EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport de M. Jean-Baptiste Blanc sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à simplifier la sortie de l'indivision successorale.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Contrairement à ce que son nom indique, cette proposition de loi ne se limite pas à la sortie de l'indivision successorale. Je tiens à insister sur ce point pour favoriser le bon examen de ses différents articles, car il s'agit d'une matière d'une particulière technicité.
Les articles de ce texte peuvent être regroupés en trois grands thèmes.
Le premier concerne l'information des collectivités territoriales quant aux biens abandonnés qui se situeraient sur leur territoire. Il fait l'objet de l'article 1er.
Le deuxième traite des successions vacantes - et plus particulièrement de leur gestion par la direction nationale d'interventions domaniales (Dnid), qui est l'administration du domaine. Les articles 1er bis et 2 s'y rattachent.
Le troisième thème, qui recouvre quant à lui les articles 3 et 4, tient à la simplification de la vente des biens indivis et à l'accélération des partages judiciaires. Il ne porte donc pas seulement sur les indivisions successorales, mais aussi sur les indivisions au sens large.
L'analyse de ce texte, thème par thème, permettra de clarifier la position que je vous propose d'adopter. Je précise que je me suis appuyé sur de nombreuses auditions et tables rondes qui m'ont conduit à confronter les points de vue des praticiens - avocats, notaires, magistrats -, des théoriciens - professeurs de droit - et du ministère de la justice. Je regrette toutefois l'incomplétude des statistiques dont nous disposons : si nous ne légiférons pas à l'aveugle grâce aux précieux retours des acteurs de terrain, il est anormal que le ministère de la justice ne soit pas en mesure de déterminer, par exemple, le nombre d'indivisions successorales qui sont réglées par la voie d'un partage judiciaire. Tout au plus puis-je vous informer que l'administration du domaine a été saisie de 6 718 successions vacantes en 2024 et que le nombre moyen de partages judiciaires demandés entre 2018 et 2024, toutes catégories d'indivisions confondues, atteint en moyenne 9 635.
L'article 1er a pour objet de créer une base de données qui aurait pour vocation d'informer les collectivités territoriales sur la présence de biens abandonnés sur leur territoire. Cependant, la notion de « biens abandonnés » ne renvoie à rien en droit. Le dispositif prévoit donc que lorsqu'une des quatre procédures qu'il cible expressément est engagée à l'égard d'un bien, ce dernier sera inscrit dans la base. Or, aucune de ces procédures ne permet d'atteindre l'objectif poursuivi. Les deux premières sont par définition connues de la personne publique, car c'est elle qui les engage. Il s'agit de la déclaration de parcelle en état d'abandon manifeste et de l'attribution à une personne publique de la propriété d'un bien sans maître. Les deux suivantes, quant à elles, ne concernent pas à proprement parler des biens abandonnés. Il s'agit de la gestion des successions vacantes et de l'envoi en possession de l'État. Je vous proposerai donc de supprimer cet article.
L'article 1er bis tend
à faciliter la tâche de la Dnid en matière de successions
vacantes. C'est en effet elle qui exerce la curatelle d'une succession
lorsqu'elle est déclarée vacante par le juge. La Dnid est alors
chargée de la gestion de l'actif successoral du défunt et du
règlement de ses dettes en procédant, le cas
échéant, à la vente des biens. En l'état du droit,
l'ordonnance judiciaire la désignant curatrice doit être
publiée par voie de presse.
L'article 1er bis l'autoriserait à
effectuer cette publicité par voie numérique,
sur son site
internet. Je ne suis pas opposé à cette évolution, qui
correspond aux changements des pratiques et devrait permettre d'accroître
la visibilité des mesures de publicité qu'impose à la Dnid
le code civil. Je vous proposerai donc d'étendre le
périmètre de l'article, en y incluant des mesures de
publicité que l'Assemblée nationale avait omises. En revanche, il
me semble que l'objectif de facilitation de l'accès aux informations
liées aux successions vacantes serait mieux atteint en maintenant,
parallèlement à la publication par voie de numérique, la
publication par voie de presse. Tel sera également le sens de
l'amendement que je vous soumettrai sur cet article.
Toujours dans l'objectif de simplifier la gestion des successions vacantes par l'administration du domaine, je vous proposerai l'adoption d'un article additionnel revenant sur la règle qui lui impose actuellement de vendre les biens meubles avant les biens immeubles. Si cette règle est, dans l'immense majorité des cas, fondée, elle peut parfois entraîner des situations absurdes, par exemple si la succession comporte d'une part des oeuvres d'art ou des bijoux de valeur et d'autre part des biens immobiliers dégradés ou inexploités : il me semble donc opportun d'apporter de la souplesse de gestion au curateur, qui pourra décider au cas par cas de l'ordre de vente, sous le contrôle du juge bien évidemment.
L'article 2 introduit une procédure dérogatoire pour permettre à la Dnid de vendre un bien indivis qui figure à l'actif d'une succession vacante. Cette disposition soulève deux difficultés principales. D'une part, elle porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété, car elle ne présente pas de garanties suffisantes pour les autres indivisaires, qu'ils soient favorables ou opposés à cette vente. D'autre part, elle méconnaît le principe d'égalité de traitement des indivisaires, car elle ne bénéficie qu'à la Dnid, indépendamment, d'ailleurs, de sa quote-part au sein de l'indivision.
Je vous proposerai donc d'apporter une modification au droit existant, qui permet déjà de surmonter l'inertie, l'absence ou le refus d'un indivisaire. Cette solution présente l'avantage de bénéficier à l'ensemble des indivisaires. Au-delà du respect de l'égalité de traitement, cela nous semble préférable, car la Dnid n'est pas le seul indivisaire à connaître des situations de blocage.
J'en viens à l'article 3, qui est l'une des évolutions principales que propose le texte. Il vise à abaisser de deux tiers à plus de la moitié des droits indivis la majorité nécessaire pour vendre un bien indivis après autorisation judiciaire. Il s'agit donc d'un fort assouplissement d'une dérogation, datant de 2009, au principe d'unanimité qui régit les actes de disposition. J'ai constaté que cet abaissement des seuils était loin de susciter l'unanimité des professionnels interrogés, bien au contraire ! Je vous proposerai donc de maintenir le seuil actuel de deux tiers, qui est plus protecteur du droit de propriété, plus cohérent avec le reste des seuils que prévoit le droit de l'indivision et qui désincite moins à recourir au mode normal de sortie d'une indivision en cas de désaccord, le partage judiciaire, que peut demander à tout moment n'importe quel indivisaire.
En outre, je signale que le dispositif que cible l'article 3 concerne toutes les indivisions et non pas les seules indivisions successorales : je vous laisse imaginer les importantes conséquences, non évaluées par les auteurs du texte, que cela aurait pour les personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité (Pacs) ou un divorce, ou en matière de droit des affaires. À la place, je vous proposerai une évolution de la procédure dérogatoire de vente des biens indivis applicable en Corse, qui souffre d'un manque de formalisme freinant son application.
L'article 4, enfin, visait initialement à étendre le droit alsacien-mosellan du partage judiciaire à l'ensemble de la « vieille France ». Il a été grandement remodelé à l'Assemblée nationale, car cette solution n'est pas envisageable au regard des différences qui existent entre le droit commun et ce droit local. Cet article introduit désormais une expérimentation relative à une procédure d'accélération du partage judiciaire. Dans sa version initiale comme dans sa version actuelle, il poursuit donc l'objectif d'améliorer la procédure du partage judiciaire.
Cette procédure se distingue en effet aujourd'hui par des pesanteurs que tous les professionnels du droit critiquent. Bon nombre d'indivisaires renoncent à l'engager compte tenu de sa complexité et de sa longueur. Partant, des indivisions s'installent dans le temps et des biens se dégradent.
C'est la raison pour laquelle la Chancellerie a institué sous la houlette de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) un groupe de travail consacré à cette question. Ce groupe a travaillé durant plusieurs mois avec les représentants des notaires comme des avocats. La plupart des personnes que j'ai entendues y ont participé et se disent enthousiastes quant au résultat de ses travaux.
Le ministère de la justice envisage de conduire
cette réforme, qui sera essentiellement réglementaire, dans le
courant de l'année 2026. Seulement,
il a besoin d'un véhicule
législatif pour apporter certaines modifications au code civil.
Je vous proposerai donc de supprimer l'article 4, et d'attendre que le Gouvernement présente, en séance, ces dispositions. Cette solution m'apparaît préférable, car une modification du droit commun bénéficiera à tous, tandis qu'une expérimentation se réduirait à quelques ressorts, au-delà des difficultés juridiques et pratiques qu'elle ne manquerait pas de soulever.
C'est donc une évolution très significative du texte que je vous propose. J'insiste toutefois sur le caractère constructif de ma démarche : je partage entièrement les objectifs poursuivis par les auteurs du texte, en particulier la députée Louise Morel. Le droit de l'indivision successorale et des successions vacantes n'a pas connu de réforme d'ampleur depuis la loi du 23 juin 2006, une actualisation est sans conteste souhaitable pour limiter les situations de blocage. J'espère, par les propositions que j'ai formulées après de nombreuses auditions et en lien avec le ministère de la justice, faire oeuvre utile pour permettre au texte d'atteindre plus adéquatement ses objectifs.
Mme Dominique Vérien. - Je salue un texte utile, que le travail de notre rapporteur, réalisé en lien avec le ministère de la justice, ainsi que la navette parlementaire vont grandement améliorer. Pour une fois, nous ne pouvons que nous féliciter du temps pris pour l'aboutissement d'une proposition de loi, car nous obtiendrons en définitive une version qui facilitera véritablement la résolution des indivisions, tout en s'intégrant de manière plus stable dans le droit commun en dépassant le seul cadre expérimental.
Le groupe Union Centriste suivra le rapporteur.
M. Pierre-Alain Roiron. - Nous sommes, pour notre part, globalement favorables à cette proposition de loi qui s'attaque au problème prégnant des logements vacants, dont une partie significative est bloquée par des indivisions successorales. C'est particulièrement le cas en outre-mer où, semble-t-il, 40 % du foncier privé serait concerné. Pragmatique, ce texte entend doter les collectivités territoriales d'outils concrets.
Cependant, vous proposez de supprimer la base de données nationale prévue à l'article 1er. Nous comprenons les difficultés techniques que vous soulevez, mais ce serait perdre un outil potentiellement utile à la planification foncière. Plutôt que de le supprimer, ne pourrait-on pas l'améliorer ? Évidemment, la question des moyens budgétaires et humains est, ici, certainement centrale.
À l'article 3 - et c'est le point le plus sensible -, vous refusez l'abaissement de deux tiers à plus de 50 % du seuil de la majorité nécessaire pour vendre un bien indivis après autorisation judiciaire. Maintenir ce seuil à deux tiers risque de perpétuer les blocages que nous cherchons précisément à lever.
À l'article 4, vous proposez de supprimer l'expérimentation d'une procédure d'accélération du partage judiciaire. Il serait intéressant que le Gouvernement s'engage clairement sur une réforme du droit commun de cette procédure.
Nous travaillerons de manière constructive sur ce texte en veillant à l'équilibre entre déblocage effectif des indivisions et protection des droits patrimoniaux des héritiers, notamment les plus fragiles. S'il va dans le bon sens, il ne règle du reste pas la crise du logement, laquelle nécessite une politique plus volontariste.
M. Teva Rohfritsch. - J'accueille à mon tour de manière globalement favorable les propositions qui nous sont présentées. Néanmoins, il me semble que l'abaissement du seuil de décision lors de la vente de biens indivis s'inscrit dans le sens de la simplification.
Je signale l'importance que revêt cette question outre-mer, et spécialement dans le Pacifique. En Polynésie française, où la proportion des terres en indivision excède 40 %, une forte demande émane de l'ensemble des acteurs, notamment du corps notarial, en vue de l'obtention de cet abaissement. Le seuil actuel y constitue un blocage aux projets de développement économique. Si le droit commun n'évolue pas sur ce point, je solliciterai une disposition dérogatoire pour l'outre-mer, peut-être par voie d'ordonnance compte tenu du statut particulier de nos territoires. À défaut de l'obtenir, je serai enclin à soutenir l'amendement présenté par M. Sautarel à l'article 3 de la proposition de loi.
M. Thani Mohamed Soilihi. - La législation a déjà prévu en 2018 une exception pour l'outre-mer. Un amendement sera toutefois utile pour la proroger dans le temps, car, en pratique, nous avons pris, dans ces territoires, du retard dans la résolution des indivisions. Une dizaine d'années supplémentaires serait nécessaire.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci de cette précision.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Le rapport que je vous ai présenté ne revient pas sur l'exception qui prévaut dans les territoires d'outre-mer. Nous pouvons bien entendu travailler sur la situation spécifique qui les concerne.
Une base de données nationale peut, de prime abord, sembler intéressante pour les élus. Il est cependant apparu qu'elle serait, telle qu'elle est conçue dans la proposition de loi, inefficace. Le problème de son coût, que la Dnid a elle-même mis en exergue, se pose également. Il est estimé par cette même administration - cela reste encore à affiner - à 1 million d'euros par semestre de développement.
Le passage des deux tiers à plus de la moitié de la majorité nécessaire à la vente d'un bien indivis soulève, lui, de nombreuses difficultés que les universitaires ont longuement évoquées. Ils craignent des effets de bord pour les personnes en concubinage et les personnes pacsées, qui seraient également concernées par ce dispositif. La possession de droits indivis majoritaires permettrait en effet à un indivisaire de compromettre les conditions de vie de l'autre, en sollicitant par exemple le juge pour vendre un logement occupé par l'autre.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre du texte, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclut les dispositions relatives au recensement des biens en état d'abandon et sans maître, la gestion d'une succession vacante ou en déshérence, le partage amiable ou judiciaire d'une indivision et les règles civiles applicables à la vente d'un bien indivis.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - L'article 1er a pour objet la création d'une base qui compile les données relatives aux biens concernés par quatre procédures existantes. Dans la mesure où ces procédures sont soit engagées par la puissance publique, soit sans lien direct avec les biens abandonnés, elle ne me paraît pas en l'état à même d'atteindre l'objectif poursuivi par la proposition de loi et c'est pourquoi je vous propose de supprimer cet article, qui entraînerait une dépense injustifiée. La navette parlementaire nous permettra néanmoins de poursuivre la discussion.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 1er est supprimé.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise, d'une part, à étendre la possibilité de publication numérique à tous les documents liés à la curatelle successorale pour lesquels le code civil impose la publicité et, d'autre part, à rendre cumulatives la publication par voie numérique et la publication par voie de presse.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 1er bis est ainsi rédigé.
Après l'article 1er bis (nouveau)
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Suivant une logique similaire à celle de l'article 1er bis, l'amendement COM-6 tend à assouplir les règles encadrant la vente des biens d'une succession vacante par l'administration chargée du domaine, en lui permettant de vendre les biens immeubles avant les biens meubles et ainsi de déterminer, au cas par cas, sa stratégie de vente. Celle-ci demeurera soumise au contrôle du juge.
L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - À l'article 2, qui, dans sa rédaction initiale, prévoit d'introduire une procédure judiciaire dérogatoire permettant à la DNID de vendre, indépendamment de l'appréciation de ses coïndivisaires, un bien indivis qui figure à l'actif d'une succession vacante, il me semble plus judicieux de consacrer une solution jurisprudentielle qui bénéficie à tous les coïndivisaires, dont la DNID. Il s'agit de la possibilité d'obtenir du juge, lorsque l'urgence et l'intérêt commun le justifient, de vendre un bien indivis en vertu de l'article 815-6 du code civil.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'article 2 est ainsi rédigé.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - J'émets un avis défavorable à l'adoption de l'amendement COM-1, présenté par M. Sautarel, qui a pour objet d'assouplir les règles encadrant l'administration et la vente des biens indivis. Touchant au coeur du droit de l'indivision, il me paraît se heurter aux limites que j'ai identifiées, au cours de mes travaux, à l'abaissement du seuil de majorité nécessaire à la vente d'un bien indivis.
Premièrement, cette mesure ne fait pas l'objet d'un consensus parmi les professionnels, tant s'en faut.
Deuxièmement, il s'agit d'une atteinte au droit de propriété qui me semble d'autant plus préjudiciable qu'elle désinciterait les indivisaires à se tourner vers la procédure de partage judiciaire, qui constitue le mode normal de sortie d'une indivision en cas de désaccord. Si cette procédure de partage judiciaire s'avère complexe, longue et onéreuse, il convient de la simplifier. Cette simplification interviendra dans quelques semaines à l'initiative de la Chancellerie.
Troisièmement, l'article 3 s'appliquerait à toutes les indivisions, et non aux seules indivisions successorales. L'abaissement des seuils déstabiliserait profondément le droit des affaires ou les relations post-conjugales, sans que cela n'ait fait l'objet d'aucune évaluation.
Quatrièmement, cet abaissement des seuils rendrait totalement incohérente l'architecture du droit de l'indivision, puisqu'il serait exigé un seuil plus bas pour vendre un bien que pour l'administrer.
Enfin, l'article 3 vise une disposition pérenne du code civil, contrairement aux dérogations temporaires prévues pour la Corse et les territoires d'outre-mer. Nous devons être encore plus attentifs aux atteintes au droit de propriété lorsque leurs conséquences portent sur le long terme.
Par conséquent, je vous propose, avec l'amendement COM-8, de maintenir le seuil actuel des deux tiers des droits indivis pour demander l'autorisation judiciaire de vendre d'un bien indivis. Je vous suggère en parallèle de répondre aux lacunes de la procédure dérogatoire applicable en Corse.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté. L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Mon avis est également défavorable sur l'amendement COM-2 de M. Sautarel qui vise à imposer un partage judiciaire lorsqu'une succession est ouverte, sur saisine d'un notaire, depuis plus de cinq ans. La proposition de notre collègue consiste à éviter qu'une succession ne s'enlise, mais elle se heurte à plusieurs difficultés.
Tout d'abord, toutes les indivisions ne sont pas subies, elles résultent parfois d'un choix délibéré.
De même, toutes les indivisions ne sont pas d'origine successorale. Or, cet amendement concernerait l'ensemble des indivisions : cela signifierait donc que toutes les indivisions non successorales portant sur des fonds de commerce ou des exploitations agricoles, par exemple, devraient être partagées au bout de cinq ans... Ce serait un chamboulement du droit des affaires !
L'ensemble des indivisions successorales n'est pas non plus soumis à un notaire. En effet, une partie des partages amiables sont réalisés sans l'intervention de ce professionnel, notamment lorsque la succession ne comprend pas de biens immobiliers.
Ensuite, cette disposition revient à instaurer un partage obligatoire au bout de cinq années, alors même que les héritiers disposent d'un délai de dix ans pour opter. Cela me semble pour le moins incohérent. Il n'apparaît en effet pas possible de contraindre des héritiers à partager l'indivision successorale alors même que leur droit d'opter n'est pas expiré.
Par ailleurs, cette proposition placerait le notaire dans une situation extrêmement délicate au regard du nécessaire respect de ses obligations déontologiques. Il est le conseil des personnes physiques ou morales de droit privé et de droit public et le rédacteur impartial de leurs volontés. Il ne peut, en toute circonstance, renoncer à sa neutralité et veille à éviter tout conflit d'intérêts. Le contraindre à porter le dossier de ses clients en justice, contre leur avis, serait contraire à la déontologie qui l'anime dans ses relations avec sa clientèle.
Enfin, cet amendement aurait une conséquence qui va à l'encontre des objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi puisqu'il supprime la précision, actuellement prévue à l'article 815 du code civil, selon laquelle le « partage peut être toujours provoqué », c'est-à-dire même avant le délai de cinq ans.
M. Pierre-Alain Roiron. - Pour notre part, nous pensons que le délai de cinq ans correspond au moment propice pour imposer un partage judiciaire, car nous constatons que les successions ouvertes se prolongent trop longtemps, et nous sommes par conséquent favorables à l'amendement de M. Sautarel.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Cet amendement se caractérise par l'automaticité de la solution qu'il prévoit. Certes, il arrive que l'on reste longtemps dans l'indivision, mais celle-ci peut être choisie ou correspondre à des difficultés inhérentes à la vie de famille.
À l'occasion de la réforme qu'elle entend entreprendre, la Chancellerie nous a remis un document de présentation émanant du travail mené avec des notaires et des avocats, les premiers des professionnels à être sollicités quand il s'agit de sortir d'une indivision. Il en ressort que les indivisions, en particulier les indivisions successorales, ne tiennent le plus souvent pas tant à des questions d'argent qu'à des questions de famille, à des histoires de vie, qui ne peuvent se résoudre aisément par le seul fait de déterminer un délai. Assez peu de partages s'effectuent du reste de façon judiciaire, le mode amiable l'emportant. Et lorsqu'ils passent par une procédure judiciaire, c'est parce qu'une difficulté l'exige.
La Chancellerie envisage d'intervenir sur cette procédure elle-même et sa durée.
Mme Patricia Schillinger. - Les indivisions s'avèrent d'autant plus complexes en Alsace, surtout lorsqu'elles concernent des terrains, qu'elles y mêlent souvent le droit local au cadre juridique transfrontalier. Les communes comme les familles sont souvent empêchées de progresser dans leurs projets, les premières en particulier lorsqu'elles élaborent un plan local d'urbanisme (PLU). Laisser perdurer l'indivision n'est pas non plus une solution. Il nous faudra y réfléchir de manière approfondie.
M. Pierre-Alain Roiron. - La problématique de successions qui durent depuis trop longtemps existe en effet. Cela contraint les municipalités à agir, y compris pour des lieux qui ne sont plus du tout habités.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Presque tous ici connaissons l'exercice du mandat d'élu local et il est exact que nos projets se heurtent parfois à une succession vacante.
Les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous rappellent cependant que le droit de propriété est un droit naturel et imprescriptible. Ce droit est constitutionnellement protégé, ce qui n'est pas le cas de nos PLU.
Par ailleurs, les procédures d'expropriation, de déclaration d'abandon manifeste ou de biens sans maître permettent de débloquer des situations. Elles sont empreintes d'un certain formalisme et caractérisées par leur longueur, mais c'est la conséquence directe et inévitable de la mise en cause d'un droit constitutionnel. L'équilibre existant ne me paraît en définitive pas mauvais.
Mme Cécile Cukierman. - L'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est souvent cité pour nous rappeler que le droit de propriété est constitutionnellement garanti ; mais complétons-en la lecture, puisque, s'il dispose que nul ne peut en être privé, il ajoute aussitôt : « si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
L'idée d'un droit de propriété absolument immuable qui empêcherait toute action sur les terrains ou d'autres biens privés n'est donc pas incontestable. Depuis de nombreuses années, dans nos débats au Sénat, on oublie régulièrement cette seconde partie de la rédaction de l'article 17, qui pourtant lui confère tout son sens. Relativiser le droit de propriété est indispensable si l'on veut trouver de bons compromis.
Mme Muriel Jourda, présidente. - C'est pour cela que j'ai précisé la nature des trois procédures à la disposition de la puissance publique et lui permettant de faire prévaloir l'intérêt général. Ajoutons-leur encore le droit de préemption.
M. Marc-Philippe Daubresse. - J'invite notre collègue Cécile Cukierman à se reporter à la jurisprudence tout à fait éclairante du Conseil constitutionnel sur le droit de propriété. Ce que vous avez dit, madame la présidente, est tout à fait exact : le droit de propriété est un droit fondamental, auquel l'on ne peut aisément déroger, spécialement avec un PLU, qui n'est, en comparaison, qu'un simple outil juridique.
Mme Cécile Cukierman. - Des droits existent, spécialement le droit d'expropriation, qui limitent aujourd'hui la portée du droit de propriété et en relativisent la primauté en toutes circonstances.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
L'amendement COM-3 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-9 concerne l'expérimentation relative à l'accélération du partage judiciaire. Nous restons dans l'attente de la réforme à venir de la Chancellerie.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à supprimer cet article, qui concerne une demande de rapport.
L'amendement COM-10 est adopté.
L'article 5 est supprimé.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Il en est de même pour l'amendement COM-11 à l'article 6.
L'amendement COM-11 est adopté.
L'article 6 est supprimé.
Intitulé de la proposition de loi
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - L'amendement COM-12 vise à mettre en cohérence l'intitulé du texte avec son périmètre, plus large que les seules indivisions successorales.
Mme Muriel Jourda, présidente. - À cette fin, il s'agit de remplacer le mot « successorale » par les mots « et la gestion des successions vacantes ».
L'amendement COM-12 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
|
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
|
Article 1er |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
4 |
Suppression de la base de données dont les modalités de fonctionnement sont incohérentes avec l'objectif qui lui est assigné |
Adopté |
|
Article 1er bis (nouveau) |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
5 |
Caractère cumulatif de la publication par voie de presse et par voie numérique et extension du périmètre de l'article |
Adopté |
|
Article(s) additionnel(s) après Article 1er bis (nouveau) |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
6 |
Assouplissement des règles encadrant la vente des biens d'une succession vacante par l'administration chargée du domaine |
Adopté |
|
Article 2 |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
7 |
Réécriture du dispositif pour consacrer un recours valable pour l'ensemble des coïndivisaires |
Adopté |
|
Article 3 |
|||
|
M. SAUTAREL |
1 |
Abaissement des seuils de majorité nécessaires pour effectuer un acte d'administration et pour aliéner un bien indivis après autorisation judiciaire |
Rejeté |
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
8 |
Suppression de l'abaissement de majorité nécessaire pour aliéner un bien indivis après autorisation judiciaire et actualisation de la procédure dérogatoire applicable en Corse |
Adopté |
|
Article(s) additionnel(s) après Article 3 |
|||
|
M. SAUTAREL |
2 |
Obligation de procéder à un partage judiciaire lorsqu'une succession est ouverte depuis plus de cinq ans |
Rejeté |
|
M. SAUTAREL |
3 |
Report du paiement des droits de succession lorsque la succession comporte un bien immobilier |
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier) |
|
Article 4 |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
9 |
Suppression de l'expérimentation dans l'attente de la présentation d'une réforme législative du partage judiciaire par le Gouvernement en séance |
Adopté |
|
Article 5 (nouveau) |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
10 |
Suppression de la demande de rapport établissant un bilan de la loi dite Letchimy du 27 décembre 2018 |
Adopté |
|
Article 6 (nouveau) |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
11 |
Suppression de la demande de rapport sur la procédure de partage judiciaire applicable en Alsace-Moselle |
Adopté |
|
Intitulé de la proposition de loi |
|||
|
M. Jean-Baptiste BLANC, rapporteur |
12 |
Mise en cohérence de l'intitulé du texte avec son périmètre |
Adopté |