EXAMEN EN COMMISSION

__________

LUNDI 22 JUIN 2020

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Je salue mes collègues qui assistent à la réunion en visioconférence.

Nous examinons aujourd'hui, dans des délais extrêmement contraints, le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Je m'en suis plaint, avec le soutien du Président du Sénat et de plusieurs présidents de groupe, au cours de la dernière Conférence des présidents. Le cabinet du ministre chargé des relations avec le Parlement a expliqué ces délais courts par la nécessité de laisser davantage de temps au Conseil constitutionnel pour examiner le texte... Je comprends cette exigence, mais j'estime que la représentation nationale ne devrait pas en faire les frais.

Par ailleurs, compte tenu de la complexité du projet de loi, j'avais souhaité que notre commission puisse entendre le ministre des solidarités et de la santé jeudi dernier, mais ce dernier n'a pas cru devoir se mettre à notre disposition.

Voilà pourquoi nous nous réunissons un lundi matin, alors même que l'urgence sanitaire est toujours présente et qu'un certain nombre de nos collègues, qui sont renouvelables, peuvent difficilement être présents à Paris.

Ce projet de loi n'organise pas la sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais proroge en réalité les principales mesures de cet état d'urgence que sont la restriction à la liberté de circulation, la fermeture d'établissements recevant du public et des contraintes pouvant allant jusqu'à l'interdiction de réunions et de manifestations. D'autres pouvoirs avaient été octroyés au Gouvernement. Après des débats tendus avec ce dernier, nous avions accepté, dans la loi du 23 mars dernier, de prévoir la possibilité de porter des atteintes limitées à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre : aucune mesure n'a été prise en application de cette disposition. Nous avions aussi confié au Gouvernement des pouvoirs qu'il détenait déjà sur le fondement d'autres textes, notamment le code de la santé publique.

Le précédent texte autorisait la prorogation de l'état d'urgence sanitaire pour deux mois, comme nous l'avions souhaité, pour pouvoir contrôler des mesures portant atteinte à nos libertés et aux droits fondamentaux ; celui-ci prévoit une prorogation de quatre mois. On peut certes justifier ce délai par des raisons pratiques : il serait plus difficile de nous faire siéger avant le 11 octobre en raison des élections sénatoriales. Mais si les circonstances nationales exigeaient une réunion du Parlement en septembre, nous serions là ! Nous ne pouvons donc accepter cette durée de quatre mois.

Nous pouvons marquer notre mauvaise humeur et rejeter le texte, mais le concept de sortie de l'état d'urgence sanitaire ne peut être balayé d'un revers de manche. Nous devons être pragmatiques et vérifier s'il y a lieu de permettre au Gouvernement de décider de mesures que le droit commun ne lui permet pas de prendre. Je crois que tel est le cas.

C'est la raison pour laquelle je proposerai non pas de reconduire l'état d'urgence, mais d'autoriser le Gouvernement à prendre des mesures beaucoup plus circonscrites que celles qu'il avait initialement prévues.

La situation sanitaire s'est évidemment améliorée, au point que la plupart des restrictions mises en oeuvre ont été levées ; il en subsiste néanmoins. Nous ne sommes pas certains que nous n'aurons pas besoin de nouvelles mesures de protection de la santé publique, d'autant que, dans certaines parties du territoire - la Guyane et, dans une moindre part, Mayotte - des mesures restrictives des libertés doivent être maintenues.

Avec mes amendements, je vous proposerai d'autoriser certaines restrictions à la liberté d'aller et de venir, sans aller jusqu'au confinement ; de prévoir la possibilité de maintenir la fermeture de certains établissements recevant du public, y compris pour sanctionner des établissements rouverts sans respect des gestes barrières, ou de restreindre leurs conditions d'ouverture. S'agissant de la liberté de réunion et de rassemblement, les interdictions générales sont aujourd'hui disproportionnées : un régime d'autorisation préalable systématique est incompatible avec notre tradition de liberté ; il faut donc des mesures intermédiaires.

Nous devons également prévoir dans le texte des mesures permettant le dépistage des personnes arrivant par avion sur le territoire métropolitain ou en outre-mer, y compris, dans ce dernier cas, en provenance de métropole ou d'autres collectivités outre-mer.

L'article 2 du projet de loi présenté par le Gouvernement tendait initialement à revenir sur l'accord trouvé en commission mixte paritaire sur la durée de conservation des données issues des systèmes d'information mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, pour faciliter le dépistage de la maladie et assurer le suivi des « cas contacts ». Nous avions alors tenu, vous vous en souvenez, à encadrer strictement ce dispositif, et nous avions notamment prévu, à titre de garantie, que la durée de conservation des données personnelles collectées soit spécifiquement limitée et ne dépasse pas trois mois - un délai déjà très large, les données étant périmées au-delà d'une quinzaine de jours. Le projet de loi initial visait à permettre par décret de larges dérogations à cette durée, dans la limite de six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale a limité cette possibilité de prolongation aux seules données pseudonymisées collectées et aux seules fins de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus.

La version initiale du Gouvernement n'était pas acceptable, mais avec ces modifications, il me semble que nous sommes désormais parvenus à un équilibre satisfaisant.

M. Pierre-Yves Collombat . - Merci de ce rapport. Je serai plus direct : j'ai le sentiment que le Gouvernement ne sait pas où il va, et qu'il essaye de partager avec nous la responsabilité de sa démarche chaotique. Nous sommes sortis du confinement, mais nous y restons quand même : on fait un pas en avant et un pas de côté en même temps... On ne peut pas améliorer un texte qui dit une chose et son contraire.

Il ne faut pas légiférer en proposant des dispositions applicables « au cas où » elles seraient nécessaires. Si le Gouvernement était préoccupé de préparer l'avenir, il l'aurait fait depuis longtemps, sans nous laisser démunis en masques, en tests, en lits d'hôpital, face à cette épidémie.

Mon groupe s'opposera à ce texte.

M. Philippe Bonnecarrère . - Entre 2014 et 2020, avec les prolongations de l'état d'urgence lié aux attentats terroristes et la troisième prorogation de l'état d'urgence sanitaire proposée de fait dans ce projet de loi, nous aurons passé la moitié du temps sous un régime d'état d'urgence, ce qui est perturbant pour le fonctionnement du pays. À titre personnel, cette récurrence d'une forme d'exception me semble excessive.

À quoi sert cet état d'urgence ? Je comprends la pertinence des mesures qui ont été listées par le rapporteur en cas de reprise de la pandémie. Mais celles-ci me semblent déjà prévues par l'article L. 3131-15, il me semble, du code de la santé publique. Le Conseil d'État indiquait, dans son avis, que le Gouvernement dispose déjà de moyens aux termes de l'article L. 3131-1, mais qu'il serait bon de consolider ce fondement juridique. L'article 2 de la loi du 23 mars 2020 listait les dispositions de l'article précité. D'après moi, le fondement juridique des mesures demandées par le Gouvernement existe déjà.

Ce texte semble servir à rassurer les ministres - je peux comprendre que cette période délicate pose des problèmes de responsabilité. La crise a déjà été très largement traitée de manière administrative, alors que les enjeux étaient pratiques et médicaux. Mais quand un texte n'est pas utile, il faut le dire et refuser de le voter.

S'agissant de l'article 2, je considère toujours que le système de fichiers mis en place - centralisé et entre les mains des caisses primaires - était inutile et profondément attentatoire aux libertés : le combat contre la pandémie se fait dans les cabinets médicaux et dans l'analyse de terrain. La seule finalité qui me semble acceptable est celle d'un fichier qui ne serve qu'à des fins épidémiologiques.

Ce projet de loi est vexatoire : l'exécutif nous demande davantage de pouvoirs. De grâce ! Nous sortons d'une période pendant laquelle l'exécutif, qui a déjà un poids sans commune mesure avec celui du Parlement, a tout géré.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Je suis parti du même point de départ que vous, monsieur Bonnecarrère : je n'ai pas voulu d'une reconduction de l'état d'urgence sanitaire qui ne dirait pas son nom. C'est la raison pour laquelle je propose de remplacer les dispositions de l'article 1 er par un autre dispositif.

S'agissant du fichier à portée épidémiologique, je ne suis pas aussi qualifié que vous pour en apprécier les modalités. Du point de vue du législateur, il me semble qu'un fichier ne comprenant que des données pseudonymisées ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux libertés. Que le Gouvernement soit en mesure ou non de le mettre en place est une tout autre question. L'Assemblée nationale a retiré le venin de l'article 2, et je vous propose d'approuver ce dispositif ainsi amélioré.

Il n'est pas absurde de reconduire l'état d'urgence sanitaire en Guyane, quand on sait que le nombre de malades de la Covid-19 accueillis dans les hôpitaux de Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni a doublé en une semaine.

S'agissant des bases juridiques existantes, l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est celui que nous avons créé dans la loi du 23 mars : c'est l'état d'urgence sanitaire. La base juridique n'existe donc que si l'on reste dans l'état d'urgence sanitaire.

Je propose des mesures temporaires qui peuvent être prises en dehors de la période d'état d'urgence sanitaire. On aurait pu laisser le Gouvernement se débrouiller avec les moyens du bord, comme vous le proposez. Mais j'ai tout de même l'impression qu'il aurait du mal à prendre légalement certaines mesures qui peuvent encore être nécessaires.

M. Jean-Pierre Sueur . - Mon intervention vaudra défense de nos amendements.

Je partage votre sentiment, monsieur le rapporteur, sur les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles nous travaillons. Nous avons déposé nos amendements vendredi dernier, nous examinons ce matin le texte qui passe en séance publique cet après-midi...

Je partage les propos de Pierre-Yves Collombat et Philippe Bonnecarrère : nous sommes face à un texte très étrange. À l'Assemblée nationale, la majorité a voté pour, et tous les autres groupes ont voté contre : c'est dire qu'il n'y avait pas consensus...

Selon son intitulé, le texte organise la fin de l'état d'urgence sanitaire. Mais soit nous sommes en état d'urgence, soit c'est terminé ! D'autant que l'article 1 er maintient la totalité des pouvoirs dévolus au Gouvernement dans le cadre de cet état d'urgence.

L'amendement COM-23 du rapporteur vise à préciser les conditions d'application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, lequel permet d'ores et déjà au ministre de la santé de mettre en oeuvre les mesures qui s'imposent.

Les moyens juridiques pour prendre les mesures nécessaires après la fin de l'état d'urgence existent déjà. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, nous pourrions de toute manière nous réunir à tout moment si cela s'avérait indispensable.

Nous voterons donc contre l'article 1 er , sur lequel nous avons déposé un amendement de suppression. Nous proposons aussi des amendements de repli, notamment sur le droit de manifestation et du droit de réunion. À la demande de nos collègues ultramarins, nous avons également présenté un amendement pour permettre l'exercice d'un contrôle sanitaire à l'entrée de ces territoires. Il nous paraît en effet nécessaire de prendre des mesures appropriées pour la Guyane et Mayotte pour des raisons de sécurité sanitaire.

S'agissant de l'article 2, nous n'avons pas, à ce stade, déposé d'amendement de suppression. Les précisions apportées par l'Assemblée nationale nous semblent importantes : elles restreignent la prolongation de la conservation des données à des considérations de recherche scientifique.

Nous voterons sans doute contre l'ensemble du texte, tout en comprenant les apports de l'article 2 revu par l'Assemblée nationale.

M. Alain Richard . - Je partage votre raisonnement, monsieur le rapporteur, mais je choisirai des termes moins impétueux : passé un temps d'indignation et de réprobation contre l'inspiration de ce texte, vous proposez des amodiations ou des améliorations qui ne le contredisent pas complètement.

Certains collègues ont manifesté une forte aversion à l'égard du rôle de l'exécutif : nous sommes un État de droit, dans lequel le régime de base est la liberté. Ce régime peut faire l'objet de limitations encadrées par la loi, lesquelles sont des actes individuels ou règlementaires de police. Je ne connais pas d'État organisé dans lequel les mesures localisées et individualisées de police sont prises par une assemblée délibérante : elles le sont par une autorité administrative, sous le contrôle d'un juge.

S'agissant de l'article 2, je peux vous dire, pour avoir des relations avec le milieu des épidémiologistes, que nous ne connaissons que le tiers de ce que nous devrions savoir sur ce virus. Un des problèmes clés s'agissant des nouvelles épidémies, c'est d'obtenir des données de qualité et homogènes. Il faut des mois, voire une année, de travail pour faire le tri d'une base de données. Il est de la mission du législateur, en prenant les précautions que le rapporteur a citées, de permettre aux scientifiques d'avoir accès à un tel fichier.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Je ne suis pas surpris que vous soyez, mon cher collègue, plus modéré que moi dans l'expression...

La présentation de ce projet de loi contient des artifices de nature à induire en erreur. Les dispositions de l'article 1 er reproduisaient, à la virgule près, les pouvoirs donnés au Gouvernement par la loi dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, et ce pour quatre mois au lieu de deux, sans avis du comité de scientifiques. C'est un peu « fort de café » !

J'ai souhaité remplacer l'article 1 er par de nouvelles dispositions, en ayant fait l'inventaire de ce qui pouvait être encore nécessaire et qui n'était pas couvert par les dispositions de droit commun, car le procédé n'était pas très honnête sur le plan intellectuel.

J'en viens au périmètre du projet de loi, qui inclut les prérogatives conférées aux autorités publiques pour assurer la sortie de l'état d'urgence sanitaire ; les dispositions relatives à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire en tout ou partie du territoire national ; les mesures susceptibles d'être ordonnées dans le cadre du régime de l'état d'urgence sanitaire ; et les systèmes d'information mis en oeuvre dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19.

En revanche, ne présentent aucun lien, même indirect, avec le projet de loi les dispositions liées à la gestion des conséquences économiques et sociales de l'épidémie de Covid-19, les mesures budgétaires et fiscales relevant des lois de finances ainsi que les dispositions de droit électoral.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article 1 er

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - L'amendement COM-5 vise à supprimer la possibilité d'interdire les manifestations à compter de la date de promulgation de la loi.

J'attire votre attention sur le fait que l'examen de ce projet de loi pourrait se poursuivre jusqu'à la première semaine de juillet. Il ne sera donc promulgué que quelques jours, au mieux, avant le 10 juillet, date de la fin de l'état d'urgence sanitaire. En pratique, la disposition proposée risquerait donc de n'être appliquée que pendant une semaine. C'est la raison pour laquelle il ne m'a pas paru indispensable de traiter cette question dans ce texte. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - L'amendement COM-10 avait déjà été adopté par le Sénat lors de l'examen de la loi du 11 mai 2020. Depuis, le contexte a changé : à compter du 11 juillet, l'encadrement des prix reposera sur le droit commun du code de commerce. La précision apportée par l'amendement n'aurait donc que peu d'utilité. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

Article 1 er

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Les amendements identiques COM-1 et COM-14 tendent à supprimer l'article 1 er . J'ai fait la même démarche que les auteurs de ces amendements, mais en remplaçant l'article par un nouveau dispositif. Je vous propose de préférer ma solution, qui se concrétise par plusieurs amendements, à la leur.

Les amendements COM-1 et COM-14 ne sont pas adoptés.

L'amendement rédactionnel COM-16 est adopté.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Mon amendement COM-17 tend à supprimer la possibilité, pour le Premier ministre, d'interdire la circulation des personnes et des véhicules, tout en conservant la faculté d'une réglementation afin, par exemple, de maintenir l'obligation du port du masque dans les transports en commun.

L'amendement COM-2 de M. Sueur est partiellement identique au mien, car il prévoit également de supprimer la possibilité d'interdire la circulation des personnes et des véhicules.

Ces deux amendements ont pour conséquence que le Gouvernement n'aurait plus le droit d'imposer le confinement, sauf s'il décidait de rétablir l'état d'urgence sanitaire. Je vous demanderai toutefois de privilégier la rédaction que je vous propose, car elle permet de conserver la faculté de restreindre les déplacements par transport aérien et maritime.

Si nos collègues du groupe socialiste acceptaient de rectifier leur amendement pour le rendre identique au mien, nous pourrions l'adopter.

M. Jean-Pierre Sueur . - J'accepte de rectifier l'amendement pour le rendre identique à celui du rapporteur.

M. Alain Richard . - S'il y a un cluster inquiétant outre-mer, le texte permet de rétablir le confinement ; en revanche, il ne permet pas d'instaurer un confinement local en cas de cluster limité sur le territoire métropolitain.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - J'ai pensé à ce cas, et je vous proposerai un amendement permettant au Gouvernement, par décret en conseil des ministres, de déclarer l'état d'urgence sur une partie du territoire.

M. Alain Richard . - Ce décret doit-il être précédé d'un acte législatif ?

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Non. La loi du 23 mars a autorisé l'état d'urgence pour deux mois, mais elle a prévu que, à l'expiration de ce délai, si l'état d'urgence n'est pas prorogé par la loi, le Gouvernement peut le rétablir par décret. Il doit néanmoins revenir devant le Parlement pour obtenir l'autorisation du législateur pour le prolonger. Je vous proposerai de le faire figurer dans le texte. Ce n'est pas parce que l'on permet l'état d'urgence en Guyane qu'on l'interdit ailleurs.

M. Philippe Bonnecarrère . - Je pensais que l'article L. 3131-15 du code de la santé publique donnait au Gouvernement les moyens de mettre en oeuvre le confinement. Je vous ai indiqué précédemment que je ne comprenais pas l'objectif poursuivi avec ce texte, car le Gouvernement dispose déjà des pouvoirs qu'il demande. Vous m'avez indiqué que je commettais une erreur d'interprétation juridique : ces pouvoirs ne peuvent être exercés que dans le cadre de l'état d'urgence.

Le Parlement a introduit dans l'article 2 de la loi du 23 mars le paragraphe suivant : « Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l'état d'urgence sanitaire prévu au chapitre I er bis du présent titre, afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. »

J'ai compris que l'article L. 3131-15 n'était opérant que pendant l'état d'urgence. Mais la disposition chapeau de l'article L. 3131-1 permet d'utiliser toutes les mesures après la fin de l'état d'urgence, avec comme seule condition d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. Pourquoi faut-il revenir sur un pouvoir que l'exécutif a déjà ?

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - L'article L. 3131-1 figure dans le code de la santé publique depuis un certain nombre d'années. Le Gouvernement s'en est servi avant le vote de la loi d'état d'urgence sanitaire dans des conditions qui lui ont très rapidement semblé juridiquement fragiles. Cet article est rédigé en des termes extrêmement généraux, et pourrait laisser croire que le ministre de la santé, en raison d'un intérêt supérieur qui serait celui de la santé publique, pourrait prendre des mesures mettant de côté la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la Constitution et l'ensemble des lois qui protègent nos libertés !

Le Gouvernement a été heureux de trouver cet article au début de l'épidémie. Mais il en a rapidement vu les limites... Nous avons voté l'état d'urgence sanitaire pour cette seule raison. Dans son embarras, le Gouvernement avait inventé un système assez curieux : le Premier ministre avait pris des décrets pour publier au Journal officiel les arrêtés du ministre de la santé, afin de leur donner plus de valeur... C'est dire l'embarras du Gouvernement, qui ne pouvait pas être si mal équipé en moyens juridiques pour affronter la crise. Nous avons donc mis en place l'état d'urgence sanitaire. Si l'on veut en sortir, on retombe sur l'article L. 3131-1, qui n'a pas changé depuis trois mois... C'est la raison pour laquelle j'ai proposé une modification de cet article, afin que le ministre de la santé ne soit pas capable de rayer d'un trait de plume toutes les libertés.

Nous devons refuser la prorogation déguisée de l'état d'urgence : il faut donc s'interroger sur ce que peut faire le Gouvernement pour permettre de maintenir fermées les boîtes de nuit ou de sanctionner un établissement recevant du public qui, par exemple, n'aurait pas mis de gel hydroalcoolique à la disposition de celui-ci. Nous sécurisons, en l'encadrant davantage, le pouvoir que le ministre de la santé tient de cet article.

Les amendements identiques COM-17 et COM-2 rectifié sont adoptés.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec mon amendement COM-18 , je vous propose de renoncer à ce que l'administration puisse, en cas de non-respect des règles propres à la crise sanitaire, fermer des catégories de lieux de réunion ou d'établissements recevant du public, mais de conserver sa faculté d'en régler les conditions d'accès. Ma rédaction est plus complète que celle de l'amendement COM-3 , qui va dans le même sens : je propose à ses auteurs de se rallier au mien.

M. Alain Richard . - Nous comprenons que l'autorité administrative ne pourra interdire l'ouverture d'un établissement, mais seulement en limiter l'accès.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - C'est cela, mais l'administration pourra aussi fermer des établissements au cas par cas, pour sanctionner le non-respect des règles sanitaires.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous acceptons volontiers de rectifier notre amendement pour le rendre identique à celui du rapporteur.

Les amendements identiques COM-18 et COM-3 rectifié sont adoptés.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec mon amendement COM-19 , je vous propose de supprimer le régime d'autorisation préalable des manifestations et cortèges. Le régime actuel de liberté donne à l'autorité administrative la possibilité d'interdire une manifestation pour des motifs d'ordre public : c'est satisfaisant, et je ne vois pas pourquoi il faudrait un régime d'autorisation préalable pour s'assurer que les manifestations publiques respectent les règles édictées. Comme l'a indiqué le Conseil d'État, le droit commun donne les moyens d'interdire une manifestation qui présenterait un risque pour la sécurité et la salubrité publique.

Les amendements COM-4 et COM-15 vont dans le même sens, mais bien plus loin et plus radicalement puisqu'ils suppriment l'alinéa : je préfère maintenir la possibilité de prescrire des mesures spécifiques, comme les gestes barrières, ce qui donne un fondement à des amendes administratives pour les contrevenants.

L'amendement COM-19 est adopté ; les amendements COM-4 et COM-15 deviennent sans objet.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec l'amendement COM-20 , je précise l'obligation introduite par l'Assemblée nationale de faire un test de dépistage pour pouvoir se déplacer par avion vers certaines parties du territoire national. Nous avions écarté cette solution le 11 mai dernier, lui préférant une mise en quatorzaine parce que les tests ne nous étaient alors pas parus parfaitement fiables ; ils le sont désormais, d'où la possibilité de les utiliser à bon escient.

Les amendements COM-13 , COM-12 et COM-6 suivent une autre voie, contradictoire avec celle que je vous propose.

L'amendement COM-20 est adopté ; les amendements COM-13, COM-12 et COM-6 deviennent sans objet.

L'amendement rédactionnel COM-21 est adopté.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec l'amendement COM-22 , je vous propose de supprimer le régime, introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, consistant à mettre en quarantaine et à placer à l'isolement les personnes arrivant sur le territoire hexagonal depuis une collectivité d'outre-mer. L'amendement COM-9 est identique.

Les amendements COM-22 et COM-9 sont adoptés ; l'amendement COM-11 devient sans objet.

Article additionnels après l'article 1 er

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - L'amendement COM-7 étant de cohérence avec la suppression de l'article 1 er , il n'a plus lieu d'être.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec l'amendement COM-23 , je vous propose de modifier en profondeur le régime des mesures que le ministre de la santé peut prendre en en cas urgence sanitaire - je m'en suis expliqué en réponse à Philippe Bonnecarrère. Dans ce régime, les mesures individuelles feraient l'objet d'une information sans délai du procureur de la République ; c'est nécessaire pour que l'autorité judiciaire intervienne au plus tôt.

L'amendement COM-23 est adopté.

Article 1 er bis

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec l'amendement COM-24 , je vous propose de proroger l'état d'urgence sanitaire en Guyane et à Mayotte.

L'amendement COM-24 est adopté.

Article 2

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - L'amendement COM-8 supprime cet article, qui vise à donner au Gouvernement la possibilité d'allonger la durée de conservation des données personnelles utilisées dans la lutte contre le Covid-19. Le texte de compromis adopté par l'Assemblée nationale me paraît acceptable, puisqu'il ne concerne plus que les données pseudonymisées et à finalité de recherche ou d'épidémiologie. Par comparaison, je note d'ailleurs que des durées de conservation bien plus longues des données existent déjà comme, par exemple, dans la lutte contre la tuberculose : avis défavorable.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

Article 3

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Avec l'amendement COM-25 , je vous propose de sécuriser les mesures prises en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le texte du Gouvernement comportant un risque constitutionnel.

L'amendement COM-25 est adopté.

Article 4

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - L'amendement COM-26 rétablit les sanctions pénales supprimées par l'Assemblée nationale.

L'amendement COM-26 est adopté.

M. Hervé Marseille . - Ce texte tombe mal à propos : il prévoit de proroger l'état d'urgence sanitaire, alors que nous sommes en plein déconfinement, c'est un peu surréaliste... Même si nous étions très réservés, nous saluons votre effort, monsieur le rapporteur, pour rendre les choses claires. Il nous a été difficile de nous concerter dans le délai imparti, qui a été très court. Cependant, nous voterons ce texte, tout en attendant beaucoup du débat que nous aurons en séance plénière.

M. Philippe Bas , président, rapporteur . - Je comprends d'autant mieux que j'ai connu les mêmes difficultés : les délais étaient vraiment trop courts.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels avant l'article 1 er

M. SUEUR

5

Suppression de la possibilité d'interdire les manifestations à compter de la date de promulgation de la loi

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

10

Information du public et des professionnels sur l'encadrement des prix

Rejeté

Article 1 er
Création d'un régime ad hoc de sortie de la crise sanitaire

M. SUEUR

1

Suppression de l'article 1 er

Rejeté

M. LABBÉ

14

Suppression de l'article 1 er

Rejeté

M. BAS, rapporteur

16

Rédactionnel

Adopté

M. BAS, rapporteur

17

Suppression de la possibilité d'interdire la circulation des personnes et des véhicules

Adopté

M. SUEUR

2

Suppression de la possibilité d'interdire la circulation des personnes et des véhicules

Adopté

M. BAS, rapporteur

18

Suppression de la possibilité de fermer provisoirement des catégories d'établissements recevant du public

Adopté

M. SUEUR

3

Suppression de la possibilité de fermer provisoirement des catégories d'établissements recevant du public

Adopté

M. BAS, rapporteur

19

Suppression de la possibilité de réglementer les rassemblements sur la voie publique

Adopté

M. SUEUR

4

Suppression de la possibilité de réglementer les rassemblements sur la voie publique

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

15

Suppression de la possibilité de réglementer les rassemblements sur la voie publique

Satisfait ou sans objet

M. BAS, rapporteur

20

Précision du champ de l'obligation de présenter le résultat d'un examen biologique

Adopté

M. ARTANO

13

Mise en oeuvre du test par les compagnies aériennes

Satisfait ou sans objet

M. ARTANO

12

Renforcement de la surveillance médicale des personnes circulant entre la métropole et l'outre-mer

Satisfait ou sans objet

Mme GUIDEZ

6

Absence d'examen biologique pour les personnes immunisées

Satisfait ou sans objet

M. BAS, rapporteur

21

Consultation du comité scientifique

Adopté

M. BAS, rapporteur

22

Inscription dans la loi d'une obligation de prévoir, par décret, les conditions de mise en oeuvre de tests préalables à l'isolement

Adopté

M. ARTANO

9

Inscription dans la loi d'une obligation de prévoir, par décret, les conditions de mise en oeuvre de tests préalables à l'isolement

Adopté

M. ARTANO

11

Inscription dans la loi d'une obligation de prévoir, par décret, les conditions de mise en oeuvre de tests préalables à l'isolement

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 1 er

Mme CONCONNE

7

Obligation de présentation des résultats d'un examen biologique pour certains déplacements en avion

Rejeté

M. BAS, rapporteur

23

Modification des pouvoirs du ministre de la santé en cas de menace sanitaire grave

Adopté

Article 1 er bis
Prolongation de l'état d'urgence sanitaire en Guyane et à Mayotte

M. BAS, rapporteur

24

Possibilité de proroger l'état d'urgence sanitaire dans d'autres territoires

Adopté

Article 2
Prolongation de la durée de conservation de certaines données personnelles
collectées par les systèmes d'information de santé pour lutter contre l'épidémie

Mme Maryse CARRÈRE

8

Suppression de l'article 2 prolongeant la durée de conservation de certaines données personnelles

Rejeté

Article 3
Application des mesures de quarantaine et de placement en isolement
en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française

M. BAS, rapporteur

25

Limitation de l'adoption des durées de quarantaine

Adopté

Article 4
Application de l'article 1 er en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française

M. BAS, rapporteur

26

Rétablissement de sanctions pénales

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page