Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Hommage à Olivier Marleix

Questions d'actualité

Grève des contrôleurs aériens (I)

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

Budget 2026 (I)

M. Christian Bilhac

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie

Finances des collectivités territoriales

M. Simon Uzenat

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

Budget 2026 (II)

M. Pascal Savoldelli

M. François Bayrou, Premier ministre

Déconcentration de l'État

M. François Bonneau

M. François Bayrou, Premier ministre

Conclusions de la délégation paritaire permanente des retraites

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Otages français en Iran et en Algérie

Mme Jacqueline Eustache-Brinio

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Flambée de violence en Guadeloupe

Mme Solanges Nadille

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Occupations illégales de terrains par des gens du voyage

M. Clément Pernot

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Aggravation de la pauvreté des familles monoparentales

Mme Laurence Rossignol

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

Obligations légales de débroussaillement

M. Jean Bacci

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Grève des contrôleurs aériens (II)

M. Vincent Capo-Canellas

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

Intoxications alimentaires dans l'Aisne

Mme Pascale Gruny

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Agence universitaire de la Francophonie

M. Yan Chantrel

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux

Mesures antidumping sur le cognac

M. Daniel Laurent

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Adaptation des littoraux à l'érosion

Mme Béatrice Gosselin

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Gestion des canicules

M. Joshua Hochart

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

Mise au point au sujet d'un vote

Rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois

M. Guy Benarroche

M. Christophe Chaillou

M. Stéphane Ravier

M. Cédric Chevalier

Mme Jacqueline Eustache-Brinio

M. Teva Rohfritsch

M. Michel Masset

Mme Anne-Sophie Patru

Mme Marianne Margaté

M. Stéphane Le Rudulier

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Article 2 bis

Article 3 bis

Vote sur l'ensemble

M. Christophe Chaillou

Simplification du droit de l'urbanisme et du logement (Conclusions de la CMP)

M. Guislain Cambier, rapporteur pour le Sénat de la CMP

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 1er A

Article 1er

Article 1er bis AAA

Article 3 bis

Article 4

Vote sur l'ensemble

Mme Viviane Artigalas

M. Cédric Chevalier

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Salama Ramia

M. Michel Masset

M. Daniel Fargeot

Mme Marianne Margaté

M. Yannick Jadot

Avis sur une nomination

Conseil de Paris et conseils municipaux de Lyon et de Marseille (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Valérie Boyer

Mme Solanges Nadille

Mme Mireille Jouve

Mme Isabelle Florennes

M. Ian Brossat

M. Guy Benarroche

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Étienne Blanc

M. Stéphane Le Rudulier

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Arlette Carlotti

Mme Antoinette Guhl

Mme Colombe Brossel

M. Mathieu Darnaud

Article 1er bis

Article 2

Article 4

Mme Antoinette Guhl

Ordre du jour du jeudi 10 juillet 2025




SÉANCE

du mercredi 9 juillet 2025

5e séance de la session extraordinaire 2024-2025

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Céline Brulin, Mme Marie-Pierre Richer.

La séance est ouverte à 15 h05.

Hommage à Olivier Marleix

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et membres du Gouvernement se lèvent.) Avant d'ouvrir notre séance de questions d'actualité au Gouvernement, je veux avoir une pensée pour Olivier Marleix, disparu brutalement ce lundi.

Ancien collaborateur du groupe du Rassemblement pour la République (RPR) au Sénat, ancien maire d'Anet, député d'Eure-et-Loir depuis 2012 et Président du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale entre 2022 et 2024, avec lequel j'ai souvent échangé, il était un élu de conviction et d'engagement, marqué par le gaullisme et l'exemple de son père, lui-même député du Cantal.

J'adresse mes condoléances à sa famille, aux membres de son groupe politique ainsi qu'à l'ensemble de ses collègues députés. (Mmes et MM. les sénateurs et membres du Gouvernement observent un instant de recueillement.)

M. François Bayrou, Premier ministre.  - La disparition d'Olivier Marleix a été pour l'Assemblée nationale, et plus généralement le Parlement, un moment de saisissement, de stupéfaction et de grand chagrin. Cela a été l'occasion, pour nous tous, de constater ce qu'était un parlementaire assidu, actif, et enraciné dans ses convictions, autant que dans le travail parlementaire, sur les thèmes qui lui étaient chers : la souveraineté économique et industrielle.

Ce fut l'occasion pour chacun d'entre nous de méditer : sous une force qui paraît irréductible peut se cacher la fragilité ; nos engagements ne nous protègent pas, bien au contraire, de ce type de faille. Nous devons être d'autant plus attentifs les uns aux autres.

Nous honorons la mémoire d'un bon, fidèle et engagé serviteur de la vie parlementaire. (Applaudissements)

M. le président.  - Merci, monsieur le Premier ministre.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Grève des contrôleurs aériens (I)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) En décembre 2022, à Bordeaux-Mérignac, un Airbus en phase d'atterrissage a failli entrer en collision avec un avion immobilisé sur la piste. Le bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) a mis en cause une organisation défaillante : les contrôleurs aériens présents étaient occupés à d'autres tâches, tant et si bien qu'ils ont oublié un appareil. Cette faute est liée à la pratique informelle et généralisée de la clearance : une forme d'autogestion qui permet aux contrôleurs de s'organiser entre eux et de juger de la nécessité de leur présence ou non en fonction du trafic aérien. Résultat : 24 heures de travail par semaine au lieu des contraignantes 32 heures auxquelles ils sont astreints. La mise en place d'un pointage et un suivi paraissent donc des mesures de bon sens et un effort raisonnable pour ces fonctionnaires payés 8 000 euros bruts par mois et qui partent à la retraite à 59 ans.

Pourtant, 272 contrôleurs se sont mis en grève, provoquant l'annulation en trois jours de 2 000 vols et clouant 500 000 passagers au sol. Ils sont déjà responsables de 35 % du retard aérien en Europe, sans compter les nombreuses grèves. Combien de temps allons-nous supporter cela ? Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il pour mettre fin à ce chantage syndical révoltant d'une minorité qui se croit tout permis ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains et du RDPI)

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports .  - La semaine dernière, des centaines de milliers de passagers ont été bloqués. La moitié des vols ont été annulés à Nice, Bastia et Calvi, 40 % dans les aéroports parisiens. Tel est le bilan des premiers départs en vacances... Cette grève irresponsable a été menée par des syndicats minoritaires : moins de 300 grévistes, 8 % du total, ont suffi à paralyser tout le transport aérien français. Les conséquences sont lourdes pour les compagnies aériennes - 20 000 euros par vol annulé soit au total des millions d'euros ; Air France a été directement touchée - et pour les familles, qui ont économisé toute l'année pour se payer des vacances. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) a depuis longtemps dialogué avec les contrôleurs. Certaines revendications sont déjà prises en compte, d'autres sont injustifiées. Nous ne reculerons pas sur la mise en place de la badgeuse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains), c'est un enjeu de sécurité, après la collision évitée de justesse à Bordeaux-Mérignac. Le droit de grève est constitutionnel, mais il s'accompagne de responsabilité. Ma ligne de conduite est la même : le dialogue social oui, le chantage non. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Merci de votre réponse. Bon courage. Nous sommes avec vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)

Budget 2026 (I)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Au nom du RDSE, j'adresse à la famille Marleix, en particulier à son frère Romain, et à tous ses amis, nos pensées les plus attristées.

En ce début de Tour de France, je ne sais pas si le PLF 2026 sera un Himalaya, mais ce sera à coup sûr un col de première catégorie. Nous avons le maillot jaune de la dette, du déficit, de la pauvreté, du faible taux d'emploi -  69 % contre 77 % en Allemagne.

Ce n'est que dans la justice fiscale et sociale que les Français accepteront les efforts.

Or vous n'envoyez que des signaux négatifs depuis un an. La taxe sur les hauts revenus -  plus de 200 000 euros par an  - a été dénaturée en y intégrant l'optimisation fiscale. À Pâques, la taxe anti CumCum sur les dividendes a été anéantie par un tour de passe-passe bercynien. Le 11 juin, vous vous êtes opposés à la taxe Zucman sur les hauts patrimoines.

Je propose l'alignement de nos normes sur nos voisins européens, pour économiser 60 milliards d'euros, et de réduire les frais généraux de nos ministères et administrations, supérieurs de 50 % à ceux de nos voisins.

Envisagez-vous la chasse aux mammouths administratifs ? Depuis Claude Allègre, c'est désormais un troupeau qui peuple nos ministères et qui dévore chaque jour nos finances publiques ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Vos constats sont lucides. Un sommet très élevé se dresse devant nous, avec un déficit à 6 %, une dette à 110 % du PIB et une charge de la dette de 60 milliards d'euros. Réduire la dette et les déficits est une ardente nécessité pour retrouver des marges de manoeuvre, investir et garantir notre souveraineté. C'est pourquoi le Gouvernement a posé le principe d'une trajectoire de réduction pour atteindre 3 % de déficit en 2029.

Il faut de la stabilité fiscale pour les entreprises qui ont besoin de visibilité pour investir et pour les particuliers qui vivent de leur travail.

M. Mickaël Vallet.  - Donc vous allez taxer les rentiers ?

M. Marc Ferracci, ministre.  - Le pouvoir d'achat doit être préservé. Nous devons d'abord agir sur les dépenses. Les efforts doivent être partagés et équitables entre les collectivités territoriales, l'État et la sécurité sociale. Nous devons évaluer systématiquement les dépenses publiques et couper celles qui n'ont pas prouvé leur efficacité.

Nous voulons soutenir la croissance et continuer à faire des réformes, notamment structurelles. L'écart de taux d'emploi avec les pays voisins, qui explique en grande partie nos difficultés budgétaires, doit être réduit. (M. François Patriat applaudit.)

M. Christian Bilhac.  - « La réforme fiscale associée à une politique sélective du crédit fournira les moyens d'une action visant le double objectif de la justice et de la productivité », disait Pierre Mendès France le 3 juin 1953. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

Finances des collectivités territoriales

M. Simon Uzenat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au nom de mon groupe, j'ai une pensée pour Olivier Marleix et ses proches, lui qui était engagé sur les questions de souveraineté.

Les finances des collectivités territoriales sont confrontées à un effet non pas ciseau, mais cisaille, car les dépenses progressent : hausse du point d'indice, cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), transferts de charges. Les investissements sont stables, car les collectivités territoriales recourent à l'emprunt et font fondre leur trésorerie.

La commission d'enquête sur la commande publique rappelle l'importance du soutien aux entreprises. Dans le même temps, l'État est défaillant, notamment sur les mobilités, et le Fonds national des aides à la pierre disparaît. Vous avez missionné l'IGF pour réviser les aides et les subventions d'investissement aux collectivités, et pour envisager la fusion de la DETR, de la DSIL et des autres dispositifs de réduction du FCTVA, alors que nous avions voté contre la réforme de votre prédécesseur. Nous demandons la publication de cette étude.

Prévoyez-vous un traitement sévère - 8 milliards d'euros d'économies, le retour des contrats de Cahors, une année blanche ? Monsieur le Premier ministre, nous avons le droit de savoir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.)

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - J'ai réuni, sous la responsabilité du Premier ministre, l'ensemble des associations d'élus pour un Roquelaure sur les finances locales : la méthode a été saluée par les participants. Des groupes de travail ont été mis en place et ont rendu leurs conclusions.

Nous souhaitons donner de la visibilité aux collectivités territoriales sur le montant de leur contribution, afin qu'elles envisagent leurs investissements. Nous pourrions prévoir une annexe budgétaire pour les trois prochaines années.

Les dépenses de fonctionnement ont été freinées en 2024, ce dont nous nous félicitons. Les engagements pris l'an passé seront tenus, comme le remboursement par l'État de 30 % du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), décidé par le Sénat.

Le 15 juillet, le Premier ministre fera part de sa vision sur ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)

M. Simon Uzenat.  - Vous achetez du temps en annonçant les mesures après la session extraordinaire.

Une potion absolument amère se prépare. Soutenez les collectivités territoriales, pour l'emploi, la souveraineté, la justice... De notre côté, nous serons au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

Budget 2026 (II)

M. Pascal Savoldelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) « Nul ne peut ignorer la gravité du moment. Lorsque l'avenir est sans espoir, le présent prend une amertume ignoble », a dit Émile Zola. Vous préparez le budget seul, sans contrôle du Parlement ni majorité populaire. Quelle est votre vérité démocratique quand vous prévoyez la pénurie pour 99 % des Français ? Les aides aux entreprises sont le premier poste de dépenses de l'État, 211 milliards d'euros, soit 2,5 fois le budget de l'éducation nationale. De quelle majorité populaire et politique vous parez-vous pour prendre de telles mesures ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Le ton de votre question mérite une réponse mesurée. (Sourires) Vous confondez les responsabilités du législatif et de l'exécutif. Nous préparons le budget, mais c'est vous qui l'adopterez.

Quelle est notre légitimité ? La succession de tous les courants politiques depuis cinquante ans nous a plongés dans une telle situation.

M. Mickaël Vallet.  - Huit ans !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - J'ai relu vos interventions : pas un seul membre de la gauche n'a demandé un euro d'économies. (Protestations à gauche) Vous avez tous demandé des dépenses ou des impôts nouveaux. (Vives interpellations sur les travées du GEST ; Mle Président demande le silence.)

Mme Céline Brulin.  - On a proposé des milliards d'euros de recettes !

M. François Bayrou, Premier ministre.  - Si l'impôt suffisait à faire la prospérité d'un pays, nous serions le pays le plus prospère. Ce constat ne nous assure pas une légitimité, mais nous donne le devoir d'agir. Chacun prendra ses responsabilités ensuite. Le Gouvernement n'éludera pas les siennes. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

M. Pascal Savoldelli.  - Merci de votre réponse modérée. (Sourires)

Vous préparez le budget en catimini. Vous prétendez consulter, mais la France n'est pas une démocratie consultative ! La démocratie, c'est le vote des Français, la représentation nationale, et la République sociale. (M. Bruno Sido en doute.) Les trois sont contournés.

Vous parlez d'un effort partagé, mais le peuple partage déjà la hausse des prix, la TVA sociale, la fermeture des services publics, les territoires abandonnés... Un effort demandé aux ultrariches, issu de la volonté populaire majoritaire, devrait faire l'unanimité au Parlement.

Qui dirige la France ? Ceux qui ont perdu les élections, comme le montre le raté sur les retraites ? Donald Trump ou les profiteurs de l'économie de guerre ? Une nouvelle dépense militaire est portée à 3,5 % du PIB parce que le président américain et le chef de l'Otan l'exigent. Vous cherchez 40 milliards d'euros, alors que 100 milliards sont fléchés sur l'économie de guerre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)

Déconcentration de l'État

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier à Chartres une importante réforme de l'action territoriale de l'État. Nous ne pouvons qu'y souscrire. Les attentes de nos concitoyens sont fortes en matière de proximité, lisibilité et efficacité de l'action publique.

Cela fait des années que le groupe UC et les autres groupes plaident pour une relance de la déconcentration. Les grandes inter-régions qui ont éloigné les citoyens et la multiplication des opérateurs de l'État en font une nécessité pressante. Vous dites vouloir conforter le département comme échelon de la mise en oeuvre des politiques publiques de l'État. Nous ne pouvons qu'applaudir. Pour éviter la cacophonie, il faut un chef d'orchestre des politiques publiques. Comment s'assurer que vos annonces ne resteront pas lettre morte, dix ans après la charte de la déconcentration et cinq ans après la dernière réforme de l'organisation territoriale de la République ? Durant la pandémie en 2020, nous avions loué les vertus de l'État agile, mais il demeure bien trop rigide. La simplification de l'État est-elle enfin sur les rails ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Je vous donne l'assurance que ce ne sont pas des promesses, ni un programme, mais des décisions qui entreront en application dans les jours qui viennent.

Tous les élus ont, à de nombreuses reprises, dénoncé la difficulté à rencontrer de véritables responsables de l'action de l'État. Les organismes publics pâtissent d'un manque de lisibilité.

Le préfet de département pourra demander la remise en question d'une décision des agences de l'État qui lui semblerait incohérente avec les principes et les priorités de l'action de l'État. Nous avons élargi le droit de dérogation du préfet. Nous les protégerons d'une mise en cause pénale excessive.

Les préfets seront destinataires, avant leur publication, de toutes les décisions prises par les acteurs publics au nom de l'État.

Cette réorganisation de l'État local est très profonde. Ce n'est pas seulement de la déconcentration, mais aussi un atout pour la décentralisation, car les élus locaux ont besoin d'interlocuteurs compétents, ayant la capacité d'agir, et dont la parole est fiable.

Le couple maire-préfet est un exemple de cette démarche.

Oui, monsieur le sénateur, les annonces ont été multiples, depuis des années. Le décret date de 2004. Mais cette fois, nous ne nous contentons pas d'affirmations.

Vous aurez à en connaître pour l'aspect législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille et M. François Patriat applaudissent également.)

M. François Bonneau.  - Nous nous attacherons à vérifier sur le terrain que les annonces sont bien suivies d'effets. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Conclusions de la délégation paritaire permanente des retraites

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) À l'issue du défunt conclave, le Premier ministre a beaucoup communiqué sur les points d'accord relatifs à des mesures qui, sans être négligeables, ne sont que de modestes atténuations de la brutalité de la réforme des retraites : six mois gagnés sur la décote, réduction à 23 ou 24 ans du calcul de la retraite pour les mères, réintégration de trois critères de pénibilité, mais sous conditions. Quelques points de désaccord persistent, que le Premier ministre promet de trancher.

Mais un point d'accord a été passé sous silence : le déficit des retraites en 2030, soit 6 milliards d'euros, qui provient de la baisse des recettes, serait financé par une sous-indexation indifférenciée des retraites sur cinq ans. Selon vous, l'ajustement structurel de résorption du déficit au moyen de la baisse du pouvoir d'achat de tous les retraités est-il un point d'accord susceptible d'être porté lors du prochain budget ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Le dialogue n'est jamais un échec. Le dialogue social - auquel votre assemblée est profondément attachée - est une richesse démocratique et renforce la démocratie représentative.

Je remercie Jean-Jacques Marette pour son travail. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.) Les partenaires sociaux ont fait preuve de responsabilité en mettant de côté des sujets clivants, comme l'âge de départ à la retraite, pour pouvoir négocier.

Les points de convergence ne sont pas négligeables, comme l'impératif retour à l'équilibre en 2030, la meilleure prise en compte de la maternité et des carrières hachées des femmes, l'abaissement de l'âge de départ à taux plein sans décote et la prise en compte de la pénibilité des risques ergonomiques dans la prévention. La question de la capitalisation a pu également être abordée. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

M. Guy Benarroche.  - Ce n'est pas la question !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - L'effort doit être partagé par tous. Le Premier ministre l'a dit, nous prendrons des positions de compromis dans le PLFSS 2026. L'objectif est le retour à l'équilibre en 2030.

M. Guillaume Gontard.  - Merci pour cette non-réponse !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Votre non-réponse démontre que vous reprenez le point d'accord sur la sous-indexation. Cette attaque indifférenciée ne relève pas d'un souci d'équité. Elle affectera le revenu des plus modestes, alors que le taux de pauvreté est au plus haut depuis vingt ans. Avec la sous-indexation, vous fragilisez notre modèle social encore un peu plus ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Otages français en Iran et en Algérie

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cécile Kohler et Jacques Paris en Iran, Christophe Gleizes et Boualem Sansal à Alger : tous ont été condamnés pour de fausses raisons - atteinte à l'unité nationale, outrage à corps constitué, apologie du terrorisme, espionnage, complot. Tous sont otages politiques, victimes du régime dictatorial d'Alger et du régime terroriste de Téhéran.

La France doit les faire libérer, par tous les moyens. La diplomatie, on le sait, nécessite de la discrétion, mais près de deux ans de silence sur le sort de nos otages en Iran n'ont rien apporté. Arrêtons de rêver à des actes de clémence ! La faiblesse ne paie jamais face à un régime autoritaire : la diplomatie molle n'a manifestement aucun effet.

La France ne peut pas être humiliée plus longtemps. Des outils sont à votre disposition pour faire pression sur l'Algérie et l'Iran et les contraindre : saisir les autorités européennes pour stopper la renégociation de l'accord d'association UE-Algérie, remettre en cause l'accord de 1968, inscrire le corps des gardiens de la Révolution islamique sur la liste des organisations terroristes.

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Cessez de vous opposer à leur activation, sous prétexte qu'elle nuirait à la libération de nos otages.

Quelle est la stratégie du Président de la République pour les faire revenir en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Veuillez excuser l'absence du ministre des affaires étrangères, qui accompagne le Président de la République à Londres.

Les 2 300 Français détenus à l'étranger bénéficient du plein accompagnement des services consulaires. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.) La diplomatie française est à pied d'oeuvre auprès de nos compatriotes détenus arbitrairement. Nous avons ressenti un immense soulagement à la libération d'Ofer Kalderon, Olivier Grondeau et Théo Clerc, retenus respectivement à Gaza, en Iran et en Azerbaïdjan : c'est le fruit du travail de la diplomatie française.

Il y a ceux qui s'agitent ou dénoncent sans rien obtenir. Pour notre part, nous agissons à bas bruit, avec le résultat pour seule boussole. (On ironise sur certaines travées à droite.) Il s'agit de situations dramatiques, pas de dossiers destinés à nourrir des polémiques.

Après de fortes pressions, notre consul a pu rendre visite à Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus dans des conditions indignes assimilables à de la torture. Nous enjoignons les autorités iraniennes de mettre un terme sans délai à leur calvaire.

La condamnation en appel de Boualem Sansal est injustifiable.

M. Jacques Grosperrin.  - Et donc ?

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué.  - Il faut trouver immédiatement une issue digne à la situation de notre compatriote, compte tenu de son état de santé.

De même, nous nous tenons aux côtés de Christophe Gleizes. Le ministre Barrot s'est entretenu avec ses proches il y a quelques jours. Nous resterons, pour lui aussi, pleinement mobilisés.

M. Stéphane Ravier.  - Ça se voit !

M. Jacques Grosperrin.  - Quelle langue de bois...

Flambée de violence en Guadeloupe

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Depuis le début de l'année, la Guadeloupe fait face à une flambée dramatique de violence : vingt-neuf homicides ont été commis, dont dix-huit par arme à feu ; la semaine dernière encore, un homme est décédé après avoir été grièvement blessé par balles.

L'insécurité va croissant, alors que le narcotrafic et la circulation d'armes gangrènent le tissu social. Les plus jeunes paient le prix fort : certaines victimes ont 17 ou 16, parfois 13 ans.

Indispensables, les mesures répressives ne sauraient toutefois suffire. Augmenter les effectifs de police n'est qu'un pan de la réponse. Il faut aussi agir sur les causes profondes de la violence : déscolarisation, perte de repères, désocialisation. L'éducation nationale alerte depuis une vingtaine d'années : en outre-mer, les niveaux scolaires baissent, le décrochage s'aggrave, les jeunes sans formation sont de plus en plus nombreux.

Le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place, en liaison avec les collectivités et les acteurs de terrain, des contrats territoriaux de prévention et de sécurité propres à la Guadeloupe ? Comment compte-t-il lutter contre les causes structurelles de la violence, en particulier chez les jeunes ? À la veille du comité interministériel des outre-mer, écoutez les doléances locales et apportez-nous enfin des réponses efficaces et durables ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP et du GEST)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Monsieur le Président du Sénat, je me joins à l'hommage que le Premier ministre et vous-même avez rendu à Olivier Marleix. « Chaque être crie en silence », selon Simone Weil. Oui, dans chaque existence humaine, il y a une part de douleur secrète, de souffrance inaccessible. On se demande parfois quel signe on n'a pas perçu.

Olivier Marleix était une figure et un repère pour notre famille politique. Il fut un législateur hors pair, élu en Eure-et-Loir. Il avait une exigence intellectuelle et une grande droiture morale. Il était fidèle à nos convictions gaullistes, qui dessinent comme un idéal français. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

Oui, madame Nadille, la réponse sécuritaire et judiciaire ne suffit pas. Mais, ministre de l'intérieur, je suis comptable de la réponse sécuritaire.

Les faits épouvantables dont vous avez parlé ont une cause racine : la criminalité organisée. Le texte destiné à lutter contre elle est promulgué, et l'état-major qui présidera au travail de renseignement et d'enquête est à pied d'oeuvre.

En Guadeloupe, nous comptons 4 170 policiers et gendarmes. L'an dernier, une nouvelle brigade a été créée, à Goyave. Un nouvel escadron de gendarmes mobiles sera créé, ainsi qu'un peloton d'intervention de la garde républicaine. Nous projetterons aussi des enquêteurs depuis l'Hexagone.

Depuis un mois, nous mettons en oeuvre une nouvelle stratégie contre le trafic de drogue, qui passe par une sécurisation renforcée des plages, du port et de l'aéroport.

Je me rendrai aux Antilles en août pour m'assurer que toutes les dispositions nécessaires sont prises et recueillir l'avis des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

Occupations illégales de terrains par des gens du voyage

M. Clément Pernot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans le Jura, après dix-huit occupations illégales de terrain par des gens du voyage l'année dernière, la préfecture recense déjà vingt-trois stationnements illicites depuis le début de l'année. Les conséquences de ces occupations sont trop connues : dégradations, pressions, menaces. Ces campements délictueux ne sont plus l'exception, ils deviennent la règle !

Impuissants et exaspérés, les maires doivent gérer en outre la colère de leurs habitants.

Il ne s'agit pas de stigmatiser une population ; mais le droit à la diversité impose, au minimum, le respect des lois, des élus, des forces de l'ordre et des biens d'autrui - c'est la base du contrat républicain.

La lourdeur des procédures d'expulsion conduit à des séjours quasi autorisés d'au moins une semaine. Il est temps d'agir autrement. En quoi la circulaire d'avant-hier constituera-t-elle une réponse efficace, en attendant qu'une proposition de loi mette un terme définitif à cette mascarade estivale récurrente ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Vous posez une question essentielle. Le Gouvernement lutte non pas contre les gens du voyage, mais contre l'occupation illicite de terrains.

Le ministre d'État et moi-même avons mis en place il y a quelques mois un groupe de travail, présidé par le préfet Alloncle et qui vient de rendre ses conclusions. Une partie des vingt-deux propositions formulées sont législatives, les autres réglementaires.

Nous avons adressé aux préfets une circulaire fixant une stratégie claire : désigner un médiateur dans chaque département ; désigner un sous-préfet chargé de déterminer les lieux susceptibles d'accueillir les gens du voyage ; signer une convention avec les occupants potentiels, prévoyant des garanties financières ; lorsque les conditions sont réunies, saisir les juridictions administratives le plus rapidement possible.

À la suite du groupe de travail, nous attendons une initiative parlementaire, que le Gouvernement soutiendra clairement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Clément Pernot.  - Il est temps de passer des principes aux actes ! Avec vous et Bruno Retailleau, nous sommes en confiance. (On ironise à gauche.) Aux mots justes que vous employez doivent succéder des actes forts pour protéger les honnêtes gens. (Exclamations à gauche) L'autorité de l'État doit être restaurée sur tout le territoire ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Aggravation de la pauvreté des familles monoparentales

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La semaine dernière - même endroit, même heure -, Mme Brossel vous a interrogée sur l'idée insensée consistant à financer l'augmentation du complément de mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales par la suppression du bonus dont bénéficient jusqu'ici ces mêmes familles. Vous ne lui avez pas répondu.

Or, depuis, nous avons pris connaissance des indicateurs annuels de pauvreté. Jamais, depuis qu'on mesure la pauvreté, la France n'a compté autant de personnes pauvres. Notez bien que, dans le même temps, jamais les riches ne se sont autant enrichis que depuis 2017 : leur patrimoine a doublé ! Le prétendu ruissellement, c'est une cascade d'argent pour une poignée de gens et des flots de misère pour de nombreux autres. (Marques d'approbation sur de nombreuses travées à gauche ; M. Adel Ziane renchérit.)

Or c'est parmi les familles monoparentales que la pauvreté augmente le plus : 300 000 ont basculé en 2023. Plus d'un tiers des mères monoparentales et 40 % des enfants de ces familles sont dans la pauvreté.

Ce n'est plus un statut dont les familles monoparentales ont besoin, mais un plan d'urgence. Allez-vous agir ou les laisser sombrer dans la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge et M. Pierre Barros applaudissent également.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles .  - L'enquête annuelle publiée avant-hier mesure le taux de pauvreté à partir du revenu médian. Celui-ci a augmenté de 0,9 %.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Tout va bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre.  - Il s'agit d'un fait. De même, les chiffres pris en compte datent de 2023, avant l'augmentation de 4,6 % des prestations sociales intervenue en 2024.

Pour l'accompagnement des mamans solos, le complément de mode de garde consistait jusqu'à présent en trois forfaits. C'était : « circulez, il n'y a rien à voir ». Désormais, il prend en compte la composition de la famille, le nombre d'enfants et le nombre d'heures nécessaires. C'est la raison pour laquelle il n'y a plus de bonus : chaque situation est prise en compte de manière individuelle.

En outre, pour les familles monoparentales, l'accompagnement se poursuivra entre 6 et 12 ans.

Oui, les mamans solos ont besoin de ces réponses concrètes. Le Gouvernement est au rendez-vous. (M. François Patriat et Mme Olivia Richard applaudissent.)

Mme Colombe Brossel.  - C'est faux !

Mme Laurence Rossignol.  - Quand 40 % des enfants de famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté, vous devriez être bouleversée et vous mobiliser. Votre réforme du CMG est financée par la suppression du bonus pour les familles monoparentales : allez donc le leur expliquer ! Je crois à l'expertise des familles : ces mères, qui se débrouillent avec des budgets terribles, savent bien ce qui les attend. Nous aurons à en rediscuter. Par ailleurs, vous ne m'avez pas répondu sur un plan de sauvetage pour les familles monoparentales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Antoinette Guhl et MM. Pierre Barros et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Obligations légales de débroussaillement

M. Jean Bacci .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos forêts, nos bois, nos collines brûlent. Alors que des millions de touristes rejoignent le Sud, l'Occitanie et l'Aquitaine, les soldats du feu sont engagés par milliers sur l'arc méditerranéen, notamment aux portes de Marseille et Narbonne. Hier, on comptait sept départs de feu dans les Bouches-du-Rhône, onze dans l'Aude. Et l'été ne fait que commencer.

Alors que les interfaces entre zones urbaines et végétalisées sont critiques, les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont la mesure de prévention essentielle. Hélas, leur complexité entraîne un taux de réalisation trop faible. Le législateur a simplifié leur mise en oeuvre, mais les projets de révision des arrêtés préfectoraux vont en sens contraire.

Quarante sénateurs vous ont alertés : l'application excessive des prescriptions environnementales va à l'encontre des objectifs de défense de la forêt. Certaines dispositions sont aberrantes, et même les grands opérateurs, comme les départements, engagent des recours. Élus et administrés peinent déjà à appliquer les arrêtés précédents : ils ne pourront pas s'approprier les nouvelles règles.

Il convient de privilégier l'augmentation des OLD réalisées. Bref, il faut plus d'OLD avant de vouloir mieux d'OLD. Quand simplifierez-vous votre circulaire d'application ? Nos forêts brûlent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Face au dérèglement climatique, l'actualité nous rappelle chaque année un peu plus que la prévention incendie est essentielle. J'assure du soutien du Gouvernement tous nos concitoyens et les forces de secours confrontés aux terribles incendies qui frappent en ce moment notre pays.

En juin dernier, le ministre de l'intérieur et moi avons publié la stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies ; elle s'inscrit dans le prolongement de votre loi de 2023, dont l'ensemble des textes d'application ont été publiés, sauf un décret en cours de finalisation, sur les coupures agricoles.

Nous améliorons l'identification des zones vulnérables et donnons aux collectivités des outils pour mieux prévenir les feux. Nous avons aussi renforcé les moyens de nos forces de secours, actualisé leur doctrine d'emploi et lancé une nouvelle campagne de sensibilisation - plus de neuf feux sur dix sont d'origine humaine.

Votre loi prévoit le renforcement des OLD, une mesure de bon sens. J'ai demandé que les mesures d'application soient prises en concertation avec les acteurs de terrain, dans le respect de la volonté du législateur. Un arrêté national sera décliné par des arrêtés préfectoraux dans les quarante-huit départements concernés. Seize d'entre eux ont déjà été publiés.

Je prends bonne note de votre interpellation et redirai aux préfets qu'il faut veiller à l'accessibilité des arrêtés et tenir compte des réalités locales. C'est, du reste, le sens de la réforme de l'action territoriale de l'État annoncée hier par le Premier ministre : des textes génériques garantissant l'égalité devant la loi et des adaptations locales sous la responsabilité des préfets.

M. Jean Bacci.  - En la matière, on ne peut pas faire du « en même temps » : il faut choisir clairement son objectif. Or la meilleure façon de préserver la biodiversité, c'est de ne pas exposer les écosystèmes aux incendies ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Grève des contrôleurs aériens (II)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Sénat est attaché au dialogue social, mais aussi à la liberté de circulation de nos compatriotes.

Comment envisagez-vous l'avenir du service de contrôle de la navigation aérienne, après la grève de la semaine dernière qui a conduit à l'annulation de 1 800 vols ?

Cette grève, à l'initiative de syndicats minoritaires, intervient après le protocole social signé en 2024, dont j'ai chiffré le coût annuel à 100 millions d'euros. Elle était motivée par un projet de badgeuse visant à s'assurer du respect du temps de travail des contrôleurs aériens. Merci d'avoir tenu bon sur ce principe, monsieur le ministre.

Comment recentrer le dialogue social sur les vrais sujets, documentés par plusieurs rapports de la commission des finances ? Le protocole social prévoyait des réformes pour plus de productivité et pour un meilleur service rendu. Irez-vous au bout de ces réformes, monsieur le ministre ? Comment assurer un contrôle aérien digne de notre rang, qui permette à chacun de voyager dans de bonnes conditions, en tenant compte du volet environnemental ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports .  - Je connais votre engagement constant pour améliorer la performance du transport aérien, notamment votre loi visant à encadrer le droit de grève des contrôleurs.

Hélas, la déclaration de grève 48 heures avant ne suffit pas : le secteur reste fragile face à une poignée de contrôleurs aériens portant des revendications injustifiées, qui a suffi à désorganiser l'ensemble du trafic, avec des conséquences inacceptables. Ces grèves révèlent une vulnérabilité structurelle.

Nous irons au bout de la réforme de la badgeuse : c'est une mesure de sécurité. Les rémunérations ont déjà été fortement revalorisées : vu le contexte budgétaire, de nouvelles augmentations seraient déplacées. S'agissant des prétendus sous-effectifs, nous prévoyons 160 recrutements par an pour les deux prochaines années, contre 50 en 2021. Encore faut-il que ceux qui sont censés travailler soient bien à leur poste...

Quelques jours après le salon du Bourget, qui a mis en valeur notre excellence aéronautique, cette grève a entamé l'image du transport aérien français et l'attractivité de la destination France. Notre souveraineté aérienne, notre capacité à assurer la continuité du service public sont en jeu. Je mettrai prochainement en place des actions concrètes. Nous ne lâcherons rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Vincent Capo-Canellas.  - Merci d'avoir rappelé le travail mené ici au Sénat pour moderniser le contrôle aérien.

Je vous rejoins sur les effectifs : des efforts ont été enclenchés, il faut que le corps social en prenne conscience. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Intoxications alimentaires dans l'Aisne

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis un mois, Saint-Quentin est frappée par une vague d'intoxications sévères à la bactérie E. coli, qui a entraîné le décès d'une enfant - je m'associe à la peine de la famille et salue les services de l'État, les élus locaux et les équipes de santé.

Les analyses ont établi un lien biologique irréfutable entre les bactéries retrouvées sur les malades et dans cinq boucheries halal, désormais fermées. J'espère que l'enquête judiciaire fera la lumière sur les causes de la contamination et établira les responsabilités.

Ce dramatique épisode pose la question du respect des règles de traçabilité et de l'efficacité des contrôles. De quels moyens disposons-nous pour garantir la sécurité alimentaire des Français ? Ne faut-il pas renforcer les contrôles de traçabilité et les règles d'hygiène ?

L'alimentation, c'est la santé.

Mme Laurence Rossignol.  - Il faut le dire à Laurent Duplomb !

Mme Pascale Gruny.  - Soyons intraitables avec ceux qui jouent avec les règles sanitaires et mettent en danger les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Saint-Quentin est touchée par un épisode de toxi-infection alimentaire dû à E. coli. Mes pensées vont aux parents de la fillette tragiquement décédée. À ce jour, nous dénombrons trente-quatre cas investigués et quinze hospitalisations.

Dès les premiers cas, des investigations ont été menées par les ministères de l'agriculture et de la santé et plusieurs boucheries ont été fermées. Des prélèvements sont en cours d'analyse et de séquençage.

Il existe deux types de contrôles. En cas d'intoxication alimentaire collective, comme à Saint-Quentin, nous menons des enquêtes, des prélèvements sur les denrées, les surfaces et dans l'environnement pour identifier l'origine de la contamination. Le nombre d'inspections et d'analyses n'est pas prédéterminé.

Parallèlement, les services de mon ministère contrôlent la sécurité sanitaire des aliments au titre de la police sanitaire unique : fonctionnement des établissements de production, de transformation ou de distribution, respect des règles de traçabilité. La programmation des inspections est établie sur la base d'une analyse de risques. Chaque année, plus de 410 000 inspections et près de 75 000 prélèvements sont réalisés. Dès qu'une non-conformité est décelée, des mesures sont prises. Nous sommes pleinement mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

Mme Pascale Gruny.  - La direction départementale de la protection des populations n'a pas de liste mise à jour des boucheries.

Je sais pouvoir compter sur vous, madame la ministre. Il faut protéger nos concitoyens les plus vulnérables, mais aussi soutenir nos bouchers et charcutiers qui ont perdu jusqu'à 30 % de leur chiffre d'affaires, alors qu'ils n'étaient en rien concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Agence universitaire de la Francophonie

M. Yan Chantrel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Paris accueille aujourd'hui la cinquantième session de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont je salue les délégations réunies au Sénat. La France préside la francophonie institutionnelle jusqu'en 2026 -  or le Gouvernement s'apprête à réduire de 75 % sa contribution financière à l'agence universitaire de la francophonie (AUF), menaçant son existence même.

Pourtant, lors du sommet de Villers-Cotterêts, l'AUF a été chargée de porter plusieurs projets phares, dont le programme international mobilité employabilité francophone (Pimef), un Erasmus francophone.

Le signal de désengagement est dévastateur. Loin de renforcer nos liens avec les pays francophones, vous mettez à mal le travail diplomatique de l'AUF, qui a maintenu une présence au Sahel, y promeut les valeurs de la francophonie et lutte contre l'influence des puissances déstabilisatrices chez la jeunesse francophone d'Afrique.

Quarante-six parlementaires, de tous les bancs, ont adressé un courrier au Président de la République. Revenez sur cette décision incompréhensible ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux .  - Malgré les contraintes budgétaires, la France demeure le premier bailleur de la francophonie multilatérale, avec 35 millions d'euros en 2025.

M. Mickaël Vallet.  - C'est statutaire !

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué.  - Notre objectif est de faire rayonner la langue française.

La baisse de 40 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » a entraîné celle des crédits multilatéraux de 50 %, notre contribution statutaire à l'Organisation internationale de la francophonie ne pouvant être ajustée. Notre soutien aux opérateurs de la francophonie, dont l'AUF, a ainsi dû baisser d'environ 70 %.

Nous avons tout de même mobilisé l'an dernier plus de 12 millions d'euros en appui des seize engagements pris par le Président de la République à Villers-Cotterêts. Ces fonds sont déjà engagés pour la période 2024-2026, au bénéfice de projets portés par l'AUF : dispositif Apprendre, programme Pimef, collège international de Villers-Cotterêts.

Nous travaillons avec le recteur de l'AUF pour diversifier ses ressources et rendre l'organisation plus solide à terme.

Concernant notre subvention pour 2025, nous recherchons avec Jean-Noël Barrot des solutions pérennes. Il conviendra d'examiner au cas par cas comment amortir cette contrainte budgétaire sur 2026. Le rayonnement de la France nous tient tous à coeur.

M. Mickaël Vallet.  - Quelle honte ! (Mme Laurence Rossignol renchérit.)

M. Yan Chantrel.  - Monsieur le Premier ministre, revenez sur cette coupe qui affaiblit notre pays au niveau international ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mesures antidumping sur le cognac

M. Daniel Laurent .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis le 5 juillet, la Chine inflige un droit antidumping moyen de 32,2 % à nos eaux-de-vie, cognacs et armagnacs - sans qu'aucun dumping ait été démontré.

Si un accord de prix minimum épargne une partie des exportations, de nombreuses PME en sont injustement exclues. En outre, le marché du duty free chinois, qui représente 20 % des ventes, demeure fermé.

Notre filière n'attend pas de simples mesures transitoires, mais la levée de ces mesures injustes et la réouverture complète du marché chinois. D'autant que les États-Unis font planer la menace de surtaxes ; ce serait un nouveau choc économique pour une filière déjà fragilisée.

Quelles garanties la France offre-t-elle à ses viticulteurs, à ses distillateurs et aux territoires qui vivent de cette filière ? Ne laissons pas la part des anges devenir la part des taxes ! Il est temps que notre viticulture reprenne son envol sur les chemins du monde, au service de nos terroirs, de notre savoir-faire et de ses milliers d'emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Soit dit sans angélisme, la France et l'Europe sont en désaccord avec la Chine sur plusieurs sujets agricoles.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous me rassurez...

Mme Annie Genevard, ministre.  - Le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement se sont mobilisés pour trouver des solutions à ce conflit. Il est déchirant de voir s'étioler cette filière d'excellence, qui ne demande pas d'argent public, qui ne peut être délocalisée et qui nourrit l'image gastronomique de notre pays.

Nous avons obtenu plusieurs avancées. Le 4 juillet, le ministre du commerce chinois a conclu à l'existence d'un dumping, que nous contestons, et imposé un droit de douane compensateur de 32,2 %. Toutefois, les exportateurs ont accepté d'augmenter leurs prix de 12 à 16 %, en lieu et place de la hausse des droits de douane. Cet accord concerne trente-quatre entreprises françaises et environ 90 % du volume exporté ; les échanges se poursuivent pour y inclure une vingtaine d'autres. Les autorités chinoises restitueront en outre les garanties bancaires, à hauteur de 50 à 80 millions d'euros.

Enfin, un accord aurait été trouvé sur le duty free - mais tant que rien n'est finalisé, je préfère ne pas m'avancer.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ces mesures pragmatiques devraient permettre de relancer les exportations françaises en Chine.

M. le président.  - Vous avez pris la part des anges, madame la ministre ! (Sourires)

M. Daniel Laurent.  - Henri Cabanel, Sebastien Pla et moi-même poursuivons les travaux de la mission d'information sur la filière viticole. En cette période estivale propice à l'oubli, restons mobilisés ! La viticulture française traverse une crise économique, climatique, sociétale, qui appelle des réponses structurelles. Notre engagement est total pour défendre cette filière emblématique de notre identité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Adaptation des littoraux à l'érosion

Mme Béatrice Gosselin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La dissolution a empêché l'arbitrage que devait prendre Christophe Béchu sur le financement des politiques d'adaptation des littoraux à l'érosion côtière.

En mars, devant le Comité national du trait de côte, vous annonciez un soutien renforcé de l'État via le fonds vert et le fonds Barnier. Mais, depuis, lors du comité interministériel de la mer, le Premier ministre a déclaré que « le littoral devait financer le littoral » - orientation confirmée par le cabinet de la ministre des comptes publics.

Recettes de l'éolien offshore, participation des plateformes saisonnières, droits de mutation : toutes les pistes de financement ont été écartées. Ne reste plus que la taxe Gemapi, supportée directement par les habitants, et une éventuelle contribution de la taxe de séjour - qui revient aux EPCI touristiques et non aux communes littorales exposées. Est-ce là le modèle économique de la résilience ?

Depuis octobre 2021, dans la Manche, un projet partenarial d'aménagement (PPA) est engagé autour de relocalisations stratégiques de zones conchylicoles et d'hôtellerie de plein air. Le coût des études s'élève à 2 millions d'euros, mais il n'y a rien pour les financements opérationnels. On me répond qu'il ne faut pas s'interdire de rêver...

Comment entendez-vous accompagner ces collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - L'érosion côtière est un signe flagrant du dérèglement climatique. J'ai réuni le Comité national du trait de côte pour examiner ses propositions de financement, car plus nous agissons tôt, moins nous aurons à subir de dommages.

J'ai proposé au comité interministériel de la mer que nous fassions des propositions fiscales dès le budget 2026. Il s'agit de relever le plafond de la taxe Gemapi et, éventuellement, de prévoir une surtaxe sur la taxe de séjour, à la main des collectivités locales. En plus des 130 millions d'euros consacrés à l'adaptation au changement climatique, les communes côtières doivent pouvoir profiter de leur potentiel touristique pour investir dans des protections douces. Il faudra revoir la doctrine d'emploi, mais aménager le littoral relève bien d'une politique touristique.

Nous veillerons à ce que la solidarité nationale et locale ne paie pas pour ceux qui investissent dans des maisons d'ores et déjà menacées par l'érosion côtière. Celle-ci n'est plus un risque, mais une réalité inéluctable : les outils de simulation en 2050 et 2100 sont éloquents.

Pour amortir l'impact du dérèglement climatique, il nous faut électrifier nos usages et réduire nos émissions, grâce à un mix énergétique diversifié, compétitif et décarboné - je vous remercie d'avoir voté en ce sens hier.

Mme Béatrice Gosselin.  - Les PPA ne devront pas se transformer en « projets particulièrement angoissants »... Faisons jouer la solidarité nationale et soutenons les élus du littoral ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et certaines travées du groupe UC)

Gestion des canicules

M. Joshua Hochart .  - Je m'associe, au nom du Rassemblement national, à l'hommage au président Marleix. Il défendait avec conviction l'intérêt général et la souveraineté industrielle de notre pays.

La semaine dernière, la France a connu un épisode de chaleur exceptionnel, qui a mis en lumière notre impréparation face aux effets du dérèglement climatique. Peu d'espaces publics rafraîchis, logements privés non équipés, hôpitaux sous tension, Ehpad fragilisés, écoles contraintes de fermer - preuve de l'insuffisance des mesures concrètes prises jusqu'ici. Et ce n'est qu'un avant-goût !

Malgré les engagements, les résultats tardent à venir. Selon certaines études, Paris serait l'une des villes européennes les plus exposées en cas de canicule.

Après la canicule de 2003, avait été créée une journée de solidarité destinée à protéger nos aînés et à financer l'adaptation climatique. Elle a rapporté 60 milliards d'euros, mais nous n'avons eu que des dispositifs déconnectés des réalités : lignes téléphoniques d'information, conseils génériques, portails internet loin de répondre à l'urgence.

Les Français n'attendent pas des slogans ni des recommandations, mais des actes, des infrastructures adaptées, des services publics renforcés, une stratégie de résilience. Le Gouvernement entend-il tirer des leçons de cette séquence pour engager enfin une vraie politique d'adaptation ? (MM. Alain Duffourg et Stéphane Ravier applaudissent.)

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles .  - La première leçon tirée de 2003 a été la création d'un dispositif national de vigilance, avec une surveillance de Météo-France en lien avec la direction générale de la santé, pour déterminer les alertes rouges.

Nous menons un travail interministériel dès le printemps pour être en mesure de protéger la population, avec des plans de gestion pour répondre aux tensions hospitalières et aux besoins des Ehpad.

Afin de protéger les travailleurs, j'ai signé avec Agnès Pannier-Runacher un arrêté autorisant des horaires de travail plus flexibles en cas de canicule.

Dernier point : l'investissement. Les normes de construction ont évolué, on ne construit plus d'écoles orientées plein sud ; les programmes de rénovation urbaine privilégient l'isolation tant contre la chaleur que contre le froid. Nous équipons également nos établissements de santé.

La gestion de crise, l'anticipation, c'est aussi la prévention, et notamment la gestion de l'eau.

M. Joshua Hochart.  - Nous savons tous que l'été sera chaud. Mauvaise nouvelle : la rentrée sera brûlante - et je ne parle pas de la météo. Bonne nouvelle : pour votre gouvernement, elle sera plus courte que prévu. (M. Alain Duffourg applaudit ; Mme Catherine Vautrin lève les yeux au ciel.)

M. le président.  - Sous réserve du décret présidentiel, la prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le 24 septembre 2025 à 15 heures. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 h 30.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 16 h 45.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Anne-Sophie Patru.  - Lors du scrutin public n°335, M. Paul Toussaint Parigi souhaitait s'abstenir.

Acte en est donné.

Rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.

Discussion générale

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce texte a une résonance particulière : nous l'avons étudié à l'Assemblée nationale la semaine dernière, Olivier Marleix en était le rapporteur. Il lui a porté beaucoup d'attention, précisant notamment le champ du public visé. Ce texte sera donc aussi le sien.

Quand la règle ne protège pas les Français, il faut changer la règle. Ce texte ne résulte pas seulement d'une initiative sénatoriale, il découle aussi du drame de la mort de la jeune Philippine.

Son premier objectif n'est pas d'obtenir plus de laissez-passer consulaires, contrairement à ce qui a pu être dit : il y a d'autres moyens d'y parvenir, notamment la renégociation de la directive Retour, ou un accord entre les Vingt-sept pour faire pression sur les pays d'origine non coopératifs, en refusant des visas à leurs ressortissants. Les droits de douane préférentiels ou l'aide au développement sont d'autres leviers.

Non, le premier objectif de ce texte est de protéger les Français. Outre l'allongement de la durée de rétention, il prévoit un appel suspensif pour les préfets en cas de libération d'un individu dangereux.

L'Assemblée nationale a utilement précisé le champ d'application du texte, qui vise un public très dangereux. Elle tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur le droit d'asile et de l'avis de la Cour de cassation sur la durée de la rétention.

Ce texte respecte notre norme juridique ; avec le contrôle du juge judiciaire, la France possède l'un des régimes les plus protecteurs d'Europe. Si nous portons la durée de rétention à 210 jours, la directive Retour, elle, permet d'aller jusqu'à dix-huit mois ! Treize pays européens appliquent cette durée, dont l'Allemagne. Avec le futur règlement Retour, ce sera vingt-quatre mois, y compris pour un public non dangereux.

À l'Assemblée nationale, j'ai entendu que cette proposition de loi serait un texte anti-étrangers, qui pratiquerait l'amalgame. Chers parlementaires de gauche, gare à l'amalgame inversé : il est tout aussi absurde de dire qu'un étranger est dangereux parce qu'il est étranger que de dire qu'il n'est pas dangereux parce qu'il est étranger ! (M. Guy Benarroche ironise.)

Les Français soutiennent très majoritairement ces mesures. Fin 1981, c'est sous François Mitterrand que les centres de rétention administrative (CRA) ont obtenu une base légale. Aucun de mes homologues européens, y compris socio-démocrates, ne remet en cause le régime de la rétention, souvent bien plus sévère chez eux que chez nous. Ne nous coupons pas des Français, ni de la majorité de nos partenaires

Quand la règle ne protège plus, il faut changer la règle.

Je ne doute pas que ce texte sauvera des vies. Même s'il ne s'agit que de quelques-unes ; une vie n'a pas de prix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois .  - Je veux saluer la mémoire de notre collègue député Olivier Marleix, artisan du compromis trouvé sur ce texte. Mes pensées vont à sa famille et à ses proches.

L'Assemblée nationale a donc adopté ce texte hier. La commission des lois se félicite de la large convergence de vues entre nos deux chambres. Subsiste un seul désaccord, sur les critères d'application du régime dérogatoire de la rétention administrative.

En l'état du droit, ce régime est réservé aux personnes condamnées pour des infractions à caractère terroriste. Le Sénat avait prévu trois critères supplémentaires : condamnation à une peine d'interdiction du territoire français (ITF) ; condamnation définitive pour une infraction punie de cinq ans de prison ou plus ; comportement constituant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.

L'Assemblée nationale a élargi l'application du régime dérogatoire à tous les étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire. La commission des lois a approuvé cette extension.

L'Assemblée nationale a conservé deux des trois critères prévus par le Sénat, mais a remplacé la condamnation définitive pour une infraction punie de cinq ans de prison par une liste limitative d'infractions, avec pas moins de seize items, dont le meurtre, l'assassinat, le viol, l'agression sexuelle. Là réside le désaccord. La rédaction est plus lourde, et nous risquons d'oublier certaines infractions graves, telles que les détournements d'aéronefs ou l'apologie du terrorisme.

Cela dit, cette omission sera sans réelle conséquence : les auteurs de ces infractions relèveraient de l'article 1er, leur comportement constituant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public. Cette divergence ne doit donc pas faire obstacle à l'adoption de ce texte, très attendu par nos concitoyens et par les administrations concernées.

En effet, l'éloignement des étrangers dangereux se heurte à de nombreuses difficultés : réticences des États d'origine, dissimulations d'identité, risques de fuite élevés. L'assignation à résidence ne suffit pas. Cette proposition de loi donne à l'administration le temps et les moyens d'agir. Nous ne pouvons nous satisfaire de l'impuissance de l'État.

Les autres dispositions du texte ont fait l'objet d'un consensus. L'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 3 qui simplifie le séquençage de la rétention administrative. Idem pour l'article 4, issu d'un amendement de Catherine Di Folco, qui prévoit un décompte en heures et non en jours des délais de placement initial en rétention, à la suite d'un avis de la Cour de Cassation.

L'Assemblée nationale a adopté l'article 5, introduit à l'initiative de Dominique Vérien, qui complète les mentions devant figurer au procès-verbal de la retenue pour vérification du droit au séjour, afin de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel.

Les ajouts de l'Assemblée nationale ont été adoptés par la commission. L'article 2 bis, qui permet la prise d'empreinte digitale et de photographies sans son consentement de l'étranger placé en rétention, facilitera son identification. Le nouveau règlement Eurodac devrait étendre cette disposition à l'amont de la rétention.

L'article 3 bis rend possible le placement en rétention administrative du demandeur d'asile, en tirant les conséquences d'une décision récente du Conseil constitutionnel.

Ce texte comporte des avancées importantes pour garantir la sécurité de nos concitoyens. La commission des lois vous invite à l'adopter conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte est symptomatique de la dérive dans laquelle le président Macron nous a plongés : un an après une dissolution inexplicable, nous retrouvons la dynamique détestable de ces derniers mois. Un pacte de Gouvernement qui laisse des ministres utiliser des propositions de loi sans étude d'impact pour imposer médiatiquement des thèmes aussi dangereux que malvenus.

L'allongement du délai de rétention administrative figurait dans la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour infractions sexuelles, violentes ou terroristes, avant d'être supprimé en séance par un amendement du Gouvernement, qui avait promis de faire adopter cette mesure dans un autre véhicule.

Le présent texte a été écrit en réaction à la mort de Philippine, en septembre 2024 - la frontière est ténue entre opportunité et opportunisme.

La lutte contre la récidive ne peut servir de prétexte à des mesures répressives à l'égard des étrangers. La rétention est une privation de liberté prévue dans le cadre d'une procédure d'éloignement, pas une incarcération. L'augmentation de sa durée n'a jamais augmenté le taux d'expulsion en sortie de CRA. La préparation de la sortie et de la réinsertion permet seule de neutraliser les individus dangereux.

Nous rejetons l'article, déjà présenté dans la loi Immigration et censuré par le Conseil constitutionnel, sur la prise d'empreintes digitales et de photographies sans le consentement de l'étranger. Cette opération n'est ni soumise à l'autorisation d'un magistrat ni subordonnée à la démonstration qu'elle constitue l'unique moyen d'identification.

La rétention administrative des demandeurs d'asile pose problème, eu égard à nos engagements internationaux, de même que le bracelet électronique, pudiquement rebaptisé surveillance électronique mobile. La notion de menace de trouble à l'ordre public pose la question du respect des libertés.

Depuis trop d'années, la rétention est utilisée comme un élément sécuritaire. Or ces lieux ne sont pas adaptés pour servir de prison. Les personnels ne sont pas formés pour. La rétention ne saurait constituer une peine après la peine.

Nous déplorons ces attaques nauséabondes contre l'État de droit, cette vision dogmatique, ce calcul politicien, et voterons avec conviction contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre-Alain Roiron applaudit également.)

M. Christophe Chaillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À mon tour, je salue la mémoire d'Olivier Marleix, député de ma région Centre-Val de Loire, homme d'engagement et de conviction.

En première lecture, nous n'avions pas voté pour ce texte, qui a été complété à l'Assemblée nationale par des dispositions fort discutables.

Le meurtre abject de Philippine nous a tous bouleversés. Quels dysfonctionnements ont pu conduire à la libération d'un criminel déjà condamné qui se trouvait illégalement sur le territoire ? Cette réflexion n'appelait pas forcément une loi spécifique. Mais vous avez choisi de surfer sur les faits divers et d'alimenter la machine populiste, dans une course mortifère avec l'extrême droite.

La rétention est une mesure temporaire. Or le texte la détourne de sa finalité première.

L'article 1er méconnaît le principe de proportionnalité en autorisant 210 jours de rétention sur la base d'un comportement jugé menaçant. Il est inutile, l'administration disposant déjà du temps de l'incarcération pour organiser l'éloignement des intéressés. Il est contre-productif, car il risque d'engorger les CRA et de compromettre l'objectif même du texte.

Et comment ne pas s'indigner de la réintroduction de la prise d'empreintes digitales et de photographies sans consentement, précédemment censurée par le Conseil constitutionnel et manifestement contraire à nos principes fondamentaux ?

Vous allez accroître les tensions, déjà nombreuses, dans les CRA. Je l'ai vu dans mon département du Loiret.

L'article 3 bis remet en cause le principe selon lequel la rétention ne peut être fondée que sur la perspective raisonnable d'un éloignement effectif.

Ce n'est pas le cadre juridique qui a fait défaut, pour Philippine, c'est l'action de l'administration : OQTF notifiée deux jours seulement avant la libération du condamné, demande de laissez-passer consulaire transmise au mauvais service, finalement délivrée trois jours après le drame... Ce sont des défaillances administratives qui ont rendu l'éloignement impossible, non l'insuffisance de la durée de rétention.

Le texte choisit la facilité, à la suite d'initiatives récentes qui réinterrogent notre conception de la rétention. Certes, dans d'autres pays, les délais de rétention sont plus longs, mais des procédures d'appel permettent des sorties anticipées.

Ce texte illustre la dérive vers un populisme législatif et normatif qui répond aux drames par la surenchère. Le groupe SER maintient sa position et votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Stéphane Ravier .  - La première rétention, c'est la frontière. Sans elle, nous pourrons toujours multiplier les CRA, allonger les durées de rétention, sans succès. Or je vous entends trop peu remettre en cause Schengen, le pacte sur la migration et l'asile et la faiblesse de Frontex.

Je suis favorable à l'allongement de la rétention à dix-huit mois. J'avais déposé un amendement en ce sens au projet de loi Immigration, auquel vous avez été défavorable. S'il avait été adopté, Philippine serait encore en vie. Contre ceux qui désarment les polices municipales, contre le chaos, je choisis l'ordre.

La décision du Conseil constitutionnel de mai 2025 confirme que les conditions d'entrée et de séjour des étrangers peuvent être restreintes par des mesures de police administrative. Quand la règle ne protège plus, changeons la règle, disiez-vous, monsieur le ministre. Mais cette proposition de loi n'est qu'un rouage, or il nous faut un arsenal antimigratoire. Les expulsions n'ont pas augmenté après le passage de la durée de rétention de 45 à 90 jours en 2019.

La rétention n'est pas dissuasive. Les retenus le disent eux-mêmes ! Au CRA du Canet à Marseille, salle de cinéma, salle de musculation... C'est le grand hôtel - payé par le contribuable ! (M. Guy Benarroche proteste.) Et la gauche veut faire passer cela pour un enfer ? Un clandestin en rétention coûte 700 euros par jour au contribuable, le salaire mensuel de nombreux agriculteurs. Or notre pays compte dix millions de pauvres, aussi on ne peut se satisfaire de la rétentionnite.

La rétention est un mal financier nécessaire à la sécurité des Français. Elle doit être rendue inutile par une politique cohérente de maîtrise des flux migratoires.

M. Cédric Chevalier .  - Je tiens à rendre hommage à Olivier Marleix, dont le décès brutal nous a tous marqués. Rapporteur de ce texte, il a fourni un travail exigeant et rigoureux.

L'enjeu est d'éviter des drames comme l'assassinat de Philippine.

L'éloignement des étrangers représentant une menace se heurte à de nombreux obstacles. Nombre de pays sont réticents à accueillir leurs ressortissants dangereux. Du fait de la lenteur des procédures, plus de la moitié des éloignements ont lieu après le 90e jour de rétention -  délai maximal actuel  - et près de 61 % des personnes détenues en CRA ne sont pas éloignées au terme de ce délai. À l'issue des 90 jours, des personnes dangereuses peuvent donc être remises en liberté.

Je salue le travail de Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende et bien sûr Olivier Marleix.

L'article 1er allonge la durée de la rétention des étrangers ayant commis des faits graves : viols, actes de torture ou de barbarie. Notre groupe soutient cette mesure conforme à la directive européenne du 16 décembre 2008. L'article 2 étend le caractère suspensif automatique de l'appel interjeté contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD). L'article 3 simplifie le séquençage des prolongations de rétention. L'article 4 décompte en heures plutôt qu'en jours les délais de placement initial. Enfin, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel, l'article 5 rétablit et complète les mentions devant figurer au procès-verbal de fin de retenue pour vérification du droit au séjour.

Cette proposition de loi est nécessaire pour renforcer la protection de nos concitoyens. Pour qu'elle entre rapidement en vigueur, nous devons l'adopter conforme. En responsabilité, le groupe Les Indépendants la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi garde la marque de notre excellent collègue Olivier Marleix, qui nous a quittés brutalement après une carrière politique empreinte de discrétion, d'engagement et de loyauté. J'ai une pensée pour lui, sa famille et ses proches.

Ce texte est né d'un drame qui a ému la France entière, la mort de la jeune Philippine, tuée par un étranger dangereux en situation irrégulière, libérée d'un CRA quelques jours plus tôt, quelques jours trop tôt.

Cette proposition de loi cosignée par 105 sénateurs Les Républicains veut mieux protéger nos concitoyens en donnant au juge la possibilité de prolonger la rétention administrative des étrangers les plus dangereux jusqu'à 210 jours. Elle répond à l'attente des Français, favorables à 84 % à l'emprisonnement systématique des étrangers sous OQTF auteurs de crimes et de délits.

La règle actuelle a permis la libération du bourreau de Philippine. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, lorsque la règle ne fonctionne plus, il faut la changer. (M. Guy Benarroche proteste.)

Ce texte ne remet nullement en cause le droit des étrangers venus légalement en France. Il n'a aucun caractère xénophobe et raciste, contrairement à ce que prétendent certains.

Je salue de nouveau le travail d'Olivier Marleix. La prise forcée d'empreintes digitales et de photographies nous paraît justifiée et sécurisante, tout comme la possibilité de placer des demandeurs d'asile en rétention administrative.

Nous avons suivi la rapporteure Lauriane Josende qui, par souci d'efficacité, a proposé une adoption conforme.

Ce texte n'a qu'un objectif : protéger nos concitoyens du danger que représentent certains étrangers en situation irrégulière. Un vote conforme symboliserait l'unité de notre République.

Il faudra augmenter le nombre de places en CRA, en tenant l'objectif de 3 000 places pour 2027 fixé par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, et en libérant des places par le retour des étrangers sous OQTF dans leurs pays d'origine.

M. Guy Benarroche.  - C'est irréaliste !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - La création prochaine de nouveaux CRA à Dunkerque, Bordeaux et Dijon va dans le bon sens.

Nous voterons ce texte en pensant à Philippine et à ses parents.

M. Teva Rohfritsch .  - Au nom du RDPI, j'ai une pensée respectueuse pour Olivier Marleix.

Il est des textes que nous ne voudrions jamais avoir à examiner, qui portent le poids de drames humains. Il est des moments qui exigent sagesse et rigueur, pour répondre aux inquiétudes des Français.

Une faille, un dysfonctionnement administratif et humain est à l'origine de la mort de Philippine. Nous ne devons pas oublier, et tout faire pour qu'un tel drame ne se reproduise pas

Je salue l'action de Jacqueline Eustache-Brinio. Ce texte répond à une menace ciblée. Il ne remet pas en cause l'État de droit mais le précise, pour que nous puissions mieux anticiper : nous n'aurons plus le droit d'être surpris. Il s'agit de rassurer nos concitoyens et de leur garantir un cadre sécuritaire, en faisant preuve de pragmatisme, de proportionnalité et d'humanisme.

Je rends hommage aux forces de l'ordre qui attendent un cadre juridique adapté pour remplir correctement leur mission.

Le groupe RDPI soutient toute avancée renforçant l'efficacité des décisions judiciaires et administratives, dans le respect du droit. L'article 1er élargit le régime de rétention à 210 jours aux étrangers condamnés pour infractions graves. L'article 2 élargit le caractère suspensif du recours, ce qui évitera les libérations précipitées en cas d'appel. L'article 3 remédie à une faille qui a permis la libération du meurtrier de Philippine - preuve que nous avons tiré les leçons de cet échec collectif.

Ces mesures respectent le droit européen, et sont encadrées par le contrôle du juge judiciaire. Nous conjuguons fermeté et humanisme, car il n'y a pas de liberté sans sécurité, pas de sécurité sans respect du droit.

Nous ne créons pas un enfermement arbitraire, mais prévoyons les outils pour faciliter l'éloignement en cas de dangerosité avérée. Il s'agit de garantir l'effectivité de nos décisions de justice. Nous avons l'opportunité de nous doter d'un outil réfléchi, débattu et mesuré.

La France est une terre d'accueil, un État de droit qui doit garantir la sécurité de tous : ses ressortissants, ses visiteurs, ceux qui appellent son hospitalité.

Le groupe RDPI votera ce texte conforme, dans un esprit de responsabilité, de cohérence et d'efficacité.

M. Michel Masset .  - (MM. Christian Bilhac et Marc Laménie applaudissent.) Je rends hommage au député Olivier Marleix, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale. Je pense à ses proches.

Le RDSE ne se satisfait pas de la temporalité d'examen du texte : nous en débattons le lendemain de son adoption et nous n'aurons que quelques heures pour examiner les amendements de séance. Ce ne sont pas des conditions de travail sereines.

Le texte confond rétention et détention. Les étrangers en situation irrégulière condamnés pour certaines infractions pourront être retenus 210 jours. Certes, il faut outiller notre République pour écarter les individus dangereux, mais c'est au droit pénal de prononcer la peine. À l'issue de celle-ci, il nous est défendu de condamner à nouveau un même individu pour un même fait.

Cette proposition de loi traite de front deux sujets différents : sécuritaire et migratoire.

La plupart des expulsions ont lieu dans les premiers jours de rétention - prolonger celle-ci n'a donc qu'un effet limité.

La proposition de loi aborde partiellement la problématique de la sécurité. Elle ne répond pas à l'enjeu diplomatique. C'est pourquoi les votes du RDSE seront divisés.

Mme Anne-Sophie Patru .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.) Ce texte veut renforcer la sécurité de tous contre les individus dangereux. La récidive mine la confiance de nos concitoyens envers l'autorité judiciaire. La liste des faits divers s'allonge, et ils appellent une réponse ferme.

Le texte étend la rétention applicable aux terroristes aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles ou violentes, afin d'éviter des libérations prématurées dangereuses pour la sécurité publique.

En première lecture au Sénat, la version initiale du texte a été modifiée substantiellement. Ainsi du remplacement de la liste des infractions par des critères non cumulatifs pour l'application de la rétention prolongée. En seconde lecture, l'Assemblée nationale a apporté sa pierre à l'édifice. Je salue la mémoire d'Olivier Marleix. Le groupe Union centriste s'associe à la peine de sa famille.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a exclu les infractions terroristes et intégré les menaces envers les élus et forces de l'ordre parmi les infractions justifiant le maintien en rétention. L'extension des circonstances justifiant le caractère suspensif de l'appel du préfet vise à maintenir en rétention les individus présentant une menace grave.

Ce texte répond aux attentes de sécurité de la population. Il concilie protection de la société et respect des droits fondamentaux en ciblant les personnes présentant un danger avéré : soit un équilibre juste et mesuré.

Comment ne pas penser au meurtre de Philippine, 19 ans, violée et assassinée par un récidiviste libéré d'un CRA quelques jours plus tôt et sous le coup d'une OQTF ?

Le groupe UC votera ce texte, qui renforce les outils à disposition de la justice. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

Mme Marianne Margaté .  - Voilà un nouveau texte réactionnaire, démagogique et dangereux. Réactionnaire, car il attente à notre État de droit pour nourrir l'extrême droite. Plus la droite extrême se rapproche de l'extrême droite, plus elle s'enfonce dans son idéologie nauséabonde. Pour notre part, nous choisissons l'humanité.

Démagogique, car votre mesure d'allongement à 210 jours n'est pas sérieuse : il s'agit de la sécurité des habitants de notre pays, or vous parlez d'individus qui ont purgé leur peine. La reconduite dans leur pays d'origine n'est possible que par la délivrance de laissez-passer consulaires, et donc par la voie diplomatique. La durée de 210 jours n'augmente en rien la probabilité de retour, sans laissez-passer.

Dangereux, car, alors que nous pourrions parler de travail et de salaire dignes, alors que nous pourrions investir dans une vraie politique d'intégration, ce gouvernement, avec la complicité de la majorité sénatoriale, détourne l'attention pour conserver les privilèges de quelques-uns au détriment de l'intérêt général et des libertés.

La France est de très loin le pays européen qui délivre le plus d'OQTF. Par cette politique du chiffre, on organise notre propre inefficacité. On stigmatise tous les étrangers.

La durée maximale de rétention était de 7 jours en 1980. Elle sera demain de 210 jours. Arrêtons ces lois d'affichage ! Soyons cohérents. Puisque ce texte n'est ni raisonné ni raisonnable, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Stéphane Le Rudulier .  - Il est des moments dans l'histoire de la République où l'on ne peut plus tergiverser. Le devoir de l'État est d'agir. Combien de nos concitoyens agressés, violés, tués, parce que des individus qui devaient quitter le sol français ont été libérés ? À chaque crime, c'est un échec de l'État, de la loi, de la volonté.

Nous voterons cette proposition de loi qui comble une faille béante de notre système et réaffirme que le droit n'est pas fait pour protéger les délinquants et criminels, mais les honnêtes gens.

Il est inacceptable qu'un étranger coupable de crimes graves promis à l'éloignement soit relâché. La loi est trop timorée, lente et faible.

La rétention maximale de 90 jours ne suffit pas et la délivrance des laissez-passer consulaires est trop lente. Or des bombes humaines sont en liberté. Quand un individu a violé, tué, trahi l'hospitalité de la France, il doit être éloigné. À défaut d'avion, il faut la rétention.

Cette proposition de loi n'est pas une dérive sécuritaire, mais un acte de bon sens. Elle n'est pas une offense à l'État de droit, mais un bouclier pour les Français. Elle ne remet pas en cause nos principes, elle leur donne de la force. Elle respecte le juge, la Constitution, le droit européen.

On parle d'atteinte aux libertés, mais quelle liberté pour les victimes quand la République est faible avec leurs bourreaux ? La première des libertés, c'est de vivre en sécurité. C'est cela l'ordre républicain.

Ce texte répond à une exigence : protéger les Français avec détermination et sans naïveté. Il étend un régime prévu pour les terroristes, il facilite l'action des services de l'État, il met fin à des absurdités administratives, il redonne à la puissance publique la possibilité d'agir.

L'autorité n'est pas un gros mot. L'ordre n'est pas une nostalgie. La fermeté, c'est la protection de la liberté, c'est la justice sociale, c'est la République debout, celle qui protège et qui tient parole.

Nous avons trop attendu, reculé, regretté. Il faut voter ce texte pour que l'État redevienne un rempart, un bouclier et une force. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission.  - Je demande une suspension d'un quart d'heure pour permettre à la commission d'examiner les amendements.

La séance, suspendue à 17 h 50, reprend à 18 heures.

Discussion des articles

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Chaillou et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - Nous proposons de supprimer l'article 1er. N'étendons pas le délai de rétention, qui a déjà été allongé et qui est déjà de 210 jours en cas de terrorisme. L'allongement n'est pas la solution aux difficultés de l'éloignement : le problème est d'abord celui des moyens, or un tel allongement reviendrait à retenir plus de personnes, ce qui ne fera qu'accentuer les tensions dans les CRA, alors même que la dignité des personnes retenues et la sécurité des personnels ne sont pas toujours assurées. Restons-en au droit existant.

M. le président.  - Amendement identique n°5 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Bien sûr, il faut prévenir la récidive ! Mais cela ne doit pas servir de prétexte pour être plus répressifs envers les étrangers.

L'allongement de la durée de rétention d'étrangers condamnés pour des délits -  ou dont le comportement constitue « une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public »  - risque d'être irrecevable, car non proportionné à l'objectif poursuivi.

Ce sujet est utilisé pour faire l'amalgame entre personnes étrangères et délinquance. Le taux élevé de libération par les juges judiciaires témoigne de pratiques illégales ou d'erreurs administratives. Nous n'avons aucune étude d'impact et les précédents allongements du délai de rétention n'ont pas amélioré le taux d'éloignement.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis évidemment défavorable.

L'article 1er donne à l'administration le temps nécessaire pour éloigner les étrangers les plus dangereux. Les difficultés sont connues : obstruction, fuite, non-respect des assignations à résidence, difficultés à obtenir les laissez-passer consulaires. L'éloignement est une course contre la montre que l'administration ne gagne que trop rarement.

En 2024, plus de la moitié des éloignements en matière de terrorisme ont eu lieu au-delà des 90 jours. Même avec 210 jours, nous sommes très loin des dix-huit mois autorisés par la directive Retour et appliqués dans un grand nombre d'États européens.

Oui, les capacités de rétention devront être accrues : le ministre vous parlera du plan CRA 3 000.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Même avis. Avec le plan CRA 3000, nous allons ouvrir des CRA à Dunkerque, à Dijon, à Bordeaux et augmenter la capacité des CRA existants.

Je ne peux vous laisser dire que nous faisons un amalgame entre un étranger et une personne dangereuse. Quand vous dites qu'un étranger ne peut pas être dangereux, vous essentialisez !

M. Guy Benarroche.  - Je n'ai jamais dit cela !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio et M. Stéphane Le Rudulier.  - Si !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Je veux que les Français sachent que les personnes concernées par ce texte ont été condamnées pour crime contre l'humanité, meurtre, assassinat, torture, acte de barbarie, viol, agression sexuelle, trafic de stupéfiants, esclavage, enlèvement, séquestration, proxénétisme, etc. Où est l'amalgame ? Nous visons ces étrangers parce qu'ils sont dangereux, non parce qu'ils sont étrangers ! (Mme Jacqueline Eustache-Brinio renchérit.)

Le délai de 210 jours sera l'un des plus courts d'Europe. Et l'un des plus encadrés : le JLD donnera son avis et l'étranger pourra faire appel au juge judiciaire à tout moment.

Nous ne confondons pas détention et rétention : si le détenu coopère en nous donnant son identité, il est libre de partir.

M. Guy Benarroche.  - Ne déformez pas la réalité !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Vous non plus !

M. Guy Benarroche.  - Personne n'a dit que parce qu'on était étranger, on n'était pas dangereux ! Facile de citer des crimes particulièrement odieux, quand on oublie que le texte vise aussi le trouble à l'ordre public ! Le séjour moyen en CRA est d'une quarantaine de jours : que vont changer les 210 jours ? Il n'y a aucun lien entre durée de séjour en CRA et taux d'exécution des OQTF : c'est d'abord une question diplomatique. Brandir une liste de crimes atroces peut faire de l'effet auprès des médias et d'une partie de l'opinion, mais ce n'est pas la réalité. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio ironise.)

Les amendements identiques nos1 et 5 ne sont pas adoptés.

L'article 1er est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°2 de M. Chaillou et du groupe SER.

M. Christophe Chaillou.  - L'article 2, qui généralise l'effet suspensif de l'appel du préfet contre la décision du JLD, revient à mettre en cause cette décision et à prolonger le temps de rétention, dans l'attente de la décision d'appel. Dans un certain nombre de CRA, on manque de personnel. Prolonger éternellement le dispositif ne le fera pas mieux fonctionner. Revenons-en au droit commun, dans le respect de nos principes fondamentaux.

M. le président.  - Amendement identique n°6 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - L'enfermement sans éloignement effectif aboutit à une dégradation de l'état de santé des personnes enfermées, à des tensions avec les agents et à une saturation des juridictions.

Avec cette politisation des pouvoirs du préfet, la rétention administrative devient un outil de gestion de la politique sécuritaire et le pouvoir administratif empiète sur le pouvoir judiciaire.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - L'effet suspensif de l'appel est nécessaire, car quel serait l'effet d'une décision de la cour d'appel annulant la décision du JLD si l'étranger libéré s'est enfui entretemps ?

C'est également proportionné, car remettre en liberté un étranger ayant commis des faits aussi graves, c'est faire courir un risque de sécurité inacceptable pour nos concitoyens -  voyez l'actualité !

Le délai pendant lequel l'étranger est maintenu à la disposition de la justice est très bref, 72 heures au plus. Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Si le préfet avait eu ce pouvoir, des Français auraient été mieux protégés...

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) ne prévoit le caractère suspensif de l'appel que dans deux cas, notamment en cas de terrorisme. Il s'agit simplement de l'étendre à toute la liste des crimes que j'ai cités -  et que je n'ai pas inventés !

Mme Audrey Linkenheld.  - Cela est-il bien compatible avec le pacte européen sur l'asile et la migration ? Monsieur le ministre, vous avez annoncé un point d'étape à la rentrée.

Et la proposition de loi est-elle conforme à la réforme de la directive Retour ? Notre commission des affaires européennes a déploré sa transformation en règlement, non conforme au principe de subsidiarité.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Le pacte sur l'asile et la migration, qui concerne le contrôle des frontières, prévoira l'accélération des procédures et la possibilité d'attendre en zone d'attente pour les demandeurs d'asile.

Dans le projet de règlement Retour, qui remplacera la directive Retour, la Commission européenne propose de porter la durée de rétention de 18 à 24 mois et pas seulement pour les individus dangereux ! (Mme Audrey Linkenheld le conteste.)

Les amendements identiques nos2 et 6 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°3 de M. Chaillou et du groupe SER.

M. Christophe Chaillou.  - L'article 2 bis autorise la contrainte physique pour relever les empreintes digitales. C'est un cavalier législatif. Cette mesure, attentatoire aux droits de la personne, risque de mettre les agents des CRA dans des situations particulièrement complexes. Et cela ne sert à rien puisque ces personnes sortent de prison, où leurs empreintes et leur photographie ont déjà été prises.

M. le président.  - Amendement identique n°7 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Le Ceseda punit déjà d'un an d'emprisonnement le fait de refuser le relevé de ses empreintes digitales. On risque de déshumaniser encore davantage les personnes dans les CRA, de porter atteinte au droit au respect de la présomption d'innocence et au principe de dignité de la personne humaine et de dégrader encore davantage les conditions de travail des agents.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Déterminer l'identité et la nationalité des personnes retenues dans les CRA est très difficile.

La jurisprudence offre de nombreux exemples où l'étranger fait obstacle à son éloignement en dissimulant son identité par refus de livrer ses empreintes, ce qui amène le juge à allonger la durée de rétention. Cette mesure devrait donc contribuer à réduire la durée de rétention, ce dont vous devriez vous féliciter...

La situation est absurde : l'étranger est tenu de donner ses empreintes, mais personne ne peut l'y contraindre. Cela engorge la justice pénale.

N'exagérons pas la violence dans les CRA. Avec cette mesure, le nombre de refus diminuera. Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Avis défavorable également.

En 2024, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition similaire, tout en reconnaissant qu'elle participe de la sauvegarde de l'ordre public, objectif à valeur constitutionnelle. Dans une autre décision, de mars 2003, le Conseil constitutionnel a considéré que la prise d'empreinte n'était pas attentatoire à la dignité des intéressés.

Le Conseil a donc toujours reconnu que la prise d'une empreinte, même forcée, est conforme à nos règles de droit.

Les amendements identiques nos3 et 7 ne sont pas adoptés.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°4 de M. Chaillou et du groupe SER.

M. Christophe Chaillou.  - Cet article permet le placement de demandeurs d'asile en CRA alors même qu'aucune mesure d'éloignement n'a encore été décidée. Ne détournons pas l'objectif premier des CRA, en y enfermant des personnes dont la demande d'asile est en cours d'examen. L'asile est une protection contre le renvoi dans un pays où le demandeur craint d'être persécuté. Le placement en rétention compromettrait en outre un certain nombre de ses droits procéduraux. Cet article doit être supprimé.

M. le président.  - Amendement identique n°8 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - La situation est ubuesque : les CRA sont destinés aux personnes sous OQTF, mais vous proposez que des personnes qui ne sont pas sous OQTF y soient placées... Quelle aberration ! De surcroît, c'est un cavalier législatif.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Le 23 mai dernier, le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause le principe de cette mesure, considérant que le placement des demandeurs d'asile en rétention administrative était possible en cas de menace à l'ordre public, qui doit être grave et actuelle, ou en cas de risque de fuite lorsque l'étranger a présenté sa demande devant une autorité autre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). La directive Accueil de 2013 autorise le placement en rétention des demandeurs d'asile. Le droit d'asile ne doit pas être détourné pour faire obstacle à l'éloignement du territoire, or nous ne constatons que trop souvent un tel détournement. Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Même avis.

Les amendements identiques nos4 et 8 ne sont pas adoptés.

L'article 3 bis est adopté.

L'article 5 est adopté, de même que les articles 6 et 7.

Vote sur l'ensemble

M. Christophe Chaillou .  - Nous sommes tous attachés à la protection des Français, mais cette proposition de loi ne les protégera pas davantage. Allonger la durée de rétention de 100 jours renforcera-t-elle la sécurité des Français, alors que les capacités des CRA sont limitées ? Au bout de ces 100 jours supplémentaires, ces individus seront-ils moins dangereux ?

Ce texte est le fruit de l'émotion, à la suite d'un drame survenu en raison d'erreurs administratives. Nous n'avons pas de tabou, mais nous visons l'efficacité : cette proposition de loi n'y contribue pas.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°348 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 228
Contre 108

La proposition de loi est adoptée.

(Mme Frédérique Puissat applaudit.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Je remercie le Sénat pour son vote et salue l'initiative de Jacqueline Eustache-Brinio. En votre nom à tous, je tiens à saluer les agents des CRA, dont le travail est difficile et mérite notre reconnaissance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

Simplification du droit de l'urbanisme et du logement (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement.

M. Guislain Cambier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; Mme Dominique Estrosi Sassone applaudit également.) Lors de l'examen en séance, nous avions regretté un texte fourre-tout, trop étroit pour répondre aux attentes des élus. À l'issue de son parcours législatif, nous n'avons pas changé le plomb en or, mais en avons tiré le meilleur parti, grâce au travail réalisé avec Sylvaine Noël et Marc-Philippe Daubresse et grâce à nos échanges constructifs avec le ministère du logement et l'Assemblée nationale.

L'article 1er A, intégralement réécrit en CMP, réduit de quatre à deux les procédures d'évolution des documents d'urbanisme : madame la ministre, je salue le travail de vos services.

De nombreuses mesures chères au Sénat ont été conservées par la CMP : accord du maire en cas de dérogation au PLU ; possibilité de mieux adapter les règles du PLU aux spécificités du territoire ; mesures relatives à La Défense et aux opérations de renaturation ; conditions d'adhésion aux établissements publics fonciers (EPF) ; augmentation de la durée de portage foncier ; etc.

Merci, madame la ministre, d'avoir soutenu ces mesures très attendues par les collectivités. Merci aussi d'avoir réduit le délai d'appropriation des biens sans maître de trente à quinze ans.

Le Sénat a veillé à ce que les territoires ruraux et les petites villes bénéficient de mesures de simplification, en étendant à l'ensemble des communes la possibilité de déroger aux règles du PLU et en assouplissant les règles de changement de destination en zones naturelles, agricoles et forestières. Je salue à cet égard l'esprit de compromis d'Harold Huwart, rapporteur à l'Assemblée nationale.

Les assouplissements pour l'installation de bâtiments agricoles en zone littorale ont été conservés, dans une version certes resserrée, mais conforme à ce que nous avions voté dans la loi d'orientation agricole.

Cela dit, nous n'avons pas eu gain de cause sur tout. Mais le Sénat est la chambre de la raison et de la modération : les élus n'auraient pas compris que nous nous arc-boutions sur des dispositions ciblées, sur les carrières ou l'urbanisation en zone de montagne par exemple, qui trouveront leur place dans des textes sectoriels. Idem pour les obligations de solarisation : nous sommes convenus avec Harold Huwart d'attendre la transposition de la directive européenne.

Pour les parkings, le texte issu de l'Assemblée nationale a maintenu l'obligation de solarisation avec un seuil minimal d'ombrières. Nous avons maintenu le report de quelques mois de ces dispositions, qui n'entreront en vigueur que dans quelques années, d'autant que la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments devra être transposée dans moins d'un an.

Ce texte, équilibré et pragmatique, méritera d'être complété par des mesures structurelles ; je vous invite à l'adopter sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et du RDPI)

Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement .  - La demande de simplification n'est nulle part aussi forte qu'en matière de logement et d'urbanisme. Vous le savez, vous qui rencontrez les habitants et les élus et avez beaucoup travaillé cette question. Ce texte est une première pierre.

Je salue le travail du Sénat et de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement soutient l'ambition simplificatrice de cette proposition de loi de Harold Huwart.

La navette parlementaire a permis d'aller plus loin pour accélérer la mutation des zones pavillonnaires, alléger les formalités préalables aux opérations d'aménagement, faciliter l'évolution des projets et des permis ou encore renforcer la couverture du territoire par les EPF.

Le texte consacre des avancées majeures sur le contentieux de l'urbanisme, ainsi que des engagements forts du Gouvernement, comme sur les biens sans maître.

Le dialogue fructueux entre le Parlement et le Gouvernement a conduit à une simplification majeure des documents d'urbanisme : la modification simplifiée deviendra la norme, la révision lourde étant réservée aux évolutions plus structurantes. Résultat : de précieux mois de gagnés, une plus grande sécurité juridique et des coûts d'étude réduits. Dès 2026, les nouvelles équipes municipales pourront modifier plus facilement PLU et Scot.

Toutefois, je regrette que certaines simplifications n'aient pu prospérer : solarisation des bâtiments publics ou engagement facilité des crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

Ce texte n'est qu'un début : beaucoup reste à faire, notamment pour alléger le millefeuille de la planification. Des travaux complémentaires seront lancés dans les prochains mois pour revoir nos codes et de nos procédures, sans oublier la transposition de nombreux textes européens et le prochain PLF -  nos modèles économiques et fiscaux devront sans doute être ajustés.

Merci aux rapporteurs et bravo pour le travail du Parlement sur ce magnifique sujet ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDSE et du RDPI)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Article 1er A

M. le président.  - Amendement n°5 du Gouvernement.

Mme Valérie Létard, ministre.  - Les cinq amendements déposés par le Gouvernement sont nécessaires à la bonne application du texte, qui modifie plus de 50 articles du code de l'urbanisme, d'où des besoins importants de coordination.

L'amendement n°5 prévoit ainsi de multiples coordinations relatives à la procédure unique de modification des Scot et des PLU, afin d'en sécuriser l'usage pour les collectivités territoriales.

Article 1er

M. le président.  - Amendement n°2 du Gouvernement.

Mme Valérie Létard, ministre.  - Il s'agit de coordinations relatives au document unique valant Scot et PLU.

Article 1er bis AAA

M. le président.  - Amendement n°1 du Gouvernement.

Mme Valérie Létard, ministre.  - Cet amendement tire les conséquences des modifications apportées à l'article 1er.

Article 3 bis

M. le président.  - Amendement n°3 du Gouvernement.

Mme Valérie Létard, ministre.  - Coordination légistique.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°4 du Gouvernement.

Mme Valérie Létard, ministre.  - Nous prévoyons des coordinations légistiques et de référence liées à la modification des structures des alinéas dans le texte de la CMP et prenons en compte l'amende instaurée pour non-respect de la mise en demeure en matière de police de l'urbanisme.

M. Guislain Cambier, rapporteur.  - Ces amendements, examinés en amont, ne posent aucun problème : avis favorable.

L'amendement n°5 est adopté, de même que les amendements nos 2, 1, 3 et 4.

Vote sur l'ensemble

Mme Viviane Artigalas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous abordions cette proposition de loi avec des réserves. En considérant le poids des normes comme la cause principale de la crise du logement, le texte partait sur de mauvaises bases. Il ne réglera pas la crise du logement, loin de là. Mais toutes les mesures visant à améliorer la situation doivent être soutenues et nombre de nos amendements ont été adoptés et conservés en CMP.

Ce texte était devenu un catalogue de dérogations. Attention à ne pas vider les PLU de leur substance, car ils jouent un rôle fondamental. Des irritants demeuraient, mais la CMP a apporté des modifications bienvenues et nombre d'amendements socialistes ont été maintenus.

Nous nous félicitons que le texte final conserve notamment la simplification des règles d'élaboration des documents d'urbanisme, la possibilité d'élaborer un document d'urbanisme unique valant PLUi et Scot, le renforcement des outils fonciers des élus locaux, la possibilité d'exempter les logements en bail réel solidaire (BRS) d'obligation de stationnement.

Nous sommes satisfaits que l'article relatif à l'adaptation des conventions d'utilité sociale ait été conservé, alors même qu'un ancien ministre du logement, présent en CMP, s'y opposait fermement...

Nous nous félicitons aussi des évolutions relatives aux obligations de solarisation, de la disparition des mesures votées par le Sénat et qui favorisaient le mitage, et de la suppression de la dispense d'autorisation d'urbanisme pour l'installation de panneaux photovoltaïques.

Nous prenons acte du travail d'amélioration de la CMP sur la participation du public par voie électronique (PPVE). Nous regrettons que l'article sur l'assouplissement des obligations de solarisation des parkings n'ait pas été supprimé. Nous n'avons pas pu revenir sur le changement de destination des bâtiments agricoles à tout type d'activité ; néanmoins, la consultation de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et de l'autorité compétente crée un minimum d'encadrement.

Nous regrettons la suppression de la règle de caducité du Scot, le raccourcissement du délai de recours gracieux, la recevabilité des démarches conditionnées à une participation antérieure aux mesures de participation du public - cela nous semble malvenu, alors qu'il faut soutenir la démocratie locale pour favoriser l'acceptabilité des projets - ou encore le maintien de l'article 2 bis. Enfin, le recours aux résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) paraît en décalage avec les besoins de logement de saisonniers.

Nous saluons l'écoute des rapporteurs. Notre travail collectif en CMP a permis de limiter les ultimes tentatives de dérégulation : le groupe SER votera ce texte. (Mme Gisèle Jourda applaudit.)

M. Cédric Chevalier .  - (M. Marc Laménie applaudit.) Ce texte est une avancée attendue et bienvenue. Merci et bravo aux rapporteurs pour le travail accompli et leur écoute.

Nos collectivités, les entreprises et nos concitoyens nous le rappellent : il est de plus en plus difficile de se loger, de construire ou de rénover, avec l'accumulation de normes et de procédures. Ce texte pragmatique simplifie, assouplit et rend aux collectivités locales le pouvoir d'agir -  une véritable bouffée d'oxygène pour les élus.

Je salue plusieurs avancées : des procédures d'urbanisme plus souples, une participation du public modernisée grâce au numérique, l'adaptation aux réalités locales, une meilleure communication avec l'administration fiscale et enfin la reconnaissance automatique du caractère d'intérêt général pour certains projets énergétiques. Des mesures en faveur du logement sont à souligner : un permis de construire facilité, l'assouplissement des obligations de stationnement ou la possibilité offerte aux collectivités locales d'adapter les règles.

Cela dit, certaines dispositions vont à contre-courant de la simplification : transformer les RHVS, qui accueillent déjà des publics spécifiques tels que les travailleurs saisonniers ou en mobilité, en logements sociaux risque de pénaliser les gestionnaires et de limiter la flexibilité d'accueil. Seuls 30 % des logements sont réservés à des publics vulnérables : pourquoi ajouter une nouvelle contrainte qui fragiliserait un dispositif utile ? De même, la création de nouvelles résidences à vocation d'emploi risque d'être source de complexité supplémentaire, alors que des solutions existent.

Ce texte n'est pas la réforme structurelle du logement et de l'urbanisme dont nous avons besoin, mais il est une étape nécessaire et utile. D'autres, plus ambitieuses, devront suivre, mobilisant tous les leviers -  foncier, fiscalité, politique sociale, transition écologique  - et des moyens financiers à la hauteur des défis.

Nous devons rééquilibrer la relation entre propriétaires et locataires pour rétablir la fluidité du marché locatif, encourager le développement des mobilités et des activités économiques en zone rurale et dans les petites villes et anticiper le vieillissement de la population et l'adaptation nécessaire des logements.

Le chantier, immense, nécessitera une ambition collective durable. Pour l'heure, Les Indépendants voteront ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que la crise s'aggrave encore et toujours, nous ne pouvons que nous féliciter d'un allègement des normes. Cette revendication, je l'ai entendue maintes fois au cours de mes travaux : « créer du logement, c'est un peu une course en sac », a même dit une de mes interlocutrices...

De ce texte considérablement enrichi par les deux assemblées, je retiens trois axes qui devraient guider nos politiques publiques.

D'abord, la simplification : en réduisant le nombre de procédures d'évolution des documents d'urbanisme, en supprimant des formalités inutiles et en favorisant le recours au numérique pour la participation du public, le texte accélère et sécurise les démarches.

Ensuite, le pragmatisme et l'adaptation aux circonstances. Ainsi, sans rejeter les adaptations temporaires du régime des résidences hôtelières à vocation sociale, nous créons les résidences à vocation d'emploi pour répondre à l'urgence de la réindustrialisation et de la relance du nucléaire. Nous n'avons pas reculé devant les totems des zones NAF et de la loi Littoral : nous facilitons, de manière encadrée et proportionnée, la réutilisation de bâtiments agricoles abandonnés.

Enfin, la différenciation et la territorialisation : si la simplification est un enjeu majeur, il y aurait une forme de paresse et même de renoncement à en faire l'alpha et l'oméga des politiques publiques.

Je salue le travail des trois rapporteurs pour étoffer le texte et tempérer et harmoniser des propositions qui tiraient parfois à hue et à dia.

Nos élus ont besoin d'outils juridiques et d'ingénierie pour mener leurs politiques et faire primer l'intérêt public sur les logiques de marché. D'où notre refus de dérogations de droit aux règles des PLU au profit de dérogations à la main des maires, l'extension des dérogations aux fins de création de logements, la facilitation du recours aux établissements publics fonciers et l'extension des compétences des sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN).

Je me réjouis que le texte maintienne la pleine association des collectivités aux nouvelles conventions d'utilité sociale.

Je souhaite que nous avancions dès l'automne sur l'accession à la propriété, le logement social et l'investissement locatif, en nous inspirant des travaux de Marc-Philippe Daubresse sur le statut du bailleur privé.

Le chantier est immense, mais, madame la ministre, je connais votre volontarisme et votre courage. Le groupe Les Républicains prendra toute sa part dans l'élaboration de ces réformes essentielles pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Mme Salama Ramia .  - Le RDPI votera ce texte utile, attendu par les acteurs du terrain. S'il n'est pas la grande loi de programmation que nous attendons, il répond à l'urgence au moment où nous traversons une crise du logement d'une ampleur inédite et qui touche tout le monde : collectivités, familles, jeunes, demandeurs de logement social. C'est une crise durable qui bloque les parcours de vie et pèse sur l'économie.

La construction est à son plus bas niveau depuis des décennies : à peine 300 000 mises en chantier cette année. L'accès à la propriété devient de plus en plus difficile. Face à cette situation, nous avons besoin de solutions rapides et efficaces.

Ce texte simplifie des règles devenues trop complexes ou rigides. Nous saluons, à l'article 1er, la possibilité pour un EPCI compétent en matière de documents d'urbanisme et couvert par un Scot d'élaborer un document unique. Nous nous réjouissons aussi que l'article 2 permette de déroger au taux minimal de publics ayant des difficultés de logement au sein des résidences hôtelières à vocation sociale dans les territoires présentant des enjeux de développement économique.

De même, nous nous félicitons de la rédaction de compromis trouvée en CMP sur l'article 1er bis D. Les propriétaires d'un parking de plus de 1500 m² pourront choisir entre trois options pour satisfaire aux obligations de solarisation et de végétalisation : ombrières photovoltaïques, arbres ou combinaison des deux.

Cette proposition de loi ne bouleverse pas le droit de l'urbanisme, mais l'allège et le rend plus compatible avec l'action publique locale. Certes, le secteur a besoin d'une véritable loi de programmation, traitant notamment du foncier, des aides à la pierre, de l'accès au crédit et de la fiscalité. Mais, pour l'heure, ce texte constitue un signal positif. (Applaudissements au banc des commissions ; M. Marc Laménie et Mme Anne-Sophie Patru applaudissent également.)

M. Michel Masset .  - « La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le coeur d'un mortel », a écrit Baudelaire. (On apprécie la référence.)

Le logement n'est pas un bien comme un autre ; il conditionne l'accès à l'emploi, à l'éducation, à la dignité. La crise actuelle s'enracine dans la faible production de logements. De fait, entre 2023 et 2024, le nombre de logements neufs a chuté de moitié. Les causes sont connues : empilement des normes, rigidité des procédures, lenteur du contentieux.

Si l'urbanisme est souvent perçu comme une affaire de spécialistes, ce sont les élus locaux qui subissent la densité des règles, leur illisibilité et parfois leur incohérence. Sans révolutionner le droit de l'urbanisme, ce texte répond à l'urgence de simplifier un système devenu trop rigide et trop éloigné des réalités de terrain. En Lot-et-Garonne, les exemples abondent : à Villeneuve-sur-Lot, des friches éligibles au fonds Vert peinent à être requalifiées du fait de délais procéduraux décourageants ; à Allez-et-Cazeneuve, un projet de logements est stoppé par une incompatibilité avec le zonage agricole.

Le texte issu de la CMP maintient l'équilibre trouvé par le Sénat : modification unique des documents d'urbanisme, rationalisation des procédures, possibilité de créer un document unique lorsque le Scot et le PLU couvrent un même périmètre. Il garantit aux maires le droit de contester les dérogations au PLU, une mesure primordiale, et conforte la participation du public par voie électronique tout en maintenant l'accessibilité physique en mairie, essentielle dans les territoires ruraux.

La clarification du régime de changement de destination pour les bâtiments agricoles inutilisés et la sécurisation des permis modificatifs sont également des avancées. Enfin, la question du contentieux a été prise à bras-le-corps : le texte vise à limiter les blocages abusifs, tout en préservant les garanties du contradictoire.

À force d'accumuler exceptions et régimes particuliers, ce qui devait être une simplification devient une complexification plus insidieuse. Pour les maires des petites communes, la lisibilité du droit ne s'améliore pas. Seule une réforme globale articulant urbanisme, logement, écologie et aménagement du territoire résoudra durablement les difficultés.

Le RDSE votera ce texte, tout en appelant le Gouvernement à poursuivre le chantier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)

M. Daniel Fargeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En première lecture, j'avais pointé les limites d'une proposition de loi en décalage avec son titre ambitieux. Le chantier reste vaste -  Mme la ministre le mesure bien. Reste que ce texte modifié apporte un peu de souplesse dans une action publique corsetée, au milieu de deux autres propositions de loi utiles, sur les meublés de tourisme et la transformation des bureaux en logements.

Cette proposition de loi n'est pas la grande refonte du droit de l'urbanisme et du logement que nous attendons, alors que la France ressemble à une tour de Babel réglementaire : maires, préfets, architectes des Bâtiments de France (ABF), environnementalistes, opérateurs, bailleurs, tous veulent construire, mais aucun ne comprend les plans de l'autre.

Au Sénat, nous avançons pierre par pierre, en essayant d'éviter que tout ne s'effondre. Ce texte a été considérablement enrichi par notre assemblée, en particulier nos trois rapporteurs -  je remercie Marc-Philippe Daubresse d'avoir défendu mon amendement sur la démolition d'office des constructions illégales hors zone urbanisée.

Grâce au dialogue de qualité avec Mme la ministre puis en CMP, des avancées ont été réalisées autour de deux axes : rationalisation des procédures et adaptation aux réalités locales. Je me félicite de la possibilité de fusion des Scot et PLU, de la simplification des formalités pour les porteurs de projets et de la facilitation des permis multisites, comme de l'extension du nombre de communes pouvant déroger ponctuellement au PLU, de la reconversion assouplie du bâti agricole et de la clarification des conditions de dispense environnementale pour les petits projets communaux.

Mais l'essentiel reste devant nous. Quatre millions de personnes mal logées, 2,8 millions de demandes de logement social, objectif de 500 000 logements neufs par an loin d'être atteint : la crise est structurelle. Elle résulte notamment de l'absence d'un choc d'offre massif.

Aussi utile soit-il, ce texte n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation ; il relève plus du petit outillage que de la boîte à outils. Mais il constitue une étape, et mieux vaut poser une pierre que de rester figé au milieu des gravats. Il nous reviendra de poursuivre le chantier : simplification des délais d'instruction, lutte contre les recours abusifs, rééquilibrage des normes environnementales, meilleure articulation entre droit du sol et droit de l'habitat, statut du bailleur privé. Nous serons, au Sénat, les architectes lucides et engagés de cette reconstruction.

Le groupe UC votera ce texte, en appelant à une réforme structurante. Car si la dérogation devient la norme, c'est peut-être que la norme est à repenser. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et au banc des commissions)

Mme Marianne Margaté .  - Ceux qui s'émeuvent de la complexité du droit de l'urbanisme sont souvent les mêmes qui critiquent plus largement la densité du droit français - surtout quand il protège les plus faibles. C'est vrai aussi pour le code du travail, comme on l'a vu jeudi dernier à propos du travail le 1er mai.

Il n'est pas certain que ce texte simplifie le code de l'environnement, mais, pour sûr, il affaiblira le droit de l'environnement en réduisant les temps de concertation, voire en entravant l'accès à la justice. Or ces procédures démocratiques sont nécessaires à l'acceptation de projets d'aménagement qui ne font pas l'unanimité. Cette simplification se fera également au détriment des collectivités et de leurs agents, qui devront instruire des demandes plus vite sans en avoir les moyens.

Pourtant, il y a urgence à répondre à la crise du logement, urgence à nous adapter au dérèglement climatique, urgence à réindustrialiser tout en protégeant nos espaces naturels, agricoles et forestiers. Cela demande une véritable planification davantage qu'une simplification.

Les accélérations prévues permettront peut-être de gagner quelques mois sur des projets déjà très en retard, mais ce sont 2,8 millions de demandes de logement auxquelles il faudrait répondre, 210 000 femmes victimes de violence qu'il faudrait reloger et 350 000 personnes sans domicile auxquelles il faudrait procurer un toit. Hélas, ce texte supprime davantage des garde-fous qui dérangent quelques bétonneurs qu'il n'impulse l'élan nécessaire pour résoudre la crise du logement.

Nous avions joué le jeu de la modernisation du droit de l'urbanisme, pour tenir compte des difficultés rencontrées par nos élus pour le faire respecter. Nous avions notamment proposé de renforcer le droit de préemption des élus. Le Gouvernement faisait de même et nous avions bon espoir d'apporter un réel progrès sur ce point. Mais notre amendement a finalement été jugé irrecevable.

De même, alors que le texte prévoyait une réduction de dix à six mois du délai de jugement sur les demandes de permis de construction de logement social, cette disposition a été supprimée. Bref, oui pour empêcher les recours des associations environnementales, non pour faciliter l'implantation de logements sociaux...

C'est pourquoi nous maintenons notre opposition à ce texte. Le poète brésilien Ferreira Gullar a écrit : « L'homme est dans la ville comme l'arbre vole dans l'oiseau qui le quitte. Prenons soin de l'homme, prenons soin de la ville. » (On apprécie la référence ; applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Yannick Jadot .  - L'accord trouvé en CMP s'inscrit dans le grand mouvement planétaire de simplification. Quel projet politique ! En réalité, tout le monde y met ce qu'il veut. Qu'il faille débureaucratiser, c'est certain ; mais reconnaissons que ce texte, qui complexifie parfois plus qu'il ne simplifie, a surtout vocation à masquer l'absence de la grande loi sur le logement dont nous voudrions débattre. Pas moins de 4 millions de personnes sont mal logées, 2,8 millions de familles attendent un logement social : voilà les problèmes à résoudre !

On peut toutefois se réjouir d'un retour à la raison, avec l'abandon des reculs sur les obligations de production des énergies renouvelables. Nous saluons aussi l'extension du périmètre des établissements publics fonciers, l'introduction dans la loi du référentiel national des bâtiments et la généralisation des permis multisites.

En revanche, nous regrettons les reculs en matière de participation du public, au moment où la défiance s'accroît et où les Français veulent être associés aux décisions sur leurs lieux de vie. Au-delà de l'acceptabilité des projets, c'est un enjeu de citoyenneté.

S'agissant des ombrières sur les parkings, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris ; en tout cas, je ne vois pas la simplification...

Nous dénonçons aussi la mise en concurrence de deux besoins légitimes au sein des RHVS : le logement des travailleurs et celui des personnes en situation de précarité. Au demeurant, sur le nouveau nucléaire, comment les Républicains ont-ils pu se faire damer le pion par les députés macronistes, qui ont donné à leur groupe le nom EPR ? (Sourires)

Enfin, je m'inquiète qu'une récente commission d'enquête sénatoriale recommande la suppression de l'Anru. Soyons sérieux ! Certes, il faut la simplifier, mais c'est le seul outil de grande transformation de nos quartiers. La supprimer serait une grave faute politique.

M. le président. - Veuillez conclure.

M. Yannick Jadot.  - J'espère qu'il se trouvera une majorité pour défendre ce bel outil d'urbanisme et d'aménagement du territoire au profit des classes les plus populaires de notre pays. (Applaudissements sur les travées du GEST)

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue à 19 h 30.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance reprend à 21 h 05.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prise pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable, avec vingt-quatre voix pour et deux voix contre, à la nomination de Mme Anne-Isabelle Etienvre aux fonctions d'administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.

Conseil de Paris et conseils municipaux de Lyon et de Marseille (Nouvelle lecture - Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.

Discussion générale

M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement .  - L'objectif du Gouvernement est de rapprocher l'élection des maires de Paris, Lyon et Marseille du droit commun, en vue d'améliorer la vie démocratique de près de 3 millions de nos concitoyens.

Je salue le travail des rapporteurs à l'Assemblée nationale et au Sénat et remercie les forces politiques de Paris, Lyon et Marseille, qui ont accepté le dialogue, même si le résultat fut inégalement constructif.

M. Guy Benarroche.  - Il y avait des pour ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - La responsabilité du Gouvernement est de faire fonctionner les institutions et de permettre le vote par la représentation nationale des textes dont elle est saisie.

Sur le fond, le Gouvernement, à l'écoute des débats, a cherché à faire progresser le sujet des maires d'arrondissement, dans l'hypothèse - assez théorique - où ils ne siégeraient pas en mairie centrale. Il a aussi répondu aux préoccupations sur la stabilité du corps électoral sénatorial.

M. Guy Benarroche.  - On ne s'en est pas rendu compte.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - D'où ces deux engagements : d'abord, une mission flash sur les compétences des maires d'arrondissement, qu'aucun texte législatif ne définit.

M. Guy Benarroche.  - Nous voilà rassurés...

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Ensuite, un projet de loi organique sur le mode d'élection des sénateurs, avec une entrée en vigueur avant les sénatoriales de 2026.

Nous voulons un mode de scrutin plus clair et plus lisible, qui donne aux habitants de Paris, Lyon et Marseille un double choix : celui de leur maire d'arrondissement, maire de la proximité, et celui de la mairie centrale, incarnation politique et stratégique de la ville.

Si 90 % des habitants sont en faveur de cette réforme...

Mme Valérie Boyer.  - C'est faux ! (M. Francis Szpiner renchérit.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... je perçois bien que l'adhésion est moins forte parmi les élus.

Il est donc de la responsabilité du Gouvernement d'accompagner ce mouvement, dans le respect des convictions de chacun, dans l'esprit de nos institutions et de l'essence du débat parlementaire.

M. Guy Benarroche.  - Bien. Au moins, c'était court.

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois .  - Il y a un mois, le Sénat rejetait massivement cette réforme ni faite ni à faire, élaborée sans la moindre concertation.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés soulevées par cette proposition de loi : calendrier, risques juridiques, coût, quasi-suppression des arrondissements -  échelon de proximité cher aux citoyens.

Après le rejet au Sénat, le Gouvernement a convoqué une commission mixte paritaire (CMP). J'ai alors échangé avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Matteï, dans un esprit constructif - contrairement à ce que certains ont affirmé ici.

Mme Valérie Boyer.  - Très bien.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Face aux difficultés que nous soulevions, Jean-Paul Matteï a formulé plusieurs propositions. D'abord, écarter Lyon du champ de la réforme - avant d'y renoncer. Ensuite et surtout, prévoir la désignation des maires d'arrondissement comme membres de droit des conseils centraux, afin d'éviter que certains arrondissements n'y soient pas représentés.

Ces propositions ne m'ont pas paru de nature à emporter l'adhésion du Sénat. Demeuraient en effet le problème de la prime majoritaire dérogatoire de 25 %, le risque d'atteinte à la lisibilité du scrutin, le coût, les problèmes liés à l'organisation simultanée de plusieurs scrutins.

Ces propositions m'apparaissaient juridiquement fragiles. L'intégration de droit des maires d'arrondissement au sein des conseils municipaux aurait conduit à faire coexister des membres élus et d'autres désignés, ce qui contrevient à la libre administration des collectivités. Les conflits de légitimité auraient pu créer de nouvelles difficultés.

C'est pourquoi nous n'avons pas pu proposer un texte de compromis à la CMP, qui n'a donc pas trouvé d'accord. Celle-ci n'a en aucun cas été « torpillée » par le Sénat, comme j'ai pu l'entendre : une fois l'absence d'accord constatée, aucun membre de la CMP n'a souhaité prendre la parole, malgré l'invitation de la présidente Jourda.

Le Gouvernement a alors annoncé son intention de poursuivre l'examen en inscrivant le texte en nouvelle lecture avant la fin de la session extraordinaire. Sa lecture définitive à l'Assemblée nationale aura lieu demain matin, en dépit du rejet massif par la Chambre des territoires. Je regrette ce passage en force. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, du GEST ; Mme Mireille Jouve, MM. Ian Brossat et Pierre-Jean Verzelen applaudissent également.) Le Gouvernement s'était pourtant engagé à ne pas persévérer en cas de désaccord entre les deux assemblées.

Le 19 février, le Premier ministre s'était engagé à ne pas passer outre à l'avis de la chambre des territoires : « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'aucun accord soit trouvé ». Monsieur le ministre, vous aviez réitéré cette promesse lors de l'examen en première lecture, promettant « une décision collective ».

Ces engagements n'ont pas été tenus, le Gouvernement donnant le dernier mot à l'Assemblée nationale. Dès lors, la commission des lois ne peut que vous inviter à rejeter à nouveau ce texte. Aucune difficulté n'a été résolue. Seul amendement substantiel : l'adoption d'un amendement alignant la prime majoritaire pour l'élection des conseillers communautaires sur celle prévue pour les conseillers municipaux.

Les élus locaux concernés, quasi-unanimement opposés à la réforme, n'ont toujours pas été consultés. La chambre des territoires ne saurait l'accepter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et du GEST)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - La loi dite PLM de 1982, portée par Gaston Defferre, visait à rapprocher les élus des citoyens en créant des mairies d'arrondissement, ou de secteur.

Le Premier ministre s'était engagé à ce que ce texte prospère à la condition qu'il soit adopté par les deux chambres. Or, malgré le rejet du Sénat et l'absence de consensus chez les élus concernés, le Gouvernement poursuit son examen : il finira sa course par une dernière lecture à l'Assemblée nationale, sans tenir compte du vote du Sénat. Dépourvu d'étude d'impact, sans visibilité financière, ce texte arrive trop tard : on sent une forme de précipitation, à quelques mois des élections.

Mme Valérie Boyer.  - Eh oui !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Sur le fond, bien des questions restent en suspens. Au fil des ans, les arrondissements sont devenus des échelons de proximité privilégiés. Or le texte ne dit rien de l'avenir des maires d'arrondissement. On risque des situations ubuesques, où ceux-ci ne siégeraient même pas au conseil central.

Mme Valérie Boyer.  - Ce serait le pompon !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Bref, on déconnecte les mairies de Paris, Lyon et Marseille de leurs relais locaux.

Soi-disant motivé par un retour au droit commun, le texte prévoit une prime au vainqueur de 25 %, contre 50 % partout ailleurs.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - C'est pour le RN et LFI !

M. Pierre-Jean Verzelen.  - Quid de l'égalité devant la loi électorale ?

Où est la simplification, quand on propose un double scrutin à Paris et à Marseille, un triple à Lyon ?

Comme pour la modification du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants, tout s'est fait dans la précipitation, sans tenir compte des habitudes locales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Guy Benarroche, Ian Brossat et Mme Colombe Brossel applaudissent également.)

Nous aurions aimé une réforme d'ampleur, partagée, concertée, qui repense les compétences pour plus de proximité. Nous en sommes loin. La quasi-intégralité des élus du groupe Les Indépendants voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

Mme Valérie Boyer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Permettez-moi de rendre hommage à Olivier Marleix, profond humaniste, homme de convictions, avec qui j'ai eu grand plaisir à travailler. (Applaudissements nombreux)

En février dernier, le Premier ministre assurait ne pas imaginer que ce texte puisse être adopté sans accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. Or, le président Larcher l'a rappelé, les conditions d'un accord ne sont pas réunies. Mieux vaudrait poursuivre le dialogue avec les parlementaires et les élus locaux. Pourtant, vous faites fi de la position de la Chambre haute et passez en force. Si nous partageons l'intérêt de faire évoluer la loi PLM, nous ne partageons ni le contenu du texte, ni son calendrier incertain, ni la méthode non consensuelle.

L'élection du maire serait plus lisible et démocratique ? Mais le maire n'a jamais été directement élu par les Français ! La loi PLM actuelle est doublement démocratique : on vote pour le maire de secteur et pour le maire central, en toute transparence. Si Benoît Payan est devenu maire de Marseille, c'est uniquement à la suite d'un accord avec Michèle Rubirola, qu'il a évincée, et non par la volonté des Marseillais.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Mais non !

Mme Valérie Boyer.  - Cette réforme rendra le processus incompréhensible. À ce stade, il n'y a aucun consensus, dans aucune des trois villes concernées. Nous avons clairement un problème de méthode - sans parler du calendrier précipité.

Plus grave, alors que nous réclamons depuis des années un renforcement des compétences des mairies de secteurs, ce texte va les dévitaliser. Elles jouent pourtant un rôle crucial de proximité. Le secteur de Marseille dont j'ai été maire est l'équivalent de la ville de Perpignan !

Une telle réforme ne peut se faire de manière précipitée. Ouvrons un grand chantier après les élections de 2026 afin d'aboutir à un consensus.

Cessons de faire croire que ce sujet serait une urgence. Sécurité, immigration, pouvoir d'achat : voilà les priorités de nos concitoyens, pas le tripatouillage électoral ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)

Mme Solanges Nadille .  - Après l'échec de la CMP, le Gouvernement a maintenu ce texte à l'agenda. Cette réforme, qui n'est pas un caprice politique, répond à un constat : le système hérité de la loi PLM produit des effets démocratiquement discutables.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Lesquels ?

Mme Solanges Nadille.  - À Paris comme à Marseille, on peut devenir maire sans avoir la majorité des suffrages à l'échelle de la ville. (Vives protestations à droite comme à gauche)

Mme Colombe Brossel.  - C'est faux ! Arrêtez de mentir !

Mme Solanges Nadille.  - Un maire ne saurait tirer sa légitimité d'un cumul d'arrondissements plutôt que du vote clair des citoyens. Ce texte rétablit une règle simple : un électeur, une voix. (Mme Valérie Boyer s'exclame.) Ce n'est pas une recentralisation, c'est une clarification.

Mme Valérie Boyer.  - Pas du tout ! C'est la fin de la proximité.

Mme Solanges Nadille.  - Ce n'est pas une atteinte à la démocratie locale, c'est une exigence de lisibilité et d'égalité.

Mme Colombe Brossel.  - Quelle blague !

Mme Solanges Nadille.  - En supprimant le fléchage automatique, en ajustant la prime majoritaire, ce texte aligne Paris, Lyon et Marseille sur le droit commun applicable à toutes les autres communes.

M. Mathieu Darnaud.  - Ce n'est pas le droit commun. (On renchérit à droite comme à gauche.)

Mme Solanges Nadille.  - Aucune règle constitutionnelle ou légale n'interdit de réformer à proximité d'un scrutin - nous l'avons d'ailleurs fait ici même récemment. Des règles claires, appliquées en toute transparence, voilà ce qui compte ! Le vrai risque est de ne rien faire.

Les oppositions à la réforme sont motivées par des intérêts tactiques. (Mmes Valérie Boyer et Colombe Brossel protestent.)

M. Francis Szpiner.  - C'est faux !

Mme Solanges Nadille.  - Comment justifier le maintien d'un système inégalitaire et confus uniquement parce qu'il sert certaines configurations politiques ? (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'exclame.)

Mme Colombe Brossel.  - C'est l'hommage du vice à la vertu !

Mme Solanges Nadille.  - Cette réforme est attendue, équilibrée et démocratiquement fondée. À terme, nous souhaitons renforcer le rôle et les moyens des mairies d'arrondissement, mais cela ne doit pas être un préalable ou, pire, un prétexte pour ne pas avancer. (Mme Valérie Boyer s'exclame.) Ce texte, qui concerne 3,5 millions de nos concitoyens, mérite un débat à la hauteur de l'enjeu démocratique.

Mme Mireille Jouve .  - S'exprimer sur cette nouvelle lecture de la proposition de loi Maillard, l'exercice n'est pas enthousiasmant : quatre minutes, c'est une éternité... (Sourires)

Je ne retranche aucun mot des critiques que j'avais formulées en première lecture sur ce texte bâclé et juridiquement fragile. Son inscription à l'ordre du jour est pour le moins cavalière.

Ce texte est une atteinte à la stabilité du droit électoral dans l'année qui précède un scrutin. Si le Conseil constitutionnel ne l'a pas élevée au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République, je me plais à rêver d'une évolution jurisprudentielle. (Mme Valérie Boyer, M. Francis Szpiner et Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.)

Et que diable ! La loi PLM n'a pas empêché les alternances : en 2001 à Paris, en 1995 et 2020 à Marseille, en 1995, 2001 et 2020 à Lyon.

Pourquoi cet entêtement du Gouvernement, alors que le Premier ministre s'était engagé à ne pas poursuivre l'examen du texte sans l'aval de la Haute Assemblée, la chambre des territoires ?

Inflation, situation internationale, droits de douane, déficit budgétaire, voilà les sujets qui intéressent les Français, et non - un 9 juillet ! - le changement de mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille ! De qui se moque-t-on ? Avant d'engager la parole des Français, peut-être faudrait-il respecter la volonté de leurs représentants... (Mme Valérie Boyer, M. Francis Szpiner et Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.)

Le 3 juin dernier, je regrettais que le général de Gaulle n'ait pas suivi Michel Debré sur la constitutionnalisation du mode de scrutin. Quid des comptes de campagne ? Des trois scrutins simultanés à Lyon ? Des rapports entre conseils d'arrondissement et conseil municipal ? Comme le disait Martine Aubry, quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup...

Vous ajoutez la désinvolture à l'amateurisme, au détriment de la représentation nationale et des électeurs.

Je voterai personnellement contre ce texte ; mes collègues du RDSE useront de leur liberté de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE, du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Valérie Boyer.  - Bravo !

Mme Isabelle Florennes .  - Ce texte mérite-t-il une telle dramaturgie ? Je ne le pense pas, mais peut-être est-ce le sort de tout texte relatif au mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. À l'époque déjà, la loi du 31 décembre 1982 avait été adoptée par l'Assemblée nationale après un échec en CMP et un rejet par le Sénat.

Je m'étonne de la coalition des opposants à ce texte : des héritiers de ceux qui s'étaient battus contre la réforme en 1982, des descendants de ceux qui, en 1999, réclamaient une modification de ladite loi afin de déconcentrer les pouvoirs...

Ce texte vise à redonner sa force au vote, fût-il celui d'un électeur de droite dans un arrondissement de gauche, ou d'un électeur de gauche dans un arrondissement de droite. Les électeurs de Paris, Lyon et Marseille ne seront plus des citoyens de second rang, leur vote aura la même force que celui des électeurs des 34 875 autres communes.

La démocratie locale doit reposer sur la transparence et la confiance, non sur des jeux d'appareils.

La force de nos travaux est d'être pondérés ; j'aurais aimé retrouver une telle modération lors de l'examen de ce texte, hélas.

Mme Valérie Boyer.  - Ce n'est pas de la modération, ça !

Mme Isabelle Florennes.  - L'Essentiel qui fait la synthèse du rapport de Lauriane Josende s'apparente plus à un tract politique qu'à un rapport parlementaire ! (M. Francis Szpiner s'exclame.)

Ce texte aurait été mal préparé, élaboré dans la précipitation ? Jean-Paul Matteï a proposé en CMP des évolutions substantielles.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Une seule !

Mme Isabelle Florennes.  - Notamment, que les maires des arrondissements siègent automatiquement au conseil central. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Guy Benarroche s'exclament) Il a obtenu un engagement du Gouvernement pour mener une mission flash sur les compétences des maires d'arrondissement...

M. Guy Benarroche.  - Voilà qui nous rassure !

Mme Isabelle Florennes.  - ... et présenter un projet de loi sur le mode de scrutin des élections sénatoriales.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela n'a jamais été proposé !

Mme Isabelle Florennes.  - Pour Lyon, il reste ouvert au débat sur le maintien simultané des scrutins municipaux et métropolitains.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est trop tard !

Mme Isabelle Florennes.  - Il lui a été opposé une fin de non-recevoir.

Si nous l'adoptons ce soir, ce texte aura force de loi avant que ne commence la période de vigilance des six mois précédant les élections de mars 2026.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Bonne nouvelle...

Mme Isabelle Florennes.  - Le reproche du caractère tardif n'a pas été soulevé pour la loi du 21 mai 2025, dont l'impact sera autrement plus important, et qui vise elle aussi à redonner du sens au vote.

M. Francis Szpiner.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Isabelle Florennes.  - Relisez la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1982 : les Sages ont donné une interprétation précise de la libre administration des communes et rejeté les griefs exprimés. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'exclame.)

Nous conservions l'espoir d'un compromis. Jean-Paul Matteï a tenté de tracer un chemin en proposant plusieurs modifications importantes.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Non !

Mme Isabelle Florennes.  - Nous regrettons que le Sénat s'en tienne aux mêmes caricatures qu'en première lecture.

Notre groupe continuera malgré tout à soutenir très majoritairement ce texte, qui constitue une avancée démocratique pour Paris, Lyon et Marseille. (Mme Anne-Sophie Patru applaudit.)

M. Ian Brossat .  - Débattre à nouveau du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille, est-ce bien sérieux, alors que l'on apprend cette semaine que le nombre de pauvres en France a augmenté de 600 000 en un an, qu'il atteint un record depuis 1996, que les inégalités sociales n'ont jamais été aussi élevées depuis les années 1970. Et nous débattons d'un texte qui concerne moins d'un Français sur dix !

Dans quelques mois, vous ne serez plus ministre, le Gouvernement aura été censuré. Que restera-t-il de votre bilan ? Le tripatouillage du mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille. Voilà qui éclaire d'un jour peu glorieux les priorités du Gouvernement. Tant d'autres sujets mériteraient notre attention !

Pourquoi un tel acharnement ? C'est que vous êtes convaincus que pour élire Mme Dati à la mairie de Paris, il faut changer le mode de scrutin ! Vous êtes convaincus que les échecs enregistrés par la droite en 2001, 2008, 2014 et 2020 sont dus au mode de scrutin actuel. En vérité, si la droite et le centre ont perdu, c'est que votre projet, vos candidats ne correspondaient pas aux attentes des Parisiens ! Tripatouillez tant que vous voulez : à chaque fois que vous défendrez des projets à côté de la plaque, vous serez battus. Notre groupe votera contre cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Encore une proposition de loi sans avis du Conseil d'État, en quatrième vitesse, pour satisfaire un deal de Gouvernement. On frôlerait le comique de répétition si le sujet n'était pas si important...

Cette proposition de loi sert des intérêts particuliers et non le fonctionnement des institutions locales. Son auteur nous dit qu'il ne s'agit pas d'un tripatouillage électoral. Mais ne pas demander l'avis du Conseil d'État sur un sujet aussi majeur, n'est-ce pas du tripatouillage ? Ne pas lier les questions des compétences et du statut des maires d'arrondissement, n'est-ce pas du tripatouillage ? Vanter le retour au droit commun et conserver en fait un statut dérogatoire pour s'assurer les voix du Rassemblement national, n'est-ce pas du tripatouillage ? (M. Francis Szpiner applaudit.) Créer deux primes majoritaires au sein d'une même ville, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Annoncer se concentrer sur le scrutin des mairies et tenter de modifier le mode de scrutin métropolitain, n'est-ce pas du tripatouillage ? Ne pas pouvoir garantir la faisabilité d'un triple scrutin à Lyon, n'est-ce pas du tripatouillage ? Envisager de réformer sans consulter les élus locaux, n'est-ce pas du tripatouillage, monsieur le ministre ?

Ce même député, auteur du texte, candidat malheureux au Conseil de Paris (MM. Thomas Dossus et Francis Szpiner et Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent), dit saluer la volonté du Gouvernement de poursuivre la navette parlementaire, conformément à notre Constitution. Mais ce que la Constitution permet, elle ne l'oblige pas. Saluez-vous, comme M. Maillard, le fait de ne pas respecter la parole que le Premier ministre a donnée au président du premier groupe politique du Sénat ? (M. Mathieu Darnaud acquiesce.)

Quelle confiance accorder aux paroles annonçant une mission flash sur les compétences, après toutes ces manoeuvres, alors que l'examen du texte a connu une accélération foudroyante, pour une adoption dès demain matin à l'Assemblée nationale ?

Bien sûr, nous sommes pour l'élection directe, nous sommes pour le changement du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille, pour une vraie réforme, mais pas ce tripatouillage. Nous sommes pour une liste claire, menée par un candidat. Nous aurions aimé un texte concerté, avec avis du Conseil d'État, préparé avec les élus locaux ; mais vous avez tout faux ! Les mairies de secteur doivent avoir de véritables compétences, une refonte de leurs ressources.

Derrière cette précipitation qui ne dit pas son nom, cette urgence préfabriquée, une tentation : redessiner la carte électorale au gré des équilibres politiques du moment, pour faire élire Mme Dati à Paris. Nous ne sommes pas dupes.

Ce texte ne permet pas de discuter sereinement de la réforme territoriale. Il faut une discussion cohérente et non précipitée.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Guy Benarroche.  - Nous amenderons le texte pour tenter de l'améliorer, même si c'est peine perdue. Nous voterons, bien entendu, contre. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Quelle curieuse soirée ! Notre débat sera vain. Le ministre attendra les deux ou trois heures du débat, puis repartira avec le sentiment du devoir accompli, en attendant que l'Assemblée nationale fasse son oeuvre. C'est un ministre commis d'office, comme l'a dit Francis Szpiner.

Votre portefeuille ne vous préposait pas à défendre ce texte, mais, faute de candidat, vous vous êtes dévoué. Pourquoi la membre du Gouvernement pour qui ce texte a été écrit n'est-elle pas là ? Ce texte vise en effet un seul objectif : que Mme Dati soit élue maire de Paris.

Vous vous demanderez peut-être un jour si vous avez agi dignement : soutenir une candidate poursuivie pour corruption et trafic d'influence, voilà votre piste pour que la droite reprenne Paris à la gauche. Je vous rassure : la droite a dirigé Paris, longtemps, avec le mode de scrutin actuel !

Vous mettez à bas quarante ans de décentralisation, vous privez les 2 millions de Parisiens de la proximité des maires d'arrondissement. Les maires d'arrondissement, de gauche comme de droite, ne sont pas favorables à votre réforme - sauf Mme Dati. Vous les transformez en présidents de conseil de quartier, sans pouvoir.

Ce texte est l'archétype du mauvais travail parlementaire ; vingt-cinq versions se sont succédé : prime majoritaire à 50 % un jour, à 25 % le lendemain ; un jour Lyon est exclu, un autre non - pourquoi ? Vous avez prétendu que le Sénat n'avait pas voulu travailler sérieusement en CMP. J'y étais ! Aucun représentant des groupes RDPI et UC n'a voulu intervenir. Vous réécrivez l'histoire.

Ce texte a été bricolé par des gens qui n'ont jamais réussi à devenir conseillers de Paris, mais qui sont parvenus à vous convaincre, pour des raisons qui m'échappent.

Bien sûr, ces trois villes n'ont plus rien à voir avec 1982, mais vous prétendez qu'elles doivent revenir au droit commun ; or, parlons-en, vous avez inventé une prime majoritaire ! Vous vous en éloignez. Bref, vous racontez des histoires. Ce qui compte, c'est que Mme Dati soit auréolée de prestige, entourée de ses amis - mes excuses à mes collègues qui n'en seront sans doute pas. (Sourires ; M. Francis Szpiner rit.)

C'est préoccupant. Alors que la pauvreté explose, comme l'a dit Ian Brossat, que la guerre est à nos portes, que Marseille a failli brûler, pourquoi ce texte ? Ah oui, demain, nous avons l'audiovisuel public : cette session extraordinaire est vraiment celle de Mme Dati ! (Sourires)

Enfin, qu'un ministre des relations avec le Parlement dépose un amendement irrecevable à l'Assemblée nationale, ce n'est pas sérieux.

La situation à Marseille est différente, Marie-Arlette Carlotti le dira.

D'une sévérité totale sur votre travail, nous combattons ce texte et voterons contre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Étienne Blanc .  - Vous aviez l'occasion de revenir sur l'anomalie de la loi de 1982. Mme de La Gontrie oublie de dire que ce texte a été fait par M. Mitterrand pour protéger M. Defferre...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Il est mort !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il était question du découpage, pas du mode de scrutin !

M. Étienne Blanc.  - Ce texte n'était pas sot en principe, mais de quelle manière vous y êtes-vous pris !

Selon la Constitution, le Sénat doit examiner en première lecture les textes relatifs aux collectivités territoriales, afin que nous apportions l'expérience des élus locaux. Or vous vous en êtes affranchis, en déposant ce texte, ni fait ni à faire, sur le bureau de l'Assemblée.

Je n'évoquerai qu'un problème : la compétence des maires d'arrondissement. La métropole lyonnaise, élue au scrutin direct, peut s'imposer aux communes. Que deviendront les arrondissements ? La proximité donnée aux maires d'arrondissement est une bonne chose, encore eût-il fallu préciser les compétences. Vous prétendez qu'un texte subséquent sera déposé... Après avoir dit que vous ne ferez pas adopter un texte sans l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat, pensez-vous que nous pouvons vous faire confiance et voter ce texte ? Chez moi, dans le Bugey, on dit que l'on n'achète pas dans un sac ; vous ne nous vendrez pas un texte aux conséquences inconnues ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte présente plusieurs risques d'inconstitutionnalité.

Premier risque : deux scrutins se dérouleront en même temps. Or ils n'auront pas la même valeur, mais les électeurs penseront le contraire ; cela suscitera une certaine confusion.

Quelle était l'intention initiale ? Créer une unité municipale ? Alors, pourquoi créer un effet bastion pour l'arrondissement ? La réponse est simple : l'auteur du texte s'est rendu compte qu'il était impossible de supprimer l'arrondissement, échelon de proximité par excellence.

Ce nouveau mode de scrutin, peu intelligible, complexifie au lieu de simplifier. D'où un risque lié à la sincérité du scrutin.

Deuxième risque : différencier la prime majoritaire du droit commun constitue une dérogation qui n'est plus justifiée par un régime spécifique, puisque le principe du texte est justement de rapprocher le droit applicable à Paris, Lyon et Marseille du droit commun.

Troisième risque : le statut des arrondissements. Même si le Conseil constitutionnel fait rarement preuve d'activisme présidentiel, il pourrait avoir la volonté de le faire, en reconnaissant le conseil d'arrondissement comme apparenté à une collectivité territoriale. Dès lors, le texte risquerait d'être frappé d'inconstitutionnalité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Arlette Carlotti .  - Pour ma part, je suis favorable à cette proposition de loi. Certes, elle n'est pas parfaite, mais elle met fin à un régime dérogatoire en vigueur depuis 1982. Quelque 10 % du corps électoral sont prisonniers d'un mode de scrutin d'exception. Le Sénat aurait dû prendre toute sa part dans ce débat, car sa force réside dans sa capacité à porter la voix de nos territoires.

Je regrette que nous n'ayons pas trouvé le chemin pour améliorer ce texte. Le Sénat a refusé ce travail : c'est inédit ; ce n'est pas l'esprit de la maison, selon moi. Trouvons une position commune, au moins sur la prime majoritaire.

Mme Antoinette Guhl .  - Monsieur le ministre, je m'interroge : dans quel monde parallèle vivez-vous pour nous faire vivre cette parodie de démocratie ? Les ordres du jour des deux chambres ont été modifiés pour faire passer cette proposition de loi au forceps. Ne serait-ce pas le monde extraordinaire de Mme Dati ?

Il y a sans doute plus urgent à faire que de modifier sur un coin de table le mode de scrutin des trois plus grandes villes de France. Sous prétexte d'harmonisation, le texte prévoit une prime majoritaire qui n'existe dans aucune autre commune.

À qui profite cette réforme ? Certainement pas aux citoyens, ni aux agents, ni aux fonctionnaires ! Seulement à celle qui, de peur de perdre une élection, modifie les règles du jeu. Plus que du tripatouillage, c'est presque du conflit d'intérêts. Tailler une élection sur mesure pour ses propres intérêts n'est pas digne de la représentation nationale.

Le GEST n'a jamais été fermé à une réforme du mode de scrutin. Mais encore faut-il un débat ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Colombe Brossel .  - Que cette soirée est bizarre et triste ! Vous ne faites même pas semblant de prendre des notes, monsieur le ministre. (M. Patrick Mignola montre ses notes à l'oratrice.)

Parisiens, Marseillais, Lyonnais, nous vous avons tous dit avec honnêteté et passion ce qui ne va pas dans ce texte : la dévitalisation des maires d'arrondissement. Vous n'avez même pas fait semblant d'écouter, encore moins de trouver une solution. À nos arguments d'amoureux de nos villes, vous n'avez opposé qu'un mépris lâche.

Comme les enfants, vous continuez à avoir recours à la pensée magique - pourtant, cela s'arrête vers 3 ou 4 ans normalement ! Si je dis que cela n'existe pas, cela n'existe pas... Vous mettrez à bas l'histoire de nos villes et l'organisation de nos politiques de proximité, avec cynisme. C'est triste. (Applaudissements à gauche)

M. Mathieu Darnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je ne parlerai pas de l'impréparation du texte, ni du fond - les trois urnes à Lyon -, ni du fait qu'il aurait dû être examiné d'abord par le Sénat, ni du fait qu'il est étonnant de modifier les règles à moins d'un an d'une élection.

Je parlerai de la pierre philosophale, l'argument massue de ce texte : le retour au droit commun ! La belle affaire. Et attention, mes chers collègues, Lyon ne serait plus la troisième ville de France - c'est Toulouse. Et comment la troisième ville de France pourrait-elle avoir un mode de scrutin différent de Lyon, Paris et Marseille ?

Vous répétez à l'envi, monsieur le ministre : pourquoi nous opposer à ce texte ? Parce qu'un tel argument massue doit être étayé. Nous ne sommes pas opposés à une véritable évolution, prenant en compte la proximité. Seulement, nous n'avons pas eu un débat parlementaire, mais un vaudeville ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Christian Bilhac et Marc Laménie et Mme Colombe Brossel applaudissent également.)

M. le président.  - Amendement n°1 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Excluons Paris et Lyon du dispositif. Lors de la CMP, le rapporteur pour l'Assemblée nationale m'avait surprise en affirmant qu'organiser les trois scrutins simultanément à Lyon était possible. Or ce n'est pas le cas ! Le maire de Lyon me l'a confirmé.

M. le président.  - Amendement n°9 de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - La situation lyonnaise reflète le bricolage entourant le texte, dont l'auteur n'a visiblement pas dépassé le périphérique...

Le ministre a parlé d'angle mort. Il propose une mission flash et un projet de loi organique, mais toujours pas de solution pour le triple scrutin lyonnais ! Les élus commencent à s'inquiéter : il faudra pousser les murs dans certaines écoles. Nous n'avons toujours aucune réponse du Gouvernement. Difficile de demander à l'auteur, puisqu'il n'a consulté aucun maire d'arrondissement lyonnais : ce texte est pensé pour une candidate parisienne.

M. le président.  - Amendement n°4 de Mme Carlotti.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Je retire cet amendement au profit du suivant, mieux rédigé.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié bis de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Nous nous efforçons d'améliorer autant que faire se peut ce texte qui sera voté, puisque telle est la volonté de Rachida Dati et du commis d'office du Gouvernement...

Nous proposons un seul scrutin, avec un seul bulletin et une seule urne. Ce système serait plus lisible pour l'électeur, qui verrait sur une même liste les candidats pour la mairie de secteur et ceux pour la mairie centrale. Il rapprocherait le citoyen de la mairie centrale, tout en maintenant son lien avec la mairie d'arrondissement.

Nous proposons en outre le retour au droit commun pour la prime majoritaire, soit 50 %.

M. le président.  - Amendement n°2 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - La prime majoritaire, de 50 % dans toutes les communes de France, serait ramenée à Paris, Lyon et Marseille à 25 %, très loin du droit commun. Cet amendement revient sur cette curiosité...

M. le président.  - Amendement identique n°7 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - S'il s'agit avec ce texte de consacrer un retour au droit commun, comme le prétend le Gouvernement, pourquoi instaurer une prime majoritaire dérogatoire ? Nous dénonçons cette narration trompeuse. Le système proposé frôle l'absurde, puisque deux primes différentes s'appliqueraient, selon que le scrutin concerne la mairie de secteur ou la mairie centrale.

M. le président.  - Amendement n°5 de Mme Carlotti.

Mme Marie-Arlette Carlotti.  - Il s'agit d'un amendement de repli, fixant la prime majoritaire à 33,3 %, au cas où les précédents ne seraient pas adoptés.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Les amendements de cette série portent sur trois sujets : les villes concernées par la réforme ; les modes de scrutin ; la prime majoritaire.

Avis défavorable aux amendements nos1 et 9, qui posent des difficultés multiples : risque de rupture d'égalité, atteinte à la sécurité du scrutin, difficultés organisationnelles... Personne ne s'oppose à une réforme, mais à condition qu'il y ait une évaluation préalable. Exclure l'une des villes de la réforme ne réglerait pas les problèmes des autres.

Avis défavorable à l'amendement n°6 rectifié bis. Introduire un bulletin unique ne réglerait pas les problèmes, bien au contraire : les électeurs seraient obligés de voter pour la même liste au conseil d'arrondissement et au conseil municipal, alors qu'il s'agit de deux scrutins différents. Nous appelons de nos voeux une concertation pour élaborer une réforme mêlant compétences et mode de scrutin.

Avis défavorable aux amendements identiques nos2 et 7, qui prévoient une prime majoritaire de 50 % pour l'élection des conseillers municipaux. Nous appelons au rejet du texte dans son ensemble, compte tenu des innombrables difficultés qu'il pose : il resterait contestable, même modifié sur ce point.

Même avis sur l'amendement n°5, qui instaure une prime majoritaire de 33,3 %. Ce taux dérogatoire n'est justifié par aucune différence de situation objective et créerait sans nul doute une rupture d'égalité.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Mêmes avis que la rapporteure.

Madame Brossel, il n'y a aucun mépris lâche : j'espère que ce sont nos divergences d'approche sur ce texte qui vous conduisent à porter de tels jugements.

Les deux chambres se sont prononcées sur ce texte en des termes très différents, avec une très large majorité en sa faveur à l'Assemblée nationale...

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Avec le RN ! (On renchérit à gauche.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - ... et, au Sénat, une majorité presque aussi large contre lui.

Point de procès d'intention : la responsabilité du Gouvernement est de faire fonctionner les institutions. Comme l'a dit Mme Florennes, pourquoi tant de dramaturgie ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pourquoi le Premier ministre n'a-t-il pas respecté ses engagements ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Nous n'avons pas choisi de coller au droit commun. (M. Guy Benarroche s'exclame.) Nous disons qu'il faut se rapprocher le plus possible du droit commun. Quant à la prime majoritaire de 25 %, elle s'applique à d'autres élections.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pas municipales !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Les conseils municipaux dont nous parlons se rapprochent par leur taille des conseils régionaux.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est faux ! Reconnaissez plutôt que c'est pour avoir les voix de l'extrême droite !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Le choix de l'électeur peut être différent selon qu'il vote pour la mairie centrale ou la mairie d'arrondissement. Garantissons-lui cette liberté.

Le sénateur Dossus a rappelé mes réserves à propos de Lyon. Je regrette que nous n'ayons pas pu favoriser le dialogue entre les deux assemblées pour trouver une solution sur ce point, alors que personne, depuis la loi Maptam, n'a pris en considération le statut particulier de la métropole lyonnaise. Il se trouve que c'est le seul point d'accord entre les deux assemblées que d'avoir rejeté l'exclusion de Lyon proposée par le Gouvernement en première lecture.

Mme Colombe Brossel.  - Je crois me souvenir que le premier à avoir avancé l'argument du droit commun, c'est le Président de la République, dans une interview télévisée. Le résultat auquel nous parvenons est baroque...

À l'Assemblée nationale, vous avez quand même compris qu'il était ennuyeux que les maires d'arrondissement ne siègent pas au conseil municipal. Mais comme la mesure que vous avez cherché à introduire n'est pas passée, on a vu arriver la prime majoritaire de 25 %.

Et, ce soir, pompon sur la pomponnette : il faudrait qu'on ait le même mode de scrutin que les régions, parce que la taille de nos hémicycles ressemblerait à celle des conseils régionaux. Les bras m'en tombent...

Le travail que vous avez mené n'est ni fait ni à faire ; mais, au moins, prenez-nous un peu au sérieux ! (Applaudissements sur diverses travées)

M. Guy Benarroche.  - Vous avancez l'argument de la proximité, et je suis d'accord. Mais cela veut-il dire que le maire de secteur aura des compétences et des moyens pour agir ? En réalité, vous flouez l'électeur, car le maire de secteur ne sera pas en mesure de mettre en oeuvre ses engagements !

Mme Valérie Boyer.  - C'est un dol !

M. Stéphane Le Rudulier.  - Je ne comprends pas l'attachement du Gouvernement à ce texte. C'est un peu comme un projet de loi, l'avis du Conseil d'État en moins...

Aux élections régionales, il y a, en effet, une prime de 25 %, mais un seul bulletin de vote. Le mode de scrutin est donc beaucoup plus lisible que celui que vous nous présentez.

Vous voulez, au fond, séparer l'élection au niveau de la ville et celle au niveau de l'arrondissement. Un chef de file ne pourra cumuler les mandats, les ressources seront transférées de la ville à l'arrondissement. N'est-ce pas une collectivité territoriale qui ne dit pas son nom ? Si tel est le cas, le principe de libre administration n'est pas respecté.

L'argument du rapprochement du droit commun n'a pas de sens. Ne peut-on réfléchir à un mode de scrutin spécifique pour les villes de plus de 500 000 habitants - dont Toulouse, comme l'a dit M. Darnaud ? Ce travail pourrait prendre la forme d'une mission d'information, comme l'a proposé le président Larcher.

M. Francis Szpiner.  - Si vous aviez travaillé, vous n'auriez jamais fait cette réforme. J'ai été élu à 76 % maire du 16e arrondissement, un secteur aussi peuplé que - au hasard - la ville du Havre.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ça va... (Sourires)

M. Francis Szpiner.  - Ma seule force tenait au fait que je siégeais, avec douze de mes élus, au Conseil de Paris. Alors que le maire d'arrondissement est un géant à la légitimité démocratique, vous en faites un nain politique. Je m'étonne de votre manque de travail et de votre méconnaissance de la ville...

Quand je suis arrivé au Sénat, je n'imaginais pas entendre des gens mentir, ce qu'a fait le Premier ministre. Vous prétendez que 91 % des Parisiens plébiscitent cette réforme, mais ce sondage repose sur une question mensongère : « voulez-vous élire directement votre maire ? »

Cette réforme ne ressemble à rien et elle est antidémocratique ! (Applaudissements sur de nombreuses travées)

L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos9 et 6 rectifié bis.

Les amendements identiques nos2 et 7 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°5.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°349 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption   86
Contre 247

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - L'Assemblée nationale a empêché un conseiller d'arrondissement de siéger au conseil métropolitain : les conseillers métropolitains seraient nécessairement issus des mairies centrales. Même le maire d'arrondissement ne pourrait siéger au conseil métropolitain. Supprimons cette incongruité.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Avis favorable à cet amendement de suppression, la commission appelant au rejet du texte.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Il s'agit d'une mesure de cohérence, pour que les conseillers métropolitains soient élus avec la même prime majoritaire que les conseillers municipaux. Avis défavorable.

L'amendement n°8 rectifié est adopté.

L'article 1er bis est supprimé.

M. le président.  - Amendement n°3 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.

L'amendement n°3 n'a plus d'objet.

L'article 1er ter n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié de M. Dossus et alii.

M. Thomas Dossus.  - Il s'agit d'un amendement symbolique, mais qui prouve que la loi PLM est perfectible. Le nombre de conseillers d'arrondissement est fixé dans un tableau qui n'a pas été actualisé, alors que les dynamiques démographiques sont contrastées. Nous proposons de mettre à jour la répartition pour Lyon à l'aune du dernier recensement : actuellement, un conseiller du IIIe arrondissement représente plus d'habitants qu'un élu du Ier ou du IXe.

Mme Lauriane Josende, rapporteure.  - Les tableaux fixant le nombre de conseillers municipaux n'ont pas été actualisés depuis 1983, sauf à Paris. Or la démographie a évolué, évidemment, si bien que le poids démographique de chaque arrondissement ou secteur n'est plus reflété. Mais j'émets un avis défavorable, conformément à la position de la commission sur le texte. Il faudra cependant s'y pencher rapidement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - L'amendement actualise le nombre de conseillers municipaux et non d'arrondissement, ce qui a pour effet de sortir Lyon de la réforme. À l'article 2 de la proposition de loi, les tableaux des conseillers d'arrondissement sont mis à jour, tant pour Paris, que pour Lyon et Marseille, sur la base des derniers recensements Insee. Le tableau pour Paris était déjà à jour, mais celui de Lyon datait de 1982 et celui de Marseille de 1977.

Mme Colombe Brossel.  - Je répéterai inlassablement la vérité contre les mensonges proférés : nous n'avons pas besoin de réformer le mode de scrutin pour actualiser les tableaux. À Paris, le tableau a été actualisé sans modification du mode de scrutin, ...

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est ce que je viens de dire.

Mme Colombe Brossel.  - ... en concertation avec le gouvernement de l'époque, la maire de Paris et les maires d'arrondissement. Nul besoin pour cela de mettre à bas les mairies d'arrondissement.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Un texte de réactualisation de ces tableaux aurait recueilli notre vote unanime et nous aurait laissé le temps de mener une réflexion de long terme.

L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

Mme Antoinette Guhl .  - « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'il y ait accord de l'Assemblée nationale et du Sénat. » (L'oratrice répète cette citation trois fois ; la troisième répétition déclenche des rires.). Monsieur le ministre, êtes-vous d'accord avec ces propos, tenus par le Premier ministre en février dernier ? (Applaudissements à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Mireille Jouve applaudit également.)

L'article 4 n'est pas adopté, non plus que l'article 5.

M. le président.  - Si l'article 6 est supprimé, il n'y aurait pas d'explications de vote. Quelqu'un demande-t-il la parole ?

M. Mathieu Darnaud.  - Il est temps que l'examen de ce texte s'achève. C'est la tristesse qui domine. Élu du département de la plus petite préfecture de France, je ne comprends peut-être pas les subtilités de votre argumentation... Les maires qui ont un conseil municipal fourni doivent craindre ce soir que vous ne fassiez passer leur prime majoritaire de 50 % à 25 % ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche)

Je ne suis pas convaincu par l'argument du droit commun ; ce que je sais, c'est que ce texte créera encore des exceptions, or ce n'est pas ce dont notre pays a besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et à gauche)

M. Rémi Féraud.  - Voilà un texte bâti sur une pyramide de mensonges. Le maire de Paris aurait parfois été élu par une minorité : c'est faux. Avec ce texte, les Parisiens, Lyonnais et Marseillais pourraient élire directement leur maire : c'est faux, l'élection demeurera indirecte. On reviendrait, en ce qui concerne Paris, à la normale ou à avant 1983 : c'est faux, le mode de scrutin du Conseil de Paris a traversé toutes les Républiques (applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains), mais votre gouvernement le raye d'un trait de plume...

On ne change pas un mode de scrutin sans consensus moins d'un an avant. L'amendement voté ici à l'initiative d'Alain Richard ? Balayé !

Autre mensonge : celui du Premier ministre, rappelé par Mme Guhl.

Enfin, le mensonge du droit commun, qui justifiera peut-être la censure de ce texte par le Conseil constitutionnel.

Le mode de scrutin actuel est subtil et utile aux Parisiens ; vous instaurez un mode de scrutin pour une ministre-candidate, mise en examen pour corruption et trafic d'influence ; j'espère que cela se retournera contre vous. (Applaudissement sur les travées du groupe SER et du GEST)

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 6 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°350 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption   87
Contre 247

L'article 6 est supprimé.

M. le président.  - Les articles de la proposition de loi de loi ont été successivement supprimés. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission.  - Le Sénat a rejeté ce texte encore plus massivement qu'en première lecture.

Le Sénat n'est jamais ni complaisant ni hostile à un gouvernement. Il a besoin de confiance. Mais quelle confiance pouvons-nous avoir, quand vous passez outre à notre vote, contrairement à vos engagements ? Quand vous prétendez que la CMP n'a pas été conclusive à cause du Sénat ? Quand vous nous demandez d'examiner un texte en trois jours ouvrés, que le ministre donne tout juste un avis de sagesse et que le texte n'ira jamais à son terme ? Tout cela n'est ni raisonnable ni sérieux. Nous attendons d'autres relations lors de la prochaine session. (Applaudissements)

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est la première fois, depuis la prise de fonctions de ce gouvernement, que les deux assemblées s'expriment de façon aussi diamétralement opposée.

Mais ne faites pas d'un cas ponctuel une généralité. Sur plusieurs textes dont le Sénat a été l'initiative - proposition de loi Narcotrafic, proposition de loi Gremillet, proposition de loi Duplomb - le travail a été mené en confiance, avec un climat moins serein à l'Assemblée nationale...

Mme Audrey Linkenheld.  - Pas sur le narcotrafic !

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Pour autant, le Gouvernement a veillé à ce que ces textes soient adoptés.

Je tiens à vous assurer de tout le respect du Gouvernement envers le Sénat. Nous avons travaillé en confiance et en responsabilité sur ces textes ; j'espère qu'il en ira de même à l'avenir.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée.  - Vous avez le droit de changer d'avis !

Une voix à gauche.  - Vivement la censure !

Prochaine séance demain, jeudi 10 juillet 2025 à 10 h 30.

La séance est levée à 23 heures.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 10 juillet 2025

Séance publique

À 10 h 30, l'après-midi et le soir

Présidence : M. Xavier Iacovelli, vice-président, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : M. Fabien Genet, Mme Véronique Guillotin

1Une convention internationale examinée selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama (texte de la commission, n°818, 2024-2025)

2Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (texte de la commission, n°832 rect., 2024-2025) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (texte de la commission, n°833, 2024-2025)

3Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social (texte de la commission, n°839, 2024-2025)

4Deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte de la commission, n°825, 2024-2025)