Art. 80 quater
Conventions locales de coordination des
interventions
dans la lutte contre les
exclusions
Cet
article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale sur un
amendement de la commission spéciale, dispose que la coordination des
interventions de tous les acteurs engagés dans la lutte contre les
exclusions est assurée par la conclusion de conventions entre les
collectivités et organismes dont ils relèvent.
Ces conventions doivent avoir pour objet de préciser les objectifs
poursuivis et les moyens mis en oeuvre, de porter sur la recherche de
cohérence de l'accompagnement personnalisé et la mise en
réseau de différents intervenants tout en facilitant la
complémentarité des modes d'intervention collective et des
initiatives de développement social local.
Votre commission souligne l'intérêt de ce dispositif qui est
relativement souple et qui n'encadre pas de manière excessive les
initiatives locales. Elle vous propose d'adopter, à l'article 80 bis, un
amendement qui reprenait le contenu de cet article 80 quater, en souhaitant que
les centres communaux et intercommunaux d'action sociale puissent avoir un
rôle pilote dans la signature des conventions dont il est question. Dans
ces conditions, les conventions pourront être conclues et s'inscrire en
harmonie avec l'effort d'harmonisation des procédures d'accueil des
personnes démunies qu'il est envisagé de développer au
niveau départemental.
En conséquence, votre commission vous demande d'adopter un amendement
de suppression de cet article.
Art. 81
(Art. 1er et 3 de la loi du
30 juin 1975, art. 185 et 185-2
du code de la famille et de
l'aide sociale)
Institutions sociales et
médico-sociales
Cet
article, qui reprend des dispositions prévues dans le projet de loi
d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale de
février 1997, propose d'étendre le champ d'application du secteur
social et médico-social à l'ensemble du secteur de l'urgence
sociale et de l'insertion.
Il institutionnalise le dispositif de veille sociale chargée d'informer
et d'orienter les personnes en difficulté sur les structures d'accueil
d'urgence.
Le
paragraphe I
de cet article élargit la notion d'insertion
sociale au sens de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975
.
• Le a) du projet de loi initial procède à une
actualisation du deuxième alinéa 1° de l'article premier de
la loi précitée ; l'Assemblée nationale a supprimé,
en première lecture, cette disposition qu'elle n'a pas estimé
nécessaire.
• Le b) du I porte sur l'article premier du projet de loi qui
définit d'une manière générale quel est
le
rôle des institutions sociales et médico-sociales.
A côté des institutions d'accueil des mineurs, d'aide aux jeunes
travailleurs et d'hébergement des personnes âgées,
l'article premier de la loi du 30 juin 1975 précitée
reconnaît comme institution sociale ou médico-sociale tous les
organismes qui,
" à titre principal et d'une manière
permanente, assurent en internat, en externat, dans leur cadre ordinaire de
vie, l'éducation spéciale, l'adaptation ou la réadaptation
professionnelle ou l'aide par le travail aux personnes mineures ou adultes,
handicapées ou inadaptées ".
Cette définition est modifiée dans une conception plus large :
- les notions d'internat et d'externat sont remplacées par la
notion d'hébergement qui correspond mieux à la
réalité actuelle ;
- le terme "
d'éducation spéciale
" est
maintenu mais la notion
" d'adaptation ou de réinsertion sociale
et professionnelle "
est substituée à celle plus
restreinte
" d'adaptation ou de réadaptation
professionnelle "
17(
*
)
;
- la notion
" d'insertion par l'activité
économique "
est ajoutée à celle "
d'aide
par le travail
" qui est maintenue ;
- les bénéficiaires ne sont plus seulement les personnes
" handicapées ou inadaptées "
, mais
également, d'une manière générale,
" toutes
les personnes ou familles en détresse ".
Cette nouvelle définition doit permettre de recouvrir diverses
structures d'interventions sociales innovantes qui se sont mises en place en
dehors de tout cadre législatif et réglementaire pour faire face
en urgence aux situations de détresse sociale.
Ces structures sont parfois anciennes comme le CHAPSA de Nanterre ou plus
récentes comme les centres d'adaptation à la vie active (CAVA),
créés par une circulaire de 1979 et rattachés aux CHRS, ou
le centre d'hébergement de la Maison de Nanterre, les SAMU sociaux dans
les grandes agglomérations et les boutiques de solidarité.
Les établissements correspondant seront assujettis aux procédures
de la loi du 30 juin 1975 mais bénéficieront des garanties de
financement assurées par la loi du 30 juin 1975 alors qu'ils
relèvent aujourd'hui d'un régime de subvention annuelle dans le
cadre de l'action sociale de l'Etat (chapitre 47-21 du budget du
ministère des affaires sociales).
• Le c) du I de cet article relatif aux catégories
d'établissements autorisés à fonctionner dans le cadre de
la loi du 30 juin 1975 donne une définition plus souple des actuels
centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) qui
deviennent les
" centres d'hébergement et de réinsertion
sociale ".
Cet article modifie l'article 3 de la loi du 30 juin 1975
précitée qui porte sur les modalités de création ou
d'extension de certains établissements sociaux et médico-sociaux
afin de donner une définition plus large des établissements
destinés à prendre en charge des personnes en difficulté.
Actuellement, ces établissements relèvent de la catégorie
définie au 8° de l'article 3 précité,
c'est-à-dire
" les structures d'hébergement en vue de la
réadaptation sociale ".
La nouvelle définition de la catégorie présente les
caractéristiques suivantes :
- Sont visés non seulement les structures mais également
"
les services " :
cette rédaction permet notamment
d'inclure certains aspects de l'activité des SAMU sociaux qui
présentent la particularité d'aller directement au contact des
plus démunis dans la rue ou dans les hébergements de fortune qui
les abritent.
- Le nouveau texte couvre des organismes, qu'ils comportent ou non un
hébergement, en cohérence avec la modification déjà
examinée à l'article premier.
- Les structures ou services concernés doivent garantir le concours
de travailleurs sociaux et d'équipes pluridisciplinaires.
Quatre missions sont assumées par ces organismes vis-à-vis des
personnes et des familles en détresse :
- l'accueil, notamment en situation d'urgence,
- le soutien ou l'accompagnement social,
- l'adaptation à la vie active,
- et l'insertion sociale et professionnelle.
Par rapport aux actuels CHRS, la nouvelle définition est plus extensive
puisqu'elle introduit les notions d'accueil, notamment en situation d'urgence,
ainsi que le soutien ou l'accompagnement social.
Ces structures seront dorénavant financées au titre de l'aide
sociale obligatoire
(chapitre 46-23)
et non plus par des subventions au
titre du programme d'action sociale de l'Etat
(chapitre 47-23).
Le
paragraphe II
de cet article modifie l'article 185 du code de la
famille et de l'aide sociale qui précise les conditions dans lesquelles
les personnes accueillies en CHRS peuvent bénéficier de l'aide
sociale.
Il convient de rappeler que l'article 185 en question prévoit que,
bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être
accueillies dans des centres d'hébergement et de réadaptation
sociale publics ou privés
" les personnes et les familles dont
les ressources sont insuffisantes, qui éprouvent des difficultés
pour reprendre ou mener une vie normale notamment en raison du manque ou de
conditions défectueuses de logement et qui ont besoin d'un soutien
matériel et psychologique et, le cas échéant, d'une action
éducative temporaire ".
Par ailleurs, l'article 185 renvoie à un décret pour
définir les catégories de personnes et de familles pouvant
bénéficier de l'aide sociale et la durée maximale
d'attribution de cette aide.
Actuellement, aux termes de l'article 46 du
décret n° 54-883 du
2 septembre 1954
, sont ainsi admis à l'aide sociale lorsqu'ils
ne disposent pas de ressources suffisantes :
- les personnes sans logement sortant d'établissements
hospitaliers, d'établissements de cure ou de rééducation
ou d'établissements sociaux ou médico-sociaux assurant
l'hébergement de handicapés ;
- les personnes et les familles qui se trouvent privées de logement
par suite de circonstances indépendantes de leur volonté et qui
ont besoin d'être momentanément hébergées ;
- les personnes et les familles sans logement, de nationalité
française, rapatriées de l'étranger ;
- les personnes et les familles sans logement en instance d'attribution du
statut de réfugiés ;
- les personnes et les familles qui se trouvent hors d'état
d'assumer leurs responsabilités sociales ou familiales ;
- les vagabonds ayant accepté les mesures qui leur auront
été proposées en vue de leur reclassement ;
- les inculpés placés sous contrôle judiciaire et les
condamnés soumis au sursis avec mise à l'épreuve ;
- les personnes libérées de prison ;
- les personnes en danger de prostitution ou celles qui se livraient
à la prostitution.
Par rapport à la rédaction actuelle de l'article 185, le texte
proposé apporte plusieurs nouveautés :
- il tire les conséquences de la nouvelle dénomination des
CHRS ;
- il vise non seulement les problèmes financiers de logement ou
psychologiques mais également les problèmes de santé,
d'insertion ou liés à la vie familiale ;
- il précise que les CHRS ont vocation à aider ces personnes
à retrouver une autonomie personnelle et familiale ; cette
rédaction permet de couvrir les services ou activités que peuvent
développer les CHRS pour favoriser le retour à la vie
professionnelle.
Par ailleurs, cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat,
et non plus à un décret simple, pour déterminer les
conditions de fonctionnement et de financement des CHRS.
Enfin, le principe est posé d'une participation à proportion de
leurs ressources, aux frais d'hébergement et d'entretien des personnes
accueillies dans les CHRS ainsi que d'une rémunération en
contrepartie des activités d'insertion professionnelle.
Il est précisé que ces dispositions sont applicables dans les DOM.
Il est utile de rappeler que l'article 202 du code de la famille et de l'aide
sociale prévoit un règlement d'administration publique pour
déterminer les conditions particulières d'application et
d'adaptation des titres III et IV dudit code (relatifs à l'aide sociale)
pour les départements d'outre-mer.
Or, seules ont été prises en compte par décret du 7
février 1974 et donc étendues aux DOM les dispositions relatives
à l'accueil des personnes libérées de prison. Cette mesure
était intervenue à la demande du garde des sceaux pour permettre
en Martinique et à la Réunion la réadaptation sociale des
personnes sortant de prison.
L'étude d'impact précise que les besoins d'accueil, de suivi des
personnes très défavorisées sont importants dans les DOM
en raison de facteurs divers et cumulés et que des associations se
mobilisent depuis des années pour apporter des réponses dans ce
domaine aux personnes en grande précarité et en situation
d'urgence.
"
Il est indiqué que le ministère des affaires sociales
intervient financièrement dans le fonctionnement de structures qui se
sont créées au fil des ans mais pas à la hauteur des
besoins qui s'expriment localement et en tout état de cause en l'absence
de texte de référence ".
Il est donc proposé de réaffirmer la volonté du
Gouvernement d'étendre totalement aux départements d'outre-mer
les dispositions de l'article L. 185 dans sa nouvelle rédaction.
Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer souhaite
l'extension de la définition et des missions des institutions sociales
et médico-sociales aux nouvelles formes d'action utilisées dans
la lutte contre les exclusions, tels les SAMU sociaux et les boutiques de
solidarité dans ces départements.
Le
paragraphe III
reprend, sous une forme différente, le
principe d'un
service d'information et d'orientation des personnes en
difficulté
qui était prévu à l'article 7 du
projet de loi de MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli.
Ainsi, il est créé dans chaque département un
dispositif de veille sociale
à l'initiative du préfet.
Dans son rapport sur l'errance et l'urgence sociale
18(
*
)
, réalisé à la
demande de M. Xavier Emmanuelli, alors Secrétaire d'Etat à
l'action humanitaire d'urgence, dans le cadre d'une mission de médiation
auprès des municipalités qui avaient pris, à partir de
juillet 1995, des arrêtés municipaux interdisant la pratique de la
mendicité sur leur territoire, M. Bernard Quaretta avait
proposé de renforcer sensiblement le réseau d'accueil et
d'orientation et d'insertion des personnes errantes sans domicile fixe.
Comme le rappelle M. Bernard Quaretta, les personnes errantes sont des
personnes marginalisées, à multiples handicaps, pour lesquelles
aucune réponse satisfaisante n'a été donnée par les
services sociaux :
" C'est contraints et forcés qu'ils quittent
le lieu de référence : le hasard des bons de transport les invite
au déplacement et la présence des lieux de secours oriente leurs
pas. Regroupés en certains centres urbains, ils deviennent
ingérables
"
.
M. Bernard Quaretta fait remarquer que toute structure d'accueil est donc
contrainte, pour conserver une possibilité d'accueil, d'exclure une
partie des personnes de passage les confortant ainsi dans leur errance.
Il préconise des réponses coordonnées et multiples:
- par la création d'un lieu d'accueil et d'orientation dans chaque
département avec plusieurs antennes dans les villes ayant à leur
disposition un nombre de lits suffisants, sur des sites différents, pour
une durée d'observation de cinq jours par exemple, permettant une
fonction d'accueil, de diagnostic, d'orientation, d'évaluation et de
suivi ;
- la généralisation d'un réseau d'accueil et
d'insertion au niveau national dans le cadre d'un schéma directeur
prévisionnel.
Par ailleurs, s'agissant des principes de prise en charge, le rapport de M.
Thierry
19(
*
)
souligne la
persistance de comportements " d'écrémage ",
c'est-à-dire de sélectivité à l'entrée des
structures d'hébergement, ce qui peut renforcer certains processus
d'exclusion de fait en particulier à l'égard des alcooliques, des
toxicomanes, des personnes présentant de sérieux troubles de
comportement et des étrangers en situation irrégulière.
Il propose d'instituer l'obligation d'accueil et d'élaborer une charte
de l'urgence sociale prévoyant que l'accueil d'urgence s'effectue sans
condition, à la condition que cette ouverture à l'entrée
soit assortie d'une grande rigueur dans la sanction des incidents troublant la
vie collective.
Ce paragraphe se décompose en deux parties.
Tout d'abord, il pose le principe de l'organisation dans chaque
département, sous la responsabilité du préfet, d'un
dispositif
permanent
d'information et d'orientation des personnes en
difficulté.
Ce dispositif devra :
- évaluer la situation de la personne
- proposer une réponse immédiate et organiser la mise en
oeuvre de cette réponse
- tenir à jour les disponibilités d'accueil dans le
département.
Ensuite, il met en place un mécanisme de gestion des places disponibles
dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale
20(
*
)
(CHRS). Les CHRS seront
tenus de déclarer périodiquement leurs places vacantes ;
Par ailleurs, l'étude d'impact du projet de loi de MM. Barrot et
Emmanuelli évaluait à 15 millions de francs le coût de
la mise en place des services d'information et d'orientation.
Le
paragraphe IV
de cet article procède à l'abrogation
de deux dispositions devenues inutiles.
L'article
L. 185-2
du code de la famille et de l'aide sociale
prévoit que les personnes bénéficiant de l'aide sociale
dans un CHRS peuvent également recevoir de cette aide lorsqu'elles sont
admises dans un centre d'aide par le travail (CAT) destiné aux
travailleurs handicapés.
Par ailleurs, la section IV (
handicapés sociaux
) du chapitre III
(
dispositions régissant certaines catégories de
travailleurs
)
du titre II (
Emploi
) du livre III (
Placement
et emploi
) du code du travail comprend un article unique
L. 323-35
bis
qui dispose que les mesures relatives au travail des travailleurs
handicapés dans un
atelier protégé
ou dans un
centre de distribution de travail à domicile
sont applicables aux
personnes reçues dans un CHRS ou qui en sortent.
Ces dispositions visaient à permettre aux CHRS de développer une
action auprès de travailleurs handicapés dénués de
ressources bien que le statut de CHRS ne prévoyait pas
expressément de mission de retour à la vie active ou à la
vie professionnelle. La nouvelle rédaction examinée au I et au II
ci-dessus des dispositions de la loi du 30 juin 1975 relative au CHRS
étend désormais très largement le rôle d'insertion
professionnelle des CHRS et rend superflues les dispositions
précitées.
Outre l'amendement rédactionnel au 1° du I examiné
ci-dessus, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements
à cet article :
- le premier amendement proposé par la commission spéciale
mais également par plusieurs députés de l'opposition
à l'Assemblée nationale, et notamment par M. Jacques Barrot,
précise que le dispositif de veille sociale départementale
s'adresse également aux "
familles
" en
difficulté ;
- le deuxième amendement précise que dans le cadre du
dispositif de veille sociale, l'organisme qui ne dispose pas de place vacante
peut adresser la personne en difficulté en direction du dispositif
d'urgence.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.