EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES
À LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Article 1er

Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer deux directives relatives à la garantie légale de conformité

Cet article, dont la commission des finances a délégué l'examen au fond à la commission des affaires économiques, vise à habiliter le Gouvernement pendant dix mois à légiférer par ordonnance en vue de transposer deux directives qui réforment, notamment en l'adaptant aux biens numériques, la garantie légale de conformité applicable aux ventes entre professionnel et consommateur.

Compte tenu des échanges avec le Gouvernement sur ses intentions quant aux modalités de transposition des directives, qui vont dans le sens d'une meilleure protection du consommateur, la commission a accepté le principe de la transposition par ordonnance et n'a, en conséquence, adopté qu'un amendement visant à mettre en cohérence le délai d'habilitation avec le délai de transposition prévu par les directives.

I. La situation actuelle - Deux directives européennes visant à adapter la garantie de conformité à l'ère numérique en vue de mieux protéger les consommateurs.

Dans sa stratégie pour un marché unique du numérique en Europe 1 ( * ) , et au lendemain de l'abandon de sa proposition d'harmonisation du droit européen de la vente 2 ( * ) , la Commission européenne annonçait « avant la fin de 2015, une proposition (...) qui concernera des règles harmonisées de l'Union Européenne (UE) applicables aux achats de contenu numérique en ligne ».

Présentées le 9 décembre 2015, deux directives ont été adoptées le 20 mai 2019, l'une visant à actualiser le régime de la garantie de conformité de la vente de biens (ci-après, « directive sur la vente de biens ») 3 ( * ) , l'autre consacrée à l'introduction d'une garantie de conformité pour les contrats de fourniture de contenus et services numériques (ci-après, « directive sur les contenus et services numériques ») 4 ( * ) . Elles se justifient toutes deux par l'objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur tout en garantissant un niveau élevé de protection du consommateur .

Les États membres ont jusqu'au 1 er juillet 2021 pour transposer ces directives , qui seront applicables à compter du 1 er janvier 2022. Leur réexamen est prévu au plus tard en juin 2024. Il s'agit de directives dites « d' harmonisation maximale » : dans ce cas, sauf disposition contraire de la directive, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire de dispositions plus souples ou plus strictes dans leur droit national.

1. La garantie de conformité actuellement en vigueur en France ne s'applique qu'aux ventes de biens meubles corporels.

Dans le cadre d'un contrat de vente de biens meubles corporels entre un professionnel et un consommateur , le droit en vigueur met à la charge du professionnel et au bénéfice du consommateur acquéreur :

- une obligation de livrer le bien ou de fournir la prestation de service 5 ( * ) dans un délai maximum de 30 jours, sous peine de résolution du contrat (obligation de délivrance du bien) ;

- une obligation de fournir un bien conforme à l'usage attendu et à la description du vendeur 6 ( * ) et de répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance : c'est ce que l'on appelle la « garantie légale de conformité » 7 ( * ) , encadrée a minima au niveau européen 8 ( * ) , et qui se superpose à la garantie des vices cachés issue de code civil de 1804 (applicable à toute vente de bien, mobilier comme immobilier) 9 ( * ) .

Cette garantie ne s'applique qu'aux biens meubles 10 ( * ) . Il n'existe, en conséquence, aucune garantie quant à la fourniture de contenus ou de services numériques.

L'action en garantie est enserrée dans un délai de prescription assez strict de deux ans à compter de la délivrance du bien . C'est un délai dérogatoire à la prescription quinquennale de droit commun 11 ( * ) , et plus strict que celui applicable à la garantie des vices cachés du code civil 12 ( * ) , pour laquelle l'action est prescrite deux ans à compter de la découverte du vice.

Ce délai de prescription constitue de fait le délai de garantie 13 ( * ) . En effet, le choix avait été fait, à l'occasion de la transposition de la directive de 1999 par ordonnance, de retenir un délai de prescription en lieu et place d'un délai de garantie, cette option étant ouverte par l'article 5 du texte. L'esprit de cette disposition était motivé par le fait que le consommateur pourrait toujours, une fois ce délai passé, agir sur le fondement de la garantie contre le vice caché.

En revanche, au regard des autres pays européens, le droit français de la garantie légale de conformité est considéré comme particulièrement protecteur en ce qui concerne la présomption d'antériorité des défauts . Alors que le droit européen n'exigeait que six mois, la présomption d'antériorité des défauts de conformité dure en effet, depuis la loi « consommation » de 2014 14 ( * ) , vingt-quatre mois à compter de la délivrance du bien : le défaut qui apparaît dans ce délai est présumé exister au moment de la délivrance, c'est donc au professionnel d'apporter la preuve que le défaut est ultérieur à la délivrance du bien. Selon l'étude d'impact, la France est le seul pays de l'Union européenne à appliquer ce délai, avec le Portugal. En cela, la garantie de conformité est plus protectrice que la garantie des vices cachés, régime dans lequel la preuve que le défaut existait au moment de l'achat reste à la charge de l'acquéreur.

S'agissant de la notion de conformité , un bien est considéré comme étant conforme au contrat s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable, s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle, s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, notamment dans la publicité ou l'étiquetage, ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté. La non-conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge est également considérée comme un défaut de conformité du bien.

S'agissant des remèdes , l'acheteur a d'abord le choix entre deux remèdes en nature : la réparation ou le remplacement (sauf si le choix de l'acheteur représente un coût manifestement disproportionné pour le vendeur).

La loi « économie circulaire » incite à opter pour la réparation et renforce l'information du consommateur

Alors que les considérations d'ordre environnemental pourraient conduire à privilégier la réparation, cette option n'a pas été remise en cause par la directive sur la vente de biens. C'est pourquoi la loi « économie circulaire » a établi un mécanisme d'incitation à choisir la réparation : incitation pour les consommateurs, en étendant la garantie légale de six mois en cas de réparation , et incitation pour les professionnels, en prévoyant un renouvellement de la garantie légale de conformité en cas de remplacement suite à l'absence de réparation par le vendeur 15 ( * ) . Le délai de prescription est alors allongé en conséquence 16 ( * ) . Au-delà de son caractère incitatif, ce dispositif a également le grand avantage de combler un vide : auparavant, quand le consommateur faisait remplacer le bien, le nouveau bien ne bénéficiait d'aucune garantie légale 17 ( * ) .

Cette loi a également entendu renforcer l'information du consommateur sur la garantie légale de conformité . Si le code de la consommation prévoyait déjà, en son article L. 211-2, l'obligation d'inclure une information sur la garantie dans les conditions générales de vente (CGV) du produit, la loi oblige désormais le professionnel à indiquer la durée de la garantie légale de conformité sur la facture remise au consommateur pour certains biens, dont la liste sera fixée par décret 18 ( * ) . Elle sanctionne l'absence des mentions citées à cet article de 3000 euros d'amende pour une personne physique et de 15 000 euros d'amende pour une personne morale.

En cas d'impossibilité de réparer ou de remplacer le bien, ou lorsque son choix n'est pas mis en oeuvre un mois après sa réclamation ou si le bien ne peut être réparé ou remplacé sans inconvénient majeur 19 ( * ) compte tenu de la nature du bien et de l'usage recherché, le consommateur peut recourir à deux remèdes en valeur : demander la résolution du contrat, avec restitution du bien et du prix, ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix . En cas de restitution du prix, ce sont les dispositions du droit commun des contrats relatives aux restitutions prévues dans le code civil qui s'appliquent 20 ( * ) .

Ces dispositions ne font pas obstacle à toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle que le consommateur pourrait exercer, notamment en vue d'obtenir l'allocation de dommages et intérêts s'il a subi un préjudice découlant de la non-conformité du bien.

Le professionnel bénéficie d'une action récursoire lorsque le manquement est imputable à une personne située en amont dans la chaîne de transactions

Aucune exigence de forme n'est prévue pour mettre en oeuvre cette garantie : une simple lettre, de préférence recommandée avec avis de réception, suffit 21 ( * ) .

Au-delà de la garantie légale, il existe un encadrement des garanties commerciales dans le cadre de ventes de biens, qui correspondent à toutes les garanties - qu'elles soient gratuites ou payantes 22 ( * ) - auxquelles le professionnel s'engage envers le consommateur de son propre chef, au-delà de la garantie légale 23 ( * ) . Lorsqu'un vendeur parle d'un produit « garanti pendant X ans », il s'agit le plus souvent de la garantie commerciale. Elle peut permettre de se faire rembourser, de réparer le bien ou de le remplacer. Elle se distingue de la garantie légale en ce qu'elle couvre les défauts n'existant pas au moment de la délivrance du bien.

Une telle garantie est soumise à un certain formalisme et une disposition prévoit que la garantie est prorogée le temps de la remise en état lorsque celle-ci dure plus de sept jours.

La loi pour un État au service d'une société de confiance 24 ( * ) a permis aux entreprises de saisir l'administration pour obtenir une position sur la conformité de leurs garanties commerciales aux exigences du code de la consommation (« rescrit administratif »).

Le service après-vente de biens est également encadré en droit français 25 ( * ) .

Enfin, les dispositions relatives à la garantie légale, à la garantie commerciale et au service après-vente font l'objet d'une sanction civile commune : il ne peut être dérogé aux dispositions légales par convention .

Celles relatives à la garantie commerciale et au service après-vente, qui imposent un certain formalisme, font l'objet d'une sanction administrative en cas de manquement (3000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale). À l'inverse, compte tenu de l'approche au cas par cas nécessaire pour déterminer si la garantie a été respectée ou non, la garantie légale ne fait pas l'objet de sanctions administratives.

2. La directive 2019/770 crée une garantie de conformité pour les « contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques ».

Il s'agit de la principale nouveauté introduite par les directives examinées. La directive sur les contenus et services numériques étend à ces contenus et services la notion de garantie de conformité en vue de renforcer la protection des consommateurs européens.

• Champ d'application : les contenus et services numériques rendus contre un prix ou en l'échange de données personnelles

La notion de contenu numérique 26 ( * ) , recouvre, « entre autres, les programmes informatiques, les applications, les fichiers vidéo, les fichiers audio, les fichiers musicaux, les jeux numériques, les livres électroniques ou les autres publications électroniques » 27 ( * ) . Celle de services numériques 28 ( * ) recouvre les services « qui permettent la création, le traitement ou le stockage de données sous forme numérique, ainsi que l'accès à celles-ci, y compris les logiciels à la demande, tels le partage vidéo et audio et les autres formes d'hébergement de fichiers, les traitements de texte ou les jeux proposés dans l'environnement informatique en nuage et les médias sociaux » 29 ( * ) .

La directive s'applique quel que soit le support utilisé pour fournir le contenu ou le service numérique (support matériel, comme les DVD, les CD, les clés USB et les cartes à mémoire, pour autant qu'il serve exclusivement à transporter le contenu 30 ( * ) ; téléchargement ; retransmission en ligne ( web streaming )...).

Surtout, elle s'applique que la contrepartie en l'échange du contenu ou service soit le paiement d'un prix ou la fourniture de données personnelles 31 ( * ) .

• Obligations du professionnel : fournir des contenus et services numériques conformes au contrat, y compris les mises à jour nécessaires.

Comme pour les biens corporels, le professionnel a ainsi pour obligations de fournir sans retard injustifié le contenu ou le service numérique (« obligation de fourniture »), et que le contenu ou le service numérique fourni soit conforme au contrat (« obligation de conformité »).

L'obligation de fourniture est remplie dès lors que le contenu numérique est rendu disponible ou accessible pour le consommateur.

S'agissant de la garantie de conformité , le professionnel peut, comme pour les biens meubles corporels, être tenu responsable pour défaut de conformité dans un délai qui ne peut être inférieur à deux ans à compter de la fourniture pour les contrats se traduisant par une fourniture unique ou une série d'opérations de fourniture distinctes. Si l'État membre souhaite introduire un délai de prescription des recours, celui-ci doit permettre au consommateur de les exercer pour tout défaut qui apparaît durant ce délai de garantie. En revanche, contrairement au droit en vigueur en France s'agissant des biens corporels, le délai de présomption d'antériorité est fixé à un an , sans marge de manoeuvre des États membres.

La directive appréhende le cas particulier des contrats prévoyant une fourniture continue de contenu ou de service numérique en précisant que l'obligation de conformité, de même que la présomption d'antériorité, vaut alors pour toute cette période . À nouveau, l'éventuelle prescription introduite par un État membre doit permettre au consommateur de les exercer pour tout défaut de conformité qui survient ou apparaît durant cette période.

La notion de conformité s'examine tant au regard de critères subjectifs (correspondance aux modalités - y compris les accessoires, instructions d'installation, assistance à la clientèle et les mises à jour - précisées dans le contrat, adaptation à la finalité spécifique recherchée par le consommateur et portée à la connaissance du professionnel) que de critères objectifs (adaptation aux finalités auxquelles serviraient normalement les contenus et services du même type, conformité aux attentes raisonnables du consommateur du fait de la nature du contenu ou service et compte tenu des déclarations publiques faites par les professionnels, conformité à la version d'essai).

Deux cas font l'objet d'un traitement spécifique : les mises à jour, d'une part, l'intégration incorrecte du contenu ou du service numérique dans l'environnement numérique du consommateur, d'autre part.

Le professionnel doit ainsi informer le consommateur et lui fournir les mises à jour « nécessaires au maintien de la conformité » tout au long du contrat ou, dans les cas d'une fourniture unique ou d'une série d'opérations de fourniture distinctes, durant la période à laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre .

Une application devra-t-elle être mise à jour pendant toute la durée de son utilisation 32 ( * ) ?

Pas forcément, dans la mesure où seules les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité seront obligatoires. Quant à la période durant laquelle s'applique cette obligation, cela dépendra de la situation.

Si l'application est acquise par une fourniture ponctuelle (ex. : un téléchargement) ou une série d'opérations de fourniture ponctuelles, la mise à jour sera obligatoire au cours de la période « à laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre, eu égard au type et à la finalité du contenu numérique ou du service numérique et compte tenu des circonstances et de la nature du contrat ».

Si l'application est considérée comme faisant l'objet d'une fourniture continue (ex. : lorsque l'application interagit avec un réseau à distance ou fournit des services en continu), la mise à jour sera obligatoire « au cours de la période durant laquelle » elle « doit être fournie au titre du contrat ». La création d'un compte utilisateur ou la conclusion d'un abonnement peut être un indice éclairant pour qualifier la fourniture continue.

Si le consommateur n'installe pas ces mises à jour, le professionnel est déchargé de sa responsabilité, à conditions, d'une part, d'avoir prévenu le consommateur de la disponibilité de la mise à jour et des conséquences de sa non-installation, d'autre part, que la non-installation ne soit pas imputable au professionnel.

La directive encadre également les modalités de modification du contrat . Pour toutes les modifications - de fait, également des mises à jour 33 ( * ) - qui ne sont pas nécessaires au maintien de la conformité , le professionnel ne pourra y recourir que sous certaines conditions : que le contrat l'autorise pour une raison valable, et qu'elle n'entraîne pas de coût pour le consommateur , qui doit en être informé de façon claire et compréhensible.

Lorsque la modification a une incidence négative sur l'accès au contenu ou service ou sur leur utilisation, le consommateur doit être informé « raisonnablement à l'avance et sur un support durable, des caractéristiques et du calendrier de la modification » et a droit à la résolution du contrat , sauf si l'incidence négative n'a qu'un caractère mineur ou si le professionnel permet au consommateur de conserver le contenu ou service sans la modification, si le contenu ou service reste conforme (ce dernier cas de figure pourrait intervenir, par exemple, lorsque le consommateur estime que la mise à jour utiliserait une mémoire trop importante sur son appareil).

Un tel encadrement des modifications au contrat existe déjà, bien que selon des modalités différentes, en droit français pour certains types de contrats, comme les contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel 34 ( * ) ou de services de communications électroniques 35 ( * ) .

Le cas de l' intégration incorrecte à l'environnement numérique du consommateur vise, par exemple, l'achat d'un logiciel ou d'une application qui s'avère incompatible avec la version du système d'exploitation de l'appareil sur lequel le consommateur souhaitait l'utiliser. Cette intégration incorrecte est un défaut de conformité si le contenu ou service a été intégré par le professionnel ou si le contenu ou service numérique était destiné à être intégré par le consommateur et que l'intégration incorrecte est due à des lacunes dans les instructions d'intégration fournies par le professionnel. Cependant, le régime de la preuve est particulier, à deux titres :

- lorsque le consommateur était informé de l'incompatibilité, la présomption d'antériorité d'un an ne s'applique pas ;

- le consommateur doit coopérer avec le professionnel 36 ( * ) pour déterminer si c'est son environnement numérique qui est la cause du défaut de conformité, sous peine de perdre le bénéfice de la présomption d'antériorité.

• Sanction du non-respect de ses obligations par le professionnel : mise en conformité, réduction du prix, résolution du contrat.

En cas de défaut de fourniture, le consommateur doit mettre le professionnel en demeure de s'exécuter 37 ( * ) avant de pouvoir mettre fin au contrat et réclamer un remboursement, sauf cas particuliers où la résolution du contrat est immédiate.

La vidéo à la demande que j'ai payée ne se charge pas, puis-je me faire rembourser ?

Oui, dans les conditions fixées par la directive. Dans le cas d'un service de vidéo à la demande, l'impossibilité de visionner un film loué après que le paiement est intervenu constitue un défaut de fourniture. Après mise en demeure du professionnel de rendre la vidéo lisible « dans un délai raisonnable », le consommateur pourrait demander la résolution du contrat et obtenir un remboursement.

En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit à la mise en conformité - équivalent du remplacement ou de la réparation pour les biens physiques - dans un délai raisonnable 38 ( * ) , sans frais et sans inconvénient majeur pour le consommateur. Si celle-ci est impossible, n'a pas eu lieu dans un délai raisonnable, ne peut se faire sans inconvénient majeur pour le consommateur ou imposerait au professionnel des frais disproportionnés, ou si le défaut de conformité est grave, le consommateur a droit - toujours sans frais - soit à une réduction du prix , soit à la résolution du contrat . La résolution n'est ouverte que lorsque le défaut de conformité « n'est pas mineur » dans le cas d'un contrat prévoyant une contrepartie sous forme de prix. A l'inverse, dans le cas d'un contrat ayant pour seule contrepartie la fourniture de données personnelles, la possibilité d'obtenir une résolution du contrat est ouverte même si le défaut de conformité est mineur, puisque le remède de la réduction de prix est exclu 39 ( * ) .

Le régime de la résolution est également adapté à la nature particulière des contrats de fourniture de contenu et de service numérique : au-delà du remboursement, il prévoit un droit à la récupération des données non personnelles (la récupération des données personnelles étant régie par le règlement général sur la protection des données, appelé « RGPD » 40 ( * ) ). Le consommateur doit ainsi pouvoir récupérer sans frais, dans un délai raisonnable et dans un format couramment utilisé et lisible par machine, tout contenu autre que des données personnelles qui a été créé ou partagé par le consommateur lors de l'utilisation du contenu ou du service numérique. Cependant, la portée de cette obligation est limitée : elle ne s'applique pas aux contenus n'ayant aucune utilité en-dehors du contexte du contenu ou service numérique fourni, n'ayant trait qu'à l'activité du consommateur lorsqu'il utilise le contenu ou service numérique (ex. : choix du personnage d'un jeu vidéo, statistiques d'utilisation du contenu ou service), ou qui ont été agrégés avec d'autres données par le professionnel et ne peuvent être désagrégés.

Dans le même temps, le professionnel doit s'abstenir d'utiliser tout contenu autre que les données à caractère personnel qui a été fourni ou créé par le consommateur lors de l'utilisation du contenu ou service numérique . Mais en réalité, très peu de données ne seront pas réutilisables par le professionnel car de nombreuses exceptions sont fixées 41 ( * ) : il s'agit des contenus non couverts par l'obligation de récupération et de ceux générés conjointement par le consommateur et d'autres personnes quand d'autres consommateurs peuvent continuer à en faire usage.

En cas de résolution, le consommateur doit s'abstenir d'utiliser le contenu ou service et de le rendre accessible à des tiers. Le support matériel sur lequel le contenu a été fourni doit être restitué.

Tout remboursement dû par le professionnel doit être effectué au plus tard 14 jours à compter de l'exercice du droit à une réduction de prix ou à la résolution.

Le professionnel bénéficie d'une action récursoire lorsque le manquement est imputable à une personne située en amont dans la chaîne de transactions.

3. La directive 2019/771 actualise les modalités de la garantie de conformité applicable aux contrats de vente de biens, notamment pour prendre en compte les « biens comportant des éléments numériques ».

Comme souligné dans l'étude d'impact, cette directive reprend pour l'essentiel les règles relatives à la garantie légale de conformité des biens fixées par la précédente directive sur la vente de biens 42 ( * ) , qui est abrogée, et les enrichit en y intégrant les biens comportant des éléments numériques.

• Des marges de manoeuvre permettant à la France de conserver ses dispositions propres relatives à la garantie de conformité des biens.

Comme évoqué plus haut, contrairement à la précédente directive, la directive sur la vente de biens est d'harmonisation maximale. Lors des négociations, le Gouvernement a obtenu que le délai de présomption d'antériorité de deux ans en vigueur en France 43 ( * ) puisse être conservé, au bénéfice des consommateurs . Pour les biens d'occasion, le délai de la présomption d'antériorité ayant été fixé à un minimum d'un an par la directive, contre un délai de six mois actuellement en vigueur en France, la loi « économie circulaire » 44 ( * ) a modifié le droit français, modification qui entrera en vigueur en 2022 45 ( * ) .

La directive permet également aux États de maintenir leurs règles nationales ne régissant pas spécifiquement les contrats de consommation et prévoyant des recours spécifiques pour certains types de défauts qui n'étaient pas apparents au moment de la conclusion du contrat de vente, comme le régime français de garantie des vices cachés déjà évoquée.

De même, les États membres peuvent exclure du champ d'application de la directive les biens d'occasion vendus aux enchères publiques et les ventes d'animaux , ce qui n'obligera pas la France à modifier l'article L. 213-1 du Code rural et de la pêche maritime, qui prive actuellement la vente d'animaux domestiques de la présomption d'antériorité.

• L'actualisation du régime européen de vente de biens, notamment en vue d'assurer une meilleure durabilité des biens.

La notion de conformité est précisée, selon des modalités proches de celles figurant dans la directive sur la fourniture de contenus et de services numériques. Celle-ci s'appréciera aussi bien subjectivement, c'est-à-dire par rapport aux stipulations contractuelles, qu'objectivement, c'est-à-dire au regard de ce qu'il est raisonnable d'attendre d'un bien semblable. En vue de favoriser les pratiques responsables au regard de l'environnement, la directive intègre, parmi les caractéristiques susceptibles d'être attendues, la durabilité du bien, c'est-à-dire sa capacité « à maintenir les fonctions et performances requises dans le cadre d'un usage normal ».

Par ailleurs, la directive renforce l'encadrement européen des garanties commerciales . Il est clairement établi que les garanties proposées dans une déclaration de garantie commerciale ou dans une publicité, qu'elles soient gratuites ou payantes, sont juridiquement contraignantes, les conditions proposées dans la publicité pouvant prévaloir sur celles figurant dans la déclaration de garantie. Des exigences de formalisme sont introduites. Surtout, un encadrement spécifique des garanties de durabilité est introduit : dans l'hypothèse où un producteur 46 ( * ) offrirait au consommateur une telle garantie commerciale, il serait directement responsable vis-à-vis du consommateur.

• L'extension de la garantie de conformité aux biens comportant des éléments numériques

Les considérants 47 ( * ) de la directive précisent que la notion d' obligation de fourniture s'applique tant au bien 48 ( * ) qu'à l'élément numérique du bien.

La directive étend également la garantie de conformité aux biens comportant des éléments numériques dès lors que ces éléments numériques sont fournis avec le bien dans le cadre d'un contrat de vente. La notion de bien comportant des éléments numériques est définie comme « tout objet mobilier corporel qui intègre un contenu numérique ou un service numérique ou est interconnecté avec un tel contenu ou un tel service d'une manière telle que l'absence de ce contenu numérique ou de ce service numérique empêcherait ce bien de remplir ses fonctions » 49 ( * ) . De très nombreux objets connectés sont donc susceptibles de correspondre à cette définition. Les contenus et services intégrés peuvent être un système d'exploitation, les applications d'un téléphone ou d'une montre intelligente, les logiciels d'un ordinateur, ou encore les services de stockage en nuage ( cloud ) ou les systèmes de navigation. C'est ainsi un ensemble d'objets du quotidien qui sont concernés, dès lors qu'ils intègrent des contenus et services numériques : montre, téléviseur, réfrigérateur, articles de cuisine, literie connectés...

Ne seront soumis au régime de la directive sur la vente de biens que les défauts relevant de la part numérique nécessaire à la fonctionnalité du bien . Dans le cas inverse, le contenu ou le service numérique relèvera de la directive qui leur est propre. En cas de doute, le contenu ou service numérique est présumé relever du contrat de vente, c'est donc la directive sur la vente de biens qui prévaudra sur la directive sur les contenus et les services numériques.

Plusieurs dispositions découlent d'une mise en cohérence avec la directive sur les contenus et services numériques. D'abord, s'agissant des bien comportant des éléments numériques dont la fourniture est « continue » sur une certaine période , le délai de garantie doit être prolongé, le cas échéant, au-delà de deux ans, durant la période de fourniture du service ou contenu numérique en vertu du contrat. Il en va de même, lorsqu'il existe en droit national, du délai de prescription . La présomption d'antériorité , que la directive fixe au minimum à un an et au maximum à deux ans, est également étendue à la période d'exécution du contrat en cas de fourniture continue.

Ensuite, la notion de conformité est adaptée à ces biens d'une nature particulière. Est ainsi mentionnée parmi les critères subjectifs de conformité l'interopérabilité du bien.

Surtout, les critères objectifs de conformité intègrent un encadrement des mises à jour , sur le même modèle que celui défini par la directive sur les contenus et services numériques 50 ( * ) (information par le vendeur, qui veille à ce que le consommateur reçoive les mises à jour « nécessaires au maintien de la conformité des biens » selon une période différente selon qu'il s'agit d'une fourniture unique ou continue, clauses d'exonération de responsabilité du vendeur s'il a prévenu le consommateur et que la non-installation de la mise à jour n'est pas imputable aux lacunes dans les instructions d'installation).

La loi « économie circulaire » a procédé à une transposition anticipée de certaines de ces dispositions . Selon les informations transmises par le Gouvernement au rapporteur, cette transposition fait actuellement l'objet d'un examen approfondi afin de s'assurer de sa conformité aux dispositions de la directive, notamment en ce qu'elle adopte une terminologie différente.

L'encadrement des mises à jour introduit par la loi « économie circulaire »

Une nouvelle section, ci-après reproduite, a été insérée dans le code de la consommation dans le cadre de la loi. Ces dispositions ont fait l'objet d'une co-construction entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

« Section 5 : Information du consommateur et obligations du vendeur concernant les mises à jour de logiciels

Article L. 217-21. - Le fabricant de biens comportant des éléments numériques informe le vendeur de la durée au cours de laquelle les mises à jour des logiciels fournis lors de l'achat du bien restent compatibles avec un usage normal de l'appareil. L'usage du bien est considéré comme normal lorsque ses fonctionnalités répondent aux attentes légitimes du consommateur. Le vendeur met ces informations à la disposition du consommateur. Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret.

Article L. 217-22. - Pour les biens comportant des éléments numériques, le vendeur veille à ce que le consommateur soit informé des mises à jour, y compris des mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires au maintien de la conformité de ces biens. Le vendeur veille à ce que le consommateur soit informé de façon suffisamment claire et précise sur les modalités d'installation de ces mises à jour. Le consommateur peut les refuser. Le vendeur informe le consommateur de la conséquence du refus d'installation. Dans ce cas, le vendeur n'est pas responsable d'un éventuel défaut de conformité qui résulterait de la non-installation de la mise à jour concernée.

Article L. 217-23. - Le vendeur veille à ce que le consommateur reçoive les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité des biens au cours d'une période à laquelle le consommateur peut raisonnablement s'attendre. Cette période ne peut être inférieure à deux ans. Un décret fixe dans quelles conditions cette période peut être supérieure à deux ans et varier selon les catégories de produits eu égard au type et à la finalité des biens et éléments numériques et compte tenu des circonstances et de la nature du contrat 51 ( * ) . »

II. Le dispositif envisagé - Une transposition des directives par voie d'ordonnance

L'article 1 er habilite, pendant douze mois , le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer les deux directives et adopter les « mesures de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition » . Il prévoit le dépôt du projet de loi de ratification dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Le rapporteur n'a pas pu obtenir de projet d'ordonnance de la part du Gouvernement. Il a en revanche obtenu divers éclaircissements sur certaines orientations importantes et l'engagement que le Gouvernement organiserait une consultation publique sur les projets d'ordonnances .

1. Transposition de la directive sur les contenus et services numériques

Le Gouvernement entend créer une section dédiée aux contrats de fourniture de contenus et de services numériques au sein du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation, qui porte sur les règles spécifiques à des contrats ayant un objet particulier. Les dispositions prises en droit interne aux fins de transposer la directive sur les contenus et services numériques auront ainsi vocation à s'appliquer de manière transversale, que la fourniture ait été réalisée dans le cadre d'un contrat de vente, d'un contrat de prestation de services ou encore d'un contrat de location.

Selon les informations recueillies par le rapporteur, s'agissant du champ d'application des nouvelles règles de garantie légale des contenus numériques et des services numériques, le Gouvernement entend recourir à la notion de contrats conclus à titre onéreux entre des professionnels et des consommateurs, la fourniture de données personnelles pouvant s'analyser comme une contrepartie non monétaire au sens de la définition des contrats à titre onéreux proposée par le code civil 52 ( * ) . Cela s'inscrirait en résonance de la jurisprudence récente du tribunal de grande instance de Paris en matière de réseaux sociaux, qui envisage non pas les données en elles-mêmes mais les usages et l'exploitation des données comme un avantage potentiel procuré au bénéfice du professionnel dans le cadre de contrats de consommation 53 ( * ) .

Cette acception permettrait une protection large des consommateurs, y compris au-delà des situations dans lesquelles ils fournissent des données à caractère personnel en échange de la fourniture du contenu numérique ou du service numérique . Sous réserve de l'interprétation souveraine des tribunaux, les situations visées au considérant 25 de la directive 54 ( * ) , « telles que la collecte de données personnelles pour fournir le service ou pour répondre à des exigences légales, le collecte de métadonnées, ou les situations dans lesquelles le consommateur est exposé à des annonces publicitaires uniquement afin d'accéder à un contenu ou à un service sans qu'il y ait de contrat », pourraient par conséquent être couvertes par ces dispositions.

Par ailleurs, malgré le flou de la notion de « délai raisonnable » de mise en conformité , le Gouvernement n'entend pas la préciser lors de la transposition, compte tenu de la grande diversité des contenus et services numériques. Il en va de même pour l'obligation de fourniture « sans retard injustifié ».

Enfin, quelques précisions techniques devraient être apportées aux dispositions figurant dans la directive à l'occasion du projet de transposition. Le rapporteur est en mesure d'en donner deux exemples. S'agissant de la récupération des données, la directive prévoyant que le contenu récupéré doit être accessible dans un format « couramment utilisé et lisible par machine », le projet de transposition pourrait préciser que ce format devra être, dans la mesure du possible, identique ou compatible avec celui utilisé par le consommateur. S'agissant de la distinction entre mises à jour (nécessaires au maintien de la conformité) et modifications (non nécessaires au maintien de la conformité) effectuée par la directive, le Gouvernement l'estimant peu opérante, il n'entend pas les distinguer dans le projet de transposition.

2. Transposition de la directive sur la vente de biens et ajustements du droit en vigueur

Comme le relève l'étude d'impact, la principale évolution envisagée porte sur l'aménagement du régime français en vue d'y intégrer les biens comportant des éléments numériques . Mais le Gouvernement estime que cela impose de revoir l'ensemble des dispositions relatives à la garantie de conformité , en particulier les délais applicables pour distinguer le cas des prestations continues de celui des prestations ponctuelles.

• La nécessité de procéder à de nombreuses modifications d'ordre technique.

Par exemple, lorsqu'un contrat porte à la fois sur un bien et un service , le Gouvernement envisage de consacrer l'application distributive des règles relatives à la garantie dans les dispositions législatives du code de la consommation 55 ( * ) . Ainsi, en présence d'un contrat unique ayant pour objet à titre principal la vente de biens couverts par la directive et à titre accessoire la fourniture de services non couverts, seuls les biens relèveront de l'application de la directive. Toutefois, la résolution de l'ensemble du contrat serait ouverte en cas de défaut de conformité des biens.

S'agissant du service après-vente , le Gouvernement entend revoir les dispositions de la section dédiée du code. Prenant acte du fait que la nouvelle directive régit à la fois les garanties commerciales payantes et « gratuites », c'est-à-dire sans supplément de prix, le Gouvernement limiterait cette section du code aux seules prestations payantes relatives aux biens vendus et intervenant après la délivrance du bien. Certaines obligations qui y figurent actuellement seraient ainsi replacées au sein du chapitre VI (relatif à la livraison), telles que la possibilité pour le consommateur d'émettre des réserves lors de la livraison du bien. Des dispositions résiduelles concernant certaines prestations de services après-vente, seraient maintenues afin de conserver les obligations actuelles des professionnels en matière de remise d'un contrat, comme l'information sur l'origine de la panne, les modalités de réparation, et les pièces remplacées.

• Des évolutions du droit en vigueur sont également envisagées pour assurer une protection accrue du consommateur.

Si la présomption d'antériorité de deux ans sera conservée , le Gouvernement envisage de revoir l'articulation entre délai de garantie et délai de prescription en prévoyant un délai de garantie de deux ans, tout en soumettant l'action du consommateur au délai de prescription quinquennal de droit commun, délai courant à compter de la connaissance du défaut de conformité par le consommateur 56 ( * ) . Ainsi, à compter de l'apparition du défaut dans le délai de garantie de deux ans, le consommateur bénéficierait du délai de prescription de droit commun (cinq ans), tel que prévu au code civil, pour agir en garantie. Le schéma ci-dessous illustre le changement envisagé.

Le Gouvernement envisage aussi d'étendre à la garantie légale la disposition, actuellement limitée à la garantie commerciale 57 ( * ) , selon laquelle le délai de garantie est suspendu lorsque le bien est immobilisé par le vendeur aux fins de sa mise en conformité 58 ( * ) .

Le Gouvernement envisage également d'autres aménagements afin de permettre une mise en oeuvre effective des droits des consommateurs prévus par la directive . Ainsi, l'article 20 de la directive relatif à l'information des consommateurs sera transposé par un renforcement des obligations d'informations précontractuelles et contractuelles auxquelles les professionnels sont soumis. Le Gouvernement précisera par voie réglementaire quelles informations devront être indiquées dans certains documents-clés tels que les conditions générales de vente ou d'abonnement ainsi que les contrats de garantie commerciale.

Il en va également ainsi de l'absence de frais lors de la mise en conformité du bien. Il serait en effet apparu, au travers des enquêtes menées par la DGCCRF, que les consommateurs pouvaient être dissuadés de demander le bénéfice de la garantie légale de conformité lorsqu'ils devaient avancer d'importants frais de renvoi du bien ou d'analyse. Dans ces conditions, le Gouvernement envisage de sanctionner, d'une part, les pratiques par lesquelles les professionnels exigeraient une avance disproportionnée au regard du défaut ou de la valeur du bien ; d'autre part, le non-respect de l'obligation de rembourser les éventuels frais avancés.

Toujours en matière de mise en conformité, face au flou de la notion de « délai raisonnable » de mise en conformité , et contrairement à l'option envisagée pour la directive sur les contenus et services numériques, le Gouvernement envisage de prévoir que les professionnels seront tenus de mettre en conformité le bien non conforme « dans un délai raisonnable qui ne peut être supérieur à trente jours ».

Le Gouvernement pourrait aussi encadrer les modalités de remboursement du consommateur à la suite de la résolution 59 ( * ) . Conformément à la directive, le remboursement devrait être effectué par le vendeur « dès réception des biens ou de la preuve de leur renvoi » 60 ( * ) par le consommateur, suivant des modalités identiques au paiement fait lors de l'achat. Le Gouvernement étudie la possibilité d'aligner le délai de remboursement sur celui prévu par la directive sur les contenus et services numériques, à savoir 14 jours 61 ( * ) . Le remboursement tardif pourrait exposer le professionnel à une pénalité, due au consommateur, proportionnelle à l'importance du délai. Une sanction identique serait prévue pour le remboursement en cas de manquement à l'obligation de délivrance du bien.

Il entend également éviter la confusion entre garantie légale et garantie commerciale en apportant des précisions par voie réglementaire.

Enfin, le Gouvernement entend introduire une disposition afin de transposer la possibilité, pour le producteur d'un bien, de proposer une « garantie commerciale de durabilité » s'il respecte les conditions qui s'y rattachent, en particulier les modalités de mise en conformité qui sont celles de la garantie légale.

• En revanche, le Gouvernement ne compte pas utiliser sa marge de manoeuvre sur plusieurs points.

Il en va notamment ainsi d'un point important, à savoir le délai de la garantie de conformité . La directive fixe un minimum de deux ans, mais permet aux États d'introduire des délais plus longs. Le ministère de la justice s'était félicité de ce que le délai de garantie pourrait, au besoin, être « allongé par les États membres au regard notamment de considérations environnementales telles qu'énoncées dans la feuille de route du Gouvernement pour une économie circulaire » 62 ( * ) adoptée en 2018 63 ( * ) . Pour autant, le Gouvernement ne compte pourtant pas faire usage de cette faculté, car il estime que la véritable protection résulte non pas de la durée de la garantie mais de la durée de la présomption d'antériorité.

Ensuite, il ne compte pas utiliser certaines marges de manoeuvre laissées aux États et qui auraient pu se traduire par une moindre protection du consommateur. Si la directive permet aux États d'introduire, à la charge du consommateur qui souhaiterait bénéficier de ses droits, une obligation de notification dans un délai d'au moins deux mois à compter de la date de constat du défaut, le Gouvernement a confirmé au rapporteur que telle n'est pas son intention 64 ( * ) . De même a-t-il confirmé qu'il n'entend pas introduire d' obligation pour le consommateur de minimiser son dommage 65 ( * ) .

Enfin, il n'entend pas introduire de modalités particulières d'exercice, par le consommateur, de son droit à la suspension de paiement en cas de manquement, par le vendeur, à ses obligations 66 ( * ) . Afin d'éviter la multiplication des régimes et d'articuler au mieux les dispositions du code de la consommation avec celles du code civil, le Gouvernement envisage de renvoyer aux dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil, qui encadrent l'exception d'inexécution dans tous les contrats.

3. Des modifications du droit en vigueur en application des deux directives

Le champ d'application personnel des dispositions protectrices des consommateurs sera étendu au-delà de ces derniers, en les appliquant à l'ensemble des non-professionnels , et en particulier aux personnes morales, telles que les associations et syndicats 67 ( * ) . Il n'est, en revanche, pas envisagé de l'étendre aux petites entreprises 68 ( * ) , car le Gouvernement estime que leur situation n'est pas assimilable à celle des consommateurs - lesquels ont besoin d'être protégés tant en raison de l'asymétrie d'information entre le consommateur et le professionnel que de l'absence de négociation des clauses dans le cadre de contrats d'adhésion. Du reste, le Gouvernement n'a reçu aucune demande en ce sens.

Le Gouvernement envisage également de consacrer la théorie des apparences et d'appliquer la garantie légale de conformité à tout vendeur professionnel, ou toute personne se présentant ou se comportant comme un vendeur professionnel, dans leurs relations contractuelles avec des consommateurs (ou des non-professionnels) 69 ( * ) .

Les dispositions des directives relatives à leurs modalités d'exécution par les États membres 70 ( * ) seront transposées par la création ou l'aménagement de sanctions encourues par le professionnel en cas de non-respect de ses obligations au titre de la garantie de conformité ou d'une éventuelle garantie commerciale. Outre les sanctions civiles, constituées essentiellement par les modes de dédommagement prescrits par les directives, les pénalités en cas de non-remboursement, ainsi que la sanction selon laquelle les clauses de contrats qui seraient contraires aux dispositions légales pourront être réputées non écrites, des sanctions administratives pourront être infligées 71 ( * ) . Il en irait notamment ainsi en cas de non-respect des modalités d'exercice de la garantie légale de conformité, telles que l'absence de motivation écrite en cas de refus de mettre en conformité, de non-respect des délais de délivrance et de fourniture, de non-respect des délais de remboursement du prix payé ou des avances versées ou encore de non-respect des obligations du professionnel en cas de résolution du contrat.

Par ailleurs, le droit français permet d'ores et déjà aux associations agréées de poursuivre les professionnels en suppression de clauses abusives ou de cessation de pratiques illicites, ainsi que pour l'indemnisation des consommateurs lésés, dans le cadre de l'action de groupe prévue par le code de la consommation 72 ( * ) , qui couvrira les droits ouverts par les deux directives.

En revanche, sous réserve du cas où une place de marché se présenterait comme le professionnel avec qui le consommateur conclut la vente, le Gouvernement ne compte pas étendre le régime des directives aux « fournisseurs de plateformes qui ne remplissent pas les critères leur permettant d'être considérés comme des vendeurs au sens de la présente directive » 73 ( * ) car il estime que cette disposition est inapplicable. La Commission européenne a précisé au Gouvernement lors d'un atelier de transposition en décembre 2019 que cette extension n'est possible que si elle est conforme au droit de l'Union gouvernant la responsabilité des plateformes - en particulier les articles 12 à 15 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique, qui posent le principe de responsabilité limitée des hébergeurs. Étendre l'application des directives aux plateformes ne remplissant pas les critères leur permettant d'être qualifiées de vendeur risquerait donc, selon le Gouvernement, d'entrer en conflit avec ce principe de responsabilité limitée des hébergeurs.

Enfin, les deux directives introduisent également la notion de « défaut juridique » 74 ( * ) . Ainsi, une restriction découlant de la violation des droits des tiers, en particulier des droits de propriété intellectuelle, est susceptible de s'analyser en un défaut de conformité du bien au sens des directives, et devrait dès lors ouvrir droit aux recours prévus par le texte. Cependant, les directives précisent que cet ajout n'est pas nécessaire dans le cas où « le droit national ne prévoit la nullité ou la rescision du contrat de vente ». En droit interne, en application des articles 1128 et 1598 du code civil, le contrat de vente d'un bien en violation des droits de propriété intellectuelle, c'est-à-dire d'un bien contrefait, est nul, les produits contrefaits étant hors commerce 75 ( * ) . Le Gouvernement n'envisage donc aucune modification du droit en vigueur sur ce point.

4. La nécessité de corriger les incohérences entre les deux directives

Selon les éléments transmis au rapporteur, le Gouvernement a interrogé la Commission européenne sur la possibilité, à l'occasion de la transposition des directives, de combler des incohérences dont le maintien serait préjudiciable aux consommateurs. Les points suivants ont notamment été évoqués :

- les obligations du professionnel et du consommateur en cas de résolution du contrat prévues par la directive sur les contenus et services numériques pourraient être étendus aux éléments numériques d'un bien comportant des éléments numériques afin d'assurer une protection efficace des consommateurs lorsque ceux-ci font usage de contenus ou services numériques, que ceux-ci aient été acquis en même temps que le bien ou par le biais d'un contrat distinct 76 ( * ) ;

- le droit de retenir une partie du paiement du prix en cas de non-exécution du contrat prévu en droit civil et par la directive sur la vente de biens 77 ( * ) pourrait être étendu aux contenus et services numériques ;

- la suspension du délai de garantie envisagée pour les biens serait également prévue tant que le contenu numérique ou le service numérique n'est plus à la disposition du consommateur lors de la remise en conformité ;

- les dispositions relatives à la garantie commerciale 78 ( * ) figurant dans la directive sur la vente de biens seraient également rendues applicables aux fournitures de contenus et services numériques.

D'une manière générale, la Commission européenne a invité les États membres, dans le cadre de son suivi des travaux de transposition, à rechercher autant que faire se peut une mise en cohérence entre les deux textes, en décidant le cas échéant d'appliquer des règles figurant dans un corpus à l'autre.

III. La position de la commission - La nécessité de conforter la protection du consommateur dans le cadre de la transposition des directives.

Le rapporteur regrette le recours à une ordonnance, qui constitue un contournement du Parlement sur un sujet pourtant fondamental : celui de la protection des consommateurs français. L'étude d'impact justifie le véhicule de l'ordonnance par le fait que « les travaux de rédaction (...) de même que les consultations envisagées n'ont pu être achevés dans les délais restreints de préparation de ce projet de loi ». Or, le retard dans la rédaction des textes et dans les consultations nécessaires ne constitue en rien un motif de recours aux ordonnances.

Cependant, il convient de reconnaître que de nombreuses questions d'ordre technique sont posées. Le critère de la technicité des dispositions est donc rempli pour autoriser une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. De plus, la transposition de la directive de 1999 intervenue en 2005 avait été effectuée par ordonnance. C'est pourquoi le rapporteur n'a pas proposé à la commission de s'y opposer.

En revanche, le délai de transposition des directives est fixé au 1 er juillet 2021. Il convenait donc de mettre en cohérence le délai d'habilitation avec cette échéance. C'est pourquoi la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement tendant à ramener le délai d'habilitation à dix mois ( COM-19 ).

Sur le fond, le rapporteur approuve les nouvelles garanties apportées aux consommateurs sur internet par ces deux directives. Il souscrit également aux orientations générales qui ressortent des précisions fournies par le Gouvernement sur le projet d'ordonnance de transposition : garantir une protection élevée du consommateur (maintien de la durée de la présomption d'antériorité) et assurer une plus grande effectivité de la garantie légale (notamment en renforçant les sanctions et en évitant la confusion avec la garantie commerciale) sans pour autant peser excessivement sur les entreprises. À cet égard, il estime nécessaire qu'une large consultation des acteurs soit menée , afin de s'assurer que certaines évolutions envisagées, telles que le passage au droit commun pour le délai de prescription, ne soient pas disproportionnées. Il sera donc vigilant sur ces points lors de la publication de l'ordonnance.

Il relève que, compte tenu de la complexité des notions introduites par les deux directives pour créer une garantie légale de conformité des contenus et services numériques, elles seront sans doute délicates à appliquer dans les faits. Il conviendrait d'éviter que ces nouvelles dispositions ne fassent les frais du même déficit de connaissance aujourd'hui constaté pour la garantie légale par les consommateurs : lors d'une étude préalable à la rédaction des directives dont il est ici question, la Commission européenne avait trouvé que seules quatre personnes sur dix (41 %) savaient qu'elles ont le droit de faire réparer ou remplacer gratuitement un bien défectueux 79 ( * ) . Côté vendeurs, une étude de l'UFC-Que Choisir estimait à 57 % le nombre de professionnels informant le consommateur sur la garantie légale de conformité. Sur internet, l'information sur la garantie légale est absente de la page associée au produit dans 9 cas sur 13 80 ( * ) . Afin que les consommateurs puissent faire valoir leurs droits, il conviendra donc que le Gouvernement entreprenne une action de communication massive auprès des consommateurs sur ces nouvelles dispositions.

Enfin, le rapporteur attire l'attention du Gouvernement sur le fait que la précision selon laquelle le Gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance non seulement pour transposer mais également pour adopter « les mesures de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition » ne saurait l'autoriser à procéder à une quelconque modification qui ne découlerait pas directement de l'obligation de transposition.

La commission propose à la commission des finances d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 2

Habilitation à légiférer par ordonnance pour la transposition de la directive 2019/2161 dite « Omnibus »

Cet article, dont la commission des finances a délégué l'examen au fond à la commission des affaires économiques, entend habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de dix-huit mois pour transposer en droit interne la directive 2019/2161 dite « Omnibus » de modernisation des règles en matière de protection des consommateurs.

Le droit français étant déjà particulièrement avancé en la matière, la transposition ne devrait concerner qu'un nombre réduit de mesures, liées notamment à l'adaptation des règles de protection des consommateurs en matière numérique.

La Commission a apporté son soutien à cette transposition, tout en proposant un amendement afin de réduire le délai d'habilitation de dix-huit à quatorze mois pour tenir compte de la date limite de transposition et de la durée de la navette parlementaire.

I. La situation actuelle - Une directive qui ne nécessite qu'un nombre limité d'adaptations du droit national, déjà très protecteur des consommateurs

A. La directive n° 2019/2161 modifie quatre directives, pour une modernisation et une meilleure application des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs

La directive (UE) n° 2019/2161 du 27 novembre 2019 est la traduction concrète du « New deal for consumers » (nouvelle donne pour les consommateurs) annoncé par la Commission européenne en avril 2018 à la suite du bilan d'application qu'elle a fait de six directives relatives à la protection des consommateurs.

Ce bilan a mis en exergue un besoin de modernisation et de renforcement de certaines règles de protection des consommateurs. En effet, plusieurs insuffisances ont été identifiées :

• une inadaptation de plusieurs droits nationaux aux nouveaux enjeux du numérique (besoin de définitions claires des concepts propres au numérique, transparence sur les places de marché en ligne, protection des consommateurs en matière de services numériques comme les réseaux sociaux, lutte contre les faux avis en ligne) ;

• un manque d'effectivité et de dissuasion des sanctions mises en oeuvre dans certains États membres (notamment concernant les infractions transfrontières de grande ampleur) ;

• un encadrement trop faible de certaines pratiques (comme les réductions de prix, les ventes hors établissement commercial, les produits présentés comme identiques dans plusieurs États membres alors que leur composition ou leurs caractéristiques diffèrent).

La directive 2019/2161 tire les conséquences de ce bilan et vise donc « une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs ». Elle modifie dans cet objectif les quatre directives suivantes :

• la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives. Y est inséré un article 8 ter qui liste un ensemble de critères, non exhaustifs et indicatifs, à prendre en considération par les États membres pour l'imposition de sanctions (comme la nature, la gravité, la durée de l'infraction, ou encore les éventuelles infractions antérieures commises par le professionnel ou les avantages financiers qu'il a obtenus du fait de l'infraction) ;

• la directive 98/6/CE du 16 février 1998 sur l'indication des prix des produits. Outre l'insertion d'un article reprenant les dispositions décrites au paragraphe précédent, la directive 2019/2161 y ajoute également un article 6 bis encadrant les réductions de prix.

Désormais, une telle annonce doit indiquer le prix antérieur appliqué par le professionnel pendant une durée déterminée avant l'application de ladite réduction de prix (le prix antérieur devant être le prix le plus bas appliqué au cours d'une période d'au moins un mois avant la réduction). Ainsi que l'indique l'association UFC-Que Choisir, le dispositif doit permettre de mieux encadrer les fausses promotions et de revenir en droit français à la situation qui prévalait avant l'arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur. L'article 2 de cet arrêté prévoit en effet simplement que le prix de référence à partir duquel est calculée la promotion « est déterminée par l'annonceur » ;

• la directive 2005/29/CE du 11 mai 2015 relative aux pratiques commerciales déloyales (PCD). Outre un ajout de définitions de nouveaux termes (« classement », « place de marché en ligne ») ou une précision de termes existants (« produit »), cette dernière intègre désormais de nouvelles actions 81 ( * ) ou omissions trompeuses 82 ( * ) . Deux nouveaux articles y sont en outre insérés : l'un indiquant les critères de sanction mentionnés ci-dessus, l'autre précisant que les consommateurs victimes de PCD disposent de recours proportionnés et effectifs (comprenant la réparation des dommages subis et, le cas échéant, une réduction du prix ou la fin du contrat). Enfin, la directive 2019/2161 complète l'annexe I de la directive de 2005 sur les pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances 83 ( * ) ;

• la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs (elle-même modifiant deux directives et en abrogeant deux autres). De nombreux ajouts, insertions d'article, précisions, y sont réalisés, notamment aux fins de renforcer la protection des consommateurs en matière numérique.

Les modifications apportées à la directive 2011/83/UE

Directive majeure en matière de protection des consommateurs, elle fait l'objet de nombreuses modifications précisées à l'article 4 de la directive 2019/2161 :

- il élargit son champ d'application aux téléchargements de logiciels ou aux réseaux sociaux ;

- il procède aux adaptations requises par la création d'une garantie légale de conformité pour les contenus et services numériques par la directive 2019/770 ( cf. supra , article 1 er ) ;

- il précise un ensemble d'informations précontractuelles qui doivent être fournies par le vendeur. Par exemple : la compatibilité et l'interopérabilité du bien contenant des éléments numériques, comme une montre connectée ; l'existence d'un « chat » ou d'un formulaire de contact ; l'application d'un prix personnalisé sur la base d'une prise de décision automatisée ;

- il définit un ensemble d'exigences spécifiques en matière d'information applicables aux contrats conclus sur des places de marché en ligne 84 ( * ) . Parmi celles-ci figurent le fait de fournir distinctement au consommateur, sur l'interface en ligne, les informations générales concernant les principaux paramètres de classement des offres présentées, la qualité de professionnel ou non du tiers vendeur, le fait que le consommateur n'est pas protégé par les règles de l'UE lorsque le tiers est un particulier ;

- il prévoit que les États membres peuvent adopter des règles en vertu desquelles la période de rétractation de quatorze jours est portée à trente jours pour les contrats conclus dans le contexte de visites non sollicitées d'un professionnel au domicile d'un consommateur ou d'excursions commerciales ;

- il permet au consommateur ayant résilié un contrat de fourniture de contenu ou de service numérique de récupérer sans frais le contenu qui a été fourni ou crée par lui lors de l'utilisation du contenu ou service numérique ;

- il liste un ensemble de critères à prendre en considération pour l'imposition de sanctions ( cf. supra ) ;

L'article 7 de la directive prévoit par ailleurs qu'elle soit transposée au plus tard le 28 novembre 2021 et que les dispositions soient applicables à partir du 28mai 2022.

B. Un droit national de la consommation déjà très étoffé et repris pour partie dans la directive

Le droit de la consommation français est particulièrement protecteur des consommateurs, tant en raison de son champ d'application étendu (pratiques commerciales, clauses abusives, informations précontractuelles, conformité des produits, opérations de crédits, etc., dans le domaine commercial « traditionnel » mais également numérique), que des pouvoirs élevés d'enquête et de sanction confiés à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

En outre, ce droit est généralement précurseur et ses standards et principes sont repris fréquemment au niveau européen.

1) Des critères déjà pris en compte lors de l'imposition de sanctions

La liste non-exhaustive des critères à prendre en considération par les États membres lors de l'imposition de sanctions vise surtout à créer une forme d'harmonisation des pratiques dans l'UE et à fixer un minimum de standards. En effet, ces critères (nature, gravité, ampleur, durée de l'infraction, mesures prises par le professionnel pour atténuer les dommages, infractions antérieures, avantages financiers obtenus, etc.) sont déjà pris en compte par la DGCCRF, ainsi que ses représentants l'ont indiqué au rapporteur. D'ores et déjà, « les sanctions, aussi bien de nature pénale que de nature administrative, doivent présenter, sous le contrôle du juge, un caractère proportionné qui est évalué à l'aune des critères précités 85 ( * ) ».

En particulier, en cas « d'avantages financiers obtenus ou de pertes évitées du fait de l'infraction » (un des critères prévus par la directive), le juge français a la possibilité de déplafonner le montant des amendes pour le porter à un pourcentage du chiffre d'affaires, permettant de tenir compte du profit illicite réalisé.

2) Des seuils d'amende déjà élevés en France

L'article 1 er de la directive 2019/2161 crée une sanction minimale de 4 % du chiffre d'affaires annuel en cas d'infraction de grande ampleur 86 ( * ) et d'infraction de grande ampleur à l'échelle de l'Union 87 ( * ) .

Or en France, les infractions au droit de la consommation peuvent dans l'ensemble être classées entre les deux catégories suivantes :

• les manquements à des obligations légales essentiellement formelles, considérés, conformément au considérant 8 de la directive, comme « mineurs » et qui sont réprimés par une sanction administrative (qui n'est jamais calculée en proportion du chiffre d'affaires) ;

• les infractions pénales relatives à la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales (pratiques trompeuses et agressives, vente sans commande préalable, vente à « la boule de neige 88 ( * ) »), pouvant être sanctionnées à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires moyen sur les trois dernières années.

Par conséquent, le seuil de 4 % existe déjà pour une grande partie des infractions. En outre, le droit français remplit également déjà les objectifs du considérant 13 de la directive qui invite les États membres à introduire dans leur droit national des « amendes maximales plus élevées qui soient fondées sur la chiffre d'affaires pour les infractions de grande ampleur ».

En revanche, la directive prévoit également que dans les cas où les informations relatives au chiffre d'affaires annuel du professionnel ne sont pas disponibles, les États membres prévoient la « possibilité d'infliger des amendes, dont le montant maximal est d'au moins 2 millions d'euros ». Le droit français ne le permet pas encore et, selon les réponses apportées aux interrogations du rapporteur, cette disposition de l'article 1 er devrait figurer dans l'ordonnance envisagée.

3) Des places de marché en ligne déjà soumises à un ensemble large d'obligations d'information

Les dispositions de la directive 2019/2161 en la matière, en particulier son article 4, reprennent des obligations figurant déjà dans le droit français depuis la loi pour une République numérique de 2016 89 ( * ) . Cet article conserve d'ailleurs un champ d'application plus large que la directive, puisqu'il s'applique aux plateformes de référencement et de classement de contenu (Google, par exemple) et aux plateformes de mise en relation en vue de la conclusion d'un contrat (Amazon, Cdiscount, par exemple), alors que la directive ne cible que les secondes.

Ainsi, l'article L. 111-7 du code de la consommation, après avoir défini ce qu'est un opérateur de plateforme en ligne, prévoit un ensemble d'obligations qui leur incombent. Ils doivent en effet délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les modalités de référencement, de classement, de déréférencement des contenus, sur l'existence d'une relation contractuelle ou d'une rémunération dès lors qu'ils influencent le classement ou le référencement, et sur la qualité de l'annonceur et les droits et obligations des parties.

Les conditions d'application de cet article sont précisées aux articles D. 111-6 à D. 111-9 dudit code, qui prévoient entre autres pour ces opérateurs la mise en place d'une rubrique spécifique dans laquelle préciser les modalités de référencement, de classement, et l'existence d'une rémunération versée par l'offreur pour être mieux référencé.

Par ailleurs, les articles L. 111-7-2 et D. 111-16 à D. 111-19 du code de la consommation prévoient un ensemble de mesures pour lutter contre les faux avis en ligne. Si une personne physique ou morale donne accès à des avis dits contrôlés, mais est incapable d'indiquer les caractéristiques principales de ce contrôle, elle s'expose à une amende (75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale 90 ( * ) ).

La Commission européenne s'est ainsi largement inspirée du droit français de la consommation afin de proposer une harmonisation des protections des consommateurs à l'échelle de l'Union.

II. Le dispositif envisagé - Une ordonnance de transposition au contenu encore vague, complétant à la marge le droit national

Le Gouvernement demande au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2019/2161.

A. L'exposé des motifs liste huit domaines d'action nécessitant une transposition

1) Lutter plus efficacement contre la différence de qualité des produits de consommation au sein de l'UE vendus sous une même marque

Il s'agit des pratiques visant à présenter un bien comme identique à un bien commercialisé dans un autre État membre alors qu'il a une composition ou des caractéristiques différentes. Ce domaine correspond aux considérants 51 à 53 de la directive et requiert la transposition du point 3 de son article 3. Ces dispositions concernent principalement les produits alimentaires (bâtonnets de poisson, soupe instantanée, café, sodas) mais aussi les détergents et produits cosmétiques. Une exception est toutefois prévue à l'interdiction par la directive, lorsque la différence de qualité est justifiée « par des facteurs légitimes et objectifs » (comme la disponibilité ou le caractère saisonnier des matières premières). Le Gouvernement a indiqué au rapporteur qu'il reviendra à la DGCCRF d'apprécier au cas par cas ces facteurs et qu'il n'est de ce fait pas prévu de préciser ces « facteurs légitimes et objectifs » dans l'ordonnance.

2) Homogénéiser et renforcer les sanctions pour des infractions affectant plusieurs États membres et de nombreux consommateurs.

Ce domaine correspond aux considérants 4 à 14 et nécessite la transposition de l'article 1 er de la directive. Le droit français étant déjà particulièrement évolué en matière de protection des consommateurs et de sanction des infractions, seule la disposition relative au montant minimal de sanction de 2 millions d'euros lorsque le chiffre d'affaires annuel n'est pas connu devrait être transposée ( cf. supra ).

3) Permettre aux États membres de porter à trente jours le délai de rétractation pour certains contrats conclus hors établissements

Il s'agit d'une référence aux considérants 42 à 44 de la directive et au point a) du point 8 de son article 4. Le Gouvernement a refusé d'indiquer au rapporteur s'il souhaitait se saisir de la possibilité offerte par la directive aux États membres de porter de quatorze à trente jours le délai de rétractation pour ces contrats. Il ressort des auditions, au surplus, que le Gouvernement entend adopter des dispositions renforçant la règlementation des visites non sollicitées d'un professionnel au domicile d'un consommateur et des excursions commerciales, conformément à la possibilité qui lui est laissée par l'article 3 de la directive. Ces dispositions pourraient concerner l'encadrement des jours autorisés ou des horaires de visite. Sollicités par le rapporteur, les professionnels lui ont indiqué considérer que ces questions étaient déjà suffisamment encadrées par le code de la consommation. Selon eux, le régime de sanctions prévu en cas de manquements aux règles encadrant les visites non-sollicitées est très protecteur des intérêts des consommateurs 91 ( * ) .

4) Imposer aux places de marché des obligations d'information à l'égard des consommateurs

Ce domaine d'action concerne les considérants  24 à 29 de la directive et son article 4. Il ressort des auditions menées par le rapporteur que la Commission européenne s'étant fortement inspirée du droit français en la matière, la transposition devrait être minime et se limiter à des mesures de cohérence et de coordination. La quasi-intégralité des modalités d'information prévues par la règlementation nationale ne devrait donc pas évoluer.

5) Étendre les règles d'information et de protection des consommateurs aux services numériques gratuits comme les réseaux sociaux

Les considérants concernés sont ceux numérotés 30 à 35 ainsi que l'article 4 de la directive. Il s'agirait essentiellement de définir les notions de contenu numérique et de service numérique et à étendre le champ d'application de la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs. Pour ce faire, les modifications envisagées par le Gouvernement dans le code de la consommation devraient concerner le chapitre Ier du titre II du livre II, relatif aux modalités de formation des contrats conclus à distance. Ces évolutions du droit s'inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris évoquée dans l'article premier (cf. note de bas de page n o 2 de la page 30).

6) Renforcer la lutte contre les « faux avis » de consommateurs sur les plateformes

Le droit national semblant particulièrement précurseur et étoffé en la matière, le Gouvernement a indiqué au rapporteur que la transposition devrait simplement tirer les conséquences de la qualification de cette pratique commerciale comme « trompeuse en toutes circonstances » par la directive, qui implique une pénalisation du délit en droit français.

7) Encadrer les annonces de réduction de prix par la nécessité pour le professionnel de justifier d'un prix de référence

L'exposé des motifs du présent projet de loi indique que l'ordonnance aura pour but, entre autres, de rendre obligatoire pour un professionnel qui pratique une réduction de prix de justifier d'un « prix de référence », ce qui est une interprétation plus large que la notion de « prix antérieur » qui figure dans le nouvel article 6 bis inséré dans la directive 98/6/CE par la directive « Omnibus ». En effet, la notion de prix antérieur appliquée pendant une durée déterminée n'est qu'un des types de prix de référence, aux côtés, par exemple, du prix moyen constaté ou du prix conseillé par le fournisseur. Ce faisant, l'ordonnance pourrait trouver à s'appliquer à des professionnels qui ne sont pas visés initialement par ce nouvel article 6 bis , comme ceux pratiquant des ventes évènementielles (par exemple, les destockeurs ne pratiquent pas, par définition, de prix antérieur).

En outre, il ressort des auditions menées par le rapporteur que des difficultés d'interprétation semblent émerger de ce nouvel article 6 bis , notamment sur les réductions de prix successives.

Le rapporteur a été informé que des échanges sont en cours au sein d'un groupe de travail mis en place par la Commission européenne pour préciser le champ d'application de ces nouvelles dispositions ( cf. supra ).

L'interprétation que la Direction générale de la justice, au sein de la Commission, fait de ces dispositions, est claire : les comparaisons de prix formées à partir d'un prix de référence ne sont pas soumises à ces dispositions, mais sont régies par les dispositions de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur 92 ( * ) (directive PCD). Le vendeur doit toutefois, bien entendu, indiquer clairement au consommateur que la réduction de prix est faite au regard d'un prix de référence et ne constitue pas une diminution du prix qu'il aurait pratiqué lui-même auparavant.

Le Gouvernement n'a pas été en mesure d'indiquer au rapporteur la transposition exacte qu'il envisageait de cette disposition, ces échanges au niveau de la Commission européenne étant toujours en cours. Au regard de leur contenu, le rapporteur rappelle donc que la transposition de ce nouvel article 6 bis ne saurait conduire à régir les annonces de réduction de prix pratiquées par des professionnels ne se référant pas à leur propre prix antérieur , contrairement à ce que laisse envisager l'exposé des motifs. Bien entendu, elle ne saurait non plus avoir pour conséquence d'interdire ou de qualifier l'ensemble de ces pratiques comme déloyales, puisqu'une telle qualification doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, conformément au considérant 17 de la directive PCD.

8) Informer le consommateur sur l'application d'un prix personnalisé à partir d'un algorithme

Il s'agit d'une transposition du a) du point 4. de l'article 4 de la directive. À la demande d'exemples d'application d'un tel prix personnalisé, le Gouvernement a simplement indiqué au rapporteur qu' « à ce stade, cette pratique n'a pas été constatée 93 ( * ) ». La transposition devrait concerner les obligations d'information précontractuelle et modifier, au sein du code de la consommation, le chapitre Ier du titre II du livre II.

III. La position de la commission - Une ordonnance aux concours flous mais au contenu utile

Le rapporteur approuve les objectifs de la directive « Omnibus », en particulier en matière de pratique commerciale trompeuse. Le caractère précurseur du droit français de la consommation est un atout pour l'équilibre et la loyauté des relations contractuelles entre les consommateurs et les professionnels.

Si le recours à l'ordonnance ne lui paraît pas spécifiquement justifié pour chaque mesure (le délai de transposition étant en novembre 2021), le rapporteur partage toutefois le souhait du Gouvernement de renforcer et adapter notre droit national aux nouveaux enjeux, en particulier ceux du numérique.

Cette convergence des analyses sur la nécessité de se doter d'une protection des consommateurs qui soit moderne et effective s'accompagne toutefois de réelles interrogations sur le contenu exact de l'ordonnance, que les textes officiels qui accompagnent le projet de loi n'ont pas permis de lever.

A. Un exposé des motifs et une étude d'impact lacunaires, dans lesquels certaines transpositions ne sont jamais mentionnées

Le rapporteur regrette que, projet de loi après projet de loi, les études d'impact restent toujours aussi brèves, incomplètes, voire erronées. Celle concernant l'article 2 du présent projet de loi ne fait pas exception.

Premièrement, la partie relative au « contexte d'adoption de la directive » et celle relative à « la nécessité de légiférer et objectifs poursuivis » sont particulièrement courtes et manquent de précision. Alors que la directive « Omnibus » constitue la traduction majeure du programme « Nouvelle donne pour les consommateurs », seules ses grandes lignes sont survolées, en reprenant à peu de mots près le contenu de la directive. Le rapporteur tient à rappeler qu'une étude d'impact vise avant tout à étudier l'impact d'un texte, et qu'à ce titre il serait particulièrement utile pour la clarté du débat parlementaire et citoyen que le Gouvernement l'envisage sous un angle plus enrichissant que celui d'une simple répétition de ce qui est déjà dans la directive.

Il est par exemple surprenant que la seule définition de « l'infraction de grande ampleur » occupe une quinzaine de lignes (par ailleurs à nouveau développée dans l'article 5 du projet de loi) quand l'importante extension du champ d'application de la directive 2011/83 aux réseaux sociaux n'est développée que sur 5 lignes.

Concernant la partie « impacts juridiques », il est de même particulièrement difficile à croire que plus de trois mois après l'adoption de la directive et près de deux ans après la présentation du programme par la Commission européenne, le Gouvernement ne soit pas en mesure d'indiquer précisément quels articles du code de la consommation sont appelés à être modifiés 94 ( * ) .

Deuxièmement, la liste des domaines d'action transposés figurant dans l'étude d'impact ne correspond pas à celle figurant dans l'exposé des motifs. Y est par exemple inscrit le projet de transposer des mesures liées au droit de rétractation dans les cas où le consommateur aurait manipulé les biens commandés d'une manière inadaptée ; ce projet n'est nullement mentionné dans l'exposé des motifs. Interrogé à ce sujet, le Gouvernement a indiqué qu'il s'agissait d'une « coquille ». Si l'erreur est humaine, le rapporteur ne peut que constater qu'elle témoigne de l'attention toute relative que le Gouvernement porte encore à ces documents pourtant essentiels.

L'exposé des motifs, quant à lui, tient sur une seule page recto.

B. Une ordonnance de transposition au contenu utile, mais aux contours encore flous

Premièrement, en plus des « mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive », l'article 2 du projet de loi demande une habilitation pour « les mesures de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition ». Le Gouvernement a refusé de répondre clairement aux interrogations du rapporteur quant au contenu de ces mesures supplémentaires, qui, si elles visent la seule coordination et adaptation de la législation, sont déjà prévues dans les mots « les mesures [...] nécessaires à la transposition de la directive ». Il a indiqué, pour seule réponse, qu'il n'est pas prévu de mesures d'extension ou d'adaptation aux collectivités d'Outre-mer des dispositions de transposition.

De fait, il semble superfétatoire d'inclure expressément ces « mesures de coordination et d'adaptation » dans le champ d'habilitation, à moins que le Gouvernement n'envisage de se servir de l'ordonnance pour modifier certaines règles du droit de la consommation sans rapport avec la directive. Le rapporteur attire donc l'attention du Gouvernement sur le fait que cette incise ne saurait l'autoriser à procéder à une quelconque modification qui ne découlerait pas directement de l'obligation de transposition.

Deuxièmement, outre les huit domaines d'actions à transposer mentionnés dans l'exposé des motifs, deux autres dispositions de la directive, ne figurant ni dans cet exposé ni dans l'étude d'impact, devraient pourtant être transposés par l'ordonnance. Interrogé à ce sujet, le Gouvernement a indiqué au rapporteur que « l'exposé des motifs présentant le contenu de la directive 2019/2161 ne s'attache qu'aux dispositions essentielles de ce texte ». Le rapporteur regrette cet état de fait qui prive le Parlement et les citoyens d'informations importantes quant au champ d'application de l'habilitation demandée par le Gouvernement.

Ainsi, l'article 3 de la directive prévoit par exemple la possibilité pour le consommateur d'obtenir une réduction du prix ou la fin du contrat en cas de pratique commerciale déloyale. Aucune mention n'en est faite dans les textes officiels, alors qu'il a été confirmé en audition au rapporteur que cette possibilité sera bien transposée.

La directive adapte également une obligation contenue dans la directive 2011/83/UE qui contraint le professionnel à exiger du consommateur une demande expresse dans le cas d'une fourniture d'eau, gaz ou électricité que le consommateur souhaite voir commencer pendant le délai de rétractation. Désormais, le professionnel ne devra s'y conformer que si le contrat soumet le consommateur à une obligation de payer et s'il a au préalable demandé au consommateur de reconnaître qu'il ne disposera plus du droit de rétractation si le contrat a été entièrement exécuté. À nouveau, ces dispositions ne figurent dans aucun texte officiel mais seront, ainsi que l'a reconnu le Gouvernement, bien transposées.

Troisièmement, le délai d'habilitation demandé par le Gouvernement est de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, ce qui ne semble pas cohérent avec la date limite de transposition qui est le 28 novembre 2021, ainsi que l'a relevé le Conseil d'État. En effet, même avant le confinement qui a interrompu les travaux du Parlement, il semblait improbable que le texte soit adopté avant fin juillet, voire septembre 2020, compte tenu des délais moyens de la navette parlementaire. Cette impossibilité est, bien entendu, confirmée par la crise sanitaire. Par conséquent, si l'adoption définitive a lieu fin septembre, il ne restera que quatorze mois au Gouvernement pour publier l'ordonnance dans les délais impartis de transposition. Sur proposition du rapporteur, outre un amendement rédactionnel ( COM-16 ) , la Commission a donc adopté un amendement ( COM-15 ) réduisant de dix-huit à quatorze mois le délai d'habilitation.

La commission propose à la commission des finances d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 3

Adaptation du droit national au règlement européen relatif au blocage géographique injustifié

Cet article, dont la commission des finances a délégué l'examen au fond à la commission des affaires économiques, tire, en droit national, les conséquences du règlement européen visant à contrer le blocage géographique transfrontière injustifié au sein de l'Union européenne (autorité habilitée à enquêter et à sanctionner, quantum des sanctions, application Outre-mer), plus d'un an après son entrée en vigueur.

La commission propose d'adopter cet article modifié par deux amendements de nature rédactionnelle.

I. La situation actuelle - L'interdiction, au niveau européen, des blocages géographiques injustifiés.

Selon une enquête de la Commission européenne, en 2015, 63 % des sites internet observés pratiquaient le « blocage géographique » injustifié entre les différents pays de l'Union européenne. Par exemple, cela se traduit par le fait qu'un internaute français se rendant sur un site espagnol ou allemand est systématiquement redirigé vers le site français.

Cette pratique s'opposait à la construction d'un « marché unique numérique » au niveau européen et autorisait les plateformes à segmenter les différents marchés nationaux en y appliquant des tarifs ou des conditions générales de vente différentes. Si, comme diverses procédures engagées par la Commission européenne l'ont montré 95 ( * ) , la pratique pouvait être saisie par le droit de la concurrence, il est apparu nécessaire aux autorités européennes d'adopter des règles particulières encadrant ce « géoblocage ».

C'est pourquoi un règlement européen du 28 février 2018 96 ( * ) , entré en vigueur le 3 décembre de la même année, entend mettre fin aux blocages géographiques et aux autres formes de discriminations fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement du client pratiquées par certains professionnels dans leur activité en ligne ou hors ligne . L'objectif de ce texte, qui constitue une forme de précision du principe de non-discrimination consacré par la directive « services » de 2006 97 ( * ) , est d'octroyer aux clients un meilleur accès aux biens et services dans le marché unique, en ligne ou lorsqu'ils se rendent dans d'autres États membres pour acheter des biens ou des services .

Il contraint tous les professionnels 98 ( * ) , qu'ils soient établis dans l'Union européenne ou dans un pays tiers, dès lors qu'ils sont « actifs » sur le territoire de l'Union 99 ( * ) , et bénéficie à tous les clients 100 ( * ) qui disposent de la nationalité, résident ou sont établis dans un État membre 101 ( * ) .

Le règlement régit les transactions transfrontières au sein de l'Union et, en conséquence, ne s'applique pas aux situations purement internes, c'est-à-dire lorsque tous les éléments pertinents de la transaction sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre - ce qui est l'objet de l'article 4 du présent projet de loi.

Concrètement, en application des articles 3 à 4 du règlement européen, un professionnel ne peut, pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d'établissement du client, et sauf exception dûment justifiée :

- bloquer ou limiter l'accès à son interface en ligne 102 ( * ) , ou rediriger un client vers une version différente de cette interface, sauf accord exprès du client, lequel doit alors continuer de pouvoir accéder à la version à laquelle il souhaitait initialement accéder. Les limitations d'accès ou redirections d'interfaces en ligne fondées sur la législation locale, comme les règles relatives au prix du livre, restent possibles. Cependant, le professionnel doit alors fournir une explication claire et spécifique aux clients ;

- appliquer des conditions générales d'accès aux biens ou aux services différentes : pour les biens, cette interdiction s'applique que le client les fasse livrer en un lieu situé dans un État membre vers lequel la livraison est proposée dans les conditions générales ou les retire dans un lieu défini d'un commun accord dans le cas où cette option est proposée dans les conditions générales d'accès ; pour les services, elle s'applique aux services fournis par voie électronique ou non, mais pour le premier cas, elle ne s'applique pas aux petites entreprises 103 ( * ) et, pour le second cas, elle ne s'applique que lorsque le client cherche à obtenir ces services en un lieu situé sur le territoire d'un État membre dans lequel le professionnel exerce son activité. Ces interdictions n'empêchent pas les professionnels de proposer des conditions générales de vente, notamment des prix de vente nets, qui varient d'un État membre à l'autre ou au sein d'un État membre et qui sont proposées, de manière non discriminatoire, à des clients situés sur un territoire spécifique ou à certains groupes de clients.

En application de l'article 5, un professionnel ne peut, pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d'établissement du client, à la localisation du compte de paiement, au lieu d'établissement du prestataire de services de paiement ou au lieu d'émission de l'instrument de paiement dans l'Union, appliquer, parmi les différents moyens de paiement qu'il accepte, des conditions différentes pour les opérations de paiement , dès lors que l'opération de paiement concernée est effectuée moyennant une opération électronique, que les exigences européennes en matière d'authentification sont remplies et qu'elle est effectuée dans une devise que le professionnel accepte. Cependant, lorsque des raisons objectives le justifient, le professionnel pourra suspendre la livraison des biens ou la prestation jusqu'à ce qu'il reçoive la confirmation que l'opération de paiement a été dûment engagée.

Le règlement ne s'applique que sous réserve du respect des normes européennes relatives au droit d'auteur, à la fiscalité et à la coopération judiciaire en matière civile.

Ces obligations n'ont pas pour conséquence d'imposer aux professionnels une obligation de livrer dans tous les pays de l'Union : si les clients passent leurs commandes sur un site étranger qui ne propose pas la livraison en France, ils devront aller chercher le produit sur place ou le faire livrer par leurs propres moyens.

Les professionnels n'ont pas non plus l'obligation de pratiquer le même prix sur tous leurs sites . Cependant, la transparence accrue les y incitera nécessairement.

Un rapport d'évaluation devait être soumis aux institutions européennes par la Commission européenne au plus tard le 23 mars 2020. À la connaissance du rapporteur, ce rapport n'a pas encore été transmis.

Lors de la négociation de ce règlement, le Gouvernement français a exprimé ses inquiétudes quant à son application aux relations entre professionnels, en raison de son impact potentiel sur les règles nationales existantes en matière de relations commerciales ou celles en matière de distribution sélective ou exclusive qui bénéficient d'un règlement d'exemption. C'est pourquoi l'article 6 du règlement préserve la possibilité, pour un professionnel, de conclure des accords de distribution sélective ou exclusive s'ils remplissent les conditions pour être exempté : le refus de vente (vente active) ou le refus de répondre à la sollicitation d'un client (vente passive) ne constituent pas, dans ce cadre, des pratiques de géoblocage injustifié.

II. Le dispositif envisagé - L'adaptation de notre droit à ce règlement européen confie le soin à la DGCCRF d'enquêter et de sanctionner son application sur l'ensemble du territoire.

Le projet de loi procède à la mise en conformité du droit national avec les dispositions de l'article 7 du règlement européen, qui imposent aux États membres de désigner un ou plusieurs organismes chargés du contrôle adéquat et effectif de l'application du règlement et de déterminer les règles établissant des mesures effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux violations des dispositions du règlement.

Est en conséquence créé, dans le code de la consommation 104 ( * ) , un régime de sanctions administratives réprimant la méconnaissance, par des professionnels, des dispositions des articles 3 à 5 du règlement européen. Les montants prévus pour la sanction, de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale sont ceux les plus élevés retenus jusqu'alors pour des sanctions administratives en matière de consommation. Ces sanctions sont encourues pour chaque manquement constaté.

Les agents de la DGCCRF sont habilités à rechercher et à constater ces manquements.

Les sanctions sont prononcées dans les conditions prévues par le chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation, consacré aux procédures de sanctions administratives : prescription triennale, transmission de la copie du procès-verbal à la personne mise en cause, information de la sanction envisagée, contradictoire, motivation de la décision de sanction...

Il convient également de souligner que les actions en cessation d'agissement illicites pouvant être intentées par des associations visées à l'article L. 621-7 du code de la consommation pourront concerner ces dispositions 105 ( * ) .

Enfin, le dispositif proposé précise que ces règles s'appliquent à Saint-Barthélémy et à Saint-Pierre-et-Miquelon . Cette précision est en effet nécessaire car ce sont des pays et territoires d'Outre-mer (PTOM 106 ( * ) ) associés à l'Union européenne, qui jouissent d'une autonomie juridique plus importante que celle des régions ultrapériphériques (RUP) 107 ( * ) . En conséquence, leur mention dans le texte permettra aux clients de ces territoires d'être protégés contre les pratiques de blocage géographique injustifié. Le Gouvernement estime, à juste titre, qu'il s'agit d'une question de cohérence : dès lors qu'ils bénéficient, par ailleurs, des dispositions du livre Ier du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales interdites ou réglementées, il eût été étonnant de ne pas les inclure dans ce dispositif. Il estime, en revanche, que les autres PTOM n'ont pas vocation à être couvertes par ce dispositif car, d'une part, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont une compétence propre prévue par leurs lois statutaires respectives 108 ( * ) en matière de droit de la consommation, d'autre part, en vertu du principe de spécialité législative, le livre Ier du code de la consommation, dans lequel seront insérées les dispositions de l'article 3 ici commenté, n'a pas vocation à s'appliquer dans les îles Wallis et Futuna, ni dans les Terres australes et antarctiques françaises faute de mention d'application expresse prévue à son titre IV ou de « compteur Lifou » installé dans cette rubrique.

Par ailleurs, l'article 8 du règlement confie à chaque État membre le soin de désigner un organisme chargé d'apporter aux consommateurs une assistance en cas de litige. L'étude d'impact révèle que cette mission est confiée au Centre Européen des Consommateurs France (CEC France), une association dont l'activité est dédiée à l'information des consommateurs et à la résolution des litiges transfrontières de consommation 109 ( * ) . Il fait partie d'un réseau de coopération, ce qui lui permet de trouver des solutions :

- pour les consommateurs français en saisissant ses homologues afin qu'ils interviennent auprès des professionnels européens en cause ;

- pour les consommateurs européens, auprès des professionnels français, en agissant auprès d'eux, ou en sollicitant l'intervention de la DGCCRF le cas échéant.

III. La position de la commission - Un progrès en faveur du libre choix du client, notamment dans le cyberespace.

Si le rapporteur regrette le retard du Gouvernement sur ce dossier, le dispositif retenu constitue indéniablement un progrès en faveur du libre choix du client - consommateur ou professionnel utilisateur final - dans le cyberespace : chacun peut désormais accéder au site de son choix, sans être bloqué ou dirigé vers un autre site, sauf s'il l'accepte ou se voit opposer un motif considéré comme légitime par le règlement.

• Le retard de la France, signe d'une forme d'amateurisme du Gouvernement dans la transposition des textes européens.

Le rapporteur ne peut que regretter le retard pris par la France dans ce dossier : en effet, le Gouvernement demande, à travers cet article, de procéder à une adaptation du droit rendue nécessaire par un règlement en vigueur depuis un an et plus de quatre mois avant la crise sanitaire ... Cela limite fortement la portée de l'argument mis en avant dans d'autres articles pour solliciter du Parlement des habilitations à légiférer par ordonnance, à savoir la prétendue célérité de l'action normative du Gouvernement ! Ce retard est tellement caractérisé que la France a été mise en demeure par la Commission européenne le 26 juillet 2019 110 ( * ) .

En somme, ce n'est que le dernier épisode d'une certaine forme d'amateurisme de la part du Gouvernement sur ce dossier. Rappelons en effet que le Gouvernement avait tenté d'insérer les dispositions de l'article 3 par voie d'amendement dans le cadre des discussions relatives au projet de loi « Pacte » 111 ( * ) ... mais cet amendement avait été déclaré irrecevable au regard de l'article 45 alinéa 1er de la Constitution ! Le Gouvernement a donc mis plus d'un an à trouver le véhicule législatif idoine pour porter ces dispositions... et met notre pays à la merci d'une procédure en manquement au niveau européen.

• Un dispositif a priori utile, bien qu'à la portée encore relativement limitée.

Selon les informations fournies au rapporteur par le Gouvernement, la DGCCRF n'a reçu à ce jour que deux signalements - d'ampleur limitée -relatifs à des restrictions d'accès aux interfaces en ligne , transmis par les autorités allemandes via le réseau européen de coopération en matière de protection des consommateurs.

Elle a reçu la plainte d'un consommateur allemand qui ne réussissait pas à accéder au site de Mc Donald's France pour procéder à une commande. La représentante de la société Mc Donald's France a admis qu'un géoblocage avait eu lieu pendant quelques mois, car la société était victime d'attaques informatiques visant à recueillir des informations sur leurs bases de données émanant de personnes ayant des adresses IP étrangères. Dans un souci de protection des données, les consultations du site avec une adresse IP étrangère avaient été bloquées. Depuis, ce filtrage a été levé et le site est à nouveau consultable depuis un ordinateur ayant une adresse IP située dans l'Union Européenne.

Elle a également reçu la plainte d'un autre consommateur allemand qui n'a pas réussi à accéder au site Conforama.fr depuis l'Allemagne. Après intervention de la direction départementale de la protection des populations, le site s'est mis en conformité.

La DGCCRF a également fait état de deux exemples transmis par le Centre européen des consommateurs concernant l'utilisation de moyens de paiement . Ces exemples sont également d'une portée limitée.

Une consommatrice estonienne a souhaité effectuer des commandes sur le site internet www.boutique.malongo.com, depuis son domicile en Estonie, et régler celles-ci avec sa carte Visa. La société Malongo a refusé le paiement. La consommatrice a contacté ce professionnel afin de comprendre l'origine de ce refus. La société Malongo lui a expliqué qu'elle n'acceptait pas le paiement par l'intermédiaire d'une carte bancaire étrangère, avant de lui indiquer que le site n'était accessible qu'à la clientèle basée en France. À ce jour, ce dossier n'a pas été résolu.

Un résident italien proche de la frontière française, a eu recours à plusieurs reprises au service « Drive » de Carrefour France pour retirer des achats au magasin Carrefour de Sallanches. Il a toutefois constaté, depuis septembre 2018, qu'il ne lui est plus possible de bénéficier de ce service. Les conditions de vente de la société Carrefour prévoient désormais qu'il faut être résident en France et effectuer le paiement des achats à partir d'une carte bancaire émise par un établissement bancaire domicilié en France. Ce consommateur a également constaté que seul un numéro de téléphone français peut être inscrit dans l'interface d'enregistrement en ligne pour bénéficier du service « Drive ». Carrefour France a, depuis, modifié son site internet et le consommateur a pu de nouveau commander sur le site avec sa carte italienne. Le site de carrefour France est désormais ouvert à tous les pays de l'espace unique de paiement en euros (ou « zone SEPA », pour Single Euro Payments Area ).

On constate donc que, si assez peu de cas sont remontés, le dispositif est de nature à faire progresser le libre choix des clients, en particulier sur internet, notamment en limitant les restrictions techniques injustifiées imposées par certaines interfaces en ligne . C'est à ce même objectif qu'entend répondre la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace adoptée par le Sénat en février dernier en posant les principes de libre choix de l'utilisateur de terminaux et d'interopérabilité des plateformes 112 ( * ) . S'agissant d'un règlement européen, les marges de manoeuvre nationales sont particulièrement limitées et se résument à la désignation de l'autorité compétente - en l'occurrence, la DGGCRF, choix pertinent - et au quantum des sanctions - qui apparaît proportionné et dissuasif même pour les plus grands acteurs, à condition que le nombre de cas constatés puisse être important. L'équilibre du dispositif entre protection du client et atteinte à la liberté d'entreprendre apparaît satisfaisant.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté deux amendements rédactionnels ( COM-25 et COM-30 ).

La commission propose à la commission des finances d'adopter l'article ainsi modifié.

Article 4

Lutte contre le blocage géographique injustifié sur le territoire national

Cet article, dont la commission des finances a délégué l'examen au fond à la commission des affaires économiques, vise à compléter le règlement européen visé à l'article 3 en l'appliquant au niveau national : il interdit les pratiques de « géoblocage » se déroulant exclusivement sur notre territoire, notamment afin d'éviter que des sites consultables en métropole ne le soient pas dans les territoires ultra-marins.

La commission propose d'adopter cet article modifié par cinq amendements, notamment pour aligner sa rédaction sur celle du règlement européen en vue d'assurer un niveau de protection du consommateur aussi élevé pour les situations purement internes que pour les situations transfrontières et réduire les frictions entre droit interne et droit de l'Union européenne pour les professionnels.

I. La situation actuelle - Interdire le géoblocage pour les situations purement internes : une recommandation de l'Autorité de la concurrence pour les Outre-mer

Le blocage géographique sur le territoire national a été évoqué par l'Autorité de la concurrence dans son avis de juillet dernier sur le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer 113 ( * ) . Elle y remarquait que « l'égalité réelle consacrée par la loi relative à l'égalité réelle Outre-mer 114 ( * ) implique entre autres que les consommateurs ultramarins puissent accéder librement aux sites de commerce en ligne et bénéficier de conditions non discriminatoires par rapport aux consommateurs métropolitains ».

Or, le règlement commenté à l'article 3 exclut de son champ d'application les « situations purement internes, à savoir lorsque tous les éléments pertinents de la transaction sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre » 115 ( * ) , et « notamment la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement du client ou du professionnel, le lieu d'exécution, les moyens de paiement utilisés dans le cadre de la transaction ou de l'offre, ainsi que l'utilisation d'une interface en ligne » 116 ( * ) . L'Autorité de la concurrence avait donc souligné qu' « un consommateur résidant à La Réunion naviguant sur un site allemand bénéficierait de la protection du règlement geoblocking , mais risquerait de ne pas être couvert en navigant sur un site français ». En conséquence, tout en admettant que « l'instruction menée dans le cadre (de son) avis n'ait pas révélé l'existence de telles pratiques » 117 ( * ) , elle recommandait de « s'interroger sur l'opportunité d'adopter une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen ».

II. Le dispositif envisagé - L'application aux situations purement internes du dispositif de lutte contre le blocage géographique injustifié consacré au niveau européen pour les situations transfrontières.

L'article 4 vise à interdire le géoblocage dans des « situations purement internes » au sens du règlement européen 118 ( * ) , au bénéfice des consommateurs établis en France 119 ( * ) . Il entend ainsi corriger la situation dans laquelle un consommateur situé en France peut se prévaloir des droits découlant du règlement lorsqu'il veut acheter sur un site actif en Europe et hors de France, mais pas lorsqu'il veut acheter sur un site actif en France puisqu'il serait dans le cadre d'une « situation purement interne » au sens du règlement. Le Gouvernement entend également garantir que les enseignes ne mettent pas en oeuvre des pratiques discriminantes à l'encontre de populations locales, par exemple pour pratiquer des prix supérieurs ou pour privilégier la revente dans leurs magasins physiques locaux.

Si l'objectif poursuivi est de protéger les consommateurs établis dans les territoires d'Outre-mer, l'article 4 s'applique néanmoins sur l'ensemble du territoire français 120 ( * ) .

Ainsi, selon des modalités directement inspirées du règlement européen, il interdit à un professionnel de :

- bloquer ou limiter l'accès d'un consommateur à son interface en ligne pour des motifs liés à son lieu de résidence, sauf en raison d'une exigence légale ;

- rediriger un consommateur vers une version différente de cette interface pour des motifs liés à son lieu de résidence, sauf consentement exprès - le consommateur doit alors pouvoir continuer à accéder facilement à la version de l'interface à laquelle il voulait initialement accéder - ou en raison d'une exigence légale ;

- appliquer des conditions générales de vente différentes pour des motifs liés à son lieu de résidence : pour les biens, cette interdiction s'applique si le client cherche à se faire livrer dans un lieu défini d'un commun accord dans le cas où cette option est proposée dans les conditions générales d'accès ; pour les services, elle s'applique à ceux fournis par voie électronique ou non, mais dans ce dernier cas, elle ne s'applique que dans « la zone géographique où le professionnel exerce son activité ». Afin de préserver la liberté tarifaire du professionnel, il est précisé que ces interdictions ne l'empêchent pas de proposer des conditions générales de vente, notamment des prix de vente nets, qui varient d'un endroit à l'autre et qui sont proposées, de manière non discriminatoire, à des clients résidant dans une zone géographique spécifique ou à certains groupes de clients ;

- appliquer, pour des motifs liés au lieu de résidence du consommateur, à la localisation du compte de paiement, au lieu d'établissement du prestataire de services de paiement ou au lieu d'émission de l'instrument de paiement dans l'Union, des conditions différentes aux opérations de paiement réalisées par les consommateurs à l'aide des moyens de paiement acceptés par le professionnel , alors même que l'opération de paiement est effectuée au moyen d'un service de paiement au sens du code monétaire et financier, que les exigences posées par le même code en matière d'authentification sont remplies et que l'opération de paiement est effectuée dans une devise que le professionnel accepte. Cependant, lorsque des raisons objectives le justifient - comme le risque d'insolvabilité ou de défaillance du consommateur -, le professionnel pourra suspendre la livraison des biens ou la prestation jusqu'à ce qu'il reçoive la confirmation que l'opération de paiement a été dûment engagée.

Cet article habilite également la DGCCRF à enquêter et, le cas échéant, sanctionner le non-respect de ses dispositions. Il fixe les mêmes sanctions qu'en cas de violation du règlement européen.

Il diffère cependant du règlement en ce qu'il n'entend protéger que les consommateurs , là où le règlement protège le « client », consommateur ou professionnel lorsqu'il acquiert un bien ou un service « dans le but unique de son utilisation finale ». Cette exclusion est justifiée par le Gouvernement par le fait que son seul objectif est, à travers l'article 4, de protéger le consommateur à l'encontre des discriminations géographiques que pourraient subir certains territoires reculés ou éloignés de la métropole.

Enfin, comme souligné dans l'étude d'impact, l'articulation entre ce dispositif et le règlement européen sera déterminée par la notion de « situation purement interne ». Dès lors qu'un seul élément de la transaction parmi ceux visés par le règlement ne sera pas rattachable au territoire national, c'est le règlement européen qui s'appliquera. Ainsi, un Italien qui achèterait en se connectant en France sur un site proposé en France serait concerné par le règlement européen. C'est pourquoi l'étude d'impact estime que les dispositions de l'article 4 « s'appliqueront uniquement aux résidents de nationalité française sur le territoire national ».

III. La position de la commission - Un progrès en faveur du libre choix du consommateur dans le cyberespace

L'objectif poursuivi par le dispositif est le même que pour l'article 3 : il s'agit de s'assurer d'une plus grande liberté de choix des consommateurs. L'esprit de cet article vise en particulier l'Outre-mer.

Aucune étude n'a été menée pour savoir si ce nouveau dispositif est nécessaire. La DGCCRF a seulement indiqué au rapporteur avoir reçu un signalement d'une députée sur les pratiques de Google, qui ne proposerait pas certaines applications ou services à destination des départements et collectivités d'Outre-mer. Elle indique également que certaines chaînes de télévision, comme beIN Sport par exemple, ne permettent pas la diffusion de leurs programmes dans les Outre-mer, considérant ceux-ci comme des pays étrangers. Le Gouvernement a également indiqué au rapporteur ignorer si d'autres États membres ont adopté ce type de mesures.

Même s'il est dommage qu'aucune étude n'ait répertorié les besoins en la matière, il serait étonnant qu'un État membre autorise sur son territoire une pratique interdite à l'échelle de l'Union européenne. Ce dispositif apparaît donc bienvenu . Il concourt à l'objectif poursuivi par la proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace précité.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté trois amendements rédactionnels ( COM-20 , COM-22 et COM-26 ) et deux amendements visant à aligner la rédaction de l'article sur celle du règlement européen en vue d'assurer un niveau de protection du consommateur aussi élevé pour les situations purement internes que pour les situations transfrontières et, ainsi, réduire les frictions entre droit interne et droit de l'Union européenne pour les professionnels. Il s'agit en particulier d'exiger :

- une explication claire et spécifique du professionnel au consommateur lorsque la restriction est nécessaire à des fins de mise en conformité ( COM-35 ) ;

- l'absence de discrimination dans les conditions de vente s'agissant de la livraison de biens en un lieu vers lequel la livraison est proposée dans les conditions générales de vente du professionnel ( COM-21 ) .

La commission propose à la commission des finances d'adopter l'article ainsi modifié.

Article 5

Adaptation du droit national au Règlement 2017/2394 sur la coopération entre les autorités nationales compétentes en matière de protection des consommateurs

Cet article, dont la commission des finances a délégué l'examen au fond à la commission des affaires économiques, vise à procéder à deux ajustements techniques dans le code de la consommation pour tenir compte de l'entrée en vigueur du Règlement 2017/2394 et à doter la DGCCRF de deux pouvoirs nouveaux : celui de procéder à une transaction administrative dans laquelle elle pourrait exiger du professionnel une indemnisation des consommateurs, et celui d'ordonner une restriction d'accès à une interface en ligne ou de supprimer un nom de domaine.

L'article étant en vigueur, la commission propose un amendement supprimant cet article 5, désormais vide de contenu.

I - La position de la commission

Les dispositions de cet article figurent désormais à l'article 42 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, modifiées par la commission des lois du Sénat sur proposition du rapporteur du présent projet de loi.

Par rapport aux dispositions du présent article 5, l'article 42 de la loi n° 2020-734 :

- ne prévoit plus la possibilité pour la DGCCRF de procéder elle-même à des réductions d'accès à des interfaces en ligne en cas de manquement ou d'infraction constaté sur ces dernières ;

- encadre davantage le recours à la procédure de transaction administrative en retirant la possibilité pour l'autorité administrative de sanctionner directement le non-respect de l'accord de transaction, considérant qu'il revient au juge administratif de trancher un tel litige ;

- précise que l'autorité administrative doit intégrer dans le calcul du montant de la transaction les engagements pris par la personne en cause de nature à faire cesser l'infraction, à éviter son renouvellement et à indemniser les consommateurs lésés.

L'article étant en vigueur, la commission propose un amendement supprimant cet article 5, désormais vide de contenu ( COM-17 ).

La commission propose à la commission des finances de supprimer l'article.


* 1 COM(2015) 192, 6 mai 2015.

* 2 Commission européenne, proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente, COM/2011/0635 final, 11 octobre 2011.

* 3 Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE.

* 4 Directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

* 5 Articles L. 216-1 à L. 216-6 du code de la consommation. Cette obligation résulte, en droit européen, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil.

* 6 Tout vendeur a également une obligation d'information et un devoir de conseil envers l'acheteur, ces obligations étant renforcées pour les professionnels vendant à des consommateurs.

* 7 Articles L. 217-1 à L. 217-14 du code de la consommation. Cette conformité du bien se distingue de la conformité aux règles relatives à la mise sur le marché des produits retranscrites aux articles L. 411-1 et suivants du code de la consommation.

* 8 Directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, transposée par l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005. Cette directive était d'harmonisation dite « minimale », en ce qu'elle fixait un socle commun assez limité et permettait aux États membres d'adopter des dispositions plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé du consommateur. L'élaboration de la directive avait duré près de quinze ans.

* 9 Articles 1641 à 1649 du code civil.

* 10 La garantie légale de conformité s'applique également aux contrats de fourniture de biens à fabriquer ou à produire, comme un meuble de cuisine à monter, ainsi que l'eau et le gaz vendus en volume ou en quantité déterminée.

* 11 Article 2224 du code civil.

* 12 Articles 1641 et suivants du code civil.

* 13 La directive de 1999 précitée fixait le délai de garantie à deux ans. En revanche, si, en vertu de la législation nationale, un délai de prescription enserrait l'action en garantie, il ne devait pas expirer au cours des deux ans qui suivent la délivrance.

* 14 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Le délai était auparavant celui prévu par la directive de 1999, à savoir six mois.

* 15 Ces dispositions ont été introduites à l'article L. 217-9 du code de la consommation. Selon le Gouvernement, la Commission européenne a validé la possibilité d'étendre, en principe, le délai de garantie après la mise en conformité. De nouveaux échanges sont prévus afin de s'assurer qu'une telle disposition serait compatible avec la liberté de choix offerte au consommateur entre réparation et remplacement, que prescrit l'article 13 de la directive 2019/771.

* 16 Le Gouvernement estime que cette disposition constitue une interruption du délai de garantie autorisée par le considérant 44 de la directive sur la vente de biens de 2018 exposée ci-après.

* 17 Selon les informations recueillies par le rapporteur, ce point fait l'objet d'échanges entre le Gouvernement et la Commission européenne en vue de s'assurer qu'il est compatible avec la liberté de choix offerte au consommateur entre réparation et remplacement, que prescrit l'article 13 de la directive 2019/771.

* 18 Article L. 211-2 du code de la consommation.

* 19 C'est-à-dire dans des modalités telles que le consommateur ne puisse se trouver entravé ou dissuadé dans l'exercice de ses droits légaux à garantie.

* 20 Articles 1352 et suivants du code civil.

* 21 Voir, par exemple, le modèle proposé par l'Institut national de la consommation : https://www.inc-conso.fr/content/le-meuble-quon-vous-livre-nest-pas-entierement-en-chene-massif-comme-cela-etait-indique-sur

* 22 Depuis la loi « consommation » de 2014, cet encadrement s'applique aussi bien aux garanties payantes que gratuites.

* 23 Articles L. 217-15 à L. 217-16-1 du code de la consommation.

* 24 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance.

* 25 Articles L. 217-17 à L. 217-20 du code de la consommation.

* 26 Définie par l'article 2 de la directive comme « des données produites et fournies sous forme numérique ». Cette définition reprend celle figurant déjà dans la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs. Les modifications récentes de cette directive transposées à l'article 2 exigent notamment des informations précontractuelles portant sur les fonctionnalités des contenus numériques et sur leur interopérabilité.

* 27 Considérant 19 de la directive.

* 28 Définie par l'article 2 de la directive comme « a) un service permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique, ou d'y accéder; ou b) un service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou d'autres utilisateurs de ce service ».

* 29 Idem.

* 30 En revanche, le considérant 20 précise que c'est la directive 2011/83 qui s'applique à ces supports matériels en ce qui concerne l'obligation de livraison, qui se substitue alors à l'obligation de fourniture prévue par la directive commentée.

* 31 Sauf lorsque les données fournies sont exclusivement traitées pour fournir le contenu ou le service ou pour permettre au professionnel de remplir les obligations légales qui lui incombent. Autrement dit, il ne s'agit pas de consacrer une patrimonialisation des données mais de reconnaître que la possibilité laissée au professionnel de traiter les données personnelles à des fins commerciales constitue un « avantage » au sens de la définition des contrats à titre onéreux en droit français.

* 32 Il convient de noter qu'une application installée sur un smartphone ou une tablette ne relève de la directive sur les contenus et services numériques que si elle n'est pas prévue au contrat de vente du bien. Si elle est prévue au contrat de vente du bien, elle relève de la directive sur la vente de biens.

* 33 Le considérant 74 de la directive évoque que ces modifications sont « par exemple les mises à jour et les améliorations, qui sont apportées par les professionnels au contenu numérique ou au service numérique fourni ou rendu accessible au consommateur pendant une certaine période ».

* 34 Art. L. 224-10 du code de la consommation.

* 35 Art. L. 224-33 du code de la consommation.

* 36 Cela peut consister à préciser au professionnel les données techniques de son environnement (par téléphone, par courriel ou via un « chatbot »). Il pourrait également être amené à autoriser temporairement la prise en main à distance par le professionnel pour modifier son environnement.

* 37 Cette obligation d'enjoindre le professionnel de s'exécuter figure, s'agissant des biens meubles corporels, dans la directive 2011/83 et à l'article L. 216-2 du code de la consommation.

* 38 Le considérant 64 de la directive précise qu'aucun délai n'a été précisé en raison de la diversité des contenus et services numériques.

* 39 Cons. 67 et art. 14§6.

* 40 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

* 41 On pourrait imaginer que dans le cadre d'un service numérique comprenant un stockage à distance, dans lequel le consommateur aurait conservé des éléments non personnels et n'ayant pas trait à l'activité du consommateur lors de l'utilisation dudit service numérique (oeuvre artistique, document public,...), ces éléments ne seraient plus utilisables par le professionnel. Cette hypothèse est toutefois sujette à l'éventuelle qualification de tels contenus comme des données à caractère personnel, en fonction des circonstances.

* 42 Directive de 1999 précitée.

* 43 Articles L. 217-7 et L. 217-12 du code de la consommation et articles 10 et 11 de la directive 2019/771. La directive impose un délai minimum d'un an et permet aux États membres de maintenir ou d'introduire un délai plus long (article 11§2 de la directive).

* 44 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 45 Article L. 217-7 du code de la consommation et article 11 de la directive 2019/771.

* 46 Défini comme le fabricant, l'importateur dans l'UE ou toute personne se présentant comme un producteur.

* 47 Considérants 15 et 39.

* 48 Cette obligation de fourniture de biens ou services, transposée en droit français aux articles L. 216-1 et suivants du code de la consommation, découle des articles 5§1 (d) et 6§1 (g) de la directive 2011/83 sur les droits des consommateurs.

* 49 Article 2§5 b) de la directive.

* 50 La seule différence réside dans le fait que la directive 771 prévoit que le délai d'obligation de mise à jour d'un contenu ou service numérique fourni de façon continue ne peut (à l'instar du délai de garantie lui-même) être inférieur à deux ans à compter de la délivrance du bien, alors que la directive 770 ne prévoit pas un tel plancher.

* 51 Ces éléments sont inspirés du considérant 31 de la directive.

* 52 Article 1107 du code civil.

* 53 TGI Paris, 7 août 2018, UFC-Que choisir c/ Twitter ; 12 févr. 2019, UFC-Que Choisir c/ Google Inc. ; TGI Paris, 9 avr. 2019, UFC-Que Choisir c/ Facebook Ireland Ltd ; qui analysent les conditions générales d'utilisation de Twitter, Google + et Facebook au prisme de la sanction des clauses abusives.

* 54 Le considérant 25 de la directive permet en effet aux États membres d'étendre l'application de la directive aux situations qui ne sont pas couvertes.

* 55 Le considérant 17 de la directive 2019/771 renvoie au droit national le soin de déterminer si un contrat portant sur un bien et un service doit ou non être considéré comme un contrat de vente au sens de la directive.

* 56 La directive permet aux États membres de soumettre les recours à des délais de prescription, à condition que la prescription « permette au consommateur d'exercer les recours (...) pour tout défaut de conformité dont le vendeur doit répondre (...) et qui apparaît au cours de la période » de garantie.

* 57 Article L. 217-16 du code de la consommation.

* 58 Une telle hypothèse est permise par le considérant 44 de la directive 2019/771.

* 59 Comme le permet le considérant 60 de la directive.

* 60 Article 16 de la directive.

* 61 Article 18 de la directive 2019/770.

* 62 Communiqué de presse en date du 17 avril 2019.

* 63 La conférence environnementale de 2013 identifiait déjà l'allongement de la durée de la garantie légale comme un levier pour favoriser l'allongement de la vie des produits.

* 64 Article 12 de la directive.

* 65 Article 13§7 de la directive.

* 66 Article 13§6 de la directive.

* 67 L'article liminaire du code de la consommation définit comme non-professionnelle « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles », alors qu'est considéré comme consommateur « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

* 68 Les considérants 16 de la directive 2019/770 et 21 de la directive 2019/771 permettent aux États membres d'étendre les mesures de protection qu'elle prévoit à d'autres acteurs que les consommateurs, comme « les ONG, les start-ups et les PME ». Il existe, en droit positif, un cas d'application de dispositions protectrices des consommateurs à des « petits professionnels » en matière de contrats hors établissement (article L. 221-3 du code de la consommation).

* 69 Voir, par exemple, l'arrêt Whatelet (CJUE, 9 nov. 2016, aff. C-149/15).

* 70 Article 19 de la directive 771 et article 21 de la directive 770.

* 71 Comme évoqué ci-dessus, le droit en vigueur ne prévoit de sanctions administratives qu'en cas de non-respect du formalisme applicable aux garanties commerciales et aux prestations de service après-vente.

* 72 Article L. 623-1 et suivants du code de la consommation.

* 73 Cette possibilité est ouverte par les considérants 18 de la directive 2019/770 et 23 de la directive 2019/771.

* 74 Article 9.

* 75 Voir en ce sens Cass. Com. 24 sept. 2003, n°01.11.504.

* 76 Articles 16 et 17 de la directive 2019/770.

* 77 Art 13 §6 de la directive 2019/771. Une telle extension est envisagée dans le considérant 15 de la directive 2019/770.

* 78 Article 17 de la directive 2019/771.

* 79 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_17_1448

* 80 UFC-Que choisir : Extension à 2 ans de la garantie légale : Une information du consommateur loin d'être garantie !, mai 2016

* 81 Comme le fait de présenter un bien dans un État membre comme identique à un bien commercialisé dans d'autres États membres, alors que ce bien a une composition ou des caractéristiques sensiblement différentes, à moins que cela ne soit justifié par des facteurs légitimes et objectifs.

* 82 Comme le fait de ne pas préciser, pour une place de marché en ligne, si le tiers proposant les produits est un professionnel ou non, ou le fait de ne pas donner accès aux paramètres qui déterminent le classement des produits, ou encore de donner accès à des avis en ligne de consommateurs sans préciser si et comment le professionnel garantit que les avis publiés émanent de réels consommateurs.

* 83 Par exemple, elle y ajoute :

• la revente de billets pour des manifestations à des consommateurs dans le cas où un professionnel les aurait acquis en utilisant un moyen automatisé de contourner toute limite imposée au nombre de billets qu'une personne peut acheter ;

• l'affirmation selon laquelle des avis sur un produit sont envoyés par des consommateurs ayant effectivement utilisé ou acheté le produit mais sans prendre de mesure raisonnable pour vérifier qu'ils émanent de tels consommateurs ;

• le fait d'envoyer ou charger une autre personne d'envoyer de faux avis afin de promouvoir des produits ;

• le fait de ne pas informer clairement le consommateur de toute publicité payante ou paiement effectué spécifiquement pour obtenir un meilleur classement des produits dans les résultats de recherche en ligne.

* 84 Ces dernières sont dorénavant définies comme « un service utilisant un logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par le professionnel ou pour son compte qui permet aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec d'autres professionnels ou consommateurs » (art 2, point 17, de la directive 2011/83/UE).

* 85 Réponse de la DGCCRF au questionnaire.

* 86 Une infraction de grande ampleur représente tout acte ou omission contraire aux dispositions du droit de l'Union en matière de protection des intérêts des consommateurs qui a porté, porte ou est susceptible de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs résidant dans au moins deux États membres autres que celui où l'acte ou l'omission en question a son origine ou a eu lieu, ou celui sur le territoire duquel le professionnel responsable de l'acte ou de l'omission est établi ou dans lequel se trouvent des éléments de preuve ou des actifs du professionnel en rapport avec l'acte ou l'omission.

* 87 Une infraction de grande ampleur à l'échelle de l'Union est une infraction de grande ampleur qui a porté, porte ou est susceptible de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs dans au moins deux tiers des États membres représentant une population cumulée d'au moins deux tiers de la population de l'Union.

* 88 La vente à « la boule de neige » est régie par les dispositions de l'article L. 121-15 du code de la consommation. Elle consiste à offrir des marchandises au public en lui faisant espérer l'obtention de ces marchandises à titre gratuit ou contre remise d'une somme inférieure à leur valeur réelle et en subordonnant les ventes au placement de bons ou de tickets à des tiers ou à la collecte d'adhésions ou inscriptions.

* 89 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 90 Art. L. 131-4 du code de la consommation.

* 91 Par exemple, le délit d'abus de faiblesse est réprimé à la fois par le code pénal (art. 223-15-2) et le code de la consommation (art. L. 132-11).

* 92 Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/Ce et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil.

* 93 Réponse au questionnaire.

* 94 Sauf pour les articles relatifs à la définition de certaines pratiques commerciales trompeuses par action ou par omission.

* 95 Voir notamment Commission européenne, 17 décembre 2018, Guess, qui inflige à l'entreprise une amende de 40 millions d'euros pour des accords anticoncurrentiels visant à empêcher les ventes transfrontières ; 25 mars 2019, produits dérivés dans le domaine du sport, qui inflige au fabricant Nike une amende de 12,5 millions d'euros pour restriction des ventes transfrontières. L'action de la Commission européenne sur le fondement du droit de la concurrence peut d'ailleurs être complémentaire par rapport aux dispositions du règlement ici étudié.

* 96 Règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE.

* 97 Article 20 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

* 98 À l'exception des services visés à l'article 2§2 de la directive « services » de 2006 : services d'intérêt général non économiques, services financiers, services et réseaux de communications électroniques, services dans le domaine des transports, services des agences de travail intérimaire, services de soins de santé, services audiovisuels...

* 99 Considérant 7 du règlement.

* 100 Le règlement protège le « client », c'est-à-dire le consommateur ou une entreprise qui reçoit un service ou achète un bien dans le but unique de son utilisation finale.

* 101 Article 2, 13).

* 102 Définie comme « tout logiciel, y compris un site internet ou une section de site internet, et des applications, notamment des applications mobiles, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux clients d'accéder aux biens ou aux services qu'il propose en vue de réaliser une transaction portant sur ces biens ou services » (article 2, 16)).

* 103 Il s'agit des petites entreprises exemptées de TVA (titre XII, chapitre 1, de la directive 2006/112/CE). Comme évoqué au considérant 30, « Pour ces professionnels qui proposent des services fournis par voie électronique, l'interdiction d'appliquer des conditions générales d'accès différentes pour des motifs liés à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu d'établissement du client supposerait une obligation de s'enregistrer aux fins de la TVA afin de déclarer la taxe due dans d'autres États membres et pourrait entraîner des coûts supplémentaires, ce qui constituerait une charge disproportionnée compte tenu de la taille et des caractéristiques des professionnels concernés. »

* 104 Création d'une sous-section 10 d'une section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la consommation, qui porte sur la sanction des pratiques commerciales interdites.

* 105 L'article 10 du règlement intègre en effet le règlement au corpus des règles couvertes par la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

* 106 Leur liste est consultable sur le lien suivant : https://trade.ec.europa.eu/tradehelp/fr/pays-et-territoires-doutre-mer-ptom .

* 107 La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Réunion et Saint-Martin sont intégrées au marché intérieur européen et à ce titre sont assujetties au droit européen, au même titre que les autres régions européennes. Il n'est donc pas besoin de les mentionner explicitement dans ces dispositions.

* 108 Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et loi organique n°2004-197du 27-février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

* 109 Le formulaire de réclamation est disponible à l'adresse suivante : https://www.europe-consommateurs.eu/fr/une-question-une-reclamation .

* 110 Certes, notre pays n'est pas le seul : Chypre, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie et l'Espagne ont aussi rencontré des retards engendrant leur mise en demeure.

* 111 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 112 Proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace .

* 113 Autorité de la concurrence, avis n° 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer.

* 114 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle Outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

* 115 Article 1§2 du règlement 2018/302.

* 116 Considérant 7 du même règlement.

* 117 L'instruction de l'Autorité de la concurrence (questionnaires adressés aux enseignes, auditions, test « client-mystère » effectué par les Direccte) n'a pas révélé de pratiques de géoblocage au sens du règlement européen à l'encontre des consommateurs des départements et régions d'Outre-mer. Cela étant, l'instruction a porté sur un échantillon limité d'enseignes (une trentaine), complétée des réponses, supposées de bonne foi, des enseignes ayant répondu aux questionnaires.

* 118 Une situation est « purement interne » selon le règlement « lorsque tous les éléments pertinents de la transaction sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre ».

* 119 Il crée à cet effet une section 12 au sein du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, qui porte sur les pratiques commerciales interdites.

* 120 Le droit de la consommation s'applique de plein droit dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à savoir en Guadeloupe, à La Réunion et dans les collectivités uniques de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte. Il en va de même dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon en vertu des articles LO 6213-1, LO 6313-1, LO 6413-1 du code général des collectivités territoriales. En revanche, comme déjà évoqué, ces dispositions ne s'appliquent pas en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française en raison de la compétence de ces deux collectivités, prévues par leur loi statutaire respective en matière de droit de la consommation. Enfin, en vertu du principe de spécialité législative, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer dans les îles Wallis et Futuna ni dans les Terres australes et antarctiques françaises faute de mention d'application expresse ou de compteur Lifou pour les articles du code de la consommation actuellement en vigueur et qui seront modifiés par projet de loi.

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