Mardi 23 mai 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 17 heures.

Rapport d'activité pour 2022 et proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public - Audition de M. Louis Dutheillet de Lamothe, secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

M. François-Noël Buffet, président. - Nous recevons cet après-midi Louis Dutheillet de Lamothe, secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Monsieur le secrétaire général, j'ai souhaité l'organisation de cette audition afin que vous nous présentiez le rapport d'activité pour 2022 de la Cnil. Nous aimerions aussi connaître la position de la Cnil sur le sujet particulier de la reconnaissance biométrique, dans la perspective de l'examen la semaine prochaine en commission de la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public, déposée par nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet, qui fait suite à la mission d'information qu'ils ont conduite de février à mai 2022 avec Jérôme Durain. Philippe Bas, rapporteur de ce texte, aura certainement à coeur de vous questionner de façon précise sur le sujet.

M. Louis Dutheillet de Lamothe, secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). - Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Marie-Laure Denis, présidente de la Cnil, qui ne pouvait être présente cet après-midi, retenue par le colloque sur les 45 ans de la Cnil et qui devra se rendre demain à Bruxelles.

Je commencerai par vous présenter en quelques mots le rapport d'activité de la Cnil, avant d'évoquer la proposition de loi.

L'accompagnement est une activité toujours plus soutenue pour la Cnil : le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui a remplacé le système de déclaration par un système de responsabilité des entreprises, assorti de lourdes sanctions, a créé une demande de sécurité juridique. Nous avons ainsi adopté une quinzaine d'actes de droit souple - guides, référentiels, recommandations, etc. - et répondu à 1 500 demandes de conseil de la part d'entreprises, nombre qui se maintient à un niveau constant. Nous avons reconduit pour la deuxième année nos actions d'accompagnement individualisé de projets innovants, selon notre dispositif de « bac à sable ». Nous avons choisi en 2022 le thème des technologies innovantes en matière d'éducation et procédé à un appel à projets. Comme ce programme a eu beaucoup de succès, nous poursuivrons en 2023, avec un nouveau programme d'accompagnement renforcé, qui, lui, ne sera pas thématique. Nous avons donc enrichi la palette de nos actions pour permettre aux entreprises innovantes de lancer des produits en étant sûres de leur conformité avec le RGPD.

Mme Karin Kiefer, directrice de la protection des droits et des sanctions de la Cnil. - Notre activité de contrôle et de sanction se divise en trois grands ensembles : le traitement des demandes des usagers, le contrôle des acteurs et l'édiction de mesures correctrices.

En ce qui concerne la relation aux usagers, nous avons reçu plus de 12 000 plaintes en 2022, ainsi que 7 400 demandes d'exercice de droits indirects, qui portent notamment sur le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), chiffre en hausse de 27  %. Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du RGPD, nous avons réussi à traiter plus de plaintes que nous n'en avons reçu, ce qui nous a permis de réduire le stock d'affaires en attente - une première depuis 2018 ! Nous avons créé un portail internet dédié aux usagers, pour que les plaignants puissent ouvrir un compte en ligne et nous solliciter par ce biais ; nous avons aussi ouvert un téléservice pour les demandes d'exercice de droits indirects.

Nous avons effectué 3 500 contrôles, majoritairement sur place, comme nous le faisions avant l'épidémie liée à la covid-19 - on peut se réjouir d'un retour à la normale en la matière. Beaucoup de ces contrôles font suite à des plaintes des citoyens.

S'agissant de l'activité répressive, la Cnil a adopté 147 mises en demeure en 2022, notamment, dans la moitié des cas, pour des manquements relatifs à la sécurité des données. Elle a prononcé 21 décisions de sanctions, dont 13 publiques. Une avancée a été la création d'une procédure simplifiée qui permet au président de la formation restreinte ou à un membre qu'il désigne de prendre seul une sanction dans des dossiers d'importance mineure ou ne présentant pas de difficulté particulière, ce qui permet d'agir plus vite. Parmi les sanctions emblématiques, je citerai celle rendue à l'encontre de la société Clearview, dans une affaire liée à la reconnaissance faciale. Beaucoup de sanctions, comme celles à l'encontre de Microsoft, Apple ou TikTok, concernent l'usage des cookies. Nous avons aussi participé à des décisions européennes, en examinant des projets de décisions de nos homologues, à l'image de la décision récente du régulateur irlandais contre Meta d'1,2 milliard d'euros.

M. Louis Dutheillet de Lamothe. - La Cnil a vu le taux de plaintes augmenter de 30 % par an depuis la mise en oeuvre du RGPD. Dans ces conditions, être capable de traiter plus de plaintes que nous n'en recevons constitue un défi quotidien pour les services de la Cnil.

J'en viens maintenant à la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public. En 2019, la Cnil a publié une position de principe, soulignant les risques particuliers que la reconnaissance faciale comporte. Elle appelait à un débat public démocratique. Nous y sommes !

La Cnil a toujours considéré les données biométriques comme des données particulières, même si ce n'est que le RGPD qui en a fait des données « sensibles », c'est-à-dire dont le traitement est interdit sans le consentement de la personne, à moins qu'une loi ou un texte réglementaire ne l'autorise. Les données biométriques permettent en effet l'identification des personnes, de manière unique et quasi certaine, et ne peuvent jamais être modifiées, ce qui peut être problématique si leur sécurité est compromise.

Il faut s'interroger sur les différents usages de la reconnaissance biométrique, et sur les risques associés. Certains usages avec le consentement des personnes ne posent pas de problème, comme l'authentification de l'usager d'un téléphone par exemple. Beaucoup d'entreprises sollicitent la Cnil pour développer de tels services d'identification par biométrie avec le consentement de la personne. La Cnil vérifie comment le service est sécurisé techniquement, les modalités de recueil du consentement de la personne, si les données sont stockées en local, à la main de la personne, sans base centralisée. Il faut en effet partir du principe qu'une base centralisée peut toujours être victime d'une cyberattaque un jour ou l'autre et que la sécurité des données centralisées peut toujours être compromise. Nous demandons que le stockage soit décentralisé - une empreinte par téléphone, par exemple -, de telle sorte qu'il ne soit pas possible de récupérer l'ensemble des données en une seule attaque.

D'autres usages sont de police. Il peut s'agir de vérifier, à partir d'une photographie, si une personne figure dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) ou dans n'importe quel fichier. Un autre usage plus intrusif consiste à rechercher a posteriori dans des vidéos un ou plusieurs visages. Ce n'est à ce jour pas autorisé dans le droit français, même s'il s'agit du prolongement de l'usage précédent.

L'usage de la reconnaissance en temps réel par une caméra, d'une personne dans la rue, ou ailleurs, constitue un changement de nature. Nous identifions cinq risques.

Le premier consiste en une menace pour le respect de la vie privée, car, avec ce système, il devient possible d'identifier toute personne sur une photographie ou une vidéo ; or notre droit protège notre capacité à circuler dans l'espace public de manière anonyme.

Il existe aussi des risques d'erreurs sur l'identification, comme on le constate dans les pays qui ont commencé à expérimenter ces systèmes : il arrive que les personnes appréhendées ne soient pas les bonnes.

Ensuite, ces systèmes peuvent comporter des biais discriminatoires, en fonction de la manière dont ils ont été entraînés, et ils peuvent commettre plus d'erreurs sur telle ou telle catégorie de population.

Le quatrième risque est lié à l'apparition d'une inhibition dans l'exercice de ses droits ou libertés fondamentales : on peut hésiter à manifester si l'on sait que l'on est filmé et potentiellement reconnu !

Enfin, il y a un risque de sécurité informatique : toute base centralisée de données biométriques est une cible pour une cyberattaque malveillante. La question n'étant pas de savoir si une attaque aura lieu, mais quand ! Les cyberattaques sont de plus en plus sophistiquées et nul ne peut garantir la sécurité des données.

Le collège de la Cnil ne s'est pas prononcé sur la proposition de loi. Mes propos ne refléteront donc que l'analyse des services de la Cnil au regard de sa doctrine plus générale.

Il découle des délibérations du collège de la Cnil qu'il ne faut expérimenter ces technologies, notamment celles permettant une analyse temps réel, qu'avec une extrême prudence et de manière progressive.

Or la proposition de loi élargit de manière considérable et d'un seul coup les cas d'usage. On peut les distinguer en trois grands ensembles.

Tout d'abord, l'authentification. C'est l'usage qui pose le moins de difficultés. Il convient de procéder avec un stockage des données en local, qui ne soit pas centralisé et qui reste à la main des personnes. Il me semble que ces usages sont déjà permis par le droit actuel. Le règlement type de la Cnil permet d'installer des systèmes d'authentification des personnes employées par quelqu'un ; cette possibilité vaut aussi pour l'organisation d'un événement. Il suffit donc d'élargir et d'affiner ce qui existe déjà. Ces systèmes d'authentification biométriques sont faillibles. Les sociétés qui assurent la sécurité d'événements refusent en général de s'en remettre uniquement à la biométrie. Il faut conjuguer ces dispositifs avec du contrôle humain et d'autres dispositifs, adaptés au cas par cas. Le règlement type de la Cnil, qui prévoit trois niveaux de dispositifs possibles, peut constituer un point de référence utile.

Le deuxième cas d'usage visé par la proposition de loi est nouveau : il s'agit de l'identification a posteriori, soit dans le cadre d'enquêtes judiciaires, soit dans le cadre d'enquêtes par les services de renseignement lorsque les intérêts fondamentaux de la Nation sont en jeu. La relecture a posteriori de documents, de photographies ou de vidéos, dans le cadre d'une enquête déjà ouverte, pour y identifier des personnes est moins attentatoire que la reconnaissance en temps réel, dans la rue des personnes qui passent. Cette capacité de recherche dans une vidéo est inédite. Il importe de s'interroger sur la nécessité et sur le caractère proportionné du recours à ce type de méthodes. Dans ce cas, il convient de prévoir des garanties, à commencer par l'existence d'un contrôle humain approfondi.

Le périmètre retenu par le texte semble très large. L'exposé des motifs vise les infractions les plus graves, mais en fait tous les délits passibles d'une peine d'emprisonnement de trois ans, donc tous les vols, pourraient faire l'objet de ce type d'enquête selon le texte de l'article 3.

Nous vous demandons de mettre en avant le principe de subsidiarité, qui figurait dans le rapport de votre commission sur la reconnaissance biométrique dans l'espace public. Cette technique de recherche automatique de visages dans des vidéos ne devrait être que subsidiaire par rapport aux techniques habituelles d'enquête.

Enfin et surtout, il faut, nous semble-t-il, préciser et encadrer de manière stricte l'identité des personnes que l'on va rechercher dans une vidéo : est-ce que l'on recherche une personne bien identifiée ? ou bien s'agit-il d'identifier toutes les personnes présentes sur une scène, par exemple pour trouver des témoins, ce qui est intrusif et ne devrait être possible que dans des cas d'une extrême gravité ?

En ce qui concerne l'usage par les services de renseignement, le texte prévoit déjà un encadrement, mais celui-ci pourrait encore être précisé. Il permet le recours à la biométrie pour « retrouver une personne préalablement identifiée susceptible d'être en lien avec une menace ». On comprend qu'il s'agit d'une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation, mais il faudrait l'expliciter ; de même, la notion d'« entourage » est trop large.

Le troisième et dernier cas d'usage est l'identification en temps réel dans l'espace public, pour sécuriser de grands événements ou pour les enquêtes judiciaires les plus graves. Il s'agit pour nous du point le plus délicat et le plus novateur. Le risque d'atteinte à la vie privée est d'une tout autre ampleur et nature que dans les cas précédents. La surveillance et l'identification ont lieu en temps réel, au moment où les personnes passent devant la caméra. Or c'est dans ces cas que le contrôle humain est le plus faible, car à la différence d'une enquête de long cours, le fait divers appelle une réaction dans l'urgence, en temps réel. C'est aussi dans ces circonstances que les risques d'erreur sur la personne ou d'intervention d'un biais discriminatoire sont les plus élevés, avec des conséquences concrètes potentiellement importantes. En outre, la mise en oeuvre de ce type de système suppose techniquement de créer une dérivation des images vers les lieux où serait effectuée la reconnaissance faciale en temps réel par comparaison avec les bases de données biométriques mises à disposition. Comme il n'existe pas de système de vidéosurveillance centralisée en France, il faudrait installer ce dispositif dans chaque endroit où l'on voudrait l'utiliser. Cela accroît le risque de sécurité et de compromission des bases et des données. Enfin, ce système est aussi le plus inhibant pour les personnes pour exercer leurs libertés dans l'espace public.

La création de ce dispositif, fût-ce à titre expérimental, serait une rupture fondamentale pour l'exercice de nos libertés publiques alors que n'avons pas encore de recul sur l'efficacité et l'utilité de la biométrie dans les autres cas d'usage. L'exploitation en temps réel des vidéos ne se limite pas à la reconnaissance faciale, elle comporte aussi le recours à l'intelligence artificielle. Une réflexion a eu lieu depuis deux ans sur les caméras augmentées ou intelligentes. Le Parlement vient de décider, dans la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024, de tester cette technologie, dans un cadre dont la Cnil a elle-même estimé qu'il était précis et encadré. L'expérimentation permettra d'apprécier ce que ce système apporte à la sécurisation des grands événements. Or l'équilibre qui a été trouvé n'inclut pas, comme le Conseil constitutionnel l'a souligné, la reconnaissance faciale. On ne sait pas encore si les caméras augmentées, sans reconnaissance faciale, sont utiles pour sécuriser les grands événements, pour repérer des agressions, des attentats, etc. Le collège de la Cnil s'est prononcé pour que l'on évalue si ces caméras augmentées sont utiles ; il s'est opposé à la mise en place de dispositifs de reconnaissance faciale.

Outre cette loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), qui vient d'être votée, un débat a lieu au niveau européen sur un projet de règlement sur l'intelligence artificielle : l'enjeu est notamment de savoir si l'on doit autoriser ou non la reconnaissance faciale dans l'espace public.

Si une agression a eu lieu, il est déjà possible d'exploiter les vidéos et de les analyser a posteriori pour identifier des personnes à partir du traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Une partie de ce que la proposition de loi vise à permettre en temps réel, de manière automatique, en disséminant l'accès aux bases centralisées de données biométriques dans les centres de supervision, peut donc déjà être réalisé, sans courir les risques que j'ai mentionnés, de manière manuelle. Certes, c'est un plus long, - il faut récupérer l'image, l'analyser, etc. -, mais c'est peut-être le prix à payer pour ne pas équiper nos espaces publics de ce type de dispositifs qui induisent un changement considérable dans la manière d'exercer nos libertés publiques.

En conclusion, au nom des services de la Cnil, je vous appelle à restreindre le champ de l'expérimentation. Continuons à expérimenter et à développer notre connaissance de l'utilité de ces nouvelles technologies, en expérimentant par exemple l'analyse a posteriori d'images dans le cadre des enquêtes judiciaires. Restons-en à l'équilibre trouvé dans la loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques s'agissant du temps réel.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci pour cet exposé très clair. J'aborderai directement le sujet qui fâche, le dernier parmi ceux que vous avez abordés. Nous devons rechercher le bon équilibre entre les impératifs de sécurité, d'une part, et le respect des libertés fondamentales et la protection de la vie privée, d'autre part. Alors que nous allons devoir organiser de grands événements, il serait regrettable, si une menace apparaissait, de ne pas avoir pu mettre en oeuvre tous les moyens pour la prévenir. Craignez-vous finalement que l'installation de caméras dotées d'intelligence artificielle dans des lieux bien identifiés n'entraîne inéluctablement le maintien de celles-ci après la fin de l'expérimentation ? Il me semble que vous redoutez une pérennisation de fait.

L'article 5 de la proposition de loi mêle des procédures qui relèvent de la police administrative avec d'autres qui relèvent de la police judiciaire. Ne pourrait-on pas inscrire clairement ce dispositif dans de la police administrative, en utilisant le mécanisme d'autorisation de recours aux techniques de renseignement prévu par la loi de 2015 sur le renseignement ? Nous pourrions ainsi prévoir une demande d'autorisation d'emploi de ces techniques émise par la direction générale de la sécurité intérieure, pour des lieux déterminés, à l'occasion de certains grands événements susceptibles d'être la cible d'un attentat terroriste, et alors que les personnes à surveiller auront été identifiées. L'autorisation serait donnée par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), et sa décision serait susceptible d'être déférée au Conseil d'État. Ces modalités seraient-elles de nature à apaiser vos craintes ?

Que pensez-vous enfin de la proposition des députés Philippe Gosselin et Philippe Latombe visant à élargir la composition du collège de la Cnil aux présidents de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) pour renforcer son expertise en matière de système d'intelligence artificielle ?

M. Jérôme Durain. - J'étais rapporteur avec mes collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet de la mission d'information sur la reconnaissance faciale. J'ai choisi, avec mon groupe, de ne pas m'associer à la démarche visant à déposer cette proposition de loi, en partie pour les raisons que vous avez évoquées. J'entends vos appels à la prudence. Vous avez souligné l'importance du saut technologique : pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont le débat s'est déroulé sur ces sujets dans les autres pays ?

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le texte relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques. Il a souligné l'absence de recours à des techniques de reconnaissance faciale ou de biométrie. Que retenez-vous de son analyse juridique ?

J'ai entendu parler d'un site qui permettrait aux citoyens d'exercer leur droit d'accès aux images qui auraient été prises d'eux par les caméras. Il faut remplir un formulaire et l'adresser à la préfecture de police : il semble que cette dernière a décidé de filtrer les demandes en n'acceptant que les demandes papier ? Cette limitation ne restreint-elle pas l'accès aux images par les citoyens ?

M. Louis Dutheillet de Lamothe. - Je ne crains pas du tout qu'une expérimentation soit nécessairement vouée à être pérennisée. L'État de droit prévaut. La loi fixe un cadre et toute prolongation ou pérennisation d'une expérimentation devrait être autorisée par le Parlement. Simplement, l'apparition des systèmes d'analyse en temps réel crée une rupture fondamentale. Dès qu'ils existent, ils peuvent faire l'objet de détournement, en dépit de toutes les garanties.

De ce point de vue, il est moins risqué d'utiliser des caméras ad hoc, installées pendant quelques heures avant d'être démontées, et dont les données seraient sécurisées et in fine détruites. Cependant, de manière générale, on ne procède pas ainsi. Pour les caméras augmentées et la sécurisation des grands événements, les images seront dérivées du système du centre de vidéoprotection, en y associant une analyse logicielle automatique. Pour que l'expérimentation de la proposition de loi ait lieu et que, à la demande de l'autorité judiciaire, le dispositif soit déclenché pendant 48 heures renouvelables, il faudra qu'un tel système existe. Choisir d'expérimenter, c'est déjà créer un système, ce qui constitue un saut à ne pas franchir.

Ensuite, si le débat démocratique autorise une telle expérimentation, il faut prévoir un système de garanties à la hauteur des risques présumés. Le système de renseignement en place est robuste, au minimum il faut le transposer.

M. Bertrand Pailhès, directeur de l'innovation et des technologies de la Cnil. - Le déploiement des caméras augmentées concerne trois types d'images. Il s'agit d'abord de celles issues des systèmes de vidéoprotection installés. Il s'agit ensuite des images issues de caméras supplémentaires parfois installées, comme par exemple à l'occasion des marchés de Noël. Enfin, les images peuvent aussi provenir de drones, déployés uniquement lors des grands événements, qui fournissent des données soulevant d'autres défis - l'aspect mouvant des événements peut rendre l'analyse des images difficile.

M. Louis Dutheillet de Lamothe. - Concernant la composition du collège de la Cnil, je m'exprime à titre personnel. Il me semble que l'interrégulation est de plus en plus nécessaire. Les sujets sont de plus en plus imbriqués - voyez l'exemple du numérique, secteur de plus en plus régulé, concerné par un grand nombre de textes européens. La Cnil parle à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique  et à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en permanence.

Une hybridation de ce type existe déjà : le président de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), ou son représentant, siège au collège de la Cnil, et la présidente de la Cnil, ou son représentant, siège au collège de la Cada. Cela crée une remarquable fluidité entre les deux exigences que sont la protection des données personnelles et la bonne communication des documents administratifs. Le dialogue permanent fonctionne.

Je signale un point d'attention : le collège de la Cnil, avec 18 commissaires, est déjà très large et chacun de ses membres est indispensable. Les collèges des autres autorités administratives indépendantes comptent de 6 à 9 membres.

À l'échelle européenne, des discussions sont en cours avec les autres Cnil, avec le Comité européen de la protection des données (EDPB) et avec le contrôleur européen de la protection des données (CEPB), dit European Data Protection Supervisor (EDPS). Ils ont pris des positions fermes sur le troisième type d'usage, à savoir la reconnaissance faciale en temps réel dans l'espace public. Mon discours très réservé sur le troisième type d'usage est en cohérence avec la position de toutes les Cnil européennes et avec l'avis du comité européen et du contrôleur européen sur le règlement européen sur l'intelligence artificielle (IA) de la Commission européenne.

Je ne peux vous dire en pratique où en sont les autres pays : il y a peu d'expérimentations ailleurs. Nous étions dans les premiers à avoir voté une loi sur les caméras augmentées sans reconnaissance faciale.

M. Bertrand Pailhès. - Aux États-Unis, les systèmes de reconnaissance faciale sont aussi utilisés à des fins commerciales. À New York, si tel est le cas, il existe une obligation d'information. Cependant, je ne sais pas quel fut le débat sur la question aux États-Unis.

M. Louis Dutheillet de Lamothe. - On avait cru reconnaître M. Dupont de Ligonnès en Angleterre, grâce à un système de reconnaissance faciale : voilà un autre exemple.

Le Conseil constitutionnel reste très prudent dans son avis sur l'article 10 de la loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques : il le trouve équilibré. Cependant, il relève un certain nombre d'éléments permettant d'assurer la proportionnalité de l'article. Toutefois, ce débat a bien eu lieu sur la sécurisation des grands événements et des amendements ont été examinés. La Cnil et le Gouvernement se sont prononcés contre une expérimentation de la reconnaissance faciale en vue des jeux Olympiques et Paralympiques, en avançant aussi le fait qu'il reste peu de temps pour expérimenter. Dans un cadre restreint, acquérir des systèmes efficaces de caméras augmentées est un défi. Cela appelle à ne pas s'orienter vers ce dernier cas d'usage.

Quant aux demandes d'accès aux images de vidéoprotection de la préfecture de police de Paris, qui ne seraient acceptées que sous format papier, cela poserait une difficulté au regard du règlement général sur la protection des données (RGPD), de la directive Police-Justice et du code des relations entre le public et l'administration. En la matière, la jurisprudence de la Cnil consiste à dire qu'il faut proportionner la facilité demandée au responsable de traitement à la taille et aux moyens des services : on demande donc, à partir d'une certaine taille, que les saisines par voie électronique soient disponibles, a fortiori pour des autorités publiques. La Cnil demande que les saisines par format papier soient possibles, mais les procédures électroniques doivent aussi être mises en place.

M. Alain Marc. - Les agents de la société Thalès ont indiqué à Jérôme Durain et moi avoir équipé des aéroports à Singapour et aux États-Unis. Si vous voulez des éléments complémentaires, il suffit de vous rendre en banlieue parisienne et de discuter avec nos entreprises françaises.

M. Louis Dutheillet de Lamothe. - C'est un fait que l'Europe s'est dotée d'un système très différent, qui repose sur des valeurs très différentes par rapport à d'autres parties du monde.

Lors du colloque que j'ai évoqué, la présidente actuelle de la Cnil a cité dans son discours inaugural M. Jacques Fauvet, ancien président de la Cnil, qui disait, en 1988 : « Le législateur et la commission qu'il a créée n'ont jamais voulu empêcher ni même gêner les progrès des sciences et des techniques, comme parfois le reproche a pu leur être fait. L'auraient-ils prétendu que les enseignements de l'Histoire les auraient confondus. Loin d'entraver le développement de l'informatique, la Cnil les a rendues plus crédibles et plus efficaces, dans la mesure même où elle a toujours veillé à ce qu'elle soit au service de chaque citoyen. » Je martèle que la position de la Cnil n'est en rien anti-technologique. Au sujet des caméras augmentées, elle a discuté de manière très fructueuse avec le Gouvernement, ses propositions ont été reprises, votées par le Parlement et validées par le Conseil constitutionnel. Nous n'avons pas manqué d'être critiqués par la société civile, disant que c'était déjà inacceptable.

L'idée n'est pas d'empêcher la technologie, mais d'avoir conscience qu'installer dans l'espace public et les centres de supervision des systèmes de reconnaissance en temps réel, grâce à une comparaison avec des données biométriques, constitue un changement de nature dans la manière dont nous vivons l'espace public.

Nous ne savons pas encore si les images issues des caméras augmentées seront utiles à la police ; si tel n'était pas le cas, il faudrait renoncer à cet outil.

M. Bertrand Pailhès. - Nous avons été sollicités par Thales pour un autre cas d'usage, celui de l'embarquement dans des avions et des aéroports - comme à Singapour ou aux États-Unis -, avec une finalité de confort pour les voyageurs, ce qui soulève d'autres questions. En Italie, où une telle expérimentation est en cours, nous discutons avec nos homologues et avec les industriels - les industriels français sont bien placés pour ce type de technologies.

M. Louis Dutheillet de Lamothe. - La Cnil a d'ailleurs validé, en France, un certain nombre d'utilisations de la reconnaissance faciale pour les aéroports, notamment sous forme d'expérimentations, dès lors que le consentement de l'utilisateur est nécessaire au traitement de ses données. Cependant, Thales produit plutôt des équipements à finalité de police.

M. François-Noël Buffet, président. - Je vous remercie.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion, suspendue à 18 h, est reprise à 18h30.

Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, violences contre les élus - Audition de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le garde des sceaux, nous vous accueillons ce soir pour évoquer deux sujets.

L'un, prévu de longue date, a trait à notre travail législatif. Vous défendrez au Sénat, dans quinze jours, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire. Vous êtes devant nous aujourd'hui pour nous en présenter les points saillants et pour répondre aux questions de nos deux rapporteures, Agnès Canayer et Dominique Vérien.

L'autre est lié à l'actualité : la semaine dernière, la commission des lois a auditionné le maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, qui a décrit les violences et les actes criminels qu'il a subis dans le cadre de son mandat de maire. Il nous paraît utile que vous nous éclairiez, monsieur le ministre, sur le volet judiciaire de cette affaire ; je pense en particulier aux déclarations que M. Morez a faites de ses contacts avec la procureure de la République, dont vous avez certainement pris connaissance. Vous savez combien nous sommes attachés au principe du contradictoire, qui nous permet d'appréhender les situations dans leur ensemble ; je vous remercie donc par avance pour les échanges que nous allons avoir à ce propos.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. - Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de vous présenter les grands axes des textes que votre commission examinera la semaine prochaine et d'évoquer ensuite plus en détail la question cruciale de l'exposition croissante et intolérable de nos élus à la violence - vous connaissez l'engagement de ma politique pénale en la matière.

Je suis particulièrement heureux de revenir devant vous cet après-midi, après vous avoir longuement présenté, le 10 janvier 2023, l'ensemble du plan d'action issu des États généraux de la justice.

À cette occasion, je vous avais annoncé une loi de programmation ainsi que son volet organique. Nous y voilà, conformément à l'engagement du Président de la République et de la Première ministre pour la justice de notre pays.

La justice, c'est d'abord des moyens, évidemment, eu égard au constat de délabrement qui a été dressé par le comité des États généraux.

C'est pourquoi l'article 1er du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 entérine une hausse inédite des crédits de la justice, qui atteindront près de 11 milliards d'euros en 2027. Sur les cinq prochaines années cumulées, par comparaison à une situation de reconduction du niveau actuel des crédits du ministère de la justice, ceux-ci augmenteront de près de 7,5 milliards d'euros. À titre de comparaison, ils ont augmenté de 2 milliards d'euros seulement sous le quinquennat du président Sarkozy et de 2,1 milliards d'euros sous celui du président Hollande.

Le Parlement vote le budget ; il en contrôle aussi l'affectation. Concrètement, à quoi vont servir ces crédits supplémentaires massifs ? C'est ce que précise le rapport annexé qui vous est soumis.

La mère de toutes les batailles, ce sont les recrutements massifs et rapides de magistrats, de greffiers, d'attachés de justice - j'y reviendrai -, d'agents pénitentiaires, d'agents administratifs, bref, de tous ceux qui font vivre le ministère. Pour graver cela dans le marbre, j'ai souhaité inscrire dans la loi le recrutement de 10 000 personnels supplémentaires en créations nettes de postes d'ici à 2027. La répartition sera affinée très prochainement, mais, d'ores et déjà, je vous confirme que nous recruterons 1 500 magistrats et 1 500 greffiers. Là encore, j'ai souhaité graver ces chiffres dans le marbre de la loi de programmation.

Deuxième priorité afférente à ces crédits supplémentaires : la revalorisation des rémunérations de ceux qui servent notre justice au quotidien. On ne saurait en effet, d'un côté, annoncer le plus grand plan d'embauche de l'histoire de la justice et, de l'autre, ne rien faire pour attirer nos compatriotes vers ces missions passionnantes mais également, il faut le dire, très difficiles. C'est pourquoi l'État doit manifester sa reconnaissance aux agents du ministère de la justice.

C'est ce que prévoit cette loi de programmation, qui entérine d'importantes revalorisations, et notamment une hausse de 1 000 euros mensuels pour les magistrats, qui sera effective dès l'automne, pour récompenser et encourager leur engagement quotidien - je rappelle qu'ils n'ont pas été augmentés depuis 1996 -, ainsi qu'une revalorisation des greffiers, sans qui la justice ne peut fonctionner - et je veux leur rendre hommage. Ces revalorisations se feront dans un calendrier dédié de négociation, à l'automne.

Je me dois de mentionner également le passage historique des agents pénitentiaires de la catégorie C vers la catégorie B et des officiers pénitentiaires de la catégorie B vers la catégorie A - j'y insiste, puisqu'il était réclamé par les syndicats depuis vingt ans. Il était grand temps de reconnaître le rôle indispensable de la troisième force de sécurité intérieure de notre pays ; je suis fier non seulement d'être leur ministre, mais aussi d'avoir pu changer concrètement leur place au sein de la fonction publique.

Troisième priorité de ces nouveaux crédits : la transformation numérique du ministère, dont la rapporteure Dominique Vérien est une spécialiste.

En la matière, le ministère de la justice a été longtemps considéré, à juste titre - je l'avoue sans détour -, comme un mauvais voire très mauvais élève. Il suffit d'ailleurs d'écouter les magistrats et les greffiers : ils sont souvent freinés dans leur action par une informatique et un réseau qui ne sont pas à la hauteur.

Le but est clair : il faut instaurer le zéro papier d'ici à 2027. Pour atteindre cet objectif, il nous faut une méthode.

C'est pourquoi nous allons doter toutes les juridictions d'experts en informatique capables d'agir au plus près du terrain, avec le savoir-faire requis, lorsque « la bécane plante ». Nous allons également accroître massivement la capacité des réseaux du ministère pour fluidifier les connexions.

À terme, l'un de nos objectifs est aussi qu'un seul compte permette d'accéder à toutes les applications informatiques, afin d'éviter les doublons de saisine, notamment pour les greffiers, qui y perdent un temps extrêmement précieux.

Nous accélérerons la mise à jour des logiciels en matière civile, en concertation avec le terrain - je pense par exemple à Portalis.

En matière pénale, c'est dans le cadre des moyens alloués par ce projet de loi de programmation que se déploie actuellement la procédure pénale numérique en lien avec le ministère de l'intérieur. Nous avons désigné un chef de file unique issu de la Chancellerie, qui sera chargé de piloter efficacement, pour le compte des deux ministères, ce chantier si attendu par les forces de l'ordre, les magistrats et les greffiers.

La transformation numérique de la justice doit également se faire en direction de ceux qu'elle sert, c'est-à-dire des justiciables.

Je vous avais annoncé, en janvier dernier, le lancement d'une application pour smartphone regroupant des fonctionnalités importantes - « justice à portée de doigt », avais-je osé. C'est chose faite, puisque cette application a été lancée le 27 avril dernier dans une version qui permet déjà au justiciable, par exemple, d'identifier le lieu de justice le plus proche, de savoir s'il est ou non éligible à l'aide juridictionnelle ou encore de simuler le montant d'une pension alimentaire.

Cette application « justice.fr », qui a déjà été téléchargée plusieurs dizaines de milliers de fois - et que je vous suggère chaleureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, de télécharger -, va monter en puissance, de nouvelles fonctionnalités étant ajoutées au gré des mises à jour régulières.

La quatrième priorité absolue concerne bien sûr le programme immobilier du ministère de la justice, qui se décompose en deux axes majeurs.

Je commencerai par évoquer l'immobilier judiciaire, c'est-à-dire la construction de tribunaux. L'arrivée dans le corps judiciaire de 1 500 magistrats, de 1 500 greffiers et de nombreux attachés de justice va nécessiter une augmentation et une rénovation massives du parc judiciaire. La question sera non pas de savoir si la justice va recruter massivement, mais plutôt si la justice va réussir à accueillir les nouveaux agents issus de ces recrutements massifs.

Nous avons à cet égard une vision et une stratégie globales qui prévoient d'investir de manière massive dans les tribunaux de demain, afin d'agir sur tous les leviers susceptibles d'améliorer les conditions de travail de ceux qui servent la justice ; car en bout de chaîne c'est bien le justiciable qui bénéficiera pleinement d'une telle amélioration. Concrètement, sur le quinquennat, ce ne sont pas moins de quarante opérations de restructuration et de rénovation de tribunaux et de cours qui seront engagées.

J'évoquerai ensuite le programme immobilier pénitentiaire, qui avance sûrement malgré de nombreux freins. Je pense bien sûr à la crise sanitaire, qui, si elle est derrière nous, a eu sur les chantiers un impact durable ; à la guerre en Ukraine, qui a considérablement réduit l'accès aux matières premières ; et bien sûr, aux réticences des riverains, et souvent de leurs élus, facteur de retard important dans la livraison des places du plan « 15 000 ».

Je l'ai déjà dit devant vous, nous nous retrouvons souvent dans des situations où ceux qui, sur les plateaux de télévision, réclament le plus de fermeté sont les premiers à refuser l'implantation d'une prison près de chez eux, avec toujours, bien sûr, d'excellents arguments. Il arrive même qu'après étroite concertation un élu nous donne son accord avant finalement de le retirer lorsque l'annonce est officialisée.

Notre engagement est clair et notre cap est fixé : nous construirons 15 000 places supplémentaires d'ici 2027.

Il y va, tout d'abord, de la bonne application de ma politique pénale, qui est sans ambiguïté : fermeté sans démagogie et sans populisme, humanisme sans angélisme !

Il y va, ensuite, des conditions de détention, qui sont parfois indignes - nul besoin d'un énième rapport pour en prendre conscience. Je fais le tour des prisons depuis plus de quarante ans : je l'ai fait en tant qu'avocat, je le fais en tant que ministre !

Je connais la dégradation d'un certain nombre d'établissements ; mais je n'ai pas de baguette magique : je n'ai qu'une volonté politique forte, assortie de leviers d'actions réalistes et de moyens inédits.

L'indignité des conditions de détention est une préoccupation importante, singulièrement en démocratie. J'ai d'ailleurs soutenu avec force votre proposition de loi, monsieur le président, tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, dont l'adoption a permis de créer un recours contre de telles conditions indignes.

Reste qu'en matière pénitentiaire comme en matière pénale il faut se méfier des solutions miracles, car il s'agit toujours de solutions mirages ! La construction de prisons est la solution la plus lente, mais la plus sûre, d'autant qu'en parallèle des constructions nous investissons massivement dans les rénovations, pour près de 130 millions d'euros par an, soit près de deux fois plus que sous le quinquennat de François Hollande.

Pour paraphraser les mots d'un ancien Premier ministre, qui fut aussi sénateur,  « notre route est droite, mais la pente est forte ».

Le rapport du comité des États généraux, au-delà d'un constat lucide sur la question des moyens, a cela de riche que ses auteurs ont tout aussi lucidement indiqué qu'une hausse des moyens budgétaires ne suffirait pas à remettre durablement sur pied l'institution judiciaire. Le Président de la République l'a dit en ces mots : tout ne se résume pas à la question des moyens.

C'est pourquoi, en complément - j'insiste sur ce mot -, nous vous présentons une série de mesures qui réforment en profondeur l'institution sans pour autant la déstabiliser. Là encore, je ne crois pas à la mesure gadget : je crois à la gestion rigoureuse, mais ambitieuse, et au cap clair.

L'une des innovations de cette réforme de la justice est bel et bien, en effet, de mettre face aux mesures nouvelles les moyens nécessaires à leur application correcte et au rattrapage d'une partie du retard accumulé depuis des décennies.

Cette coordination entre moyens nouveaux et réformes nouvelles répond à un objectif : diviser par deux les délais, au civil comme au pénal. La première chose que vous diront les Français, c'est qu'ils trouvent la justice beaucoup trop lente : c'est à ce problème qu'il convient de remédier en priorité.

Souhaitant ménager du temps pour vos questions, je me concentrerai sur les principales mesures et vous laisserai m'interroger plus précisément, si vous le souhaitez, sur certains articles que vous souhaiteriez aborder.

Les axes de réforme proposés sont clairs et issus de deux vagues de concertation menées l'année dernière sur la base du rapport des États généraux.

Le premier axe est celui de l'amélioration de l'organisation de la justice selon une approche pragmatique et innovante.

J'ai évoqué le souhait d'aller dans le sens d'une déconcentration accrue du ministère de la justice en laissant davantage d'autonomie aux juridictions dans leur administration, afin de ne faire intervenir l'administration centrale que lorsqu'elle est utile dans une fonction de support ou nécessaire dans une fonction d'arbitrage.

Le ministère de la justice est l'un des rares à n'avoir pas su, voire pas voulu, prendre le virage de la déconcentration. En la matière, il faut aller beaucoup plus loin en faisant confiance aux chefs de cour et aux chefs de juridiction. Tout ne doit plus remonter à l'administration centrale : il nous faut responsabiliser les acteurs de terrain.

Cette nouvelle étape de déconcentration relève en grande partie du niveau réglementaire, mais j'ai souhaité inscrire cette orientation claire dans le rapport annexé. Oui, une organisation plus efficace de l'administration de la justice, c'est aussi des moyens mieux employés pour une gestion au plus près des professionnels et des justiciables.

Monsieur le président, madame la rapporteure Agnès Canayer, sur cette question qui vous tient à coeur, je vous annonce que je vous ferai parvenir, ainsi qu'aux membres de votre commission, les projets de décret à l'été.

L'amélioration de l'organisation des juridictions passe aussi par des expérimentations innovantes, l'objectif étant d'améliorer concrètement le service rendu au justiciable.

C'est ce que nous proposons via l'expérimentation relative au tribunal des activités économiques (TAE).

Le constat est simple : l'organisation actuelle des juridictions commerciales, et plus particulièrement le partage des compétences en première instance entre les tribunaux de commerce et les tribunaux judiciaires, selon les secteurs d'activité, manque de lisibilité pour les justiciables et pour les différents acteurs concernés. Nous proposons donc d'expérimenter - j'y insiste : il s'agit d'une expérimentation - les tribunaux des activités économiques.

Il s'agit de conférer à certains tribunaux de commerce, au nombre de neuf à douze, pendant quatre ans, une compétence étendue pour connaître de toutes les procédures amiables et collectives engagées par les acteurs économiques, quels que soient leur statut et leur domaine d'activité, à l'exception des avocats et des officiers ministériels.

Dans le cadre de ces TAE, une expérimentation complémentaire vous est proposée, à savoir l'instauration d'une contribution économique, dispositif déjà mis en oeuvre dans divers pays européens. Cette contribution constitue une ressource supplémentaire pour le service public de la justice, un moyen de lutte contre les recours abusifs, ainsi qu'une incitation à recourir à un mode amiable de règlement des différends. Elle permettra aussi de bénéficier de l'effet « marque », car, dans le monde économique, ce qui est gratuit est souvent perçu comme de moindre qualité. Cette contribution tient notamment compte de la capacité contributive du demandeur et du montant de la demande. Les bénéficiaires de l'aide juridique, les entreprises en difficulté et l'État en seront évidemment dispensés.

Une amélioration de l'organisation de nos juridictions doit aussi être opérée dans les politiques pénales prioritaires. Je pense bien sûr à la question de la lutte contre les violences intrafamiliales.

Madame la rapporteure Dominique Vérien, vous avez remis hier au Gouvernement un rapport de grande qualité, corédigé avec la députée Émilie Chandler, qui préconise une véritable adaptation de toutes les juridictions à ce contentieux de masse via la création de pôles spécialisés. J'y suis tout particulièrement favorable. Cette nouvelle organisation sera inscrite dans le code de l'organisation judiciaire par un décret qui vous sera transmis et qui sera pris à l'été. Je vous proposerai d'inscrire cette orientation dans le rapport annexé.

Un dernier exemple assez parlant de notre approche en matière d'organisation consiste en la possibilité accordée au chef de juridiction de désigner tout magistrat du siège pour exercer certaines attributions du juge des libertés et de la détention ne relevant pas de ses strictes attributions en matière pénale, comme les hospitalisations d'office ou le contentieux des étrangers. Cela permettra aux juridictions de renouer avec davantage de souplesse dans leur organisation en autorisant la participation d'un nombre plus important de magistrats du siège au traitement des atteintes aux libertés en dehors du champ pénal.

Le deuxième axe est celui de la modernisation des ressources humaines de la Chancellerie, magistrats et fonctionnaires.

L'idée est toute simple : nous souhaitons employer tous les leviers à notre disposition pour nous assurer non seulement que le plan de recrutement pourra être réalisé, mais surtout qu'il correspondra aux besoins du terrain.

Cette modernisation implique une adaptation de ces ressources à la réalité d'aujourd'hui, qui est notamment celle de la diversification des fonctions. Je pense par exemple au travail formidable réalisé par les contractuels dans toutes nos juridictions. Leur recrutement et l'engagement des magistrats et des greffiers ont permis de réduire les stocks d'affaires de près de 30 % dans les juridictions.

C'est pourquoi, en plus des recrutements massifs de magistrats et de greffiers, le projet de loi de programmation prévoit non seulement de pérenniser ces emplois, mais de les institutionnaliser par la création de la fonction d'attaché de justice.

Ces attachés de justice seront formés à l'École nationale de la magistrature (ENM) et prêteront serment. Ils participeront à la constitution d'une véritable équipe autour du magistrat - j'y reviendrai, mais cette équipe que nous appelons de nos voeux représente la véritable révolution à venir au sein de la justice.

Je précise d'ailleurs que le projet de loi de programmation prévoit également de « CDIser » tous les contractuels recrutés dans le cadre de la politique de justice de proximité. Ces renforts que d'aucuns craignaient éphémères deviennent, avec ce texte, durables et pérennes.

C'est cette même impulsion que nous souhaitons donner à l'administration pénitentiaire en lui conférant la faculté de recruter des surveillants adjoints par la voie contractuelle. Une telle disposition a fait ses preuves au ministère de l'intérieur ; il n'y a pas de raison que cela ne fonctionne pas dans la pénitentiaire, d'autant que ce recours aux contractuels est couplé à une revalorisation historique de la rémunération des surveillants. J'ajoute que, du point de vue de l'attractivité, le recrutement de contractuels permet d'embaucher des personnels au plus près des établissements pénitentiaires. On sait combien la mobilité géographique imposée par les concours à affectation nationale peut parfois détourner des candidats à la fonction publique.

Le chantier majeur de la modernisation des ressources humaines est bien sûr celui qui est contenu dans le projet de loi organique, c'est-à-dire la réforme du statut de la magistrature.

Il s'agit de la plus grande réforme de l'ordonnance statutaire depuis plus de vingt ans ; elle tourne autour de trois axes.

Premier axe : l'ouverture du corps judiciaire - recruter 1 500 magistrats va nécessiter de faciliter l'accès à la magistrature.

À cette fin, nous proposons la création de magistrats en service extraordinaire, mais également l'ouverture des recrutements : nous simplifions les différentes voies d'accès, notamment pour les avocats, et professionnalisons le recrutement via l'instauration d'un jury professionnel. Le maintien du principe du concours républicain nous garantira l'excellence du niveau de recrutement.

L'objectif est aussi d'assouplir les règles applicables aux magistrats à titre temporaire, qui font un travail absolument remarquable, dont nous avons besoin pour mettre en place la politique de l'amiable et pour renforcer les cours criminelles départementales.

Il s'agit également de simplifier certaines règles de gestion des ressources humaines : pérennisation des brigades de soutien de magistrats et de greffiers, qui font leurs preuves actuellement à Mayotte et en Guyane ; mise en place de priorités d'affectation pour les magistrats qui ont accepté de partir dans des territoires peu attractifs ; création d'un troisième grade permettant de maintenir des magistrats d'expérience dans les tribunaux de première instance, afin notamment d'améliorer la qualité des décisions qui y sont prises, conformément aux recommandations du rapport du comité des États généraux de la justice.

Le deuxième axe de la réforme statutaire repose notamment sur la modernisation du dialogue social et du mode de scrutin applicable aux élections au Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

Le dernier axe a trait à la responsabilité du corps judiciaire : je citerai l'élargissement des conditions de recevabilité des plaintes déposées devant le CSM par les justiciables contre des magistrats - jusqu'à présent, sur 2 500 plaintes, aucune n'a en définitive donné lieu à sanction - et des pouvoirs d'enquête dont dispose le CSM pour instruire ces plaintes, via la possibilité de saisir l'inspection générale de la justice.

Le troisième chantier de réforme est celui de la simplification d'un certain nombre de procédures : qu'elles soient civiles ou pénales, elles sont un facteur de complexité pour nos professionnels et d'éloignement entre le citoyen et la justice.

Vous le savez, en matière civile, je veux simplifier la procédure d'appel en réformant le décret Magendie et surtout faire enfin advenir la révolution de l'amiable, qui se fait tant attendre dans notre pays.

Ces réformes sont de niveau réglementaire ; mais je vous annonce que, comme je m'y étais engagé, je vous ferai parvenir cette semaine les projets de décret relatifs à la mise en place de la césure et de l'audience de règlement amiable.

J'y insiste, mon plan d'action est un tout cohérent, budgétaire, législatif et réglementaire. Il est essentiel à mes yeux que le Parlement puisse en avoir une vue d'ensemble.

En matière pénale, je souhaite que nous puissions lancer ensemble le chantier titanesque, si j'ose dire, de la simplification de la procédure pénale.

Il s'agit, dans un premier temps, de restructurer le code et de le toiletter dans le cadre d'un travail qui, à la suite de diverses consultations, notamment celle du président de votre commission, sera bien évidemment - les adverbes sont utiles ! - à droit constant. Voilà qui est d'ailleurs écrit noir sur blanc à l'article 2 du projet de loi de programmation.

L'objectif est de rendre plus lisible et plus clair le code de procédure pénale pour les professionnels, donc de réécrire des articles qui sont rédigés par renvois successifs à d'autres articles, de réorganiser l'ensemble des chapitres et de regrouper certains textes épars, pour éviter les erreurs procédurales.

Afin de garantir que cette réécriture se fera bien à droit constant, j'ai mis en place un comité scientifique, et je vous proposerai l'installation d'un groupe de liaison avec l'ensemble des groupes parlementaires et les présidents des commissions des lois de chacune des deux assemblées.

Je rappelle en outre que, lorsqu'une codification est faite à droit constant, elle est soumise à de nombreux contrôles, notamment de la part de la Commission supérieure de codification, dont Alain Richard est membre, et du Conseil d'État. Ces institutions imposent au Gouvernement de respecter la lettre de l'habilitation octroyée par le législateur, mais aussi son esprit.

Enfin, et je conclurai par là mon propos pour ce qui concerne la présentation des deux projets de loi soumis à votre examen, il vous est proposé une série de mesures concrètes immédiatement applicables.

Je pense par exemple à des mesures améliorant l'efficacité de l'enquête pénale, mais nous aurons le temps d'y revenir et vos questions seront sans doute pour moi l'occasion de répondre à un certain nombre d'inquiétudes qui sont, vous le verrez, sans fondement.

Je pense également à l'extension du champ des bénéficiaires des travaux d'intérêt général aux entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire ainsi qu'à l'extension du champ des infractions dont les victimes peuvent bénéficier d'une indemnisation.

Je pense enfin aux mesures relatives aux professions du droit, avec la dématérialisation des déclarations de créances dans le cadre des procédures collectives. La nouvelle plateforme qui a été mise en place permettra un suivi complet de la procédure, dont le coût sera extrêmement réduit pour le justiciable. Nous allons également accompagner la nouvelle profession de commissaire de justice afin qu'elle puisse prendre en charge, sous le contrôle du juge, le traitement des saisies des rémunérations, ce qui allégera considérablement le travail des greffiers.

D'autres professions réglementées du droit seront accompagnées dans leur modernisation : la réforme de la formation des avocats sera lancée et la base légale permettant aux greffiers des tribunaux de commerce de percevoir des honoraires libres, supprimée par erreur en 2016, sera rétablie.

Je n'ai pu entrer dans le détail de toutes les mesures, mais je suis certain que vos questions permettront d'éclairer un certain nombre de points.

J'en termine par un point essentiel de notre audition : la question des violences faites aux élus et de la réponse de la justice.

La démission d'un maire est évidemment toujours un échec collectif. Je veux à nouveau apporter mon soutien le plus total à tous nos élus, qui font un travail remarquable - don de soi, sens de l'intérêt général -, et je m'adresse aussi, bien sûr, au maire de Saint-Brevin-les-Pins.

S'attaquer à un maire, c'est s'attaquer à la République.

Mais je voudrais revenir sur ce que fait mon ministère depuis mon entrée en fonction.

Permettez-moi de citer tout d'abord, en matière législative, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui a créé un délit de révélation d'informations relatives à la vie privée ou professionnelle d'une personne investie d'un mandat électif.

Ensuite, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a interdit l'avertissement pénal probatoire pour les délits commis à l'encontre des élus.

Toujours dans le but de renforcer l'accompagnement et la protection des élus, la loi du 24 janvier 2023 présentée par Nathalie Delattre, que je veux ici saluer - nous y avons travaillé de concert -, a permis aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression ainsi que sa famille.

Je n'ai pas été en reste pour ce qui est des instructions de politique pénale que j'ai adressées aux procureurs. Dans mes circulaires du 7 septembre 2020 et du 15 décembre 2020, j'ai réaffirmé l'importance qui s'attache à la mise en oeuvre d'une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté et de célérité et d'un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales concernant les élus, afin que ceux-ci soient soutenus dans leur action quotidienne et qu'ils puissent la conduire sereinement. J'ai ainsi demandé aux parquets une réponse pénale rapide et systématique en privilégiant les défèrements et, pour les faits les plus graves, la comparution immédiate.

De même, un magistrat de chaque parquet a été désigné pour être l'interlocuteur privilégié des élus du ressort. Des juristes assistants ont également été recrutés en nombre pour être les petites mains de la justice de proximité, traits d'union entre le maire et le procureur local.

Dans ma nouvelle circulaire de politique pénale générale, datée du 20 septembre 2022, j'ai demandé avec force aux parquets de poursuivre le renforcement des échanges avec les élus, et en premier lieu avec les maires et les présidents des conseils départementaux.

Voici les chiffres : d'après les remontées d'information, depuis 2018, le taux de poursuite des parquets est de 95 % en cas d'atteinte aux élus ; lorsque l'infraction est caractérisée et qu'un auteur a été identifié, 100 % des mis en cause poursuivables ont fait l'objet d'une réponse pénale, à 92 % sous la forme d'une poursuite devant le tribunal correctionnel - c'est 10 points de plus que pour les autres victimes. Une peine de prison a été prononcée dans 84 % des cas de condamnation contre les auteurs d'agressions ayant visé un maire.

Dans cette affaire particulière de Saint-Brevin-les-Pins, la justice locale n'a pas été aux abonnés absents ; je tiens à vous en dire deux mots, même si, l'enquête étant toujours en cours, il m'est interdit de la commenter.

Ainsi, dès réception du courrier adressé par le maire de Saint-Brevin à la procureure de Nantes le 15 février, la procureure de Saint-Nazaire a informé téléphoniquement le directeur de cabinet du maire que cette affaire relevait de sa compétence territoriale. Et sa collègue de Nantes a envoyé dès le 21 février 2023 à Yannick Morez une lettre l'informant de la transmission de son courrier au parquet de Saint-Nazaire, pour compétence, selon la formule consacrée.

À la suite de la transmission du courrier par son homologue nantais, la procureure de la République de Saint-Nazaire a adressé au maire, le 27 février 2023, un courrier lui faisant savoir sa décision d'ouvrir une enquête confiée à la brigade de recherche de Pornic.

Enfin, après l'incendie criminel du 22 mars, la procureure de Saint-Nazaire a eu personnellement le maire au téléphone, lui communiquant son numéro de téléphone portable personnel. Ce dossier est actuellement traité par le pôle criminel de Nantes avec toutes les capacités d'investigation dont il dispose.

Conformément à mes instructions générales, les parquets locaux ont donc toujours été en contact avec ce maire menacé et ont pris très au sérieux ces faits en ouvrant immédiatement des enquêtes qui, je l'espère, vont aboutir très prochainement.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Voici venu le temps de la mise en oeuvre législative des dispositions issues des concertations conduites dans le cadre des États généraux de la justice. Nous abordons là le sixième texte de réforme de la justice depuis 2017. Ces projets de loi embrassent l'ensemble des mesures attendues pour redonner confiance dans l'institution judiciaire et combattre le mal-être qui existe actuellement au sein de nos juridictions.

Parmi les recrutements inscrits à l'article 1er du projet de loi d'orientation et de programmation - je pense notamment aux 1 500 magistrats -, combien auront lieu par la voie professionnelle ? La suspension des quotas applicables à cette voie jusqu'en 2028 est-elle véritablement utile pour atteindre l'objectif fixé ? Qu'en est-il de l'évaluation de la charge des magistrats, qui permet de mieux définir les besoins réels des juridictions ? Comment les 6 395 emplois qui ne le sont pas encore seront-ils pourvus ?

Deuxième sujet : l'équipe autour du magistrat. Comment cette équipe va-t-elle s'articuler avec les greffes ? Quels seront les profils particuliers des attachés de justice ?

Troisièmement, concernant l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance prévue à l'article 2, comment entendez-vous à droit constant simplifier le code de procédure pénale ?

Quatrièmement, pour ce qui est des mesures inscrites à l'article 3, pourquoi n'avez-vous pas été jusqu'au bout des préconisations du rapport du comité des Etats généraux de la justice en faisant du témoin assisté la voie de droit commun et de la mise en examen la voie secondaire ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir introduit dans le rapport annexé le principe de la création de pôles spécialisés dans le traitement des violences intrafamiliales, mesure qu'Émilie Chandler et moi-même avions proposée dans notre rapport. Nous ne pouvons que nous en satisfaire : nous avons été entendues.

Quel type d'organisation envisagez-vous pour ces pôles ? Je me permets de vous le signaler : la procureure de Châlons-en-Champagne, dont vous connaissez l'engagement en la matière, attend toujours l'autorisation de remplacer la chargée de mission qui coordonnait pour elle jusqu'au mois de février le travail des différents acteurs concernés sur le sujet des violences intrafamiliales. Dans notre rapport, nous préconisions d'ailleurs - il s'agit de notre recommandation 58 - un véritable pilotage de cette politique au sein du ministère de la justice afin de veiller au déploiement effectif des mesures mises en place.

Ma deuxième question a trait à l'expérimentation des tribunaux des activités économiques et à la création d'une contribution pour la justice économique. Son montant serait au maximum de 5 % du montant du litige, dans la limite de 100 000 euros. Notons cependant que dans un tel cadre il pourra arriver qu'une petite entreprise confrontée à un sinistre immobilier doive s'acquitter de 50 000 euros pour avoir seulement le droit d'ester en justice. Il est certes prévu une modulation en fonction de la capacité contributive de la partie demanderesse, mais nous n'avons aucun détail concernant le projet de décret afférent.

Un mot sur l'article 17 relatif aux saisies des rémunérations, dont vous souhaitez confier la responsabilité aux commissaires de justice : il est vrai que cela va probablement soulager les greffiers ; pour autant, tout travail méritant salaire, on peut supposer que ces commissaires de justice seront rémunérés pour ces actes. S'agissant d'un cadre non concurrentiel, donc d'honoraires encadrés, avez-vous déjà une idée du montant ?

Vous souhaitez par ailleurs donner à n'importe quel juge civil de la juridiction la possibilité d'exercer les compétences du juge des libertés et de la détention. Ne serait-il pas possible d'orienter tout ce qui a trait aux hospitalisations d'office vers le juge des contentieux de la protection ? Le droit des étrangers ne relève-t-il pas d'une justice spécialisée ? Tout juge civil est-il apte à exercer de telles compétences ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Je note, premièrement, qu'il n'est jamais question de régulation carcérale : vous laissez penser que la seule réponse possible est dans la construction de prisons. Mais un rapport récent montre que, historiquement, à mesure qu'on a construit davantage de prisons, le problème de la surpopulation s'est aggravé. Si l'on choisit de ne pas opter pour la régulation, donc de ne pas aller dans le sens préconisé par les États généraux de la justice, je crains que l'on échoue à répondre au problème. Or tel serait précisément l'objet d'une loi de programmation que de prévoir les modalités d'une telle régulation. Votre pensée à ce propos a-t-elle évolué, monsieur le ministre ?

Je souhaite vous interroger, deuxièmement, sur une décision toute récente, du 12 mai dernier, de la Cour de cassation au sujet de la compétence universelle du juge français. Avec Jean-Yves Le Drian, alors ministre des affaires étrangères, vous aviez publié un communiqué dans lequel vous vous engagiez, dans l'hypothèse où la jurisprudence évoluerait, à en tirer les conséquences législatives, en une forme d'inversion de la logique habituelle. L'hypothèse s'étant réalisée, il serait bon que vous le fassiez. Envisagez-vous que ces projets de loi servent de véhicule pour cette décision relative à la compétence universelle, donc à la fin de la double infraction, ou avez-vous l'idée d'un autre vecteur législatif ?

Mme Cécile Cukierman. - Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, pour cette présentation très complète.

Vous remplacez la nomination sur titre des magistrats judiciaires par un nouveau concours. Or des inquiétudes pèsent sur la qualité de ce concours, la formation prévue étant très réduite, d'une durée de douze mois. Les solutions miracles sont souvent des solutions mirages, avez-vous dit : ne craignez-vous pas qu'en voulant remédier à la lenteur de la justice on opte pour la quantité au détriment de la qualité ? Dans cinq ou six ans pourrait se poser un problème d'indépendance, de formation et d'efficacité de ces nouveaux magistrats... Il faut avant tout réconcilier les citoyens avec la justice et restaurer leur confiance envers une institution qui est parfois fortement décriée.

Vous proposez, à l'article 15 du projet de loi d'orientation et de programmation, de transférer aux juges non spécialisés certaines compétences civiles du juge des libertés et de la détention (JLD). Cette mesure relève de la gestion de crise : quid de la perte de sens de la fonction du JLD ?

Concernant la réforme de la procédure pénale, comment justifiez-vous l'extension des perquisitions de nuit aux crimes flagrants de droit commun ? Le droit en vigueur n'est-il pas amplement suffisant pour collecter les preuves ? La banalisation d'une procédure pénale d'exception ne risque-t-elle pas de contrevenir à l'équilibre indispensable en démocratie entre protection de l'ordre public et protection de la vie privée des justiciables ?

M. Guy Benarroche. - En déjudiciarisant la saisie des rémunérations, on supprime la conciliation qui existait en la matière entre les parties et le juge. Or, dans le rapport annexé, il est préconisé de développer toutes les procédures de conciliation. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

Je m'interroge par ailleurs sur le système d'information de l'aide juridictionnelle et la mise en place du site internet justice.fr : sera-t-il possible malgré tout, pour les justiciables qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas effectuer leurs demandes par la voie dématérialisée, de les présenter par voie papier ?

Concernant les travaux d'intérêt général réalisés dans le secteur privé, une expérimentation est en cours depuis la publication du décret du 26 décembre 2019. Le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport procédant à l'évaluation de cette expérimentation six mois avant sa fin ; or ce rapport n'a pas été publié et vous envisagez de généraliser l'expérimentation aux personnes morales relevant de l'économie sociale et solidaire et de l'étendre aux sociétés dont les statuts leur assignent des objectifs sociaux et environnementaux. Nous sera-t-il possible de disposer de ce rapport avant l'examen des projets de loi ?

Mme Laurence Harribey. - Je m'associe aux remarques de mes collègues concernant le volet carcéral : un seul article dans une loi de programmation, c'est peu, compte tenu des problèmes et des besoins.

Pour ce qui est de la lutte contre les violences intrafamiliales, êtes-vous prêt à accepter l'intégration dans le texte, lors de sa discussion au Sénat, d'un certain nombre d'amendements visant à préciser les contours de ces pôles spécialisés ou à instituer un délai de 24 heures pour la délivrance d'une ordonnance de protection ?

En matière de formation des magistrats, si la diversification des recrutements peut être une garantie de qualité, la durée de la formation apparaît insuffisante : êtes-vous prêt à modifier cette durée pour les recrutements directs ?

Quant à l'évaluation à 360 degrés, elle pose question, car aucune expérimentation n'a été menée. Quelle sera la composition de la commission d'évaluation ?

À propos des juristes assistants, vous avez parlé de « révolution » : constituer une équipe autour du juge, c'est en effet très novateur, mais ce dispositif ne réussira que si ces juristes sont focalisés sur une fonction d'appui au juge et ne deviennent pas les supplétifs tous azimuts d'une institution qui manque de moyens. Êtes-vous prêt à définir précisément leurs missions ?

Mme Maryse Carrère. - En tant que présidente de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, dont le rapporteur est Mathieu Darnaud, je souhaite revenir sur l'affaire de Saint-Brevin-les-Pins. Je vous remercie pour les précisions que vous avez d'ores et déjà apportées, monsieur le garde des sceaux. Avez-vous eu connaissance de la demande de protection rapprochée que le maire avait formulée ? Avait-elle été prise en considération ?

Au gré de nos déplacements et de nos auditions, nous avons auditionné des maires qui ont été victimes d'agressions ou de menaces ; tous déplorent que les délais d'instruction de leurs affaires soient trop longs et les réponses pénales parfois inadaptées.

La prise en considération de pareilles agressions est-elle identique sur tout le territoire ? Nous avons eu connaissance d'une initiative intéressante prise par un procureur dans son ressort : il a consacré une boîte mail spécifique à ses échanges avec les maires sur ces sujets de violences faites aux élus et la relève lui-même tous les jours.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame Canayer, si le quota de recrutement de 50 % d'externes est suspendu jusqu'en 2028, c'est tout simplement parce que nous avons besoin de souplesse. À défaut, nous ne parviendrons pas à recruter 1 500 magistrats d'ici 2027, ce qui est quand même le but !

Pourquoi ne fait-on pas du témoin assisté la règle ? Le témoin assisté a actuellement moins de droits que le mis en examen, alors qu'il n'existe pas d'indices graves et concordants corroborant sa participation aux faits incriminés. L'idée était donc de renforcer ses droits afin qu'il accède à davantage de contradictoire, dans l'espoir que la procédure aille à son terme plus rapidement. Si l'on fait des mis en examen des témoins assistés, l'évolution ne sera guère que cosmétique. Inspiré par mon expérience d'avocat, j'ai souhaité, quant à moi, renforcer les droits du témoin assisté.

Pour ce qui est de la simplification des voies de recrutement, le véritable changement a trait à la suppression des anciennes voies d'accès latérales, qui sont remplacées par un concours professionnel unique. Toutes les personnes recrutées par cette voie se verront offrir une formation probatoire. Nous voulions par ailleurs maintenir les équilibres entre les modes de recrutement et permettre l'arrivée rapide des nouveaux entrants dans les juridictions.

Dans le cadre des États généraux de la justice, exercice démocratique réussi, nous avons recueilli 1 million de contributions : ce qui revient de manière insistante, c'est la lenteur de la justice. L'objectif est de diviser par deux le temps de procédure et nous nous en donnons les moyens - vous le verrez en prenant connaissance des mesures relatives à l'amiable contenues dans le volet réglementaire de cette réforme. Aux Pays-Bas, par exemple, on cultive l'amiable à hauteur de 80 % - nous sommes, nous, aux alentours de 1 %... - et on y enregistre deux fois plus de contentieux civil réglé en deux fois moins de temps.

Concernant la répartition des emplois, nous ne souhaitons pas graver dans la loi le recrutement qui sera fait sur les années 2024 à 2027 afin de conserver un peu de flexibilité dans l'allocation de nos moyens et de répondre aux besoins exprimés au plus proche du terrain.

Quant à la place du greffier dans l'équipe autour du magistrat, elle est absolument essentielle : le rôle des greffiers, garants du respect de la procédure, ne saurait être confondu avec celui des attachés de justice ; mais ils vont intégrer cette équipe.

Les magistrats se sont exprimés, dans la « tribune des 3 000 » notamment, évoquant la solitude du magistrat. L'équipe permet de régler cette question, mais aussi d'aller plus vite. Affecter un attaché de justice auprès d'un magistrat, nous le savons, c'est diviser par deux le temps que ce dernier prend pour rendre une décision. De surcroît, nous aurons là un vivier : les jeunes qui seront recrutés sur ces postes seront totalement intégrés, via la prestation de serment, à la grande famille judiciaire ; peut-être deviendront-ils plus tard magistrats. Songez à ce qui s'est passé avec les contractuels, à propos desquels c'est la circonspection qui dominait au début : les chefs de juridiction nous ont demandé de les pérenniser, ce que nous avons fait.

Madame Vérien, je rappelle que nous allons créer un pôle spécialisé dans le traitement des violences intrafamiliales dans chaque juridiction, avec un coordonnateur du siège, un coordonnateur du parquet, des magistrats référents, le renfort d'attachés de justice CDIsés et formés, des audiences spécialisées. Votre rapport a été remis, le texte de loi arrive au Sénat ; cela tombe bien, mais parfois le hasard fait bien les choses - il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous, écrivait Éluard !

La contribution pour la justice économique est expérimentale : nous verrons bien. Sur les grandes places commerciales, le service qui consiste à trancher les litiges est payant ; et beaucoup d'entrepreneurs se défient de notre justice parce qu'elle est gratuite - curieux réflexe, mais c'est ainsi. Les recettes d'une telle contribution viendraient abonder le budget de l'État et le garde des sceaux, au moment de la préparation du budget, pourrait faire valoir auprès de Bercy que la justice ne fait pas que coûter, mais qu'elle rapporte beaucoup d'argent ! Le barème tiendra évidemment compte du montant de la demande, de la nature du litige, de la capacité contributive du demandeur : le sens de cette disposition n'est absolument pas de faire payer les petites entreprises...

Pour ce qui est du transfert des opérations de saisie des rémunérations aux commissaires de justice, il présente un véritable intérêt pour les greffiers, dont il faut alléger le travail : il s'agit d'une tâche répétitive. Toutes les garanties seront prises, notamment liées à la désignation du commissaire de justice répartiteur : il ne faut pas que cela coûte plus cher qu'auparavant, et vous aurez très prochainement communication de ces éléments relatifs au coût de l'intervention du commissaire de justice.

Monsieur Sueur, à propos des prisons, vous faites le bilan suivant : plus on en construit, plus on les remplit. Pour tout vous dire, ces propos me laissent dubitatif... On compte actuellement 73 000 détenus pour 60 000 places. Il n'y a pas cinquante solutions : on peut certes choisir de libérer plus de 10 000 détenus, envoyés en prison par des magistrats indépendants dans le cadre de leur liberté juridictionnelle, mais il faut en assumer la responsabilité. Je ne suis d'ailleurs pas certain que cela ne provoque pas une révolution..

On peut aussi décider de construire des prisons. La moitié des établissements pénitentiaires du programme « 15 000 places » seront sortis de terre et opérationnels à la fin de l'année 2024. J'inaugurerai déjà dix établissements supplémentaires d'ici la fin de 2023.

Lorsque Nicole Belloubet a libéré des détenus, en pleine pandémie, elle a eu raison de le faire, parce que la promiscuité carcérale risquait de causer une catastrophe. Voyez les polémiques que cela a déclenché, on en parle encore aujourd'hui. Prendre une telle décision, c'est s'exposer à ce que l'extrême droite s'en empare !

Cela dit, on ne saurait résumer notre politique de réduction de la surpopulation carcérale à la construction d'établissements pénitentiaires.

Dans le texte que je soumets à votre appréciation, nous étendons le champ des travaux d'intérêt général. Par ailleurs, nous avons mis en place, au 1er janvier de cette année, la libération sous contrainte. Cet outil est tout nouveau, attendons de voir ce qu'il donne.  Cette décision, je le rappelle, est prise par un magistrat. Lorsque l'on peut écourter une peine parce que toutes les garanties d'insertion sont réunies, il faut le faire, en tâchant d'éviter les sorties sèches, dont on sait qu'elles sont génératrices de récidives. Le calcul doit être fait à très long terme. Si le détenu, une fois sa peine purgée, sort de prison sans travail ni logement, chacun sait bien, statistiquement, où cela finira.

Au chapitre de la régulation, j'ajouterai le contrat d'emploi pénitentiaire, qui est susceptible de porter ses fruits et de prévenir la récidive.

Vous m'interrogez sur la jurisprudence de la Cour de cassation : je me félicite de l'arrêt rendu le 12 mai dernier par son assemblée plénière, qui clarifie l'appréciation de la condition de double incrimination, dont l'interprétation avait été durcie par l'arrêt Chaban. Il devrait permettre aux procédures en cours concernant les crimes commis en Syrie de prospérer. J'ai pris également note de la proposition de loi déposée par le député Gouffier-Cha, qui vise à clarifier dans la loi le critère de la double incrimination. Nous en reparlerons.

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-présidente -

M. Jean-Pierre Sueur. - Serait-il possible d'intégrer ces dispositions dans le présent texte ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je ne suis pas convaincu que l'on ne se heurte pas à quelque problème majeur de recevabilité...

Tous ceux qui sont préoccupés par cette question de la compétence universelle des juridictions françaises ont lu cet arrêt ; il y aura à ce propos des initiatives parlementaires.

M. Jean-Pierre Sueur. - Un vote du Sénat a eu lieu voilà dix ans !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sans doute, mais je n'étais pas là il y a dix ans !

Madame Cukierman, je précise que l'autorisation des perquisitions de nuit ne s'appliquera pas à toutes les infractions. Par ailleurs, la situation actuelle est la suivante : lorsqu'une personne est suspectée d'avoir commis un crime, deux policiers ou deux gendarmes stationnent toute la nuit devant la porte de son domicile. La protection du domicile n'est alors plus que symbolique, car sitôt la porte franchie le suspect sera interpellé. De surcroît, tous ceux qui participent à la mise en oeuvre de justice ont évoqué, lorsque je les ai consultés, le risque d'un nettoyage des lieux. Dans le régime actuellement en vigueur, si une victime encore en vie se trouve au domicile du suspect, à supposer qu'il soit 23 heures, les policiers doivent attendre toute la nuit avant de perquisitionner... Les motifs de cette disposition sont donc purement pratiques.

Ces questions sont évidemment importantes : elles ne m'échappent pas et je suis, comme vous, très attaché aux libertés individuelles. Mais, en la matière, le juge des libertés et de la détention est là pour ordonner ou ne pas ordonner, et son intervention est soumise à un certain nombre de règles et de garanties.

J'en viens, précisément, aux JLD. Nous avons organisé deux grandes vagues de concertation. Des JLD nous ont dit qu'ils avaient trop de contentieux à traiter entre celui qu'ils tirent du code de procédure pénale et les tâches que leur a confiées le Conseil constitutionnel. Notre credo est de faire confiance aux acteurs de terrain. Pourquoi le chef de juridiction, avec son ou ses JLD, ne répartirait-il pas le travail en sollicitant d'autres magistrats ? Je ne crois pas du tout que ces matières soient trop complexes pour être traitées de cette façon. Une partie du contentieux des étrangers fait déjà l'objet d'un tel traitement. Et l'ENM sert à cela, à former les magistrats au regard des évolutions qui peuvent intervenir dans les modalités d'exercice de leurs missions.

En tout état de cause, madame la Sénatrice, imaginez-vous une seconde un chef de juridiction confiant ce contentieux-là à un magistrat qui n'y connaît rien ? Non, le chef de juridiction ira chercher le magistrat dont il estime qu'il est le meilleur pour traiter ce contentieux. C'est aussi cela faire confiance aux acteurs de terrain. Ainsi se donne-t-on les moyens d'alléger la charge de certains JLD. Quant aux autres, ils pourront conserver l'intégralité de leurs compétences.

Monsieur Benarroche, il restera bien sûr possible de demander l'aide juridictionnelle par papier. Au passage, je précise que l'application que je vous ai suggéré de télécharger permet de savoir si l'on est éligible à l'aide juridictionnelle, de simuler le montant d'une pension alimentaire ou de consulter 8 000 fiches thématiques relatives, par exemple, au changement de nom. Voilà de la justice de proximité, voilà qui parle à nos compatriotes !

Vous me direz que tout le monde n'a pas de téléphone portable mais le papier demeure, bien sûr, et il est possible de demander des renseignements dans les plus de 2 000 « points justice » répartis sur le territoire. L'accès de nos compatriotes les plus défavorisés à la justice n'a donc pas été négligé.

La justice amiable, que nous promouvons par la voie réglementaire, permet d'ailleurs à des justiciables de rencontrer leurs juges. S'agissant de contentieux qui peuvent toucher à l'intime, comment voulez-vous aimer la justice si elle n'est pas incarnée à vos yeux ?

Quant au rapport d'évaluation sur l'expérimentation relative aux travaux d'intérêt général dans les sociétés qui se fixent des objectifs sociaux et environnementaux, il a été transmis en septembre. Nous allons vous le faire parvenir.

Madame Harribey, vous faites état d'une inquiétude quant à l'évaluation des chefs de cour. Le contenu de cette évaluation, je veux le construire avec le nouveau Conseil supérieur de la magistrature en préservant l'indépendance des magistrats et en en excluant l'activité juridictionnelle, laquelle, dans notre belle démocratie, ne concerne en rien le garde des sceaux. Une large concertation sera effectuée. Nous avions d'ailleurs déjà envisagé, à titre expérimental, l'évaluation des chefs de cour. À mesure que la déconcentration suit son chemin, ils vont avoir de nouvelles tâches à exercer. Il faut donc qu'ils puissent être évalués car avoir davantage de prérogatives sur le terrain exige de rendre des comptes. Tel est le prix de la déconcentration. Des formations managériales seront d'ailleurs organisées à l'ENM.

Je dis un mot de l'article 2 et de la recodification du code de procédure pénale. Sous simplifions sans toucher en rien aux équilibres existants. Aujourd'hui, dans le code, certains textes ne se lisent que par renvoi à quatre autres. Il faut donc en lire cinq pour trouver la « solution », bonjour le cluedo. Le code étant devenu illisible, n'est-il pas possible de le réécrire en conservant exactement les mêmes solutions que dans la version antérieure ? Ces chausse-trappes produisent nullités, incompréhension, difficultés. Toutes les forces de sécurité intérieure appellent à une simplification du code de procédure pénale ! J'en ai deux versions sur mon bureau, l'une de 1959, l'autre de 2023 ; comparez les épaisseurs respectives... Simplifier, c'est tout réordonner en un bel outil sans en toucher le fond.

Toutes les garanties sont prévues, à commencer par l'habilitation. Vous regarderez ce que nous vous proposerons,  et je sais que les sénateurs savent dire non. Un comité scientifique est créé, un suivi parlementaire organisé. À la fin de la procédure, un nouveau contrôle aura lieu au moment d'examiner le projet de loi de ratification, en sachant que l'excellent sénateur Richard et le Conseil d'État veilleront tout du long. C'est un boulot titanesque que d'accomplir cette simplification, qui n'est, je le rappelle, pas une modification. L'outil qui en sortira, tout le monde l'attend !

J'ajoute que le Conseil d'État, dans son avis, ne tique pas là-dessus. Ce n'est pas rien, c'est même une très belle garantie. Que le garde des sceaux s'échine à dire que la recodification se fera à droit constant, j'entends que cela puisse susciter votre circonspection ; mais le Conseil d'État ? Vous serez ceux qui contrôleront ce travail consistant à rendre lisible un outil qui est devenu illisible. La tâche est si complexe, je le précise, que le comité scientifique souhaite disposer, pour la mener à bien, de dix-huit mois ou deux ans.

M. Alain Richard. - Je complète le propos du ministre : il est très important que vous nous communiquiez dès maintenant le texte de l'amendement que vous comptez déposer à l'article d'habilitation pour créer un comité de suivi parlementaire. Envoyez-nous un projet « martyr » sur les modalités de désignation des membres de ce comité !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je n'y vois aucun inconvénient ; qu'en pensent vos rapporteurs ? Il y a longtemps que je plaide pour un tel suivi parlementaire.

M. Alain Richard. - J'y insiste. Le débat a eu lieu très souvent lors de l'examen de textes d'habilitation, et jamais les gouvernements successifs n'ont mis en place une telle concertation. Si j'avais l'esprit malin, je dirais que le secrétariat général du Gouvernement y est sans doute pour quelque chose... Il me semble que, sur un sujet aussi délicat que celui-là, il vaut mieux, une fois n'est pas coutume, matérialiser dans la loi la relation de confiance entre l'exécutif et le législateur.

Mme. Catherine Di Folco, présidente. - Je vous remercie. La commission examinera ces textes lors de sa réunion du 31 mai prochain.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 20 h 10.

Mercredi 24 mai 2023

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi relatif à l'industrie verte - Désignation d'un rapporteur pour avis

La commission désigne M. Jean-Yves Roux rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 607 (2022-2023) relatif à l'industrie verte, en remplacement de M. Arnaud de Belenet.

Projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Nous allons désigner un rapporteur pour avis sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, sous réserve de la constitution d'une commission spéciale.

La commission désigne M. Christophe-André Frassa rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 593 (2022-2023) visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.

Proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, Mme Valérie Boyer, Mme Brigitte Lherbier, Mme Dominique Vérien, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Hussein Bourgi et Mme Patricia Schillinger comme membres titulaires, et de Mme Catherine Di Folco, M. François Bonhomme, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Hervé Marseille, M. Jérôme Durain, Mme Maryse Carrère et Mme Cécile Cukierman comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Questions diverses

M. Jérôme Durain- À la suite de l'audition de M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, qui s'est tenue hier, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sollicite, auprès du président de notre commission, l'audition de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Mme Dominique Simonnot, afin d'éclairer notre réflexion sur le maintien de l'ordre.

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Je transmets votre demande à M. le président François-Noël Buffet. Une réponse vous sera donnée dans les meilleurs délais.

Projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces - Examen des amendements aux articles délégués au fond

Mme Catherine Di Folco, présidente. - Nous examinons maintenant les amendements de séance du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces sur les articles qui nous ont été délégués au fond, ainsi que les amendements du rapporteur.

EXAMEN DES SOUS-AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Article 2

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Mon sous-amendement LOIS.6 vise à apporter une coordination afin de circonscrire la zone d'intervention des agents de la douane à un rayon maximal de 10 kilomètres autour des ports et aéroports, sur le modèle de la règle en vigueur pour les opérations de contrôle d'identité réalisées par la police.

Le sous-amendement LOIS.6 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Mon sous-amendement LOIS.7 a pour objet de supprimer la mention de la rédaction des procès-verbaux dans la définition des opérations matérielles de visite douanière. Cette opération juridique postérieure ne doit pas être prise en compte au cours des 4 heures d'immobilisation des personnes contrôlées.

Le sous-amendement LOIS.7 est adopté.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Mon sous-amendement LOIS.8 vise à préciser que l'information du procureur au-delà des 4 heures doit porter uniquement sur la visite de personnes et non sur la visite de marchandises.

Le sous-amendement LOIS.8 est adopté.

Après l'article 11

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Mon sous-amendement LOIS.9 a pour objet de donner aux agents de douane judiciaire - statut institué par le texte du Gouvernement - les mêmes prérogatives que celles des agents de police judiciaire, qui sont placés sous le contrôle d'un officier de police judiciaire.

Le sous-amendement LOIS.9 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - La limite de 40 kilomètres du champ d'action terrestre des douanes va déjà au-delà de celle qui est inscrite dans le code frontières Schengen et le code des douanes de l'Union. Il n'est pas possible d'aller plus loin. Aussi, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n°  55, qui a pour objet d'allonger la distance 50 kilomètres.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 55.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - J'émets un avis défavorable sur l'amendement n°  56, car il est satisfait par le texte actuel, dans lequel est prise en compte la limite des 40 kilomètres à partir des estuaires comme du littoral.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 56.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  9 vise à étendre le rayon d'action des douanes à 60 kilomètres. Cela n'est pas possible, pour les mêmes raisons juridiques que celles que j'ai avancées précédemment.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Article 2

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  23 a pour objet de rétablir à l'article 60 du code des douanes la possibilité pour les agents des douanes de procéder à la « visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes ». Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  24 tend à revenir sur la détermination du critère objectif d'un rayon de 10 kilomètres autour des ports et aéroports en rétablissant la notion d'abords, qui est plus littéraire.

Or cette distance, qui a été choisie à propos des contrôles d'identité, pourrait logiquement être appliquée pour les contrôles douaniers, en raison de la vitesse de circulation des personnes à contrôler.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Le droit d'intervention permanente dans tous les ports n'a pas été donné à la douane, car certains d'entre eux n'ont pas de trafic international. Aussi, il revient aux ministres de désigner les ports dans lesquels la douane intervient, afin d'éviter que ses agents ne soient dispersés dans l'ensemble des ports secondaires, ce qui risquerait de diminuer l'efficacité de son action.

Ainsi, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n°  14 : il faut sélectionner les ports et aéroports appartenant au rayon douanier.

M. Dany Wattebled- Si les trafiquants savent que certains ports ne sont pas contrôlés, ne risquent-ils pas d'y établir leurs trafics ? Une telle mesure me semble étrange : sélectionner certains ports, c'est transformer les autres en passoires !

Faisons plus de contrôles sur les ports importants, mais ne délaissons pas les autres !

Mme Nathalie Goulet. - Je soutiens les deux amendements présentés par notre collègue Éric Bocquet, même si, comme l'a fait observer le rapporteur pour avis la semaine dernière, le droit commun s'applique au-delà des 40 kilomètres.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Le droit de contrôle de la douane existe partout dans les 40 kilomètres. Les douanes sont présentes dans les ports ayant les plus importants trafics, où ils y disposent d'outils - des scanners de contrôle de conteneurs, par exemple -, pour intervenir de façon inopinée et sélective. Cela ne veut pas dire qu'ils n'interviendront pas dans les autres ports. Je rappelle qu'il n'y a que 16 000 douaniers pour contrôler l'ensemble des flux.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  15 vise à inclure dans le champ de contrôle des douanes les axes secondaires, situés au-delà de 40 kilomètres.

Or l'extension de la distance, qui se justifie sur les autoroutes - les douaniers peuvent contrôler les véhicules aux péages -, est inutile sur les routes secondaires, où ils ne peuvent réaliser leurs contrôles. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Il est préférable que le ministre chargé des douanes et le ministre chargé des transports déterminent ensemble le périmètre de l'intervention des douanes dans les gares. L'amendement n°  25 indique que seul le ministre chargé des douanes est compétent pour définir les lieux d'intervention. Or de tels contrôles contraignent le trafic ferroviaire. J'émets donc un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Avis défavorable sur l'amendement n°  44.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  26, présenté par le Gouvernement, vise à mentionner explicitement que la tentative de délit donne lieu au même droit de contrôle que la commission de l'infraction. Une telle mesure est inutile, car elle est déjà garantie par un principe général du droit commun. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n° 27 tend à supprimer les clarifications rédactionnelles apportées par la commission des lois pour définir le processus de la visite. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  59 a pour objet de supprimer la faculté pour le procureur de s'opposer à une visite douanière. Or l'intervention judiciaire est nécessaire. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 59.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  5 rectifié bis a pour objet d'anonymiser les procès-verbaux des douaniers. Il est satisfait par l'article 55 bis du code des douanes. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 5 rectifié bis et, à défaut, y sera défavorable.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  61 tend à préciser que le procureur du ressort soit invité à participer à la procédure. Cela va de soi. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 61 et, à défaut, il sera défavorable.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  28 du Gouvernement tend à revenir sur l'amplitude horaire que nous avons étendue de 6 heures à 21 heures. Selon moi, une telle disposition ne présente pas de risque constitutionnel. Avis de sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 28.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  54 vise à préciser les lieux dans lesquels les opérations de contrôle peuvent être conduites pendant une durée supérieure à 12 heures. Cela me semble utile, car une telle prolongation est exceptionnelle.

Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.6 en séance.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 54, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.6.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  60 rectifié est satisfait. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 60 rectifié et, à défaut, il sera défavorable.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  53 tend à prévoir une obligation d'informer le procureur au bout de 4 heures uniquement en cas de déroutement. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.8.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 53, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.8.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  29 vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, qui est inspiré d'une décision du Conseil constitutionnel relative à la limitation des atteintes aux personnes. Avis de sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 29.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  30 tend à rétablir la notion de fouille à corps. Nous préférons l'expression de fouille intégrale, qui figure déjà dans le code de procédure pénale. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  31 tend à rétablir le texte initial du Gouvernement relatif au procès-verbal, qui ne fait pas partie des opérations matérielles de visite. J'en ai pris en compte dans le sous-amendement LOIS.7, qui a été adopté. Dans ces conditions, mon avis est favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 31, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.7.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  2 a pour objet de limiter l'application du régime de visite domiciliaire aux fouilles des caravanes ou de camping-cars aux moments où ils sont utilisés comme domicile. Cette disposition figure déjà dans le code des douanes. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Nadine Bellurot- Ce qui va sans le dire va encore mieux en le disant : il est important de préciser que ces moyens d'habitation peuvent être visités comme des domiciles lorsqu'ils sont à l'arrêt et non en circulation. Les camping-cars sont des points clés du trafic de stupéfiants, ne l'oublions pas. Si nous n'apportons pas cette précision, des contentieux vont voir le jour.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Notre texte indique bien que les garanties contre la fouille ne valent que si les véhicules sont utilisés comme résidence au moment du contrôle. Tel est l'objet de votre amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 et, à défaut, il sera défavorable.

Article 11

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  12 vise à supprimer l'article 11. Cela reviendrait à enlever une chance à la douane de repérer des mouvements liés au trafic de stupéfiants. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - Les amendements nos  45 et 46 n'auront plus d'objet si l'amendement n° 47 de la commission est adopté en séance. Il importe en effet de supprimer la notion d'« événements prédéterminés ». En conséquence, mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 45 et 46.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  35 a pour objet de supprimer le test de plusieurs durées de conservation des données des lectures de plaques d'immatriculation.

Cet amendement résulte d'une incompréhension. Il s'agit non pas d'appliquer des régimes différents au cours de la période d'expérimentation, mais d'effectuer un test à partir des lectures de plaque, afin d'identifier ce qui leur est possible de détecter lorsqu'ils gardent les images pendant deux, trois ou quatre mois. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  36 tend à préciser les modalités rédactionnelles relatives au futur décret encadrant les traitements de données issus des lecteurs de plaques d'immatriculation, en mentionnant l'expression « mise en relation automatisée ou interconnexion » plutôt que celle de « consultation ». Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 36.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  37 tend à substituer deux rapports d'évaluation de l'expérimentation aux trois rapports.

La publication d'un seul rapport au bout de dix-huit mois me semble justifiée.

Avis favorable, mais je relève que le calcul de la durée de remise du rapport doit partir de la publication du décret ayant pour objet d'organiser le système de lecture, et non de la promulgation de la loi.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 37, sous réserve de rectification.

Après l'article 11

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  62 rectifié ter a pour objet de permettre aux services de douanes et de la police de s'échanger des informations et des renseignements tirés de leurs contrôles. Cette disposition complète un régime qui existe déjà. Avis favorable, sous réserve également d'une rectification rédactionnelle que je proposerai à M. Bascher.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 62 rectifié ter, sous réserve de rectification.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  42 rectifié a pour objet d'instituer une catégorie de fonctionnaires qui aideraient les officiers de police judiciaire. Avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement de précision LOIS.9.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 42 rectifié, sous réserve de l'adoption du sous-amendement LOIS.9.

M. Alain Richard, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  52 rectifié a pour objet de permettre aux douanes d'utiliser les drones dans les conditions du droit commun et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. L'objectif est de lutter contre le trafic de tabac et de surveiller les frontières. Avis favorable, sous réserve d'une rectification que je proposerai en séance. En effet, les missions doivent être précisées.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 52 rectifié, sous réserve de rectification.

Les sorts des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Sort de l'amendement

Article 9

M. RICHARD, rapporteur

48

Adopté

Article 10

M. RICHARD, rapporteur

49

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

50 rect. bis

Adopté

Article 11

M. RICHARD, rapporteur

47

Adopté

Article 12

M. RICHARD, rapporteur

51

Adopté

La réunion est close à 10 h 00.