Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues. La procédure accélérée a été engagée.

Discussion générale

M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il n'est pas si fréquent que le rapporteur général présente un texte qui rencontre un si large soutien. Cette proposition de loi a en effet été largement cosignée. J'en remercie chacun, tout comme le président de la commission des finances, qui en a demandé l'inscription à l'ordre du jour.

Le 27 mars 2024, notre mission d'information adoptait son rapport « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », qui mettait en lumière les difficultés croissantes des collectivités territoriales à s'assurer.

Sur les 700 élus locaux ayant répondu à notre consultation en ligne, 95 % ont subi une hausse de leurs primes d'assurance et 30 % une hausse de leurs franchises. Quelque 20 % d'entre eux ont vu leur contrat résilié unilatéralement, dont 41 % avaient reçu un préavis de moins de quatre mois et un quart des collectivités a été confronté à un appel d'offres infructueux.

La raison est bien identifiée : le marché de l'assurance des collectivités, après une guerre des prix fratricide, a été déserté et est désormais presque duopolistique, Groupama et Smacl Assurances se partageant le marché. Notre commission a saisi l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 462-1 du code de commerce.

À cela s'est ajoutée la hausse de la sinistralité, avec tout d'abord des évènements climatiques extrêmes. Entre 1989 et 2019, les indemnisations se sont élevées à 74 milliards d'euros ; or selon certaines études, ce serait 143 milliards d'euros pour 2020-2050, soit le double.

Les collectivités sont aussi de plus en plus exposées aux émeutes. Les violences de 2023 ont engendré des dommages quatre fois plus importants que celles de 2005.

Nos constats ont été confirmés par le rapport d'Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, de septembre 2024.

Le Sénat a déjà permis des avancées, avec l'amendement que j'ai déposé dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique et qui vise à imposer un préavis d'au moins six mois avant toute résiliation unilatérale d'un contrat, ainsi qu'avec la proposition de loi Lavarde sur le régime d'indemnisation CatNat.

Le Gouvernement a, lui aussi, fait un premier pas, avec le Roquelaure de l'assurabilité des territoires et l'annonce d'un plan d'action. Mais les collectivités territoriales sont restées sur leur faim, car les mesures annoncées nécessitent soit une traduction réglementaire, soit la réunion d'un groupe de travail...

Cette proposition de loi traduit donc les recommandations de nature législative de notre mission d'information.

L'article 1er précise les compétences de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), afin qu'elle suive spécifiquement les collectivités.

L'article 2 prévoit que le comité consultatif des services financiers (CCSF) assure un suivi des tarifs des services d'assurance offerts aux personnes publiques, pour anticiper toute nouvelle guerre des prix.

L'article 3 élargit le recours au médiateur de l'assurance aux collectivités qui ne parviennent pas à s'assurer.

L'article 4 systématise les franchises dans les contrats d'assurance des collectivités, pour recentrer le contrat sur les risques principaux, tout en incitant les collectivités à réaliser des actions de prévention.

L'article 5 étend le champ de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSECG) à la couverture de leurs biens endommagés à la suite d'émeutes ou de mouvements populaires violents. L'idée est d'éviter de devoir recourir à un projet de loi d'urgence, comme en juillet 2023.

Enfin, l'article 6 instaure un régime d'assurance des émeutes et mouvements populaires, à l'image du régime CatNat. Il s'agirait d'une garantie obligatoire, présente dans tous les contrats d'assurance « dommages aux biens ». Un fonds, abondé par une surprime, interviendrait pour les dommages dépassant un certain seuil. J'entends que le Gouvernement travaille sur un régime d'assurance dédié aux émeutes, mais nous devons travailler ensemble.

Le Sénat rend une première copie. Charge au Gouvernement de s'en saisir pour apporter au plus vite des solutions concrètes aux collectivités.

Je termine en saluant le travail de notre rapporteure - avoir été maire est assurément un plus. Je remercie les membres de la commission des finances de leur soutien unanime. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Isabelle Briquet applaudit également.)

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure de la commission des finances .  - Cette proposition de loi de Jean-François Husson donne une traduction législative à certaines des recommandations de son rapport.

L'article 1er confie une mission de suivi spécifique de l'assurabilité des collectivités territoriales à l'ACPR, tandis que l'article 2 charge le CCSF du suivi des tarifs assurantiels dans le secteur public. Le médiateur de l'assurance a jugé ces missions réalisables.

L'article 3 permet tout d'abord aux collectivités territoriales d'avoir recours à la médiation de l'assurance dans les litiges qui les opposent à leur assureur. Elles y avaient été autorisées à l'été 2024, mais le ministre avait limité cette possibilité aux seuls sinistres. Notre rédaction, qui inscrit ce dispositif dans le marbre de la loi, est plus solide et plus large, grâce à sa référence aux litiges - et non plus aux sinistres.

L'article 3 permet aussi aux collectivités de saisir le médiateur de l'assurance pour être accompagnées dans leur recherche d'un assureur. L'annonce par le Gouvernement de la création de Collectiv'Assur, une cellule d'accompagnement ad hoc, nous a amenés à élargir la rédaction de l'article 3. La commission vous proposera un amendement précisant que les EPCI à fiscalité propre ont également accès à la médiation de l'assurance et à Collectiv'Assur.

L'article 4 systématise les franchises pour encourager la prévention des petits risques. La commission vous proposera d'allonger le délai permettant aux assureurs de modifier les contrats de six à douze mois.

L'article 5, qui élargit le champ de la DSCEG au risque émeutes et mouvements populaires, favorisera l'indemnisation rapide des collectivités. La commission y souscrit sans réserve.

L'article 6 instaure un régime d'indemnisation du risque émeutes, inspiré du régime CatNat. La commission a précisé la définition de l'émeute, en reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette définition couvre bien les émeutes de 2023, mais pas les violences aveugles que nous avons connues récemment dans des contextes sportifs. La définition du mouvement populaire - rassemblement de personnes usant de la violence dans le but de troubler l'ordre public - est plus large. En revanche, nous excluons de la garantie : les actes de guerre étrangère ou civile, les actes de terrorisme, les attentats, les actions de commandos et les pillages opportunistes.

Afin de rendre effectif le caractère obligatoire de cette garantie, la commission a renforcé les prérogatives du Bureau central de tarification (BCT).

Les risques émeutes et mouvements populaires seraient couverts par une surprime, à l'instar du régime CatNat. Toutefois, le risque étant partagé entre l'assurance privée et la réassurance publique, la commission a considéré qu'il fallait partager aussi cette surprime.

Afin de respecter l'article 40 de la Constitution, les auteurs n'ont pas pu faire intervenir la Caisse centrale de réassurance, pourtant indispensable. Pour contourner cet obstacle, l'article 6 crée donc un fonds. D'autres modèles sont possibles, comme celui du régime CatNat. La commission est ouverte à la discussion. Reste à obtenir du Gouvernement qu'il intervienne dans la suite de la navette pour surmonter l'obstacle de l'article 40.

L'intervention du fonds avait initialement été limitée à 1 milliard d'euros, un plafond que la commission a rehaussé à 1,5 milliard d'euros.

Je vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, SER et du RDSE)

La séance est suspendue à 20 h 10.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance reprend à 21 h 40.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - L'assurabilité des collectivités territoriales est aussi un objectif prioritaire pour le Premier ministre. C'est d'ailleurs l'un des premiers sujets que nous avons abordés lors de notre prise de fonctions. Le chef du Gouvernement a réitéré cet engagement devant les élus et les assureurs.

Nous avons ainsi annoncé une série de mesures lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires : les collectivités qui le souhaitent doivent pouvoir souscrire une assurance.

Le Sénat s'est aussi saisi du sujet, avec sagesse : je pense à votre excellent rapport, monsieur Husson, mais aussi au rapport Chrétien-Dagès.

Le plan d'action présenté au Roquelaure a été élaboré avec les associations d'élus et les assureurs, qui se sont engagés à prendre leur part de l'effort nécessaire au bon rétablissement du marché. Je n'ignore pas, monsieur le rapporteur général, votre rôle dans la préparation de cet événement.

Moins de deux mois plus tard, les engagements du Roquelaure sont tenus. La cellule Collectiv'Assur sera opérationnelle à la fin du mois. Un nouveau guide des bonnes pratiques, préparé en concertation avec les collectivités, les intermédiaires d'assurance et les assureurs, sera publié à la fin du mois également. J'ai demandé aux assureurs de le diffuser lors du congrès de l'AMF. La réforme du régime CatNat, particulièrement protectrice pour les communes de moins de 2 000 habitants, entrera en vigueur prochainement.

Mes services travaillent avec les assureurs et les réassureurs pour proposer une solution d'assurance en cas de dommages consécutifs aux émeutes dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. C'est un sujet majeur : nous devons explorer toutes les possibilités avant de présenter des solutions au Parlement. C'est ce que fait le groupe de travail dédié, via des échanges très riches. Nous étudions la possibilité d'étendre le dispositif dans les territoires ultramarins.

Le Gouvernement sera prêt à étudier toutes les modalités d'intervention, législatives ou réglementaires. Je comprends la frustration du législateur, qui n'a pas la main sur ces dernières mesures. Je note toutefois une large convergence de vues entre l'esprit de votre texte et les mesures gouvernementales prises jusqu'à présent.

Je vous remercie de nouveau, monsieur le rapporteur général et madame la rapporteure. Nous gagnerons à unir nos efforts : c'est dans cet esprit que nous voulons travailler dans les prochains mois, il y a encore quelques étapes à franchir, comme vous l'avez souligné, madame Ciuntu.

Sur l'article 1er, nous sommes en phase avec l'objectif d'un plus grand suivi du marché. Nous sommes toutefois réservés sur le fait de confier à l'ACPR cette mission, qui n'entre pas dans le cadre de ses attributions. En outre, l'institution n'a pas les moyens de l'assumer, et vous savez l'attention que nous portons à la stabilité de la dépense publique... Pourquoi ne pas la confier plutôt à France Assureurs ?

Nous partageons l'esprit de l'article 3. La cellule Collectiv'Assur sera opérationnelle dans les prochains jours, comme je l'ai indiqué. Confiants en la responsabilité des assureurs, nous préférons ne pas contraindre dès à présent son fonctionnement.

Concernant l'article 4, les franchises présentent de nombreuses vertus : elles responsabilisent l'assuré et, in fine, diminuent le coût de l'assurance. Le Gouvernement y est donc tout à fait favorable.

L'article 5 étend le champ de la DSECG aux dommages causés par les émeutes. Compte tenu des contraintes budgétaires, cela ne pourrait se faire qu'au détriment de l'indemnisation des événements climatiques ou géologiques extrêmes. Nous préférons un mécanisme d'assurance privée. Des travaux sont en cours sur ce point.

Nous partageons votre vision sur l'article 6. Pour que le dispositif fonctionne, si des assureurs sont forcés d'assurer le risque, il sera nécessaire d'accorder en contrepartie une nouvelle garantie de l'État à la Caisse centrale de réassurance (CCR). Sinon, nous entraverions la restauration du marché de l'assurance, avec le risque de ruiner les efforts menés jusqu'à présent. Le Gouvernement prévoit de présenter dans le prochain PLF une garantie d'État.

Je prends personnellement l'engagement de conclure ces travaux d'ici le PLF, en vous associant à toutes les discussions nécessaires. Certes, c'est une promesse, mais je la fais à la tribune de votre assemblée. Vous serez, comme moi, attentif à son respect.

M. Laurent Burgoa.  - On y veillera.

M. Éric Lombard, ministre.  - Les débats de ce soir seront très utiles à nos travaux, dans le cadre du Roquelaure.

Fixons-nous également un objectif de calendrier : nous voulons présenter un dispositif complet avant la loi de finances. Nous mettrons en oeuvre tous les moyens nécessaires pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Isabelle Briquet applaudit également.)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Cette proposition de loi est le fruit de plusieurs mois de travail. Cette réflexion était devenue nécessaire, car les élus nous faisaient part de leurs difficultés à s'assurer.

Depuis une dizaine d'années, nos collectivités font face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain en raison de la multiplication des aléas climatiques, sans oublier le mouvement des gilets jaunes et les émeutes de 2023.

De nombreux élus peinent à assurer leur collectivité. D'où la création de la mission d'information au sein de notre commission. Jean-François Husson a remis ses conclusions en seulement deux mois. Le texte d'aujourd'hui s'en inspire. Depuis, Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès ont remis leur rapport.

Enfin, point d'assurabilité des collectivités sans participation de l'assureur. Or le marché est peu attractif : les règles de la commande publique sont très contraignantes. En outre, les sinistres accroissent les coûts et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance dommages aux biens.

Les assureurs se sont en partie retirés du marché. Mais face à la détermination du Gouvernement et du Sénat, mieux valait coopérer. Ce fut le cas au Roquelaure de l'assurabilité des territoires. Aucune collectivité ne saurait se retrouver en situation involontaire de défaut d'assurance.

Le texte renforce l'implication de nombreuses structures publiques ou parapubliques dans les relations entre collectivités et assureurs. Il étend le bénéfice de la DSECG aux collectivités victimes d'émeutes et de mouvements populaires et la couverture des contrats d'assurance dommages aux biens aux dommages résultant de ces événements. Tous les contrats seront concernés, y compris les contrats concernant des véhicules terrestres.

La création de ce nouveau risque « émeutes et mouvements populaires » était nécessaire, mais nous devons y réfléchir. Il faudrait traiter les causes de ces phénomènes. Nous rendons ce risque assurable, tant mieux ! Mais la mutualisation veut dire que nous paierons collectivement. Mon groupe appelle une prise de conscience rapide. Les dégradations qui ont suivi la victoire du PSG doivent nous alerter. Il est intolérable de laisser une infime part de la population dégrader les biens publics ou privés.

Les sénateurs du groupe Les Indépendants voteront ce texte, qu'ils ont d'ailleurs largement cosigné. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

M. Christian Klinger .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Face à la multiplication des épisodes climatiques extrêmes et après les émeutes de 2023, les collectivités rencontrent des difficultés à s'assurer.

La mission d'information a mené une vingtaine d'auditions, effectué trois déplacements, et recueilli plus de 700 contributions en ligne. Il en ressort que 60 % des collectivités territoriales rencontrent des difficultés à s'assurer - taux qui monte à 90 % pour les communes de plus de 10 000 habitants -, tandis que les primes de 94 % des collectivités ont augmenté de 40 % ces quatre dernières années, et 27 % des collectivités territoriales ont subi une hausse de leurs franchises.

Pendant ce temps, la France, toujours à la pointe du progrès social, s'est distinguée avec brio en hébergeant trois des dix mouvements sociaux les plus ruineux pour les assurances depuis 2018...

Les causes du phénomène sont multiples : hausse des sinistres climatiques, judiciarisation croissante, durcissement des critères de souscription. Résultat : des contrats coûteux et des exclusions problématiques.

Ce texte, soutenu par près de 200 sénateurs, répond donc à une urgence républicaine. Le déséquilibre structurel de la tarification est un problème majeur.

Pour y remédier, le rôle de l'ACPR est renforcé, et un observatoire national des tarifs est créé. L'objectif est clair : permettre à chaque collectivité d'accéder à une offre d'assurances équitable en mettant fin aux pratiques tarifaires opaques.

Autre source de tensions : le montant des franchises. La libre négociation qui prévalait jusqu'à présent a conduit à des situations inégales. Nous souhaitons systématiser l'inscription d'une franchise négociable dans les contrats d'assurance pour les dommages aux biens, tout en centrant la couverture sur les sinistres les plus significatifs.

Le texte innove enfin en créant un fonds national de solidarité pour l'assurabilité des collectivités qui ne trouvent aucune solution d'assurance sur le marché, notamment après des émeutes. Ce mécanisme est essentiel pour faire en sorte que les collectivités, notamment les plus petites, ne soient pas pénalisées.

Ce texte est une réponse pragmatique et ambitieuse à une crise silencieuse qui fragilise nos collectivités. En l'adoptant, nous ferions le choix de la justice, de la transparence et de la solidarité territoriale, pour que chaque collectivité puisse continuer d'assurer les services publics.

Je vous l'assure, cette proposition de loi rassure ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE, du groupe INDEP et du RDPI)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Si nous devions retenir un texte illustrant parfaitement la mission de protection du Sénat envers les collectivités territoriales et les élus locaux, je choisirais cette proposition de loi, en raison de sa nature transpartisane, et parce qu'elle reprend les recommandations de la mission d'information sénatoriale sur le sujet.

Depuis quelques années, les collectivités territoriales font face à une multiplication des risques pesant sur les bâtiments publics. Les dégâts provoqués par les phénomènes météorologiques s'intensifient. Les dommages pourraient représenter 134 milliards d'euros entre 2020 et 2050, soit le double des trois dernières décennies. D'autre part, la recrudescence de mouvements sociaux violents engendre de nombreuses dégradations.

Selon l'Association des petites villes de France, plus de 1 500 communes peinent à s'assurer, comme la communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée ou la commune ardéchoise de Guilherand-Granges, restée sans assurance pendant cinq mois début 2024.

Pire : les collectivités subissent parfois des résiliations unilatérales, comme à Nyons, dans le sud de la Drôme, en 2023. La commune a alors choisi, après avoir écarté une offre de prime de 90 000 euros assortie de franchises importantes, une offre à 50 000 euros accompagnée de franchises à 5 000 euros, dont les tarifs se sont finalement révélés beaucoup plus élevés. In fine, la prime a été multipliée par trois. L'explosion des tarifs est due au duopole qui régit le marché, composé de Groupama et de Smalc Assurances.

Je n'oublie pas non plus l'arnaque dont la ville de Die a été victime. Selon France Bleu, devenue Ici, pendant un mois et demi, les automobiles de la commune circulaient sans assurance valide ! La mairie avait signé fin 2024 un contrat par l'intermédiaire d'un courtier qui n'avait pas les agréments nécessaires.

J'ai cosigné ce texte utile et adapté, qui renforce la concurrence et rééquilibre les relations contractuelles. Les collectivités pourront recourir à la médiation de l'assurance et seront davantage protégées.

L'article 4 rendra la franchise obligatoire.

Je souligne l'intérêt de l'article 6, qui instaure une garantie obligatoire contre les émeutes et mouvements populaires. Nous devons trouver la rédaction juridique la plus claire possible, afin d'éviter les contentieux. Je défendrai donc un amendement de clarification des notions d'émeutes et de mouvements populaires.

Ce texte est particulièrement attendu par les élus locaux. Il est utile et protecteur. Je me réjouis que les syndicats mixtes puissent entrer dans son champ d'application.

Le RDPI votera bien évidemment cette proposition de loi, en espérant son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, s'il le faut sur une semaine réservée au Gouvernement.

M. Jean-François Husson.  - Très bien !

M. Bernard Buis.  - Il y a urgence. Les risques ont vocation à s'accentuer rapidement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Michel Masset .  - (M. Pierre Jean Rochette applaudit.) Depuis trop longtemps, s'assurer est devenu un casse-tête, voire un cauchemar pour nos collectivités territoriales. Les maires nous le disent, avec colère et inquiétude.

Le marché de l'assurance devient difficile, les franchises s'alourdissent, les procédures se complexifient et les assureurs se dérobent. Près de 1 500 communes peinent à trouver un assureur ou paient le prix fort. Les résiliations brutales se multiplient, menaçant la prévoyance collective, socle du système assurantiel.

Les risques climatiques accentuent la pression - je pense plus particulièrement au retrait-gonflement des argiles (RGA).

Un point de méthode : chaque compétence transférée de l'État vers les collectivités, ou étendue, devrait être assurable. Nos maires, en première ligne sur tout, se retrouvent seuls et démunis.

Comment en est-on arrivé là ? Que faire pour améliorer les choses ?

Le marché dérégulé est le fruit d'une myopie collective. Il est temps que les collectivités ne soient plus à la merci des assureurs. Aussi, je suis favorable au renforcement des prérogatives du régulateur public et à la création d'un dispositif de suivi de l'évolution des tarifs des contrats.

Cette proposition de loi offre une vision équilibrée. Elle fixe un préavis de six mois en cas de résiliation unilatérale et renforce le médiateur de l'assurance.

Tous les risques doivent être assurés, y compris les mouvements populaires et les émeutes. La définition proposée par la commission des finances va dans le bon sens, mais doit être précisée pour sécuriser juridiquement nos collectivités. Il faudrait ajouter les cyberattaques visant les collectivités - on en dénombre dix-huit chaque mois, dont les conséquences sont lourdes : interruptions de services, destructions ou vols de données, pertes financières, atteintes à la réputation. J'avais d'ailleurs défendu lors de l'examen du PLF un renforcement des moyens de la transition numérique des collectivités. La prévention doit être renforcée. C'est notre rôle de législateur que d'anticiper. Aussi le RDSE défendra-t-il des amendements en ce sens.

Les mesures défendues par ce texte doivent être appliquées en urgence. Le RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Bernard Delcros .  - (MM. Jean-François Husson et Bernard Buis applaudissent.) Les nombreuses saisines de maires qui nous parviennent font état d'une aggravation préoccupante de l'assurabilité des collectivités territoriales.

Les conclusions de nos travaux sont édifiantes : marchés publics infructueux en plus grand nombre ; hausse des cotisations de 147 % en cinq ans pour les dommages aux biens ; augmentation des franchises à 500 000 ou 1 million d'euros, voire jusqu'à 2,5 millions d'euros pour la commune de Rive-de-Gier dans la Loire ; introduction d'avenants en cours de contrat sur les tarifs ; exclusion de risques ou résiliation unilatérale.

En conséquence, les collectivités doivent se tourner vers des assureurs suisses, américains ou japonais - comme Saverne ou Dinan - ou se retrouvent sans couverture.

Le marché de l'assurance des collectivités est en crise et il est de notre responsabilité d'apporter des solutions.

La commission des finances a mis en place une mission d'information et, saisie par le président du Sénat, la délégation aux collectivités territoriales s'est emparée du sujet.

S'y ajoutent des initiatives gouvernementales, comme le Roquelaure de l'assurabilité, concrétisé par la charte d'engagement pour l'assurabilité des collectivités et par la circulaire du 2 mai qui mobilise les préfets sur ces enjeux.

Cette proposition de loi redonne des leviers de négociation aux collectivités territoriales, rend le marché plus lisible et plus équitable, introduit un suivi des pratiques commerciales, permet de mieux accompagner les collectivités en difficulté et crée une médiation.

Le groupe UC votera ce texte, mais, si à la suite de ces initiatives, les difficultés d'assurabilité perdurent, il faudra aller plus loin pour que les collectivités ne soient pas sans solution. Je pense en particulier aux petites communes qui n'ont pas de service juridique.

Assurer une collectivité, c'est assurer sa mairie, son école, sa bibliothèque, sa crèche, son église, parfois même sa gendarmerie. C'est permettre au maire de remplir ses missions de service public sans crainte qu'un sinistre ne le plonge dans une impasse financière.

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos engagements. Mais si l'ensemble de ces mesures n'apportaient pas de garanties concrètes, nous devrions envisager un droit à l'assurance pour toutes les collectivités, sur le modèle du droit au compte des particuliers. Toute collectivité doit pouvoir être assurée à un tarif compatible avec ses capacités financières. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDPI et du GEST)

M. Pierre Barros .  - Nous sommes tous d'accord : il est urgent de garantir à chaque collectivité territoriale la possibilité de s'assurer. Mais il ne suffit pas de donner cet intitulé à une proposition de loi pour que cela devienne réalité.

Mme Silvana Silvani.  - Exactement !

M. Pierre Barros.  - Je regrette que ce texte écarte la seule solution crédible : un opérateur public d'assurance pour les collectivités territoriales. Elle est même contrecarrée par un texte qui cherche à raviver la concurrence, alors que le marché s'est retiré et que seules les assurances mutualistes tiennent encore, sans doute par sens du service public. Les grands groupes se sont tournés vers des secteurs plus rentables, comme l'assurance vie. Résultat : le marché est duopolistique, avec Groupama et la Smacl Assurances. Et que fait le texte ? Il se contente de dérisquer les petits sinistres grâce à des franchises qui reconstituent des marges de rentabilité pour les compagnies d'assurance.

L'intégration du risque émeutes s'effectue par la création d'une nouvelle base de prime, donc par l'élargissement de l'assiette des cotisations. Le texte cherche plus à doper les marges des assureurs qu'à garantir l'accès à l'assurance des collectivités - un comble !

Le constat est sans appel : les collectivités sont de plus en plus démunies face aux assureurs. Il ne faut donc pas un choc concurrentiel, mais un socle universel de couverture.

La ville populaire de 10 000 habitants dont j'ai été maire a connu les émeutes de 2023 et une catastrophe naturelle un an plus tard. Beaucoup d'équipements publics comme les parkings, les stades, les cimetières ne sont pas couverts pour les dommages aux biens, mais seulement pour la responsabilité civile. Or le décret exclut une large part de ces biens.

M. Jean-François Husson.  - Comme pour le régime CatNat !

M. Pierre Barros.  - Entre ce que les assureurs ne prennent pas en charge et ce que l'État exclut par décret, de nombreux équipements restent à la charge de la collectivité. Voilà le vrai sujet, que ce texte n'aborde pas !

Enfin, le texte consacre une part disproportionnée de son dispositif à ce qu'il appelle « mouvement populaire » - terme problématique. Même s'il reprend le code de l'assurance, il entraîne une confusion, alors qu'un mouvement populaire n'est pas obligatoirement accompagné de dégradations ! (On renchérit sur les travées du groupe CRCE-K.) Nous avons déposé un amendement qui corrige la formulation dans ce texte et dans le code des assurances.

Au-delà du vocabulaire, ce point interroge. Le risque émeutes, c'est une sinistralité cinq fois moindre que celle des catastrophes naturelles.

Or nous entrons dans un monde où les aléas climatiques massifs rendent une grande partie des territoires inassurables : le directeur d'Axa parlait ainsi d'un monde inassurable à plus 4 degrés. Porter l'attention sur les mouvements populaires, c'est rater volontairement la cible.

Nous apprécions néanmoins la création d'un fonds prudentiel potentiellement confié à la Caisse centrale de réassurance. Mais soyons lucides : il reposerait sur une surprime payée par les collectivités. (M. Pascal Savoldelli ironise.) Grâce à cette petite avancée, nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Jean Rochette et Mme Solanges Nadille applaudissent également.) De plus en plus de bâtiments ne peuvent être assurés, laissant les élus seuls face aux risques. Le choix réside souvent entre s'assurer avec des primes lourdes ou ne plus s'assurer.

Les difficultés actuelles sont surtout dues à la concurrence non régulée. Résultat : deux acteurs, Groupama et la Smacl Assurances, dominent le marché et les primes augmentent. Et cela, au moment même où notre système est sous tension, en raison du changement climatique et de la récurrence des émeutes dans une société qui se polarise : nos mondes ne se croisent plus, et, quand il y a des émeutes, on casse chez le voisin.

Apparaît une société à deux vitesses : ceux qui peuvent s'assurer et ceux qui ne peuvent plus. Il faut donc réguler. Cette proposition de loi fait suite aux travaux collectifs conduits sous l'égide de Jean-François Husson et Marie-Carole Ciuntu.

Ce travail utile posera une rustine sur des problèmes structurants qui ne manqueront pas de s'amplifier. Il est d'avance insuffisant, ne répondant qu'à l'urgence sans traiter les causes profondes.

Par rapport à 1900, la température moyenne a augmenté en France de 1,7 degré ; ce sera plus 2 degrés en 2030, sans doute plus 2,7 en 2050...

M. Pascal Savoldelli.  - Ce ne sont pas des mouvements populaires, cela !

M. Grégory Blanc.  - Conséquence : le coût des sinistres climatiques doublera dès 2050, pour atteindre 143 milliards d'euros.

La moitié des forêts françaises seront exposées aux incendies et 13 millions de personnes seront exposées au ruissellement. Les submersions marines coûteront 2 milliards d'euros en 2050.

Face à cela, notre système assurantiel se fissure. Ce texte apporte des réponses attendues : suivi spécifique de l'assurabilité des collectivités, observatoire des tarifs assurantiels, médiation, extension de la dotation de solidarité aux violences urbaines, couverture obligatoire contre les émeutes.

Le recours à la médiation ou la couverture obligatoire sont des avancées qui restent à la surface du problème.

Mais en réglant les problèmes d'aujourd'hui, pas ceux de demain, ce texte ne transforme pas l'assurance en pilier de la résilience territoriale. Il faut penser un cadre public de dernier recours et garantir une couverture minimale pour tous.

L'instauration d'une franchise n'est pas une mesure de responsabilisation, mais un transfert de charge qui accroît les déséquilibres. Nous défendrons un amendement sur ce point.

Idem pour l'article 6 : la surprime s'appliquerait aussi aux particuliers et ferait peser sur eux un poids qui devrait relever de la solidarité nationale. C'est un impôt déguisé !

L'extension du régime CatNat entraînera une hausse des cotisations. Nous devons reprendre nos travaux pour voir plus loin, plus juste. Nous voterons toutefois ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre système assurantiel, en crise, est dans l'incapacité de proposer des assurances à toutes les collectivités.

Le sujet n'est pas nouveau : depuis plusieurs années, les alertes se multiplient. Des élus locaux de terrain à leurs associations, en passant par les parlementaires, tous disent la même chose : il est de plus en plus difficile pour les collectivités de s'assurer. Le phénomène s'aggrave.

Le groupe SER a pris sa part dans les travaux de la mission d'information. Nous avons auditionné, documenté, débattu. Cette proposition de loi du rapporteur général est une étape pour sortir de la crise. (M. Jean-François Husson apprécie.)

Aujourd'hui, certaines collectivités renoncent à assurer leurs biens. D'autres basculent dans une auto-assurance forcée, différant des recrutements, gelant des investissements, renonçant à entretenir leur patrimoine.

À l'origine du problème, une défaillance structurelle du marché lui-même, en raison de la concentration et de l'opacité du secteur, sans oublier sa recherche permanente de profit, à l'opposé des valeurs du service public.

Deux opérateurs couvrent 40 % du marché, grâce à une politique tarifaire agressive de l'un d'eux. Résultat : la mise en concurrence qui devrait permettre de faire baisser les tarifs ne joue plus.

Les conséquences sont claires : les collectivités ne peuvent plus s'assurer, la volatilité tarifaire est renforcée et les assureurs ont un pouvoir unilatéral sur les clauses : en clair, ce n'est plus l'acheteur public qui fixe les conditions, c'est l'assureur qui dicte sa loi.

Les causes sont multiples. D'abord, la hausse de la sinistralité climatique : le coût moyen des catastrophes naturelles a doublé entre 2010 et 2020 ; en 2022, la facture atteint 10,6 milliards d'euros.

Ensuite, les mouvements sociaux, dont le coût est difficile à modéliser : les émeutes ont représenté 200 millions d'euros de dégâts - 27 % du total des dégradations.

Enfin, le manque de compétences assurantielles dans de nombreuses collectivités. Nombre d'entre elles devraient être accompagnées.

Résultat : un quart des collectivités n'obtient plus aucune réponse à ses appels d'offres.

Cette défaillance du marché engendre de l'insécurité budgétaire et juridique.

L'impact budgétaire est considérable. L'assurance, dépense jadis stable et marginale, est devenue une ligne incertaine, inflationniste, parfois ingérable. Les primes ont été multipliées par deux ou trois. À Poitiers, elles atteignaient 500 000 euros, soit une augmentation de 330 %. Au Palais-sur-Vienne, ma commune de 6 000 habitants, les franchises ont augmenté de 100 %. Ce sont autant de recrutements gelés et de subventions aux associations supprimées : un effet d'éviction, une forme de contrainte du marché sur les acteurs publics.

Cela crée aussi de l'insécurité juridique : si elle n'est pas assurée, une collectivité se retrouve dans une zone grise. Elle doit assumer seule la couverture des risques et la responsabilité de son exécutif peut être engagée.

Certes, la proposition de loi ne règle pas tout, mais elle constitue une première réponse. Elle prépare les bases d'un cadre plus protecteur.

L'article 1er renforce le rôle de l'ACPR pour mieux identifier les dérives. L'article 2 assure un meilleur suivi des contrats et prévient les dysfonctionnements.

Les articles 3 et 4 rééquilibrent les relations entre assureurs et collectivités. La systématisation des franchises ne doit cependant pas être un obstacle à l'assurabilité des biens.

Avec l'article 5, la DSECG pourra être mobilisée pour les émeutes.

L'article 6 introduit un mécanisme de mutualisation inspiré du régime CatNat, pour éviter de faire peser un trop grand poids sur les communes les plus exposées aux dégradations. Nous défendrons deux amendements pour l'améliorer.

Le groupe socialiste a pris la mesure du problème depuis longtemps. Nous saluons donc cette proposition de loi, empreinte d'un esprit transpartisan auquel nous sommes attachés. Il est heureux que le Gouvernement se soit saisi du sujet.

Nous serons particulièrement attentifs à la mise en oeuvre du plan d'action annoncé. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs années, les collectivités territoriales font face à une crise silencieuse, mais profonde, celle de leur assurabilité : de nombreuses communes n'arrivent plus à se couvrir ou à des conditions intenables.

La mission d'information conduite par Jean-François Husson a mis en évidence un marché déséquilibré dominé par deux opérateurs. À cela s'ajoutent une sinistralité croissante, en raison du changement climatique et surtout des violences, après les émeutes de 2023, qui ont causé des dommages d'une ampleur inédite.

Cette proposition de loi poursuit trois objectifs : améliorer la transparence, rééquilibrer les relations contractuelles et sécuriser la couverture des risques majeurs.

Le texte renforce la transparence, avec des outils permettant de suivre les évolutions tarifaires et les pratiques commerciales.

Il rééquilibre les relations en élargissant les possibilités de médiation.

La systématisation des franchises introduit une logique de responsabilisation et de prévention.

L'innovation principale réside dans la création d'un régime d'indemnisation du risque émeutes, qui ne sera toutefois pleinement opérationnel que si le Gouvernement agit. Pour que la CCR puisse jouer son rôle, une garantie de l'État est nécessaire via le PLF 2026. Mais vous nous avez rassurés, monsieur le ministre.

Nous voterons donc ce texte avec conviction, car il incarne le rôle utile du Sénat et trace une voie pour rendre aux collectivités la possibilité d'assumer leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Garantir une solution d'assurance à nos communes, tel est l'objet de cette proposition de loi.

Cette innovation est très attendue par les élus locaux.

Dans mon département des Alpes-Maritimes, nombre de collectivités peinent à s'assurer, à l'instar de Breil-sur-Roya, dévastée par des phénomènes climatiques extrêmes : sa cotisation a été multipliée par huit et 80 % des sinistres ne sont plus pris en charge - à tel point que le maire a été jusqu'à prendre un arrêté symbolique interdisant les catastrophes naturelles sur le territoire de sa commune !

Je salue le très bon rapport de l'AMF. Je me réjouis que le Sénat prenne ses responsabilités. Forte de ses travaux, notre chambre propose des solutions concrètes - cette proposition de loi en est l'illustration. Elle contient des mesures de bon sens. C'est une première étape pour simplifier les procédures et améliorer la couverture des biens et des personnes.

Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos collectivités rencontrent des difficultés croissantes dans leurs relations avec les compagnies d'assurance. Cette situation est inacceptable et suscite des inquiétudes légitimes : sans assurance, une commune est paralysée.

Assurer une collectivité, ce n'est pas seulement signer un contrat, c'est garantir qu'un maire puisse décider et agir.

Ce texte renforce le principe essentiel de libre administration des collectivités territoriales en assurant une plus grande stabilité financière. C'est un texte sérieux, nécessaire, qui répond à une réalité que nous connaissons tous dans nos départements et en Mayenne en particulier - je salue donc ses auteurs.

Le désengagement des assureurs n'est pas nouveau, mais il s'est aggravé ces dernières années. L'enquête de 2024 est édifiante : 60 % des collectivités déclarent au moins un problème majeur avec leur assurance. Ce taux monte à 90 % pour celles qui comptent plus de 10 000 habitants.

Les assureurs évoquent les crises et les émeutes. En réalité, le marché est atrophié, verrouillé, dysfonctionnel. Dans les années 1990, le secteur a été déséquilibré par l'arrivée d'assureurs européens, qui sont venus casser les tarifs, puis se sont retirés. Nos communes sont pieds et poings liés face à deux compagnies qui tiennent l'essentiel du marché. Ce n'est pas aux collectivités d'assumer les conséquences d'un marché défaillant.

Face à cela, le texte apporte des réponses pragmatiques et bienvenues. Il apporte de la prévisibilité. Ce texte ne contraint pas, il protège. Garantir l'accès à l'assurance, c'est garantir la capacité d'action de nos communes.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Michel Masset applaudit également.)

Discussion des articles

L'article 1er est adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°16 de Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Nous étendons le dispositif de médiation aux EPCI à fiscalité propre.

M. Éric Lombard, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°16 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°9 de M. Barros et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Les franchises visent à décourager les déclarations de faible montant, dont le traitement engendre des coûts de gestion - jusqu'ici, tout va bien. Ce mécanisme optimise la rentabilité économique des contrats.

Mais cette rationalité économique soulève de sérieuses interrogations dès lors qu'elle est appliquée de manière uniforme. Monsieur le ministre, vous avez dit que la franchise responsabilisait l'assuré ; mais les collectivités ne sont pas des assurés comme les autres ! Elles sont investies d'une mission d'intérêt général et soumises à des contraintes budgétaires. Les dépenses occasionnées par ces franchises viennent nécessairement en concurrence avec d'autres priorités essentielles : l'entretien du patrimoine, les services publics de proximité, les politiques sociale ou environnementale.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Avis défavorable : si la franchise est bien calibrée, elle peut responsabiliser les collectivités et améliorer l'indemnisation. Cela n'a pas été contesté lors des auditions.

M. Éric Lombard, ministre.  - Même avis. La franchise est un bon outil dans l'assurance, car elle responsabilise l'assuré, qui, ce faisant, ne déclare pas tous les petits sinistres. La prime peut ainsi baisser.

M. Pascal Savoldelli.  - Soyons clairs : il s'agit d'une franchise obligatoire. Le but de ce texte est donc d'affirmer que les collectivités ont une gestion irresponsable ? (M. Daniel Salmon le confirme.) Eh bien, votons !

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 de M. Grégory Blanc et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - Cet amendement vise à plafonner le montant des franchises, de façon à maintenir une équité entre les territoires et à assurer la soutenabilité financière pour les collectivités. Les plus petites d'entre elles risquent de sortir de l'assurance tant que le marché reste atrophié.

La franchise est consubstantielle au marché de l'assurance, dites-vous ? D'accord ! Mais alors, il faut mieux réguler : cet amendement prévoit que le Gouvernement prendra des mesures réglementaires pour fixer ce plafond.

Les phénomènes de yoyo sont trop faciles : de faibles franchises pour attirer le client pendant deux ou trois ans, avant de les augmenter ensuite. Les assureurs sont des entreprises lucratives, c'est normal ; mais il faut réguler.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous ne souhaitons pas de rigidification supplémentaire, et ne voulons donc pas plafonner le niveau des franchises. Laissons des marges de manoeuvre au Gouvernement.

M. Jean-François Husson.  - Quelle élégance !

M. Éric Lombard, ministre.  - Les catastrophes naturelles frappant les petites collectivités locales feront prochainement l'objet d'un décret et d'un arrêté fixant un plafond.

Nous ne sommes toutefois pas favorables à sa généralisation. Ce secteur, à la suite de tarifs sans doute trop bas, fait l'objet d'un duopole. Il faut donc faire revenir la concurrence. Le plafonnement de la franchise limite l'arrivée d'offres intéressantes.

Les collectivités sont protégées par le code des marchés publics : elles peuvent refuser une franchise trop élevée soit dans le contrat, soit dans un avenant. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Grégory Blanc.  - Nous avons un désaccord idéologique : pour nous, la main invisible du marché ne suffira pas à multiplier le nombre d'acteurs en vue d'obtenir des prix plus ajustés.

Sans intervention de la puissance publique, nous ne parviendrons pas à réguler le marché et nous aurons des territoires à plusieurs vitesses dans notre pays, ce qui n'est pas acceptable.

Mme Isabelle Briquet.  - Les franchises sont source de difficultés potentielles. Cet amendement a le mérite d'apporter une solution aux risques de dérives. Nous le voterons.

M. Jean-François Husson.  - Je ne partage pas ce point de vue.

Je ne suis pas adepte des franchises, mais à l'entrée, elles ont le mérite d'éviter les déclarations intempestives. Or un assureur étudie la fréquence, le montant et l'origine des sinistres. Et la fréquence coûte beaucoup plus cher qu'on ne l'imagine. À la différence de l'État, les assureurs ne peuvent reporter à demain leur équilibre financier...

Dans mon département, les communes ont subi des hausses de tarifs de 30 à 250 %. Plafonner les franchises bloquerait le marché. Avec une première franchise à 2 millions d'euros et un plafond à 5 millions, les collectivités n'ont plus le choix.

Je pense pour ma part que les assureurs reviendront sur le marché, qui va se rééquilibrer. Il faut être à leurs côtés.

M. Pascal Savoldelli.  - C'est un moment de clarification. Toute l'argumentation de M. Husson repose sur le marché, rien que le marché - c'est respectable.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de plafond pour les petites collectivités. C'est bien de le savoir en amont. Mais pourquoi seulement les petites collectivités ? Ce peut être une très petite collectivité qui fait face à une catastrophe naturelle énorme, ou une collectivité qui a une bonne capacité financière - dans ce cas le plafond peut être progressif. Évitons de créer des discriminations territoriales.

M. Marc Laménie.  - Je salue le travail de la mission d'information. Cet article 4 concerne les franchises, qui ont augmenté pour 27 % des collectivités territoriales. Quelle interprétation faire de la notion de petits risques ?

Je me rallie aux avis de la rapporteure et du ministre, même si je respecte chaque amendement. Ces sujets sont complexes. Quelle que soit la nature des risques, il est très compliqué pour les petits villages de s'assurer.

M. Éric Lombard, ministre.  - Le sénateur Savoldelli m'a piqué au vif. Je suis moi-même ancien assureur. L'assurance, c'est d'abord la mutualisation. La base du métier est de veiller à ce que les primes couvrent d'abord les sinistres, puis, dans des proportions diverses, les frais de gestion et dégagent un revenu qui revient aux mutualistes ou aux actionnaires. Ce qui est pris d'un côté se retrouve de l'autre.

La franchise protège l'ensemble des assurés, même si on a voulu, par solidarité, fixer un plafond pour les petites collectivités.

Le marché est dominé par deux mutuelles : Groupama et la Smacl Assurances, qui a été reprise par la Maif. Il serait bon que des sociétés anonymes d'assurance y entrent pour que la concurrence bénéficie aux assurés.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17 de Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Il s'agit de repousser de six à douze mois la publication du décret pour laisser aux assureurs le temps de vérifier l'intégralité des contrats.

M. Éric Lombard, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°17 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié ter de M. Bilhac et alii.

M. Michel Masset.  - Nombre de collectivités, notamment les plus petites, n'arrivent pas à s'assurer contre le risque statutaire - ce qui est pourtant nécessaire pour remplacer les agents absents. Intégrons l'assurance statutaire dans l'offre proposée aux collectivités.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter de M. Bilhac et alii.

M. Michel Masset.  - Le problème assurantiel des collectivités concerne essentiellement les dommages aux biens.

Cet amendement supprime la possibilité d'allotissement et la remplace par une assurance unique englobant les trois risques : responsabilité civile, flotte automobile et dommages aux biens.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Ces amendements visent à empêcher les assureurs de sélectionner les risques. Ils peuvent dès lors être tentés de se retirer du marché. Gare aux effets pervers ! Avis défavorable.

M. Éric Lombard, ministre.  - Avis défavorable. Lors de la concertation avec les assureurs, les courtiers et les collectivités territoriales, nous avons identifié l'allotissement comme une bonne pratique, car il permet à davantage d'assureurs de répondre aux appels d'offres des collectivités. Les assureurs de spécialité, sinon, seraient exclus. À l'inverse, un risque exceptionnel dans le marché peut entraîner l'absence des généralistes. C'est donc une façon de protéger la capacité d'assurance des collectivités.

L'amendement n°8 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7 rectifié ter.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié de MM. Barros et Savoldelli.

M. Pierre Barros.  - Nous intégrons au périmètre de la DSECG des équipements exclus de l'indemnisation, tels que les cimetières, les parkings municipaux ou les stades.

Il y a une zone grise assurantielle, les collectivités étant à la fois exclues de la garantie dommages aux biens et non couvertes par la solidarité nationale.

Nous supprimons aussi le seuil d'éligibilité, fixé par décret à 1 % du budget de fonctionnement, qui introduit une inégalité entre collectivités.

Cet amendement ne crée aucune charge nouvelle au sens de l'article 40, mais réoriente la répartition des crédits existants.

Jadis, un terrain de football était en herbe ; désormais, un terrain en synthétique coûte 1 million d'euros. En cas de coulée de boue, par exemple, la remise en état est très coûteuse. Il faut intégrer ces équipements dans la DSECG en élargissant encore celle-ci.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Nous avons souhaité nous en tenir à l'élargissement au risque émeute. Avis défavorable.

M. Éric Lombard, ministre.  - En élargissant le champ de la DSECG à d'autres risques que le risque émeutes, on modifie l'équilibre même de la couverture assurantielle. Les infrastructures que vous citez - stades, parkings - ont vocation à être couvertes par l'assurance privée.

La DSECG, outil de solidarité nationale, n'a pas vocation à se substituer au marché de l'assurance. Ne faisons pas peser sur l'assureur public les mauvais risques ! Avis défavorable.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Actuellement, le principe d'indemnisation repose sur la reconstruction à l'identique ou à neuf.

Il est temps de faire évoluer cette logique pour privilégier des reconstructions plus résilientes, adaptées au changement climatique.

Comment peut-on à la fois encourager la reconstruction à l'identique et promouvoir la transition écologique ? La première perpétue la vulnérabilité structurelle face à des risques désormais récurrents.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Retrait. On peut déjà financer des travaux d'amélioration à condition qu'ils ne soient pas plus coûteux que la reconstruction à l'identique. Le Gouvernement travaille à une réforme pour développer la reconstruction favorisant la résilience. Le ministre peut-il nous éclairer sur l'avancement des travaux ?

M. Éric Lombard, ministre.  - Nous menons un travail de fond au niveau interministériel, avec les assureurs et les opérateurs, afin que les bâtiments endommagés soient reconstruits en prenant mieux en compte l'adaptation au changement climatique ; mais il faut laisser le temps à ces discussions très techniques de se dérouler. En effet, le coût de la reconstruction peut se révéler bien plus élevé que le coût qui a servi de base au tarif initial. Tel quel, l'amendement pèserait sur la DSCEG et restreindrait la capacité de l'État à aider les collectivités territoriales.

L'amendement n°15 rectifié est retiré.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié de M. Barros et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Aucun groupe politique ne votera contre cette proposition de loi, mais aucun amendement ne recueillera d'avis favorable. C'est un choix !

Nous proposons de substituer à la notion de « mouvements populaires » celle de « dégradations volontaires en réunion ». Les mouvements populaires sont au coeur de toute démocratie vivante, et ne sauraient être assimilés à des actes de violence ou des comportements délictueux. La dégradation des biens relève du code pénal.

Je me souviens d'un parti dénommé Union pour un mouvement populaire ; voudriez-vous l'associer aux dégradations urbaines ?

M. Jean-François Husson.  - Il fallait oser !

M. Pascal Savoldelli.  - Les mots ont du sens, monsieur Husson ! (Sourires) Comment pouvez-vous adosser la notion de mouvement populaire à celle de dégradation volontaire ? Cette discussion est très sérieuse, et laissera des traces.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Avec la multiplication des cyberattaques, le problème n'est pas « si » mais « quand » votre collectivité sera visée. Les conséquences financières sont souvent lourdes.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Monsieur Savoldelli, les mots ont du sens, mais le droit est exigeant. Nous reprenons les termes techniques du code des assurances. Cela n'a aucune incidence sur la perception des mouvements populaires. Évitons de faire référence à des notions de droit pénal, ce qui restreindrait le champ de l'indemnisation. Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié, par nécessité juridique.

Avis défavorable également à l'amendement n°14 rectifié. Les collectivités peuvent déjà s'assurer contre les cyberattaques.

M. Éric Lombard, ministre.  - J'ai de la sympathie pour les propos de Pascal Savoldelli, mais nous faisons ici du droit de l'assurance. Depuis 1930, la jurisprudence consacre le terme de mouvements populaires ; le code des assurances aussi. Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié.

Même avis sur l'amendement n°14 rectifié. J'étais assureur quand les cyberattaques sont apparues. On ne savait pas tarifer le risque ni protéger les entreprises. Désormais, c'est un risque commun. Qu'il soit assuré est une protection pour l'ensemble des opérateurs, notamment les hôpitaux, qui ont tardé à se protéger.

L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14 rectifié.

M. le président.  - Amendement n° 5 de M. Grégory Blanc et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - C'est un amendement de bon sens. Les dégradations liées aux émeutes doivent relever de la solidarité nationale, pas des contrats d'assurance habitation des particuliers ! Appelons un chat un chat : ce que vous proposez n'est ni plus ni moins qu'un impôt supplémentaire pour les personnes qui ont une résidence. Ce n'est pas aux habitants de payer, mais à la solidarité nationale, en ayant un vrai débat sur qui paie quoi.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Retrait. C'est le principe de la mutualisation maximale. On ne peut exclure les entreprises ou les particuliers, qui ont intérêt à bénéficier de cette assurance. D'autant que la surprime est vraiment très modérée.

M. Éric Lombard, ministre.  - Même avis. Les collectivités territoriales sont les premières victimes des émeutes et doivent être les premières bénéficiaires de la garantie. Mais entreprises et particuliers peuvent aussi être victimes. Or plus la base de tarification est large, plus la hausse est modeste.

Les travaux techniques sont en cours. Attendons leur achèvement avant de prendre une position définitive.

M. Grégory Blanc.  - Je maintiens mon amendement, encore plus après ces propos. Plus l'assiette est large, plus on a de rentrées, dites-vous ? Notre désaccord idéologique est total. Demain, nous débattrons de la taxe Zucman : on peut aussi s'attaquer à ceux qui possèdent davantage, cela s'appelle la solidarité nationale ! Il faut une imposition proportionnée aux revenus des uns et des autres. Supprimons ce prélèvement sur les assurances habitation.

Il serait impossible aux assureurs de distinguer ce que paient les particuliers et les entreprises ? Il faut raison garder...

M. Pascal Savoldelli.  - Nous voterons cet amendement.

Pas de solidarité nationale pour les locataires - ils paieront donc. À la fin, les collectivités territoriales vont prendre cher ! M. le ministre a la sincérité de nous dire : ce n'est pas fini, il y aura aussi les entreprises.

Cette proposition de loi est un cheval de Troie, c'est la proposition de loi des assureurs privés pour fermer toute porte à des opérateurs publics ! C'est un texte très politique.

M. Jean-François Husson.  - L'opérateur public existe : c'est la Smacl Assurances. Lorsque nous nous sommes rendus dans le Val-de-Marne, une directrice générale des services d'une ville importante affirmait que les assureurs cherchaient avant tout à servir leurs actionnaires. Nous avons expliqué que la Smacl, mutualiste, ne sert pas de dividendes.

M. Pascal Savoldelli.  - Aucun rapport.

M. Jean-François Husson.  - Vous demandez des opérateurs publics ? Les assureurs privés se détourneraient des mauvais risques, qu'ils abandonneraient aux assureurs publics. C'est l'antisélection.

La mutualisation des risques sur la totalité des assurés est bénéfique. C'est ce que le Sénat a fait en mutualisant le risque de la garantie assurance emprunteur, quel que soit l'état de santé : tout le monde paie la même cotisation.

M. Pascal Savoldelli.  - Cela n'a rien à voir avec l'amendement.

M. Éric Lombard, ministre.  - Le rapporteur général a tout dit !

L'assurance, même mutualiste, n'a rien à voir avec l'impôt, puisqu'elle est proportionnelle aux risques, pas aux revenus ni au patrimoine.

M. Grégory Blanc.  - Et la sécurité sociale ? C'est une assurance !

M. Éric Lombard, ministre.  - Il faudra une extension de la garantie de l'État pour que la réassurance publique des dommages liés aux émeutes fonctionne.

Les choses sont peut-être plus complexes, si vous me permettez à mon tour de vous taquiner.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 de M. Buis et du RDPI.

M. Bernard Buis.  - En première ligne face à des événements violents et imprévus, les collectivités ont besoin de sécurité juridique. Les notions d'émeute et de mouvement populaire doivent être précisément définies, afin d'éviter contentieux et divergences d'interprétation. Nous proposons de reprendre les critères posés par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Nous ajoutons aussi la notion de dommages.

M. le président.  - Amendement n°1 de Mme Briquet et du groupe SER.

Mme Isabelle Briquet.  - Nous souhaitons préciser les notions d'émeute et de mouvement populaire - même si cette dernière nous chagrine. La notion d'intentionnalité mériterait d'être retenue.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Ces amendements sont satisfaits. N'alourdissons pas le texte. Retrait ?

M. Éric Lombard, ministre.  - Ce sont des amendements de clarification. Mais des discussions techniques sont en cours : sagesse.

M. Bernard Buis.  - Je suis assez sceptique sur vos arguments, madame la rapporteure. Il faut clarifier les choses.

L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1.

M. le président.  - Amendement n°18 de Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Cet amendement exclut les attentats et renvoie au Gareat (gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme) plutôt qu'au code pénal.

M. Éric Lombard, ministre.  - L'articulation avec le Gareat est bienvenue. Mais des discussions techniques sont en cours : sagesse.

L'amendement n°18 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 de Mme Briquet et du groupe SER.

Mme Isabelle Briquet.  - Il s'agit de reverser l'intégralité de la surprime au fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaires. Pourquoi améliorer encore la rentabilité des sociétés d'assurance ?

M. le président.  - Amendement identique n°6 de M. Grégory Blanc et du GEST.

M. Grégory Blanc.  - Face à une sinistralité croissante, cette proposition de loi est une rustine pour cinq ou six ans ; ensuite, il faudra remettre l'ouvrage sur le métier.

Allons-nous vers une société du vivre-ensemble ou une société polarisée ? Je penche plutôt pour la deuxième option. La sinistralité va donc augmenter et il faut nous assurer.

Comment ? Vous dites qu'il faut s'appuyer sur le système assurantiel et que chacun doit cotiser au pot commun. Mais il y a d'autres façons de couvrir les risques. Il faut changer de paradigme et nous rapprocher de notre système de protection sociale, qui tient compte de la capacité contributive, avec des mutuelles en complément. On y viendra, pour les risques environnementaux comme pour les risques d'émeutes.

M. le président.  - Amendement identique n°12 de M. Barros et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Ce texte vise à refermer progressivement la voie d'une solution publique pour assurer les collectivités, au profit de la concurrence. Il s'agit de rendre le marché plus attractif pour les acteurs privés : stimulation législative de l'offre par la création d'une obligation de couverture du risque émeute ; augmentation des franchises ; part de la surprime offerte aux assureurs.

Il s'agit de refonder le marché, et non simplement de l'encadrer. Ce pari a sa cohérence, mais ce n'est pas le nôtre. Nous appelons des réponses solidaires : toute ressource issue d'une cotisation collective doit être intégralement affectée à un fonds mutualisé.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure.  - Avis défavorable, car contraire à la position de la commission. Dès lors que le régime organise un partage du risque, il est logique de partager la surprime, à l'instar du régime CatNat ou d'autres régimes.

Sinon, les assureurs se rémunéreront en augmentant les primes des assurés les plus exposés aux risques, en dégradant la couverture, voire en abandonnant les zones les plus risquées. Nous voulons prévenir ces comportements d'antisélection.

M. Éric Lombard, ministre.  - Je ne saurais mieux dire.

Les amendements identiques nos2, 6 et 12 ne sont pas adoptés.

L'article 6, modifié, est adopté.

Après l'article 6

M. le président.  - Amendement n° 13 rectifié de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Tout à l'heure, nous évoquions la reconstruction à l'identique. Cette fois, nous proposons que le bien ne soit plus systématiquement reconstruit au même endroit. Mais je connais par avance le sort réservé à cet amendement, c'est pourquoi je le retire.

L'amendement n°13 rectifié est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. Pascal Savoldelli .  - Nous nous abstiendrons, non par soutien ou neutralité, mais pour envoyer un signal politique.

Cette proposition de loi affiche une promesse, mais elle vise en réalité à retarder la création, inéluctable, d'un opérateur public. C'est un tour de passe-passe : le texte prétend sécuriser les collectivités, mais avec des franchises plus lourdes et en réorganisant en catimini les conditions de la rentabilité des assureurs. On cherche ainsi à réanimer un marché sinistré, en dopant artificiellement les marges.

Soyons clairs : ni le Roquelaure ni cette proposition de loi ne traitent le problème à la bonne échelle. La garantie repose intégralement sur les victimes du retrait du marché : les collectivités, mais aussi les citoyens et les entreprises - nous venons de l'apprendre.

S'il n'y avait pas dans ce texte l'amorce d'un fonds prudentiel, nous aurions voté contre. Mais il peut devenir l'embryon d'une solution plus solidaire ; d'où notre abstention, vigilante et offensive.

Nous n'en resterons pas là !

M. Daniel Salmon .  - Cette proposition de loi est un constat d'échec : nous n'avons pas su lutter contre le réchauffement climatique ni éviter que la violence s'installe dans la société. Voyez les dégâts ! Plutôt que de traiter les problèmes à la source, nous traitons les symptômes.

Cela dit, les collectivités locales pâtissent de ces difficultés ; nous voterons donc la proposition de loi. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là ! (M. Jean-Claude Anglars s'impatiente.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°311 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l'adoption 303
Contre     0

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance demain, jeudi 12 juin 2025 à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 12 juin 2025

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures, à l'issue de l'espace réservé au groupe SER et au plus tard de 16 heures à 20 heures

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. François Bonhomme, M. Bernard Buis

1Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone (texte de la commission, n°687, 2024-2025)

2Proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Mme Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues (n°421, 2024-2025)

3Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches (n°380, 2024-2025)

4Proposition de loi visant à mieux protéger les écosystèmes marins, présentée par Mme Mathilde Ollivier et plusieurs de ses collègues (n°492, 2024-2025)