4. Un effort à relativiser

En résumé, sur l'enveloppe de 51,4 milliards de francs :

- 15,8 milliards de francs correspondent à des actions déjà inscrites dans la loi de finances pour 1998 et au chiffrage des crédits nécessaires à leur poursuite ou leur montée en charge en 1999 et 2000 ;

- 8,1 milliards de francs correspondent au financement qui sera demandé aux « partenaires » (Europe, collectivités locales, partenaires sociaux, sécurité sociale, opérateurs de service public) ;

- 5 milliards de francs ne correspondent pas « à grand chose », sinon l'annonce de la future couverture maladie universelle qui devra faire l'objet d'un projet de loi à l'automne ;

- 3,5 milliards de francs correspondent à des mesures déjà annoncées (voire votées par le Parlement comme l'ASA) mais qui ne sont pas financées stricto sensu en loi de finances.

Il resterait au total une somme d'environ 18 milliards de francs sur trois ans, correspondant a priori aux mesures incluses dans le projet de loi ou dans le programme dont il est assorti.

Comment porter un jugement sur ce montant ?

Votre rapporteur n'entend pas céder à son tour au « vertige quantitatif », cette fois pour souligner l'insuffisance des moyens dégagés.

Tout au plus suggère-t-il que le Gouvernement aille au-delà du chiffrage politique d'un projet de loi et propose une véritable récapitulation des crédits engagés en faveur de l'exclusion dans une acception plus large et moins conjoncturelle.

La discussion du projet de loi de finances pour 1999 pourrait être l'occasion de prévoir un « jaune budgétaire » consacré spécifiquement à l'exclusion, à l'instar du jaune déjà consacré à la politique de la ville, qui permettrait au Parlement d'opérer dans la sérénité un suivi pluriannuel de l'ensemble des efforts financiers consentis dans ce domaine (crédits budgétaires, dépenses fiscales, voire dépenses des « partenaires »).

En revanche, il semble éclairant pour votre rapporteur de comparer la mobilisation des crédits publics au cours des derniers mois et les choix qu'elle recouvre .

L'enveloppe consacrée -avec les réserves et les considérations méthodologiques que l'on a dites- à la lutte contre les exclusions doit être comparée à celles dégagées pour les emplois-jeunes ou la loi relative à la réduction du temps de travail.

Si le Gouvernement s'est toujours refusé à un chiffrage de cette dernière au motif qu'un équilibre se réalisait « ex post » , il n'a pas contesté les tentatives d'évaluation faites par la commission des Affaires sociales qui conduisaient à un coût de 200 à 300 milliards de francs sur cinq ans.

S'agissant des emplois-jeunes, une règle de trois permet, à partir des données fournies à l'appui du projet de loi exclusion, d'évaluer son coût pour le seul exercice 2000, à 28 milliards de francs dont 5,5 milliards de francs seraient « recyclés » au profit de la lutte contre l'exclusion.

Entre les emplois-jeunes, qui volontairement à l'origine, n'ont pas été ciblés sur des publics en difficulté, et la réduction du temps de travail, pour laquelle des moyens financiers considérables seront dégagés afin d'atténuer le choc du passage à la nouvelle durée légale, la place de la lutte contre l'exclusion apparaît, sinon congrue, du moins fortement en retrait par rapport à l'affirmation de « l'impératif national et de la priorité de l'ensemble des politiques publiques de la Nation » qu'elle constitue en vertu de l'article premier de la loi .

Trop d'impératifs tuent l'impératif, trop de priorités tuent les priorités.

Le risque est grand que les emplois-jeunes s'adressent essentiellement aux jeunes diplômés qui demanderont la sécurité de l'emploi au bout de cinq ans de « para-fonction publique ». La réduction du temps de travail conduira progressivement vers sa philosophie initiale : une amélioration des conditions de travail et des rémunérations de ceux qui ont un emploi.

La population des exclus qui, elle, ne sera réintégrée dans la société que grâce à une action qui relève sans aucun doute de la solidarité nationale et de la responsabilité publique, apparaît par comparaison comme « le parent pauvre » des choix budgétaires.

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