Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Adaptation de la justice pénale
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Avenir de la Nouvelle-Calédonie
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Position du ministre de la santé sur la loi Duplomb
M. Yannick Neuder, ministre de la santé et de l'accès aux soins
Remises sur les médicaments génériques (I)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Remises sur les médicaments génériques (II)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Suppression du bouclier de sécurité de la région d'Île-de-France
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur
Coupes dans le budget de l'écologie
Non-publication de décrets d'application
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Protection des jeunes contre les dangers des écrans
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique
Soutien européen à la viticulture sud-africaine (I)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Suppression du bonus de complément du mode de garde pour les familles monoparentales
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Soutien européen à la viticulture sud-africaine (II)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Mise au point au sujet d'un vote
Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (Conclusions de la CMP)
M. Pierre Cuypers, rapporteur pour le Sénat de la CMP
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Discussion du texte élaboré par la CMP
Protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
Mise au point au sujet d'un vote
Situation au Proche et Moyen-Orient
M. François Bayrou, Premier ministre
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Ordre du jour du jeudi 3 juillet 2025
SÉANCE
du mercredi 2 juillet 2025
2e séance de la session extraordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : Mme Catherine Conconne, Mme Sonia de La Provôté.
La séance est ouverte à 15 heures.
Questions d'actualité
Mme la présidente. - Le Président du Sénat participe au sommet sur la Nouvelle-Calédonie organisé par le Président de la République, auquel prend part aussi le Premier ministre.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Adaptation de la justice pénale
M. François Patriat . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Jamais la délinquance n'a été aussi violente, précoce et récidiviste, mais la réponse pénale peine à convaincre les Français : la surpopulation carcérale augmente, le sens de la peine s'efface, la récidive marque notre échec collectif.
Je salue le dévouement de l'ensemble du personnel de la chaîne pénale, qui fait vivre une justice à bout de souffle. À la suite de vos prédécesseurs, monsieur le garde des sceaux, vous avez engagé des réformes courageuses, mais les dysfonctionnements demeurent.
Vous avez lancé un exercice inédit de consultation sur la probation, qui a suscité des interrogations. Quelle méthode comptez-vous suivre pour la révolution pénale que vous annoncez ?
Notre droit pénal doit s'adapter aux enjeux actuels : les professionnels de la justice et tous les Français l'attendent. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Nous mobilisons des moyens supplémentaires, mais nous comptons trois magistrats du parquet pour 100 000 habitants, quatre fois moins qu'en Allemagne et dix fois moins que dans la moyenne de l'Union européenne. Je compte sur le Parlement pour tenir l'engagement d'augmenter les crédits de la justice... (M. Yannick Jadot s'en amuse.) La loi d'orientation et de programmation sera tenue à l'euro près.
Cela dit, il ne s'agit pas seulement d'une question de moyens, mais aussi d'organisation. Je proposerai au Premier ministre un projet de loi d'une dizaine d'articles portant sur les délits, car c'est la délinquance du quotidien - rodéos urbains, attaques contre policiers, gendarmes ou enseignants, cambriolages, violences sexistes et sexuelles - qui est perçue comme n'étant pas traitée à la hauteur des attentes des Français : la punition en est trop lente et mal appliquée.
Suppression de l'aménagement obligatoire des peines de moins d'un an et des condamnations avec dispense de peine, instauration de peines courtes et ultracourtes, comme vous l'avez voté hier dans la proposition de loi Kervran, peines de probation confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation et non plus à l'autorité judiciaire : j'espère que le Parlement votera cette réforme attendue par les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Sommet de l'Otan et BITD
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Lors du dernier sommet de l'Otan, les principaux pays européens ont annoncé leur volonté de consacrer 3,5 % de leur PIB à la défense. Cette prise de conscience des périls qui planent sur l'Europe et de la nécessaire montée en puissance de sa défense est à saluer ; c'eût été mieux si elle n'était pas venue si tard et sur injonction américaine...
Des divisions profondes sont apparues entre Européens, à peine masquées par un communiqué d'une maigreur inaccoutumée, véritable haïku diplomatique. Là où la France souhaite que les Européens s'équipent et produisent en Europe, l'Allemagne se contente d'un pilier européen plus fort au sein de l'Otan et cette position l'a emporté au sein du programme européen pour l'industrie de la défense (Edip).
On ne peut qu'approuver la position de la France ; mais comment aurait-elle gain de cause si elle ne s'en donne pas les moyens ?
Le 7 juin 2022, le Président de la République déclarait : « nous entrons en économie de guerre ». Trois ans plus tard, on en cherche vainement le moindre signe. Dans l'aérospatial, les commandes du ministère des armées ont diminué de 33 % entre 2023 et 2024. En 2025, les PME ont des problèmes de trésorerie et les grands groupes doivent payer leurs fournisseurs pour des contrats qui n'ont pas été signés.
Monsieur le ministre, quelle est la stratégie de la France pour soutenir ces entreprises de défense ? Quand les commandes pour 2025 seront-elles affermies ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . - Comme je l'ai expliqué devant votre commission des affaires étrangères et de la défense hier, le retard lié à la censure a été rattrapé. Pas moins de 268 milliards d'euros de commandes sont prévus par la loi de programmation militaire, dont vingt pour cette année. Les exportations, tout aussi inédites, sont de 20 milliards d'euros par an depuis trois ans - c'est très prometteur.
Le vrai sujet est le développement de l'économie de guerre : cherchez en les signes dans l'augmentation des cadences des usines, comme KNDS à Bourges et Roanne, Dassault Aviation pour le Rafale, MBDA pour le Mistral.
Mais cela prend moins de temps de détruire de la valeur industrielle que de la reconstruire. C'est l'effet des « dividendes de la paix », de la RGPP, de la délocalisation de certaines filières. L'industrie civile, à l'instar de l'automobile, a beaucoup à nous apprendre.
Enfin, c'est une chose de fixer un taux de 3,5 %, mais il faut surtout partir de nos besoins. Les discussions sur Edip ne sont pas terminées. Quant à l'Otan, le sujet mériterait un débat à part entière. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
Avenir de la Nouvelle-Calédonie
M. Jean-Marc Ruel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Par cette question, je ne veux ni créer la polémique ni attiser les tensions en prévision des élections provinciales de 2025 en Nouvelle-Calédonie ; je souhaite simplement un éclairage.
Depuis le boycott par les Kanaks du référendum de 2021 jusqu'aux événements violents de 2024, la Nouvelle-Calédonie traverse une crise inédite, aussi bien économique que sociale et institutionnelle.
Le processus fondé sur un dialogue sincère et serein a fait place à une danse compliquée : un pas en avant et deux pas en arrière entre l'État et nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie. Fidèle à sa tradition d'ouverture, le RDSE salue l'initiative des rencontres qui se tiendront à Bougival.
Les propositions restent pourtant divergentes. Certains responsables ont décliné l'invitation, d'autres affichent clairement leurs lignes rouges. La participation de la société civile et des acteurs économiques est encourageante, mais leur place reste incertaine.
Où en sommes-nous ? Qu'attendre de ce potentiel accord de Bougival ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - Le ministre des outre-mer participe précisément à l'ouverture du sommet sur la Nouvelle-Calédonie convoqué par le Président de la République.
Depuis le référendum, marqué par une forte abstention des indépendantistes, jusqu'aux violences de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie s'est enfoncée dans une crise profonde. Dès janvier, nous avons renoué le dialogue ; le conclave de Déva n'a pas abouti, mais a permis de clarifier les positions sans rompre le fil du dialogue.
Le dialogue se poursuit aujourd'hui : le ministre d'État ouvrira des discussions politiques pour lesquelles tous les partenaires ont répondu présents.
En parallèle, un collège économique et sociétal se tiendra les 3 et 4 juillet au ministère des outre-mer afin de faire entendre la voix de la société civile, des forces économiques, des autorités coutumières et des acteurs de terrain.
Notre ambition est claire : faire émerger un projet d'accord global et un plan de reconstruction économique et sociale. Le chemin sera difficile, mais il existe. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Position du ministre de la santé sur la loi Duplomb
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La communauté médicale et scientifique est inquiète de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (exclamations à droite) : médecins, professionnels de santé, associations de patients, sociétés savantes, chercheurs, conseil scientifique du CNRS, tous nous alertent sur les dangers des pesticides pour la santé.
S'il faut le marteler, nous le ferons : les pesticides tuent. Cancers pédiatriques, leucémie, myélome, lymphome, cancer de la prostate, maladies neurodégénératives, infections pulmonaires, troubles du développement neurologique de l'enfant : le lien de causalité est avéré dans tous les cas. L'acétamipride traverse le placenta et peut se retrouver dans le liquide céphalorachidien des nouveau-nés.
La société entière, y compris les agriculteurs, n'en veut plus. Aussi je m'étonne, monsieur le ministre de la santé, de votre silence sur ce texte. Alors que le principe constitutionnel de précaution aurait dû vous imposer une réaction forte, votre silence est assourdissant. L'amiante et le chlordécone ne vous ont donc pas suffi ?
Soutenez-vous ce texte ? Autrement dit, désavouez-vous la communauté scientifique et médicale ? (Applaudissements à gauche)
M. Yannick Neuder, ministre de la santé et de l'accès aux soins . - Je n'expliquerai pas la proposition de loi Duplomb, qui comprend de nombreuses dispositions simplifiant le travail des agriculteurs. Il serait inconstitutionnel de lever totalement l'interdiction de l'acétamipride ; mais il s'agit simplement d'appliquer le régime en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne. (Murmures désapprobateurs sur les travées du GEST ; M. Daniel Salmon s'exclame ; M. Yannick Jadot fait mine de ramer.)
Le ministre de la santé est extrêmement attentif à cette question, mais il se fonde sur des preuves (exclamations ironiques sur les travées du GEST) : cela s'appelle evidence-based medicine. (Mêmes mouvements) J'attends donc les études rendues par la communauté scientifique et les recommandations de l'Anses, ...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Comme sur l'amiante ?
M. Yannick Neuder, ministre. - ... dont la CMP a rétabli le caractère d'agence sanitaire indépendante - si jamais il avait été menacé. (On ironise sur les travées du GEST et du groupe SER.)
Vous pouvez rire... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Mickaël Vallet. - C'est risible !
M. Yannick Neuder, ministre. - Je prendrai donc les mêmes précautions que mes vingt-six homologues européens, en temps et en heure, pour protéger la santé des Français. (Exclamations sur les travées du GEST) Mettons la France au même niveau de précaution que les autres pays européens. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Jean-Pierre Grand applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. - Rendez-vous à l'Assemblée !
M. Mickaël Vallet. - Et à la Commission européenne !
Canicule (I)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - Alors que 1 300 écoles sont fermées pour cause de fortes chaleurs, le bâti scolaire demeure inadapté au réchauffement climatique, tant dans l'Hexagone qu'outre-mer, où les chaleurs peuvent être extrêmes toute l'année, avec un impact sur la réussite des élèves.
En 2023, Emmanuel Macron promettait de rénover 40 000 écoles. Les élus pensaient pouvoir s'appuyer sur le fonds vert, mais en 2025 le Gouvernement l'a réduit de moitié, de 2,5 milliards à 1,15 milliard d'euros, portant un coup fatal à la rénovation des écoles. Entre 2023 et 2024, le fonds vert avait financé plus de 2 000 rénovations ; en 2025, 65 seulement.
Les inégalités se creusent entre les collectivités qui ont les moyens de rénover leurs écoles et les autres. Les territoires où les élèves sont exposés aux fortes chaleurs sont souvent ceux où le taux de pauvreté est le plus élevé, comme La Réunion. En Seine-Saint-Denis, 100 % des écoles maternelles seront exposées à des chaleurs supérieures à 35°C d'ici 2030. Est-ce ainsi qu'on prépare l'avenir de notre jeunesse ?
Alors que les plus riches sont ceux qui polluent le plus, les ménages les plus modestes sont en première ligne face aux conséquences du dérèglement climatique. Quand les inégalités sociales et territoriales se cumulent, l'État doit plus que jamais être présent. Pour l'heure, les personnels des écoles doivent se débrouiller seuls et certains maires ont dû fermer les établissements. Les syndicats enseignants déplorent l'absence de réflexion sur les effets de la canicule sur l'enseignement.
Madame la ministre, allez-vous mettre en place des mesures concrètes et lancer un grand plan de rénovation thermique des écoles ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur quelques travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Alors que les épisodes de canicule sont appelés à se multiplier, nous devons être attentifs aux conditions d'accueil des élèves et des personnels. J'ai rappelé aux recteurs les consignes à appliquer pour l'accueil des élèves, pour l'organisation des examens, mais aussi l'attention à porter aux plus fragiles. Des mesures adaptées à chaque territoire ont été prises, en lien avec les collectivités et les préfets, en associant les organisations syndicales.
Hier, au plus fort de l'épisode, environ 2 200 écoles ont été fermées, sur 45 000. À chaque fois, nous avons organisé l'accueil des enfants que leurs parents ne pouvaient garder.
Oui, nous devons adapter le bâti scolaire au dérèglement climatique. Communes, départements et régions sont mobilisés. Dès 2032, nous y avons dédié une enveloppe sur le fonds vert, et la Banque des territoires consacre 2 milliards d'euros pour financer les contrats de performance énergétique des collectivités, que nous avons facilités.
L'État et la Banque des territoires ont engagé 1 milliard d'euros pour avancer vers l'objectif, annoncé par le Président de la République, de rénover 40 000 établissements dans les dix ans. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Remises sur les médicaments génériques (I)
M. Olivier Henno . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe à ma question notre collègue François Bonneau, pharmacien d'officine. Le mouvement de grève des pharmaciens de garde est très suivi. Ils estiment à juste titre que la mesure annoncée le 20 juin pourrait porter un coup fatal à l'équilibre économique déjà précaire de leur secteur : l'État a décidé de plafonner les remises des laboratoires sur les médicaments génériques à 20 % ou 25 %, contre 40 % jusqu'alors.
Ce mécanisme, qui pouvait sembler technique et budgétaire, est en réalité vital pour les pharmacies. Sa modification signifie des licenciements, des fermetures et, inévitablement, une dégradation de l'accès aux soins pour nos concitoyens, surtout dans la ruralité.
Comment garantir aux pharmaciens d'officine leur pérennité économique, maintenir les gardes indispensables et préserver un maillage territorial déjà mis à mal ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Le maillage pharmaceutique de tout le territoire est effectivement important. Les pharmaciens ont le choix des médicaments génériques qu'ils souhaitent distribuer dans leurs officines. Depuis 2014, la remise peut atteindre 40 % du prix de ces produits. Mais l'arrêté qui l'a instaurée a pris fin au 1er juillet.
Le Gouvernement a engagé une concertation avec les professionnels sur le maintien des génériques, l'augmentation de la part des biosimilaires et la réalisation d'une économie globale de 100 millions d'euros, conformément au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement a accepté de reprendre un arrêté, à titre provisoire, pour éviter tout vide juridique. La remise existe donc encore.
Le Gouvernement souhaite renforcer le rôle des pharmaciens en matière de tests, de vaccination ou de prévention de la tension artérielle. Ces activités créent aussi des revenus pour les pharmacies.
M. Olivier Henno. - Votre réponse est limpide, comme d'habitude...
Ce sujet touche au coeur du mal français : des mesures d'économies décidées et annoncées brutalement par la technostructure, qui frappent les plus petits, les plus fragiles, les plus isolés, souvent dans la ruralité - en l'espèce, les officines de la ruralité et des quartiers. Je vous mets en garde à la veille d'annonces d'économies : nous sommes au coeur, peut-être, de la colère française. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du RDSE et du groupe INDEP)
Canicule (II)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER) Cette année en France, du fait de la canicule - que l'action politique aurait pu maîtriser - (rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains), combien y aura-t-il de morts ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Santé Publique France nous le dira en appréciant la surmortalité sur la période. Depuis la canicule de 2003 - j'étais alors en poste à l'AP-HP -, qui a coûté 15 000 décès précoces à notre pays, nous avons énormément progressé ; nous nous sommes organisés pour faire face à ce type d'événements.
Mais cela ne suffit pas. Nous devons continuer à baisser nos émissions de gaz à effet de serre. C'est le cas. Dans son arrêt sur l'Affaire du Siècle, le Conseil d'État a constaté que nous les avions réduites de 20 %, rattrapant le retard pris sur la période 2012-2017. Nous devons aussi mettre en oeuvre le plan national d'adaptation au changement climatique, préparé par mon prédécesseur Christophe Béchu. Avec Astrid Panosyan-Bouvet et Catherine Vautrin, nous avons déjà publié un décret, entré en vigueur le 1er juillet, sur les travailleurs en temps de canicule.
Nous travaillons en interministériel et vous pouvez compter sur l'engagement du Gouvernement.
J'ai bien noté que vous aviez gardé du temps pour une longue réplique, mais j'espère vous serez autant engagée quand il faudra négocier nos budgets.
Mme Mélanie Vogel. - Depuis 2022, 20 000 personnes sont mortes en France, uniquement des pics de chaleur. (M. Bruno Sido en doute.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. - Quels documents l'affirment ?
Mme Mélanie Vogel. - Que les choses soient claires : elles sont mortes non pas de la chaleur, ni de l'inaction climatique, mais de l'action climaticide de celles et ceux qui sont au Gouvernement depuis huit ans. (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER ; protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains)
Elles sont mortes de la pause environnementale voulue par le Président de la République, du sous-financement massif dans la transition écologique, paroxystique cette année avec la baisse d'un tiers des crédits consacrés à la transition. (Mêmes mouvements)
Ces personnes ne meurent pas au hasard. L'action climaticide ne tue pas les riches...
M. Jean-François Husson. - C'est lamentable !
Mme Mélanie Vogel. - ... ni ceux qui travaillent dans des bureaux climatisés ; il tue les aides-soignantes et les ouvriers, et celles et ceux qui vivent dans des bouilloires. (Mêmes mouvements)
Se satisfaire d'un plan d'adaptation critiqué par le Haut Conseil pour le climat parce qu'il est flou, non financé, non contraignant, est indécent. La vérité, c'est que, dans le seul objectif de vous maintenir au pouvoir, vous menez contre toute rationalité une politique climaticide dictée par l'extrême droite. (Mêmes mouvements)
Qui peut prédire le désastre auquel cela nous mènera ? Tout le monde. Qui peut agir ? Vous. Quand il vous faudra rendre des comptes, qui vous pardonnera ? Personne. (Applaudissements sur les travées du GEST et quelques travées du groupe SER)
Remises sur les médicaments génériques (II)
Mme Marie-Pierre Richer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est dangereux de réduire à 20-25 % le plafond des remises sur les médicaments génériques. Cela entraînerait la disparition de nombreuses pharmacies, affecterait la santé des patients, accroîtrait les inégalités d'accès aux soins, réduirait l'attractivité de la filière officine déjà en souffrance.
Le maillage officinal est déjà détérioré. Plus de 2 000 officines ont disparu en dix ans, dont 24 dans mon département, le Cher. Les officines sont pourtant le dernier rempart face aux déserts médicaux, grâce notamment à la téléconsultation et à la vaccination.
Dans un contexte de dérapage des dépenses, la recherche d'économies n'est pas contestable. Cependant, faut-il les faire aux dépens des officines et au bénéfice des industriels ?
On a transféré des missions aux pharmaciens, et ils ont répondu présents.
J'alertais déjà il y a plusieurs années sur la désertification pharmaceutique. Que répondez-vous aux pharmaciens et à nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Des déserts pharmaceutiques sont-ils en train de se former comme des déserts médicaux ? Oui : on a perdu 7 % d'officines en dix ans.
J'ai reçu les organisations syndicales et me suis entretenu avec la présidente du conseil de l'ordre. J'ai signé lundi le décret reportant la baisse du plafond des remises afin d'instaurer des discussions sur la diversification des revenus des pharmaciens. Nous avons en effet un problème : certaines officines ne sont plus rentables, donc plus revendables. Pas moins de 294 d'entre elles ont fermé en 2024.
Je salue le travail du Sénat avec la proposition de loi Mouiller...
M. Michel Savin. - Excellent !
M. Yannick Neuder, ministre. - ... enrichie par un amendement du Gouvernement. Ce texte prévoit une rémunération pour cette mission de service public des pharmaciens, pour qu'ils continuent à délivrer les médicaments mais aussi à procéder à des dépistages et des vaccinations. Il faudra trouver d'autres actions pour sauvegarder ce maillage territorial indispensable.
La proposition de loi Mouiller est l'un des vecteurs législatifs du Gouvernement, avec le pacte de lutte contre les déserts médicaux et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre Richer. - Le meilleur signe serait d'abandonner la mesure. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Michel Masset applaudit également.)
Suppression du bouclier de sécurité de la région d'Île-de-France
Mme Marie-Carole Ciuntu . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2016, la région d'Île-de-France a subventionné 732 communes grâce à son bouclier de sécurité, destiné à soutenir les dépenses d'équipement des polices municipales ou de vidéoprotection, à hauteur de 145 millions d'euros. Elle aide aussi l'État à construire des commissariats.
Or l'opposition a attaqué ce dispositif devant le tribunal administratif et le rapporteur public a prôné son annulation au motif que la sécurité ne relèverait pas de la compétence régionale. Si le tribunal suit ces conclusions, une partie non négligeable des dispositifs de sécurité sera remise en cause.
Est-ce vraiment le résultat politique que nous souhaitons ? L'État est-il si riche qu'il puisse se passer de l'aide des régions ? Les polices municipales ont-elles des budgets si abondants ? Rarement le besoin de sécurité n'a été aussi grand. Les émeutes d'il y a deux ans ont engendré 800 millions d'euros de dégâts. Qui va aider les communes à se rééquiper, sinon la région ?
M. Roger Karoutchi. - Très bien !
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Si le juge annulait le bouclier de sécurité de la région d'Île-de-France, le Gouvernement prendrait-il ses responsabilités pour permettre aux régions qui le souhaitent de participer à ce type de dépenses ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Cette situation est absolument kafkaïenne. La sécurité de notre pays n'appelle-t-elle pas l'effort de chacun ? Bien sûr ! De l'État, d'abord, mais aussi des collectivités, dont les régions.
Il y a une incertitude juridique. Le cadre juridique est posé par l'article L.4221-1 du code général des collectivités territoriales.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Absolument !
M. Bruno Retailleau, ministre. - Cet article dispose que, dans le champ de ses compétences, par exemple les transports ou les lycées, la région a parfaitement le droit de financer des équipements de sécurité.
Selon le troisième alinéa de cet article, la région peut engager des actions complémentaires de celles de l'État et des autres collectivités territoriales. Je pense que c'est une voie qui peut être empruntée.
Le rapporteur public du tribunal administratif de Montreuil a eu un avis inverse. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)
Non, l'État n'est pas suffisamment riche pour répondre aux besoins de toutes les communes. Il faut que chacun fasse des efforts.
M. Didier Marie. - Taxez les riches !
M. Bruno Retailleau, ministre. - François-Noël Buffet et moi recevions il y a quelques heures les associations de maires, pour forger définitivement le texte sur les polices municipales, à qui nous confierons des responsabilités. Un article permettra aux régions de se saisir de cette compétence.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre. - C'est capital si nous voulons assurer le meilleur service public de la sécurité à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Carole Ciuntu. - Vous avez entendu l'inquiétude de centaines de maires réunis autour de Valérie Pécresse (exclamations à gauche), qui ne savent pas comment défendre nos concitoyens si le dispositif est suspendu. Nous sommes très rassurés par votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Coupes dans le budget de l'écologie
Mme Nicole Bonnefoy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La forte canicule que nous vivons rappelle cruellement le coût de l'inaction. Votre climato-attentisme met en danger les plus vulnérables, dans les hôpitaux ou les écoles.
Si nous saluons le déclenchement, même tardif, du plan canicule, que dire de vos renoncements écologiques successifs ? Lors du projet de loi de finances, rabot du fonds vert de près d'un milliard d'euros, malgré la création du fonds territorial climat ; rebelote austéritaire le 26 juin dernier, avec un nouveau rabot de 5 milliards d'euros - sans ventilation précise - mais nous savons d'expérience que l'écologie est souvent la première victime.
Le fonds vert sert aux collectivités pour financer la protection contre les îlots de chaleur, la renaturation des cours d'école ou la rénovation énergétique du bâti public. Les élus locaux ne comprennent pas votre yo-yo budgétaire. Le désinvestissement écologique met in fine la population en danger !
Allez-vous rendre aux collectivités des marges de manoeuvre financières pour renouer avec la transition concrète, au bénéfice des plus fragiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Les premières mesures de vigilance ont été déclenchées le 20 juin - nous n'avons pas attendu la cellule interministérielle de crise, ni les caméras de télévision.
Madame Vogel, le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) a reçu un avis positif quasi unanime d'une commission pilotée par le sénateur Dantec, membre de votre groupe : je vous invite à partager l'information...
M. Jean-François Husson. - Cela s'appelle un uppercut !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - S'agissant des crédits consacrés à l'adaptation au changement climatique, j'ai obtenu de la Banque des territoires qu'elle augmente son budget de 2 milliards d'euros pour compenser les efforts budgétaires sur la rénovation des bâtiments publics et sur le programme EduRénov, qui est plébiscité. Nous avons rénové cinq mille écoles en deux ans, et augmentons le nombre de projets soutenus. J'invite les élus à se renseigner sur le site dédié. Notre ambition est de rénover 40 000 écoles en dix ans.
Il y a cinq ans, il n'y avait pas de fonds vert. C'est notre majorité qui l'a créé ! (M. Mickaël Vallet ironise.) Pas la gauche, ni la droite. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) C'est du plus.
Le budget en faveur de la rénovation du bâti est en forte progression, car cela répond à une attente des habitants
Mme Nicole Bonnefoy. - Nous avons besoin de cohérence et de constance. En rabotant de toutes parts votre budget chagrin, vous remettez en cause l'action publique locale, alors que les élus sont conscients du mur d'investissement climatique devant lequel nous sommes. Vos décisions sont, de fait, contraires au Pnacc ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Non-publication de décrets d'application
Mme Sylvie Valente Le Hir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Président de la République a convoqué le Parlement en session extraordinaire à compter d'hier. Nous assurons avec sérieux notre mandat et souhaiterions des garanties calendaires s'agissant de la publication des décrets d'application des textes que nous votons.
Les textes en souffrance faute de décrets demeurent bien trop nombreux. Citons la loi du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères, la loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ou encore la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
Je regrette tout particulièrement de ne pouvoir répondre à mes concitoyens au sujet des lois relatives à la prise en charge du cancer du sein et de la maladie de Charcot.
Nous ne votons pas les lois pour en faire l'annonce, mais pour servir nos concitoyens.
M. Christian Cambon. - Très bien !
Mme Sylvie Valente Le Hir. - Tarder à mettre en oeuvre des mesures aussi concrètes et sensibles fragilise notre République, au moment où elle a tant besoin de résultats face aux périls qui la menacent. Notre action ne peut être uniquement symbolique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - En effet, un texte de loi vaut quand il produit des effets concrets. Je salue la présidente Sylvie Vermeillet et les travaux de la commission de suivi de l'application des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Du fait de la période d'instabilité et du très grand nombre de textes adoptés, il y a eu un effet ciseau dans la publication des décrets : à notre arrivée aux responsabilités, le taux d'application était de 60 %, ce qui est inacceptable. J'ai réuni à deux reprises le comité interministériel d'application des lois ; le taux d'application dépasse désormais les 70 %, ce qui reste insuffisant. Nous continuerons à faire le point avec vous tous les deux à trois mois, pour revenir à une situation normale.
Le décret d'application de la loi sur les ingérences étrangères est en cours d'examen au Conseil d'État. La question des dons aux think tanks exige de se rapprocher de la HATVP : nous serons prêts en septembre.
La loi sur la protection des élus se heurte à un problème de compatibilité européenne sur la question de l'assurabilité, mais nous recherchons une solution. Le décret sur les dépenses de sécurité des candidats sera opérationnel avant la campagne des municipales.
S'agissant de la loi sur la maladie de Charcot, le décret d'application sera publié au mois de septembre. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)
Protection des jeunes contre les dangers des écrans
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) On mesure enfin les dangers d'une exposition précoce et excessive aux écrans, ainsi que les méfaits des réseaux sociaux. Mmes Chappaz, Borne et Vautrin ont ainsi cosigné une tribune avec une vingtaine de ministres européens appelant à faire de la protection des mineurs en ligne une priorité.
Il y a sept ans, sur ma proposition, le Sénat adoptait à l'unanimité un texte visant à protéger les plus jeunes - hélas non soutenu par Agnès Buzyn. C'est pourtant un enjeu de santé publique. Notre commission des affaires européennes examinera demain ma proposition de résolution en faveur d'une majorité numérique.
Au-delà de la régulation relevant de l'Union européenne, il est temps de prendre des mesures sanitaires, sociales et éducatives. Des annonces ont été faites par les différents ministères, mais y a-t-il un plan d'action global et coordonné, qui s'appuierait sur les travaux du Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Oui, nous devons protéger les enfants des dérives des écrans.
Le travail ne date pas d'hier. Il y a un an, la commission Écrans, rassemblant des scientifiques, a dressé un constat alarmant sur l'impact du numérique sur la santé mentale, le développement, les troubles de l'attention, la sociabilité de nos enfants.
Nous avons décidé d'agir. Catherine Vautrin, Elisabeth Borne et moi-même sommes attachées à traduire ce constat en une action politique déterminée. Il ne s'agit pas d'interdire pour interdire, mais pour protéger nos enfants, leur redonner le temps d'être simplement des enfants.
Quand Catherine Vautrin parle d'interdire les écrans aux moins de 3 ans, quand Elisabeth Borne préconise la pause numérique au collège, quand je me bats pour l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans à l'échelle européenne, notre détermination est entière et notre coordination, excellente. Dans nos périmètres respectifs, nous voulons avancer. Nous ne menons pas ce combat seules : il s'appuie sur des travaux de grande qualité, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale ou encore au Parlement européen.
Quand les enfants passent quatre heures par jour sur les écrans, il faut agir. Nous avons une ambition politique commune et ne lâcherons rien.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce constat alarmant, nous l'avons dressé ici de très longue date. Il est urgent d'agir contre la surexposition aux écrans, les contenus inadaptés et violents, le cyberharcèlement, la désinformation, la « guerre cognitive » visant à affaiblir notre jeunesse.
Ces contenus dépendent des plateformes, qui privilégieront toujours le profit à la sécurité. Soyons intransigeants dans l'application des règlements européens ! À l'heure de l'IA, construisons des offres alternatives éthiques.
J'ai proposé au Premier ministre de faire de la montée en compétences numériques une grande cause nationale : cela permettrait à chacun d'être formé et aguerri aux questions de cybersécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet et Mme Patricia Schillinger applaudissent également.)
Soutien européen à la viticulture sud-africaine (I)
Mme Pauline Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le raisin français est en colère. Vingt-trois ans après, voilà que la Commission européenne applique une clause de l'accord commercial entre Bruxelles et Pretoria : 15 millions d'euros au bénéfice de la croissance inclusive de la filière vins en Afrique du Sud, en faveur des opérateurs féminins et de couleur, assortis de quotas d'importation sans taxe douanière.
Si l'objet peut paraître louable, était-il nécessaire d'actionner ce levier endormi au moment même où nos viticulteurs traversent une crise majeure liée à la chute de la consommation et au réchauffement climatique ?
Les esprits s'échauffent, la viticulture suffoque, la coupe est pleine. Comment interpréter le message de l'Union européenne, si prompte à aider ses concurrents, si lente à protéger son tissu économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Cédric Chevalier et Pierre-Alain Roiron applaudissent également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Le raisin français a des raisons d'être en colère ! La décision d'octroyer ces subventions arrive en pleine crise du secteur : pression du changement climatique, baisse structurelle de la demande, tensions tarifaires autour des droits de douane...
La ministre de l'agriculture et les ministres du Quai d'Orsay sont pleinement mobilisés pour défendre les agriculteurs français - dans le cadre discussions sur l'avenir de la PAC, à travers notre opposition résolue à l'accord du Mercosur, ou encore quand nous demandons à l'Europe un programme de soutien et des mesures d'urgence.
Face à la crise structurelle du secteur viticole, nous attendons de la Commission européenne un plan structurel. Le ministre de l'Europe a écrit en ce sens au commissaire Christophe Hansen - que je vous suggère d'inviter dans le vignoble français, afin qu'il se rende compte des difficultés de nos viticulteurs.
Mme Pauline Martin. - Nous l'attendons ! Il entendra les raisons de la colère de nos viticulteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Suppression du bonus de complément du mode de garde pour les familles monoparentales
Mme Colombe Brossel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2023, le Président de la République avait pris l'engagement de réformer le complément du mode de garde (CMG) pour l'étendre aux enfants jusqu'à 12 ans. Après, certes, un long délai, vous avez respecté cet engagement en annonçant l'entrée en vigueur au 1er septembre de cette réforme tant attendue par les familles et les associations.
Je salue les nombreux parlementaires mobilisés en faveur de ce nouveau droit, dont Laurence Rossignol, Béatrice Gosselin et le député Philippe Brun. L'extension du CMG bénéficiera notamment aux mères qui élèvent seules leurs enfants - 82 % des familles monoparentales.
Or, selon plusieurs associations, la majorité des mères seules ayant un enfant de moins de 6 ans verront leur situation se dégrader, du fait de la suppression de la majoration accordée aux familles monoparentales ayant un enfant de moins de 6 ans. Bref, vous prenez dans les poches des unes pour mettre dans les poches des autres... La solidarité nationale, ce n'est donc plus l'ensemble de la nation qui aide les plus fragiles : ce sont les plus fragiles qui s'aident entre eux ! (On renchérit sur les travées du groupe SER.)
Hélas, les conséquences de ce choix politique sont déjà connues : éloignement de l'emploi et aggravation de la précarité des mères seules.
Il y a urgence à revenir sur vos premières annonces : étendez le CMG aux enfants jusqu'à 12 ans sans pénaliser les mères solos ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur de nombreuses travées du GEST et sur certaines travées du groupe CRCE-K)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles . - Le Président de la République avait effectivement promis cette réforme, d'autant plus nécessaire qu'il manque 40 % de places de garde.
D'abord, nous avons veillé à prendre en compte à la fois la composition de la famille, ses revenus et ses besoins d'heures, en vue de réduire le reste à charge.
Ensuite, nous avons accordé une attention particulière aux parents solos, pour les enfants jusqu'à 12 ans. Un parent solo a besoin que son enfant soit accompagné plus longtemps : je ne vois pas comment un enfant de 7 ans peut rester seul quand il rentre de l'école.
Enfin, nous avons prévu une prise en charge pour chacun des parents en garde alternée.
Ces trois mesures importantes traduisent bien un effort de solidarité nationale. Mon objectif est que cette réforme soit gagnante pour l'accompagnement des tout-petits, notre objectif commun. Je reste à votre disposition pour en parler.
Mme Laurence Rossignol. - Et la suppression du bonus ?
Mme Colombe Brossel. - Vous ne m'avez pas répondu sur la suppression du bonus de 30 % pour les familles monoparentales. Selon l'Union nationale des associations familiales, 55 % des familles perdront en pouvoir d'achat avec votre réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)
Nomination du PDG de La Poste
M. Patrick Chaize . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le mandat du PDG du groupe La Poste est arrivé à son terme le 25 juin. Permettez-moi de saluer Philippe Wahl pour le travail accompli.
Un mois plus tôt, la ministre des comptes publics avait affirmé au Sénat, lors d'un débat sur l'avenir de La Poste, qu'il allait être remplacé. Pourtant, aucune information ne nous est parvenue, laissant penser que la décision serait reportée à l'automne.
Ce retard n'est pas un cas isolé : la présidence de la SNCF, notamment, reste également vacante.
Quelles sont les raisons du report de ces nominations, en particulier pour La Poste : à un tournant de son histoire, celle-ci doit faire des réformes significatives, sachant notamment que l'État lui verse plus de 1 milliard d'euros par an ? Comment comptez-vous assurer la continuité et l'efficacité des services postaux pendant cette période d'incertitude ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Je vous réponds à la place du ministre de l'économie, à qui la HATVP a demandé de se déporter. Je vous félicite pour votre travail de longue haleine sur La Poste. À mon tour, je salue Philippe Wahl pour son action depuis 2013.
Pilier du service public, La Poste assure des missions majeures qui participent à l'aménagement du territoire ; sa gouvernance est une priorité absolue.
Dans l'attente de la décision présidentielle, pour laquelle je n'ai pas de calendrier précis à vous donner, une direction intérimaire à deux têtes a été installée : Philippe Wahl reste président du conseil d'administration et Philippe Bajou assure la direction générale à titre provisoire.
Une liste de candidats a été transmise à l'Élysée par le comité des nominations ; les discussions se poursuivent, en lien avec la Caisse des dépôts. Le futur PDG doit réunir des qualités éminentes dans les domaines bancaire et financier, social et managérial ; il doit, en outre, posséder une sensibilité territoriale marquée. Il devra présenter un projet visionnaire pour relever les défis du groupe.
Le Parlement sera évidemment consulté sur la nomination envisagée, en vertu de l'article 13 de la Constitution. L'État restera engagé pour garantir la continuité du service public postal, notamment pendant la période budgétaire.
M. Patrick Chaize. - Merci pour votre réponse, qui me laisse toutefois perplexe. Difficile pour La Poste de relever les défis auxquels elle fait face sans PDG... Nous attendons du Gouvernement un vrai projet pour cette entreprise ; il serait bien inspiré de suivre les propositions d'un rapport sénatorial que vous connaissez bien. Mais y a-t-il toujours un pilote dans l'avion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Christian Redon-Sarrazy et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)
Soutien européen à la viticulture sud-africaine (II)
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nos viticulteurs s'interrogent et attendent des précisions, alors que l'Union européenne s'apprête à attribuer 15 millions d'euros au développement de l'inclusivité de la filière viticole sud-africaine, dans le cadre de l'application tardive d'une décision du Conseil européen de janvier 2002 actant un accord destiné à promouvoir les échanges de vins.
Parmi les contreparties prévues, figure la protection des désignations européennes du porto et du sherry au bout d'une phase progressive ne dépassant pas douze années.
Ces appellations sont-elles réellement protégées, en particulier les AOC françaises ? Quelles sont les autres contreparties dont pourraient bénéficier nos viticulteurs ? L'Europe envisage-t-elle des dispositifs de soutien à sa viticulture ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - J'ai, comme vous, découvert cette attribution ; elle résulte d'un texte de 2002, sur la base d'un accord commercial signé en 1999, il y a donc vingt-six ans...
Je n'ai pas lu le détail de cet accord : je ne puis donc pas vous répondre sur le sherry et le porto. Mais j'ose espérer que, l'accord ayant été conclu pour protéger ces appellations, elles le sont bel et bien. Je me renseignerai et vous répondrai.
Aucun d'entre nous n'est comptable d'un accord conclu voilà un quart de siècle. Mais, puisque vous me demandez si j'y suis favorable, je vous répondrai : à l'évidence, non.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre. - Je me bats depuis des mois pour la filière viticole française, l'une de celles qui souffrent le plus. Face aux aléas climatiques et aux évolutions de marché et de consommation, nous ne sommes pas restés inactifs : 120 millions d'euros pour l'arrachage, soutien à la trésorerie, prise en charge exceptionnelle de cotisations MSA, aide de 9 millions d'euros aux jeunes viticulteurs, aide de 1 million d'euros aux pépiniéristes viticoles.
Je suis vigilante sur les accords commerciaux, surtout quand ils ont été imaginés il y a un quart de siècle. Je pense notamment au Mercosur, qui est un mauvais accord pour nos filières agricoles : l'affaire n'est pas conclue, et nous nous battons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, sur des travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Merci pour votre engagement en faveur des professions agricoles et viticoles. En un quart de siècle, du jus de raisin a coulé dans les pressoirs... (Sourires) Les viticulteurs, confrontés à une crise conjoncturelle et structurelle, comptent sur vous et attendent des actes forts. Notre patrimoine viticole est une pépite : soutenons son développement ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)
La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Henri Cabanel. - Lors du scrutin public n°334, Mme Véronique Guillotin souhaitait voter pour.
Acte en est donné.
Délégation (Nomination)
Mme la présidente. - Une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux outre-mer a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai prévu par notre règlement.
Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
M. Pierre Cuypers, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Vincent Louault et Franck Menonville applaudissent également.) Que de chemin parcouru ! Nous ne serions pas ici sans la détermination de Laurent Duplomb et Franck Menonville (applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), pour sortir notre agriculture de l'ornière, pour la libérer non pas de toutes les normes, mais des contraintes injustifiées qui minent notre potentiel productif.
J'apporte tout mon soutien aux agriculteurs, qui ont été bassement attaqués. (On approuve sur les travées du groupe Les Républicains)
Merci à notre ministre pour son soutien sans faille. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte a été dénigré, caricaturé. Et notre ministre a tenu bon, parfois contre ses collègues du Gouvernement.
M. Laurent Burgoa. - Elle est courageuse !
Mme Muriel Jourda. - Bravo !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Vous avez su faire émerger des compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains). Merci à Julien Dive, rapporteur pour l'Assemblée nationale, qui a pris ses responsabilités devant une Assemblée nationale divisée, ainsi qu'à Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Merci aussi à Marc Fesneau, à l'initiative du projet de loi d'orientation agricole. Merci enfin à la présidente Estrosi Sassone, toujours en soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Burgoa. - Bravo !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - La négociation avec l'Assemblée a été longue et difficile, mais l'intérêt national commandait de parvenir à un accord.
Le Sénat a fait des concessions, notamment sur les zones humides. Nous y reviendrons probablement prochainement... (M. Yannick Jadot manifeste qu'il n'en doute pas.) Mais l'essentiel est bien là : le conseil stratégique phytosanitaire facultatif ; la création d'un conseil stratégique global, facultatif ; la fin de la séparation de la vente et du conseil ; la procédure de contestation en matière d'assurance prairie ; la facilitation de la consolidation des élevages et le relèvement des seuils ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement) pour les élevages bovins, porcins et avicoles ; la sécurisation des ouvrages de prélèvement et de stockage de l'eau, déclarés d'intérêt général majeur ; la caméra individuelle pour les inspecteurs de l'environnement, avec une réaffirmation du rôle du préfet.
L'article 2 a cristallisé les débats : non, nous ne réautorisons pas les néonicotinoïdes, mais oui, nous aménageons...
M. Yannick Jadot. - Ah !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - ... sous des conditions strictes, en prévoyant des dérogations pour les exploitations en difficulté. Nous atténuons une surtransposition franco-française, car l'acétamipride est autorisé dans les 26 autres pays de l'Union européenne.
Ce texte équilibré, juste, clôt une longue séquence en faveur de l'agriculture, après le vote de la proposition de loi Ferme France.
Mme la présidente. - Veuillez conclure, cher collègue.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Soyons fiers du rôle moteur du Sénat au service de notre agriculture et de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après des années de nuages sombres au-dessus de nos campagnes, une éclaircie se dessine. (M. Daniel Salmon s'exclame)
Il n'est de fatalité que celle à laquelle on se résigne. Laurent Duplomb et Franck Menonville ont mené un travail opiniâtre pour qu'au bout de neuf mois, une fumée blanche sorte de la CMP. Mobilisation de mes services, procédure accélérée : face aux contre-vérités, j'y ai mis toute mon énergie. Alors que l'arithmétique parlementaire bride l'ambition, nous sommes à quelques centimètres de parvenir à un texte équilibré.
La CMP est parvenue à un compromis, et je salue l'engagement de Dominique Estrosi Sassone. Certes, j'aurais souhaité un texte plus proche de la version du Sénat, mais je vous invite à adopter ces conclusions, qui préservent l'ambition et les leviers centraux du texte. Ce vote marquera une étape décisive dans la reconquête de notre souveraineté alimentaire.
Demain, nos agriculteurs auront un accès élargi au conseil, sans remettre en cause l'exigence de réduction des produits phytopharmaceutiques. La gestion de l'eau, ce bien commun vital et menacé, sera facilitée pour que l'agriculture contribue à la transition écologique, sans être sacrifiée sur son autel. Certains produits de traitement couramment utilisés en Europe pourront l'être en France pour les seules filières en impasse de traitement. Ces dérogations seront encadrées, limitées, réexaminées tous les trois ans et levées dès que les conditions cesseront d'être remplies. L'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) identifie les filières concernées ; ses conclusions sont attendues à l'automne.
Nos producteurs réclament non des privilèges, mais de la justice. Ils n'en peuvent plus des surtranspositions franco-françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
MM. Laurent Burgoa et François Bonhomme. - Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre. - Demain, ils seront libérés de freins administratifs. Pour aller plus loin, je vous présenterai un projet de loi à l'automne.
Les dispositions relatives à l'Anses ayant suscité de vives réserves, j'ai saisi le Conseil d'État : l'identification des usages prioritaires sera précisée par décret. Moi, je crois à la science...
M. Daniel Salmon et M. Yannick Jadot. - Nous aussi !
Mme Annie Genevard, ministre. - L'indépendance de l'Anses ne sera jamais remise en cause.
Je n'évoque pas les mesures restaurant les liens entre l'administration et le monde agricole. Après l'allègement historique de 500 millions d'euros de charges, après les mesures de simplification, nous poursuivons le redressement de notre agriculture et ouvrons un nouveau chapitre, celui d'un avenir conquérant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Évelyne Perrot applaudissent également.)
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°1 de M. Salmon et du GEST.
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je rends hommage à Albert Chotard, agriculteur décédé le 31 mai dernier. Depuis trente ans, il luttait contre la maladie de Parkinson et ses causes : les pesticides. Il avait contacté le collectif de soutien aux victimes des pesticides pour que cela n'arrive pas à d'autres.
Nous refusons d'être complices d'un système qui sacrifie la vie des agriculteurs. Détricoter les normes environnementales n'améliorera ni leur rémunération, ni le renouvellement des générations, ni notre souveraineté. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Et nous continuerons à détruire notre environnement et notre santé pour le profit de quelques-uns.
Après le passage en force à l'Assemblée, les conclusions de la CMP ont été négociées dans l'opacité. Une majorité de nos concitoyens les rejettent.
M. Laurent Burgoa. - C'est faux !
M. Daniel Salmon. - Les alertes sur les dangers de cette proposition de loi, nombreuses, ont été balayées d'un revers de main par la CMP.
Nous le répétons : ce texte contrevient gravement aux principes constitutionnels. Il contredit la Charte de l'environnement. C'est une attaque en règle contre le droit européen.
M. Bruno Sido. - Pas du tout !
M. Daniel Salmon. - D'où cette nouvelle motion.
L'article 2 prévoit la possibilité pour le ministre de l'agriculture de déroger à l'interdiction des néonicotinoïdes.
Pourtant, l'acétamipride, le sulfoxaflor et le flupyradifurone représentent un danger réel pour la santé humaine et les pollinisateurs. Chez l'homme, ce sont maladies rénales, malformations cardiaques, tremblements, pertes de mémoire... Que faudrait-il de pire pour que le législateur ouvre les yeux ?
Le principe démocratique voudrait que l'on s'appuie sur les données scientifiques, mais, madame la ministre, vous les piétinez ! Le chlordécone n'a pas suffi.
En écartant l'Anses de la procédure d'autorisation de mise sur le marché des néonicotinoïdes, ce texte est contraire au règlement européen. La CJUE, en 2024, a été explicite : la protection de la santé humaine et animale et de l'environnement doit primer l'amélioration des cultures végétales. Le principe de précaution prévaut, y compris en l'absence d'alternative. En clair : protéger la santé humaine et l'environnement, voilà le seul critère d'évaluation - et pas le rendement !
Nous devons donc convoquer le principe de précaution. Avec un tel faisceau de preuves du lien entre pesticides et émergence de maladies, nous ne pouvons laisser passer ce type de régression.
Heureusement, le texte de la CMP n'a pas maintenu le conseil d'orientation pour la protection des cultures. Mais le renforcement du comité des solutions risque de compromettre le travail de l'Anses. Le risque de contentieux persiste : le règlement européen exige une autorisation de mise sur le marché objective et transparente.
M. Vincent Louault. - C'est le cas !
M. Daniel Salmon. - J'en viens à la question cruciale de l'eau. Nous devons préserver la qualité de la ressource et un partage équitable. En autorisant l'usage des néonicotinoïdes, en niant leur toxicité, la proposition de loi ouvre la voie à une dégradation des milieux naturels et des ressources en eau.
Le texte prévoit une reconnaissance d'intérêt général majeur pour les installations de stockage : vous rompez avec la recherche d'un consensus local. Vous créez un déséquilibre en privilégiant l'usage agricole, au détriment d'autres, comme l'alimentation en eau potable, ce qui ne dérange pas grand monde ici... (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Burgoa. - Venez voir dans le Gard !
M. Daniel Salmon. - La directive-cadre sur l'eau impose pourtant une utilisation durable de l'eau fondée sur la protection à long terme des ressources disponibles.
Seul point positif (« Ah ! » sur les travées du groupe Les Républicains) dans ce marasme général : la suppression du dispositif sur les zones humides. C'est bien peu...
L'article 3 est contraire au principe de précaution consacré à l'article 5 de la Charte de l'environnement, puisqu'il exclut les bâtiments d'élevage des procédures. Il modifie le régime des enquêtes publiques et remplace la réunion publique par une simple permanence en mairie.
M. Laurent Duplomb. - Très bien !
M. Daniel Salmon. - La loi Industrie verte avait déjà mis à mal la démocratie environnementale. Vous contrevenez aussi à l'article 7 de la Charte, qui garantit à chacun le droit à l'information. Tout cela va à l'encontre de la directive sur les fermes usines.
Accélérer les procédures ne changera rien aux problèmes des agriculteurs : les grandes exploitations favorisent les investissements massifs et l'endettement - qui dévalorise la production - et rendent les transmissions plus difficiles. (M. Roger Karoutchi en doute.)
L'avenir de l'élevage passe par l'installation de fermes partout sur le territoire, et non dans leur concentration dans les mains de quelques-uns. Or vous préparez l'industrialisation et la financiarisation de notre agriculture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Puissat. - Caricature !
M. Daniel Salmon. - Les refus persistants d'écouter les avertissements des experts et de la société civile témoignent d'un tournant inquiétant, celui d'une mise à distance de la science. Des attaques similaires s'observent dans de nombreux pays et mettent en péril notre avenir commun.
Les contraintes viennent de trente années de libéralisation des marchés (marques d'impatience à droite), qui ont organisé la disparition des agriculteurs et atteint la souveraineté alimentaire de notre pays.
Ce que je sais m'oblige. Demain, nous verrons où sont les responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avec une grande sagesse, avis défavorable. (Sourires à droite)
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis.
Monsieur Salmon, l'interdiction de l'acétamipride n'est ni le fait de l'Anses ni de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) : c'est la décision de parlementaires qui se sont octroyé ce pouvoir. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai tendance à croire les scientifiques de l'EFSA, qui autorise cette substance au niveau européen, plutôt que l'amateurisme de certains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Discussion du texte élaboré par la CMP
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°4 du Gouvernement.
L'amendement de clarification rédactionnelle n°4, accepté par la commission, est adopté.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°2 du Gouvernement.
L'amendement de correction matérielle n°2, accepté par la commission, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3 du Gouvernement.
L'amendement de correction matérielle n°3, accepté par la commission, est adopté.
Explications de vote
M. Laurent Duplomb . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) J'adresse des remerciements collectifs à tous ceux qui ont aidé à l'élaboration de ce texte.
Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde.
L'agriculture est malade, asphyxiée par trop de normes. Son image est abîmée par l'agribashing, le nombre de suicides est inadmissible et tant d'hectares sont à l'abandon.
Il y a eu trois fautes politiques majeures. D'abord, l'inclusion de l'agriculture dans les négociations du Gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) en 1986, les accords de 1995 de Marrakech et les accords de la PAC de 1992, qui sont à l'origine de trente ans de déclin de la ferme France.
La Commission européenne a profité d'alliances opportunistes pour engager une réforme précipitée de la PAC. Le tour de passe-passe a été perçu comme une trahison par les agriculteurs, et le désamour s'est amplifié. On est passé de compensations totales à des compensations de plus en plus partielles, puis le versement des aides a été conditionné à toujours plus de normes environnementales. Ainsi détricotée, la PAC est devenue de moins en moins protectrice.
Ensuite, l'agroécologie, miroir aux alouettes...
M. Yannick Jadot. - Elles disparaissent, les alouettes !
M. Laurent Duplomb. - ... dont le gouvernement socialiste a voulu faire l'alpha et l'oméga. Au niveau européen, c'est le pacte vert et la stratégie Farm to Fork, auberge espagnole rassemblant tous les poncifs anticapitalistes, (protestations sur les travées du GEST) dont les promoteurs n'ont que mépris pour les minables réactionnaires productivistes qui osent parler d'économie.
L'agroécologie protégerait le revenu agricole ? Selon le rapport de 2023 du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), aucune certitude ne peut être établie. Ce concept lancé sans précaution a été un choix politique mal évalué, dont les agriculteurs paient le prix.
L'écologisation des débats agricoles aboutit à une simplification outrancière qui empêche tout débat. (M. Yannick Jadot ironise.) Les tenants d'une politique antiéconomique se satisferaient d'une liquidation de notre agriculture pour des raisons environnementales. Comme disait Péguy, le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains. Bref, nous aurons bientôt une agriculture propre, mais plus d'agriculture du tout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Troisième faute : le dogme, depuis 2017, de la montée en gamme. Pour l'agriculture française, exporter, c'est être en compétition avec d'autres agricultures, donc produire à des coûts suffisamment bas pour éviter la concurrence de produits étrangers. Or notre compétitivité agricole s'est fortement dégradée. Le Sénat l'a dit : la stratégie des pouvoirs publics pousse les agriculteurs dans l'impasse. Cette montée en gamme, voulue par le Président Macron, était une erreur.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Plusieurs voix à gauche. - C'est fini !
M. Laurent Duplomb. - Changeons de modèle ! (Protestations à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Mme Patricia Schillinger . - Ce texte est très attendu par les agriculteurs. Ils n'en peuvent plus des règles plus strictes que les règles européennes, du manque de solutions alternatives quand un produit est interdit, des complexités administratives. Ce texte leur apportera des réponses claires, pratiques et responsables.
Grâce à l'article 1, les distributeurs pourront réaliser des activités de conseil, en plus de leurs activités de vente.
L'article 2 n'a pas réintroduit la possibilité pour le ministre de l'agriculture de suspendre une décision de l'Anses en matière d'homologation de produits phytopharmaceutiques, mais crée un comité des solutions à la protection des cultures. On est loin des caricatures des médias, qui parlaient d'une mise sous tutelle de l'Anses.
Le texte ne réintroduit pas davantage les néonicotinoïdes, mais rétablit l'acétamipride, après avis du conseil de surveillance, pour certaines cultures sans solution alternative.
M. Jean-Claude Tissot. - Il y en a déjà !
Mme Patricia Schillinger. - Cette interdiction franco-française pénalisait nos agriculteurs face à nos voisins européens. L'autorisation est encadrée, et les agriculteurs n'utilisent pas ces produits par plaisir. Nous devons continuer à investir dans la recherche.
La reconnaissance d'intérêt général majeur des ouvrages visant à prélever et stocker de l'eau à des fins agricoles est aussi une avancée. Ce n'est pas une porte ouverte aux mégabassines dans tous les territoires, contrairement à ce que l'on a dit.
Dernièrement, nous avons voté plusieurs textes sur l'agriculture. Celui-ci aura le plus d'impact à court terme. Il préserve l'avenir de notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.
Face au dogmatisme de certains, ce texte de bon sens (M. Daniel Salmon s'offusque.) facilitera la vie des agriculteurs : en alignant les règles du jeu, nous les protégeons d'une concurrence déloyale. Le groupe RDPI votera majoritairement pour. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. Henri Cabanel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La proposition de loi a su tirer le meilleur d'une navette mouvementée. Les discussions en CMP se sont déroulées dans le respect et l'écoute chers à notre chambre.
Mon groupe a déploré l'absence de discussion en séance publique à l'Assemblée nationale, symbole de notre échec à faire de la vie parlementaire un rempart contre les populismes et les dogmatismes.
C'est une question de justice sociale : nos agriculteurs bénéficieront des mêmes règles que leurs concurrents européens.
MM. Laurent Burgoa et Rémy Pointereau. - Très bien !
M. Henri Cabanel. - Certes, l'acétamipride est de retour, mais sous la forme d'un droit dérogatoire encadré. L'Anses ne l'a jamais interdit, mais bien les parlementaires, il y a sept ans. Cette décision a été prise sans en évaluer l'impact réel, laissant des filières entières sans solution. Aucune agriculture ne doit être laissée au bord du chemin.
Le RDSE est toujours dans la nuance et cherche l'équilibre entre l'économie, l'environnement et la santé.
Mon groupe se félicite que la CMP soit revenue sur certaines lignes rouges - mise sous tutelle de l'Anses, définition des zones humides -, grâce à la commission des affaires économiques de l'Assemblée.
L'Anses a besoin de mener ses travaux de manière indépendante et sereine. Nos agences de sécurité sanitaire ont été installées après des crises majeures : amiante, sang contaminé, crise de la vache folle. La défiance envers les institutions scientifiques a toujours nourri les crises sanitaires et l'impuissance publique. Notre priorité doit être de réaffirmer le rôle central de l'Anses et son indépendance.
La canicule nous rappelle que nous ne pouvons continuer à opposer productivité et transition écologique. Je regrette que la CMP n'ait pas conditionné l'accès des exploitations aux réserves d'irrigation à un diagnostic préalable de fertilité des sols. Les bassines restent une réponse de court terme : ne reportons pas les changements structurels nécessaires à notre agriculture.
Ce texte bienvenu doit aider nos agriculteurs à se relever. Le RDSE votera majoritairement pour. Mais n'oublions pas l'accès au foncier et le revenu agricole. J'espère qu'un texte sera présenté prochainement.
Avec Daniel Laurent et Sébastien Pla, nous conduisons une mission d'information sur l'avenir de la viticulture. La rentrée s'annonce explosive. Il faut prendre les bonnes décisions en responsabilisant la filière et en conditionnant les aides publiques. Nous ne devons plus donner un euro sans contrepartie. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Franck Menonville . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) C'est un grand jour pour notre agriculture et nos agriculteurs. L'issue de la CMP a donc été favorable. Nous avons travaillé, Laurent Duplomb et moi, de concert pour redonner à nos agriculteurs les moyens de produire et d'être compétitifs.
Notre boussole était claire : pas de souveraineté nationale sans souveraineté alimentaire. Cela n'a pas été facile, le parcours était semé d'embûches - n'est-ce pas, cher Laurent Duplomb ?
Madame la ministre, je vous remercie pour votre écoute, votre soutien et votre détermination. Je salue votre volonté de tenir vos engagements, tout comme ceux de vos prédécesseurs, dans le cadre du budget 2025, du projet de loi d'orientation agricole et de ce texte.
Merci aussi à Dominique Estrosi Sassone pour sa confiance et son rôle déterminant lors de la CMP et au rapporteur Cuypers pour le travail qu'il a mené avec patience et conviction.
Du fait de la motion de rejet adoptée à l'Assemblée nationale, la CMP est repartie d'un texte adopté au Sénat. Nous avons néanmoins voulu faire droit aux propositions de nos collègues députés Julien Dive, Marc Fesneau, Jean-Luc Fugit et Stéphane Travert.
Mais la version de compromis que nous vous proposons n'a aucunement réduit la portée du texte, qui apporte des réponses concrètes aux mobilisations de 2023 et 2024 et impulse un choc salutaire de simplification, de compétitivité et de liberté.
Il lutte contre les surtranspositions franco-françaises, source de concurrence déloyale intra-européenne. Il érige l'agriculture en priorité nationale. Il rétablit l'équilibre entre compétitivité agricole et exigences environnementales. Il s'inscrit en complémentarité du projet de loi d'orientation agricole.
C'est un signal fort, le signe que nous voulons enrayer le déclin de l'agriculture, en donnant les mêmes moyens à nos agriculteurs que nos partenaires européens et des solutions à des filières dans l'impasse.
Ce combat ne doit pas se limiter à l'agriculture, mais toucher l'ensemble de notre économie. La France a besoin d'un choc de compétitivité, de simplification et de liberté.
Ce texte est pour moi un texte de conviction profonde. C'est depuis nos territoires, au nom de l'intérêt national, dans un cadre européen, que nous devons garantir notre souveraineté alimentaire et répondre aux défis démographiques et climatiques.
Le mot de la fin sera pour toi, cher Laurent. Nous avons des personnalités différentes mais complémentaires et sommes animés par la volonté commune d'oeuvrer pour notre pays et notre agriculture.
Le groupe UC votera, bien évidemment, ce texte. Je remercie Hervé Marseille pour sa confiance. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)
M. Gérard Lahellec . - Voilà que la CMP est parvenue à un texte conclusif. Curieux exercice démocratique que celui de confier à quatorze parlementaires, sur 925 au total, le soin de configurer une proposition de loi pour, dit-on, libérer le métier d'agriculteur. Curieux exercice démocratique, alors que les députés ont voté une motion de rejet préalable ! Curieux exercice démocratique que d'introduire dans ce texte des articles dont nous savons qu'ils ne sont pas constitutionnels, par exemple le caractère peu grave d'une atteinte à l'environnement si l'acte était involontaire.
Une seule satisfaction, le retrait de l'encadrement de l'Anses en matière phytosanitaire. Maigre consolation, car la nouvelle version de la loi ressemble à peu de chose près au texte initial.
La procédure est pourtant légale pour faire adopter un texte qui n'est en réalité soutenu qu'au Sénat. Au regard de la composition de la CMP, le tour de passe-passe est facile ; je ne suis pas sûr que cela corresponde à l'esprit de nos institutions, de notre Constitution ou du bicamérisme. (M. Jean-Jacques Panunzi le conteste.) Avec l'instrumentalisation de telles procédures, nous ne réhabiliterons pas la vie politique.
Certes, les agriculteurs sont à bout, et les procédures les exaspèrent. Mais s'attaquer à l'Institut national de recherche pour l'Inrae et à l'Anses est plus facile que de s'attaquer aux causes de la crise. Je pense notamment à la décapitation de notre cheptel laitier, qui a perdu quelque 409 000 têtes en sept ans. Dans mon département, les Côtes-d'Armor, entre 2023 et 2024, la production laitière a chuté de 10 millions de litres.
Il faudrait plutôt un débat sur la sécurité économique. Nous aurions pu prolonger les propos de Laurent Duplomb lorsqu'il évoquait les conséquences de la réforme de la PAC de 1992.
Cette proposition de loi est à contre-courant. Je pense aux fourrages assez miraculeux, à base de maïs, que nous utilisons. Cette plante a pour grand inconvénient d'être gourmande en eau quand il ne pleut pas. Il faudra donc envisager des solutions.
Il nous faut prendre à bras-le-corps les grandes ambitions dont je viens de parler. Nous aurons besoin de recherche et d'expérimentation, d'expertise technique et d'expertise agroécologique.
Le texte nous aligne sur la législation d'autres pays moins-disants sur le plan écologique, mais aussi sur le plan social. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST) En 2020, l'Ademe avait lancé une enquête auprès des parlementaires : 20 % d'entre eux considèrent que les scientifiques exagèrent les risques du changement climatique. À droite, c'est le tsunami : 44 % le pensent ! Seuls 28 % des parlementaires de droite pensent que le réchauffement climatique d'origine humaine est une certitude scientifique. En 2025, avec 143 parlementaires d'extrême droite à l'Assemblée nationale, vos partenaires de régression écologique, je ne vous dis pas ce que serait le résultat...
Au pays de Descartes et de Pasteur, comment accepter une telle négation de la science ? Cette loi que vous vous apprêtez à voter est en réalité une loi trumpiste,...
M. Roger Karoutchi. - Au bas mot !
M. Yannick Jadot. - ... une loi de déni scientifique. Vous niez les impacts des pesticides sur la santé, mais les conséquences des néonicotinoïdes sont établies : cancer de la prostate, infections pulmonaires, maladie de Parkinson. (Protestations à droite)
Votre réaction en dit long. Nous avons entendu un ministre de la santé dire tout à l'heure qu'il n'y avait pas de certitudes à ce sujet.
M. Rémy Pointereau. - Il a raison.
M. Yannick Jadot. - Vous êtes bien dans cette position anti-science ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Vous attaquez d'ailleurs des institutions comme l'Anses et l'Inrae. Vous avez échoué à saborder l'Office français de la biodiversité (OFB), mais jusqu'à quand ?
M. Jean-Jacques Panunzi. - Ça ne va pas tarder !
M. Yannick Jadot. - Vos prédécesseurs ont retardé l'interdiction du chlordécone et de l'amiante. Combien de morts depuis, de malades, de vies brisées ? Ne soyez pas trop vite rassurés parce qu'aucun responsable politique n'a été condamné à l'époque.
Je ne parle pas des mégabassines (exclamations à droite) ni des fermes-usines sans évaluation sanitaire et environnementale. (Mêmes mouvements)
Vos mesures servent une petite minorité de la profession, et tout d'abord l'agro-industrie, l'agrochimie, l'agroalimentaire. Quel mépris pour les paysans qui souffrent de revenus indignes, au nom desquels vous prétendez parler mais qu'aucune des mesures de cette loi ne vient soulager ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Marianne Margaté applaudit également.)
Pensez-vous que le déni climatique les aidera, eux qui en sont les premières victimes ? Quelle sera la prochaine étape ? Comme Trump, interdire les mots « cancer », « Parkinson », « suicide » ou « agroécologie » ? (M. Jean-Jacques Panunzi s'indigne.)
Les Français veulent une agriculture avec la nature et vous leur proposez une agriculture contre la nature (M. Laurent Duplomb proteste.) Combien de temps croyez-vous pouvoir encore bénéficier de leur soutien indéfectible ? Vous avez choisi de courir après l'extrême droite et la Coordination rurale (vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) ; vous avez choisi un modèle qui élimine 100 000 fermes par décennie. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.)
Mme la présidente. - Il faut conclure.
M. Yannick Jadot. - Vous boirez du champagne ce soir, mais tout le monde aura la gueule de bois ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Simon Uzenat applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. - Un peu de nuance, ça peut aider...
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Salmon applaudit également.) Sans surprise, le groupe SER ne votera pas ce texte, qui n'est qu'un leurre. Monsieur Duplomb, nul n'ignore la crise structurelle de l'agriculture française. Le changement climatique bouleverse les modes de production. Mais aucune mesure du texte n'assurera de revenus dignes aux agriculteurs, alors qu'il conviendrait de revoir la PAC, de mettre en place des clauses miroir et de réformer le foncier.
Le monde paysan ne mérite pas que l'on se serve de lui et de sa colère pour satisfaire les souhaits de l'ultraproductivisme chimique ! Le mythe du bon sens paysan ne tient pas, pas plus que l'argument selon lequel seuls les agriculteurs savent ce qui est bon ou non. Et ne nous faites pas passer pour ceux qui stigmatisent les agriculteurs : je l'ai été et connais la réalité du métier.
Ce texte ne concerne pas que les agriculteurs. Il faut élargir le débat, d'autant que le monde paysan ne représente que 5 % des Français. Je ne peux me résoudre à ce qu'un seul syndicat, avec ses relais, dicte sa vision à la société. (M. Laurent Duplomb proteste.)
Le danger majeur tient à la santé publique et à l'environnement. Des mobilisations, moins médiatiques, ont eu lieu ces derniers jours. Personne ne veut du retour des pesticides. Les dispositions actées consacrent une agriculture du passé, chimique, convertie au gigantisme.
M. Laurent Duplomb. - On avait compris...
M. Jean-Claude Tissot. - L'Anses échappe pour l'instant à la réforme, mais la simple tentative de l'affaiblir témoigne de l'esprit du texte. Quelques mesures sont emblématiques : réautorisation des néonicotinoïdes, déclaration d'intérêt général majeur pour les mégabassines...
M. Vincent Louault. - Bravo !
M. Jean-Claude Tissot. - À ce stade avancé des débats, démontons les croyances. D'abord, celle du mythe de l'unité du monde agricole. Il est archifaux de dire que l'ensemble des agriculteurs souhaitaient ce texte, qui ne sert que les intérêts d'une minorité. Un pan entier de la profession s'insurge sans être écouté. L'exposition aux pesticides est associée à des cancers et des maladies pulmonaires et neurodégénératives ; c'est prouvé. L'exposition des femmes enceintes est associée à une baisse de quotient intellectuel des nouveau-nés. Certains produits se retrouvent même dans l'eau de pluie.
L'interprétation que certains d'entre vous faites de ces données scientifiques vous engage. Personne ne pourra dire qu'il ne savait pas. Dans dix, vingt ou trente ans, quand des générations entières subiront cancer et infertilité, vous serez responsables. (On s'en offusque sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous devrez regarder vos enfants et vos petits-enfants dans les yeux et vous expliquer. Nous, nous aurons la conscience tranquille.
Encore une fois, un autre chemin est possible. Donnons-nous les moyens de changer de modèle d'agriculture. Le groupe socialiste votera résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Rémy Pointereau applaudit également.) Un peu de tempérance ! (Sourires au banc des commissions ; Mme Annie Genevard sourit également.)
Le 1er novembre 2024, Laurent Duplomb et Franck Menonville déposaient la première version de ce texte pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs ; je les en remercie. Je les ai rejoints ensuite. Nous sommes partis bien seuls mais avons atteint 180 cosignataires. Nous avons enfin reconnu la nécessité d'avancées juridiques pour sauver nos filières françaises. Que de chemin parcouru ! Ce texte illustre notre capacité à travailler en bonne intelligence. Il apporte des solutions pragmatiques strictement encadrées et mesurées. C'est la prise de conscience de la difficulté de revenir sur des interdictions idéologiques amplifiées par une instrumentalisation politique de la part de certains qui ont pour seul objectif de sauver leurs sièges. (Protestations sur les travées du GEST ; M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Les marchands de peur ont détourné l'opinion publique du vrai problème. L'instrumentalisation, c'est faire croire que nous, agriculteurs, ne voulons pas d'un monde meilleur pour nos enfants. Les agriculteurs, des assassins ? Arrêtez ces caricatures ! Nous partageons tous les mêmes constats. Les agriculteurs sont les premiers confrontés au changement climatique.
M. Daniel Salmon. - Et au cancer !
M. Vincent Louault. - L'ambition d'un monde meilleur ne peut se traduire par un détournement des études scientifiques. (M. Jean-Claude Tissot proteste vivement.) Si nous n'avons plus d'agriculteurs, nos enfants vivront d'une nourriture massivement importée d'Asie ou d'Amérique du Sud où nos normes sont bien loin d'être respectées. (M. Laurent Burgoa le confirme.)
Vous bloquez toute innovation. À gauche de l'hémicycle, vous avez peur de tout (exclamations à gauche). Vous pratiquez l'interdiction idéologique contre les néonicotinoïdes, alors que cela n'embête personne d'en avoir dans les colliers pour chiens et chats ou contre les punaises de lit. (« Bravo ! » et applaudissements à droite)
M. Jean-Claude Tissot. - Vous mélangez tout !
M. Vincent Louault. - Contre les drones, contre les nouvelles techniques génomiques, contre le stockage de l'eau, en disant que les étangs sont des mégabassines. (Rires sur les travées du GEST ; M. Yannick Jadot mime l'action de ramer.)
Amalgames, excès, idéologie de la décroissance : les agriculteurs n'en peuvent plus de passer pour des méchants alors qu'ils ont choisi ce métier pour assurer la sécurité alimentaire du pays.
Je n'ai pas honte d'avoir participé à l'élaboration de ce texte. Sénateur et agriculteur, j'en suis même heureux. Imaginez des textes sur la justice élaborés sans la participation des sénateurs avocats.
Arrêtons une bonne fois pour toutes d'opposer agriculture et environnement. (Mme Anne Chain-Larché applaudit.)
Je salue le courage de la ministre de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; marques d'ironie à gauche)
M. Roger Karoutchi. - Bravo !
M. Vincent Louault. - Sa liberté de parole a été difficile à conserver au Gouvernement.
La CMP a été longue, mais nous sommes parvenus à un texte d'équilibre. Un regret : nous passons à côté de la protection des zones humides. Mais ne classons pas 25 % de notre pays en zone humide, sinon, monsieur Jadot, nous devrons y inclure le quartier parisien du Marais. (Rires) Nous voterons évidemment ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
À la demande des groupes Les Républicains, SER et du GEST, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°335 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 232 |
Contre | 103 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing et Mme Anne-Sophie Patru applaudissent également.)
La séance est suspendue quelques instants.
Protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cette proposition de loi est essentielle et très attendue, pour reprendre les mots de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).
Je remercie mes cosignataires, appartenant à l'ensemble des groupes.
Ce texte consacre une démarche inédite, voire historique, de dialogue social entre les employeurs territoriaux et les organisations syndicales. Répondant aux obligations de l'ordonnance du 17 février 2021, il transpose le premier accord conclu à l'échelle de la fonction publique territoriale.
Cet accord pose le principe de la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance.
Il fixe le montant de la participation minimale de l'employeur à la moitié de la cotisation individuelle prévue au contrat ouvrant droit aux garanties minimales.
Cet accord est issu d'une négociation de dix mois. Chacun a fait preuve de responsabilité, pour améliorer la protection des agents territoriaux. La généralisation de l'adhésion obligatoire à un contrat de prévoyance concerne 38 000 employeurs et 1,9 million d'agents. C'est un facteur d'attractivité alors que près de 74 % des collectivités peinent à recruter.
La fonction publique d'État a, quant à elle, conclu un accord de prévoyance en octobre 2023, aussitôt transposé dans la loi de finances pour 2024.
Nous discutons de cette proposition de loi deux ans après l'accord du 11 juillet 2023, conclu entre la Coordination des employeurs territoriaux et l'ensemble des syndicats représentatifs de la fonction publique territoriale. La liste des signataires, qui comprend les principales associations d'élus locaux, montre combien cet accord est important et unique, mais aussi sensé et calibré.
L'article 1er met en place la généralisation des contrats de prévoyance.
L'article 2 prévoit la mise en place de cette obligation.
L'article 3 fixe la participation minimale des employeurs.
L'article 4, sur lequel le Gouvernement a déposé un amendement, rétablit la version initiale du texte. Il sécurise les droits des agents en fixant un cadre propice à une répartition équilibrée des risques et rétablit le pluralisme nécessaire à une concurrence saine et nécessaire pour les collectivités.
L'article 5 instaure à titre transitoire un régime dérogatoire pour les agents en arrêt de travail à la date de mise en oeuvre du contrat collectif.
L'article 6 reporte l'entrée en vigueur au 1er janvier 2029, afin que les collectivités aient le temps de conclure leurs nouveaux contrats.
Je remercie particulièrement M. le ministre pour son engagement, Mme la rapporteure pour son travail et l'ensemble des parties prenantes pour leur action en faveur de la fonction publique territoriale et de ses agents. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. David Margueritte applaudit également.)
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Près des trois quarts des 1 940 000 agents territoriaux sont de catégorie C ; 45 % d'entre eux relèvent de la filière technique ; la moyenne d'âge est de 46 ans ; le salaire médian est de 1 947 euros, soit 600 euros de moins que dans la fonction publique d'État.
Ces agents sont davantage exposés aux risques d'incapacité, d'invalidité ou d'inaptitude, mais aussi de précarité en cas d'arrêt de travail. Sans prévoyance, ils ne bénéficient que d'un demi-traitement au bout de trois mois d'arrêt. Or moins de la moitié d'entre eux sont couverts par une protection complémentaire. Cela tient à son caractère facultatif, une culture hétérogène de la prévention et une perception lacunaire des enjeux.
Un décret de 2011 a prévu la possibilité pour les collectivités territoriales de participer au financement de la complémentaire santé de leurs agents, qu'ils souscrivent un contrat collectif ou individuel labellisé.
L'ordonnance du 17 février 2021 a renforcé le régime de protection sociale complémentaire en rendant obligatoire la participation au financement en matière de prévoyance à partir du 1er janvier 2025 et en la fixant à 20 % du montant de référence, établi à 35 euros par le décret du 20 avril 2022. Ainsi, depuis six mois, les collectivités territoriales dépensent 7 euros par mois et par agent en prévoyance.
C'était une première étape. Les employeurs et les syndicats ont, pour aller plus loin, lancé une négociation conclue par un accord le 11 juillet 2023. Celui-ci a prévu la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire et fixé le montant de la participation minimale de l'employeur à la moitié de la cotisation individuelle. Cette généralisation est en effet perçue comme source d'optimisation, en améliorant l'équilibre économique du contrat et la couverture des agents.
L'accord du 11 juillet 2023 nécessite d'être transposé dans la loi, faute de quoi il ne peut être appliqué, d'où la proposition de loi d'Isabelle Florennes.
Selon l'article 1er, seuls les contrats collectifs sont éligibles à la participation financière des collectivités territoriales. L'article 2 rend obligatoire l'adhésion des agents aux contrats de prévoyance. Il en résulte une généralisation de ces contrats.
L'article 3 relève de 20 % à 50 % le taux de participation des employeurs, ce qui réduira le décalage entre les 7 euros actuellement versés et le niveau permettant de couvrir les garanties minimales, évalué à 70 euros.
Le coût pour les finances locales de cette mesure très favorable aux agents s'élève à 500 millions d'euros. Toutefois, un grand nombre de collectivités territoriales ont déjà conclu des contrats collectifs à adhésion obligatoire.
Nous n'ignorons pas l'augmentation de 12 points en quatre ans du taux de cotisation employeur pour les agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Aussi, l'article 6 reporte l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2029, afin de lisser dans le temps l'effort demandé aux collectivités.
L'article 4 cristallise les débats du monde mutualiste. Les signataires souhaitent que le nouvel organisme prenne en charge les rechutes après un arrêt de travail survenu avant la prise d'effet du contrat collectif. Or aucune disposition ne le garantit en l'état du droit. L'application de l'article 7 de la loi Évin est source de contentieux, ce qui retarde les indemnisations. Nous avons donc adopté une rédaction de l'article 4 plus précise, qui ancre la jurisprudence de la Cour de cassation, afin de garantir aux agents la reprise de leurs droits.
L'article 5 introduit un régime dérogatoire à titre transitoire pour les agents en arrêt de travail à la date de mise en place du contrat collectif. Ils bénéficieront de la participation de l'employeur dans les mêmes conditions que les autres.
L'article 6 détermine l'entrée en vigueur des dispositions du texte. La date du 1er janvier 2027 prévue initialement était peu réaliste, d'autant que le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée sur le texte. Aussi, la commission l'a reportée au 1er janvier 2029.
Mme la présidente. - Il faut conclure.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - J'espère que le Gouvernement lèvera le gage ; c'est l'objet de l'article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification . - Cette proposition de loi dépasse largement le cadre législatif. Elle incarne une volonté collective puissante des employeurs territoriaux et des organisations syndicales pour renforcer la protection sociale des agents territoriaux. Je me réjouis qu'elle transpose l'accord de 2023, levier d'attractivité essentiel de la fonction publique territoriale.
C'est le premier accord qui suit la loi du 6 août 2019, qui en a fixé le cadre.
Élu local, je salue ce choix. Forte de ses 2 millions d'agents publics dont les trois quarts sont de catégorie C, la fonction publique territoriale ne pouvait laisser ses agents sans protection, d'autant qu'ils exercent souvent des métiers pénibles.
Je salue la ténacité d'Isabelle Florennes, dont le texte constitue une avancée sociale majeure. La protection sociale complémentaire n'est pas un privilège mais un filet de sécurité qui doit profiter à tous.
Dans une logique d'équité, la fonction publique territoriale doit avancer de concert avec les deux autres versants de la fonction publique.
Je salue l'engagement exemplaire des employeurs territoriaux qui ont mis en place cette prévoyance malgré un contexte budgétaire difficile. Je pense au centre de gestion du Rhône et à celui de la Loire-Atlantique.
M. Philippe Grosvalet. - Très bien !
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Je pense également aux élus de Vendée, qui modulent leur participation en fonction de la rémunération des agents. Cela témoigne d'une volonté politique de les protéger.
Cette cotisation obligatoire protège davantage les agents tout au long de leur carrière.
J'ai été sensible à plusieurs témoignages d'agents ayant bénéficié de cette prévoyance, dont une jeune qui a dû s'arrêter plus de trois mois et se félicitait d'avoir souscrit une complémentaire, sur le conseil avisé d'une directrice des ressources humaines. Quand ce n'est pas le cas, les agents doivent affronter des problèmes financiers en plus de leurs problèmes de santé.
Le rôle de l'État est primordial pour sécuriser le cadre juridique et garantir l'équité entre tous les territoires.
Cette loi de transposition est donc nécessaire.
La généralisation aura des conséquences pratiques : pour la passation des marchés, alors que les contrats sont complexes, il faudra un soutien fort de l'État et des centres de gestion. Toutes les collectivités n'ont pas les moyens de mettre en place de telles mesures.
En inscrivant cette proposition de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire, le Gouvernement prend acte du souhait des collectivités d'étendre la couverture à l'ensemble des agents. C'est un bon signal pour la cohésion nationale.
Adoptez ce texte clair, lisible et équilibré, qui fournira à tous les employeurs territoriaux une future base juridique stable. Ce texte représente un acte politique fort en faveur de la solidarité, une marque de confiance et de soutien aux employeurs territoriaux. Je vous invite à le voter pour construire une fonction publique mieux protégée, plus juste, plus attractive, à la hauteur des défis qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Schillinger . - Cette proposition de loi attendue et utile est le fruit d'un dialogue social abouti.
Trop longtemps, la protection sociale complémentaire a reposé sur un système hétérogène et facultatif. Ce texte corrige une inégalité en traduisant dans la loi l'accord du 11 juillet 2023, qui garantit à chaque agent une protection complémentaire minimale, financée à 50 % par l'employeur. C'est un progrès social majeur qui instaure un socle de garanties obligatoires.
La commission a enrichi le texte en différant l'entrée en vigueur à 2029, date plus réaliste.
Au-delà du consensus, nous alertons sur quelques points de vigilance, à l'instar du risque d'une protection sociale au rabais : il faut que les moyens suivent. Le risque est réel ; les petites collectivités proposeront des contrats minimaux, contrairement à d'autres.
Le texte devra s'articuler avec la spécificité du régime alsacien-mosellan, qui offre des prestations de qualité à 2 millions de bénéficiaires.
L'extension du régime local aux fonctionnaires sous statut est une piste intéressante ; elle éviterait aux collectivités de devoir monter des dispositifs coûteux. La fonction publique ne doit pas être à la traîne du privé ou de dispositifs concurrents.
La réussite de cette réforme dépendra de notre capacité collective à organiser une montée en charge équitable et dynamique.
Le RDPI votera ce texte qui répond à un besoin réel, s'appuie sur un accord solide et a connu des ajustements bienvenus, mais nous resterons vigilants sur sa mise en oeuvre concrète.
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis trop longtemps, les agents publics territoriaux ne bénéficient pas des mêmes protections que d'autres. C'est inacceptable.
Ce texte constitue une avancée en transposant un accord collectif historique, signé à l'unanimité, qui pose les bases d'un socle de solidarité en matière de protection sociale complémentaire. Il instaure des garanties ambitieuses telles que le maintien à 90 % de la rémunération nette en cas d'arrêt et une participation de l'employeur à hauteur de 50 %.
Il est regrettable que les gouvernements successifs n'aient déposé aucun projet de loi à ce sujet. L'entrée en vigueur en 2029 du texte est problématique pour un accord signé en 2023. Ces six années sont en décalage complet avec l'urgence sociale. Dans le Lot-et-Garonne, les maires nous disent qu'ils ont du mal à fidéliser les agents, en raison du manque d'attractivité de la fonction publique territoriale.
L'absence de prévoyance efficace signifie une chute brutale de revenus, une mise en danger personnelle et un sentiment d'abandon. Ce texte est donc porteur d'espoir.
Dans nos territoires ruraux, le service public est souvent le dernier lien républicain, le seul visage de l'État. Un agent territorial est un facteur de cohésion, un garant de la continuité de la vie locale.
J'ai déposé un amendement à l'article 4, adopté en commission, afin d'interdire l'exclusion des pathologies antérieures lorsqu'un agent passe d'un contrat individuel à un contrat collectif ou en cas de succession de contrats collectifs. Il s'agit d'éviter toute rupture de droits, ainsi que des démarches contentieuses des assureurs.
L'objectif est bien de construire un cadre universel, juste et protecteur. Cette proposition de loi apporte aussi de la lisibilité aux employeurs publics. Le RDSE, fidèle à ses valeurs sociales, la votera majoritairement. En protégeant mieux ceux qui font vivre nos territoires, nous en renforçons la cohésion. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Patricia Schillinger et M. Jean-Luc Brault applaudissent également.)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail d'Isabelle Florennes et Catherine Di Folco.
L'accord du 11 juillet 2023 s'inscrit dans le cadre du dialogue social prévu par la loi du 6 août 2019. Il marque une avancée positive pour la négociation collective. Nous félicitons les parties prenantes. La démocratie sociale est utile, et pas que pour les retraites.
La généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire et l'augmentation de la participation minimale de l'employeur touchent néanmoins à des dispositions législatives issues de l'ordonnance du 17 février 2021. Une transposition législative était indispensable. Or les instabilités successives ont empêché les précédents ministres de la mener à bien.
Cette proposition de loi répond à un paradoxe. Alors que les agents territoriaux sont particulièrement exposés aux risques, ils demeurent peu ou mal couverts.
Cette situation résulte du caractère facultatif de la participation de l'employeur ou de l'agent, d'une culture hétérogène de la prévention, d'une expertise insuffisante en matière d'assurances, d'une méconnaissance des mécanismes complémentaires par les collectivités et du manque d'attrait de ce marché pour les acteurs privés.
Le texte renforce la protection des agents face aux aléas de la vie et au risque de paupérisation, et introduit un socle de nouveaux droits. Compte tenu du gel du point d'indice, ces dispositifs avantageux sont indispensables pour affronter la concurrence du secteur privé.
Les articles 1er et 2 généralisent les contrats collectifs à adhésion obligatoire. Si certains ont pu exprimer une réticence, au nom de la libre administration des collectivités territoriales, je rappelle que le texte garantit le respect de la liberté locale de négociation.
L'article 3 relève la participation de l'employeur de 20 % à 50 % du montant de la cotisation : dès lors que l'adhésion est obligatoire, l'agent ne saurait être contraint à un reste à charge élevé. Le coût pour les finances locales est évalué à 500 millions d'euros : ce sera un point de vigilance.
L'article 4 garantit la prise en charge des suites d'états pathologiques survenus avant l'adhésion au contrat, en appliquant à la fonction publique territoriale le cadre juridique issu de l'article 2 de la loi Évin.
Le groupe UC votera l'amendement n°7 du Gouvernement qui rétablit la version initiale de l'article 4. C'est une demande de la Coordination des employeurs publics territoriaux : selon Philippe Laurent, la rédaction de la commission entretient une ambiguïté juridique entre les notions relevant de la loi Évin et d'autres propres au champ assuranciel, avec un risque de réduction du niveau de concurrence et donc de renchérissement des coûts des contrats pesant tant sur les employeurs que sur les agents.
L'article 5 instaure un régime dérogatoire pour les agents se trouvant en arrêt de travail à la date de la conclusion du premier contrat collectif : cela lève une source potentielle d'insécurité juridique.
Le groupe UC votera ce texte, modifié par l'amendement du Gouvernement, que toutes les associations d'élus locaux appellent à adopter. En tant que représentant des élus locaux, il serait incongru que nous ne suivions pas la volonté quasi unanime de leurs associations. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Michel Masset et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Mme Céline Brulin . - Nous soutenons la transposition de cet accord qui consolide un progrès conclu entre les employeurs et les agents territoriaux. Face aux simulacres de concertation, comme le conclave sur les retraites, cela montre que quand le dialogue part du réel et n'est pas corseté par des injonctions contradictoires, il débouche sur des avancées.
Signé par la quasi-totalité des acteurs, cet accord prévoit un régime obligatoire de prévoyance par contrat collectif, financé à 50 % par l'employeur, garantissant un niveau de couverture à 90 % du revenu net en cas d'incapacité ou d'invalidité - une bouée pour les agents en congé longue maladie, en demi-traitement. Il prévoit aussi une participation obligatoire des employeurs, toujours à 50 %, pour la complémentaire santé - une juste convergence avec le privé. Nous sommes loin des clichés selon lesquels les agents publics seraient les mieux lotis...
C'est donc une avancée, même si nous aurions préféré une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale. Mais cette dernière a été méthodiquement définancée par des décennies d'exonérations massives de cotisations patronales, jusqu'à 3,5 Smic, sans oublier la transformation du CICE en allégement de cotisation. Il faudrait sans cesse baisser le coût du travail... Or les employeurs publics, eux, voient leur cotisation à la CNRACL augmenter, pour combler un déficit qui s'explique par la contribution de la caisse à la solidarité entre les régimes vieillesse, à hauteur de 100 milliards en euros courants.
Les 66 % des employeurs territoriaux sans protection sociale complémentaire pointent leur absence de marge de manoeuvre. La DGF, amputée de 10 milliards d'euros entre 2014 et 2017, n'est toujours pas indexée sur l'inflation. Les recettes dynamiques comme la fiscalité économique locale s'éteignent peu à peu. Nous n'opposons pas progrès social et contrainte budgétaire, mais la logique d'austérité à la réalité des besoins du service public local.
Malgré ce contexte, huit centres de gestion ont déjà mis en oeuvre l'accord, les choses avancent. Nous restons vigilants sur la convergence entre les trois fonctions publiques. Gare aux logiques contraires à l'esprit du service public - à Bercy, le recours à une start-up privée, sans ancrage territorial ni réseau physique, inquiète. Dans la fonction publique hospitalière, renoncer à la gratuité des soins pour les agents dans leur propre établissement enverrait un très mauvais signal.
Nous avons déposé un amendement pour avancer la date de mise en oeuvre de ce texte qui concourt à l'affirmation d'un service public vécu comme un bien commun. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Akli Mellouli applaudit également.)
Mme Anne Souyris . - Je salue l'autrice, Isabelle Florennes. Le GEST votera cette proposition de loi qui améliorera la couverture complémentaire des quelque deux millions d'agents publics concernés.
À ce jour, moins de la moitié des fonctionnaires territoriaux sont couverts. Pourtant, la fonction publique territoriale regroupe des professions à forte sinistralité : Atsem, éboueurs, auxiliaires de puériculture, policiers municipaux, etc. Preuve de la difficulté des conditions de travail, le taux d'absentéisme y est légèrement supérieur à celui du secteur privé. Nous serions bien inspirés de partager l'esprit de cet accord, plutôt que de faire la chasse aux indemnités journalières. Améliorons plutôt les conditions de travail : la prévention entraîne une meilleure protection sociale, donc une meilleure dépense publique.
Cela dit, ce texte offrira une protection sociale complémentaire aux agents territoriaux face aux risques d'incapacité, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès. Cette traduction législative de l'accord de juillet 2023 est une avancée sociale inédite, que nous saluons.
Nous nous étonnons toutefois du véhicule juridique utilisé : le Gouvernement aurait dû déposer un projet de loi, comme c'est de tradition pour transposer un accord professionnel. Résultat : pas d'étude d'impact, ni d'expertise du Conseil d'État sur l'article 4. Dommage...
Un regret : la fonction publique d'État bénéficiera de cette protection sociale complémentaire au 1er janvier 2026, mais les choses sont encore en cours pour la fonction publique hospitalière, or il y a urgence.
Nous voterons ce texte, une avancée historique. (Applaudissements à gauche et sur les travées du groupe UC)
M. Éric Kerrouche . - Ce texte, d'apparence technique, est un texte de justice sociale et de reconnaissance des agents qui font le service public local. Il consacre aussi le dialogue social : c'est pourquoi j'ai tenu à le cosigner.
Quelque 1,9 million d'agents sont concernés, dont 72 % de catégorie C. Leurs carrières sont longues et pénibles, ils sont exposés à des risques professionnels. Pour autant, ils ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire efficace en matière de prévoyance, faute de moyens et du fait du caractère facultatif des contrats.
En 2023, moins de 25 % des agents sont couverts par un contrat intégrant le maintien de salaire en cas d'arrêt long ou d'invalidité, avec de gros écarts d'une collectivité à l'autre. Si, dans les grandes métropoles, la participation des employeurs avoisine les 50 euros par mois, elle est quasi inexistante dans les petites communes. Les agents les plus modestes supportent seuls le coût de la protection sociale complémentaire - alors que les arrêts de travail génèrent de la précarité.
L'ordonnance de 2021 prévoyait une participation de l'employeur à hauteur de 20 %, soit 7 euros par mois et par agent. Cette avancée, insuffisante, reste soumise aux capacités budgétaires locales, d'où une fracture territoriale.
L'accord du 11 juillet 2023 vient transformer le système. Il fallait une transposition législative sur trois points : la généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire ; la participation minimale de l'employeur à hauteur de 50 % de la cotisation au régime de prévoyance ; le calcul de la part de l'employeur en fonction des cotisations réelles.
Le dispositif proposé est efficace et équilibré. Il renforce la solidarité entre agents et entre générations. Il mutualise les risques, en améliore la connaissance. Il responsabilise les employeurs et les agents - d'où une meilleure maîtrise des dépenses publiques. Il renforce l'attractivité de la fonction publique territoriale, alors que des postes sont difficilement pourvus.
Le groupe SER votera ce texte ; nous veillerons à son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à la publication des décrets d'application. C'est une mesure de justice pour nos agents d'entretien, de sécurité, pour les puéricultrices ou les auxiliaires de vie. Tous ces agents au service de la République doivent être protégés et reconnus pour leur action au coeur du service public local. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
M. Jean-Luc Brault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Forte de ses 1,94 million d'agents, la fonction publique territoriale présente des particularités : 72 % d'agents de catégorie C ; une moyenne d'âge de 46 ans ; 45 % des emplois dans des filières techniques, souvent comme manoeuvre ; un salaire médian de 1 900 euros par mois. Le risque de précarité est élevé. Les arrêts de travail et les cas d'invalidité passés 50 ans sont en nette hausse. Or moins de 50 % des agents sont couverts par une protection sociale complémentaire au titre de la prévoyance.
La réforme de la protection sociale complémentaire est l'occasion d'une avancée sociale essentielle. Elle sera facteur d'attractivité pour le service public. C'est un grand pas pour les agents de nos collectivités.
L'accord du 11 juillet 2023 nécessitait une transposition législative. Je salue l'initiative d'Isabelle Florennes. Sa proposition de loi généralise les contrats collectifs, supprime ceux à adhésion facultative, et fixe la participation minimale des employeurs territoriaux à 50 % de la cotisation. Attention toutefois à la trésorerie de nos petites collectivités...
La commission a apporté des modifications utiles : sécurisation en cas de succession de contrats, report de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2029. Je salue la qualité des travaux de la rapporteure.
Cette proposition de loi répond à des enjeux d'efficacité, d'équité, de progrès social. C'est pourquoi le groupe Les Indépendants la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. David Margueritte . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail d'Isabelle Florennes et de Catherine Di Folco, précis, complet, qui pose un cadre équilibré, juste et gage de sécurité juridique.
Cet accord revêt une importance particulière : conclu après dix mois de discussions, c'est le premier accord collectif au sein de la fonction publique territoriale sans intervention de l'État - preuve de la maturité du dialogue social dans nos collectivités.
Que 50 % des agents publics territoriaux n'aient pas de protection sociale complémentaire a des conséquences concrètes : en cas d'arrêt prolongé au-delà de trois mois, la couverture n'est plus que partielle, voire nulle. Les agents ne sont ni informés, ni conseillés. C'est préoccupant, vu la configuration de la fonction publique territoriale : nombreux métiers techniques ; 72 % de catégorie C ; métiers pénibles, à horaires décalés ; forte exposition aux accidents du travail.
Cette proposition de loi lutte contre la précarité, contre les inégalités de traitement et renforce la solidarité. Je pense aux ripeurs, aux agents de l'eau, aux policiers municipaux, aux auxiliaires de puériculture, autant de métiers faiblement rémunérés, donc peu attractifs.
Deuxième avancée justifiant notre soutien : la généralisation des contrats obligatoires, avec des tarifs plus accessibles. La meilleure visibilité pour les assureurs assure la stabilité des cotisations dans la durée. Les employeurs devront prendre en charge la moitié du coût de la prévoyance : c'est une juste contrepartie du caractère obligatoire.
Troisième avancée : ce texte renforce l'attractivité de la fonction publique territoriale. Nous connaissons tous les difficultés des collectivités territoriales à recruter dans certains métiers. La mesure coûtera 500 millions d'euros, mais c'est un investissement !
Je salue le report à 2029 proposé par la commission. Il s'agit non d'un recul, mais d'un choix de responsabilité, compte tenu du temps de mise en application nécessaire, des discussions qui restent à mener, des échéances électorales de 2026 et 2028 et des contraintes budgétaires.
Enfin, le texte de la commission sécurise les dispositifs en limitant les risques de contentieux, notamment pour la transmission des contrats.
Il envoie un message fort aux agents publics territoriaux, réduit la précarité et renforce l'attractivité de la fonction publique territoriale. Le groupe Les Républicains le votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
L'article 1er est adopté.
Article 2
Mme Laurence Muller-Bronn . - André Reichardt s'est interrogé en commission des lois sur la prise en compte de la situation particulière de l'Alsace-Moselle. L'accord du 11 juillet 2023 a prévu, parmi les cas de dispense d'adhésion au contrat collectif à adhésion obligatoire, les agents bénéficiaires du régime local d'assurance maladie des trois départements de l'Est. Il faudra bien tenir compte de la particularité du régime alsacien-mosellan lors de l'élaboration du décret en Conseil d'État.
L'article 2 est adopté, de même que l'article 3.
Article 4
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié bis de M. Kerrouche et du groupe SER.
M. Éric Kerrouche. - S'agissant d'une proposition de loi, cet article n'a pas fait l'objet d'un avis du Conseil d'État. Or sa technicité peut susciter des interprétations différenciées.
La rapporteure a cherché à renforcer la sécurité juridique du dispositif. Il nous semble néanmoins, après de multiples échanges, que demeurent des ambiguïtés potentiellement contreproductives, avec un risque de hausse du coût des futurs contrats d'adhésion obligatoire qui dissuaderait certains assureurs de soumissionner. En élargissant les situations couvertes, la commission introduit une complexité juridique qui expose l'assureur à des risques imprévisibles, comme des rechutes d'arrêts de travail antérieurs ou des suites de contrats individuels résiliés sans indemnisation préalable.
L'objectif de l'article 4 était clair, le cas de figure couvert par la loi Évin. Par souci de sécurité, revenons à la rédaction initiale.
Mme la présidente. - Amendement identique n°7 du Gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Que disent les employeurs territoriaux ? J'ai reçu un mail de Philippe Laurent - à qui j'avais annoncé que je soutiendrai la démarche d'Isabelle Florennes - demandant que cet amendement soit adopté. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire peser des incertitudes sur la réussite de ce dispositif. D'où la nécessité de lever l'ambiguïté juridique qui peut naître de la rédaction de la commission.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je précise que, depuis la réunion de commission, M. Kerrouche a modifié son amendement pour le rendre identique à celui du Gouvernement.
Le courriel de M. Laurent, qu'il m'a aussi adressé, demandait à rétablir l'article dans sa version initiale. Mais ce n'est pas ce que fait cet amendement, puisqu'il supprime la dérogation à l'article 3 de la loi Évin. Or sans cette mention, certains assureurs pourront refuser de prendre en charge les suites pathologiques, dont les rechutes survenues antérieurement à l'adhésion au contrat. Votre amendement risque de fragiliser la couverture des agents.
Les alinéas 2 et 3, votés en commission à l'unanimité, protègent contre les contentieux qui pourraient naître de l'application de l'article 7 de la loi Évin. Ils ancrent la jurisprudence constante de la Cour de cassation et sont plus précis que la rédaction initiale de l'article 4. Nous avons inscrit précisément dans la loi ce qu'il fallait faire en cas de succession de contrats. Les organismes ne pourront faire une lecture restrictive de l'article 4.
La rédaction de la commission est plus précise, plus sûre juridiquement, plus protectrice. Votre amendement est moins-disant : avis défavorable.
Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - Je peux entendre que l'on veuille revenir, peu ou prou, au texte initial. Mais je ne comprends pas le grief qui est fait à l'article tel qu'il a été voté en commission. Nous parlons d'une succession de contrats de prévoyance. Qui prend en charge, quand un agent est tombé malade sous l'empire du premier contrat de prévoyance, et qu'il passe en demi-traitement alors que le deuxième contrat est entré en vigueur ? Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 2007, c'est le deuxième assureur. Notre rapporteur a simplement intégré cette jurisprudence au texte. Cela n'a rien d'imprécis, ni de risqué. C'est au contraire une précision juridique fort utile.
Mme Isabelle Florennes. - J'ai expliqué dans mon propos liminaire pourquoi j'étais favorable à l'amendement du Gouvernement. Je fais confiance aux employeurs territoriaux, aux signataires de l'accord et à tous ceux qui m'ont soutenue pour le dépôt de cette proposition de loi.
Purement légistique, l'amendement du Gouvernement, validé par la direction de la sécurité sociale, consiste à supprimer la référence à l'article 3 de la loi Évin, qui entraîne une confusion entre les notions relevant de cette loi et celles qui relèvent du champ assurantiel. La fragilisation de l'assurabilité des risques entraînerait une distorsion de concurrence, avec un risque de renchérissement du coût des premiers contrats, au détriment des collectivités.
À la demande du groupe UC, les amendements identiques nos3 rectifié bis et 7 sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°336 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l'adoption | 177 |
Contre | 142 |
Les amendements identiques nos3 rectifié bis et 7 sont adoptés et l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié ter de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Le RDSE votera unanimement pour ce texte.
Comment garantir que les agents en congé maladie au moment de la prise d'effet du contrat collectif bénéficient de la meilleure couverture ? Afin qu'ils puissent exprimer clairement leur choix, cet amendement oblige l'employeur public local à leur proposer de choisir entre conserver le contrat individuel ou basculer vers le contrat collectif.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Pendant son arrêt de travail et jusqu'à trente jours après la reprise, l'agent pourra choisir de conserver son contrat individuel ou d'adhérer au contrat collectif. Dans tous les cas, Il bénéficiera de la participation de l'employeur dans les conditions prévues pour le contrat collectif à adhésion obligatoire.
Cet amendement apporte une clarification susceptible d'éviter d'éventuels contentieux. Avis de sagesse positive.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°1 rectifié ter est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Article 6
Mme la présidente. - Amendement n°6 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous proposons d'avancer l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2028. L'échéance du 1er janvier 2029 est lointaine et contradictoire avec l'absolue nécessité de cette avancée sociale, tant pour les agents que pour l'attractivité de la fonction publique. Mettons-la en oeuvre au plus tôt, compte tenu des contraintes de passation de marchés publics et de préparation des employeurs. Nous ne partons pas d'une page blanche : de nombreuses collectivités ont pris les devants.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Cette question a fait débat en commission.
Nous ne sommes pas au terme du processus législatif : la procédure accélérée n'a pas été engagée, et le texte ne sera pas inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant l'automne. Au train où nous allons - je parle du train gouvernemental ! (sourires) -, il ne sera pas promulgué avant la mi-2026. Soyons réalistes : une application en 2027 est impossible.
En 2028 se tiendront des élections locales : laissons les nouveaux exécutifs régionaux et départementaux négocier leurs contrats. Le surcoût pour les collectivités n'est pas négligeable : un lissage après la fin de la hausse des taux de cotisation à la CNRACL leur offrira un peu de respiration. Pour ces raisons, avis défavorable.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Je suis d'accord avec la rapporteure - sauf sur le train ministériel... (Sourires) L'atmosphère n'est pas la même à l'Assemblée nationale, y compris pour faire voter des textes en apparence simples, et l'instabilité politique retarde l'application des textes votés - vous connaissez les statistiques sur la lenteur de la publication des décrets d'application.
Respectons aussi le temps électoral. Les municipales auront lieu en mars prochain, puis, en 2028, les départementales et les régionales. Écoutons les employeurs territoriaux, qui demandent un report à 2029.
Que les syndicats souhaitent aller plus vite, je le comprends. Ce sujet est l'un des premiers auxquels je me suis attelé à mon arrivée, j'y suis particulièrement sensible comme ancien employeur local. Avis défavorable néanmoins, pour les raisons exposées.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Une précision, pour rassurer Mme Brulin et les agents : rien n'interdit une mise en oeuvre avant 2029.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - En effet !
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié de Mme Schillinger et du RDPI.
Mme Patricia Schillinger. - Je laisse le ministre défendre notre amendement.
Mme la présidente. - Amendement identique n°5 du Gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre. - Nous aurions pu faire l'inverse...
Il s'agit d'apporter de la souplesse dans la mise en oeuvre du nouveau dispositif : à l'expiration du contrat en cours, les employeurs bénéficieront d'un délai d'un an pour se mettre en conformité avec la loi, dans la limite de l'échéance du 1er janvier 2029 fixée par la commission.
Ce délai réaliste permettra aux employeurs locaux et aux organisations syndicales de négocier les accords collectifs nécessaires. Il tient compte aussi de la nécessité pour les organismes assureurs de disposer d'un temps suffisant pour structurer leur offre.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Imaginons que la loi soit promulguée en septembre prochain et que le contrat collectif d'une collectivité arrive à expiration au 31 décembre. Selon la rédaction actuelle de l'article, le nouveau contrat qu'elle devra souscrire, pour une application au 1er janvier 2027, devra être conforme au nouveau dispositif. Mais si cet amendement est adopté, la collectivité pourrait se contenter de renouveler son contrat à l'identique, puis aurait un an pour en négocier un autre, conforme au texte. En une année, elle devrait ainsi entreprendre des démarches pour souscrire deux contrats : ce serait reculer pour mieux sauter. Il nous semble plus logique qu'elle souscrive d'emblée un contrat conforme à la loi.
J'ajoute que de nombreuses collectivités font preuve d'anticipation.
Enfin, l'amendement annulerait l'approche différenciée souhaitée par la commission, puisque toutes les collectivités, qu'elles aient ou non un accord collectif, auraient jusqu'au 1er janvier 2029 pour se conformer à la loi : nous risquerions l'embolie du marché à cette date.
Avis défavorable.
Les amendements identiques nos2 rectifié et 5 ne sont pas adoptés.
L'article 6 est adopté, de même que l'article 7.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées)
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Patricia Schillinger. - Lors du scrutin public n°335, M. Frédéric Buval souhaitait voter contre.
Acte en est donné.
La séance est suspendue à 19 h 30.
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 21 h 30.
Conférence des présidents
M. le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des présidents, réunie ce soir, sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.
Situation au Proche et Moyen-Orient
M. le président. - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur la situation au Proche et Moyen-Orient.
M. François Bayrou, Premier ministre . - Nous débattons ce soir de notre politique étrangère, après que notre pays a été spectateur et partie prenante d'un basculement historique : le 24 février 2022, les troupes de Vladimir Poutine ont franchi la frontière ukrainienne à Kharkiv. Nous sommes alors entrés dans un monde profondément différent de celui dans lequel nous vivions depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Ce monde était fondé sur l'idée - certains diront peut-être : l'illusion - que les relations internationales reposaient sur le droit, protection de tous, y compris des plus faibles. Depuis Hammurabi, ce principe s'énonce ainsi : « Pour empêcher le puissant d'opprimer le faible, j'instituerai dans la contrée le droit et la justice ». Au XXe siècle, la Charte des Nations unies, dont nous célébrons le 80e anniversaire, l'a consacré au niveau international ; elle garantit l'intangibilité des frontières, le respect des droits fondamentaux et l'égalité des nations.
Dès l'instant de l'invasion de l'Ukraine, nous avons perçu le risque de contagion, le risque que cette violation de l'intégrité territoriale d'un pays ne libère les volontés de puissance et qu'une lame de violence ne frappe d'autres terres. La Russie a fait naître un axe : celui du désir de domination au mépris du droit. Les bruits de bottes se sont, dès lors, multipliés : le 47e président des États-Unis en a fait entendre au Groenland et au Mexique, le président du Venezuela au Guyana ; ces bruits se sont, parfois, amplifiés jusqu'à l'affrontement, comme entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au Haut-Karabakh.
Puis une détonation supplémentaire a ébranlé le monde : le 7 octobre 2023, en Israël, à Reïm, Kfar Aza, Nir Oz et Be'eri, le pire pogrom depuis la Shoah a été perpétré. Parmi les 1 200 victimes, 49 de nos compatriotes. Le coupable de ces actes sauvages doit être nommé : c'est le Hamas. Son but était politique : rendre la haine inexpiable et toute réconciliation entre Israël et la Palestine à jamais impossible. Le 7 octobre a détruit l'espoir suscité par les accords d'Abraham, qui liaient Israël à des puissances du monde musulman. Cette tentative de paix, ouverte et réaliste : voilà quelle était la cible.
Dès le lendemain, les affidés de la République islamique d'Iran ont cherché, à l'instigation de leur parrain, à profiter de la faiblesse d'Israël : après le Hamas en Palestine, le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Syrie et en Irak et les Houthis au Yémen.
Nous l'avons dit dès la première minute : il est légitime qu'Israël se défende. Ayant défendu sans jamais faiblir sa sécurité, nous sommes d'autant plus fondés à exprimer notre désarroi face à la situation humanitaire à Gaza, qui heurte nos consciences. Que des femmes et des enfants allant chercher de quoi se nourrir soient pris pour cible est insupportable. L'aide humanitaire doit pouvoir être distribuée sans entraves.
Le séisme qui a débuté le 7 octobre a connu ces derniers jours de violentes répliques : les frappes intensives menées par Israël contre le programme nucléaire et balistique de la République islamique d'Iran, qui a toujours clamé son intention de rayer Israël de la carte. Qu'un pays aussi proche et aussi hostile soit presque parvenu à disposer du matériel nécessaire à la fabrication de dix bombes atomiques était un danger mortel pour toute la population israélienne, mais aussi pour les grands pays sunnites de la région et même certains pays européens, étant donné la portée des missiles balistiques iraniens. L'Iran disposait de 409 kg d'uranium enrichi à 60 %, alors qu'une production pacifique d'électricité ne nécessite qu'un enrichissement de 5 à 7 %.
Pendant les douze jours de ce conflit, notre première préoccupation a été le sort de nos ressortissants : grâce aux moyens mobilisés, plus d'un millier de Français ont quitté l'Iran et Israël.
Nous avions de grandes inquiétudes pour nos deux ressortissants détenus en Iran depuis plus de trois ans, Cécile Kohler et Jacques Paris : nous savons depuis hier qu'ils sont sains et saufs. Que tous ceux qui les soutiennent sachent que nous mobilisons tous les moyens disponibles pour obtenir leur libération.
Un cessez-le-feu a été établi il y a huit jours. La France appelle l'Iran à revenir à la table des négociations, car la seule réponse possible au danger que représente le programme nucléaire iranien est un règlement négocié. Si les frappes américaines ont sans doute été efficaces, l'Iran conserve des capacités résiduelles, comme l'a indiqué le directeur général de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). Nous exhortons la République islamique d'Iran à respecter l'accord de Vienne de 2015 : les inspecteurs de l'AIEA doivent pouvoir reprendre leurs inspections sans délai.
Face au retour des empires, des volontés dominatrices, de la violence désinhibée, notre politique étrangère doit tracer une direction sans ambiguïté. Comment la France appliquera-t-elle aujourd'hui les principes qui la guident depuis 1945 ?
D'abord, en continuant d'apporter un soutien sans faiblesse à l'Ukraine, dont la résistance à Vladimir Poutine est héroïque. La France met en garde infatigablement contre le risque de lassitude de l'Occident, afin d'empêcher que ne s'insinuent parmi les peuples, les états-majors et les gouvernements une fatigue de soutenir ceux qui se battent au nom de notre idéal européen et de liberté.
La Russie redouble de violence : il y a trois jours, l'Ukraine a subi une attaque aérienne parmi les plus massives qu'elle ait eue à connaître - plus de 500 drones partis de Russie, dont une partie est construite en Iran. Nous craignons une nouvelle offensive russe dans les prochaines semaines, dans la région de Soumy. Ne laissons pas l'Ukraine, qui est comme une part de nous-mêmes, succomber à cause de notre découragement.
Il n'est pas inutile de rappeler que les démocraties savent se battre. Sur 31 guerres impliquant des démocraties contre des autocraties entre 1815 et 2020, 84 % ont été remportées par les premières. Oui, les démocraties savent faire preuve de résilience et trouver en elles-mêmes les forces indispensables pour l'emporter.
Notre soutien à l'Ukraine doit donc rester résolu, tout autant que notre volonté de trouver une issue au conflit. Comme l'a rappelé le Président de la République, la France appelle de ses voeux l'ouverture de négociations pour un règlement solide et durable.
Ensuite, notre soutien à la stabilité au Proche et au Moyen-Orient passe par la solidarité avec Israël, qui continue d'être la cible d'attaques balistiques lancées par les Houthis. La première des solidarités, c'est de ne pas oublier les victimes des pogroms, ceux qui sont morts en détention et les otages. N'oublions jamais qui a armé le détonateur, qui est le premier responsable de l'horreur.
Ce soutien constant au droit d'Israël à l'existence et à la sécurité n'enlève rien à notre liberté de parole ni aux désaccords dont j'ai parlé avec la politique du gouvernement israélien, notamment à l'égard des civils à Gaza. La France soutient les efforts en cours pour obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la libération des otages. Elle prône une solution à deux États, qui suppose des garanties de sécurité données par l'ensemble des acteurs à Israël et la possibilité donnée au peuple palestinien de disposer d'un État.
Il faut aborder aussi la situation au Liban, que le Hezbollah a entraîné dans un conflit dévastateur : le mandat de la Finul doit y être renouvelé et consolidé, afin de garantir la sécurité. Le pays fait face au défi de sa reconstruction politique et économique. La France espère que ce pays frère retrouvera sa pleine souveraineté.
Quant à la Syrie, sa souveraineté et son intégrité territoriale doivent être respectées. La levée des sanctions économiques européennes a été décidée moyennant de solides garanties en matière de bonne utilisation des fonds internationaux et de lutte contre l'État islamique. Récemment encore, des attaques terroristes ont visé les chrétiens, en particulier à Damas, le 22 juin : nous ne pouvons rester silencieux face à cette persécution, qui fragilise la transition politique dans le pays.
Pour ouvrir un chemin de paix et de stabilité en Ukraine et au Proche et Moyen-Orient, il nous faut, en premier lieu, construire la puissance européenne. Nous devons comprendre que la justice sans force est impuissante. La France plaide pour sa propre puissance, mais aussi pour celle de l'Europe, qui doit forger sa volonté d'organiser sa propre défense et son autonomie stratégique. Nous devons aussi faire de l'Europe une puissance économique, financière, commerciale et industrielle, en défendant des règles équitables.
Nous ne pourrons assurer notre autonomie stratégique si nous ne sommes pas en mesure de nous équiper nous-mêmes. Or, l'année dernière, les Européens ont acheté 79 % de leur équipement militaire hors Union européenne et 63 % auprès des États-Unis. Nous devons renverser ces logiques d'approvisionnement. Une première étape est sur le point d'être franchie avec l'adoption par le Parlement européen d'un programme européen de l'industrie de défense.
Cette volonté, le Président de la République a été le seul à la défendre de manière constante et jamais découragée. En 2017 déjà, dans son discours de la Sorbonne, il appelait à bâtir une Europe forte, autonome, souveraine et démocratique.
M. Rachid Temal. - Huit ans...
M. François Bayrou, Premier ministre. - Seule l'Europe peut nous assurer une souveraineté réelle et nous permettre d'exister dans le monde actuel pour y défendre nos intérêts matériels et moraux.
En second lieu, la France doit continuer de jouer son rôle singulier. Nous avons joué un rôle de premier plan dans la négociation de l'accord de Vienne de 2015 : le programme nucléaire iranien a reculé grâce à la diplomatie française. Hélas, Donald Trump a quitté l'accord en 2018, ce qui nous a amèrement déçus. Nous avons fait tout notre possible pour faire revenir les États-Unis dans l'accord et inciter l'Iran à respecter ses engagements. Avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, nous sommes restés à l'initiative pour une solution négociée.
Pour garantir à long terme que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire et que le régime mondial de non-prolifération soit respecté, ne serait-ce que plus ou moins, un accord robuste et vérifiable est indispensable. Les dirigeants iraniens doivent accepter de s'engager dans cette voie et démontrer que des résultats pourront être atteints rapidement. La France est prête à apporter sa compétence et sa constance dans ce dossier qu'elle suit depuis dix ans.
À la mondialisation des problèmes doit répondre une mondialisation des solutions. Aucun pays n'imposera ses solutions à tous. Elles seront le fruit des discussions menées en commun. C'est pourquoi nous défendons le multilatéralisme : la paix par le dialogue et l'insertion de nos intérêts dans des espaces partagés où la puissance des uns s'accorde à celle des autres.
Hélas, les trois principaux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU - Russie, Chine et États-Unis - semblent aujourd'hui se détourner de ces principes. La France, elle, refuse la logique des blocs. Elle oeuvrera à bâtir ce que le Président de la République a récemment appelé la coalition des indépendants, en cohérence avec la vision du général de Gaulle.
M. Rachid Temal. - Rien que ça !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Réunir tous les pays prêts à garantir un ordre international fondé sur le dialogue est le seul moyen d'assurer l'équilibre des puissances, notre principe en politique étrangère. Retrouvons l'inspiration et le rôle de notre pays depuis 80 ans. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, sur de nombreuses travées du RDSE et du groupe UC ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains)
M. Mathieu Darnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.) Le 7 octobre 2023, les assassins du Hamas menaient sur Israël des raids barbares, faisant subir à leurs victimes les pires atrocités et emmenant avec eux des otages dont, pour certains, on ne sait toujours rien. Ce jour-là, l'irréparable était commis et un basculement s'opérait, amenant Israël à s'engager dans une lutte implacable contre ceux qui avaient juré son anéantissement.
Hamas, Hezbollah, Houthis, milices chiites en Syrie et en Irak : tous font partie du réseau des affidés de Téhéran ; tous appartiennent à l'internationale terroriste de l'islamisme radical, qui a fait couler le sang aussi dans notre pays. Des années durant, ces djihadistes ont professé la haine du peuple juif et fomenté des dizaines d'attentats, jusqu'à se rendre coupables des massacres qui ont déclenché la crise actuelle.
Il est clair qu'Israël a le droit de se défendre contre ses ennemis, à commencer par l'Iran : l'imminence d'un régime théocratique doté du feu nucléaire faisait peser sur lui une menace existentielle. L'incompatibilité entre les dénégations iraniennes et les taux d'enrichissement constatés est manifeste, et le développement exponentiel des capacités balistiques de ce pays dit tout de ses volontés offensives.
N'oublions pas non plus la terrible répression du mouvement « Femmes, vie, liberté », qui a rappelé la véritable nature du régime iranien. N'oublions pas que nous appelons encore et toujours à la libération de Cécile Kohler et Jacques Paris, retenus par l'Iran pour servir à une abjecte diplomatie des otages.
Soyons clairs : l'Iran ne doit pas devenir un État nucléaire. L'opération Am Kelavi a repoussé cette perspective et porté un coup sérieux aux ambitions du régime. À défaut d'avoir été décisive, elle a été utile. Toutefois, si le cessez-le-feu a éloigné le spectre de l'embrasement régional, un dénouement de la crise au Moyen-Orient demeure loin d'être acquis. Il dépendra de nombreux facteurs, mais aussi de la volonté d'Israël, qui a remporté des succès tactiques éblouissants mais dont le succès stratégique reste une question toujours en suspens. Quelle autre issue qu'une paix durable pourrait-on qualifier de véritable victoire ?
Il faut éviter l'impasse d'un état de guerre permanent. Tous les regards sont tournés vers Gaza, point zéro de la déflagration actuelle. Nous connaissons les paramètres qui amorceraient une résolution du conflit : libération de tous les otages, démantèlement politique et militaire du Hamas, établissement d'une administration transitoire favorable à la paix et à la coexistence. Sur tous ces points, la communauté internationale devra faire montre d'une implication beaucoup plus forte, en particulier les États voisins, s'ils sont sincères dans leur désir de paix.
Tant que le Hamas s'accrochera à son pouvoir dictatorial, non seulement il fera le malheur de son peuple, mais toute sortie de crise demeurera hors de portée. Dans ces conditions, si reconnaître un État de Palestine est inéluctable, le faire maintenant n'aurait aucun sens, car aucune des conditions n'est remplie pour que cet acte soit utile à la paix.
Bien qu'elles n'aient pas été anéanties, les capacités de nuisance de l'organisation terroriste sont considérablement réduites. La situation militaire actuelle peut donc difficilement expliquer, et encore moins justifier, la tragédie subie par la population gazaouie. Israël doit changer de stratégie : c'est sa responsabilité, mais aussi son intérêt car, demain, Gaza sera peuplée par ces mêmes Palestiniens.
Penser le jour d'après dans une optique de paix juste et durable est exigeant. Cela impose à Israël d'assurer sa sécurité sans s'aliéner définitivement les Palestiniens, de protéger son avenir sans obérer le leur. Israël ne doit jamais perdre de vue les valeurs attachées à ce qu'il est : une authentique démocratie, la seule du Moyen-Orient.
C'est sur une ligne de crête analogue que nos amis israéliens devront cheminer au Liban et en Syrie, deux pays à la croisée des chemins. À Damas, le régime de Bachar al-Assad a fini par tomber. À Beyrouth, l'étreinte du Hezbollah est enfin desserrée. Mais, dans les deux cas, tout reste fragile et sujet à mille prudences, en particulier en Syrie où le nouveau pouvoir est très loin d'avoir convaincu de ses intentions, notamment vis-à-vis des minorités.
Reste que, comme jamais depuis plus de trente ans, l'ombre de Téhéran s'éloigne et des possibles s'ouvrent. Veillons à ce qu'ils ne se referment pas sans offrir de perspectives. La chute du régime des mollahs serait sans doute une excellente nouvelle, avant tout pour les Iraniens eux-mêmes : ce grand peuple mérite infiniment mieux que le pouvoir qu'il subit depuis plus de quarante-cinq ans. Mais l'expérience récente nous a instruits des dangers d'un renversement de régime imposé par les armes étrangères. Une telle issue ne ferait qu'ajouter aux malheurs des Iraniens et de leurs voisins. La fin du régime ne pourra venir que du peuple iranien, agissant par lui-même et pour lui-même.
La tension dans la région a baissé de plusieurs crans, mais la situation reste très volatile. Dans ce contexte incertain, que peut faire la France ? Bien moins que nous le souhaiterions, hélas.
Militairement, toute action est évidemment exclue. Non seulement parce que notre pays n'a aucune vocation à participer à une opération offensive dans la région, mais aussi parce que, en dépit de notre présence au Liban et de nos emprises militaires en Jordanie, aux Émirats arabes unis et à Djibouti, nos moyens militaires ne nous permettent pas de peser réellement. Nous ne pourrions sans doute pas participer à une action défensive pendant plus de quelques jours - et encore, avec une contribution certes efficace, mais bien modeste.
Diplomatiquement, le chemin est à peine moins obstrué. Depuis de nombreuses années, notre influence au Moyen-Orient a dramatiquement reflué. Plus récemment, les positionnements fluctuants, l'activisme désordonné et les propositions parfois déroutantes du Président de la République ont fragilisé la lisibilité de notre action diplomatique : de son implication critiquée au Liban à l'invitation prématurée du nouveau président syrien, de sa proposition de coalition militaire internationale contre le Hamas aux doutes qu'il a laissé planer sur une reconnaissance unilatérale et inconditionnelle de la Palestine, c'est peu dire que ses initiatives ne dessinent pas une ligne directrice claire.
Pourtant, la France a des choses à dire et à faire. Au Liban, pays ami, nous devons jouer un rôle actif dans la refondation qui s'esquisse, en apportant notre soutien aux pôles de stabilité qui émergent et en oeuvrant à réduire l'influence du Hezbollah et des forces centrifuges. Hélas, comme cette « guerre des douze jours » l'a montré, notre pays en est réduit à commenter, s'inquiéter ou mettre en garde, sans parvenir à influencer ni à se faire écouter, sans même être tenu au courant des initiatives de ses alliés.
Nous ne pouvons qu'encourager les efforts de la France, aux côtés des Britanniques et des Allemands, pour se frayer un chemin jusqu'à la table des négociations sur le nucléaire iranien. Mais reconnaissons que notre capacité à influer sur les acteurs du conflit restera faible. Si notre ambition est de parvenir à une alternative crédible aux opérations militaires, nous devrons changer profondément d'approche, en nous souvenant du peu de confiance qu'on peut accorder au régime iranien, qui a systématiquement rompu ses engagements dès 2004.
Le schéma qui n'a pas permis d'éviter la crise actuelle ne peut pas être reproduit : si accord il y a, il devra être infiniment plus coercitif que celui de Vienne et ne plus laisser place à aucune ambiguïté ou naïveté. Toute perspective nucléaire devra être rendue impossible et la capacité à déstabiliser de la République islamique devra être jugulée. Soyons conscients qu'obtenir des engagements fermes de Téhéran et être en mesure de les faire appliquer relèvera de la gageure.
Le Moyen-Orient est à un carrefour de son histoire, et le nouveau chapitre qui s'ouvre s'écrira en grande partie autour de la question iranienne. Si des voies de passage diplomatiques existent, il est de la responsabilité de la France de contribuer à les chercher.
Au moment où, dans notre pays, certains sont prêts à tous les aveuglements et à toutes les compromissions avec ceux qui crient « mort à Israël ! » comme on criait hier « mort aux Juifs ! », la France doit réaffirmer sa volonté farouche de préserver la paix et d'oeuvrer à la stabilité internationale. N'oublions jamais que ces principes impliquent le refus absolu de voir prospérer le totalitarisme islamique du Hamas, du Hezbollah et de leur parrain iranien.
C'est ainsi que se concrétisera la volonté maintes fois exprimée par la France d'être une puissance d'équilibre. De Gaulle disait avec justesse : « Ce qu'il faut surtout pour la paix, c'est la compréhension des peuples. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Vincent Capo-Canellas, Olivier Henno et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quand le droit international est piétiné, c'est à la diplomatie de trouver la force de le remettre sur pied.
La puissance du dialogue a été évincée par la force brutale, qui cherche à détruire les équilibres et parfois à restaurer les empires du passé. Dans le fracas des bombes, elle méprise le droit international, que la déraison des États a saccagé.
Face à la loi de la jungle, nous devons revenir à nos valeurs refuges : la démocratie, le multilatéralisme, l'autodétermination et les moyens pacifiques, consacrés par l'article premier du traité de l'Atlantique Nord.
La nouvelle agression de l'Ukraine par la Russie, en 2022, a montré que notre continent n'était pas épargné par l'épidémie de brutalité qui s'est emparée du monde. Une épidémie qui nous enjoint à avoir une pensée pour les victimes, les civils morts, les peuples meurtris, ceux que l'on veut effacer, les otages, les personnels de nos ambassades. Une pensée, aussi, pour les opposants politiques progressistes qui militent au péril de leur vie, et qui trouveront toujours des alliés dans cet hémicycle.
Quand le droit international est piétiné, c'est à la diplomatie de retrouver la force de le remettre sur pied. La déflagration qui frappe le Moyen-Orient nous y invite.
Israël a lancé sans sommation une offensive dans la nuit du 12 au 13 juin dernier contre les missiles balistiques et les capacités militaires de l'Iran. Les appels à la retenue n'empêchent pas la riposte iranienne ni n'arrêtent les frappes israéliennes.
Les Européens tentent de relancer la voie diplomatique à Genève, initiative décrédibilisée par Trump, qui lance le 22 juin une offensive contre trois principales cibles iraniennes. En retour, l'Iran cible la plus grande base américaine de la région située au Qatar, après en avoir avisé Washington. C'est en réalité un deal à la Trump, une opération de communication bien huilée, une transaction indécente : j'épargne ton régime, tu gardes la face et je montre ma capacité à mettre fin à la guerre en douze jours. Mais personne n'est dupe face à la supercherie, et rien n'est réglé.
La République islamique d'Iran est l'adversaire absolu de nos valeurs : elle opprime son peuple, humilie les femmes et enferme dans ses geôles ses opposants, mais aussi nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris (applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST), incarcérés dans des conditions inhumaines. Nous n'attendons qu'une seule image, celle de leurs retrouvailles avec leurs proches. Le Gouvernement doit réaffirmer auprès du régime iranien que leur libération est urgente.
Le régime des mollahs doit-il pouvoir disposer de la bombe atomique ? Jamais ! C'est une condition de notre survie collective. Nous partageons les inquiétudes de l'AIEA, dont le directeur général fait l'objet de menaces inacceptables.
La Corée du Nord s'est dotée d'armes de destruction massive. Nous devons inviter tous les pays qui ne l'ont pas fait à signer le traité de non-prolifération des armes nucléaires.
Comment la France compte-t-elle agir pour favoriser le retour à la coopération ?
Et quels sont les buts de guerre du gouvernement israélien ? Ce n'est pas seulement le monopole de l'arme nucléaire au Proche-Orient. Benyamin Netanyahu veut défaire un régime par la force et par l'extérieur, selon une méthode qui a montré pourtant qu'elle ne servait à rien sinon répandre le chaos. Israël a mené une guerre préventive, précisément au moment où des négociations importantes avaient lieu.
Chacun doit remettre du politique derrière le militaire, de la diplomatie derrière la violence, de la dénonciation derrière l'horreur. Et l'horreur, c'est Gaza, où la tragédie s'aggrave chaque jour ; Gaza, où un peuple marche lentement vers la mort, et où les distributions alimentaires deviennent une arme. Le 17 juin dernier à Khan Younès, 59 personnes affamées venues s'approvisionner ont été froidement abattues - une scène récurrente. Il faut lever le blocus humanitaire, et démilitariser l'aide humanitaire. Depuis le 7 octobre, 56 000 Palestiniens ont été tués, dont 17 000 enfants.
L'Europe et la France ont le devoir d'indiquer la porte de sortie diplomatique à Israël. Peut-on croire Trump, ce faiseur de paix autoproclamé qui annonçait de manière indécente vouloir faire de Gaza un complexe hôtelier touristique, quand il prétend qu'il a réussi à convaincre l'État hébreu d'accepter un cessez-le-feu ?
Peut-on écrire l'avenir avec ceux qui abandonnent l'Ukraine ? Peut-on confier les clefs à l'architecte du chaos ? L'avenir ne peut s'écrire avec le fanatisme des mollahs, mais pas davantage avec ceux qui agissent par des déflagrations interposées.
La désescalade doit venir de ceux qui défendent la solution à deux États, position historique des socialistes. Elle doit venir de ceux qui se mobilisent activement pour la paix, à l'instar d'Ehud Olmert ou de Nasser al-Qidwa, de ceux qui entendent contribuer à la stabilité en Cisjordanie, au Liban, dans tout le Moyen-Orient.
La France doit rappeler que le droit doit primer la force. Le groupe SER saura être aux côtés de l'exécutif s'il va dans cette voie. Mais il faut pour cela des positions constantes, transparentes.
Or le Président de la République a repris brutalement des échanges avec Poutine, rompant avec trois ans de silence, sans prévenir la représentation nationale.
Oui, nous sommes prêts à travailler. Mais encore faut-il que nous soyons d'accord sur le socle de valeurs ! Encore faut-il que vous cessiez de ponctionner le Quai d'Orsay et de compresser les moyens de notre diplomatie ! Encore faut-il que vous ayez la volonté de définir les intérêts diplomatiques de notre pays dans un cadre partagé !
La politique diplomatique de la France devra se construire via des échanges ininterrompus avec toutes les forces politiques. Faites un pas vers ceux qui veulent construire.
Ce qui est en jeu, c'est la parole de la France et la force de nos valeurs héritées des Lumières. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Dimanche 22 juin, église Saint-Élie à Damas, l'assaillant entre dans l'église ; Grégoire, Bashar et Pierre le plaquent au sol ; ils ont choisi de mourir pour sauver 250 personnes.
Le groupe UC présente ses condoléances à Sa Béatitude le patriarche Jean X d'Antioche, ainsi qu'aux familles endeuillées par cet odieux attentat qui visait directement la communauté chrétienne de Syrie. Le patriarche m'avait averti des menaces sur les chrétiens d'Orient. Voici mon premier message : relayer son appel à ne pas détourner le regard et à protéger toutes les communautés religieuses.
Je pense aussi à Cécile Kohler et Jacques Paris. Merci, monsieur le Premier ministre, de nous avoir rassurés sur leur sort. Notre groupe appelle à leur libération immédiate. Nous n'oublions pas non plus les 50 otages retenus par le Hamas. Nous remercions le Quai d'Orsay qui a oeuvré pour rapatrier les Français vivant en Iran et en Israël.
Fin 2020, après l'attentat de Djeddah, j'avais demandé à Jean-Baptiste Lemoyne, alors ministre, que le processus de communication de crise soit formalisé et que nos élus fassent l'objet d'une information spécifique. Le groupe Les Indépendants de l'Assemblée des Français de l'étranger demande d'intégrer les élus dans la gestion de crise. Les élus des Français de l'étranger doivent pleinement jouer leur rôle d'interface.
Depuis sa création, le régime des mollahs appelle à la destruction d'Israël et menace les monarchies du Golfe.
La France a été l'un des premiers pays à reconnaître l'État d'Israël et elle lui a toujours manifesté sa solidarité. Les massacres du 7 octobre ont été monstrueux et ont entraîné une réponse justifiée d'Israël. N'oublions pas les 42 victimes françaises dans cette attaque.
Mais rien ne serait pire que de confondre le Hamas avec la légitime revendication de la population palestinienne, devenue otage de cette organisation terroriste soutenue par l'Iran.
Le Hamas n'est pas le seul proxy de l'Iran : Hezbollah et Houthis s'en sont pris à l'État hébreu.
Israël a choisi l'effet de surprise pour bombarder l'Iran. Trump a ensuite décidé de lancer l'opération Midnight Hammer, dans la nuit du 21 au 22 juin. À l'issue de ces frappes, le régime iranien est affaibli et isolé.
Reste à désarmer le Hezbollah. Il faut que le Liban retrouve sa pleine et entière souveraineté. Le nouveau gouvernement libanais nourrit beaucoup d'espoirs, sous réserve qu'il se débarrasse du Hezbollah et de sa tutelle iranienne. Mais le mouvement bénéficie des revenus issus du trafic de captagon, qui représentait 90 % du PIB de la Syrie à la chute de Bachar al-Assad. Les douanes libanaises ont récemment intercepté 866 kg de cette drogue.
L'envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack, a fixé un ultimatum au 7 juillet : les autorités libanaises doivent se positionner sur le monopole des armes. Or l'État libanais, via son armée, doit être l'unique détenteur de la force armée.
L'explosion du port de Beyrouth fut la plus grande explosion non nucléaire de l'histoire. En retrouvant les familles le 27 avril dernier, je leur ai remis votre lettre, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Votre geste les a profondément réconfortées. L'enquête est reprise et le ministre libanais de la justice a entrepris plusieurs réformes.
Je reviens au port de Beyrouth : faire disparaître les silos serait une insulte à la mémoire des victimes. Intercédons auprès du gouvernement libanais pour empêcher cette décision.
À Gaza, les plus de 50 000 vies perdues, dont 17 000 enfants, sont une honte pour l'humanité. Le blocage de l'aide humanitaire a transformé Gaza en un lieu de mort. La France a condamné une frappe israélienne qui a causé la mort de deux employés d'une ONG le 26 juin dernier. Nous devons protéger les civils et les travailleurs humanitaires. Nous soutenons l'appel du Gouvernement à un cessez-le-feu et à une solution politique fondée sur deux États.
Lors de mon déplacement dans le Golfe en avril dernier, j'ai rencontré le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères du Qatar, ainsi que d'autres ministres des affaires étrangères. Tous fondaient leur espoir sur le plan qui devait être présenté par Mohammed ben Salmane et le Président de la République le 18 juin devant les Nations unies. C'était la seule solution sérieuse. Mais la conférence a été reportée : quand pourra-t-elle se tenir ?
Lors du sommet de sécurité de Shangri-La, le Président de la République a dit : « Si nous considérons que la Russie peut s'emparer d'une partie du territoire ukrainien [...] que pourrait-il se passer à Taïwan ? » Le ministre australien de la défense a affirmé que la Chine augmentait ses capacités militaires à un niveau jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le secrétaire américain à la défense aurait évoqué 2027 comme date limite que Pékin se serait donnée pour que l'armée chinoise soit en mesure d'envahir Taïwan. Nous devons agir. Sans quoi, nous pourrions nous retrouver dans la même situation qu'en Ukraine et au Moyen-Orient.
Tout est lié. Faisons en sorte d'arrêter les conflits, surtout avant que ceux-ci ne débutent. (MM. Vincent Capo-Canellas et Olivier Henno applaudissent.)
M. Claude Malhuret . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) On ne ment jamais autant qu'après une chasse, avant une élection ou pendant une guerre, disait Clemenceau. C'est ainsi que tournent sur les réseaux sociaux les dessins animés montrant la bombe américaine en Iran percer 80 mètres de granit avant d'exploser. Même les services de renseignement américain n'arrivent pas à faire semblant d'y croire, malgré les ordres de leur président.
Les mollahs de Téhéran rabâchent : « Même pas mal ! » Et Netanyahu de tordre les déclarations de l'AIEA pour expliquer que l'Iran était à quinze jours de déclencher l'apocalypse nucléaire.
Personne ne se plaindra de la correction infligée à l'Iran, mais qui peut croire que la situation est réglée ? La guerre continuera tant que l'on ne garantira pas à la fois les droits des Israéliens et ceux des Palestiniens.
Je ne multiplierai pas les prophéties à court terme, mais parlerai plutôt d'un sujet angoissant : où est passée l'Europe ? Elle est en train de s'effacer, comme un château de sable au bord du rivage. Trump la méprise, Vance la déteste, la Chine n'y voit qu'un marché, la Russie un continent décadent. Quatre ou cinq fois par an, vingt-sept chefs d'État se réunissent dans le grand hôtel d'une capitale historique, délivrent des discours prérédigés et accouchent difficilement d'un plus petit dénominateur commun. Une photo, puis l'avion.
En cas de crise, le scénario se détraque. C'est alors la course au premier qui trouve une idée. La France a successivement lancé la proposition d'une coalition baroque contre le Hamas, annoncé son soutien inconditionnel à Israël puis condamné la dévastation de Gaza, convoqué avec l'Arabie saoudite une conférence tuée dans l'oeuf par les frappes en Iran, puis proposé plus modestement une aide humanitaire aux Palestiniens et, hier, appelé le boucher de Moscou. Aucune de ces initiatives n'a connu le commencement du début d'un effet.
Concernant l'Ukraine, le réveil européen s'essouffle. La France a proclamé l'économie de guerre en 2022 : nous en sommes loin. Après trois ans d'un chancelier allemand qui s'est comporté comme une limande apeurée, son successeur montre les muscles, dit qu'il livrera les Taurus, puis se ravise.
Les dirigeants européens ne sont que des commentateurs, campés devant les caméras comme la mouche qui, posée sur l'essieu d'une charrette, se dit : « Quelle poussière je soulève ! »
Plus jamais la guerre entre nous, c'était le projet européen. Mais c'est désormais la guerre avec les autres, les dictatures. On a transmis le fardeau aux Américains quand l'Union européenne est devenue le continent du pacifisme, oubliant ce que disait Mitterrand : les pacifistes sont à l'Ouest, les missiles à l'Est. La chute du Mur de Berlin a nourri la fable des dividendes de la paix. Dans un monde où les dictateurs ont juré de prendre leur revanche, c'est un contresens absolu.
La première conséquence de l'impuissance, c'est l'humiliation : en Iran, d'abord, où Cécile Kohler et Jacques Paris sont retenus dans des conditions inhumaines ; lors du prêche de Vance à Munich ; quand Trump dit aux Européens qu'il n'y a pas besoin d'eux au Moyen-Orient.
Il regrettera son mépris s'il comprend un jour qu'il n'y a rien de pire que de combattre avec des alliés, si ce n'est de combattre sans eux, comme disait Churchill en 1943. Les Européens se sont prosternés devant Trump à La Haye.
M. François Bayrou, Premier ministre. - Très bien !
M. Claude Malhuret. - Voir l'ancien secrétaire général de l'Otan appeler Trump « papa » est un symbole éloquent de l'Europe d'aujourd'hui.
Trump vient d'annoncer la fin des livraisons d'armes à l'Ukraine. Nous sommes seuls et au pied du mur. Nous n'avons pas mis ces trois dernières années à profit. C'est tragique pour l'Ukraine aujourd'hui, c'est tragique pour l'Europe demain.
L'urgence va à la coordination des forces européennes. Nos retards sont immenses en matière de guerre hybride. La priorité, c'est de ne plus dire que nous ne sommes pas en guerre, alors que cyberattaques, provocations dans les airs et coupures de câbles sous-marins se multiplient.
Comment convaincre les Français de porter le budget de la défense à 3,5 % du PIB ? À l'Assemblée nationale, les deux extrêmes se détestent mais sont d'accord sur le pire : le soutien aux dictateurs.
MacArthur disait que les batailles perdues se résumaient en deux mots : trop tard. L'Europe doit se réveiller, il faut des peuples qui se souviennent de leur histoire et des dirigeants qui prennent la mesure des périls. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.)
M. Xavier Iacovelli . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le Moyen-Orient est en feu et le monde regarde, impuissant. À Gaza, au Liban, au Yémen, les lignes bougent, les fronts s'embrasent. Il ne s'agit plus d'observer, il faut agir. La France ne peut rester spectatrice, elle doit parler haut et agir juste.
Agir juste, c'est défendre la sécurité collective et le droit international. Nous partageons un objectif commun avec les Américains et les Européens : que l'Iran ne se dote jamais de l'arme nucléaire. Mais la France doit garder son autonomie de jugement, et notre diplomatie doit être fidèle à son histoire, à sa voix singulière.
Nous devons empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire et permettre à Israël de se défendre. Mais nous nous méfions d'une politique de changement de régime, telle que défendue par l'administration Trump. C'est un piège. Nous connaissons le peuple iranien, nous l'avons vu défier les interdits. Nous devons porter sa voix, mais ce combat ne saurait être mené à sa place : la liberté durable ne s'impose pas via une puissance extérieure.
Nos compatriotes Cécile Kohler et Jacques Paris doivent être libérés. Je salue l'action de Patricia Schillinger. Nous ne devons jamais abandonner les nôtres.
Les événements en Iran ne doivent pas nous faire oublier la crise humanitaire majeure qui se joue à Gaza. Sur 360 kilomètres carrés, la faim, la mort règnent. Les enfants meurent sous les décombres. Et nulle hiérarchie des souffrances n'est possible. Pendant ce temps, le peuple israélien vit dans l'angoisse des roquettes, du retour de 58 otages. Quel avenir pour une génération née sous les bombes ?
Les civils et les enfants paient le prix d'une guerre d'adultes. Le droit international humanitaire doit être préservé partout, et toujours. Soigner, nourrir, protéger, éduquer : telles sont nos priorités. Mais cette urgence humanitaire ne doit pas masquer une réalité politique : le Hamas est une entité terroriste. Les attaques du 7 octobre 2023 furent un véritable pogrom sanguinaire et barbare. Le Hamas ne saurait occuper aucune place dans ce processus politique.
Nous soutenons l'idée d'une coalition des pays arabes. La seule voie d'avenir, c'est la solution à deux États. C'est la position de la France.
Le feu de la guerre à Gaza trouve du combustible ailleurs. Au Liban, le Hezbollah intensifie les provocations. Il menace la frontière nord d'Israël et déstabilise le Liban, au bord du gouffre économique et institutionnel. C'est pourquoi la France reste engagée dans ce pays : notre soutien est historique, séculaire, profond et constant.
Plus au sud, les Houthis, soutenus par l'Iran, multiplient les attaques. Quand la mer Rouge devient une zone de guerre, les chaînes logistiques mondiales vacillent.
Nous devons tenir une ligne claire : condamner toutes les violences, parce qu'aucune cause ne justifie la terreur.
Le Moyen-Orient est en pleine recomposition. Voulons-nous être spectateurs ou acteurs ? Commenter l'histoire ou en écrire la suite ?
La France doit être fidèle à son histoire, à sa voix de paix et d'équilibre, dans le respect du droit international. Nous ne sommes ni neutres ni passifs. Nous sommes aux côtés des peuples et des enfants de tous les pays de la région. On ne construit pas la paix avec des missiles ni l'avenir avec des ruines. Mais on peut bâtir cet avenir avec courage, grâce au droit et à une diplomatie forte.
L'histoire jugera ceux qui instrumentalisent le conflit, même dans notre pays. La France a choisi, bien avant nous, de militer pour la paix, la liberté et le droit. Nous ne sommes que les héritiers de ce choix. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Bernard Fialaire et Jean-Yves Roux applaudissent également.)
Mme Cécile Cukierman . - La réponse de l'Union européenne et de la France aux frappes américaines en Iran a révélé une vassalisation si profonde aux intérêts américains qu'elle nous conduit à piétiner le droit international et nos propres intérêts.
Les États-Unis ont frappé le territoire iranien sans nous consulter. Voilà comment Washington traite ses alliés ! Et les dirigeants européens bredouillent une rhétorique mensongère et ressortent une vieille recette : instiller la peur. On agite l'épouvantail de la menace nucléaire, on applaudit les frappes américaines et on exhorte l'Iran à rejoindre les pourparlers qu'il n'a jamais quittés. Qu'importent les conclusions de l'AIEA et des services de renseignement américains, selon lesquels aucune bombe n'était en préparation !
Face à cette logique orwellienne, rappelons que l'arme nucléaire est détenue par seulement quelques pays. L'Iran est signataire du traité de non-prolifération, quand Israël ne l'est pas. L'Iran est régulièrement contrôlé par l'AIEA. Quand Israël refuse les inspections, que disons-nous ? Quand le pays refuse de signer le traité de non-prolifération, que faisons-nous ? Rien ! Silence !
Si la France veut retrouver sa crédibilité, elle doit cesser le deux poids deux mesures. Si nous voulons réellement incarner un message de paix, renforçons le traité de non-prolifération.
En 2003, la France savait encore se lever comme un seul homme pour faire respecter le principe intangible du droit. Elle a désormais une attitude suiviste. Vous contribuez à l'effondrement du droit international ! Condamnations véhémentes de l'agression de l'Ukraine et étrange silence aujourd'hui...
Cette politique de double standard jette le discrédit sur l'Occident, incapable de porter un discours de paix sincère.
Monsieur le Premier ministre, en légitimant le droit des puissants à mener des guerres préventives, vous sapez honteusement la cause ukrainienne. Vous créez un précédent que ses adversaires ne manqueront pas d'exploiter. En choisissant la raison du plus fort, l'Union européenne et la France deviennent des forces de désordre.
Ramener la paix devient un défi considérable car Trump et Netanyahu offrent une répétition des guerres d'Irak, de Libye, d'Afghanistan, afin de resserrer leurs rangs. En Israël, cette logique alimente une union sacrée au service du pouvoir d'extrême droite nationaliste et suprémaciste qui bombarde à tout-va. Mais la guerre et les destructions poussent aussi, en Iran, au nationalisme, carburant de la République islamiste, contre le mouvement populaire.
Il n'appartient qu'au peuple iranien de déterminer la forme de son gouvernement : nous devons lui en donner les moyens.
Pendant ce temps, Gaza continue de mourir dans l'ombre. Quelque 2,1 millions d'êtres humains doivent faire face à une famine organisée. Le massacre est là.
Monsieur le Premier ministre, laissons l'histoire derrière nous, si tant est que vous écoutiez au lieu de commenter...
Les crimes odieux du Hamas ne peuvent justifier la perpétuation de l'horreur ad vitam aeternam. La paix ne viendra ni du maintien d'un seul rapport de force au profit d'Israël, ni d'un simple corridor humanitaire. L'heure n'est plus à attendre une quelconque conférence internationale. Plus la destruction de Gaza progresse, plus notre silence est coupable.
Notre pays doit rester intransigeant sur le respect des règles. L'inertie de l'exécutif sur la scène internationale aura des répercussions.
Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas de la même génération. Le Mur de Berlin est tombé depuis longtemps. Sortons des caricatures ! Nous sommes en démocratie, nous avons le droit de critiquer l'action d'un Gouvernement qui observe les morts s'accumuler à Gaza. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Face à Trump qui marchande la paix en échange du pillage des terres rares, de Kiev à Brazzaville, l'Europe servile accepte de consacrer 5 % de son PIB aux industries d'armement américaines.
Renouez avec la voix d'une France non alignée, juste, au service des peuples ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Maryse Carrère . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'année 2024 concentre le plus grand nombre de conflits sur la planète. Hélas, 2025 sera aussi d'une brutalité sans fin pour la paix.
La guerre des douze jours a ouvert un nouveau chapitre, invitant la question de l'arsenal nucléaire iranien dans le conflit israélo-palestinien. Une opportunité pour Benyamin Netanyahu, mais a-t-il anticipé les répliques potentielles ? L'Iran, le Qatar, le Yémen sont davantage impliqués, tandis que le drame humanitaire se poursuit à Gaza.
Le RDSE salue ce débat, à un moment difficile pour les relations internationales, mais surtout pour les populations de ces régions. J'ai avant tout une pensée pour les victimes civiles. À Gaza, des centaines de milliers de personnes ont perdu la vie. Si la chasse au Hamas a un sens, l'objectif initial d'exterminer l'organisation terroriste a considérablement évolué. Les privations organisées à Gaza ont-elles quelque chose à voir avec le droit d'Israël à se défendre ?
On ne peut pas rester sourd aux appels de centaines d'ONG.
Le défi existentiel vaut pour tous les peuples.
N'oublions pas les otages, parmi lesquels trois Français. Avec 80 % d'anéantissement de la bande côtière de Gaza, le Premier ministre israélien a choisi de les sacrifier.
Le RDSE exprime aussi sa solidarité à Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus en Iran. Nous souhaitons que la France maintienne l'exigence de leur libération immédiate. Je salue l'engagement constant des agents du ministère, qui veillent au sort de nos ressortissants.
Mais la compassion à l'égard des populations civiles ne peut tenir lieu d'analyse. Tous ces drames, pour quel résultat ? C'est vrai, le Hamas est décapité, mais cette hydre renaîtra toujours des conditions de vie des Gazaouis, et sans souveraineté du peuple palestinien.
L'espoir d'un cessez-le-feu est entre les mains des médiateurs américains, égyptiens et qataris. Soixante jours seraient le minimum. Mais si la question palestinienne n'est pas soldée, elle restera au coeur de la tectonique des plaques dans la région. La normalisation des relations de l'État hébreu avec ses voisins est souhaitable, mais elle ne doit pas être un leurre contre la solution à deux États.
Face à cela, quelle voix pour la France et l'Europe ? Face à l'Iran, réduit au statut de puissance régionale, aux États-Unis qui démontrent par la force leur centralité stratégique, à un Premier ministre israélien qui recompose la situation, soyons réalistes : il reste peu d'espace. La France doit néanmoins maintenir une ligne ferme et tenir une parole fidèle à sa tradition républicaine et humaniste : dénoncer les violations du droit international, faire respecter la Cour internationale de justice, rappeler que la lutte contre le terrorisme ne saurait conduire à l'anéantissement de populations entières.
L'Europe doit redevenir un acteur politique, capable de proposer une réponse structurée. Les derniers développements ne doivent pas écarter une réflexion sur le contrat d'association entre l'Union européenne et Israël.
Il s'agit non pas de choisir un camp, mais de redonner du sens au droit des peuples. Une Palestine souveraine est la seule voie.
Albert Camus disait : « La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent. »
La situation au Proche et au Moyen-Orient interpelle notre responsabilité collective ; elle engage notre rapport au droit, à la justice, et à la solidarité. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jacques Fernique et M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Merci d'avoir enfin convoqué le Parlement pour évoquer la situation au Proche-Orient. Nous en faisions la demande depuis le 18 mars. Depuis, les bombardements israéliens ont tué 6 000 Palestiniens et en ont blessé 20 000. Il y a à ce jour 56 000 morts civils : un génocide sous nos yeux.
Israël, épaulé par les États-Unis, a lancé un raid sur l'Iran au mépris des règles internationales, faisant un millier de morts civils côté iranien, vingt-huit côté israélien.
La timide voix de la France, qui envisageait de reconnaître l'État de Palestine, s'est évanouie. Face au retour de la violence comme projet politique, cette voix, et celle de l'Europe, sont désespérément attendues. Or elles sont inaudibles, faute de courage, de cohérence, d'unité. Ce n'est pas la première fois que l'Europe manque le rendez-vous de l'histoire. Le 21 août 2013, 1 845 opposants syriens ont péri asphyxiés et 10 000 ont été intoxiqués par le gaz sarin de Bachar al-Assad. Ce jour-là, le droit humain le plus élémentaire a été bafoué.
Faute de vouloir agir sans le grand frère étasunien, la France a laissé mourir l'opposition syrienne et réveillé l'appétit des empires. La Crimée est tombée quelques mois plus tard, provoquant un engrenage délétère.
En 2013, alors que le traumatisme irakien était encore vif, annoncer une nouvelle intervention militaire contre un dictateur arabe était difficile. En 2025, c'est plus simple : nous devons défendre le droit international, la paix, la diplomatie, pour mettre un terme à la fuite en avant meurtrière d'une démocratie amie. La dérive de Benyamin Netanyahu est le fruit de notre incapacité à faire respecter le droit international. Son ambition est l'annexion de Gaza et la colonisation de la Cisjordanie. Aux Gazaouis, il ne laisse que deux choix : la mort ou l'exil. Sa stratégie est de semer le chaos pour gagner quelques années de tranquillité. Estomaqués par la barbarie du 7 octobre, nous le laissons déployer son plan.
En 2025, nous n'avons plus l'excuse de l'ignorance : Afghanistan, Irak, Libye ont montré où conduit le chaos de nos guerres préventives.
La guerre contre l'Iran s'inscrit dans la même veine. Les bombes ne peuvent ni tuer une idéologie ni importer la démocratie. Elles ne créent que désolation et ressentiment. Nous ne savons rien de l'opération militaire, ou presque. Il faudrait pour cela faire confiance au président américain. Le programme nucléaire iranien a sans doute pris du retard, mais l'uranium enrichi circule toujours. Il est désastreux que les agents de l'AIEA ne puissent travailler. La volonté politique de se doter de la bombe précédait la révolution islamique et lui succédera sans doute, dans un monde où prévaut la loi du plus fort.
Si chacun souhaite évidemment la chute de ce régime tyrannique, gardons à l'esprit le précédent irakien. Les deux guerres du Golfe n'ont rien résolu.
Après les bombes, c'est la répression qui s'abat sur le peuple iranien. Nous tremblons avec lui, et avec nos otages, Cécile Kohler et Jacques Paris.
Comme sous Jacques Chirac, la France doit condamner le recours illégal à la force. Comme sous François Hollande, la France doit redevenir une grande nation diplomatique, celle qui a obtenu la signature de l'accord de Vienne ou de celui de Paris.
L'humanité fait face au plus grand défi de son histoire, le réchauffement climatique, qui devrait nous rassembler au nom de la survie de l'espèce ; au lieu de cela, nous retombons dans les pires travers du XXe siècle. Désespérant !
Monsieur le Premier ministre, il est encore temps d'agir. La France doit parler d'une voix ferme et reconnaître immédiatement l'État palestinien, avec ou sans alliés. Nous avons la faiblesse de croire que notre voix pèse suffisamment pour créer un effet d'entraînement.
Il faut suspendre l'accord d'association avec Israël, décréter un embargo sur toutes nos exportations d'armes, appliquer strictement les mandats de la Cour pénale internationale, acheminer de l'aide à Gaza avec notre propre marine, exiger des réformes de l'autorité palestinienne et la tenue d'élections.
La France peut, avec l'Europe, parler d'une voix ferme pour oeuvrer à la refonte du cadre multilatéral hérité de la Seconde Guerre mondiale. Notre diplomatie doit accorder plus de place aux sociétés civiles des pays autoritaires. Il faut mieux cibler l'aide publique au développement, sabrée par les coupes budgétaires, et bâtir une véritable politique d'asile, plutôt que de multiplier les infâmes rafles et les obligations de quitter le territoire français (OQTF). C'est ainsi que nous oeuvrerons à la transition démocratique et à la paix dans le monde.
Monsieur le Premier ministre, la France ne peut pas oeuvrer à la paix mondiale en se repliant sur elle-même. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Barros applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Monsieur Darnaud, en effet, l'ombre de Téhéran s'éloigne et les possibles s'ouvrent. Après la défaite du Hezbollah au Liban et la chute de Bachar al-Assad, l'Iran est dos au mur. Vous avez critiqué la ligne du Président de la République, pas claire selon vous. Au contraire, elle l'est, très fidèle à la tradition de la France : la fermeté vis-à-vis du régime iranien. Il n'y a pas, pour Israël, d'interlocuteur aussi constant et ferme que la France sur ces questions, tout en dénonçant les violations du droit international. Notre position d'équilibre est de reconnaître le droit d'Israël à se défendre tout en estimant que, dans l'intérêt d'Israël, certaines actions doivent cesser.
Vous avez été dur sur le Liban, or la France est la première à avoir proposé un cessez-le-feu. Nos idées ont été reprises et ont évité l'affrontement. La France a aussi facilité le redressement politique du Liban, permettant la tenue de l'élection présidentielle. Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial du Président de la République, était dans la tribune du Parlement le jour de l'élection.
Lors de cette guerre de douze jours, c'est par la France, loin d'être marginalisée, que la proposition diplomatique de cessez-le-feu a transité.
Monsieur Vayssouze-Faure, je ne sais pas si l'on peut dire que rien n'est réglé. Mais nous sommes au milieu du gué. Le plus dur reste à faire : un encadrement strict des activités nucléaires de l'Iran.
Vous avez appelé à la libération des otages. Nous avions indiqué au gouvernement israélien la présence de Cécile Kohler et Jacques Paris à la prison d'Evin. Nous avons dû attendre une durée inacceptable pour obtenir des preuves de vie. Nous espérons leur libération rapide.
Le retour à la coopération avec l'Iran passe par la reprise des discussions, dans l'esprit des négociations de l'accord de 2015. Les protagonistes en étaient les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, gardiens du traité de non-prolifération : seuls ces pays ont le droit d'être dotés de l'arme nucléaire. En contrepartie, ils doivent favoriser le développement du nucléaire civil. Ces cinq nations doivent se parler. D'où l'appel du Président de la République à Vladimir Poutine : c'est l'avenir de cette architecture de sécurité qui est en jeu. Même si Vladimir Poutine ne s'est pas montré à la hauteur, la Russie doit être consultée sur ses intentions vis-à-vis de l'Iran.
Olivier Cadic a rappelé le nombre de victimes de l'attentat contre les chrétiens de Syrie. La France considère que la préservation des droits de ces communautés est la condition du pluralisme et de la stabilité. Monsieur Cadic, vous avez souligné le rôle des élus des Français de l'étranger, notamment dans les situations de crise. Par vos nombreux déplacements, vous portez, vous aussi, la voix de la France.
Félicitations pour votre engagement personnel auprès des victimes de la catastrophe du port de Beyrouth.
La conférence sur la solution à deux États se tiendra dans les prochaines semaines - la dynamique est désormais inarrêtable.
Claude Malhuret a dit très justement que la guerre au Proche-Orient dure depuis quatre-vingts ans, et durera tant que le conflit israélo-palestinien ne sera pas résolu. Certains courants de pensée considèrent que ce conflit ne serait qu'une conséquence de la menace du régime iranien, alors qu'il avait commencé au préalable. Si nous devons encadrer le programme nucléaire iranien, il est indispensable de trouver une solution politique au conflit israélo-palestinien.
Il a aussi dit que les dictateurs voulaient prendre leur revanche sur les défaites du XXe siècle et qu'ils ont déclaré contre les démocraties une guerre qui a changé de nature. La revue nationale stratégique (RNS), présentée d'ici peu, y reviendra.
Nous avons un arsenal pour riposter contre les attaques qui abîment l'image de la France.
Notre capacité à peser à l'étranger dépend de notre force intérieure - force militaire, force économique, force morale et politique. Les travaux lancés par le Premier ministre - conclave, préparation du budget, refondation de l'action publique - sont en réalité directement liés à ces sujets internationaux, car c'est notre force intérieure qui nous permettra de porter la voix de la France et de défendre nos intérêts.
Xavier Iacovelli a rappelé que les tensions en mer Rouge avaient des conséquences pour le commerce international. Si la France s'investit dans la résolution des conflits au Proche-Orient, c'est en tant que nation fondatrice des Nations unies et membre permanent du Conseil de sécurité, mais aussi parce que beaucoup de nos intérêts directs se jouent au Proche-Orient.
Nous avons établi des liens avec les nouvelles autorités syriennes, non pour le panache mais pour servir nos intérêts bien compris : sur les questions migratoires ou la lutte contre le terrorisme, c'est dans un échange exigeant avec elles que nous pourrons obtenir gain de cause.
Vous avez parlé des enfants qui grandissent sur ces théâtres de conflit, qui en sont les premières victimes, et qui auront du mal à devenir demain artisans de paix.
Mme Cukierman a parlé du programme nucléaire iranien comme s'il était dérisoire, innocent. Il y a dix ans, grâce à l'accord que la France a contribué à faire signer, nous avions obtenu un recul substantiel du programme nucléaire iranien - jusqu'à ce que les États-Unis sortent de cet accord en rétablissant les sanctions, ce qui a conduit le régime iranien à relancer son programme nucléaire. Résultat : avant les frappes, l'Iran disposait d'un stock d'uranium enrichi trente fois supérieur et de capacités d'enrichissement dix fois supérieures aux limites maximales fixées il y a dix ans, avec une nette accélération depuis trois ans. Il y avait donc bien une intention, sans justification civile, de développer un programme nucléaire. Faut-il rappeler que l'Iran proclame sa volonté d'anéantir Israël ? Qu'il soutient des groupes terroristes, qu'il s'est félicité du 7 octobre, qu'il livre des drones à la Russie, qu'il détient nos compatriotes, qu'il a réprimé le mouvement « Femmes, vie, liberté » ?
Il n'y a pas « deux poids, deux mesures ». Nous n'avons pas participé aux frappes israéliennes et américaines ni à leur planification. Nous avons dit qu'elles n'étaient pas conformes au droit international, qu'elles n'empêcheraient par l'Iran de reconstituer un programme nucléaire et que seul un encadrement négocié éloignerait durablement le danger.
Madame Carrère, vous avez condamné la distribution militarisée de l'aide humanitaire à Gaza. Vous avez salué l'action des agents de mon ministère, très mobilisés. Lors du Conseil européen, les chefs d'État et de Gouvernement ont pris acte de la violation de l'article 2 du contrat d'association entre l'Union européenne et Israël : le conseil des affaires étrangères en tirera les conséquences le 15 juillet. Il ne s'agit pas de choisir un camp, mais de faire respecter le droit des peuples, avez-vous conclu. C'est exactement la position que la France entend défendre.
C'est l'apparence de notre faiblesse qui réveille l'appétit des empires, a dit le président Gontard. C'est vrai ! C'est pourquoi il faut rendre fort ce qui est juste.
Netanyahu serait un opposant à la solution à deux États ? Je vous cite les propos qu'il tenait en 2009 : « Dans ma vision de la paix, deux peuples vivent librement côte à côte dans l'amitié et le respect mutuel. (...) Si nous recevons cette garantie concernant la démilitarisation et les besoins de sécurité d'Israël et si les Palestiniens reconnaissent Israël comme l'État du peuple juif, alors nous serons prêts, dans le cadre d'un futur accord de paix, à parvenir à une solution où un État palestinien démilitarisé existera aux côtés de l'État juif ».
M. Guillaume Gontard. - C'était en 2009...
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - La conférence que nous entendons organiser sera l'occasion pour la France et d'autres de reconnaître l'État de Palestine et pour les pays arabes et l'Autorité palestinienne de prendre les engagements garantissant durablement la sécurité d'Israël.
L'année 2015 fut un grand millésime diplomatique pour la France : accord sur le nucléaire iranien, accord de Paris.
M. Rachid Temal. - François Hollande !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Souhaitons que 2025 fasse aussi bien, avec le traité de la haute mer, la conférence de Nice sur l'océan et bientôt un accord sur le nucléaire iranien, plus robuste qu'il y a dix ans. Ainsi pourra s'éloigner l'ombre de l'instabilité et de la guerre permanente.
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . - Le ministre Barrot l'a dit, notre puissance de conviction dépend de notre confiance en nous-mêmes, en ce qu'est la France, de par son histoire.
Ayons confiance dans nos forces armées, très exposées dans la région. M. Darnaud a cité la Finul, mais nous menons aussi des opérations comme Chammal, dans le cadre de l'alliance Inherent Resolve, avec des bases positionnées pour la lutte contre le terrorisme.
Des pays accueillent des bases militaires françaises : c'est le cas aux Émirats arabes unis ou à Djibouti, base qui dessert l'ensemble du Golfe.
Monsieur Darnaud, nos forces n'ont pas mandat pour mener une action offensive ; pour cela, il faut l'article 35 de la Constitution, et l'opération Chammal a été votée par le Parlement. La mission Aspides montre l'endurance spectaculaire de notre marine, qui n'a jamais tiré autant de missiles Aster-15 ou Aster-30.
Même chose pour la protection du ciel ou de nos bases. Mes propos à l'Assemblée nationale ont été critiqués par l'Iran, mais quand des drones tirés par l'Iran sur Israël mettent en danger nos emprises, nous assumons, en lien avec le pays hôte, d'en assurer la sécurité.
Les efforts de réarmement entamés depuis 2017 font que les forces armées prépositionnées au Moyen-Orient sont les mieux équipées, compte tenu du contexte régional.
Un mot sur le Liban. Nous connaissons tous la Finul, dont certains critiquent le mandat. Certes, il n'est pas parfait, mais personne n'a encore trouvé de meilleure idée. C'est soit cela, soit le vide. Je rends hommage à nos militaires qui exécutent ce mandat, dans des conditions de sécurité très dégradées ; je rappelle que nous avons perdu un soldat l'an dernier, mort pour la France : Fany Claudin, dont je salue la mémoire. Si l'on déplore des morts, c'est que nous ne faisons pas rien !
Citons aussi l'état-major franco-américain, imaginé avec l'administration Biden, qui permet aux uns de parler aux Libanais, aux autres de parler aux Israéliens ; c'est un utile complément de la Finul. J'invite les parlementaires à s'intéresser davantage à ce mécanisme prometteur pour les initiatives diplomatiques à venir.
Monsieur le président Gontard, ne passons pas sous silence l'action des forces armées pour l'aide à Gaza.
M. Rachid Temal. - C'est vrai.
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Nous sommes le seul pays à l'avoir fait, grâce à nos militaires. Depuis 21 h 30, on se fait du mal entre Français, à dire que nous ne ferions rien. J'ai démontré le contraire. L'armée française a largué des denrées et des médicaments, avec les Jordaniens, dans des conditions opérationnelles et diplomatiques très difficiles. Le Dixmude est le seul bateau de guerre européen qui accompagne les civils. Ce n'est pas à la mesure de ce qui se passe à Gaza, me direz-vous - mais actez que cela a été fait.
Nos forces armées écoutent nos débats, lisent les comptes rendus. Parfois, il y a un décalage énorme entre ce qu'on leur demande, les grandes envolées et la réalité de la compréhension de ce qu'ils ont fait. Je le rappelle avec prudence et humilité devant le Parlement, pour leur rendre justice.
Madame Cukierman, vous avez raison : ce sont des sujets politiques, au sens noble, qui méritent débat.
Nous sommes évidemment favorables au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Le général de Gaulle lui-même se disait favorable au désarmement nucléaire - si les autres en faisaient autant. Parmi les États parties au TNP, nous sommes le plus exemplaire des pays nucléaires. Vos camarades députés ont mené une commission d'enquête sur les essais nucléaires en Polynésie : là aussi, tout n'est pas parfait, mais de tous les pays ayant mené des essais, nous sommes celui qui assure le mieux la transparence, la justice et la réparation.
En matière de renseignement sur le programme nucléaire iranien, nous ne sommes plus aussi dépendants des Américains qu'il y a sept ans : je peux fournir au Président de la République et au Premier ministre des renseignements de source nationale, grâce aux efforts budgétaires que vous avez consentis.
L'avancée des programmes d'enrichissement et balistiques rendait l'assemblage d'un programme nucléaire imminent. Regardez les progrès réalisés en deux ans par l'Iran en matière de frappes balistiques : il y a un saut technologique.
Mme Cécile Cukierman. - La guerre des douze jours n'a pas apporté de solution !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Non, c'est d'ailleurs ce qu'a déclaré le Président de la République, et c'est pourquoi nous n'avons pas soutenu les frappes. Avec le ministère des affaires étrangères, nous avons souligné les risques de dissémination et de non-suivi par l'AIEA. La situation n'est pas celle de l'Irak en 2003.
Monsieur le président Gontard, je l'ai dit hier, je vous le dis ce soir et vous le redirai demain : il n'y a pas de vente d'armes de la France à Israël. (Murmures sur les travées du GEST) Il y a un an, j'ai considéré que l'honnêteté suffisait ; c'était compter sans La France insoumise. On a inoculé ce virus de la désinformation à nombre de nos concitoyens. Tout est faux ! Non, la France ne livre pas d'armes à Israël pour faire la guerre à Gaza. De toutes les grandes démocraties ayant une grande industrie de défense, nous sommes celle qui encadre le plus ses exportations d'armes. (Moues dubitatives sur les travées du GEST) Sur ce point, nous sommes irréprochables.
Monsieur Malhuret, changement d'époque, nouvelle guerre : vous avez raison. Hier en commission, nous avons plus parlé de reports de charges que de guerre hybride, de cyber, de New Space ou de prolifération nucléaire. Le Parlement doit s'emparer de ces sujets : ce n'est pas seulement l'affaire de l'exécutif. Hybride signifie qu'il y a une dimension civile. Une attaque cyber contre un hôpital, c'est tragique ; 300 attaques cyber contre 300 hôpitaux, c'est une nouvelle forme de déclaration de guerre. Le sujet est aussi local que global, et la chambre des territoires a un rôle à jouer. J'espère un jour un débat qui vienne nourrir de grandes orientations sur le sujet.
M. Rachid Temal. - Avec un vote ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - S'il y a quelque chose à voter ! C'est d'abord une affaire d'orientation, de répartition des rôles, de la part assumée par le privé... On peut créer des passerelles, des consensus plus forts qu'on ne le croit.
Prochaine séance demain, jeudi 3 juillet 2025, à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 55.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 3 juillet 2025
Séance publique
À 10 h 30 et l'après-midi
Présidence : Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, Mme Céline Brulin
1. Proposition de loi visant à permettre aux salariés de certains établissements et services de travailler le 1er mai, présentée par Mme Annick Billon, M. Hervé Marseille et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée) (texte de la commission, n°777, 2024-2025)
2. Proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, présentée par Mme Nadège Havet (procédure accélérée) (texte de la commission, n°779, 2024-2025)