norme et prenez prétexte de l'artisanat local pour autoriser les chaînes à ouvrir. (Protestations sur les travées du groupe UC)
Il faudrait privilégier l'ouverture des commerces par rapport à la vie de famille (Mme Annick Billon le conteste) alors que 60 % des travailleurs du commerce sont des femmes.
L'intersyndicale, unanime, ne s'y est pas trompée en dénonçant une proposition de loi qui attaque le 1er mai, seul jour chômé et payé. Nous voterons contre cette remise en cause d'un acquis de 140 ans de luttes sociales. (Applaudissements à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge . - Selon son titre, cette proposition de loi autoriserait les salariés de certains secteurs à travailler le 1er mai, mais il s'agit plutôt d'autoriser les employeurs à faire travailler leurs salariés le 1er mai. (Mme Annick Billon manifeste son exaspération.) Ces commerces ont déjà la possibilité d'ouvrir sans dérogation. Ils ferment certains jours chaque semaine mais pour le seul jour obligatoirement chômé, ils sollicitent une dérogation du législateur !
Il n'y a pas de petite remise en cause : en introduisant des cas particuliers, on fait tomber la spécificité du 1er mai. Son sens profond est né d'une aspiration universelle à l'émancipation du monde travail et à l'aménagement de temps pour l'épanouissement personnel et familial.
Une attaque juridique, répondant à une vieille demande patronale, rend légales des pratiques illégales. (Mme Annick Billon le nie.)
La tolérance exercée n'a rien de juridique. Selon la Cour de cassation, en 2006, le 1er mai est obligatoirement chômé, sauf impossibilité d'interrompre le travail. Les employeurs contrevenants sont passibles d'une amende, afin de protéger la signification essentielle du 1er mai.
Certes, la réécriture de la commission a maintenu la spécificité du 1er mai, mais on ajoute une dérogation nouvelle concernant des établissements qui pourraient parfaitement interrompre le travail ce jour-là, en la justifiant par les besoins du consommateur, qui sont un construit social. Du pain frais est-il indispensable aux Français le 1er mai ? Le consumérisme crée toujours de nouveaux besoins prétendument essentiels, qui découlent de la simple possibilité de les assouvir. Les établissements vitaux sont déjà ouverts le 1er mai. Ne pas consommer un jour serait donc insupportable. N'est-ce pas plutôt de l'aliénation, alors que le 1er mai est une journée d'émancipation ?
Cette proposition de loi impose une vision de la société qui place le droit des employeurs au-dessus de celui des salariés.
Comme pour le travail du dimanche, l'exception deviendra la règle et le 1er mai sera vidé de sa signification.
In fine, cette proposition de loi est une attaque multiforme contre le monde du travail, contre le droit à un jour libre, protégé des multiples désarticulations des temps, contre l'aspiration à faire classe ensemble.
Le volontariat demeure un leurre, qui nie l'asymétrie du monde du travail. Ce texte, comme d'autres, détricote le droit du travail. Nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)
Mme Monique Lubin . - Je m'étonne, chers collègues, vous qui montez au créneau contre les séparatismes, de vous voir instituer un outil de fragmentation de la société française. Vous prétendez défendre le paritarisme et attaquez un jour emblématique pour les syndicats de travailleurs, qui se sont unanimement prononcés contre cette initiative. Mais ce sont les syndicats patronaux qui ont vos faveurs.
Le salariat ne peut être nourrissant pour chacun qu'à condition de reconnaître la place des travailleurs dans l'appareil productif.
Les mouvements sociaux ont débouché sur des lois sociales, telles que celles de Jean Auroux en 1982. Plus tôt, en 1899, Jean Jaurès écrivait dans Action socialiste que le travail, qui devrait être une fonction et une joie, n'est bien souvent qu'une servitude et une souffrance.
Nous sommes opposés à la désanctuarisation du 1er mai. Nous ne voulons pas voir ce jour chômé sacrifié sur l'autel d'une consommation reine. Le 1er mai, c'est le respect des travailleurs, un temps pour penser leur action collective. C'est un investissement de la collectivité en faveur des forces productives du pays. C'est la reconnaissance que les rythmes imposés par le travail doivent être modelés en prenant en compte les besoins du travailleur. Le 1er mai est un temps partagé, pour faire société.
Alain Supiot souligne que « le temps sert à rythmer le travail des hommes ». Cette synchronisation engendre une solidarité de travail et de lutte d'une part, une solidarité entre le temps de travail et le temps de la cité d'autre part. Comment faire société quand plus aucun temps n'est préservé pour que les travailleurs puissent se retrouver ?
Selon Bérénice Bauduin, maîtresse de conférences en droit social, cette proposition de loi transpose les dérogations du travail du dimanche au 1er mai. On passe d'une définition fondée sur l'activité à une définition fondée sur les besoins du public. Or cette notion, par nature extensible, est un véritable cheval de Troie contre le 1er mai chômé et payé... Le rapporteur y a remédié, mais partiellement, puisqu'un amendement réintroduit un flou, mentionnant les « besoins du public du 1er mai ».
Le repos dominical repose sur le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose que « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». L'idée était de soustraire un jour de la semaine au productivisme et au capitalisme.
Le 1er mai, c'est autre chose : un jour chômé et payé, qui donne aux travailleurs la possibilité de se consacrer à eux-mêmes en tant que classe. Danielle Tartakowsky signale que le 1er mai est la conquête d'une parcelle de temps par les ouvriers. Lors du congrès de Bruxelles de 1891, il a été décidé de maintenir la journée de lutte au 1er mai et non de la reporter au dimanche le plus proche.
Votre texte crée une brèche. Nul doute que d'autres droits des travailleurs suivront.
Bérénice Bauduin soulignait un décalage entre l'argument de la défense du commerce de proximité et ce que ce texte permet vraiment, (Mme Annick Billon s'exclame) loin du cas des cinq boulangers vendéens, au nom desquels la proposition de loi a été déposée en hâte...
Cerise sur le gâteau : les femmes sont souvent majoritaires dans les établissements qui devraient ouvrir le 1er mai. On s'en prend systématiquement aux mêmes. Nous refusons de souscrire à cette idéologie sans merci.
Je pense aux 35 blessés et 9 morts, dont deux enfants, de la manifestation de Fourmies, le 1er mai 1891. Elle avait été pensée pour être festive. (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Chasseing . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Olivier Henno applaudit également.) Le code du travail ne reconnaît qu'un seul jour férié légal, chômé et payé : le 1er mai, fête des travailleurs et du mouvement social. La loi est claire : ce jour-là, le travail est proscrit. Pourtant, depuis les années 1980 l'administration tolérait l'ouverture de certains commerces.
Or le 1er mai 2024, plusieurs boulangers et fleuristes de bonne foi ont été sanctionnés. Comment expliquer cette verbalisation de travailleurs volontaires ? Ces contrôles malvenus ont donné lieu à des amendes, jusqu'à 1 500 euros par salarié. Imaginez les conséquences désastreuses pour ces petits commerces, alors que la vente du muguet en ce jour peut représenter un dixième de leur chiffre d'affaires annuel !
Si la tolérance n'est plus d'actualité, le législateur doit intervenir. Ce texte sécurise juridiquement les quelques commerçants concernés tout en préservant le caractère du 1er mai pour les travailleurs. Les commerces et établissements exemptés sont précisément énumérés ; la liste sera soumise au Conseil d'État.
Les modifications apportées par le rapporteur sont protectrices.
L'objectif du texte n'est pas de changer la nature du 1er mai, mais de l'adapter à la réalité. Le principe fondamental du volontariat et les indemnités pour les salariés concernés demeurent.
Ce texte, que j'ai cosigné, répond aux besoins de la population. Le droit au travail est une liberté qui ne doit pas être restreinte. De nombreux boulangers, fleuristes, petits cinémas sont en difficulté. Nous devons les écouter, ainsi que ceux de leurs salariés qui sont volontaires. Ce n'est pas un texte contre le monde du travail...
Mme Ghislaine Senée. - Si !
M. Daniel Chasseing. - Il apporte une clarification nécessaire et responsable. Personne ne devrait être pénalisé pour avoir voulu travailler, dès lors que cela répond à un besoin. Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai un rêve, le même que le président Pompidou : « Arrêtons d'emmerder les Français ! » Il y a trop de lois dans ce pays, on en crève. Laissons-les vivre, tout ira mieux.
Mme Monique Lubin. - Oh là là...
Mme Pauline Martin. - Lors d'une question d'actualité, je m'inquiétais des risques d'excès de zèle des inspecteurs, leur souhaitant plutôt de profiter du 1er mai pour acheter fleurs et baguettes. (Mme Silvana Silvani s'offusque.) J'indiquais que nous comptions sur le Gouvernement pour l'action réglementaire. Quel dommage de passer par une proposition de loi permissive pour des mesures de simple bon sens !
Mme Monique Lubin. - « Permissive » ?
M. Pascal Martin. - À l'heure où les Français sont invités à travailler plus, préservons la liberté d'oeuvrer des salariés volontaires, avec une rémunération bonifiée. (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)
Notre société procédurière se noie dans les réglementations au nom de la sacro-sainte liberté individuelle. Notre code du travail enfle, mais la valeur travail n'a jamais été autant décriée, au profit d'une société dite de loisirs - qui exige pourtant de pouvoir manger sa baguette, même le 1er mai. (On s'insurge sur les travées du groupe CRCE-K)
Loin d'être un recul social, cette proposition de loi est un acte de confiance envers nos artisans, de liberté et de cohérence pour ceux qui veulent travailler, sans mettre tout le monde dans le pétrin. (On apprécie à droite ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Solanges Nadille . - Le texte entend lever l'insécurité juridique qui pèse depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2006, qui a remis en cause une position ministérielle ancienne, réaffirmée en 1986 par Martine Aubry, qui prévoyait jusque-là une dérogation au caractère chômé du 1er mai pour les services et établissements dérogeant déjà au repos dominical.
Depuis trois ans, les contrôles de l'inspection du travail se multiplient, renforçant l'incompréhension et nourrissant un sentiment d'injustice notamment chez les fleuristes, contraints de fermer alors que la vente de muguet par les particuliers est tolérée partout ailleurs.
Le total des amendes délivrées atteint parfois les dizaines de milliers d'euros, somme insupportable pour des TPE. Conséquence : une majorité de commerces sont restés fermés le 1er mai dernier, à l'appel de leurs syndicats, malgré l'importance de cette journée.
Il fallait donc clarifier le cadre législatif et desserrer les contraintes qui pèsent inutilement sur le travail. C'est l'objet de ce texte, auquel plusieurs sénateurs du RDPI se sont associés.
La commission des affaires sociales a restreint la liste des secteurs éligibles, estimant que le 1er mai ne pouvait voir son régime calqué sur celui du dimanche. Elle a réaffirmé que seuls les salariés volontaires pourront travailler le jour de la fête du travail - c'est une précaution essentielle. Notre groupe salue cet effort de sécurisation juridique.
Il ne s'agit pas de remettre en cause le caractère chômé du 1er mai, mais de revenir à une situation d'équilibre qui prévalait jusqu'en 2006.
Le RDPI votera dans sa majorité pour cette proposition de loi. Pour ma part, si je comprends la volonté de certains salariés de travailler le 1er mai, je garde en mémoire l'attitude de certains employeurs sur mon territoire, y compris des artisans, qui mettaient la pression pour le travail. Je dis non lorsque cela va trop loin.
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Ce texte fait suite à une alerte des boulangers et à des contrôles largement médiatisés. Je salue les représentants des fleuristes, qui avaient aussi réclamé de pouvoir ouvrir le 1er mai en employant des salariés.
Le texte ne modifie pas l'article L.3133-4 du code du travail : le 1er mai restera férié et chômé. Il tire les conséquences de l'insécurité juridique liée à l'arrêt de la Cour de cassation de 2006. Nous évoquons bien une interprétation du code du travail qui nécessite que les employeurs démontrent la légalité de leur situation. En 2024, le tribunal de police a systématiquement donné raison aux boulangers incriminés.
Le texte clarifie donc le droit pour éviter les embouteillages dans les tribunaux de police, qui ont d'autres problèmes à gérer.
Il permet aux boulangers de faire ce pour quoi nous les aimons : des pains et des viennoiseries, plutôt que des procédures ; aux fleuristes, d'offrir à nos concitoyens des perspectives de bonheur ; aux cinémas et théâtres, d'offrir des moments de plaisir à la fraîche.
Merci aux auteurs et signataires. Merci au rapporteur d'avoir su l'expliquer avec humanité, simplicité et souvent humour. Il a resserré la liste des secteurs concernés et insisté sur le volontariat.
Notre groupe votera pour ce texte.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Bien sûr !
Mme Frédérique Puissat. - Ce qui ne nous empêche pas de respecter ceux qui voteront contre, et même, de les écouter. (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte modeste soulève la question de notre rapport collectif au travail.
Il ne s'agit pas de remettre en cause la symbolique du 1er mai, mais de permettre à certains salariés volontaires, dans certains secteurs spécifiques, de travailler ce jour-là, avec une rémunération renforcée.
Ces commerces ancrés dans nos territoires répondent à une demande réelle. N'ignorons pas les évolutions sociales, ni les besoins des Français sur le terrain.
Alors que la France connaît des tensions budgétaires inédites, la création de richesses est indispensable.
Mme Monique Lubin. - Pfff...
M. Guillaume Chevrollier. - Cette richesse est le fruit du travail.
En l'absence de base légale claire, certains professionnels ont été verbalisés. Ce n'est pas tenable. La loi doit protéger, pas piéger.
Nous devons sortir de la vision binaire qui fait du travail une contrainte. Travailler, c'est aussi s'émanciper, participer à la vie de la nation. Le travail est le fondement de notre prospérité collective. Il doit payer, récompenser l'effort et le mérite. Or les salariés ont trop souvent le sentiment que le travail ne suffit plus pour bien vivre, à raison. La smicardisation s'installe durablement, ce qui mine le contrat social et affaiblit la valeur travail.
Ce texte doit nous inviter à réfléchir à la place du travail dans la société, et à redonner de l'ambition à notre modèle social, en travaillant plus et mieux, tout en tenant compte de la pénibilité. (Mme Silvana Silvani s'exclame.) Le travail doit redevenir un vecteur d'émancipation, de progrès, de rassemblement, dans une société fracturée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Discussion de l'article unique
Article unique
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié de Mme Pantel et alii.
L'amendement n°2 rectifié n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°3 de Mme Lubin et du groupe SER.
Mme Monique Lubin. - Nous supprimons l'article unique, car nous sommes foncièrement opposés à cette proposition de loi.
J'ai entendu que les salariés seraient pénalisés. Non : il ne s'agit pas des salariés, mais des employeurs qui ne respectaient pas la loi.
J'ai entendu citer le général de Gaulle...
Mme Jocelyne Guidez. - Non, Pompidou !
Mme Monique Lubin. - Mais où est passé le gaullisme social ?
Certains ici me semblent gênés aux entournures. Vous dites que le volontariat sera respecté. Franchement ! Le volontariat est respecté au début, nous l'avons vu avec le travail le dimanche. Mais quand l'employeur recrutera de nouveaux salariés, le travail le dimanche et le 1er mai fera partie du contrat verbal. Ceux qui oseront dire qu'ils ne voudront pas travailler ces jours-là ne seront pas recrutés.
Mme la présidente. - Amendement identique n°4 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Marianne Margaté. - Le 1er mai revêt une symbolique particulière dans l'histoire du mouvement ouvrier international. Il appartient aux travailleurs, et c'est bien cela qui vous est insupportable. (Mme Annick Billon s'offusque.)
En commission, le rapporteur a parlé de prudence et d'équilibre. Pourtant, que trouvons-nous dans le texte ? Aux boulangers et fleuristes, vous ajoutez les commerces de bouche de proximité, les épiceries, les supérettes, les théâtres, les cinémas... C'est une remise en cause profonde du principe du 1er mai, dénoncée par les syndicats ; un passage en force sous couvert d'une urgence inexistante.
Le « bon sens », c'est un argument d'autorité qui ne signifie rien. C'est la négation du débat politique. Cela revient à faire passer des préjugés pour des vérités. Relevons le niveau.
Mme la présidente. - Amendement identique n°15 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je reviens sur la référence à Martine Aubry. En 1986, la dérogation concernait les activités ne pouvant être interrompues. Peu à peu, cette définition a été étendue : il s'agit aujourd'hui de répondre à de prétendus besoins du public. C'est pourquoi la Cour de cassation a dû rappeler la définition du 1er mai.
Si le tribunal de police a relaxé les boulangers, c'est qu'ils ont prouvé, je ne sais comment, qu'ils ne pouvaient pas interrompre le travail le 1er mai - donc qu'ils se sont pliés à la définition initiale. Ils n'ont pas invoqué un besoin du public.
Enfin, la majoration accordée le 1er mai n'est pas un doublement du salaire, mais une compensation pour ceux qui ne peuvent pas ne pas travailler ce jour-là, qui s'ajoute au maintien du salaire.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable. La notion de volontariat existe même lorsqu'il y a un lien de subordination, contrairement à ce que vous laissez entendre. (Mme Ghislaine Senée lève les yeux au ciel.)
Madame Lubin, je respecte vos convictions, mais je ne peux vous laisser dire que nous serions « gênés aux entournures ». Je ne m'exprime jamais sur les aspirations et les ressentis des autres - c'est l'étude de Bergson qui me l'a appris.
Nous avons élaboré un texte équilibré, qui respecte la fête du travail mais évite que le 1er mai signifie ville morte. Sans les abus de certains inspecteurs du travail, nous ne serions pas là sur ces bancs. Nous devons empêcher que des décisions abusives affectent la vie réelle. (Mme Charlotte Parmentier-Lecocq acquiesce.)
Madame Lubin, nous ne sommes en rien gênés, car nous sommes de bonne foi, figurez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap. - Même avis. Catherine Vautrin l'a rappelé, le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Sur le volontariat, il faut regarder la réalité en face ! Voyez comment a été appliqué le fameux volontariat pour le travail du dimanche. Le rapport de subordination est dissymétrique. L'employeur peut prendre des mesures de rétorsion en cas de refus d'un salarié de travailler ce jour ; c'est lui qui détermine les dates de congés annuels. Il lui est donc tout à fait possible d'imposer à ses salariés de travailler, même si le volontariat a été inscrit dans la loi.
M. Pascal Savoldelli. - On a entendu beaucoup de références historiques. J'en citerai une autre : « Le pain, la paix, la liberté ». Point de nostalgie, c'est d'actualité ! Ce slogan date de l'époque où il fallait faire barrage à l'extrême droite, combattre la misère et instaurer un régime de sécurité sociale, d'assurance vieillesse et maladie. Une belle référence !
À droite, vous avez une vision extensive, même morale, du volontariat. Mais les faits sont têtus : le travail dominical n'a entraîné aucune création d'emploi selon l'Insee ; le lien de subordination conduit à un chantage à l'embauche ou au maintien - on n'en parle pas assez. Le salarié qui refuse ce soi-disant volontariat risque de perdre son travail.
Je rappelle à Mme Puissat notre débat sur l'ubérisation du travail : pensez-vous à ceux qui n'ont ni contrat de travail, ni protection sociale, et qui ont dû nous livrer en pleine canicule ?
Mme Monique Lubin. - Si cette proposition de loi est adoptée, tous les commerces de bouche ouvriront, et pas seulement boulangeries et fleuristes !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Bien sûr !
Mme Monique Lubin. - Et vous prétendez que ce n'est pas une brèche dans le droit du travail ? Mais combien de salariés seront concernés ?
Martine Aubry évoquait les activités qui ne peuvent s'interrompre. Votre texte concerne les commerces de bouche ! On ne pourrait franchement plus s'en passer ?
Et arrêtez avec le volontariat, c'est du pipeau.
Vous objectez qu'il n'est pas question de mettre un pied dans la porte, mais l'un de vos collègues, en commission, a repris à son compte cette expression, en affirmant : oui, nous mettrons le pied dans la porte, et nous l'ouvrirons. Retraite à 65 ans, 36 à 37 heures de travail par semaine, on a bien compris ! C'est reparti !
Mme Annick Billon. - J'ai été salariée pendant dix ans et je ne me reconnais pas dans votre vision du travail. Je suis fière d'avoir déposé cette proposition de loi. Oui, au-delà des boulangers et fleuristes, c'est la vitalité de nos centres-bourgs que l'on garantit. On parle de 70 à 80 millions d'euros de chiffres d'affaires. C'est 400 euros de plus mensuels pour le salarié.
Je défends le 1er mai chômé, mais laissons aux artisans et aux salariés qui veulent travailler pour gagner plus la possibilité de le faire.
M. Daniel Chasseing. - Moi non plus, je ne me reconnais pas dans la description de la relation salariés-employeurs faite par nos collègues de gauche. Les employeurs respectent les salariés, et le volontariat. (Protestations à gauche)
Mme Ghislaine Senée. - Dans quel monde vivez-vous ? Un chômeur qui répond à une annonce ne prendra pas le risque de dire à son potentiel employeur qu'il ne travaillera pas le dimanche, surtout s'il a des enfants à nourrir, une famille à faire vivre... Dans la vraie vie, les gens doivent s'occuper de leurs enfants, les faire garder pour aller travailler le dimanche.
Franchement, vous croyez revitaliser nos centres-bourgs en autorisant le travail le 1er mai ? Ne faudrait-il pas plutôt travailler à des dispositifs pour valoriser le travail des artisans et des commerçants ?
M. Patrick Kanner. - J'ai demandé un scrutin public, car le moment est important : voilà un bon vrai débat droite-gauche, et ça fait du bien ! (Approbations à gauche) D'un côté, les progressistes, de l'autre, une tendance plus que réactionnaire. (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Michel Arnaud. - Caricatures !
M. Patrick Kanner. - N'ayez pas peur du mot, cela veut dire « revenir en arrière », et c'est ce que vous faites. Grâce à ce scrutin public, vous pourrez vous déclarer publiquement réactionnaires.
Je propose un autre titre : proposition de loi permettant aux employeurs d'obliger les salariés de certains secteurs à travailler le 1er mai. Ce scrutin a le mérite de clarifier les positions de chacun.
À la demande des groupes SER et CRCE-K, les amendements identiques nos3, 4 et 15 sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°338 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 106 |
Contre | 225 |
Les amendements identiques nos3, 4 et 15 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°8 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - Le lien de subordination n'est pas une insulte ; c'est ce qui définit la relation entre un employeur et un salarié.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Oui, c'est une subordination !
Mme Silvana Silvani. - Le code du travail régule ce lien. Le volontariat n'a pas de sens dans une relation salariale.
Nous devons protéger les salariés qui ne pourront pas refuser de travailler le 1er mai. Doublons donc leur indemnité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Olivier Henno, rapporteur. - La majoration s'élève déjà à 100 %, ce qui explique que les salariés sont volontaires pour travailler ce jour. Le montant est déjà élevé. N'allons pas au-delà, sauf en cas de négociations collectives. Avis défavorable.
J'ai entendu certains parler de progressistes, de réactionnaires... Vos propos témoignent d'une peur du travail, d'une forme de diabolisation (protestations à gauche). Un pays qui détesterait à ce point le travail n'a pas d'avenir (Mme Ghislaine Senée s'exclame) et risque de s'enfoncer dans la pauvreté.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Monique Lubin. - Monsieur le rapporteur, vous ne tolérez pas mes propos ? Je vous renvoie la balle : n'interprétez pas les miens. Personne n'a dit que nous n'étions pas favorables au travail. (Approbations à gauche)
Vous défigurez le 1er mai. Si votre texte était promulgué, le 1er mai ne serait plus qu'une caricature de lui-même. Et, de grâce, ne caricaturez pas mes propos !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ceux qui détestent le travail, ce sont les rentiers, ceux que vous favorisez ! (Marques d'approbation à gauche) Ce sont les travailleurs qui représentent le monde du travail.
Les inspecteurs du travail abuseraient quand ils font appliquer le droit du travail ? Comment peut-on tenir ces propos ?
Le déséquilibre est consubstantiel au lien de subordination ; c'est ce à quoi le code du travail tente de remédier, depuis le début du XXe siècle.
La majoration s'applique à ceux qui ne peuvent exercer leur droit individuel à ne pas travailler ; c'est une compensation. (On s'impatiente à droite.) Ce n'est pas l'occasion d'être payé double.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°17 rectifié bis de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Depuis quarante ans, boulangeries et fleuristes ouvrent le 1er mai sans que cela n'ait jamais posé problème. Patrick Kanner nous a qualifiés de réactionnaires. Au contraire, nous souhaitons donner un cadre précis et sûr à un point qui n'a jamais fait débat pendant quarante ans.
Mme la présidente. - Amendement n°5 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet amendement précise que l'acceptation du volontariat doit être faite par écrit et dans un délai d'un mois - ce afin d'empêcher les entreprises de refuser d'embaucher quelqu'un qui ne voudrait pas travailler le 1er mai.
Nous n'aimerions pas le travail ? Les salariés ont 364 jours pour travailler : le seul jour chômé, c'est le 1er mai !
Les gens que je rencontre me disent qu'ils n'ont pas le choix : ils sont obligés de travailler, car ils sont dans une situation de précarité. Une mère seule, en CDD dans un supermarché, à qui on fait miroiter un CDI si elle travaille le dimanche, n'a pas le choix. On la fait même culpabiliser, en lui disant que ses collègues devront travailler à sa place si elle refuse. C'est ça, le volontariat ? Allons ! Un peu de bonne foi !
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°17 rectifié bis. Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°5, car le délai d'un mois est abusif, et trop complexe pour les TPE.
Cette proposition de loi autorise simplement le fleuriste de ma commune à vendre le 1er mai, avec un ou deux salariés, car il aime son travail. Et le brin de muguet fait plaisir à toute la famille. (Marques d'exaspération à gauche)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Demande de retrait de l'amendement n°5 au profit de l'amendement n°17 rectifié bis qui précise utilement le texte.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous voterons cet amendement, qui est une tentative désespérée (Mme Charlotte Parmentier-Lecocq s'en amuse) de rendre effectif le volontariat. On sait ce qu'il en est pour les dérogations au repos dominical... Il est vain de penser que le volontariat s'exerce en toute liberté.
Mme Monique Lubin. - Si vous pensez que le volontariat sera respecté, pourquoi avoir déposé un tel amendement ? (Mme Jocelyne Guidez s'exclame.)
Je m'abstiendrai, car voter, c'est se résigner ; or je ne veux pas de ce texte. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
M. Pascal Savoldelli. - Arrêtez donc de dire que nous n'aimons pas le travail ! (Marques d'approbation à gauche) Oui, certains ont peur du travail : boule au ventre, stress - j'en ai connu, et vous aussi. C'est un problème de santé. Il faut prendre la question autrement. Ne nous attribuez pas cette peur politiquement.
La semaine passée, nous proposions de taxer les 1 700 ultrariches ; dès le lendemain, ce texte venait en commission (Mme Raymonde Poncet Monge acquiesce) pour déroger au code du travail.
Il y a un code du travail, mais pas de code du capital. Il existe pourtant un ouvrage sur le capital très intéressant. Lisez-le donc ! (Sourires à gauche)
Mme Silvana Silvani. - Vous dites que ceux qui ne travaillent pas le 1er mai n'aiment pas travailler ? (Mme Annick Billon proteste.) J'ai été salariée pendant de nombreuses années, j'aimais mon travail, et le 1er mai, j'étais avec mes collègues dans la rue.
Que tous les syndicats de travailleurs soient contre cette proposition ne vous gêne pas ; mais quand il s'agira de négocier l'indemnité, vous reviendrez à votre amour de la négociation collective. Cela devient difficile à suivre !
Je comprends la tentative d'apaisement formée par le contrat de volontariat, mais je ne l'accepterai pas.
M. Pascal Savoldelli. - Très bien !
Mme Ghislaine Senée. - Nous nous abstiendrons également. On entend nos collègues, la main sur le coeur, prêcher la simplification. Vous ne faites qu'ajouter un nouveau contrat et complexifier les choses.
Mme Annick Billon. - Pascal Savoldelli fait référence à la temporalité du texte. Le groupe UC, au moment du covid, a été l'un des seuls à vouloir taxer les superprofits, et il n'a pas été suivi. (Protestations à gauche) Le 1er mai arrivant, les syndicats de professionnels nous ont sollicités.
Préciser le texte, c'est éviter des interprétations. C'est le sens de cet amendement.
L'amendement n°17 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°5 n'a plus d'objet.
La séance est suspendue à 13 heures.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.
Accord en CMP
Mme la présidente. - La commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai (Procédure accélérée - Suite)
Discussion de l'article unique (Suite)
Article unique (Suite)
Mme la présidente. - Amendement n°10 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement supprime l'alinéa 5 qui autorise l'ouverture, le 1er mai, des établissements assurant la fabrication ou la préparation de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate - c'est-à-dire les boulangeries.
Toutes les boulangeries ferment un jour par semaine, preuve que la continuité de l'activité n'est pas un impératif. Pourquoi devraient-elles ouvrir particulièrement le 1er mai ? S'agit-il des artisans ou des grandes chaînes ? Des boulangeries rurales, ou celles des centres commerciaux périurbains ?
En réalité, on ouvre une brèche : la dérégulation finira par s'étendre à tout le champ de la consommation immédiate de produits alimentaires, fragilisant leurs salariés précaires. C'est la stratégie du pied dans la porte : demain, d'autres - les salons de coiffure, par exemple - demanderont à ouvrir au prétexte que les familles, en congé le 1er mai, ont le temps de consommer !
M. Olivier Henno, rapporteur. - Nous avons échangé nos arguments. Cet amendement dénature le texte. Avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis.
À la demande des groupes UC et Les Républicains, l'amendement n°10 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°339 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 226 |
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°11 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous supprimons l'alinéa autorisant l'ouverture des établissements dont l'activité exclusive est la vente de produits alimentaires au détail.
Il ne s'agit pas d'une simple régularisation des boulangers qui ont été condamnés...
Mme Annick Billon. - Puis relaxés !
Mme Raymonde Poncet Monge. - Oui, après avoir prouvé qu'ils ne pouvaient pas fermer, conformément à la loi !
Ici, vous élargissez le dispositif à tous ces commerces, de l'artisan à la grande chaîne, pour qu'ils puissent ouvrir de plein droit ; pour eux, le 1er mai n'existera plus. C'est la stratégie du pied dans la porte.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Monique Lubin. - Vous dites vouloir régulariser la situation des boulangers et fleuristes ; pourquoi ajouter autant d'autres secteurs ? Dites-nous combien de salariés seront concernés.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je précise que derrière les établissements visés par l'alinéa se cachent les épiceries. Or il n'y a jamais eu de tolérance pour ce secteur, que vous souhaitez mettre de plein droit à l'écart de la philosophie du 1er mai.
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°11 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°340 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l'adoption | 98 |
Contre | 226 |
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Derrière les « établissements dont l'activité répond à un besoin du public lié à un usage traditionnel propre au 1er mai » se cachent les fleuristes. Longtemps, c'est l'aubépine que l'on arborait à la boutonnière le 1er mai ; aujourd'hui, c'est le muguet, devenu un commerce.
Les représentants des fleuristes font campagne pour obtenir une dérogation permanente. Pourtant, rien n'interdit de vendre du muguet préparé la veille avec leurs salariés. Sans compter que la dérogation vise aussi les jardineries, qui vendent tout autre chose que du muguet ! Pourquoi faudrait-il une dérogation pour acheter un bonsaï le 1er mai ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Il grandit plus vite ! (Sourires)
Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est la stratégie du pied dans la porte : viendront ensuite d'autres secteurs se réclamant d'un prétendu « usage traditionnel » dans les fêtes locales qui se greffent sur le 1er mai.
N'allons pas à récompenser ceux qui ont déclaré qu'ils ne respecteraient pas la loi ; le législateur n'a pas à satisfaire des intérêts économiques particuliers, mais à protéger ce temps commun issu d'une longue histoire de luttes sociales.
Mme la présidente. - Amendement n°19 de M. Henno, au nom de la commission des affaires sociales.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Cet amendement sécurise le dispositif en excluant du périmètre les grandes surfaces, dont l'activité excède largement la vente de brins de muguet ou de biens culturels.
En délimitant clairement les exceptions, nous rendons plus difficile l'ouverture des grandes surfaces.
Mme la présidente. - Amendement n°13 de Mme de Marco et alii.
Mme Ghislaine Senée. - Cet amendement exclut du périmètre de la dérogation les établissements exerçant une activité culturelle. Vous portez une atteinte grave et manifeste au droit au repos et au droit à manifester, alors que les cortèges du 1er mai participent à la vie démocratique et sociale de la nation.
Il faut préserver les droits des salariés des établissements culturels, qui pâtissent de conditions de travail dégradées, notamment dans les musées ; leur droit au repos est d'autant plus justifié. Sur 17 000 agents de musées publics, 76 % ne sont pas titulaires ! La fermeture de ces établissements est l'occasion pour nos concitoyens de s'ouvrir à des pratiques culturelles non marchandes ou de redécouvrir la nature.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos12 et 13, qui dénaturent le texte.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Avis défavorable aux amendements nos12 et 13 ; avis favorable à l'amendement n°19 du rapporteur qui apporte d'utiles précisions.
Mme Monique Lubin. - Pour délimiter aux mieux les dérogations et éviter d'ouvrir la boîte de Pandore, monsieur le rapporteur, il suffit de ne pas voter le texte !
Ce sont toujours les mêmes - les salariés mal payés des petits commerces - qui travaillent les jours fériés et les dimanches, pour le confort de ceux qui chômeront le 1er mai et qui veulent pouvoir continuer à consommer. Est-ce là votre philosophie ? Je trouve cela injuste.
Mme Raymonde Poncet Monge. - On ne peut se contenter de la fermeture des hypermarchés, car Auchan ou Carrefour ont déjà des supérettes partout. Rien n'empêchera le salarié d'un hypermarché de travailler dans les supérettes ; rien n'empêchera Carrefour de vendre du muguet... (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
N'allez pas invoquer la défense des commerces de proximité alors que vous avez favorisé l'implantation des hypermarchés !
Mme Annick Billon. - Le groupe UC votera contre les amendements nos12, 13, 16 et 7, et pour l'amendement du rapporteur qui précise et sécurise le texte.
Oui, les syndicats nationaux s'opposent à ce texte, mais ce n'est pas le cas des syndicats professionnels - sauf qu'ils ne peuvent le dire, sous la menace des premiers. (Protestations à gauche ; Mme Monique Lubin se gausse.)
Nous aussi sommes légalistes : je rappelle que la vente du muguet dans l'espace public est totalement illégale. Ces vendeurs viennent concurrencer les fleuristes et ne respectent pas la loi.
Madame Lubin, nos visions du monde du travail sont irréconciliables ; j'ai été salariée, comme beaucoup d'autres ici, et je n'ai jamais vécu le monde du travail comme vous nous le décrivez.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Chers collègues, je vous trouve bien empressés de faire passer ce texte avant le 1er mai.
Mme Annick Billon. - Le 1er mai est passé !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Les salariés défileraient-ils dans les rues pour demander à travailler le 1er mai ? J'aurais aimé voir le même empressement pour la taxe Zucman - contre laquelle vous avez voté.
Vous cassez le code du travail. Déjà, quatre Carrefour Market ouvrent le 1er mai. Demain, ce seront les grandes surfaces, du moment qu'elles vendent du muguet !
Mme Annick Billon. - Mais non !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Et puis il faudra bien ouvrir crèches et écoles pour garder les enfants des salariés qui travaillent le 1er mai.
Vous ouvrez la boîte de Pandore ; il vous est insupportable que cette journée soit payée et chômée.
Mme Annick Billon. - C'est faux !
M. Pascal Savoldelli. - Je réagis aux propos de Mme Billon, qui dit que les organisations syndicales locales s'opposent aux syndicats nationaux. (Mme Annick Billon le confirme.) On voit là votre belle conception des négociations collectives... Bravo !
À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°12 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°341 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l'adoption | 105 |
Contre | 226 |
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
L'amendement n°19 est adopté.
L'amendement n°13 n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°16 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - La volonté des employeurs de déroger au droit du travail n'est pas nouvelle : en 2009, la loi Maillé a assoupli la loi du 13 juillet 1906 instituant le repos dominical, puis la loi Macron de 2015 a étendu les possibilités d'y déroger.
Le lien de subordination entre salarié et employeur rend la notion de volontariat illusoire. Bonne chance à un salarié en CDD pour passer en CDI s'il refuse de travailler le dimanche ou le 1er mai !
Le texte limite l'ouverture à quatre secteurs, mais demain ? L'élargissement pourra se faire par décret. C'est pourquoi nous demandons la consultation des organisations syndicales représentatives avant la publication du décret.
Mme la présidente. - Amendement n°7 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Certains font pression pour élargir la dérogation aux hypermarchés, aux entreprises d'ameublement qui font de la restauration, ou encore aux salles de sport.
Cet amendement de repli prévoit la consultation des organisations syndicales représentatives préalablement à la publication du décret.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Les organisations syndicales et patronales représentatives sont toujours consultées en vue du décret. L'amendement est superfétatoire ; retrait sinon avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis. L'amendement est satisfait, cette consultation est bien prévue.
L'amendement n°16 est retiré, de même que l'amendement n°7.
Mme la présidente. - Amendement n°9 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Tous nos amendements sont rejetés et en plus, nous retirons les autres !
Nous avions fait le pari du dialogue parlementaire.
Le rapporteur nous ayant dit vouloir exclure les supermarchés des dérogations prévues, nous demandons à sortir de cette zone d'ombre en excluant explicitement les commerces intégralement automatisés, qui emploient quand même au moins un vigile. Voyons un peu votre esprit d'ouverture !
M. Olivier Henno, rapporteur. - Amendement ubuesque : par définition, si c'est totalement automatisé, il n'y a pas de salarié. (On le conteste à gauche.) Nous sommes hors du champ du code du travail. Avis défavorable.
Si votre préoccupation est d'exclure les hypermarchés et les supermarchés, la proposition de loi y pourvoit. (Mme Annick Billon le confirme.) Cet amendement est inutile.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il y a forcément des salariés dans ces entreprises. Elles peuvent certes contourner l'interdiction si le vigile est autoentrepreneur, statut que vous avez encouragé... Les usines sans hommes n'existent pas. N'entretenons pas l'illusion d'un magasin tout automatisé, sans présence humaine. Dans les faits, des personnes travaillent, il faudrait donc vérifier si ce sont ou non des salariés.
M. Pascal Savoldelli. - Je souhaiterais avoir une explication de Mme la ministre sur les entreprises automatisées. Le vigile ou la personne qui ouvre et ferme le magasin sont-ils volontaires ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Je confirme les propos du rapporteur. Il n'y a aucune crainte à avoir, vous pouvez retirer votre amendement.
M. Pascal Savoldelli. - Vous n'apportez aucun argument ! Je maintiens mon amendement, car j'estime ne pas avoir eu de réponse.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Les entreprises de plus de 50 salariés disposent d'un comité social et économique (CSE) qui doit être consulté, notamment sur la politique sociale de l'entreprise.
L'employeur présente au CSE les rapports relatifs à la santé et à la sécurité au travail. Nous souhaitons y inclure un bilan chiffré sur le recours au volontariat le 1er mai - nombre de salariés, postes occupés, répartition par genre, montants des indemnités.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Notre objectif est d'empêcher que les supermarchés et hypermarchés ouvrent le 1er mai - donc, les entreprises de plus de 50 salariés.
Avis défavorable. N'allons pas faire peser de nouvelles charges administratives sur les TPE.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Cet amendement, comme le précédent, est un peu ubuesque. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Silvana Silvani s'en défendent.) Il n'y a pas de boulangeries ou de fleuristes dotés de CSE ! Inutile d'alourdir encore les charges administratives. De même, aucun salarié ne travaillera le 1er mai dans des entreprises entièrement automatisées.
Mme Monique Lubin. - Qui remplit les casiers ?
Mme Corinne Féret. - Vous affirmez que beaucoup de salariés seraient volontaires pour travailler le 1er mai, car ils sont mieux rémunérés. Permettez-moi de m'interroger. Dans un rapport de subordination tel que le contrat de travail, le volontariat n'existe pas : il est contraint. Ceux qui refuseraient de travailler le dimanche ou le 1er mai s'exposent à un licenciement, ou à ne pas être recrutés.
Ne devrait-on pas aborder le problème différemment ? Si les salaires permettaient de vivre dignement, ce faux volontariat disparaîtrait.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme Corinne Féret. - Après avoir réduit de deux ans la vie à la retraite, le Gouvernement soutient cette proposition de loi qui remet en cause la spécificité même du 1er mai. Seul jour férié obligatoirement chômé, il commémore la journée internationale de lutte pour le droit des travailleurs ; le remettre en cause, c'est renier cent ans de luttes sociales.
Nous examinons cette proposition de loi en procédure accélérée, qui plus est en session extraordinaire. Comprenez que je m'interroge...
Nous voterons évidemment contre cet article unique.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Aux collègues du centre et de la droite qui croiraient de bonne foi qu'on peut remettre en cause le 1er mai un petit peu, et même si la restriction apportée par le rapporteur est bienvenue : ce n'est pas possible !
Ceux qui travaillent le 1er mai ne sont pas volontaires ; ils y sont obligés parce qu'ils travaillent dans des industries qui ne peuvent s'arrêter, comme les raffineries, ou dans les services publics. Accoler volontariat et 1er mai est un contresens.
La majoration de salaire qu'ils reçoivent n'est pas comparable à celle des heures supplémentaires, c'est une compensation du fait qu'ils auraient dû chômer. Dès qu'on met un pied dans la porte, il y a remise en cause.
À la demande du groupe Les Républicains, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°342 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l'adoption | 225 |
Contre | 107 |
L'article unique, modifié, est adopté.
(Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
Intitulé de la proposition de loi
Mme la présidente. - Amendement n°14 de Mme Poncet Monge et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous souhaitons un titre plus juste, qui ne soit pas inversé, car en réalité, il s'agit bien de permettre aux employeurs de faire travailler leurs salariés le 1er mai. Nous ne saurions cautionner l'idée que des masses de salariés demandent à travailler, alors que tout le monde chôme et que les services publics sont fermés. Pourquoi la droite ne s'inquiète-t-elle pas de l'articulation entre vie professionnelle et familiale ?
Il serait plus honnête de souligner que le demandeur, c'est le patronat ! Les représentants des salariés sont unanimement contre. Le seul objectif est d'augmenter le chiffre d'affaires pendant que les autres commerces sont fermés.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable : cela dénaturerait l'intention des auteurs. (Mme Évelyne Corbière-Naminzo ironise.)
Nous l'avons répété : l'ouverture le 1er mai est circonscrite à quatre secteurs seulement, à l'exclusion des moyennes et grandes surfaces, et repose sur le volontariat des salariés, qui n'est en rien incompatible avec le lien de subordination.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Monique Lubin . - Tout cela est un peu triste... Sous couvert d'aider deux professions qui auraient besoin d'ouvrir leur commerce le 1er mai - droit que nous ne leur contestons pas - mais surtout de faire travailler leurs salariés, vous ouvrez la porte à des dérogations en faveur des commerces, comme si c'étaient eux qui régissaient notre vie de citoyens.
Certains salariés bénéficieront des acquis des luttes sociales parfois sanglantes du XXe siècle ; d'autres, abandonnés à leur triste sort, devront travailler pour que les autres puissent profiter de la vie. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
La France va mal, dites-vous ? Il faudrait travailler plus pour renflouer les caisses de l'État ? Mais c'est toujours aux mêmes qu'on demande de faire des efforts pour combler les déficits ! Nous voterons contre ce texte.
M. Daniel Chasseing . - Le 1er mai marque la fête du travail et du mouvement social qui a progressivement équilibré les droits des employés et des employeurs.
Le périmètre du texte est précis ; le volontariat est garanti grâce à l'amendement de Mme Billon. Ce texte n'ouvre pas la boîte de Pandore, mais permet aux fleuristes et boulangers d'ouvrir le 1er mai. Dans ces petites entreprises, entre les employeurs et les salariés, c'est plus souvent la solidarité qui règne que le conflit perpétuel. (Mme Ghislaine Senée lève les bras au ciel.) Nous voterons ce texte.
Mme Silvana Silvani . - Je relève quelques glissements sémantiques qui ne sont pas anodins. Vous parlez d'insécurité juridique ; mais quand on transgresse la loi, on n'est pas en insécurité juridique, on est hors la loi, c'est tout !
Vous répétez à l'envi le mot de volontariat ; mais il est inapproprié dans une relation professionnelle encadrée par un contrat de travail. Répéter ce mot ne nous y fera pas croire davantage.
Personne n'est dupe de la manoeuvre. Vous vous cachez derrière quelques artisans, qui ont par ailleurs tout notre respect (Mme Pascale Gruny proteste), mais leurs propos sont bien plus nuancés que vous ne le prétendez.
Un point positif cependant : le parfait accord entre la droite sénatoriale et le Gouvernement, qui s'expriment d'une même voix - je dirais même d'un même texte. Nous voterons contre.
M. Pascal Savoldelli . - Franchement ! On ne peut pas acheter son pain la veille du 1er mai ? Dans mon enfance, j'avais les yeux qui s'écarquillaient quand ma grand-mère nous faisait du pain perdu ! (Sourires) Eh oui, notre patrimoine culinaire regorge de recettes utilisant du pain rassis. Ne nous vendez donc pas un besoin de pain frais tous les matins à l'aide de références patrimoniales !
Aucun amendement de la gauche n'a été adopté. (Mme Pascale Gruny se gausse.)
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous avez donc décidé vos propres exceptions. Vous vous réclamez de la liberté de travailler, mais, en ajoutant des exceptions aux exceptions, vous créez un nouveau code du travail. (Mme Monique Lubin le confirme.) Il est grand temps d'écrire un code du capital !
Mme Ghislaine Senée . - Cela fait quarante ans que fleuristes et boulangers ouvraient le 1er mai sans leurs salariés, qui chômaient. Et en 2025, ce serait devenu impossible ? Pourquoi réclament-ils que leurs salariés viennent travailler ? Parce qu'ils ont des difficultés économiques. C'est sur ce terrain qu'il faut apporter des réponses, pas en piétinant le seul jour chômé existant en France.
La proposition de loi prétend « permettre » aux salariés de travailler le 1er mai, comme s'ils étaient beaucoup à le réclamer. En réalité, c'est la pire régression sociale que le Sénat s'apprête à voter ! Je trouve cela désespérant : ce cynisme qui décrédibilise la parole politique me heurte profondément.
M. Patrick Kanner . - Madame Billon, pour vous, j'ai vérifié dans le dictionnaire la définition du terme « réactionnaire », qui vous a émue. « Politique prônant et mettant en oeuvre un retour à une situation passée, réelle ou fantasmée, en révoquant une série de changements sociaux ou sociétaux. » Ce n'est pas une insulte ; c'est ce que fait la proposition de loi Billon-Marseille, que notre histoire sociale retiendra comme telle.
Vous parlez de volontariat - mais que vaut-il face au renard libre dans le poulailler libre ?
M. Savoldelli a évoqué le pain perdu ; on peut parler aussi des congélateurs... Certes le pain congelé est moins bon, mais cela vaut-il de sacrifier le 1er mai ?
Cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire, qui se terminera en feu d'artifice en fin de semaine prochaine avec la future loi Dati.
Vous vouliez aller vite - le Gouvernement a demandé l'urgence... Allez vite, parce qu'à ce rythme, la censure est en vue !
Mme Pascale Gruny. - Ici, il n'y en a pas.
Mme Monique Lubin. - Et pas que la censure !
Mme Annick Billon . - Naturellement, nous n'allions pas voter des amendements supprimant l'article unique d'une proposition de loi que nous sommes fiers de porter et qui n'est pas réactionnaire, puisqu'elle permet à des boulangers et des fleuristes de continuer à ouvrir le 1er mai. (Mme Monique Lubin proteste.)
Je remercie le rapporteur d'avoir sécurisé le texte.
Nous sommes attachés au 1er mai, férié et chômé, mais les fleuristes et les boulangers doivent pouvoir ouvrir. Notre pays compte 35 000 artisans boulangers, qui travaillent, de même que les salariés. Jusqu'en 2022, ce statu quo n'a ému personne. Depuis les quelques verbalisations qui ont eu lieu, la profession se sent en danger. Hervé Marseille et moi voulions donc apporter des solutions. (Mme Silvana Silvani proteste.)
J'espère que ce texte sera voté. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le 1er mai n'est pas la fête du travail ; c'est la fête des travailleurs - des hommes et des femmes qui se lèvent tous les matins pour aller bosser. C'est un conquis social.
Ce débat est éclairant sur nos différences de visions : ce fut un débat idéologique entre la droite et la gauche. Vous défendez une vision libérale : après la réforme des retraites, après votre tentative de faire travailler les salariés sept heures de plus, vous continuez à casser le droit du travail. Ce jour férié chômé et payé vous est insupportable.
À vous entendre, nous serions dans un monde de Bisounours : le salarié pourrait être volontaire... (M. Laurent Burgoa s'impatiente.)
Mais ce n'est pas la réalité !
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Ce qui se passe aujourd'hui est grave. Vous abîmez un monument, un patrimoine, un héritage de l'histoire sous prétexte d'un volontariat hypocrite.
En effaçant la symbolique du 1er mai, vous servez un objectif très clair : l'intention de convaincre tous les travailleurs qu'ils n'ont pas le choix et que leurs droits sont en voie d'extinction.
Une fois que vous aurez voté ce texte, vous devrez modifier les manuels d'histoire : « en 2025, les droits des travailleurs ont posé problème au Gouvernement. » (Mme Jocelyne Guidez s'exclame.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
Mme Pascale Gruny. - C'est faux !
Mme Corinne Féret . - Cette proposition de loi est effectivement la pire des régressions sociales. Après avoir tenté de faire travailler les salariés sept heures supplémentaires sans rémunération en invoquant le bénévolat, vous remettez en cause le 1er mai chômé en parlant de volontariat. Vous le réfutez, mais c'est pourtant bien ce que vous faites !
Les boulangers et les fleuristes vont enfin pouvoir ouvrir, dites-vous ? Mais ils le peuvent déjà - sans salariés. (M. Daniel Chasseing proteste.) La loi est faite pour protéger, mais vous préférez modifier une loi protectrice pour éviter des sanctions à certaines entreprises ! Ou je n'ai pas compris le rôle des parlementaires, ou on marche sur la tête ! (Mmes Annick Billon et Pascale Gruny ironisent.)
À la demande du groupe UC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°343 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 228 |
Contre | 112 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet.
Discussion générale
Mme Nadège Havet, auteure de la proposition de loi . - Cette proposition de loi répond à une double interpellation : de Mme Rousseau, présidente de l'association La Cour des Grands 75, qui conçoit à travers sa structure des parcours inclusifs pour adolescents et adultes autistes, et de Mme Boucharé, fondatrice et présidente de l'association Graine d'autodétermination, située à Brest et spécialisée dans le domaine des troubles du spectre de l'autisme depuis vingt ans.
Elles sont présentes en tribune et je les en remercie ; elles ont développé des parcours spécifiques pour les jeunes éloignés de l'emploi ; elles ont eu recours au contrat de professionnalisation expérimental prévu par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et m'ont demandé, en fin d'année dernière, sa pérennisation, avec trois autres associations : Créative Handicap, Afuté, CFA KMK Conseil et formation.
Cet outil, temporaire, est une déclinaison du contrat de professionnalisation créé par la loi du 4 mai 2004. Plus souple, il s'adresse aux personnes les plus éloignées du monde du travail : jeunes de 16 à 25 ans, demandeurs d'emploi, allocataires du RSA de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou titulaires du contrat unique d'insertion.
Son objectif : permettre aux salariés d'acquérir des compétences spécifiques définies en concertation avec l'employeur et l'organisme de formation. Il n'est plus question de valider une certification professionnelle totale, mais de valider un ou plusieurs blocs de compétences identifiés. Neuf des onze opérateurs de compétences (Opco) l'ont mobilisé.
Ces parcours de formation plus professionnalisés devaient prendre fin en décembre 2023, mais ont été prolongés jusqu'en décembre 2024. Résultat : nous sommes dans une zone de carence, alors que près de 8 400 entreprises ont recruté via ce dispositif et que 33 356 contrats ont été conclus. Plus de 46 % des bénéficiaires sont des demandeurs d'emploi de plus de 26 ans et plus de 44 % sont des jeunes de 16 à 25 ans. Ces contrats ont contribué à réinsérer par l'emploi, dans la lignée des politiques de soutien au travail menées depuis 2017.
Les tensions de recrutement ont conduit des entreprises à recruter des salariés à qui il manque une partie des compétences nécessaires. Un contrat de professionnalisation élargi aux blocs de compétences les sécuriserait.
Le rapport d'évaluation transmis par le Gouvernement fait le même constat d'une expérimentation concluante. Il recommande de promouvoir ce dispositif auprès des branches professionnelles et des Opco. Reste la question du financement. De nombreux acteurs, notamment finistériens, sont inquiets et souhaitent que ces contrats soient sanctuarisés. Il y en a eu dans toutes les régions - 15 % dans les Hauts-de-France et en Île-de-France et 5 % en Bretagne, par exemple.
Pérennisons donc le contrat de professionnalisation expérimental. Merci au rapporteur et à la commission, et à vous, madame la ministre, pour votre engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Ce texte pérennise un dispositif soutenu par le Sénat, qui permet de recourir au contrat de professionnalisation dans des conditions assouplies.
Le contrat de professionnalisation permet le recrutement d'un salarié éloigné de l'emploi, qui bénéficie d'une formation débouchant sur une certification. Ce contrat est plébiscité par les employeurs, mais aussi par les salariés. En 2024, près de 87 000 contrats ont été conclus, avec une prise en charge par les Opco à hauteur de 1 milliard d'euros. Une aide à l'embauche est aussi versée, d'un montant de 2 000 euros par contrat à 7 000 euros pour un adulte handicapé.
La loi du 5 septembre 2018 a ouvert une expérimentation d'une durée de deux ans pour recourir à ces contrats dans des conditions assouplies. Alors qu'ils devaient en principe déboucher sur une certification globale, l'employeur pouvait s'affranchir de cette condition pour répondre à ses besoins.
Cette expérimentation a été prolongée jusqu'en décembre 2023 par la loi du 17 octobre 2020, puis jusqu'en décembre 2024, par le biais d'un courrier de Catherine Vautrin à France Compétences.
Quel est le bilan de cette expérimentation ? Le rapport d'évaluation est sans ambiguïté : ce dispositif complète utilement les outils à la disposition des employeurs. Je regrette toutefois qu'il n'ait pas été communiqué en amont - ou très tardivement - ni présenté officiellement au Sénat au bénéfice de tous.
Pour autant, plus de 35 000 contrats ont été conclus entre 2018 et 2023, soit 4 % des contrats de professionnalisation. Nulle prédation des contrats de professionnalisation classiques, donc.
Les organisations patronales se réjouissent de cette souplesse, particulièrement utilisée dans l'agroalimentaire, les mobilités ou l'industrie.
La commission des affaires sociales a souligné que les employeurs avaient joué le jeu. Le contrat de professionnalisation expérimental n'était pas un contrat au rabais : les CDI ont représenté 58 % des contrats signés.
Il a été apprécié par les secteurs en tension qui ont pu former des salariés volontaires à la spécificité de leur activité, mais aussi par les entreprises ne trouvant pas de profil adapté au poste ou pour lesquelles aucune formation unifiée n'existe du fait de la spécificité du poste.
Ce texte pérennise un dispositif autour d'un ou plusieurs blocs de compétences ; cela me semble souhaitable, car cela favorise l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi et l'individualisation des parcours. Certains Opco n'ont pas souhaité avoir recours au contrat de professionnalisation expérimental, craignant l'instabilité. Une pérennisation étendrait le public des bénéficiaires.
Le dispositif de la proposition de loi ne reprend pas exactement le périmètre de l'expérimentation, qui était plus permissive, puisqu'elle définissait une formation en accord avec tous les acteurs. Certaines branches professionnelles, à l'instar de la métallurgie, s'en sont émues. La restriction prévue par la loi est toutefois nécessaire. D'une part, moins de 20 % des contrats n'entrent pas dans le périmètre de la loi, d'autre part, rien n'empêche les branches concernées de faire émerger de nouveaux certificats professionnels de branche. Enfin, évitons les rares cas où le contrat a été utilisé à d'autres fins.
Ce texte est un exemple concret d'une politique testée et évaluée : je vous invite donc à l'adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Le contrat de professionnalisation expérimental créé par la loi du 5 septembre 2018 s'adressait prioritairement aux personnes les plus éloignées du marché du travail, notamment les personnes en situation de handicap. Plus souple que le contrat de professionnalisation de droit commun, il avait pour but de personnaliser le parcours de formation et d'apporter une réponse rapide au bénéficiaire et à l'employeur. En effet, il a été conçu pour que le bénéficiaire acquière un ou plusieurs blocs de compétences spécifiques d'une certification et non l'entièreté.
Après avoir été prolongée, l'expérimentation a pris fin le 31 décembre 2024. Cette proposition de loi la rétablit et la pérennise, conformément au souhait du Gouvernement. En effet, cet outil a rencontré son public : plus de 35 000 contrats ont été conclus au cours des cinq années d'expérimentation au sein de 8 000 entreprises ; neuf Opco sur onze l'ont déployé. C'est une réussite.
Ce contrat vise des publics prioritaires, dont les 16-25 ans, à qui il propose un emploi stable et dont il favorise l'insertion professionnelle.
Les résultats sont positifs, selon les données de l'Opco Atlas qui a recensé, chez les bénéficiaires de ce contrat, 79 % de salariés en CDI ou en CDD de plus de six mois.
Ce contrat répond aux besoins de recrutement, en raccourcissant les parcours de formation. Sa souplesse offre aux bénéficiaires une insertion par l'emploi et offre aux entreprises les compétences qu'elles cherchent.
Le Gouvernement est favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)
M. Olivier Henno . - La proposition de loi est simple dans sa rédaction, mais sa portée est essentielle. Le contrat de professionnalisation expérimental n'est pas un dispositif de plus, mais un outil concret d'insertion, un levier efficace de retour à l'emploi, une réponse pragmatique aux besoins des entreprises et des demandeurs d'emploi. Il s'adresse aux personnes les plus éloignées du marché de travail. Il est flexible, adaptable, centré sur les compétences réelles.
Ce contrat cible un ou plusieurs blocs de compétences, répondant à des besoins concrets identifiés sur le terrain.
Plus de 35 000 contrats ont été signés en cinq ans : c'est autant de chances données à des personnes qui n'avaient pas trouvé leur place dans le système classique, pour 45 % des demandeurs d'emploi de plus de 26 ans et pour 44 % des jeunes de 16 à 25 ans. C'est un outil de justice sociale et d'égalité des chances, mais pas seulement. De nombreux secteurs peinent à recruter, faute de candidats possédant toutes les compétences attendues. Ce contrat sécurise le recrutement de personnes motivées tout en leur donnant la possibilité de compléter leurs compétences de façon ciblée, progressive et opérationnelle. C'est un outil apprécié tant par les employeurs que par les salariés.
Dans le Nord, de nombreux responsables d'organismes de formation, de missions locales ou d'agences de Pôle emploi m'ont dit leur attachement à ce contrat et leurs inquiétudes sur son avenir. Le flou est source de blocage, voire de renoncements. Comment construire des parcours de formation sérieux si le dispositif n'a pas vocation à être renouvelé ? Ce texte répond donc à une insécurité juridique et à une incertitude opérationnelle. Il ne s'agit ni de généraliser ce contrat à tout-va ni de détricoter d'autres dispositifs, mais de sanctuariser un outil éprouvé, apprécié et équilibré en lui donnant une base légale.
Certains objectent qu'un contrat supplémentaire n'est pas utile ; mais il comble une lacune, s'adressant à un public bien identifié, ni tout à fait débutant, ni tout à fait opérationnel. Ce contrat offre des parcours modulaires, progressifs, compatibles avec des parcours de vie complexes. Il s'appuie sur une logique de compétences, qui est celle du monde du travail, et non sur des titres ou des diplômes.
Ne soyons pas frileux. Faisons preuve de cohérence, de stabilité et de confiance. Envoyons un signal positif à ceux qui se forment et à ceux qui font le pari de l'inclusion et de la transmission. Cette proposition de loi ne coûte rien à l'État mais pérennise une expérimentation réussie, faisant oeuvre d'utilité sociale et d'efficacité économique.
Nous ne pouvons pas laisser tomber un outil qui fonctionne alors que le plein emploi est un objectif national et que les transitions professionnelles s'accélèrent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Philippe Mouiller. - Bravo !
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Selon une étude de la Dares de 2022, les effets de la formation sur la réinsertion professionnelle sont plus élevés pour les personnes éloignées de l'emploi, notamment les demandeurs d'emploi depuis plus d'un an.
Le contrat de professionnalisation vise une certification professionnelle. Le contrat créé par la loi de 2018 prévoit une formation qui ne porte que sur un ou plusieurs blocs de compétences d'une certification, et non son intégralité. Le RDPI propose de le pérenniser.
L'évaluation de l'expérimentation n'a pas été rendue publique - même si le rapporteur y a eu accès. Si le bilan est globalement positif, avec 35 000 contrats conclus entre 2018 et 2023, dont 58 % de CDI, pourquoi cette absence de transparence ? Cette dissimulation empêche le contrôle budgétaire du Parlement, alors que les entreprises concernées cumulent aides à l'apprentissage et exonérations de cotisations dites Fillon. Je rappelle que les réductions générales de cotisations patronales ont atteint 27,4 milliards d'euros en 2025, ce qui aggrave le déficit de la sécurité sociale.
Sous prétexte d'insertion professionnelle des plus éloignés de l'emploi, les entreprises cherchent l'employabilité la plus précise au détriment des certifications. Dans le Centre-Val de Loire, les employeurs et les Opco proposent des contrats de professionnalisation sur la valorisation des déchets pour compléter les certifications des métiers de cuisinier et de commis de cuisine. Comment voulez-vous qu'un jeune valorise ce bloc de compétences dans un autre métier ?
Enfin, on ne sait pas si les personnes les plus éloignées de l'emploi ont bénéficié d'un maintien dans l'emploi durable.
Le groupe CRCE-K s'abstiendra.
Mme Ghislaine Senée . - Nous examinons une proposition de loi gouvernementale, un projet de loi déguisé qui passe outre l'étude d'impact du Conseil d'État. Comment légiférer sans éléments d'évaluation ? Un rapport a été rédigé, mais non rendu public. C'est bien dommage. Nous, écologistes, avons un a priori positif sur ce contrat qui offre des formations sur mesure et facilite les embauches. Nous en recevons des échos positifs sur nos territoires. Pourquoi le rapport gouvernemental qui justifie la pérennisation de ce dispositif ne nous a-t-il pas été transmis ? Sont-ce de bonnes conditions pour juger de l'opportunité d'une telle pérennisation ?
Quitte à voter au petit bonheur la chance, nous aurions préféré examiner la proposition de loi du député Stéphane Viry sur la pérennisation des territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), qui a fait l'objet d'une étude de la Cour des comptes, même si je déplore l'absence d'analyse coûts-bénéfices.
J'ai peur que nous participions cet après-midi à une course à la sanctuarisation de dispositifs qui ont fait leurs preuves, que nous essayons de glisser dans la loi avant le couperet budgétaire. C'est dommageable.
Alors que l'on en appelle à la simplification, la dynamique est au contraire à la complexification.
L'accès à l'emploi pérenne de ceux qui en sont le plus éloignés devient de plus en plus difficile. Depuis 2024, les coupes et gels budgétaires sur la mission « Travail et emploi » ont été massifs : 3 milliards d'euros inscrits en loi de finances initiale n'ont pas été exécutés l'an dernier et 1,7 milliard d'euros d'économies ont été réalisées sur la mission dans la loi de finances pour 2025.
Il faut veiller à ne laisser personne au bord du chemin.
Sans évaluation, sans chiffre, nous ne pouvons pas émettre d'avis éclairé. Nous nous abstiendrons.
Mme Corinne Féret . - Le contrat de professionnalisation expérimental s'adresse aux personnes les plus éloignées de l'emploi. Il repose sur un parcours individualisé, coconstruit entre l'entreprise, l'Opco et le salarié, adapté aux spécificités du poste à pourvoir. Il permet à une entreprise de recruter un alternant en le formant à ses besoins. Il s'adresse aux mêmes publics que le contrat de professionnalisation classique, notamment aux jeunes de 16 à 25 ans révolus et aux bénéficiaires du RSA. Le contrat de professionnalisation peut être conclu sous la forme d'un CDD de 24 mois ou d'un CDI incluant une action de professionnalisation de 6 à 12 mois. Le contrat doit alterner entre formation et mise en situation professionnelle, sous la responsabilité d'un tuteur. Plus de 35 000 contrats de professionnalisation ont été conclus entre 2018 et 2023, soit 3,8 % des contrats de professionnalisation ordinaires de cette période. L'expérimentation a été prolongée deux fois, jusqu'au 31 décembre 2024.
L'article 28 de la loi de 2018 prévoyait la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, mais rien n'a été rendu public : seul le rapporteur en a pris connaissance. La transmission préalable de rapports d'évaluation n'est pas une option, mais participe du bon fonctionnement de la démocratie.
Le groupe SER s'était opposé à la loi et cette expérimentation n'a pas fait ses preuves. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Daniel Chasseing . - Fruit d'un accord national interprofessionnel (ANI) de 2003, le contrat de professionnalisation a été instauré en 2004, pour favoriser l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi. Il permet à son bénéficiaire d'alterner entre des périodes de formation et de travail en entreprise, combinant un parcours avec une certification. Son bénéficiaire perçoit entre 55 % et 100 % du Smic.
En 2018, la flexibilité du contrat professionnel a été accrue, avec la mise en place d'une expérimentation permettant de ne valider qu'un bloc de compétences.
Le paradoxe du marché du travail français est d'allier chômage et pénurie de travailleurs.
Le contrat de professionnalisation expérimental permet aux employeurs de former des salariés sur des compétences précises, répondant ainsi au souci principal de qualification.
Ainsi, les personnes éloignées de l'emploi peuvent accéder à un poste.
Ce contrat, qui concerne également les 16-25 ans, connaît un vrai succès dans le secteur des mobilités et de l'agroalimentaire.
Ce contrat représente près de 4 % des contrats de professionnalisation. Il serait pertinent de le promouvoir : il doit être encore mieux connu des entreprises et de ceux qui sortent de l'école sans formation.
Il faut adapter en permanence les dispositifs existants pour qu'ils répondent aux besoins du terrain.
La validation de blocs de compétences ne rivalisera jamais avec une certification complète, mais l'objectif est de permettre l'insertion professionnelle des personnes les moins qualifiées. Le groupe Les Indépendants votera pour la pérennisation de ce contrat expérimental. (Applaudissements sur les travées du RDPI.)
M. Philippe Mouiller. - Bravo !
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le contrat de professionnalisation expérimental, instauré dans la loi de 2018, a pris fin le 31 décembre 2024, à mon grand regret, pour des raisons budgétaires. Contrairement au contrat de professionnalisation classique, il vise l'obtention, non d'une certification, mais de blocs de compétences spécifiques.
Le parcours de formation est davantage personnalisé ; les bénéficiaires acquièrent des compétences nécessaires à l'entreprise. Le contrat de professionnalisation expérimental est utile pour les secteurs en tension, pour les entreprises qui ne trouvent pas les profils adéquats ou qui ne disposent pas de formation unifiée.
Le succès est tel que des Opco veulent le sanctuariser, tandis que d'autres n'ont pas franchi le pas, en raison du caractère instable d'une expérimentation ; ils pourraient y recourir s'il était pérennisé.
Je regrette que le texte n'aille pas plus loin ; j'aurais aimé qu'il reprenne le dispositif de la loi de 2018, plus large, qui permettait d'identifier les compétences réellement adaptées aux entreprises, pour favoriser l'insertion des demandeurs d'emploi dans des métiers émergents pour lesquels la certification professionnelle est en construction, ou pour des actions de préqualification qui ne peuvent être mises en oeuvre par un contrat de professionnalisation. Un ingénieur en développement durable embauché dans une entreprise de démantèlement d'hélicoptère doit être formé pour connaître mieux les aéronefs. Un technicien de maintenance embauché en qualité de campaniste a besoin d'acquérir des formations spécifiques liées à la maintenance des cloches.
Il est indispensable d'accompagner l'entreprise à objectiver les compétences et à construire une formation structurée : c'est aussi favorable aux employeurs qu'aux salariés.
Malgré ces réserves, cette proposition va dans le bon sens, en offrant davantage de flexibilité à un marché du travail qui en a tant besoin. Le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et du RDPI.)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Philippe Mouiller applaudit également.) En 2023, un peu moins de 116 000 contrats de professionnalisation ont été signés en France, et 35 000 l'ont été sous la forme d'un contrat de professionnalisation expérimental.
Derrière ces chiffres se dessinent des parcours de formation sur mesure, des emplois retrouvés, des vocations nées : la formation devient un lieu d'émancipation.
Il s'agit de pérenniser un dispositif souple et inclusif, utile et plébiscité. Le résultat est sans équivoque : le dispositif a permis de former plus de 35 000 personnes, dont 46 % étaient des jeunes et 44 % des demandeurs d'emploi de longue durée, promouvant ainsi l'égalité des chances.
Entre 55 à 79 % des bénéficiaires sont en CDI ou en contrat long à l'issue de leur formation. Dans certains secteurs, un contrat sur deux devient un CDI. Ce dispositif, souple et réactif, est aussi une réponse à la pénurie de main-d'oeuvre dans l'industrie, l'agroalimentaire ou les services à la personne, par exemple.
En tant que sénatrice des outre-mer, je regrette que seulement 0,8 % des 35 000 contrats de professionnalisation conclus l'aient été en Guadeloupe, et 1,1 % en Guyane, alors que le chômage y est bien supérieur à la moyenne nationale.
Nous avons besoin d'outils efficaces immédiatement mobilisables pour aider les entreprises locales. Si ce contrat est mieux promu, il peut devenir le levier attendu. À nous de lever les freins. Les difficultés, présentées dans le rapport d'évaluation rendu tardivement, sont bien connues.
Voter ce texte est un signal de confiance pour les entreprises. Nous affirmons aussi pour les demandeurs d'emploi une ambition claire : l'insertion durable par les compétences.
Le RDPI votera sans réserve cette proposition de loi, car le dispositif, pragmatique, a fait ses preuves : il redonne des perspectives à ceux que le marché du travail laisse trop souvent sur le bord du chemin. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Michel Masset . - La République a pour devoir de tendre la main à ceux que la vie a laissés au bord du chemin, disait Léon Bourgeois.
Le contrat de professionnalisation expérimental explorait une voie plus souple pour accompagner les plus fragiles, en proposant un parcours sur mesure aux salariés et des garanties pour les entreprises.
Le pari de la souplesse a tenu ses promesses. Pour les entreprises, c'est la certitude d'avoir des salariés avec les compétences requises. Ce sont les industries agroalimentaires et celles du secteur des mobilités qui ont eu le plus recours à ce contrat.
Cette dynamique se retrouve dans nos territoires. Selon la Dares, 223 contrats ont démarré dans le Lot-et-Garonne en 2024. Cette expérimentation a favorisé une insertion durable, avec 58 % des contrats signés sous la forme de CDI, contre 17 % pour les contrats de professionnalisation classiques.
Ce contrat de professionnalisation expérimental va à l'essentiel, en proposant des formations ciblées pour acquérir des compétences utiles aux entreprises. C'est un levier précieux, surtout dans les secteurs en tension.
Une remarque : la loi de 2018 avait prévu la remise d'un rapport d'évaluation trois mois avant la fin de l'expérimentation. Le rapporteur a pu le consulter, mais il n'a pas été transmis au Parlement ; cela interpelle. Nous sommes contraints de légiférer sans évaluation consolidée.
Toutefois, cela ne retire rien à l'intérêt de cette expérimentation qui fait confiance aux acteurs de terrain. Le RDSE lui apportera son soutien plein et entier. (Mme Nadège Havet applaudit.)
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Ce texte trouve sa source dans la loi du 5 septembre 2018, dont j'étais rapporteur avec Michel Forissier et la regrettée Catherine Fournier. La loi de 2018 manquait en partie sa cible : toucher les salariés les plus éloignés de l'emploi.
Nous avons mis en place un contrat plus flexible, prenant le risque de dévaloriser les contrats de professionnalisation classiques ; mais ce ne fut pas le cas. Selon le bilan qu'a bien voulu traduire le rapporteur, la part des contrats expérimentaux ne représente que 4,37 % du total des contrats de professionnalisation.
Les organisations patronales ont salué le dispositif et les employés ont joué le jeu de l'insertion durable. Ce contrat complexifie un peu plus l'offre de formation ; mais, pour un coût d'environ 5 millions d'euros, il semble remplir son rôle.
La proposition de loi modifie le dispositif. En précisant que ce contrat concernerait un ou plusieurs blocs de compétences, il le rend moins souple, mais il permet au salarié de mieux le valoriser. Il s'agit d'accélérer le retour à l'emploi dans un contexte tendu, comme l'a indiqué Pascale Gruny. Nous voterons donc ce texte conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Xavier Iacovelli et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Viviane Malet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi technique touche à la réalité de l'insertion professionnelle des plus éloignés de l'emploi. Trop de personnes restent au bord du chemin : chômeurs de longue durée, jeunes sans emploi, par exemple.
Depuis vingt ans, le contrat de professionnalisation, qui combine emploi et formation, est un outil essentiel pour atteindre cet objectif. Ce type de contrat est apprécié.
En 2023, ils ont coûté 1 milliard d'euros, pour un coût moyen d'environ 8 700 euros par contrat. Nous avons instauré des aides à l'embauche de 2 000 euros, et, dans la majorité des cas, les employeurs n'ont rien à financer.
L'expérimentation, lancée en 2018, va plus loin avec le contrat de professionnalisation expérimental. Il s'agissait de former un salarié seulement sur un ou plusieurs blocs de compétences. Ce contrat a permis de construire des parcours de formation adaptés.
Son bilan est encourageant. Les organisations patronales ont apprécié sa souplesse, et les secteurs de l'agriculture ou de l'agroalimentaire y ont particulièrement eu recours.
D'autres secteurs, comme celui de la santé, ne l'ont pas encore fait. En effet, la dissolution de l'Assemblée nationale et la censure ont rendu la prolongation de l'expérimentation incertaine.
Nous devons lever l'incertitude ; cette proposition de loi, adoptée sans modification par la commission, pérennise ce contrat expérimental et l'inscrit durablement dans le code du travail.
Appartenant à la droite sénatoriale, nous croyons à l'insertion par la compétence, à une formation professionnelle adaptée et à la responsabilité des acteurs économiques. Il ne reste plus qu'à inscrire ce contrat dans notre droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.)
Discussion de l'article unique
Avant l'article unique
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié de Mme Senée et alii.
Mme Ghislaine Senée. - Raymonde Poncet Monge a déposé cet amendement en commission le 24 juin dernier. C'est grâce à lui que nous avons appris l'existence de ce rapport. Nous pensions retirer cet amendement, mais nous n'avons toujours pas eu connaissance du rapport en question. Contient-il des informations gênantes ? Peut-on légiférer correctement sans disposer de cette évaluation ? (Mmes Frédérique Puissat et Cathy Apourceau-Poly renchérissent.) Cela pose un réel problème démocratique.
Nous ne pouvons accepter que le Gouvernement ou certains groupes politiques disposent d'informations, et pas nous !
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Mme Poncet Monge ne vous a peut-être pas donné l'ensemble des informations. Elle a eu connaissance de ce rapport hier, dès que le Gouvernement l'a transmis.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Moi, je ne l'ai pas eu !
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Ce rapport existe bien : il a été transmis non pas à mon groupe mais à la commission, et donc au rapporteur du texte que je suis. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. - Le rapporteur a raison : la sénatrice l'a eu hier. Je déplore sincèrement cette transmission tardive.
Le rapport est désormais à votre disposition. L'amendement n'est donc plus nécessaire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Pour ma part, je n'ai pas eu le rapport, et j'en suis désolée. Cela explique en partie notre abstention, car nous souhaitions disposer d'éléments chiffrés.
Mme Corinne Féret. - À mon tour, je regrette la non-transmission de ce rapport. Les membres de la commission des affaires sociales auraient dû en être destinataires. C'est la raison de notre abstention.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Je souhaite soutenir les propos de mes collègues. Il est dommage qu'ils s'abstiennent, alors que nous sommes globalement tous d'accord. Le rapporteur a eu l'intelligence de transmettre le rapport à Raymonde Poncet Monge, l'auteur de l'amendement. Le rapport est arrivé hier, nous n'aurions pu le transmettre aux membres de la commission que ce matin.
Que le message soit clair : une telle pratique aurait pu conduire à un vote négatif, alors que l'intérêt général est de pérenniser la mesure. Que le ministère du travail l'entende : trop souvent, les informations nous arrivent à la dernière minute, et le contenu des rapports ne correspond pas toujours à la commande.
Bref, je me fais le porte-parole du mécontentement du Sénat.
L'amendement n°1 rectifié est retiré.
À la demande du RDPI, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°344 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 243 |
Pour l'adoption | 243 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme la présidente. - ... à l'unanimité !
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Je remercie les rapporteurs pour les deux textes que nous avons examinés, Olivier Henno et Xavier Iacovelli. Pour le second texte, nous disposions de très peu de temps.
Le débat a toujours lieu au Sénat : c'est l'occasion d'affirmer nos convictions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.)
Prochaine séance, mardi 8 juillet 2025, à 9 h 30.
La séance est levée à 17 heures.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 8 juillet 2025
Séance publique
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
Présidence : M. Alain Marc, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, M. Xavier Iacovelli, vice-président
Secrétaires : Mme Sonia de la Provôté, Mme Catherine Conconne
1. Questions orales
2. Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (texte de la commission, n°802, 2024-2025)