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Table des matières



Liaison autoroutière entre Castres et Toulouse (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Philippe Folliot, auteur de la proposition de loi

M. Franck Dhersin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports

M. Pierre Médevielle

M. François Bonhomme

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

M. Christian Bilhac

Mme Marie-Lise Housseau

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Jacques Fernique

M. Hervé Gillé

Exception d'irrecevabilité

M. Ronan Dantec

Discussion de l'article unique

Article unique

Intitulé de la proposition de loi

Produits du bois et filière REP PMCB

Discussion générale

Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi

M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission aménagement du territoire et du développement durable

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

M. Daniel Gueret

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

M. Michel Masset

Mme Jocelyne Antoine

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jacques Fernique

M. Michaël Weber

M. Marc Laménie

M. Daniel Gremillet

M. Gilbert Favreau

Discussion des articles

Article 2

M. Michel Canévet

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Après l'article 2

Modification de l'ordre du jour

Rétablir le lien de confiance entre la police et la population

Discussion générale

Mme Corinne Narassiguin, auteure de la proposition de loi

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mme Salama Ramia

M. Michel Masset

Mme Anne-Sophie Patru

M. Ian Brossat

M. Guy Benarroche

M. Jérôme Durain

M. Marc Laménie

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Discussion des articles

Article 1er

M. Jérôme Durain

M. Adel Ziane

Article 2

Mme Corinne Narassiguin

Article 3

Mme Corinne Narassiguin

M. Yan Chantrel

M. Guy Benarroche

M. Adel Ziane

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Article 4

Mme Corinne Narassiguin

Mme Colombe Brossel

M. Patrick Kanner

Mme Corinne Narassiguin

Limiter le recours au licenciement économique

Discussion générale

M. Thierry Cozic, auteur de la proposition de loi

Mme Monique Lubin, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

M. Michel Masset

M. Olivier Henno

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Simon Uzenat

M. Jean-Luc Brault

Mme Pascale Gruny

M. Stéphane Fouassin

Discussion des articles

Avant l'article 1er

Article 1er

Article 2

M. Thierry Cozic

M. Simon Uzenat

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi

Mise au point au sujet d'un vote

Ordre du jour du lundi 19 mai 2025




SÉANCE

du jeudi 15 mai 2025

90e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : Mme Nicole Bonnefoy, Mme Catherine Di Folco.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Liaison autoroutière entre Castres et Toulouse (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la raison impérative d'intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse, présentée par M. Philippe Folliot, Mme Marie-Lise Housseau et plusieurs de leurs collègues à la demande du groupe Union centriste.

M. Philippe Folliot, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP) Il est des moments où les peuples ont rendez-vous avec leur histoire. Il en va de même pour les territoires.

Cette journée est importante pour le bassin Castres-Mazamet et le sud du Tarn.

Avec Marie-Lise Housseau, nous avons voulu répondre par cette proposition de loi à une forte attente des acteurs de ce territoire.

Castres-Mazamet et Albi ont longtemps été opposées au sein de ce département bicéphale qu'est le Tarn ; aujourd'hui, elles s'inscrivent dans une complémentarité à laquelle nous souscrivons.

La volonté de désenclaver tous les bassins de vie est ancienne. Mais bien que l'arrondissement de Castres-Mazamet soit plus peuplé que d'autres dans l'Ariège, le Lot, le Gers, et Castres plus que les préfectures de Foix, Auch et Cahors, les choses avançaient à petit pas - au point que Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'équipement et des transports, constatait en 2010 que le territoire ne serait pas désenclavé avant 2070 !

Les choses prennent du temps dans notre pays. D'abord, un débat public, au cours duquel les deux tiers des participants ont soutenu le projet. En 2019, la loi d'orientation des mobilités (LOM) lui a conféré le statut d'intérêt général national. En 2021, le Conseil d'État a validé son utilité publique. Pas moins de quatorze recours - c'est un droit - ont été déposés, tous rejetés.

Mais depuis la décision du tribunal administratif de Toulouse du 25 février dernier, la situation est devenue ubuesque. Avec l'arrêt des travaux, mille personnes ont perdu leur emploi ; les projets des décideurs économiques sont stoppés ; le territoire est balafré sur 50 km, certains riverains ne peuvent rentrer chez eux et le village de Saint-Germain-des-Prés est coupé en deux. Le coût extravagant de l'arrêt des travaux s'élève à 5 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 200 000 euros par jour ! Vu la situation de nos finances publiques, est-ce acceptable ?

Pourtant, le consensus politique est large, du nord au sud et de gauche à droite. (M. Franck Dhersin renchérit ; on ironise sur les travées du GEST.) Le conseil départemental, unanime, les deux intercommunalités, quatre parlementaires sur cinq, les élus de la Haute-Garonne voisine, la présidente de la région Occitanie : tous forment un pacte armé en faveur de ce projet !

Avec cette loi dite de validation, nous proposons une porte de sortie pour mettre un terme à cette gabegie. Avec Marie-Lise Housseau, nous avons soigneusement rédigé l'exposé des motifs du texte, afin d'en garantir la constitutionnalité. Nous avons scrupuleusement veillé au respect de cinq principes juridiques essentiels.

Je souhaite pousser un cri du coeur - celui d'un territoire à la démographie en berne, qui perd des emplois, enclavé, mais qui se bat, qui n'accepte pas l'iniquité territoriale, qui n'accepte pas que certains, qui vivent souvent très loin, dans de grandes métropoles disposant de tous les moyens pour se connecter au monde... (M. Jean-François Longeot acquiesce.)

M. Franck Dhersin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Absolument !

M. François Bonhomme.  - Des bobos !

M. Philippe Folliot.  - ... lui donnent des leçons de morale et lui disent ce qui est bon pour lui et pour l'environnement. Arrêter un chantier terminé à 70 % est une ineptie, y compris pour l'environnement ! Les mesures de compensation environnementales, pour lesquelles nous nous sommes battus, sont, elles aussi, stoppées.

Dès lors, il nous faut apporter une réponse politique. Le devenir des infrastructures doit être décidé par les élus qui tirent leur légitimité du suffrage universel - et par personne d'autre.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Absolument !

M. Philippe Folliot.  - J'espère que nous pourrons adopter ce projet de loi, qui est attendu par un bassin d'emploi, un territoire, mais aussi le pays tout entier. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

M. Franck Dhersin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La commission a approuvé ce texte cosigné par plus de cent parlementaires, qui vise à remédier à l'arrêt du chantier de l'autoroute A69, une infrastructure attendue par les habitants depuis trente ans (protestations sur les travées du GEST), à la suite d'une décision du tribunal administratif de Toulouse du 27 février au motif de l'absence d'une raison impérative d'intérêt public majeur.

Certes, ce texte soulève des questions juridiques. (On ironise sur les travées du GEST.) D'abord, parce qu'il vise à valider un acte annulé par le juge administratif. Ensuite, parce qu'une procédure d'appel est en cours, avec une demande de sursis à exécution. Cela appelle deux remarques.

Premièrement, les législateurs que nous sommes n'ont pas vocation à se substituer au juge.

M. Ronan Dantec.  - Bravo !

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Mais cette proposition de loi, ciblée dans son objet, n'empêcherait nullement des recours fondés sur un autre motif que la raison impérative d'intérêt public majeur.

Deuxièmement, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe de séparation des pouvoirs proscrit la validation d'un acte ayant été annulé par une décision définitive. En l'espèce, ce n'est pas le cas : la procédure d'appel est en cours. Bien sûr, nul ne peut préjuger de la décision du Conseil constitutionnel en cas de recours. (M. Ronan Dantec ironise.) Il me semble toutefois que l'intervention du législateur est légitime pour répondre à une situation exceptionnelle.

Ce projet présente des bénéfices majeurs, en termes démographiques et socio-économiques et en matière de sécurité routière. Il relève de la politique d'aménagement du territoire et de la lutte contre l'enclavement et la désertification.

Castres-Mazamet est le seul bassin de cette taille de la région qui se situe à plus d'une heure du réseau autoroutier, du TGV, de Toulouse et de ses équipements : centre hospitalier universitaire, aéroport de Blagnac, université. L'A69 mettrait les habitants de Castres sur un pied d'égalité avec ceux d'Albi et Montauban, en leur faisant gagner vingt-cinq à trente-cinq minutes de trajet.

L'agglomération de Castres-Mazamet est la seule à avoir perdu des habitants entre 1968 et 2021. (M. Philippe Folliot renchérit.) Or la population est vieillissante - un tiers a plus de soixante ans. Cela pénalise l'attractivité économique du territoire : l'emploi a stagné à Castres-Mazamet, alors qu'il a progressé dans les autres bassins d'emploi de la région, comme Albi, Gaillac ou Montauban.

Les entreprises et les établissements publics ont des difficultés à attirer des travailleurs qualifiés depuis Toulouse.

Enfin, l'A69 répond à des impératifs de sécurité routière : de 2010 à 2020, la RN126 a fait 11 morts et 120 blessés.

Le projet dépasse l'échelle strictement locale. Il présente un intérêt national et européen qui avait conduit le législateur à reconnaître son caractère structurant lors de l'examen de la LOM.

L'abandon du projet aurait des répercussions négatives. Les travaux de l'A680 sont réalisés à 80 % ; pour l'A69, c'est 54 % des terrassements et 70 % des ouvrages d'art.

Quelque 300 millions d'euros ont été déjà engagés pour l'A69 - soit 70 % du total - et 90 millions pour l'A680 - soit 90 %. Si les travaux étaient arrêtés, il faudrait indemniser Atosca, le concessionnaire. (M. Guy Benarroche ironise.) En outre, il faudrait remettre l'environnement en état.

M. Ronan Dantec.  - Absolument !

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Cela aurait un coût au moins équivalent. L'arrêt du projet a des répercussions économiques fâcheuses pour les 1 000 salariés du chantier, les centaines d'intérimaires, les sous-traitants ayant signé les 67 contrats, mais aussi pour les entreprises ou collectivités locales qui auraient investi en anticipant l'arrivée de l'autoroute. Certaines entreprises risquent de quitter le territoire.

En outre, l'abandon du projet entraînerait l'arrêt des mesures de compensation. (M. Ronan Dantec ironise.) Il y aurait donc des pertes nettes en matière de biodiversité, et la destruction d'ouvrages déjà construits aurait un impact négatif sur l'environnement. En cas d'arrêt définitif du projet, un nouveau dispositif de compensation devrait être recherché, au prix d'un travail lourd, complexe et assurément très coûteux.

Nous ne pouvons, enfin, faire abstraction de l'impact politique de l'arrêt d'un projet sur le point de se concrétiser. La population se sent abandonnée face à un immense gâchis économique et financier. Pour les agriculteurs propriétaires des 400 hectares de terres expropriées, ce serait la double, voire la triple peine : les parcelles, si elles leur étaient rendues, ne seraient plus exploitables.

C'est pourquoi la commission a adopté ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du RDPI)

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le contexte est particulier. En tant que ministre des transports, je suis attentif aux enjeux liés au projet de l'A69. Oui, l'État a fait appel devant la cour administrative d'appel, car nous avons des arguments à faire valoir pour déclarer l'intérêt public majeur de cette liaison.

Le bassin d'emploi de Castres-Mazamet, avec 50 000 emplois et 132 000 habitants, est le seul à ne pas être relié à Toulouse par une infrastructure autoroutière. Il est le seul bassin de plus de 100 000 habitants en France à ne disposer ni d'une autoroute, ni d'une gare TGV, ni d'un aéroport international. Il est en décrochage, compte tenu du vieillissement de la population - même si soixante ans, c'est jeune ! (sourires) - et de la dynamique de création d'activité et d'emplois.

L'attractivité de Toulouse, devenue la troisième ville de France, n'est plus à nier. Castres-Mazamet doit pouvoir en profiter.

L'autoroute est un projet de territoire soutenu par les élus, les parlementaires et le monde économique local. J'ai vu de mes yeux l'état du chantier. L'objectif est clair : désenclaver le bassin et accompagner son développement économique dans un département dont je suis originaire et que j'aime.

L'autoroute apportera de la sécurité, tout en respectant les normes environnementales les plus récentes s'agissant de la ressource en eau, de la biodiversité, du bruit et de l'air.

Plus largement, nous devons nous interroger sur la sécurisation juridique de grands projets d'infrastructure. Quoi qu'on en pense sur le fond, il ne faut pas qu'une telle situation se reproduise.

La déclaration d'utilité publique (DUP) de ce projet avait été validée devant le Conseil d'État. Comment accepter une telle décision du tribunal administratif, alors que le projet avait déjà été réalisé aux deux tiers ? C'est l'objet de notre amendement au projet de loi Simplification, grâce auquel la raison impérative d'intérêt public majeur serait déclarée plus tôt. J'espère qu'il prospérera jusqu'au vote en CMP.

À travers cette proposition de loi, le Parlement réaffirmera, je l'espère, son soutien à ce projet, déjà considéré comme prioritaire dans la LOM.

Je salue le travail réalisé par les parlementaires concernés ; votre implication et votre engagement confirment qu'il s'agit bien d'un projet de territoire, soutenu par l'immense majorité des acteurs locaux.

Toutefois, au nom de la séparation des pouvoirs, je n'interviendrai ni dans la procédure en cours ni dans le travail parlementaire : le Gouvernement s'abstiendra donc de prendre position sur cette proposition de loi, laissant au Parlement l'entière liberté de ses travaux. (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

Le Gouvernement a un axe de travail clair : obtenir le sursis à exécution, puis un jugement favorable en appel pour que le chantier reprenne au plus vite.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Voilà !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Si nous ne pouvons qu'accueillir positivement un vote favorable de votre part, le Gouvernement a vocation à agir via la voie judiciaire pour cette juste cause.

Je rendrai un avis de sagesse à ce texte, à la motion et aux amendements, sauf un avis défavorable à celui de Ronan Dantec (M. Ronan Dantec s'exclame) visant à renommer le texte « proposition de loi visant à empiéter sur la compétence du juge administratif » (sourires), quelque peu excessif et provocateur (M. Ronan Dantec le conteste) - ce qui est rare chez le sénateur Dantec ! (Sourires)

Le Sénat est appelé à se prononcer sur un texte important. Tout en respectant l'indépendance de la justice, le Gouvernement poursuivra la défense de ce projet par la voie juridictionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Pierre Jean Rochette encourage l'orateur.) Après sept décisions favorables entre 2010 et 2023, le jugement ahurissant du tribunal administratif de Toulouse en février dernier soulève les plus vives inquiétudes et pose la question de la faisabilité des futurs grands projets. Aujourd'hui, c'est l'A69 ; demain, ce sera la ligne à grande vitesse (LGV) de Bordeaux à Toulouse.

Mme Monique de Marco.  - Tout à fait !

M. Pierre Médevielle.  - Nous ne pourrons plus mener de grands projets.

M. Philippe Folliot.  - Hélas !

M. Pierre Médevielle.  - Plus d'usines, plus d'industrie, plus d'agriculture ! Voulons-nous des champs de ruines, comme le souhaitent les écolos bobos ? (Protestations sur les travées du GEST ; M. Franck Dhersin s'en amuse.)

La directive européenne de 1992 interdit la destruction de certaines espèces animales et végétales, sauf dérogation sous des conditions strictes. C'est au seul juge, dont nous ne remettons pas en cause l'indépendance (M. Thomas Dossus ironise), qu'il appartient de mesurer la balance. Néanmoins, après l'affaire du « mur des cons », nous sommes en droit de nous poser la question des motivations politiques de certaines décisions de justice...

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - C'est dit !

M. Pierre Médevielle.  - Des expertises de terrain ont été réalisées. Quelque 300 millions d'euros ont été engagés pour désenclaver les territoires. Avec l'arrêt des travaux, il a fallu 200 000 euros pour sécuriser, supprimer 1 000 emplois et indemniser les concessionnaires à hauteur de 200 000 euros par jour. C'est la crédibilité de l'État qui est en jeu.

Il ne s'agit pas de remettre en cause la séparation des pouvoirs, garantie par le respect des décisions de justice qui ont autorité absolue de choses jugées ; ce n'est pas l'objet de ce texte. (Marques d'ironie sur les travées du GEST)

La question est autre : qui doit décider en matière de développement économique et social d'un territoire ? Des juges complètement hors sol (Protestations sur les travées du groupe SER et du GEST) ou des élus responsables qui connaissent parfaitement leur bassin de vie ?

Sans infrastructures majeures, ces bassins de vie sont voués à disparaître. J'ai une pensée pour Pierre Fabre, qui a tant donné pour ce territoire et aurait aimé voir cette autoroute.

M. Philippe Folliot.  - Très bien !

M. Pierre Médevielle.  - Le Conseil d'État a rendu un avis positif en 2021 sur la DUP.

Nous devons faire évoluer le cadre juridique pour l'avenir, sinon les mêmes causes produiront les mêmes effets.

On peut s'interroger sur le déroulé global : et si la DUP valait autorisation environnementale ? Cela éviterait deux écueils : le décalage temporel entre les études, la déclaration d'utilité publique et la réalisation effective du projet ; la multiplicité des recours qui s'acharnent contre les projets. Lorsqu'une décision est prise, qu'elle suive son cours ; les territoires ne doivent plus être pris en otage.

Ce projet transpartisan est porté par tout un territoire, qui le considère comme vital. Les mots me manquent face à tant d'absurdité. Cessons d'être déconnectés des réalités locales ! Votons cette proposition de loi pour montrer que nous avons retrouvé la raison. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Disons-le tout net : cette proposition de loi a un caractère important pour l'avenir du développement régional. Cette autoroute est en gestation depuis des dizaines d'années pour offrir aux habitants un axe important de développement.

Malheureusement, le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er mars 2023 autorisant à déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au nom tout aussi émouvant qu'évocateur : le trèfle écailleux, la mousse-fleurie, également dénommée crassule mousse (sourires), plante charnue aux délicats reflets carmin, la nigelle de France avec ses reflets bleus et sa tige cannelée, ou encore la fritillaire pintade, à ne pas confondre avec la fritillaire impériale, car celle-ci a de frêles bulbes globuleux... (On apprécie l'énumération à droite et au centre.) Pourtant, l'aménageur s'est engagé à déplacer dans des terres favorables toutes ces espèces...

Il y a de quoi s'interroger. Le projet bénéficiait d'une DUP, les recours contre cette décision ayant été rejetés par le Conseil d'État le 5 mars 2021. Au bout de quatre ans, alors que 60 % du chantier a été réalisé et 300 millions d'euros investis, ce jugement gèle le chantier de façon ubuesque.

L'État a légitimement fait appel, et nous espérons qu'un sursis à exécution sera prononcé par la juridiction administrative le 21 mai prochain.

Le cas de l'A69 doit amener le législateur à faire évoluer la loi pour mieux concilier, à l'avenir, les impératifs de sécurité juridique et de protection de l'environnement. Pour l'heure, des milliers de personnes n'ont plus de travail. Abandonner ce projet n'est pas envisageable.

Avec ce texte, le Sénat prend ses responsabilités et sécurise le projet en validant les deux autorisations environnementales délivrées par les représentants de l'État.

D'aucuns évoquent l'existence de solutions alternatives ou même la nécessité de moderniser les infrastructures existantes, mais les études et concertations menées depuis plus de vingt ans ont démontré le contraire.

Je ne minore pas les inquiétudes exprimées en matière environnementale, mais ce projet a fait l'objet de nombreuses compensations. Notre responsabilité collective est d'intégrer aujourd'hui la transition écologique sans sacrifier l'équilibre territorial.

Ce n'est pas le cas de ceux qui veulent faire échouer ce projet pour des raisons purement idéologiques : toujours les mêmes associations autoproclamées écologistes, trop subventionnées ; les mêmes rebelles institutionnels qu'à Notre-Dame-des-Landes, Sainte-Soline, Sivens ou sur le chantier de la LGV entre Bordeaux et Toulouse.

L'A69 a même eu l'honneur de la visite d'une icône médiatique, Greta Thunberg ! (Marques d'ironie au centre et à droite) Reconnaissons la réussite médiatique de cette figure pouponne de la lutte pour le climat, pur produit des adultes consentants et jamais assez repentants vis-à-vis d'elle - du secrétaire général de l'ONU aux chefs d'État, tous penauds et s'empressant de faire acte de contrition devant elle... C'est un spectacle affligeant de les voir ainsi baisser la tête devant cette jeune gourou médiatique qui fait la leçon à tout le monde, la version la plus gnangnan de la propagande de l'infantilisme climatique ! (MM. Pierre Cuypers et Laurent Somon s'en amusent.)

Quand les gogos ne sont pas assez nombreux, c'est dans les prétoires que l'activisme se reporte. Et quand cela ne fonctionne pas, ces associations radicales légitiment l'action violente de militants extrémistes au nom de la « désobéissance civile » - qui n'est que l'autre nom du mépris de la majorité silencieuse. C'est ainsi qu'ils en viennent à théoriser le déchaînement de violence contre les forces de l'ordre.

En octobre 2023, nombre de ces défenseurs du vivant autoproclamés, en bons militants pacifistes, sont venus manifester munis de barres de fer, de disqueuses, de casques, de pioches, de masques à gaz, de bidons d'essence et de boules de pétanque (M. Thomas Dossus proteste.) - le parfait attirail du manifestant cool et pacifique ! (M. Philippe Folliot renchérit.)

Je vous invite à voter en faveur de cette proposition de loi pour que l'A69 soit enfin reconnue pour ce qu'elle est : un projet d'avenir et porteur d'espoir pour notre région. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - Le RDPI soutiendra cette proposition de loi, déposée au Sénat par Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau (M. Philippe Folliot applaudit), ainsi que par les députés Philippe Bonnecarrère et Jean Terlier à l'Assemblée nationale.

Lorsque le chantier a été interrompu, la présidente socialiste du conseil régional, Carole Delga, a rappelé ce que beaucoup d'élus savent depuis longtemps : cette autoroute est nécessaire.

M. Philippe Folliot.  - Très bien !

Mme Marie-Laure Phinera-Horth.  - Elle a ajouté : « Je continuerai d'être aux côtés des habitants et des entreprises qui ont besoin de cette liaison rapide, qui la soutiennent très largement, car elle est nécessaire au désenclavement du bassin de Castres-Mazamet ». Elle a raison ! Le désenclavement de ce territoire est une exigence d'équité territoriale et de dynamisme économique.

Lundi, nous parlions du désenclavement médical ; aujourd'hui, de la mobilité, indissociable de l'accès aux soins, à l'emploi et aux services.

L'État soutient ce projet. Depuis la déclaration d'utilité publique en 2014, sous la présidence de François Hollande, ce soutien ne s'est jamais démenti. Les élus du Tarn et de Haute-Garonne soutiennent ce projet. Le Sénat pourrait en faire autant à son tour.

Pourtant en février 2025, le tribunal administratif de Toulouse a arrêté le chantier. Monsieur le ministre, vous avez pris vos responsabilités...

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Merci !

Mme Marie-Laure Phinera-Horth.  - ... en faisant appel de cette décision devant la cour administrative d'appel de Toulouse. Vous avez demandé la suspension de son exécution pour une reprise rapide des travaux. Le temps presse : chaque mois de retard est un mois perdu pour les entreprises et les usagers de la route.

J'ai une pensée pour les habitants qui vivent le long du Maroni en Guyane et attendent depuis de nombreuses années un projet routier. Monsieur le ministre, nous en discuterons très bientôt.

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Volontiers.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth.  - Cette proposition de loi vise à valider par la loi les arrêtés préfectoraux portant autorisation environnementale, en reconnaissant notamment la raison impérative d'intérêt public majeur.

Cette situation est incompréhensible pour nos concitoyens : comment un tel projet peut-il être ainsi remis en cause du jour au lendemain ? Nous devons assurer plus de sécurité juridique pour les grands projets d'infrastructures publiques à l'avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP) Le chantier de l'A69 est à l'arrêt à la suite d'une décision de justice. Je rappelle notre attachement à l'État de droit, garant de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice.

M. Ronan Dantec.  - Bien !

M. Christian Bilhac.  - Mais il faut débloquer cette situation, qui coûte à l'État 180 000 euros par jour. Si le projet devait être abandonné, le coût pour le contribuable serait supérieur à 1 milliard d'euros. Quel gâchis !

M. Pierre Jean Rochette.  - Parfaitement !

M. Christian Bilhac.  - D'un côté, une décision de justice aux conclusions assez négatives et une enquête publique assez négative également.

M. François Bonhomme.  - Pas vraiment...

M. Christian Bilhac.  - De l'autre, un projet soutenu par la quasi-totalité des élus locaux : les parlementaires, la présidente de région, les conseillers généraux, les maires, etc.

M. Ronan Dantec.  - Pas tous les maires !

M. Christian Bilhac.  - Il paraît donc judicieux que ce projet aboutisse.

Certes, le droit au recours est un fondamental, mais il conviendrait d'en raccourcir les délais. Dans un monde en mouvement, nous ne pouvons pas mettre trente ans à réaliser de tels projets, quand en Chine ça prend un mois : il y a un juste milieu ! (M. Jean-François Longeot renchérit.)

Terminons donc ce chantier, malgré l'erreur de l'État qui a autorisé le lancement des travaux avant l'épuisement de tous les recours.

Le pragmatisme doit conduire à faire évoluer la loi pour mieux concilier sécurité juridique et réalités de terrain. Dans l'Hérault, la moitié de la production d'électricité éolienne est paralysée par les défenseurs des oiseaux. Idem pour le contournement nord de Montpellier, qui attend depuis plus de trente ans, avec des dizaines de recours. De même pour le ferroutage : au rythme actuel, il faudra cinquante ans pour réaliser la liaison avec le nord de l'Espagne, entre la libellule que l'on trouvera ici, le lézard un peu plus loin et la chauve-souris ailleurs - alors que c'est absolument indispensable pour l'environnement.

M. Jean-François Longeot.  - C'est du bon sens !

M. Christian Bilhac.  - La majorité des membres du RDSE voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et UC ; M. Laurent Somon applaudit également.)

Mme Marie-Lise Housseau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Voilà près de trois mois, le 27 février 2025, à dix mois de la mise en service de l'autoroute A69, la décision du tribunal administratif de Toulouse provoquait un séisme dans le Tarn et la Haute-Garonne, mais aussi dans toute la France, car tous les départements sont susceptibles d'être concernés.

Sans tarder, le législateur devra se pencher sur l'indispensable conciliation entre protection de l'environnement et sécurité juridique des grands projets ; Franck Dhersin a esquissé des pistes dans son rapport.

L'A69 est un projet vieux de trente ans ; il a été reconnu d'intérêt public majeur par la LOM en 2019 et confirmé par le Conseil d'État en 2021. Ce projet n'est pas un caprice, il répond à un besoin de désenclavement, de développement économique et de sécurité routière.

M. Philippe Folliot.  - C'est vrai !

Mme Marie-Lise Housseau.  - Il est soutenu par une large majorité de citoyens, d'acteurs économiques et d'élus de tous bords : Carole Delga, Pascal Bugis, Jean-Luc Moudenc, Christophe Ramond, Philippe Bonnecarrère, Jean Terlier, Alain Chatillon, Brigitte Micouleau, Pierre Médevielle... En tant que maire de Sorèze, j'ai participé à l'élaboration du projet de territoire.

Ce projet est trop avancé pour être arrêté ; trop d'argent a été dépensé ; aucun retour à l'état antérieur n'est possible.

Cette proposition de loi remplit les cinq conditions imposées par le Conseil constitutionnel à un texte de validation : respect des décisions ayant force de chose jugée ; respect du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; portée de la validation strictement définie ; non-méconnaissance par l'acte validé de règles ou principes de valeurs constitutionnelles ; existence d'un motif impérieux d'intérêt général.

Si elle est adoptée, cette proposition de loi redonnera de l'espoir aux habitants du bassin, qui aspirent à une renaissance autour d'activités comme la chimie fine, l'agroalimentaire et le tourisme. Sans quoi les dommages seront considérables pour ce département, dont les habitants se sentent méprisés.

Pensez-vous qu'un bassin de vie gagne à être désenclavé pour attirer des activités ? Qu'une autoroute est moins accidentogène qu'une route nationale bordée de platanes et traversant des villages ? Que les 16 millions d'euros de compensations environnementales seront plus utiles pour l'environnement qu'une friche ? Que les sommes nécessaires à l'arrêt définitif de l'A69 pourraient être mieux dépensées ? Qu'un fiasco pareil achèverait de nous décrédibiliser ?

À toutes ces questions, le groupe UC répond : oui ! Il votera avec conviction cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains et du RDSE)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - L'A69 est un cas d'école. Comment un projet validé par l'État et ayant été déclaré d'utilité publique peut-il se retrouver ainsi à l'arrêt ?

Sur le fond, nous aurions préféré que l'amélioration de la liaison entre Castres et Toulouse passe par la modernisation de la ligne ferroviaire. (M. François Bonhomme en doute.) C'est mon côté développement durable...

Ce texte ne questionne pas le fond du projet, alors qu'une bonne partie des travaux ont déjà été réalisés et 300 millions d'euros engagés. Soit il faut changer la loi et adosser l'intérêt public majeur à la DUP, soit il faut veiller à ce que tous les recours soient purgés avant le démarrage des travaux - comme c'est le cas pour un permis de construire. On pourrait se demander qui a autorisé le démarrage des travaux...

M. Ronan Dantec.  - Bonne question !

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Une chose est sûre : ne faisons pas de cas par cas législatif. En plus d'être chronophage, ce serait inéquitable.

Mon groupe et moi sommes très attachés à la séparation des pouvoirs et au respect du pouvoir judiciaire. On ne peut pas dire qu'un juge est hors sol.

Toutefois, cette décision du tribunal administratif intervient très tardivement : le projet est très avancé. C'est pourquoi, avec Marie-Claude Varaillas, je voterai ce texte. Mais mon groupe votera majoritairement contre.

M. Ronan Dantec.  - Cela me rassure !

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Toutefois, attendons la décision définitive avant de reprendre les travaux, afin de ne pas gaspiller encore plus d'argent public. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs garantie n'a point de Constitution. »

Ce texte entend contourner deux décisions de justice, en donnant un blanc-seing politique à un projet destructeur. Il arrive que des décisions de justice déplaisent : c'est une preuve de bonne santé démocratique.

Aujourd'hui, nous débattons de la légitimité du Parlement à se substituer aux juges, à une semaine de leur décision. Le législateur crée un précédent grave en tentant d'influencer une Cour de justice et de perturber le cours du droit.

Les magistrats ont estimé que ni les bénéfices d'ordre social, ni les raisons économiques, ni les motifs de sécurité avancés...

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Plus de vingt morts !

M. Jacques Fernique.  - ... ne constituaient une raison impérative d'intérêt public majeur justifiant de déroger aux règles qui protègent les espèces protégées. Économie, social, sécurité : c'est bien plus large, monsieur Bonhomme, que quelques libellules.

Cher Franck Dhersin, vous balayez la décision du tribunal d'un revers de main. Vous affirmez sans démontrer. Vous avancez sans prouver. Face à la rigueur juridique du tribunal, vous ne présentez que quelques justifications politiques à peine ébauchées.

Le sommet est atteint lorsque l'on découvre que les compensations environnementales prendront fin dès les travaux terminés. C'est irresponsable. Allez voir à Strasbourg les compensations du grand contournement Ouest !

Oui, l'État a choisi de commencer les travaux avant la fin des recours : c'est une entorse lourde au principe de séparation des pouvoirs. Devons-nous vraiment importer le modèle trumpiste de mépris des contre-pouvoirs ? (M. François Bonhomme ironise.)

Ce projet coûte déjà cher en biodiversité, en argent public et en crédibilité démocratique.

Ce texte, qui vise à gagner quelques mois, alors que ce projet est en gestation depuis plus de quinze ans, n'est qu'un signal politique adressé aux partisans de l'autoroute. Simplification, détricotage et maintenant atteinte à l'État de droit : voilà les mots d'ordre. Ce serait un dangereux précédent, pour faire passer en force n'importe quel projet contesté en justice.

Un mot sur notre gentlemen's agreement : ce texte n'en relève pas, c'est une première historique. D'où notre motion tendant à faire adopter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi a des implications profondes, économiques, financières, juridiques et institutionnelles.

Il ne s'agit pas d'un débat pour ou contre l'A69, mais d'un débat sur le respect de l'État de droit, sur la place du juge et sur les limites constitutionnelles de notre pouvoir législatif. (MM. Ronan Dantec et Guy Benarroche renchérissent.)

Deux arrêtés ont été suspendus par le tribunal administratif, au motif que le projet ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur. Le code de l'environnement, qui transpose la directive Habitat, prévoit en effet que lorsqu'un projet porte atteinte à une espèce protégée, il ne peut y avoir de dérogation qu'à la condition que trois conditions strictes soient réunies : absence d'alternative, conservation des espèces et démonstration d'une raison impérative d'intérêt public majeur.

M. Philippe Folliot.  - C'est ce qu'on a fait !

M. Hervé Gillé.  - Le juge a estimé que ce dernier critère n'était pas respecté, malgré la DUP prononcée en 2018 et confirmée en 2021. Le juge a ainsi distingué utilité publique et intérêt public majeur, ce qui est conforme au droit.

Le Parlement a-t-il à se substituer au juge lorsqu'il n'est pas satisfait d'une décision de justice ? Est-ce notre rôle de valider rétroactivement un acte administratif alors que la cour administrative d'appel de Toulouse devrait se prononcer le 21 mai prochain ? Ce texte adresse un message trouble, au mépris du principe de séparation des pouvoirs.

Le 5 mars dernier, le Conseil constitutionnel a reconnu que l'intérêt public majeur reconnu par la loi ne s'appliquait qu'à certains projets spécifiques, dont ne relèvent pas les autoroutes. Ce texte pourrait donc être annulé par le Conseil constitutionnel, provoquant encore plus de confusion.

Certains invoquent les coûts de suspension du chantier, les risques d'indemnisation et les incertitudes économiques. Mais cela n'est pas la faute du juge, mais bien celle de l'État, qui a lancé les travaux avant l'épuisement des recours, alors que la prudence aurait dû prévaloir.

D'ailleurs, monsieur le ministre, c'est le Gouvernement qui aurait dû déposer un tel projet de loi. Je salue votre courage : vous laissez le Parlement décider et ne vous positionnez pas.

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Je vous répondrai.

M. Hervé Gillé.  - Au stade où l'on en est, le retour en arrière serait lourd de conséquences : il faudra sans doute poursuivre.

Nous devons réfléchir à une meilleure sécurisation juridique des projets, par exemple en reconnaissant plus tôt la raison impérative d'intérêt public majeur. Nous législateurs sommes les premiers fautifs : nous aurions dû définir clairement la raison impérative d'intérêt public majeur. Les juges seraient hors sol, selon certains ? Mais ils étaient compétents pour apprécier. Il nous appartient de clarifier la notion de raison impérative d'intérêt public majeur.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - C'est ce que nous faisons !

M. Hervé Gillé.  - Non : cette proposition de loi ne porte pas là-dessus.

La responsabilité, c'est aussi celle de l'État, qui a mobilisé la notion de raison impérative d'intérêt public majeur pour tenter d'accélérer les procédures, ouvrant la voie à de nouveaux recours.

Dans sa grande majorité, le groupe SER ne prendra pas part au vote. Toute procédure parlementaire visant à fragiliser l'État de droit démontre avant tout notre fragilité politique. (Applaudissements à gauche ; MM. Franck Dhersin et Jean-François Longeot ironisent.)

M. Guillaume Gontard.  - Très bien !

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1 de M. Ronan Dantec et alii.

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Jacques Fernique l'a rappelé : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution. » Chaque sénateur connaît la position du président du Sénat, Gérard Larcher, en la matière : il ne faut toucher à la Constitution que d'une main tremblante.

Je ne sais pas si la main des auteurs de ce texte a tremblé, mais ils n'avaient sûrement pas en tête l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, socle de la Constitution de 1958. La question est non pas d'être pour ou contre l'A69, mais d'être ou non respectueux de nos principes constitutionnels.

En toute liberté et de manière très étayée, le tribunal administratif de Toulouse a annulé deux autorisations environnementales faute de raison impérative d'intérêt public majeur. La proposition de loi sénatoriale de 2019, visant au désenclavement des territoires, adoptée à la quasi-unanimité, avait défini ce qu'était une infrastructure prioritaire : « aucune partie du territoire français métropolitain ne doit être située à plus de 50 kilomètres ou de 45 minutes d'automobile, soit d'un centre urbain ou économique, soit d'une autoroute ou d'une route express à deux fois de voies en continuité avec le réseau national. » Castres étant à 48 kilomètres de l'A68 - selon Waze -, cette liaison n'entre donc pas dans les critères prioritaires.

M. Philippe Folliot.  - Nous y vivons !

M. Ronan Dantec.  - Je suis sûr que les juges ont tenu compte de la légendaire sagesse des sénateurs ! De nombreux sénateurs d'Occitanie avaient défendu cette proposition -  j'ai les noms ! Difficile de dire aujourd'hui qu'il y aurait une raison impérative d'intérêt public majeur à ce projet, alors que les mêmes ne l'ont pas affirmé il y a six ans. Pensez-vous vraiment que le Conseil constitutionnel considérera que ce projet répond à un intérêt impérieux ? Qu'en dira Pierre Jean Rochette ?

M. Pierre Jean Rochette.  - J'arrive !

M. Ronan Dantec.  - Nous n'en sommes qu'au début d'un festival de trouvailles législatives à faire sursauter dans leurs tombes les pères de la Constitution et à faire saliver d'envie les avocats en droit constitutionnel.

Une loi de validation a traditionnellement pour objet de prévenir l'annulation de certaines décisions entachées d'un vice de forme mineur, mais aux conséquences désastreuses. Mais ici on intervient après la décision du tribunal ! Et il n'y a aucun consensus, puisque de nombreux maires -  j'ai la liste  - sont opposés à ce projet. C'est un précédent très grave. Monsieur le rapporteur, dès qu'un projet sera annulé par un tribunal, le Parlement déposera-t-il une proposition de loi de validation ?

Et quelle autre loi de validation vous permet d'affirmer que vous ne détournez pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les lois de validation ? Une loi de validation doit respecter le principe de séparation des pouvoirs. Mais intervenir à quelques jours d'une décision de justice n'est-ce pas une entorse majeure à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui interdit toute ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice ? Encore heureux qu'aucun sénateur n'ait dit que les juges administratifs étaient hors sol ! (M. Jacques Fernique s'en amuse.)

M. François Bonhomme.  - Cela peut arriver...

M. Ronan Dantec.  - Le rapporteur reconnaît qu'il a tenté de colmater la brèche. Merci pour cette honnêteté qui vous honore.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Je ne me prends pas pour un juge constitutionnel, moi !

M. Ronan Dantec.  - Chers défenseurs de l'autoroute payante, si vous voulez éviter d'alerter le Conseil constitutionnel, ne mettez pas les phrases d'excuse dans le texte. C'est un peu comme si Maradona, après avoir éliminé l'Angleterre d'un but de la main, était allé voir l'arbitre pour lui dire « tu as vu, j'ai triché, mais c'est la main de Dieu ». (Rires et applaudissements sur les travées du GEST)

Le Conseil constitutionnel refuse les validations totales. Si la cour administrative d'appel était un peu chafouine, elle pourrait invoquer d'autres motifs pour maintenir l'annulation de l'autorisation environnementale.

Je termine par un peu de publicité pour le bassin économique de Castres-Mazamet. L'avis du tribunal administratif considère qu'il ne saurait être considéré comme étant en situation de décrochage démographique. S'il est le seul de cette importance à ne pas être relié à Toulouse par une infrastructure autoroutière, il résulte de l'instruction qu'il dispose de tous les services et équipements nécessaires à son autonomie, et de qualité suffisante. On aurait presque envie d'y vivre si l'on n'avait pas autant de campagnes de dénigrement des défenseurs de l'autoroute.

M. Philippe Folliot.  - C'est scandaleux !

M. Ronan Dantec.  - En rejetant ce texte dangereux et mal ficelé, nous gagnerons du temps, de l'énergie et de la sérénité. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre Jean Rochette.  - Je répondrai factuellement aux arguments des auteurs de la motion.

La proposition de loi serait un détournement des lois de validation. Mais il est tout à fait admis que ces dernières puissent porter sur des motifs de fond. La jurisprudence du Conseil constitutionnel en comporte de multiples exemples. Ainsi de la DUP du projet de tramway de Strasbourg, en 2004, annulée par le tribunal administratif. Bien sûr, le juge constitutionnel examine avec une exigence renforcée ces textes. Mais la robustesse des motifs est en l'espèce bien démontrée.

Le recours à des lois de validation est une pratique courante, permettant de conforter la sécurité juridique de situations déjà constituées et de prévenir des dommages importants.

Le texte n'a en aucun cas pour but de faire pression sur le juge. (M. Guy Benarroche en doute.) Le législateur ne saurait substituer son analyse à celle du juge d'appel. Il est pleinement dans son rôle pour prévenir la mise en péril d'un intérêt public majeur en cas d'arrêt définitif du projet de l'A69 et pour concilier protection de l'environnement, développement économique et progrès social.

De plus, l'autorisation préfectorale dont le projet fait l'objet reste attaquable devant le juge administratif pour tout autre motif, y compris les deux autres conditions exigées par le code de l'environnement au titre de la dérogation « espèces protégées ». Le contrôle juridictionnel de l'acte validé reste possible.

Enfin, le principe de séparation des pouvoirs n'interdit pas le recours aux lois de validation en cas d'annulation en première instance. La séparation des pouvoirs interdit certes au législateur de remettre en cause des décisions de justice ayant force de chose jugée, mais, en l'espèce, ce n'est pas le cas.

Dans le cas du tramway de Strasbourg, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition visée parce que sa portée était trop large et les motifs d'intérêt général insuffisants, non parce qu'une procédure d'appel restait pendante.

Seuls d'impérieux motifs d'intérêt général peuvent justifier le recours à une loi de validation. En l'espèce, ceux-ci sont démontrés. Ils sont démographiques, comme cela a été souligné ; je crois les sénateurs vivant sur ces territoires.

M. Philippe Folliot.  - Merci !

M. Pierre Jean Rochette.  - Ce projet désenclave le sud du Tarn. La métropolisation des territoires implique de les connecter aux métropoles. Or il faut 1 h 10 pour rejoindre Toulouse depuis Castres, via la RN126, si on respecte les limitations de vitesse - j'en sais quelque chose. (Sourires) Le bassin Castres-Mazamet connaît un décrochage démographique, contrairement aux bassins d'Albi et Montauban, bien reliés à Toulouse. Cet enclavement entraîne des difficultés de recrutement, puisque la mobilité est aussi un frein à l'emploi.

Le projet répond à des impératifs de sécurité : on dénombre dix-huit accidents, et six morts, entre 2021 et 2024.

L'arrêt du chantier aurait des conséquences dramatiques ; son coût dépasserait le milliard d'euros, difficile à justifier devant nos concitoyens. (M. Philippe Folliot renchérit ; M. Thomas Dossus s'exclame.)

Sur le plan socio-économique, l'arrêt du chantier constituerait une perte de chances, fragiliserait l'attractivité du territoire et son tissu d'entreprises.

Reconnaître dans la loi la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) n'est pas inédit. Le législateur l'a fait en 2023 dans la loi Industrie verte.

Dans sa décision du 5 mars 2025, le Conseil constitutionnel admet que la RIIPM puisse être reconnue indépendamment de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale ; la réduction de l'incertitude juridique pesant sur certains projets constitue un objectif d'intérêt général et cette reconnaissance ne concerne que des projets précisément identifiés, d'une importance particulière. En l'espèce, ces critères sont respectés : la mesure est ciblée et le projet est d'importance nationale.

Je vous invite à rejeter massivement la motion et à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

Monsieur Dantec, ce texte n'est pas un détournement des lois de validation et ne cherche pas à faire pression sur le juge administratif. Nous ne nous prenons pas pour le juge administratif, évitez de vous prendre pour le juge constitutionnel !

Les lois de validation sont encadrées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a défini cinq critères pour examiner leur conformité ; ceux-ci sont respectés. Il s'agit de désenclaver le bassin de Castres-Mazamet, au nom du principe d'équité territoriale -  cela vous parle-t-il ?

Avis défavorable.

M. Philippe Tabarot, ministre.  - La compétence de Philippe Folliot et Marie-Lise Housseau n'est plus à démontrer. Les députés Terlier et Bonnecarrère sont des juristes reconnus. Quand ce dernier était membre de la commission des lois du Sénat, il était considéré comme l'un de ses meilleurs juristes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Bravo !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - On ne peut attendre l'épuisement de tous les recours, l'autorisation environnementale elle-même deviendrait caduque. Cela fait trente ans que les habitants attendent cette autoroute.

Monsieur Dantec, nos débats n'influenceront pas les magistrats de la cour administrative d'appel ; ils statueront en toute indépendance.

M. Guy Benarroche.  - On essaie de les influencer !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Hier, le rapporteur public du Conseil d'État a demandé de rejeter une autre des nombreuses requêtes des opposants de l'A69, cette fois sur la durée de la concession.

Monsieur Gillé, vous me reprochez de ne pas prendre position, mais votre groupe ne prendra pas part au vote ! Difficile de savoir ce que vous pensez réellement du projet. Olivier Faure, Carole Delga... d'autres considérations viennent troubler vos choix. (On ironise à droite)

En revanche, vous avez raison, le législateur n'a pas été suffisamment clair sur la RIIPM. Le Gouvernement essaiera d'apporter des réponses lors de la CMP sur le projet de loi Simplification.

La décision du 27 février n'est pas ubuesque, mais a créé une situation ubuesque. Je donnerai un avis de sagesse défavorable sur cette motion.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Je voterai ce texte.

Le tribunal administratif a déjà annulé une décision administrative, mais généralement au stade de la DUP, rarement en phase d'achèvement des travaux. La décision de la cour d'appel de Bordeaux avait annulé le contournement routier de Beynac-et-Cazenac, alors qu'il y avait déjà pour 40 millions d'euros de travaux engagés, et que les coûts de remise en état s'élevaient à 20 millions.

Je suis très attachée à la séparation des pouvoirs, c'est pourquoi nous devons faire évoluer la loi. Nous sommes comptables des deniers publics. (M. Philippe Folliot renchérit.)

Il est évident que la raison d'intérêt public majeur doit intervenir plus tôt, avant le début des travaux. Aucune précision n'est venue encadrer la décision du juge. Nous devons préserver l'agriculture, mais nos départements ruraux doivent aussi résoudre des problèmes de sécurité routière et se développer économiquement s'ils veulent être autre chose que le poumon des métropoles. Ces territoires veulent rester innovants et attractifs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Gueret.  - La proposition de loi vise à reconnaître la RIIPM pour le projet d'A69. La décision du tribunal administratif a interrompu brutalement un chantier dont 60 % des travaux étaient réalisés, mettant à mal un désenclavement pourtant souhaité par les collectivités locales, les acteurs économiques et la population.

La proposition de loi ne contourne pas le droit, mais veut éviter une insécurité juridique tout en garantissant la cohérence de l'action publique. Il nous faut respecter la volonté démocratique. Refuser d'examiner ce texte reviendrait à ignorer les enjeux de développement économique. Il ne s'agit pas de nier les enjeux environnementaux, mais de trouver un juste équilibre.

Notre groupe votera contre la motion. Nous appelons à un débat serein sur ce texte essentiel pour l'avenir des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Thomas Dossus.  - Si vous ne voulez pas de l'avis des sénateurs des métropoles, ne présentez pas ces textes devant le Sénat ! Notre mandat est national : nous nous exprimons sur tous les sujets.

Monsieur le rapporteur, vous n'avez pu détailler aucune des cinq raisons qui justifient une loi de validation !

Mes chers collègues, comment être crédibles quand vous mettez à mal la séparation des pouvoirs ? Le fait accompli n'est pas une politique crédible. Les conséquences financières sont le fait de promoteurs qui ont avancé à marche forcée sur ce chantier.

On vous entend fréquemment regretter l'affaiblissement de l'autorité. Or vos propos affaiblissent les juges, l'État de droit, la République ! Votons cette motion. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Serge Mérillou.  - Ce projet cristallise un difficile équilibre entre deux exigences républicaines : la justice environnementale d'une part, le respect de la parole des élus locaux et la reconnaissance des territoires ruraux comme parties prenantes du destin national, d'autre part. Le dénominateur commun est le respect de l'État de droit.

La directive Habitats nous invite à peser l'équilibre entre environnement et élus de terrain. Il s'agit de trouver le point d'équilibre, là où la République tient parole et tient ensemble.

À Beynac, l'incompréhension domine ; ces grands projets semblent voués à des contentieux interminables, sans respect pour les habitants laissés à l'abandon. Cela fait le lit des populismes.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Absolument !

M. Serge Mérillou.  - Ce texte doit être non un baroud d'honneur, mais un signal envoyé à nos concitoyens. La RIIPM ne doit pas rester à la seule appréciation du juge. Selon Montesquieu, une chose n'est pas juste parce qu'elle est la loi, mais doit être loi parce qu'elle est juste.

Je ne prendrai pas part au vote sur la motion, mais je voterai le texte.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Monsieur Dossus, vous n'avez apparemment pas lu le rapport. Tout y est.

Monsieur Dantec, vous déclariez à Libération que le monde entier ne pense pas comme Paris et Nantes, et que vous étiez plutôt dans une position de médiateur. Dommage que vous n'ayez plus cette position.

Le 18 décembre 2024, au Cese, vous déclariez qu'on ne fait pas confiance aux territoires pour mettre en oeuvre leur politique. Vous concluiez en disant qu'on sentait une volonté de fliquer les territoires ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Quatorze juges ont validé ce projet, un seul s'est prononcé contre !

Monsieur Gillé, on sent le PS gêné aux entournures. Notre main n'a pas tremblé, mais la langue du PS semble quelque peu liée.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.  - Gardons les pieds sur terre. Mon territoire est bien desservi ; vais-je aux territoires moins chanceux : débrouillez-vous, et tant pis si votre économie va mal ?

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable doit se montrer à la hauteur de son intitulé, si l'on souhaite retrouver la confiance de nos concitoyens. Je n'imagine pas ajouter des délais aux délais. Je ne demande pas qu'on aille aussi vite qu'en Chine, mais n'appuyons pas non plus sur le frein !

À la demande du groupe UC, la motion1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°280 :

Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l'adoption   32
Contre 244

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Discussion de l'article unique

Article unique

M. le président.  - Amendement n°2 de M. Dantec et alii.

M. Ronan Dantec.  - Au vu de la faiblesse des arguments présentés, cet amendement est justifié. Rien ne vient confirmer que les critères fixés par le Conseil constitutionnel sont remplis. Les motifs économiques n'en font pas partie.

C'est la première fois qu'une loi de validation traite du fond, et non d'un vice de procédure. Nous sommes en dehors des clous, et je déplore la faiblesse de l'argumentaire juridique.

Le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur des questions environnementales : il a estimé que le projet ne tenait pas et qu'il fallait améliorer la route existante. À 16 euros le trajet, les automobilistes continueront d'emprunter la route nationale !

Vous avez surtout montré la faillite du dialogue entre les élus locaux et l'État, qui n'a pas voulu prendre en charge la totalité des coûts, ce qui a abouti à une autoroute sous concession privée.

Ce n'est pas une histoire de chauve-souris ou de plantes rares. Vous vous trompez !

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Sagesse défavorable. (Sourires)

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 de M. Dhersin, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - En vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur ne peut modifier rétroactivement une règle de droit qu'à la condition que cette validation respecte les décisions de justice ayant force de chose jugée.

C'est le cas ici, puisqu'un appel est en cours. Toutefois, il convient de mentionner expressément cette réserve, dans un souci de sécurité juridique. Ne préjugeons pas de la décision du Conseil constitutionnel !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Sagesse favorable.

M. Ronan Dantec.  - Le rapporteur écrit dans la loi ce qui s'impose à nous, comme s'il avait besoin de se rassurer lui-même. Cet amendement superfétatoire relève de la psychanalyse !

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Pas plus que le vôtre !

M. Ronan Dantec.  - Les silences du rapporteur m'intéressent davantage. Il n'a pas eu un mot sur l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit toute ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice. Or nous avons entendu des interventions politiques remettant en cause l'intégrité du juge, qualifié de « hors sol », aux décisions « ubuesques ».

Peut-être faudrait-il sous-amender en ajoutant la référence à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour sécuriser les choses ? L'intervention volontariste du Sénat va ouvrir la voie à des contentieux supplémentaires...

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - La Convention européenne exige un motif impérieux d'intérêt général, exactement comme le Conseil constitutionnel. Ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre.

M. Ronan Dantec.  - Ingérence !

L'amendement n°4 est adopté.

L'article unique, modifié, est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°3 de M. Dantec et alii.

M. Ronan Dantec.  - Je veux vous aider, avec cet amendement de cohérence. Le Sénat fait de la politique politicienne (protestations sur les travées du groupe UC) et adopte une posture, sans rapport avec le fond de l'avis du tribunal administratif. Pour masquer l'échec des élus locaux à obtenir de l'État un investissement direct, on accuse les écolos !

Appelons un chat un chat : « proposition de loi visant à empiéter sur la compétence du juge administratif ». Si je faisais des procès d'intention, je dirais : « visant à faire légèrement pression... », mais chacun ici respecte l'indépendance de la justice !

Je suis ravi que Franck Dhersin fasse de la publicité pour le mouvement social-écolo Ensemble sur nos territoires. Beaucoup de voies express, de routes n'ont fait l'objet d'aucun contentieux - ainsi du plan autoroutier breton, que tout le monde jugeait nécessaire. Si ce projet-ci cristallise les oppositions, c'est qu'il est aberrant ! Tous ceux qui n'ont pas les moyens de payer 16 euros pour une autoroute privée continueront d'emprunter la nationale.

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Effectivement, quand les écologistes soutiennent d'importants projets d'infrastructures nantais, leurs associations fétiches ne les attaquent pas.

Avis défavorable, je me sens très cohérent.

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Défavorable, sans sagesse.

M. Philippe Folliot.  - Cet amendement pourrait être pris sur le ton de l'humour, mais ma réponse sera grave. Il n'y a pas d'un côté des sénateurs vertueux, et de l'autre des sénateurs qui s'affranchiraient de l'État de droit

Nous prenons vos propos comme une insulte - envers les auteurs de cette proposition de loi, envers le président du conseil départemental, Christophe Ramond, envers le président de l'agglomération Castres- Mazamet, Pascal Bugis, envers le président de la communauté de communes Sor et Agout, Sylvain Fernandez, envers le président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc, envers la présidente de la région, Carole Delga, envers les députés Jean Terlier et Philippe Bonnecarrère.

Vous nous méprisez ! Vous méprisez les habitants de ce territoire, vous méprisez ceux qui se battent depuis des décennies pour le désenclaver. (M. Jean-Pierre Corbisez s'impatiente.)

Un peu plus de modestie dans vos jugements, monsieur Dantec ! Il n'y a pas de sous-sénateurs ici. Votre caricature est insupportable.

Nous nous battons pour ce territoire, pour l'intérêt général, pour que le pays ne soit pas mis sous cloche, pour le développement économique, pour les mille personnes qui ont perdu leur emploi - pour lesquelles vous n'avez pas un mot ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP ; protestations sur les travées du GEST)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

M. Guillaume Gontard.  - N'importe quoi !

M. Thomas Dossus.  - Non, il n'y a pas des sous-sénateurs et des sénateurs vertueux : il y a un débat politique sur un texte, auquel nous nous opposons, sans mépriser personne mais pour des raisons de droit.

Hier, l'humanité traversait une grave crise climatique : on émettait trop de CO2, on artificialisait trop de terres agricoles et d'espaces naturels. Nous avons pris des engagements mondiaux, mis en place une stratégie bas-carbone. Je me réjouis que les problèmes soient manifestement désormais derrière nous, puisqu'on peut à nouveau construire des autoroutes et bitumer à tout va !

Hier, nos finances publiques allaient dans le mur, il fallait économiser sur tout. Je me réjouis d'apprendre que les pouvoirs publics vont prendre en charge un tiers du péage de l'autoroute : le rapporteur général du budget peut souffler, c'est donc que les caisses sont à nouveau pleines !

Plus inquiétant, j'apprends que la séparation des pouvoirs n'est qu'une illusion, qu'il suffit de connaître quelques parlementaires pour tenter de contourner les décisions de justice.

Attention, chers collègues : la catastrophe climatique nous rattrape, et les générations futures vous jugeront. (M. Jean-Pierre Corbisez s'impatiente.)

M. Ronan Dantec.  - Le débat manque de sang-froid.

Selon le tribunal administratif, les hypothèses de fréquentation de l'A69, jugées « optimistes » par l'Autorité de régulation des transports, sont très en deçà du seuil justifiant la construction d'une autoroute à deux fois deux voies. Le prix élevé, d'environ 16 euros, est de nature à relativiser les estimations de fréquentation issues de l'étude de trafic.

Je n'insulte personne : vous refusez le débat de fond. Vous n'avez pas réussi à convaincre, alors que beaucoup d'élus locaux voulaient qu'on améliore la liaison actuelle.

L'autoroute ne sera pas rentable. Vous commettez une erreur politique : mieux valait investir ces millions d'argent public dans les services sur le bassin Castres-Mazamet. L'autoroute renforcera le trafic pendulaire vers Toulouse : vous allez dévitaliser le territoire ! C'est moi qui défends le territoire de Castres-Mazamet, les villes moyennes, pas vous, qui êtes enfermés dans des schémas dépassés ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Marie-Lise Housseau.  - Nous aurions été ravis d'avoir des autoroutes gratuites, comme vous les avez en Bretagne. À l'époque, il n'y avait pas la raison impérative d'intérêt public majeur, pas d'études environnementales. (MM. Daniel Gueret et Patrick Chaize renchérissent). Nous, nous devons composer avec les règles existantes. Notre département, parmi les moins riches, n'a pas les moyens de la gratuité. Il n'y avait pas d'autre choix que la concession.

Certes, 16 euros, c'est cher -  mais c'est pour l'aller-retour. Le train coûte 18 euros, par personne !

Mon mari avait une entreprise d'ébénisterie. En cas d'accident, de doigt coupé, il faut aller à Purpan, la main dans une poche plastique : l'autoroute fera gagner vingt minutes, c'est énorme !

Il existera des tarifs pour les abonnés, pour les véhicules électriques. Le département, la région et les communautés de communes vont participer pour faire baisser le prix. (M. Guillaume Gontard se gausse.) Laissez-nous vivre ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Je veux rectifier quelques chiffres. On prévoit pour l'A69, 14 000 véhicules jour. L'A26, Rouen-Alançon, c'est 8 900 ; l'A79, route Centre-Europe Atlantique, 11 000 à 13 000 ; l'A66, 12 300 ; l'A837, 11 800 ; l'A77, 10 900.

M. Ronan Dantec.  - Quel rapport ?

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - On est largement au-dessus de beaucoup d'autoroutes qui fonctionnent aujourd'hui !

M. Ronan Dantec.  - Mais l'A69 n'existe pas ! (On renchérit sur les travées du GEST)

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Je confirme les chiffres du rapporteur.

Monsieur Dantec, le tarif s'élèvera à 6,50 euros, après l'avenant décidé par les collectivités.

M. Ronan Dantec.  - Un gouffre financier !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Non ! Le gouffre financier vient des recours que font vos amis. (Protestations sur les travées du GEST)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Absolument !

M. Patrick Chaize.  - Je m'étonne que l'on s'arc-boute sur des arguments juridiques, alors que 60 % des travaux ont été réalisés. (Protestations sur les travées du GEST) On ne peut pas tout effacer : soyons pragmatiques ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Guy Benarroche proteste.)

M. Franck Dhersin, rapporteur.  - Bravo !

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

À la demande du groupe UC, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°281 :

Nombre de votants 290
Nombre de suffrages exprimés 285
Pour l'adoption 252
Contre   33

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue à midi cinquante.

Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

La séance est reprise à 14 h 30.

Produits du bois et filière REP PMCB

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à retirer les produits du bois de la responsabilité élargie du producteur produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), présentée par Mme Anne-Catherine Loisier et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la proposition de loi .  - La responsabilité élargie du producteur (REP) pour les PMCB s'appuie sur une écocontribution qui responsabilise les producteurs et favorise de meilleures performances de tri, collecte, recyclage ou réemploi.

Soumise à écocontribution depuis 2023, l'industrie française du bois fait face à ces surcoûts, d'autant plus incompréhensibles que les performances environnementales du bois ne sont pas prises en compte.

La France est le seul pays européen à avoir intégré le bois de construction dans cette REP. Cette surtransposition pénalise nos entreprises, génère des surcoûts et dégrade notre balance commerciale. Entre 2022 et 2024, nous observons un recul de 20 % des exportations de bois de construction.

L'écocontribution du bois évolue de façon exponentielle, passant de 7,60 euros par tonne de bois en 2023 à 24 euros en 2025 et pourrait atteindre les 85 euros en 2030 si rien n'est fait.

Je salue le moratoire proposé par la ministre. La trajectoire actuelle des écocontributions est insoutenable. Elle est aussi injuste au regard des autres matériaux et discriminatoire par rapport à nos concurrents européens.

La filière bois, ce sont 30 milliards d'euros de valeur ajoutée et 77 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Si le bois de construction doit être maintenu dans une REP, tenons alors compte de ses performances environnementales.

Selon l'Ademe, en 2024, sur 8,7 millions de tonnes de déchets bois, 80 % sont collectés et recyclés -  seul l'acier arrive à des chiffres comparables. Quelque 5,8 millions de tonnes sont valorisées par recyclage ou valorisation et 1,6 million sont exportées.

La valorisation du bois de construction en fin de vie est parmi les plus performantes. Il n'est pas un déchet, mais une matière première de plus en plus convoitée par les panneautiers et les industriels qui veulent se décarboner, sans compter les 8 millions de Français qui se chauffent au bois.

Chaque mètre cube de bois utilisé dans la construction stocke une tonne de CO2 pendant toute la durée de vie du bâtiment, soit 87 millions de tonnes de CO2 stockées chaque année -  20 % de nos émissions annuelles.

Biosourcé, le bois a un impact carbone plus faible que les autres matériaux. Utilisé dans la construction, il se substitue à d'autres matériaux à haute intensité carbone. D'où l'ambition de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) et du programme Ambition bois-construction 2030. L'Allemagne est à plus de 22 % de construction en bois, contre 7 % en France sur le résidentiel.

Pour corriger les déséquilibres de cette REP bois de construction, il faut introduire des abattements en fonction des performances de valorisation, comme proposé par le rapporteur. Je proposerai par amendement de récompenser les matériaux plus performants par un système de bonus-malus. Cet abattement se réduira au fur et à mesure de l'amélioration de la performance des autres matériaux. Nous introduisons aussi un principe d'écomodulation en fonction de la nature même de ces matériaux biosourcés, afin d'inciter à leur usage.

Ajuster l'écocontribution du bois de construction, c'est soutenir une bio-économie locale performante, favoriser des matériaux à faible impact carbone et oeuvrer pour la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

J'espère que nous trouverons un équilibre préservant l'avenir des industries de la filière forêt-bois, tout en valorisant les déchets et en développant l'économie circulaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et du RDSE)

M. Bernard Pillefer, rapporteur de la commission aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDSE ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Le bois est une véritable richesse pour la France. Ressource de proximité, renouvelable, recyclable, valorisable, il stocke le carbone. Au coeur de notre transition écologique et industrielle, il est stratégique pour nos territoires, avec les scieries et les artisans du bois. C'est aussi un atout pour la décarbonation de nombreux secteurs, dont le bâtiment.

La part du bois dans les matériaux de construction doit être considérablement développée pour respecter l'ambitieuse trajectoire de réduction des émissions carbone fixée pour le bâtiment à horizon 2030. Le bois est un bon élève pour l'économie circulaire : c'est un des matériaux de construction les plus collectés et valorisés.

Cette proposition de loi traduit une préoccupation légitime des professionnels de la filière. À horizon 2027, la totalité des coûts des déchets sera transférée aux metteurs en marché. Mais pour le bois de construction, nous voyons avec inquiétude une augmentation rapide de l'écocontribution, plus élevée que pour d'autres matériaux moins vertueux. C'est paradoxal : au nom de l'environnement, on pénalise un matériau durable.

Le cadre général de gestion des déchets du bâtiment, créé en 2020 par la loi Agec, entre progressivement en vigueur depuis janvier 2023. C'est donc un dispositif jeune, qui connaît encore des flottements. Cette REP PMCB traduit le principe pollueur-payeur : le metteur en marché d'un futur déchet en assume le coût de gestion.

Chaque année, les dépôts sauvages de déchets du bâtiment coûtent près de 400 millions d'euros aux collectivités territoriales et sont source de très vives tensions locales. Nous avons tous en mémoire le drame de Signes en 2019. Le cadre de 2020 structure un maillage de points de collecte sur tout le territoire, y compris dans la ruralité.

Cette proposition de loi avait le mérite de la simplicité en excluant le bois de construction de l'écocontribution. Toutefois, une sortie pure et simple de la filière REP PMCB n'était pas adaptée, ni pour les collectivités territoriales ni pour l'économie circulaire. Cela aurait fragilisé les dépôts de proximité, aux dépens du cadre de vie et des finances locales.

Le bois est certes un bon élève en matière d'économie circulaire, mais il doit encore progresser en matière de recyclage.

Ce retrait porterait aussi atteinte au principe même de la REP : si on accepte cette exemption, comment refuser ensuite d'autres demandes de retrait, pour le métal ou le plâtre ? Le principe pollueur-payeur ne fonctionne que s'il est appliqué de manière universelle et cohérente.

J'ai été guidé par un souci d'équilibre et d'équité, convaincu qu'il existe un chemin entre le statu quo et l'exclusion totale du bois de construction. C'est ce que je vous propose aujourd'hui.

Dans ce texte adopté à l'unanimité en commission, nous substituons à l'exclusion du bois de construction de la REP PMCB une réduction de la contribution financière de la filière, tout en renforçant la lutte contre la fraude.

L'article 2 met en place un mécanisme simple et équitable de répartition des charges au bénéfice des matériaux les plus performants en termes de valorisation des déchets. Le bois de construction contribuant plus à l'atteinte des objectifs environnementaux, son écocontribution sera donc réduite.

La fraude aux écocontributions fragilise l'acceptabilité de la REP. L'article 3 favorise donc la communication entre administrations pour mieux cibler les contrevenants et améliore le recouvrement des contributions des entreprises établies hors de France.

Le chemin d'équilibre que je vous propose vise l'acceptabilité et la robustesse du système, car nos objectifs ambitieux en matière d'économie circulaire rendent nécessaire l'adhésion de tous les acteurs.

Je salue le travail réalisé avec Anne-Catherine Loisier, qui ne trahit pas son constat initial. Je remercie aussi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable d'avoir adopté ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, dRDSE et du GEST)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche .  - Lors de la création de la REP PMCB en 2022, l'objectif était clair : améliorer la valorisation des déchets et lutter contre les dépôts sauvages, fléau financier, écologique et d'ordre public. Une économie parallèle peut prospérer et personne n'a oublié le décès en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes.

Désormais, 6 000 points de collecte gratuits maillent le territoire.

Mais de nombreux dysfonctionnements sont apparus et nous avons modifié le cadre réglementaire de la filière à cinq reprises en 2024. Pourtant, le compte n'y est toujours pas. La filière est jugée trop coûteuse par les producteurs et pas assez efficace pour les professionnels du bâtiment.

C'est pourquoi, en mars dernier, j'ai annoncé la refonte totale de la filière pour 2026, afin de lutter contre les dépôts sauvages, améliorer la valorisation des déchets et encourager l'écoconception et le réemploi.

Pour que la concertation soit sereine, je l'ai accompagnée d'un moratoire sur certaines dispositions à l'origine de difficultés particulières. La filière bois souffre de barèmes élevés. Cela doit être corrigé.

Mais la sortie pure et simple du bois de la REP PMCB n'est pas la bonne solution ni pour les collectivités territoriales ni pour l'environnement. D'abord, parce qu'elle fragiliserait tout le système de la REP, y compris aux dépens de la filière bois. Cela priverait la filière des moyens mobilisés face à la REP, qui perdrait en cohérence globale.

Ensuite, cela ferait perdre des financements aux collectivités territoriales - 9 millions d'euros par an, 18 millions d'euros à terme -, alors que les déchets bois sont les plus collectés en volume.

Cela relancerait aussi les dépôts sauvages. Exclure le bois - 10 % de ces dépôts - c'est risquer une recrudescence de ces pratiques illégales.

Je suis contre donc une suppression de cette écocontribution et je salue le choix responsable du rapporteur pour revenir sur la sortie du bois de la REP PMCB.

Je partage vos conclusions sur la nécessité de réviser le mécanisme pour organiser une montée en charge progressive, efficace, soutenable et lisible, notamment pour les acteurs du bois de construction.

Je remercie la sénatrice Loisier de ce débat. Je donnerai un avis de sagesse sur son amendement qui vise à compenser la réduction de charges sur le bois par une hausse sur les matériaux moins bien collectés et valorisés.

Je comprends la nécessité d'agir plus fermement contre la fraude aux écocontributions. Néanmoins, inscrire dans la loi des mesures précises alors qu'une concertation est en cours ne serait pas respectueux des acteurs. Une réunion d'arbitrage conclusive se tiendra fin juin et les projets de textes réglementaires seront soumis à concertation cet été. Ce temps de concertation est indispensable pour refonder une filière REP PMCB plus juste et mieux acceptée par tous. Je suis mobilisée pour que cela aboutisse dans les meilleures conditions, dans une optique écologique, mais aussi économique et au service de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du GEST et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Daniel Gueret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Les filières à REP partent du principe que les producteurs sont responsables du financement et de l'organisation de la gestion des déchets, conformément au principe pollueur-payeur.

La loi Agec a porté à 25 le nombre de ces filières, qui jouent un rôle essentiel dans la réduction de l'impact environnemental des produits. Cependant, quatre ans après la loi, des difficultés persistent. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a lancé une mission d'information sur son application. Le rapport de Jacques Fernique et Marta de Cidrac, attendu d'ici à l'été, devra restaurer la confiance dans l'économie circulaire.

Les acteurs de la filière bois nous alertent, inquiets de la trajectoire ascendante d'une écocontribution dont le barème est supérieur à celui supporté par d'autres matériaux moins vertueux.

Le texte initial de la proposition de loi, qui voulait retirer la filière bois de la REP PMCB, était trop extrême. Il fallait trouver une autre solution. Je me félicite que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ait abouti à un consensus en réajustant la répartition de l'effort financier. Le groupe Les Républicains votera le texte issu de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Ce texte est très important pour la filière bois, comme pour la filière REP du bâtiment.

Nous entendons les arguments de l'auteure du texte, liés aux incertitudes commerciales et au niveau de l'écocontribution, mais une exclusion sèche du bois de la REP enverrait un mauvais signal.

Le bâtiment, pilier de l'économie française, demeure l'un des plus grands producteurs de déchets de notre pays. Améliorer la filière REP du bâtiment ne passe pas par l'exclusion de matériaux, mais par une meilleure articulation entre producteurs et éco-organismes. Ceux qui mettent des produits sur le marché doivent prendre part à la gestion de leur fin de vie. C'est une exigence écologique et de justice.

Le Gouvernement a déjà fait évoluer le cadre réglementaire, afin de rétablir une équité entre les produits issus de scieries françaises, et ceux issus de l'importation. La ministre a également annoncé un moratoire pour la filière PMCB pour 2025 et engagé une concertation.

La commission a considéré qu'une sortie pure et simple du bois de la filière REP aurait soulevé de nombreuses difficultés. Cela aurait fragilisé tout le système de collecte de déchets et ouvert la boîte de Pandore des demandes de sortie de la filière REP ! Nous saluons le travail du rapporteur Bernard Pillefer.

L'article 2 introduit un mécanisme de juste répartition de l'effort financier au profit des matériaux les plus performants, ce qui incitera les producteurs à recycler davantage. L'article 3 améliore la lutte contre la fraude à l'écocontribution. Cela laisse entrevoir un texte raisonnable, que le RDPI votera. (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Michel Masset .  - La filière bois, ce sont 417 000 emplois directs et 28 milliards d'euros de valeur ajoutée. C'est une ressource renouvelable, dont le développement et la valorisation sont nécessaires pour respecter notre trajectoire carbone.

Mais la filière est pénalisée par le poids croissant des écocontributions. L'application du principe pollueur-payeur devait améliorer la valorisation des déchets tout en luttant contre les dépôts sauvages, or la concurrence a été faussée entre le bois et les autres matériaux de construction, pourtant moins vertueux. C'est paradoxal.

Les travaux en commission ont répondu au besoin d'équité et d'acceptabilité de la filière REP. La position équilibrée de la commission évite une sortie pure et simple du bois d'une filière REP en plein déploiement. Ce texte introduit un mécanisme de juste répartition de l'effort financier au profit des matériaux les plus performants. Il améliore aussi la lutte contre la fraude.

Mais il reste des marges de progrès : 40 % des déchets échappent à la collecte et 50 % ne sont pas recyclés. Ce texte n'est donc qu'un premier pas et les travaux de notre mission d'information sur le bilan de la loi Agec seront très éclairants.

Je note que les sanctions ne tombent quasiment jamais, ni sur les éco-organismes ni sur les metteurs en marché qui frauderaient. Et je regrette que les éco-organismes privilégient le niveau des écocontributions, plutôt que l'atteinte des objectifs.

Le groupe RDSE votera ce texte.

Mme Jocelyne Antoine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Merci à Anne-Catherine Loisier, qui nous invite à réfléchir sur cette réglementation nationale qui ne découle d'aucune obligation communautaire : la France est le seul pays d'Europe à avoir instauré une filière REP sur les matériaux de construction.

Je remercie le rapporteur pour son travail et sa recherche permanente d'équilibre.

Le bâtiment, après les travaux publics, est la première source de déchets en France. La loi Agec, qui a multiplié les REP, impose depuis 2023 une écocontribution sur les produits et matériaux de construction du bâtiment.

La situation du bois, dont les performances de revalorisation en fin de vie sont exemplaires, est paradoxale, puisque le barème qui lui est appliqué est plus élevé que pour les matériaux moins vertueux. Les gouvernements successifs ont tenté de trouver une solution, mais le compte n'y est toujours pas. La REP PMCB est donc très pénalisante pour la filière bois et le niveau d'écocontribution est perçu comme injuste.

Dans sa rédaction initiale, cette proposition de loi excluait le bois de construction de la filière REP. Mais une sortie pure et simple ne semble adaptée ni pour les collectivités territoriales ni pour l'économie circulaire. Exclure le bois aurait pénalisé les points de collecte et les finances des collectivités territoriales.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable n'a pas retenu cette proposition de sortie pure et simple. À l'unanimité, elle a suivi son rapporteur, qui a privilégié une juste répartition de l'effort financier et qui a aussi renforcé la lutte contre la fraude aux écocontributions. Cela va dans le bon sens et le groupe UC votera cette proposition de loi ainsi rééquilibrée.

Toutefois, plusieurs points inquiètent encore le secteur. Le niveau d'écocontribution interroge toujours, tout comme la reprise sans frais. Ces sujets demeurent ouverts. Notre commission a lancé en décembre 2024 une mission d'information sur le bilan de l'application de la loi Agec. Quant à la ministre, elle a annoncé un moratoire sur la filière REP PBMC, ainsi qu'une vaste consultation des acteurs. Nous espérons que cela aboutira à la correction des distorsions de concurrence entre les matériaux vertueux et les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Utilisé dans la construction, le bois allie développement local, performance écologique et création d'emplois non délocalisables. C'est une filière d'avenir.

Le bâtiment représente près de 25 % de nos émissions de CO2. On peut donc grandement s'améliorer, en réduisant le nombre de passoires thermiques, mais aussi en favorisant une conception de logements plus écologique. Alors que 2,7 millions de demandes de logements sociaux restent sans réponse, il faut construire et rénover davantage, avec le souci que l'urgence sociale et l'urgence climatique ne se percutent pas, car les victimes sont toujours les plus précaires.

L'utilisation du bois dans la construction est à privilégier : 1 m3 de bois stocke une tonne de CO2 ; la transformation du bois est moins émettrice que celle du béton et de l'acier ; et c'est un très bon isolant. Toutefois, il est sous-utilisé, ne représentant que 8 à 10 % de la construction neuve.

La filière forêt-bois emploie 440 000 personnes, dont 60 000 dans la construction. En Dordogne, où la forêt couvre près de la moitié du territoire, le département a engagé une politique volontariste de soutien à la filière.

La filière REP peut être un levier de soutien à la construction en bois. Or le bois de construction est plus pénalisé que d'autres matériaux, à 7,60 euros la tonne, contre 5 euros pour les autres déchets de la même catégorie. Nous devons améliorer la compétitivité des matériaux les plus écologiques : le moins cher économiquement ne doit pas être le plus cher écologiquement.

Le groupe CRCE-Kanaky votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, UC et du RDSE)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La mort en 2019 de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, alors qu'il s'opposait à un dépôt sauvage, a été un électrochoc qui a plaidé pour la mise en place de la filière REP du bâtiment, dans le cadre de la loi Agec. Les déchets du bâtiment sont en effet la première source des dépôts sauvages, pour un coût de 400 millions d'euros par an pour les collectivités territoriales.

La filière REP PMCB n'est pas encore mature et son coût est très lié au développement des points de reprise. D'où une montée en charge qui a beaucoup inquiété la filière bois. Cette dernière a alors adopté une position abrupte, demandant son exclusion de la filière REP.

Marta de Cidrac et moi-même avons été chargés par notre commission d'une mission d'information sur le bilan de la loi Agec. Pour assurer notre souveraineté industrielle, l'économie circulaire est essentielle. Elle repose notamment sur l'écoconception, la durabilité, la collecte rigoureuse des déchets, le réemploi, la valorisation et le recyclage. Notre travail de diagnostic et de recommandation est en cours.

L'approche étroite d'une sortie de la filière REP esquive des défis majeurs (Mme Anne-Catherine Loisier marque son mécontentement), tels que l'importation illégale de bois, la mise sur le marché de bois qui n'écocontribuent pas, ou encore les pratiques néfastes de brûlage et de dépôt sauvage qui perdurent. Le bois doit aussi être davantage valorisé ; si sa valorisation énergétique est positive, point trop n'en faut ; la valorisation matière, à forte valeur ajoutée, doit être développée. Il y a du boulot pour la filière REP et les éco-organismes !

La commission a eu raison de faire évoluer ce texte pour conforter la cohérence de la filière REP, tout en prenant en compte les spécificités positives du bois. Il était également bon de renforcer la lutte contre la fraude. Les matériaux les plus durables et les plus vertueux ne doivent pas être pénalisés, au contraire. Évitons de court-circuiter les concertations en cours. (Marques d'impatience sur les travées du groupe UC, l'orateur ayant épuisé son temps de parole.)

C'est par l'adaptation de la filière REP que nous progresserons. Mon groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissement sur les travées du GEST)

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis plusieurs décennies, la filière bois connaît des difficultés économiques majeures, qui affectent nos territoires ruraux.

La France est le quatrième pays européen le plus boisé, pourtant la filière est largement déficitaire et la qualité écologique de nos forêts se dégrade. En soixante ans, nous avons perdu 90 % de nos scieries.

En l'absence de débouchés rémunérateurs, le bois brut part à l'export et nous revient sous la forme de produits manufacturés. Il faut relocaliser toute la chaîne de valeur du bois, avec en amont une gestion durable et en aval la transformation.

Alors que la filière bois peine à rester compétitive face à des matériaux moins vertueux, la création de la filière REP a bouleversé le paysage. Si un rééquilibrage semble nécessaire, exclure purement et simplement le bois de la filière REP PMCB n'est pas envisageable. La REP, qui découle du principe du pollueur-payeur, est la traduction de nos ambitions en faveur d'une économie circulaire et d'une justice environnementale. Collecte, tri, recyclage, valorisation des déchets de chantier doivent se faire sans asphyxier une filière déjà en tension.

L'abattement de la contribution financière du bois, proposé par le rapporteur, va dans le bon sens. La commission a fait le choix de laisser la main au pouvoir réglementaire sur la liste des produits concernés. Nous regrettons que le texte reste vague, sans encourager plus clairement l'utilisation des produits les plus durables.

Il serait pertinent d'ajouter le critère de performance environnementale en considérant la durabilité du matériau sur l'ensemble de son cycle de vie. Les matériaux biosourcés comme le bois ont des qualités écologiques indéniables, mais la durabilité d'un produit bois ne va pas de soi, car elle dépend de la bonne gestion des forêts et de la chaîne d'approvisionnement. Un produit bois qui contribue à la déforestation et la destruction d'écosystèmes et dont la seule valorisation est d'être brûlé n'est pas durable. L'Ademe est compétente pour déterminer quels matériaux sont réellement durables et méritent de bénéficier de l'abattement. C'est l'objet de nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Marc Laménie .  - La loi Agec a créé de nouvelles filières REP, en consacrant le principe du pollueur-payeur. Nous sommes peut-être le seul pays au monde à l'avoir étendue au bâtiment, principale source de production des déchets.

Nous devons poursuivre la lutte contre les dépôts sauvages de déchets de bâtiment, source de coûts importants pour les collectivités territoriales.

Il est impératif d'assurer une gestion organisée des déchets. Ce n'est pas à l'opérateur final seul de payer : chacun doit participer. Il ne faut pas pour autant pénaliser la filière. Or c'est le cas pour le bois. Je peux en témoigner, les Ardennes étant un département forestier.

Les écocontributions sur le bois sont plus importantes que pour d'autres matériaux moins vertueux - béton, acier - et devraient continuer d'augmenter. C'est paradoxal, alors que le bois, biosourcé, est un matériau renouvelable et peu énergivore.

Deux arrêtés ont été pris l'année dernière : le premier pour mettre sur un pied d'égalité les bois français et importés via un abattement de 20 % applicable aux bois frais de sciage à fort taux d'humidité, le second pour instaurer un mécanisme de répartition des charges. Nous soutenons l'inscription dans la loi de ce mécanisme, entretemps suspendu, pour contenir l'écart entre les écocontributions des différents matériaux et maintenir la compétitivité du bois.

Nous sommes contre l'exclusion du bois de la filière REP PMCB, prématurée alors que cette filière n'est pleinement effective que depuis deux ans. Nous ne pouvons demander aux acteurs de s'adapter, puis de rétropédaler.

En outre, il serait fâcheux d'apporter des exceptions au principe pollueur-payeur. N'ouvrons pas la boîte de Pandore ! Le bois de construction est un matériau qui doit être pris en charge, trié et recyclé.

Nous soutenons les mesures de lutte contre la fraude aux écocontributions, introduites en commission.

Le renforcement de la coopération entre autorités et l'obligation pour les personnes non établies en France de désigner un mandataire chargé d'assurer le respect de leurs obligations garantiront que les matériaux entrant en France soient soumis aux mêmes règles que ceux produits ici.

Le groupe Les Indépendants votera le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du GEST)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Anne-Catherine Loisier pour ce texte.

Nous avons en France la chance d'avoir des massifs forestiers et des entreprises qui mettent en valeur le bois de construction. Mais nous avons aussi un handicap, qui pénalise l'utilisation du bois. Nous devons trouver un chemin pour le supprimer.

J'estime que le principe pollueur-payeur s'applique assez mal au bois, qui, naturellement, n'est pas véritablement polluant. Oui, la filière doit contribuer, mais elle est actuellement victime d'une distorsion de concurrence par rapport aux autres matériaux de construction. Résultat : sur mon territoire, je vois arriver des charpentes fabriquées en Allemagne, parfois avec du bois du Doubs, voire des Vosges !

Le bois est une chance, notamment pour sa capacité à être recyclé et à stocker le CO2. Saisissons-la pour préserver nos savoir-faire et l'emploi sur nos territoires ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Gilbert Favreau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je soutiens sans réserve le rééquilibrage proposé au sein de cette REP en faveur des produits du bois.

Le pollueur paie : ce principe est juste et nécessaire. Mais, aussi bonne soit-elle, une idée doit rester adaptable.

Le bois de construction est actuellement pénalisé d'une manière injuste. Dans les Deux-Sèvres, une scierie locale valorisait sa sciure de façon vertueuse en la revendant pour fabriquer des granulés : cette matière n'était pas un déchet, mais une ressource utile dans une chaîne durable et locale. Depuis l'intégration du bois à la REP PMCB, cette société doit payer pour évacuer le sous-produit qu'elle valorisait auparavant... C'est un contresens !

J'étais favorable à l'exclusion du bois de cette filière. La voie d'une modulation de l'écocontribution a été choisie, avec un abattement pour les matériaux plus vertueux, dont le bois.

Je soutiens les deux amendements déposés par Mme Loisier : le premier pour reconnaître les efforts de cette filière vertueuse, le second pour appliquer une écocontribution spécifique aux matériaux qui stockent le carbone, en cohérence avec notre SNBC - tout en concevant qu'un texte réglementaire soit nécessaire pour la définition de critères.

Votons ce texte d'intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Discussion des articles

Article 2

M. Michel Canévet .  - Le bois est un matériau amplement réutilisé et valorisé : veillons à ne pas complexifier inutilement les procédures.

Je salue le moratoire annoncé par la ministre. Sur le terrain, les opérateurs se plaignaient de la manière dont les choses avaient été engagées et de payer un service qui n'était pas complètement rendu.

La céramique utilisée dans l'agroalimentaire, par exemple pour la préparation de pâtés, peut être recyclée : cela se fait à Fouesnant et devrait se faire partout. Mais Citeo ne veut pas mettre en place une filière de recyclage. Il serait donc judicieux de rattacher ce matériau à la filière du bâtiment, car il mérite d'être recyclé.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Je vous rappelle que nous avons jusqu'à 16 heures pour nous prononcer sur l'ensemble de ce texte.

Mme la présidente.  - Amendement n°3 de M. Michaël Weber et du groupe SER.

M. Michaël Weber.  - Je serai aussi bref que possible, pour que le texte puisse être adopté dans les délais prévus.

Cet amendement et le suivant précisent les critères d'appréciation de la performance environnementale et prévoient un avis de l'Ademe.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 de M. Michaël Weber et du groupe SER.

M. Michaël Weber.  - Défendu.

M. Bernard Pillefer, rapporteur.  - Les deux critères prévus sont simples, mesurables et fondés sur des données collectées par l'Ademe. Ne complexifions pas ce dispositif, au risque de nuire à sa lisibilité, et ne sollicitons pas l'Ademe pour un avis supplémentaire qui serait redondant. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Même avis. Votre préoccupation est satisfaite par la modulation de l'écocontribution en fonction de la durabilité et de l'écoconception. L'abattement est un autre mécanisme, destiné à reconnaître la performance de la collecte et de la valorisation. Mais je vous remercie de souligner la compétence de l'Ademe - c'est valable sur ce sujet comme sur d'autres...

L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°5

Mme la présidente.  - Amendement n°2 de M. Weber et du groupe SER

M. Michaël Weber.  - La performance du recyclage doit être prise en compte comme critère d'abattement. Actuellement, le texte ne vise que la performance de la collecte et de la valorisation.

M. Bernard Pillefer, rapporteur.  - La valorisation correspond à deux modes de traitement : la valorisation énergétique et la valorisation matière, c'est-à-dire le recyclage. Les critères proposés pour le mécanisme de répartition des charges prennent donc déjà en compte la matière recyclée. Le recyclage doit même être privilégié par rapport à la valorisation énergétique, historiquement prépondérante. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis de Mme Loisier et alii.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Nous proposons un mécanisme de solidarité entre matériaux, sous forme de bonus-malus.

M. Bernard Pillefer, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°6 rectifié bis est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié de Mme Loisier et alii.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Nous proposons un nouveau critère d'écomodulation en faveur des produits et matériaux biosourcés renouvelables, compte tenu de leurs bénéfices environnementaux.

M. Bernard Pillefer, rapporteur.  - Oui, le bois, produit biosourcé renouvelable, qui stocke le carbone, est vertueux. Mais votre proposition est satisfaite par l'abattement sur les écocontributions. Inutile de doublonner ce dispositif.

Par ailleurs, ce texte concerne le bois de construction. Les autres matériaux biosourcés seront traités dans un autre cadre, notamment à la lumière des conclusions de la mission d'information sur le bilan de la loi Agec.

Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Même avis.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - J'entends les arguments du rapporteur et salue son travail, mais il est important de reconnaître la singularité du bois et de favoriser l'écoconception, dans l'esprit de la loi Agec. Un décret précisera les modalités d'application de ce dispositif.

L'amendement n°7 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

L'article 3 est adopté.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, M. Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains, a demandé le remplacement du débat sur le thème : « Quel cap énergétique pour la France ? », inscrit à l'ordre du jour du mardi 27 mai, par un débat, sous forme de discussion générale, sur le thème : « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? »

Il en est ainsi décidé.

Rétablir le lien de confiance entre la police et la population

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population, présentée par Mme Corinne Narassiguin, M. Jérôme Durain et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

Mme Corinne Narassiguin, auteure de la proposition de loi .  - (M. Jérôme Durain applaudit) L'objet de cette proposition de loi est ambitieux, mais réaliste et nécessaire : rétablir le lien de confiance entre la police et la population.

J'ai globalement partagé les constats de la mission d'information transpartisane sur les émeutes ayant suivi la mort de Nahel Merzouk, mais pas son analyse des causes de ces émeutes, ni les recommandations formulées. Je considère que la multiplication des petites frustrations et petits incidents, comme les contrôles d'identité, mine la confiance dans la police et alimente un fort sentiment d'injustice.

En novembre 2005, Bouna Traoré et Zyed Benna, rentrant d'un match de foot, décèdent tragiquement dans un transformateur électrique après avoir pris la fuite par crainte d'un contrôle policier. En 2015, dans le douzième arrondissement de Paris, des jeunes ont signalé avoir subi pendant deux ans des contrôles quotidiens et humiliants, toujours par les mêmes policiers. En 2017, trois jeunes de retour d'un voyage scolaire sont les seuls du train à être contrôlés en Gare du Nord.

Chaque jour, des jeunes sont contrôlés sans raison apparente. Le seul motif récurrent de ces contrôles : leur couleur de peau. De fait, les jeunes hommes âgés de 18 à 25 ans perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité vingt fois plus élevée que le reste de la population de subir un contrôle. Alors que 32 millions de contrôles d'identité sont menés chaque année, combien d'entre vous ont été concernés ? Très peu, sinon aucun. Statistiquement, cela devrait être un sur deux...

De la Défenseure des droits à la Cour des comptes, le constat dressé est sans appel : dans notre République, des personnes sont contrôlées sur la base de leur couleur de peau. Nous ne pouvons accepter que des citoyens se sentent mis au ban de notre société car « ils n'ont pas l'air français » !

Oui, le contrôle d'identité est le point de cristallisation, parfois même l'élément déclencheur, d'une relation abîmée entre une partie de la population et nos forces de l'ordre. Or, depuis 2005, rien n'a changé. Cette relation s'est même dégradée, car les politiques n'ont rien fait. Après avoir promis la mise en place de récépissés, les socialistes n'ont pas agi entre 2012 et 2017 : c'était une erreur.

S'il est indéniable que la loi doit être modifiée, c'est, d'abord, parce que la Cour de cassation, le Conseil d'État et la Cour européenne des droits de l'homme ont tous reconnu l'existence de contrôles discriminatoires. L'État a même été condamné pour faute lourde. Il y a quelques semaines, l'ONU et le Conseil de l'Europe ont appelé la France à assurer la traçabilité des contrôles.

C'est aussi parce que, dorénavant, les forces de l'ordre reconnaissent elles-mêmes qu'un problème se pose. Selon une étude de la Défenseure des droits, plus de 39 % des policiers et gendarmes jugent les contrôles d'identité peu, voire pas efficaces : c'est le signe d'une perte de sens de cette mission, par ailleurs chronophage. Avec 47 millions de contrôles d'identité réalisés chaque année, d'après la Cour des comptes, le temps perdu est considérable.

Marie-France Monéger-Guyomarc'h, ancienne directrice de l'IGPN, a déclaré : « Je suis persuadée qu'il faut modifier la loi sur le contrôle d'identité. On met les policiers en danger en leur demandant d'appliquer une loi d'une complexité telle, que rares sont ceux qui peuvent expliquer les quatre cas de contrôle. Tenir un territoire par ces seuls contrôles n'a aucun sens. »

Le Comité d'évaluation de la déontologie de la police nationale (CEDPN) a mis en lumière des pratiques souvent abusives et discriminatoires, en particulier dans certains quartiers ; il recommande l'annonce systématique des motifs du contrôle et l'utilisation de caméras-piétons.

La société évolue, et il n'y a que sur une partie de ces bancs que certains ne veulent pas le voir.

Mme Audrey Linkenheld.  - Ils ne sont d'ailleurs pas là...

Mme Corinne Narassiguin.  - Je salue le travail exemplaire de nos policiers et gendarmes, en dépit du manque de reconnaissance et de moyens, et de l'hostilité croissante d'une partie de la population. Les violences dont ils sont victimes ne sont pas acceptables.

Leur action et leur formation doivent être réformées en profondeur. En particulier, nous devons revenir à une forme de police de proximité tournée vers la prévention par le dialogue avec les habitants plutôt que la répression sur le mode constant de l'urgence.

Dans le cadre de cette proposition de loi, nous nous sommes concentrés sur le problème criant des contrôles d'identité, avec cet objectif : plus aucun contrôle sans raison.

L'article 1er exclut toute discrimination dans les critères des contrôles d'identité, un principe qui ne figure actuellement que dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure.

L'article 2 instaure, pour les réquisitions écrites du procureur de la République, l'exigence d'une demande motivée du préfet, du préfet de police ou du procureur. Dans les faits, ces réquisitions sont souvent rédigées par la police elle-même, puis validées par le procureur. Quant aux contrôles administratifs, qui laissent une trop grande place à l'arbitraire, ils ne seraient plus autorisés que pour assurer la sécurité d'un événement exposé à un risque d'atteinte grave à l'ordre public.

L'élément central du texte est l'instauration, à l'article 3, d'un dispositif d'enregistrement et de traçabilité des contrôles : un récépissé serait remis à la personne contrôlée, mentionnant les motifs du contrôle, ses suites potentielles et le matricule de l'agent y ayant procédé.

Enfin, l'article 4 prévoit que les contrôles d'identité doivent être systématiquement enregistrés par caméra mobile.

Une personne qui considère avoir subi plusieurs contrôles d'identité rapprochés et non fondés doit pouvoir déposer un recours. Mais, pour cela, elle a besoin de preuves. C'est le sens du récépissé et de l'enregistrement vidéo. Si, actuellement, 94 % des contrôles n'ont aucune suite judiciaire, c'est à l'évidence du fait de l'absence de preuves.

Face à des discriminations documentées, ces propositions constructives résultent de multiples auditions. Mais la droite du Sénat nous dit : « circulez, il n'y a rien à voir ! ». Le rapporteur ose même affirmer que les discriminations sont avant tout un ressenti. Et certains vont jusqu'à nous accuser d'être anti-police, alors que ce texte vise aussi à sécuriser les policiers dans l'exercice de leur métier. Pourquoi un policier qui fait bien son travail devrait-il s'inquiéter de devoir délivrer un récépissé ou enclencher sa caméra-piéton ?

Les jeunes que je croise chaque jour dans mon département de Seine-Saint-Denis méritent mieux qu'un débat caricatural et des réponses hors sol. C'est à eux que je pense à cet instant : je ne veux pas que leur première interaction avec la police soit un contrôle d'identité, qu'ils aient cette vision de la République et se construisent dans la peur de ces contrôles.

C'est pour eux que je vous propose de réformer la pratique des contrôles d'identité pour mettre un terme à des discriminations qui sont autant de brèches dans notre contrat social. Parce que l'ordre républicain ne vaut que fondé sur la liberté, l'égalité et la fraternité. (Applaudissements à gauche)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - La commission des lois n'a pas adopté cette proposition de loi, qui nous a semblé comporter d'importants écueils juridiques, techniques, politiques et même philosophiques.

Son intitulé, déjà, est problématique : nous ne partageons pas le postulat selon lequel le lien de confiance entre les forces de l'ordre et la population aurait besoin d'être rétabli. Dans leur très grande majorité, nos concitoyens soutiennent l'action de nos policiers et gendarmes. D'après les études, près des trois quarts ont confiance en eux, voire éprouvent de la sympathie pour eux. Peu de professions peuvent se targuer d'une telle popularité...

Par ailleurs, l'enjeu du lien de confiance entre forces de l'ordre et population ne peut être réduit à la question des contrôles d'identité, sauf à véhiculer des représentations biaisées.

Les auteurs de la proposition de loi semblent remettre en cause l'efficacité même des contrôles d'identité.

M. Jérôme Durain.  - Oui !

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Nous considérons qu'il s'agit d'un outil indispensable au bon exercice des missions, lourdes et difficiles, de nos forces de l'ordre.

À la demande de la Défenseure des droits, toujours prompte à se saisir de ces questions, ...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et pour cause : c'est sa mission !

M. François Bonhomme, rapporteur.  - ... la Cour des comptes s'est penchée sur les contrôles d'identité : elle considère qu'ils occupent une place centrale dans les actions de la police et de la gendarmerie nationales.

Au reste, l'efficacité de l'opération doit être appréciée dans son ensemble. Et les situations pouvant conduire à y avoir recours sont fort diverses, qu'il s'agisse d'interpeller des délinquants ou de saisir des stupéfiants, par exemple.

Il est hautement problématique de jeter une suspicion de principe sur les contrôles d'identité et d'introduire une forme de présomption de discrimination en dénonçant des pratiques qui seraient généralisées, voire systémiques.

Sur les 47 millions de contrôles d'identité recensés par la Cour des comptes, le nombre des signalements opérés est infime : en 2024, 29 pour la police et 80 pour la gendarmerie - et seuls une minorité alléguaient une discrimination. Quant à la Défenseure des droits, pourtant très chatouilleuse à travers son réseau de délégués territoriaux, son rapport annuel ne mentionne qu'un cas...

Bien sûr, il y a du non-recours. Reste que les cas signalés concernent 0,00007 % des contrôles... C'est dire si on est loin d'un phénomène généralisé !

Au reste, le Conseil d'État, saisi par six associations sur les contrôles d'identité jugés discriminatoires, a écarté le caractère systémique de ces pratiques.

Non seulement ce texte est donc malvenu, mais il est contre-productif en entretenant artificiellement l'idée que certaines parties de la population seraient victimes de discriminations de principe.

Sans doute, il peut arriver qu'un contrôle ait un caractère discriminatoire. Mais les possibilités de signalement existent et des sanctions sont prévues, disciplinaires et pénales. Police et gendarmerie sont pleinement engagées dans la lutte contre les dérives. Le sujet fait l'objet d'une attention particulière dans la formation initiale et continue des agents, y compris en lien avec la Défenseure des droits.

En outre, la commission a constaté que la proposition de loi présente d'importantes limites. Certaines dispositions sont purement déclaratoires, d'autres empêcheraient quasiment les forces de l'ordre de procéder à tout contrôle d'identité.

Plutôt que de changer la loi, il faut améliorer les pratiques. La Cour des comptes a formulé des recommandations concrètes auxquelles le ministère de l'intérieur s'est déclaré favorable au cours de mes auditions.

L'article 1er du texte affirme l'exigence de motivation des contrôles d'identité, de leur caractère non discriminatoire et du respect de la dignité des personnes. Ces exigences étant déjà garanties, le dispositif est inutilement proclamatoire.

L'article 2 conditionne les contrôles d'identité judiciaires à une demande préalable du préfet et restreint significativement le champ des contrôles d'identité administratifs. Il crée une confusion entre les cadres judiciaire et administratif et limite à l'excès les possibilités d'action des forces de l'ordre.

L'article 3 prévoit la remise systématique d'une attestation à la personne contrôlée. Il s'agit du fameux récépissé, un temps promis par François Hollande et finalement abandonné, pour de bonnes raisons. Je fais miens les arguments qu'avançait alors Bernard Cazeneuve : la procédure serait alourdie sans plus-value évidente pour la personne contrôlée ; et ce récépissé n'exonérerait en rien son détenteur de contrôles postérieurs, ne serait-ce que parce qu'il faudrait vérifier la concordance entre son identité et celle figurant sur l'attestation. Par ailleurs, il peut arriver que la réitération des contrôles soit justifiée par les nécessités d'une enquête ou la préservation de l'ordre public.

En outre, la création d'un fichier de masse serait nécessaire. Il serait plus pertinent de modifier le fichier des personnes recherchées pour pouvoir préciser, à chaque consultation, si elle intervient ou non dans le cadre d'un contrôle d'identité, ce qui garantirait une traçabilité.

Enfin, l'article 4 prévoit l'activation systématique d'une caméra-piéton lors des contrôles d'identité. Or la jurisprudence constitutionnelle invite davantage à encadrer les captations qu'à les systématiser et cette proposition se heurterait à des contraintes matérielles difficilement surmontables, notamment en termes de capacités de stockage.

La commission des lois recommande le rejet de cette proposition de loi - ou l'adoption des amendements de suppression déposés par certains de nos collègues à bon escient.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je reconnais aux rédacteurs et défenseurs de cette proposition de loi une certaine constance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est aimable !

M. Michaël Weber.  - Mais est-ce bon signe ?

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Selon eux, il conviendrait de rétablir la confiance entre la police et les Français. Ils laissent entendre que les relations entre la population et les forces de l'ordre seraient détériorées, du fait de la pratique régulière, voire systématique, de contrôles d'identité orientés, pour ne pas dire douteux - en clair, au faciès.

Je m'inscris en faux contre cette allégation. Bien sûr, il arrive que certaines personnes ne se comportent pas bien. Elles font l'objet de poursuites et sont sanctionnées.

On ne saurait prétendre que nos compatriotes n'auraient pas confiance dans les services de police. Selon l'Ifop, 71 % portent un regard positif sur la police et 85 % sur la gendarmerie.

Par ailleurs, il est établi que la traçabilité sous la forme que vous proposez entraînerait un risque constitutionnel, puisqu'il faudrait accepter un fichier tenant compte des origines ethniques.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Pas du tout !

M. François-Noël Buffet, ministre. - L'article 1er du texte est superfétatoire, car un contrôle discriminatoire peut déjà être signalé et poursuivi. La voie de contestation juridique est ouverte. De même, le rappel du nécessaire respect de la dignité des personnes est redondant avec les dispositions du code de la sécurité intérieure.

L'article 2 soumet à un ordre du préfet les contrôles d'identité menés sur réquisition du procureur.

L'article 3 prévoit la délivrance systématique d'un récépissé afin de déterminer la motivation du contrôle. Si François Hollande a renoncé à cette idée, c'est peut-être qu'il s'est rendu compte qu'elle serait inefficace ou que sa mise en oeuvre serait extrêmement complexe... D'ores et déjà, le numéro d'identification de chaque agent doit être bien visible sur son uniforme - il y figurera même bientôt en plus grand.

Enfin, l'obligation de filmer systématiquement les contrôles, prévue à l'article 4, conduirait à une collecte généralisée et discrétionnaire d'images, portant ainsi gravement atteinte aux droits des personnes, notamment au respect de la vie privée.

Voilà pourquoi le Gouvernement se prononce, à l'instar de votre commission des lois, en défaveur de cette proposition de loi.

L'IGPN fait son travail et ne laisse rien passer lorsqu'elle est saisie : les enquêtes sont menées jusqu'au bout et les sanctions tombent. Par ailleurs, le ministère de la justice dresse chaque année un bilan des contrôles d'identité, qui peut être consulté.

Ne croyez pas que nous serions indifférents aux cas où les règles ne sont pas respectées : chaque fois qu'il y a lieu, des sanctions sont prises. Enfin, j'ai personnellement constaté que le rappel des règles, en matière d'armes à feu mais aussi de contrôles d'identité, occupe une place importante dans la formation de nos agents.

Mme Salama Ramia .  - L'intention des auteurs du texte peut sembler louable, mais le dispositif proposé appelle de profondes réserves.

Les forces de l'ordre exercent leurs missions dans un cadre juridique et déontologique dense et contraignant. Les pratiques sont strictement encadrées par des chartes comme par la jurisprudence. Ce système fonctionne. Et lorsque les règles ne sont pas appliquées, il faut plutôt corriger les pratiques que modifier systématiquement la norme.

Oui, des dérives se produisent. Dans sa décision du 11 octobre 2023, le Conseil d'État a reconnu la réalité des contrôles d'identité discriminatoires. Ils sont fermement condamnés par la justice, les inspections, les autorités hiérarchiques. L'État de droit est garanti.

Ne commettons pas l'erreur de confondre dérives individuelles et défaillance systémique. Le Conseil d'État a clairement écarté le caractère généralisé des contrôles discriminatoires. La dérive est l'exception, pas la règle.

L'article 2 restreint le champ des contrôles d'identité administratifs à des cas où une atteinte grave pourrait être portée à l'ordre public. Il transforme ainsi en profondeur la nature de ce contrôle en le privant de sa dimension préventive. Cette mesure pourrait constituer une régression par rapport à la jurisprudence constitutionnelle, qui reconnaît la sauvegarde de l'ordre public comme une nécessité de la vie démocratique.

Le contrôle d'identité est un outil essentiel pour les forces de l'ordre et constitue leur premier levier d'action, au coeur de la prévention et de la lutte contre la délinquance. Il doit rester disponible avec discernement, mais sans entrave superflue.

Contrairement à ce que suggère ce texte, la confiance entre la population et la police n'est pas rompue. Selon une enquête de juillet 2023, 77 % des Français ont une bonne image de la police, un quart une très bonne image : on est loin du divorce.

La confiance ne se décrète pas ; elle se renforce par celle que nous, législateurs, témoignons à ceux qui veillent sur notre sécurité.

À partir d'un constat contestable, cette proposition de loi propose des réponses inadaptées et risque de semer le doute là où nous attendons clarté et soutien. Le groupe RDPI votera contre cette proposition de loi.

M. Michel Masset .  - Le lien de confiance entre la police et la population est indispensable. Les forces de l'ordre républicaines protègent les citoyens à tout moment et sur l'ensemble du territoire. Je rends hommage à ces femmes et ces hommes qui servent la nation.

L'honneur de cet engagement oblige à une grande responsabilité : policiers et gendarmes sont les représentants de la loi, sur lesquels repose une partie de la promesse d'égalité devant le droit.

Nombreuses sont les institutions publiques et les associations qui interpellent la puissance publique sur l'encadrement des contrôles d'identité.

Le Conseil d'État a reconnu en 2023 que les contrôles d'identité discriminatoires n'étaient pas des cas isolés. Mais la situation est difficile à appréhender pour les pouvoirs publics. La Cour des comptes déplore un manque de contrôle judiciaire ainsi qu'une absence totale de traçabilité. Tant pour les victimes de discriminations que pour les forces de l'ordre, le cadre légal pourrait être insuffisamment protecteur. Notre loi réprime les actes discriminatoires, mais les preuves sont difficiles à établir.

Nous ne voulons en aucun cas stigmatiser les forces de l'ordre, mais améliorer l'exercice quotidien de leurs missions.

La réalité nous empêche de balayer la proposition de loi d'un revers de main, et nous oblige au contraire à chercher des solutions.

J'entends les difficultés relevées par le rapporteur. La proposition de loi s'inspire de mécanismes déjà éprouvés au Royaume-Uni - les récépissés - voire de préconisations émises par différentes inspections générales - l'activation des caméras-piétons.

Soyons lucides : la distance entre police et population ressentie dans certains territoires est parfois renforcée par des discriminations. Acceptons que notre modèle d'ordre républicain soit toujours perfectible. Le RDSE, partagé, réserve son vote. (MmeMarie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin et M. Ian Brossat applaudissent.)

Mme Anne-Sophie Patru .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) C'est un vieux débat, au Parlement comme dans les médias, mais, le sujet étant évolutif, je remercie nos collègues de nous permettre de l'avoir à nouveau.

Les contrôles d'identité abusifs causeraient un éloignement entre la police et les citoyens ; bien que l'intention des auteurs soit louable, je ne partage pas ce constat. Il serait nécessaire de rétablir le lien de confiance entre la police et la population ? Pourtant, selon l'Ifop, 71 % des Français ont confiance ou éprouvent de la sympathie pour les forces de l'ordre.

Mettons fin au suspense : le groupe UC votera contre ce texte.

Comme le rapporteur l'a souligné, l'exigence de motivation des contrôles d'identité et leur caractère non discriminatoire sont déjà garantis par le droit en vigueur. Le cadre juridique et déontologique des forces de l'ordre est complet et efficace.

La proposition de loi restreindrait excessivement le recours aux contrôles d'identité, outil efficace pour la prévention des troubles à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions. Un récépissé alourdirait considérablement la procédure de contrôle sans bénéfice clair pour les contrôlés, alors que les forces de l'ordre rejettent déjà l'excès d'administration dans leurs tâches.

La création d'un fichier de masse pour la traçabilité des contrôles d'identité interroge aussi.

L'activation systématique des caméras-piétons pose des problèmes de stockage et de respect de la jurisprudence constitutionnelle.

Rennes a récemment été le théâtre de plusieurs incidents violents impliquant la police : une course-poursuite au cours de laquelle un enfant de cinq ans a pris deux balles dans la tête et une fusillade en pleine journée dans le quartier de Villejean. Il faut réduire les contraintes des forces de l'ordre plutôt que d'en ajouter.

Nous devons protéger nos forces de l'ordre tout en travaillant à des solutions pragmatiques pour renforcer le lien entre police et population.

Nous ne nions pas l'existence de certaines dérives. Mais lorsque les dérives sont révélées, elles sont sanctionnées. Le droit positif le permet déjà.

La proposition de loi, outre qu'elle fait planer un doute généralisé sur les forces de l'ordre, serait inefficace. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Ian Brossat .  - Cette proposition de loi défendue par Corinne Narassiguin pose la question suivante : existe-t-il dans notre pays des contrôles aux faciès ? La réponse est oui.

Les faits sont têtus et chiffrés : les jeunes hommes entre 18 et 25 ans perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité vingt fois plus élevée que la moyenne de subir un contrôle d'identité. Le Conseil d'État a reconnu que ce n'était pas un cas isolé.

Derrière ces chiffres, il y a des réalités vécues : enseignant au lycée Jean-Jacques Rousseau à Sarcelles et empruntant le RER D tous les jours, je n'ai pas été contrôlé une seule fois, alors que mes élèves qui se rendaient à Paris l'étaient systématiquement.

On peut faire semblant, mais, de fait, ces contrôles au faciès existent. La droite sénatoriale et le Gouvernement nous reprochent souvent une culture du déni. Là, il n'est pas de notre côté.

Deuxième question : l'existence des contrôles au faciès étant démontrée, pose-t-elle problème ? En République, oui.

Vous avancez que les Français ont majoritairement confiance en leur police, à plus de 70 %. C'est vrai ! Mais cette réalité ne contredit pas celle des contrôles au faciès (M. Jérôme Durain le confirme) : une majorité a confiance en la police, tandis qu'une minorité subit des contrôles au faciès. Cela doit interroger l'ensemble de la société. Et ce n'est pas parce que tous les Français n'en ont pas conscience que ce n'est pas un problème.

Cette proposition de loi reprend des exigences posées par une proposition de loi d'Éliane Assassi de 2016, comme le récépissé. Cohérents, nous la voterons. (Applaudissements à gauche et sur les travées du RDSE)

M. Guy Benarroche .  - Renforcer la confiance de la population envers la police est un enjeu d'importance. Loin des clichés dont nous accuse l'autre partie de l'hémicycle ou le Gouvernement, notre position est claire : la police doit être respectée. Le problème n'est pas les errements de quelques-uns, mais l'incapacité systémique de les empêcher.

L'encadrement des contrôles d'identité doit donc évoluer. Actuellement, les officiers et agents de police judiciaire peuvent inviter toute personne à justifier de son identité sur la voie publique dans un cadre préventif et administratif, quel que soit le comportement de la personne. Le défaut de statistiques officielles sur les caractéristiques des personnes contrôlées a longtemps empêché de mesurer la réalité.

La Conseil d'État rappelle les faits : « Un contrôle d'identité effectué selon des critères tirés de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée sans aucune justification objective préalable constitue une discrimination directe. » Citant le rapport du défenseur des droits de 2019 et le rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du 28 juin 2022 s'inquiétant de « la persistance de contrôles discriminatoires et de comportements abusifs de la part des forces de l'ordre françaises », il indique que, compte tenu de l'absence de traçabilité administrative, et de l'impossibilité qui en résulte de déterminer leur nombre et leurs motifs, on peut tenir comme suffisamment établie l'existence d'une pratique discriminatoire qui ne peut être regardée comme se réduisant à des cas isolés.

Les faits sont là ; les nier, ce n'est pas aider et soutenir la police, dont l'immense majorité des membres effectuent leur travail avec engagement, courage et probité. (M. Jérôme Durain renchérit.)

Le Conseil d'État balaie les arguments qui se fondent sur le faible nombre de plaintes. Un rapport du délégué du ministère de l'Intérieur de juillet 2021 montre que ces données ne permettent pas de rendre compte de l'ampleur du phénomène, en raison notamment de la difficulté à en établir la preuve et de la résignation ou du manque d'information des victimes.

Mettre en place les récépissés et l'enregistrement par les caméras mobiles, cela donne des moyens à la police de résister à la pression de sa direction en faveur d'une pratique aussi chronophage qu'inutile (Mme Sophie Primas s'en amuse), en même temps que cela permet aux citoyens de savoir que leur droit à ne pas être contrôlés de manière arbitraire, répétitive et parfois discriminatoire est mieux garanti.

Le GEST votera ce texte. Nous souhaitons aussi une réforme de l'IGPN, la modification de la doctrine de maintien de l'ordre dans les manifestations et une meilleure formation des forces de l'ordre. (Applaudissements à gauche)

M. Jérôme Durain .  - Chaque jour, des femmes et des hommes en uniforme veillent au maintien de l'ordre et interviennent dans des situations complexes, parfois dangereuses. La police est un pilier de notre pacte républicain : elle protège les faibles, fait respecter la loi et incarne l'autorité légitime de l'État. Mais elle est sursollicitée et manque de ressources. Dans ce contexte, chaque action compte. Tout doit l'aider à remplir ses missions premières : protéger la population et faire respecter les droits de tous. Nous devons donc avoir un débat lucide, serein et républicain.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le travail des policiers, que nous connaissons et respectons ; difficile, parfois ingrat, mais indispensable. Il ne s'agit pas de nier les réalités du terrain, dont les agressions fréquentes de policiers rendent compte. Mais il faut entendre ce que disent certains Français, qui se sentent contrôlés non pour ce qu'ils font, mais pour ce qu'ils sont.

La majorité des contrôles d'identité ne débouchent sur aucune procédure, et 40 % des policiers et gendarmes s'interrogent sur leur utilité.

C'est pourquoi nous prônons une traçabilité des 32 millions de contrôles. Chaque heure de travail est précieuse et chaque patrouille compte : peut-on encore se permettre d'allouer autant de temps à des pratiques dont l'utilité semble marginale ? Ne devrait-on pas redéployer ces moyens vers la lutte contre les trafics, la présence sur les points de deal, la protection des victimes de violences ou encore la prévention auprès de la jeunesse ?

L'idée n'est pas de supprimer la totalité des contrôles d'identité, mais d'en restreindre le caractère massif, qui engendre forcément des dérives. La police doit aller là où elle est attendue et utile.

C'est aussi une question de justice. Quand les citoyens sont constamment contrôlés, on crée de la défiance, de la distance, de la colère, qui finissent par être exploitées et construisent une fracture hémorragique entre la police et la population.

On doit être irréprochable quand on lutte contre la délinquance. C'est le cas de la majorité de la police, mais cela ne doit pas exclure toute remise en question, comme semble le suggérer M. le rapporteur.

On nous oppose des opinions, des sentiments et des sondages. Nous aussi faisons partie des trois quarts des Français qui disent que la police fait bien son travail. Ce n'est pas le sujet !

On connaît la marotte de M. Bonhomme contre la Défenseure des droits, qui serait obsessionnelle... (M. François Bonhomme s'en amuse.)

Les militants, ici, ce n'est pas nous. Nos sources, c'est le Conseil d'État, qui dit que ces contrôles discriminatoires ne sont pas isolés ; la Cour des comptes, qui s'étonne de ne pas être capable de dénombrer ces contrôles d'identité ; l'IGPN, qui reconnaît un problème entre la police et la population.

Nos propositions, qui viennent de l'institution policière elle-même, sont simples : tracer et enregistrer grâce aux caméras-piétons.

Vous nous dites que les gens ne se plaignent pas ? Mais une victime d'un contrôle discriminatoire qui ne peut pas le prouver ne porte pas plainte !

Nous voulons conforter le fait que les policiers sont des citoyens parmi les citoyens et mieux assurer la sécurité et les droits de tous dans la République. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Bravo !

M. Marc Laménie .  - Cette proposition de loi pose d'importants problèmes. Nous rejoignons la position du rapporteur. À l'heure où nos forces de l'ordre ont besoin de soutien, elle est malvenue.

Selon un rapport de l'IGPN, 23 membres des forces de l'ordre sont agressés chaque jour en France. Cela nous interpelle. C'est révoltant et inacceptable. N'oublions pas non plus les sapeurs-pompiers.

S'attaquer aux forces de l'ordre, c'est s'attaquer à notre contrat social. Cette proposition de loi n'est pas une réponse adaptée à la situation. Sa philosophie même pose une présomption de discrimination à l'égard des forces de l'ordre.

Sur les 4 856 signalements recensés par l'IGPN, seuls 29 avaient trait à des propos discriminatoires tenus lors d'un contrôle d'identité, soit moins de 1 % des signalements. Le Conseil d'État a écarté l'idée d'une discrimination généralisée ou systémique.

Les actes d'une minorité d'agents ne devraient pas être l'occasion de jeter l'opprobre sur l'ensemble des forces de l'ordre, qui travaillent dans des conditions difficiles.

Les mesures de la proposition de loi ne sont pas adaptées aux réalités du terrain. Il est notamment prévu d'inscrire dans la loi la motivation de chaque contrôle : c'est incantatoire, inutile, et même redondant avec le droit existant.

Le récépissé mentionnerait le fondement juridique et les motifs du contrôle d'identité : cela alourdirait inutilement les procédures et rien ne prouve que cela lutterait contre les discriminations. Au regard de ces contraintes matérielles, le Gouvernement s'y était déjà opposé en 2016.

Le texte propose aussi que les contrôles d'identité soient systématiquement enregistrés par les caméras mobiles : cela poserait des problèmes de stockage des données.

Si la proposition de loi ne répond pas à la situation de façon adaptée, elle pose une question que nous devrons traiter. Le groupe Les Indépendants ne votera pas le texte. Nous veillerons à ce que personne ne soit victime de discrimination, mais sans alourdir la tâche déjà bien lourde de nos policiers et gendarmes. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est des mots qui claquent comme des serments républicains. Confiance, police et population sont les éléments de notre pacte social. Trois mots que la proposition de loi prétend réconcilier. Mais derrière, se cache une mécanique de suspicion.

M. Jérôme Durain.  - C'est faux !

M. Stéphane Le Rudulier.  - Ce texte, sous couvert de rétablir la confiance, l'érode totalement. (Mme Audrey Linkenheld proteste.)

M. Patrick Kanner.  - C'est vieux comme Hérode ! (Sourires)

M. Stéphane Le Rudulier.  - C'est vrai, il existe des tensions dans certains quartiers, des injustices ont pu être commises et nous devons les reconnaître. Mais la réponse n'est certainement pas de placer nos forces de l'ordre sous la contrainte permanente d'un formulaire ou sous le regard d'une caméra brandie comme un contre-pouvoir systématique. Est-ce cela, la République ? Une société où l'on soupçonne ses serviteurs, où l'on contrôle le contrôleur sans jamais s'interroger sur les causes profondes de la défiance ?

Cela instaure une rupture de la confiance entre l'État et ses agents. Le récépissé est une stigmatisation qui rend chaque acte de sécurité suspect et envoie ce message implicite, mais limpide : nous ne vous faisons pas confiance...

Le respect de la dignité des personnes contrôlées est légitime. Mais qu'en est-il de celle des policiers et des gendarmes qui seraient désormais invités à justifier chaque intervention comme s'ils étaient les accusés permanents d'un procès sans fin ?

M. Jérôme Durain.  - Tout le monde le fait...

M. Stéphane Le Rudulier.  - Que diraient les policiers de Marseille, agissant dans des zones de non-droit, qui devraient cocher des cases et demander pardon d'exister ? Ce n'est pas cela l'autorité républicaine, l'honneur du maintien de l'ordre ! (M. Guy Benarroche proteste.)

Et que dire de l'article 4, qui ferait de chaque patrouille une opération de surveillance inversée ? Qui contrôle qui ? Où est la frontière entre transparence légitime et défiance institutionnalisée ? Ce texte se trompe de cible : le problème, ce n'est pas la confiance entre la police et la population, c'est l'effondrement de l'autorité. Dans une société où la violence progresse, où les uniformes sont pris pour cible, c'est là que le lien est rompu.

La discrimination doit être combattue, mais sans généraliser la suspicion. La République n'avance pas à coups de généralités culpabilisantes, mais par le discernement et l'équilibre entre liberté et sécurité.

Cette proposition de loi est un renoncement : à l'autorité, à l'universalité républicaine, au soutien dû à ceux qui incarnent la loi. Sans respect de la loi, il n'y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité : il n'y a que désordre, violence et ressentiment.

Nous devons respecter la population, quelle que soit son origine, mais aussi ceux qui nous protègent. La police est un rempart, pas une menace. Ne créons pas une nouvelle ligne de fracture, ne cédons pas aux bons sentiments qui sapent l'autorité légitime de la République. Les liens de confiance ne se décrètent pas à coups de lois de soupçon.

Le groupe Les Républicains votera contre ce texte, par attachement à une République d'équilibre, de responsabilité et de courage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Olivier Henno applaudissent également.)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - Comme François-Noël Buffet l'a rappelé dans la discussion générale, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi. Non pas par dogme : nous ne faisons pas de procès d'intention, cet hémicycle témoignant souvent de son soutien aux forces de l'ordre.

Mais les dispositions proposées aux premiers articles figurent déjà dans le droit commun et font l'objet d'améliorations continues de la part des forces de l'ordre. Des sanctions pénales et administratives sont prévues dans le droit actuel ; il faut les appliquer.

Le récépissé a tout de la fausse bonne idée. Cela rallonge le processus, même si j'ai bien compris que M. Durain souhaitait en réduire le nombre. Si nous rajoutons des informations sur l'origine, la couleur de peau, cela posera problème.

Mme Corinne Narassiguin.  - Je n'ai jamais dit cela.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Si nous voulons prouver le caractère discriminant des contrôles, nous devrons renseigner le fichier des récépissés et ainsi demander la couleur de peau, ce qui est interdit par notre droit. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Discussion des articles

Article 1er

M. Jérôme Durain .  - « Défiance », « loi de soupçon » ? Ce n'est pas du tout cela ! Le groupe SER ne cherche que l'efficacité de l'action de la police. Pas moins de 47 millions de contrôles : 15 millions sur voie routière et 32 millions - au jugé, selon la Cour des comptes ! Mais quel artisan ne sait pas combien d'objets il a fabriqués dans la journée ? Pourtant, concernant la police, nous devrions accepter de ne pas savoir ?

Tout le monde demande la motivation des contrôles. Je cite le rapport Vigouroux : « préciser par voie de circulaire les conditions de réalisation des contrôles d'identité de façon à veiller à ce qu'ils respectent les principes généraux définis dans le code de déontologie de la police et de la gendarmerie ». Proposition 51 : « Veiller à mieux circonscrire les contrôles en les ciblant et les limitant dans le temps et dans l'espace. » Proposition 52 : « Exiger qu'il soit communiqué verbalement les motifs des contrôles d'identité aux personnes contrôlées. » On parle d'une commande des ministres Darmanin et Dupont-Moretti...

Que dit le CEDPN ? Qu'il fallait rendre obligatoire l'usage des caméras-piétons. Ceux qui le demandent, ce sont des policiers eux-mêmes, et non d'affreux apparatchiks gauchistes. Ce sont ceux qui veulent que la police travaille bien.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Très bien !

M. Adel Ziane .  - Ce débat comporte du déni. Ne cédons pas à la facilité. Les Français soutiennent leur police nationale. Au Sénat, ce soutien s'affirme régulièrement. Mais on ne peut pas d'un côté déplorer un sentiment de défiance envers l'autorité et de l'autre ne rien faire pour le réduire.

En 2005, Zyed et Bouna avaient fui un contrôle, car leurs parents avaient confisqué leurs papiers d'identité, de peur qu'ils ne les perdent. Les travaux de François-Noël Buffet lui-même ont montré que les tensions s'étaient aggravées, notamment à cause des contrôles d'identité.

Engager une réflexion sur les contrôles d'identité grandirait la police nationale. Nous souhaitons redonner du sens au travail des policiers, dont près de 40 % d'entre eux trouvent ces contrôles d'identité peu ou pas efficaces.

Évaluer, c'est notre travail de parlementaires, et l'institution policière elle-même le demande.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°282 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 115
Contre 225

L'article 1er est supprimé.

Article 2

Mme Corinne Narassiguin .  - L'article 78-2 du code de procédure pénale fait polémique. L'ancienne directrice de l'IGPN le dit : il est tellement large, tellement mal écrit, il laisse tellement de place à l'arbitraire que les policiers eux-mêmes se mettent en danger.

Je souhaitais restreindre ces contrôles, établir un cercle vertueux remettant en cause les contrôles d'identité comme instrument principal d'interaction avec les jeunes. Il n'est pas nécessaire, pour demander à des jeunes bruyants de se calmer, de recourir à des contrôles d'identité. D'autres moyens moins agressifs seraient plus efficaces.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié de M. Haye et alii.

M. Ludovic Haye.  - Le recours aux réquisitions écrites par le procureur de la République est un cadre légal rigoureux. Ajouter une exigence supplémentaire de demande motivée du représentant de l'État complexifierait la procédure, alors que nous devons rechercher la facilité.

Supprimons l'article 2 pour réaffirmer notre confiance en nos procédures et nos agents.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°6 rectifié bis de Mme Belrhiti et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Défendu.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis favorable. Cet article restreint considérablement les contrôles d'identité dans le cas de troubles à l'ordre public, qui seraient limités à des événements et des manifestations.

Cet article brouille les pistes entre police administrative et judiciaire. Outre la charge administrative supplémentaire pour le parquet, la publication de certaines données fournirait des informations précieuses aux délinquants sur les méthodes des forces de l'ordre.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Avis favorable. La modification apportée est susceptible de créer une confusion entre les régimes judiciaires et administratifs des contrôles d'identité. Cela pourrait s'apparenter à une atteinte à la séparation des pouvoirs. Enfin, la restriction des contrôles à certains événements est excessive.

Mme Corinne Narassiguin.  - Depuis que l'État a commencé à être condamné pour des contrôles administratifs abusifs, il y a de plus en plus de contrôles sur réquisition. Dans de nombreux cas, la police rédige elle-même la réquisition et la fait signer au procureur.

J'ai voulu que chacun prenne ses responsabilités. Si le préfet estime qu'un besoin existe en un temps et en un lieu donné, alors il adresse une demande au procureur, qui pourra toujours prendre par ailleurs des réquisitions de son propre chef.

Mais il faut aussi contrôler ces contrôles par réquisition. Nous n'avons aucune donnée sur leur efficacité. Durant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), les policiers étaient présents partout en Seine-Saint-Denis, mais la population était très contente, parce que la police avait reçu instruction d'avoir un rapport bienveillant avec elle. Cela prouve qu'il est possible de faire autrement.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos4 rectifié et 6 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°283 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 206
Contre 118

Les amendements identiques nos4 rectifié et 6 rectifié bis sont adoptés et l'article 2 est supprimé.

Article 3

Mme Corinne Narassiguin .  - L'article 3 instaure des récépissés. J'avoue ne pas comprendre l'idée saugrenue selon laquelle nous voudrions faire un fichage en fonction de la couleur de peau. À moins que la couleur de peau soit un critère de contrôle, mais là il y aurait un petit problème... (Mme Sophie Primas se récrie.)

Je suis opposée aux statistiques ethniques, contraires à tous les principes républicains.

Les arguments techniques sont aussi fallacieux : aujourd'hui, les amendes forfaitaires délictuelles se multiplient. Si les policiers peuvent enregistrer les motifs d'une amende et les coordonnées du contrevenant, ils doivent pouvoir le faire pour les contrôles d'identité.

Les données afférentes doivent-elles être stockées par la police ? Je prévois précisément pour le savoir que les modalités seront fixées par décret après avis de la Cnil. Mais le récépissé est une nécessité.

M. Yan Chantrel .  - Depuis le début de cette discussion, nous faisons face à une oeuvre de minoration de la part de la majorité sénatoriale et du Gouvernement. Le ministre de l'intérieur n'est même pas présent ! Il préfère se déplacer pour préparer un congrès...

Quand on est attaché à la police et à la sécurité publique, on éradique les contrôles au faciès.

Je vais vous livrer le témoignage d'un collègue parlementaire, d'origine tunisienne : lors d'une année d'études à Sciences Po Paris, il a compté avoir été contrôlé 300 fois, sans motif, en étant parfois victime de brimades. Il n'a commis aucun délit. Que lui était-il reproché ? Sa présence dans l'espace public.

Certains pays agissent en recourant aux récépissés : le Royaume-Uni, l'Espagne, le Canada. Les policiers canadiens doivent justifier un contrôle : soit la commission d'un délit, soit la suspicion d'en commettre un. Ce n'est qu'en agissant en profondeur que nous pourrons faire société et que nous aurons une police qui oeuvre pour la sécurité publique -  ce que vous ne défendez pas. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Catherine Conconne applaudissent.)

M. Guy Benarroche .  - Le Conseil d'État, la Commission européenne, la Défenseure des droits expliquent qu'il faudrait savoir combien de contrôles sont réalisés, pour quelles raisons, et s'ils sont efficaces. Ces contrôles rendent-ils service à la police, au renseignement, au citoyen ?

Vous nous opposez juste que les policiers sont attaqués, ou bien des arguments techniques. Comme si nous ne savions pas, en France, recueillir des données et les traiter !

Notre but est de réduire le nombre de contrôles qui ne servent à rien, pour faire gagner la police en efficacité.

M. Adel Ziane .  - Cet article est vertueux et efficace. Le droit à l'information, grâce à la mise en place du récépissé, ne peut que renforcer le lien entre police et population. Ce récépissé éclaire le citoyen sur la portée légale d'un contrôle, qu'il peut percevoir comme injuste. Nous limitons donc les contrôles abusifs, inutiles et chronophages, pour concentrer l'action policière là où elle est nécessaire.

Il y a 32 millions de contrôles de police chaque année. En réduisant leur nombre, les forces de l'ordre auraient plus de temps pour lutter contre la délinquance.

L'article prévoit un décret en Conseil d'État pris après avis de la Cnil : le risque est limité.

En 2023, le Conseil d'État a reconnu que les contrôles d'identité discriminatoires existaient en France. Le récépissé est un outil de confiance, qui responsabilise les agents et protège les citoyens et les policiers. Ce n'est pas une contrainte, mais une garantie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - Je défends l'attestation de contrôles d'identité depuis longtemps.

J'écoute le récit effrayant de Yan Chantrel sur les 300 contrôles subis par celui qui est devenu l'un de nos collègues. Une question : quand avez-vous été contrôlés pour la dernière fois ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Jamais contrôlée !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Probablement, depuis fort longtemps, dans votre jeunesse...

En réalité, le pouvoir d'État ne sait pas comment imposer un certain nombre de règles à la police. On l'a tenté dans les années 1980 grâce à l'article 78-2 du code de la procédure pénale, puis sous François Hollande avec les caméras-piétons, puis avec le RIO.

Comme vous ne vous sentez pas capables de proposer quelque chose de plus clair, vous restez dans le déni : ça n'existe pas...

L'absence des deux ministres de l'intérieur nous interpelle, même si nous sommes ravis de voir notre ancienne collègue Sophie Primas, qui a sans doute moins mal au ventre au Sénat qu'à la sortie du conseil des ministres.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Je vois que vous avez de saines lectures.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Mes chers collègues, je suis consternée par votre position !

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié quinquies de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement supprime l'article 3. La délivrance systématique d'un récépissé augmentera le temps de chaque contrôle et dissuadera les forces de l'ordre d'en réaliser, notamment dans les quartiers où la petite et moyenne délinquance mine le quotidien.

Il serait incompréhensible que le législateur alourdisse les contraintes qui pèsent sur les forces de l'ordre au lieu de les soutenir. Ce récépissé contribuerait à nourrir la défiance envers elles.

J'ai discuté de cette proposition de loi avec mes deux fils de 21 et 23 ans. L'un des deux a été contrôlé deux fois l'an dernier. Que faut-il en déduire ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Qu'il s'en est bien sorti !

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Qu'il se comportait bien. (Mme Corinne Narassiguin s'indigne.) Il a simplement sorti ses papiers d'identité et tout s'est bien passé. Il arrive à tout le monde d'être contrôlé. (On le nie à gauche.)

M. Yan Chantrel.  - On peut bien se comporter et être contrôlé.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°3 rectifié bis de M. Haye et alii.

M. Ludovic Haye.  - Dans le même esprit, j'estime que ce récépissé constituerait une charge administrative supplémentaire, alors que les contrôles d'identité sont actuellement strictement encadrés. Se posent aussi des questions de protection des données personnelles.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°7 rectifié ter de Mme Belrhiti et alii.

L'amendement n°7 rectifié ter n'est pas défendu.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Avis favorable. L'objectif de traçabilité pose des questions importantes, car le récépissé alourdirait les procédures administratives et affaiblirait les capacités opérationnelles de la police et de la gendarmerie : 47 millions de récépissés !

Il faudrait créer un fichier de masse. Est-ce proportionnel à l'objectif ?

Ensuite, selon la Cour des comptes et le CEDPN, l'objectif pourrait être atteint par des moyens techniques, sans intervention du législateur.

Vous parlez de « minoration », de « déni »... Il y a eu plusieurs débats sous votre majorité. Les faits sont têtus.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Et les caméras-piétons ?

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Les ministres de l'intérieur ont tous rejeté l'idée. Manuel Valls estimait que cela n'apportait pas de solution au contrôle au faciès. Pour lui, c'était une mesure gadget.

Votre proposition alimente la confusion des esprits et la victimisation.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Avis favorable.

Je réagissais aux différentes interventions en discussion générale sur le « contrôle au faciès ». Pour moi, cela implique des conséquences sur la collecte d'informations, qui ne sont ni souhaitables ni constitutionnelles.

Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin.  - Non !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Au Royaume-Uni et en Espagne, on collecte des informations d'ordre ethnique. Les outils et les mentalités sont différents des nôtres.

La police agit déjà pour lutter contre les discriminations. Le droit permet une amélioration continue en ce sens.

Le Gouvernement considère que cet article 3 doit être rejeté.

M. Guy Benarroche.  - Votre défense est bizarre... Vous faites référence à des éléments peu cohérents. Par principe, vous considérez que pour certains textes de loi, il faut des contrôles généralisés de la population ; et là, ce ne serait pas possible ? On contrôlerait le travail de la police ?

Non. Nous voulons juste faire en sorte que la police travaille mieux. Réaliser 47 millions de contrôles n'est pas logique : c'est le fait d'a priori. Instaurer des récépissés réduira drastiquement le nombre de ces contrôles, alors que nous sommes sans doute champions du monde...

Très souvent, les services d'enquête sur le narcotrafic demandent à réduire le nombre de contrôles dans la rue, car cela les pénalise : les personnes sont contrôlées non en raison d'une suspicion d'action, mais en fonction de ce qu'elles sont.

Mme Corinne Narassiguin.  - Le groupe socialiste a tenu aujourd'hui un colloque sur ce sujet. Deux personnes qui ont témoigné sont à l'origine de la condamnation de l'État pour faute lourde sur le contrôle au faciès. Non, le but n'est pas de ficher les personnes en fonction de leur origine ethnique.

Ces deux personnes nous ont dit qu'elles avaient pu porter plainte parce qu'elles étaient accompagnées en sortie scolaire par leur enseignante, qui connaissait un avocat qui a accepté de travailler pro bono. C'était donc un concours de circonstances très particulier.

Si l'on est contrôlé abusivement par la police, on ne va pas porter plainte auprès de la police ! On a besoin des récépissés pour porter plainte, mais aussi pour établir des statistiques et ainsi évaluer la qualité et l'utilité du travail des policiers. Les policiers sont en souffrance et ont besoin de retrouver le sens de leur travail.

M. Jérôme Durain.  - Je suis inquiet sur la question sécuritaire. Je ne suis pas certain que les effectifs budgétaires suffisent à endiguer une menace d'une extrême gravité. Nous sortons de l'examen de la proposition de loi sur le narcotrafic. Je le dirai de façon bestiale : nous avons besoin de policiers qui fassent du boulot utile plutôt que d'aller emmerder des gamins. Quand un môme est contrôlé dans sa commune cinq fois de suite par des policiers qui connaissent son identité et qui viennent la lui redemander, ce n'est pas du travail utile à la société...

Nous nous reverrons sur ce sujet. Sur certains bancs, il faudra clarifier votre position. Soit vous êtes dans le déni, soit vous considérez que les personnes contrôlées ont forcément quelque chose à se reprocher. Le déni et la suspicion ne font pas de bonnes politiques publiques. Dommage, le récépissé était une idée intéressante.

M. Ian Brossat.  - Il n'y a rien de pire que d'expliquer à des gens que ce qu'ils vivent tous les jours n'existe pas.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Ce n'est pas cela !

M. Ian Brossat.  - Des milliers de jeunes hommes et jeunes femmes subissent tous les jours des contrôles au faciès. Vous nous dites que cela nous fait mettre le doigt dans l'engrenage des statistiques ethniques. Le seul responsable politique qui s'y est dit favorable, c'était Bruno Retailleau, le 19 janvier dernier sur BFM... à condition qu'elles n'engendrent pas de discrimination positive... (Rires à gauche)

Ne cherchez pas la défense des statistiques ethniques de notre côté ! (Applaudissements à gauche)

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Madame Narassiguin, la justice a fonctionné. Il ne s'est pas rien passé !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il y a eu condamnation de l'État !

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Parler de déni, c'est faire une extrapolation abusive. (Mme Corinne Narassiguin ironise.) Que faites-vous du discernement des gendarmes et policiers, qui prêtent serment et sont formés ? Il existe aussi des plateformes de signalement, le Défenseur des droits. Dans chaque compagnie de gendarmerie, il y a un référent. Il est toujours possible de saisir le procureur de la République, qui sera juge de l'opportunité des poursuites. Entretenir l'idée d'un déni, c'est manquer de voir la totalité du problème.

Par principe, le contrôle d'identité est une levée de doute. C'est une prérogative du policier et du gendarme, pour prévenir tout trouble à l'ordre public.

Bernard Cazeneuve, qui ne peut pourtant pas être soupçonné de dérive droitière caractérisée, allait dans notre sens.

Mme Corinne Narassiguin.  - Il a eu tort !

M. François Bonhomme, rapporteur.  - On court après le sujet. Faites confiance au discernement des policiers.

M. Jérôme Durain.  - C'est un boulot pour l'opposition.

M. Adel Ziane.  - On rate la cible en refusant de vérifier l'efficacité des contrôles.

Puisqu'on en est à faire de l'archéologie, quand on parle de posture de la police nationale, remontons un peu plus loin. J'ai souvent été contrôlé dans ma jeunesse, pour des raisons qui m'échappent... (On s'en désole sur les travées du groupe SER.)

En 1998, sous le gouvernement Jospin, a été créée la police de proximité, à la suite de la loi Pasqua de 1995, pour « que la police retrouve toute sa place dans la cité ».

Nous voulons une approche fondée sur la présence, l'écoute et la prévention des policiers dans les quartiers : une police du lien, brutalement supprimée en 2003, car Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, a tourné la page d'une police sociale, qui s'est finalement coupée du terrain. Cela a créé un sentiment d'abandon et a rompu la confiance entre la police et la population.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1 rectifié quinquies et 3 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°284 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 224
Contre 117

Les amendements identiques nos1 rectifié quinquies et 3 rectifié bis sont adoptés.

L'article 3 est supprimé.

Article 4

Mme Corinne Narassiguin .  - Cet article 4 instaure l'obligation de l'activation des caméras mobiles lors d'un contrôle d'identité. Actuellement, on incite les policiers à le faire seulement quand les choses tournent mal. Lors d'un recours, on nous explique que la caméra n'a pas été activée, ou qu'elle n'avait pas de batterie. C'est pourquoi on doit inscrire dans la loi cette activation obligatoire, dès le début du contrôle. Le policier doit déclencher la caméra avant même de s'approcher.

Ainsi, nous protégerons aussi les policiers. En effet, la relation entre les forces de police et la population s'est détériorée. Des jeunes contrôlés pour la cinquième fois dans la même journée peuvent adopter des comportements agressifs, et il faut pouvoir protéger le policier qui fait impeccablement son travail. C'est souvent vers la caméra-piéton que l'on se tourne quand on rejette le récépissé, ce que vous venez de faire.

La caméra-piéton est un engagement de la France auprès du Conseil de l'Europe.

Mme Colombe Brossel .  - La droite sénatoriale ne souhaite pas voter pour le récépissé, dont acte. Mais la stratégie des amendements de suppression sur chacun des articles aboutit à ce que la droite sénatoriale vote contre des dispositifs qu'elle a elle-même défendus ou qui sont simplement de bon sens.

Je relisais les arguments de collègues des groupes Les Républicains ou UC lors de débats parlementaires sur la caméra-piéton, par exemple pour la police des transports. Dans un grand nombre de questions écrites, ils demandent l'extension de l'usage des caméras-piétons. Il y aurait des contraintes matérielles difficilement surmontables, nous dit-on ? Pourtant, ce ne sont pas ces arguments qui sont développés dans ces mêmes questions.

Ne faites pas semblant de trouver des arguments raisonnables quand vous votez déraisonnablement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner .  - Merci à nos collègues de droite qui m'ont rajeuni de huit ans, me ramenant à la loi Égalité et citoyenneté. Il avait été décidé d'expérimenter les caméras-piétons. L'objectif était de sécuriser la relation de confiance entre la police et la population. C'était en 2017 ; nous sommes en 2025.

Madame la ministre, que s'est-il passé depuis ? Avez-vous évalué l'expérimentation ? Avez-vous fait en sorte de donner les moyens aux policiers pour tous les équiper ?

J'entends vos remarques sur le récépissé, mais il y avait un consensus potentiel sur les caméras-piétons. Pour moi, un policier qui sort de sa voiture doit immédiatement déclencher la caméra.

L'objectif, c'est que, sur ces dizaines de millions de contrôles, il n'y ait plus un seul contrôle au faciès. J'espère la bienveillance du Sénat.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié de M. Haye et alii.

M. Ludovic Haye.  - L'ambition de la vérité est essentielle, et les enregistrements vidéo y concourent. Si la caméra mobile est appréciée des policiers, dans certaines situations il est difficile de l'activer, si tant est que tous les policiers en soient équipés. C'est pourquoi il faut une formulation plus souple, qui tienne compte de la complexité et de la réalité du terrain.

Évitons toute incertitude juridique pour les forces de l'ordre.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Je comprends l'intention de préciser les conditions de mise en oeuvre de l'article 4, néanmoins vous ne lèveriez pas l'ensemble des difficultés. L'obligation d'enregistrer les interventions pourrait fragiliser les procédures.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Comment ?

M. François Bonhomme, rapporteur.  - On pourrait ainsi annuler des procédures, si la caméra n'a pas été déclenchée. (Mme de La Gontrie le conteste.)

L'activation des caméras individuelles n'est pas systématiquement synonyme de désescalade. Au contraire, elle peut envenimer la situation. Remettons-nous-en au discernement des forces de l'ordre.

M. Patrick Kanner.  - Il faut un cadre.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Vous encouragez une suspicion permanente sur la nature des contrôles, comme si les policiers faisaient toujours un usage dévoyé des contrôles d'identité.

Monsieur Kanner, je vais encore vous rajeunir, de treize ans cette fois-ci. Pourquoi avez-vous à l'époque renoncé au récépissé ? (Protestations sur les travées du groupe SER) D'où ma demande de retrait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - On a instauré la caméra-piéton, et le RIO !

Mme Sophie Primas, ministre déléguée.  - Cet article me paraît inconstitutionnel. Le Conseil constitutionnel a exclu un usage généralisé et discrétionnaire des caméras. Cet article constitue une atteinte généralisée aux libertés individuelles. Avis défavorable à l'article et demande de retrait de cet amendement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela ne tient pas la route !

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Si cet article n'était pas adopté, il n'y aurait plus de texte. Il n'y aurait plus lieu de voter, et donc pas d'explications de vote. Y a-t-il des prises de parole ?

Mme Corinne Narassiguin .  - Je veux remercier les collègues présents, sur toutes les travées. Même s'il n'a pas été surprenant, ce débat éclaire la route qu'il reste à parcourir.

Monsieur le rapporteur, si nous revenons à la charge malgré des promesses non tenues sur le récépissé, c'est parce que les besoins sont encore plus criants. Le problème s'est aggravé et les solutions actuelles sont insuffisantes. Nous avions mis en place le RIO et l'expérimentation des caméras-piétons, mais les preuves de la réalité des discriminations s'accumulent. L'IGPN elle-même l'évoque, et pas seulement la Défenseure des droits.

Tout le monde veut une République qui fonctionne bien, et donc une police républicaine digne de porter ce nom. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Michel Masset applaudit également.)

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 4 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°285 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 123
Contre 202

L'article 4 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Limiter le recours au licenciement économique

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d'au moins 250 salariés, présentée par M. Thierry Cozic et plusieurs de ses collègues

Discussion générale

M. Thierry Cozic, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Je remercie mon groupe qui a rendu possible cette présentation en séance.

Cette proposition de loi limite la distribution de dividendes pour les groupes qui se prétendent en difficulté économique. Le marché ne peut plus tout et la souveraineté industrielle de notre pays ne se brade pas.

Nos concitoyens ne comprennent plus que les grands groupes profitables distribuent des dividendes et, dans le même temps, ferment des sites pourtant rentables. Cette logique financiarisée prédatrice nourrit un capital devenu insatiable.

Nous devons aussi encadrer les 200 millions d'euros de généreuses aides aux entreprises décaissées cette année.

Cette proposition de loi est examinée quand Michelin, Auchan, Sanofi, Valeo, Vencorex ou MA France ferment des sites. Et que dire d'ArcelorMittal ? La liste est vertigineuse. C'est 145 000 destructions d'emplois en 2025. En 2024, on compte 66 000 dépôts de bilan, soit 30 % de plus qu'en 2019.

Depuis la prise de fonction du 47e président des États-Unis, les dirigeants européens ressemblent à des croisiéristes accrochés au bastingage en pleine houle. Pris dans la guerre commerciale sino-américaine, soit nous demeurons dans l'illusion de la protection de l'oncle Sam, soit nous nous jetons dans les bras de l'Empire du Milieu, qui fait de notre continent le déversoir de ses surplus de production.

Nous devons faire la critique du néolibéralisme, qui a éviscéré la base industrielle de notre pays, a détruit la logique d'investissement public de l'après-guerre et a exclu les travailleurs des bénéfices de la croissance. Le politique doit reprendre la main sur l'économique !

Que l'on atteigne 100 milliards d'euros de versements de dividendes et de rachats d'actions cette année illustre la déconnexion de nos marchés. Le capitalisme financier ne vit plus sur la même planète !

Ces groupes sont devenus des monstres. En 2023, 38 groupes du CAC 40 ont réalisé 1 769 millions d'euros de chiffre d'affaires cumulé, soit plus que le PIB de l'Espagne.

Ils évoluent dans un environnement financiarisé qui leur est favorable. La politique d'attractivité leur est destinée. Tout est fait pour attirer les investisseurs étrangers, en assurant des rendements élevés. Baisse de la fiscalité des sociétés, fiscalité allégée pour les expatriés étrangers : une telle débauche de moyens pourrait au moins avoir des résultats sur l'emploi. Non ! La part de l'emploi industriel est passée de 16,4 à 15,5 %. En revanche les dividendes ont crû de 46 % depuis 2017 et les rachats d'action de 286 %.

Comment comprendre que Michelin supprime 1 254 emplois, quand il a versé 1,4 milliard d'euros de dividendes aux actionnaires l'année dernière ?

En 2019, un euro sur cinq de profit allait vers les actionnaires. C'est désormais un euro sur deux. Au bout de la course au moins-disant social, ce sont les salariés qui paient.

Comment croire que l'article 1er puisse être un repoussoir pour les investisseurs quand, dans notre pays, 100 milliards d'euros de dividendes et rachats d'actions ont été versés, record historique en Europe ?

Les plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont augmenté de 30 % entre 2023 et 2024. Pourtant, en 2022, 25 % des entreprises ayant procédé à ces plans affichaient une rentabilité positive.

Laisser faire, c'est continuer à éventrer notre industrie.

Cette proposition de loi agit aussi sur l'allocation des ressources publiques de la production. L'article 2 interdit le versement d'aides pour trois ans en cas de licenciement économique abusif ou exige leur remboursement en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Nous le voyons au sein de la commission d'enquête, les aides publiques sont hors de contrôle. Quelque 300 milliards d'euros d'aides publiques sont versés chaque année aux entreprises. Dans les années 1980, c'était 10 milliards d'euros par an.

Le capitalisme du XXIe siècle déstabilise les chaînes de production de notre pays. De grands groupes utilisent des PSE abusifs et délocalisent dans les pays de l'Est, alors qu'ils ont bénéficié de généreuses aides publiques. Cela doit cesser.

Je sais toute notre assemblée concernée par notre industrie. Il y a deux jours, un journaliste s'interrogeait sur les maigres chances de réussite de cette proposition de loi. Il me parlait de symbole, mais nous ne pouvons plus nous en contenter ! On doit s'interroger sur le lien entre capitalisme et démocratie.

Romain Rolland disait : « La fatalité, c'est l'excuse des âmes sans volonté. »

Soit nous continuons à voir les salariés comme des charges, soit nous devons envoyer un signal aux grands groupes, qui doivent comprendre que le capital ne peut fleurir sur le dos des salariés.

La France n'est pas à vendre, et les salariés non plus. Cette proposition de loi a le mérite de le dire franchement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Monique Lubin, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Cette proposition de loi limite le licenciement économique dans les entreprises de plus de 250 salariés. La multiplication des PSE appelle une réponse rapide du législateur contre les abus.

Le licenciement pour motif économique permet une rupture du contrat de travail autorisée par des raisons externes : les difficultés économiques. Les critères ont été peu à peu précisés par le juge et codifiés par le législateur. Ils sont au nombre de quatre.

Dans 46 % des cas, les entreprises qui ont procédé à un PSE en 2024 invoquent des difficultés économiques. Suivent ensuite des raisons plus générales, de transformation de l'emploi en raison de l'évolution technologique, puis le critère de la réorganisation de l'entreprise nécessaire à sa compétitivité. Ce dernier est le plus invoqué par les entreprises de plus de 250 salariés. Enfin, la dernière condition est la cessation définitive de l'activité de l'entreprise.

Depuis l'ordonnance de 2017 dite Macron, les causes de licenciements sont appréciées au niveau de l'entreprise sur le territoire national : un groupe peut être très rentable au niveau européen ou mondial, tout en licenciant pour motif économique dans un de ses établissements français.

Les PSE sont censés favoriser le reclassement des salariés ou la reprise des activités. En pratique toutefois, ils aboutissent à un licenciement pour 63 % des salariés concernés.

De 2023 à 2024, le nombre de PSE a augmenté de 30 %, et 129 procédures ont été enclenchées entre le 1er janvier et le 28 février 2025. Plus de 77 000 emplois risquent d'être supprimés au titre des PSE de 2024, et cet étiage devrait être dépassé en 2025. Or il est difficile de retrouver un emploi dans un bassin d'emploi sinistré à la suite d'un PSE.

Le code du travail, allégé en 2016 et 2017, est inadapté pour caractériser les « difficultés économiques » justifiant le licenciement.

Certaines opérations financières, certes légales, choquent quand elles interviennent en même temps que des licenciements collectifs. La distribution massive de dividendes, la poursuite d'un programme d'actionnariat salarié en faveur des dirigeants traduisent-elles des difficultés économiques réelles ? Ne devraient-elles pas faire obstacle au licenciement économique ? Et quand l'entreprise a bénéficié d'aides publiques telles que le CIR ou d'exonérations de cotisations patronales ?

Michelin a annoncé la suppression de 1 254 emplois après avoir versé 1,4 milliard d'euros de dividendes en 2024. Sanofi entend supprimer 330 postes après avoir reçu 100 millions d'euros de CIR, distribué 4,4 milliards d'euros de dividendes en 2023 et racheté 600 millions d'euros d'actions. ArcelorMittal, qui négocie un PSE pour 637 emplois, a distribué 200 millions d'euros de dividendes par an en moyenne sur les dix dernières années.

L'article 1er interdit les licenciements économiques aux entreprises de plus de 250 salariés qui ont, durant leur dernier exercice, distribué des dividendes, octroyé des actions gratuites ou racheté des actions. Idem si elles ont réalisé un résultat positif, ou bien bénéficié du CIR ou des allègements généraux de cotisations patronales.

L'article 2 propose de priver l'entreprise de certaines aides publiques afin de dissuader les licenciements économiques abusifs, alors que les ordonnances Macron ont réduit les risques encourus.

Il ne s'agit nullement d'administrer les entreprises, ou de revenir au droit antérieur à la loi du 3 juillet 1986, qui a supprimé l'autorisation administrative préalable au licenciement pour motif économique - autorisation à laquelle, à titre personnel, j'étais favorable.

Il ne s'agit pas non plus d'interdire ces licenciements. Pas question d'obliger une entreprise à s'entêter dans une activité non rentable. Le texte vise les entreprises non vertueuses, dans un souci de cohérence et de moralisation. Si elle distribue des dividendes, l'entreprise ne peut être dite en difficulté.

C'est aussi une question de justice. Les risques de l'activité économique doivent être supportés équitablement par les salariés et par les actionnaires. Quand le PSE intervient alors que l'on distribue des dividendes, la répartition de l'effort est manifestement déséquilibrée.

Cet encadrement limiterait également les licenciements boursiers, visant uniquement à accroître à court terme la valorisation de l'entreprise.

La proposition de loi est équilibrée. Les licenciements économiques resteront possibles, seuls les excès de certains groupes sont empêchés. Elle ne résoudra pas tout : c'est une étape vers le rééquilibrage du droit du travail en faveur de la protection des salariés.

J'ai proposé à la commission des affaires sociales de la soutenir. Elle ne l'a toutefois pas adoptée, sa majorité jugeant nécessaire que les entreprises puissent s'adapter aux évolutions économiques pour rester compétitives. J'espère que nos débats aboutiront à une issue différente. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Cette proposition de loi interdit de procéder à des licenciements économiques aux entreprises ayant versé des dividendes, distribués des actions gratuites ou racheté des actions, au motif que cela refléterait l'absence de difficultés économiques, et impose de rembourser les aides publiques en cas de licenciement abusif.

Malgré un taux d'emploi record et un taux de chômage parmi les plus faibles en quarante ans, la situation de l'emploi reste tendue. Les PSE n'en sont que la partie la plus visible.

Je sais les conséquences de ces suppressions d'emplois sur les salariés, leurs familles et sur les territoires. En 2024, 665 PSE ont été initiés, contre 511 en 2023. Il faut toutefois relativiser : on comptait 861 dossiers en 2020, à la suite de la crise sanitaire, et 2 245 en 2009, à la suite de la crise financière. Les PSE de 2024 représentent 77 000 ruptures prévisionnelles de contrats, contre 55 000 en 2023. Ces chiffres sont à rapprocher des créations nettes d'emplois : 107 000 en 2024, 262 000 en 2023. Il faut regarder les flux d'entrée et de sortie.

À ces difficultés, vous répondez en restreignant la possibilité pour les grandes entreprises de recourir au licenciement économique et en obligeant les entreprises condamnées pour licenciement abusif à rembourser certaines aides publiques perçues.

Si je ne partage pas l'approche des auteurs, je suis très attentive aux travaux de la commission d'enquête pilotée par Olivier Rietmann et Fabien Gay. La conditionnalité des aides publiques fait débat depuis des années ; elle avait été écartée lors de la création du CICE, en 2013.

Aujourd'hui, la proposition de sanctionner des entreprises contraintes de licencier semble inadaptée. On exposerait à l'incertitude nombre d'entreprises qui bénéficient d'allègements de cotisations patronales. Selon la Drees, les cotisations patronales, même après allègements généraux, représentent 10 % du PIB en France, contre 7 % en Allemagne et dans l'Union européenne.

Le CIR vise à soutenir les dépenses de R&D des entreprises : il serait étrange de le conditionner a posteriori à un objectif d'emploi.

Oui, certains comportements sont choquants, certaines méthodes indignes. Faut-il y répondre par une mesure générale qui rigidifie le droit du travail, et modifier les critères d'appréciation des difficultés économiques ? Le code du travail prévoit un dispositif suffisant pour éviter, sous le contrôle du juge, des licenciements économiques abusifs.

Pour les auteurs de la proposition de loi, le versement de dividendes, l'attribution des actions gratuites ou le rachat d'actions seraient la preuve de l'inexistence de difficultés économiques, de leur mauvaise foi, donc de l'illégitimité des licenciements économiques.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Oui.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - Le dividende est le revenu du capital, c'est-à-dire de l'investissement, dont notre économie a tant besoin. Rappelez-vous la phrase d'Helmut Schmidt : « les profits d'aujourd'hui sont les emplois d'après-demain ».

La notion de difficulté économique est définie dans le code du travail : il serait contre-productif d'introduire des critères matériels non pertinents. Le contrôle de l'administration est réel. L'assouplissement du droit du licenciement en 2016 et 2017 n'a donné lieu à aucune dérive.

Si nous voulons limiter les destructions d'emplois, nous devons aussi veiller à ne pas freiner les créations d'emplois, et regarder le solde net.

Faible croissance, incertitudes : l'année 2025 pourrait être plus difficile que 2024. Nous sommes mobilisés pour apporter des réponses, veiller à la qualité des PSE et aider les entreprises à faire face sans détruire l'emploi, grâce à l'activité partielle de longue durée rebond (APLD-R). Les PSE sont souvent mixtes et comportent aussi des départs volontaires. Nous privilégions la continuité salariale et professionnelle en protégeant les salariés et en mobilisant les dispositifs adaptés. Avec Catherine Vautrin, nous avons demandé aux partenaires sociaux de se remettre autour de la table pour parler transition et reconversion. Si un compromis est trouvé, il pourra être repris dans le projet de loi de transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI).

Il faut aussi challenger les directions sur les plans de revitalisation, comme nous l'avons fait avec Michelin, améliorer l'information des CSE sur les aides publiques existantes, faire de la compétence un sujet de discussion au niveau des branches et des entreprises.

Nous disposons d'outils, certes perfectibles, pour faire face aux difficultés. Inutile d'introduire des rigidités contre-productives - elles n'existent pas dans les pays d'Europe du Nord qui concilient pourtant base industrielle forte, protection sociale élevée et cohésion sociale. On peut faire mieux avec l'existant. (Mme Pascale Gruny applaudit.)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les plans sociaux se multiplient ; au deuxième trimestre 2024, les licenciements économiques étaient une hausse de 5 % par rapport au trimestre précédent. Paradoxalement, 25 % des entreprises concernées affichent pourtant une rentabilité nette positive.

On observe un décalage croissant entre la situation des entreprises et les motifs invoqués pour licencier. Ancien chef d'entreprise, je m'étonne de ces licenciements brutaux quand l'entreprise bénéficie de subventions ou de crédits d'impôt.

Les aides publiques aux entreprises représentent plusieurs dizaines de milliards d'euros - d'où la question de leur conditionnalité. Chaque euro d'argent public injecté dans l'économie doit être efficace, sans quoi ces investissements devraient être récupérés.

La proposition de loi de M. Cozic interdit les licenciements économiques aux entreprises de plus de 250 salariés qui ont un résultat positif, ont bénéficié d'aides publiques ou réaffecté leur bénéfice hors de la production. Un bémol toutefois, s'agissant du résultat net comme de la privation de certaines aides publiques, car il faut tenir compte de la crise économique, des mutations technologiques...

Il ne s'agit pas d'impacter la liberté des PME mais de renforcer l'efficacité de nos investissements collectifs, de s'assurer du patriotisme économique des entreprises et d'éviter des drames sociaux injustes.

L'objectif doit être de maintenir une main-d'oeuvre qualifiée sur notre sol. Le Sénat attend avec impatience les conclusions de la commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises.

Le RDSE sera divisé sur ce texte. Chaque membre votera individuellement.

M. Olivier Henno .  - Cette proposition de loi est le prototype d'une mauvaise réponse à une question légitime.

Sa temporalité interroge, alors que la croissance faiblit, que le chômage risque d'augmenter, et que les entreprises ont au contraire besoin de plus de souplesse.

La réalité économique est rude par nature, mais les mesures de gestion, dont les licenciements économiques, sont parfois indispensables, sous peine de sacrifier l'avenir.

L'entreprise se doit d'être profitable : cela garantit ses capacités d'investissement et d'embauche. La profitabilité n'est pas le diable !

Il peut y avoir de vilains petits canards, mais pour la majorité des entreprises, le licenciement économique est la mesure ultime. Pour des raisons morales, mais aussi d'efficacité, car la richesse de l'entreprise, c'est son capital humain, ses salariés, son savoir-faire. Les dirigeants d'entreprise ont à coeur de le préserver.

Retarder des mesures de gestion et donc les licenciements fragilise l'entreprise et rend son avenir incertain. Les gouvernements qui s'y sont risqués sont toujours revenus en arrière : cela avait au mieux retardé l'échéance, au pire tué les entreprises, et coûté cher au contribuable.

Il ne s'agit pas de défendre un libéralisme brutal et inhumain, mais de s'inspirer du modèle rhénan. Humaniser les mesures de gestion ne passe pas par des normes, par une législation plus contraignante, mais par un paritarisme refondé et un dialogue social confiant.

L'État doit concentrer ses moyens sur les filières stratégiques, à commencer par l'industrie sidérurgique - c'est l'élu des Hauts-de-France qui parle. ArcelorMittal a réaffirmé sa volonté d'investir 1,2 milliard d'euros dans la décarbonation, et autant pour un four électrique. Dont acte - mais rappelons que la préservation de la filière acier est un objectif national.

La France doit retrouver sa compétitivité et sa capacité à créer de la richesse. Aussi nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cette proposition de loi est une excellente chose. Auchan, Michelin, Valeo, Vencorex... Comment accepter que des groupes qui réalisent des bénéfices licencient pour motifs économiques ?

Cette absurdité est le résultat de la politique de libéralisation du code du travail menée depuis 2015.

Alors que les plans sociaux se multiplient dans tous les secteurs, le Gouvernement doit agir pour préserver l'emploi et nos industries.

Il ne s'agit pas d'administrer l'économie mais de moraliser le capitalisme et de protéger notre souveraineté.

Quand ArcelorMittal supprime 600 emplois alors qu'il a versé 600 millions de dividendes l'an dernier et qu'il a reçu 364 millions d'euros d'aides publiques depuis 2013, nous sommes bien face à des licenciements boursiers - que notre groupe avait proposé d'interdire.

Ces plans de licenciement sont inacceptables. Je pense aux travailleurs des usines de Dunkerque, Fos-sur-Mer et Florange. C'est un coup de massue, l'injustice étant aggravée par la difficulté à retrouver un emploi et la réduction de la durée d'indemnisation chômage.

Les entreprises sont gavées d'argent public : on compte 2 210 dispositifs d'aides publiques, sans aucune transparence.

Les entreprises demandent sans cesse des aménagements supplémentaires pour faire des gains de productivité. Lorsque les actionnaires jugent la rentabilité insuffisante, ils ferment tout, sans évidemment réparer les dégâts ou rembourser les aides publiques.

Les auditions de la commission d'enquête montrent combien il est difficile d'extraire les entreprises de leur dépendance aux aides publiques. Ceux qui défendent l'économie devraient prôner la suppression de ces aides qui nuisent à la libre concurrence et relèvent de l'économie administrée !

C'est pourquoi nous soutenons l'article 2, qui impose le remboursement en cas de licenciement économique abusif. Les entreprises hésiteront avant de lancer un PSE.

Le groupe CRCE-K votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Depuis des années, les gouvernements tolèrent que des grandes entreprises, pourtant rentables, ferment ou multiplient les plans de licenciement, nommés dans le langage orwellien « plans de sauvegarde de l'emploi ».

En novembre dernier, le ministre de l'industrie s'attendait à une multiplication des plans sociaux. De janvier à mars, 18 000 procédures collectives ont été ouvertes. Fin février, on atteignait 66 000 défaillances sur douze mois ; l'année dernière, 89 sites industriels ont fermé.

C'est dévastateur pour l'emploi et pour les territoires. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) table sur un taux de chômage de 8,5 % fin 2026. Une hausse aggravée par votre politique austéritaire : les coupes sur la mission « Travail et emploi » détruiront 77 000 emplois en 2025 et 54 000 en 2026.

Les aides publiques aux entreprises, elles, sont passées de 10 milliards d'euros en 1979 à 160 milliards aujourd'hui, sans contrepartie sociale ou écologique, ni évaluation ou contrôle.

ArcelorMittal a reçu 850 millions d'euros pour la décarbonation du site de Dunkerque, sans mettre en oeuvre son projet, puis 300 millions d'euros en 2023, et supprime 600 emplois après avoir versé 433 millions d'euros de dividendes en 2024. Michelin ferme les sites de Chollet et Vannes, avec 1 200 salariés, après avoir perçu 42 millions d'euros de CIR en 2023 et versé 1,5 milliard d'euros de dividendes et d'actions. Auchan supprime 2 400 emplois après avoir bénéficié de 630 millions d'aides fiscales et de 1,3 milliard d'euros d'exonération de cotisations sociales en dix ans.

Le Gouvernement, qui répète qu'il faut couper dans les dépenses, refuse d'interroger l'utilité de ces aides, alors que la Cour des comptes déplore le peu de contrôles, et que plusieurs études remettent en doute l'efficacité du CICE, du CIR ou des exonérations de cotisations sociales.

Lorsqu'un foyer reçoit indûment des aides de la CAF, il doit les rembourser. Lorsqu'un bénéficiaire du RSA ne respecte pas les conditions prévues par la loi, l'allocation peut être suspendue.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Exactement !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Quid des aides aux entreprises ? Quelles contreparties ? Quelles sanctions ? Quelle évaluation ?

Ce deux poids deux mesures devant la dépense publique doit cesser. Le GEST votera cette proposition de loi, dont je remercie l'auteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Simon Uzenat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi écrit un nouveau chapitre de la responsabilisation sociale de l'économie, en interdisant les licenciements économiques des entreprises de plus de 250 salariés qui ont des stratégies prédatrices.

Nous voulons éviter des drames sociaux et humains.

Nous n'avons pas de problème avec l'économie et la rentabilité. Mais les Français nous attendent face à ces PSE utilisés pour augmenter les dividendes au profit des actionnaires - à la différence des PME dont les dirigeants protègent leurs salariés.

C'est un bel exemple de socialisation des pertes et de privatisation des profits. Les aides publiques, l'accompagnement social des salariés licenciés pèsent sur le contribuable. Comme l'a dit Patrick Pouyanné : « L'argent de l'État, c'est l'argent des Français ». Nous sommes parfaitement d'accord ! (Mme Cathy Apourceau-Poly s'en amuse.)

Je m'arrêterai sur le cas de Michelin : le site de Vannes, qui était rentable, comme celui de Cholet, a vu sa diversification engagée bien trop tardivement. Pour autant, 1,4 milliard d'euros de dividendes et de rachats d'actions ont été réalisés en 2024 - alors que l'on supprimait 1 254 emplois d'un trait de plume. Entre 2019 et 2024, la valeur de l'action Michelin a augmenté de 46 %, et encore de 2,2 % en 2025. C'est une course sans fin au profit, mais la fin de la course pour les salariés.

Les inégalités explosent et l'emploi industriel trinque. Notre souveraineté en paie le prix.

Les PSE ont augmenté de 30 % entre 2023 et 2024. Ils concernent 77 000 salariés, 40 % de plus qu'en 2023. Nous ne parlons pas de contrats, mais d'êtres humains qui ne sont pas interchangeables, madame la ministre : les moins ne peuvent être compensés par les plus.

Chers collègues Les Républicains, qui vous faites les chantres de la lutte contre l'assistanat, il existe en l'espèce un assistanat en faveur des actionnaires. J'espère que vous prendrez la bonne décision.

Nous voulons limiter cet assistanat en limitant les licenciements économiques. Pile, les actionnaires gagnent, face, les salariés perdent. Que les actionnaires gagnent toujours, au grattage ou au tirage, nuit à la cohésion de notre pays.

Comme nous, les Français comprennent les difficultés économiques des entreprises et certaines décisions parfois douloureuses. Mais ils n'acceptent pas les dérives de la financiarisation de l'économie, qui consument des vies, des compétences et des territoires. Nous ne pouvons l'accepter au Sénat.

Oscar Wilde disait : « La fatalité veut que l'on prenne toujours les bonnes résolutions trop tard. » Je vous invite à réagir à temps. C'est pourquoi, avec conviction et détermination, nous apportons un soutien total à la proposition de loi de notre collègue Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Michel Masset applaudit également.)

M. Jean-Luc Brault .  - Patron d'une PME qui pèse 80 millions d'euros sur mon territoire, j'ai préféré vendre ma boutique plutôt que d'être un jour amené à licencier... Diriger une entreprise est un combat de tous les jours. Il faut trouver des clients, produire, vendre et se faire payer. Le chef d'entreprise doit rémunérer ses salariés, investir pour projeter son entreprise dans l'avenir et, parfois, rémunérer ses actionnaires pour s'assurer de la pérennité de leur investissement.

Les entreprises de ce pays nous rendent fiers. Sans ces chefs d'entreprise, pas de richesse dans nos territoires. C'est la vérité, même si cela déplaît aux dirigistes de tout bord, qui rêvent de voir les entreprises gérées par l'État. Il en est incapable : qu'il apprenne d'abord à gérer nos finances !

Certaines aides n'auraient peut-être pas dû être versées, certes, et devraient même, dans certains cas, être remboursées -  mais interdire les licenciements aux entreprises ayant reçu des aides n'est pas acceptable.

Ces dispositifs existent pour des raisons précises. C'est parce que les charges sociales patronales sont beaucoup trop élevées qu'il y a des allègements de cotisations sociales et un CICE ; parce que les impôts qui pèsent sur nos entreprises minent leur compétitivité que nous avons un CIR, pour qu'elles puissent investir dans l'innovation.

Ce sont les crédits d'impôts pour les grandes entreprises nationales qui posent problème : quand elles licencient, elles devraient rembourser.

Les licenciements économiques sont très encadrés par le code du travail. Sinon, gare aux oreilles. Le caractère réel et sérieux du motif économique est vérifié par l'administration et peut être contesté devant les tribunaux.

Chers collègues socialistes, interdire aux entreprises de licencier...

M. Thierry Cozic.  - On n'interdit pas !

M. Jean-Luc Brault.  - ... ne sauverait pas les emplois. Quand une entreprise va mal, elle doit réaliser des économies de fonctionnement. Lui imposer de garder des salariés est contreproductif et inutile. Pire, cette interdiction entraînerait plus de licenciements dans un futur proche, voire la disparition de l'entreprise. On ne licencie jamais avec plaisir, mais c'est parfois nécessaire pour sauver les emplois restants.

Ce débat n'est pas inutile, mais pour remplir votre objectif, il y a plus efficace : interdire les difficultés économiques. (M. Thierry Cozic proteste.) Ce serait beaucoup plus simple !

Remettons ensemble notre pays en marche ! Le groupe Les Indépendants s'opposera à cette proposition de loi.

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous partageons votre constat sur la désindustrialisation de la France. Depuis 1980, 50 000 emplois ont été détruits chaque année dans nos usines. Chaque territoire est concerné par des fermetures de site, des pertes d'emplois. Quelle que soit notre sensibilité politique, nous nous battons pour en sauver le maximum.

Mais nous divergeons sur les solutions. En proposant des mesures très coercitives, vous témoignez à nouveau de votre vision erronée du monde. Vous voulez interdire aux entreprises de recourir aux licenciements économiques quand elles réalisent des profits ou distribuent des dividendes.

Or les licenciements font partie de la vie économique. Nos entreprises ne licencient pas par plaisir ou facilité, mais par contrainte, qu'elles soient en situation de crise ou qu'elles cherchent à préserver leur compétitivité. L'économie mondiale impose une adaptation permanente de l'offre à la demande ; elle sanctionne l'inadaptation des savoir-faire. Le licenciement, solution douloureuse, est parfois le dernier recours pour préserver l'entreprise et maintenir des emplois. Aucune entreprise n'est éternelle. Si elle ne s'adapte pas, elle disparaît.

Voilà ce qui nous différencie des derniers partisans de l'économie dirigée qui, par leur idées fausses et dangereuses, dénaturent le débat. Non, on ne protégera pas l'emploi en France en multipliant les obstacles au licenciement, ni en agitant l'épouvantail des licenciements boursiers pour stigmatiser l'ensemble des entreprises.

Un peu de pédagogie : les dividendes servent à rémunérer une prise de risque des actionnaires, qui peuvent être petits, par exemple des retraités qui souhaitent diversifier leur épargne. En quoi est-ce blâmable ? Ils pourraient choisir d'autres placements, sans emploi à la clé. Je suis sûre que vous placez une partie de vos économies et en attendez un revenu : on peut l'assimiler à un dividende.

Quant aux grands investisseurs, réjouissons-nous qu'ils choisissent encore la France ! Votre proposition de loi est un repoussoir à la création d'activité dans notre pays.

Vous voulez interdire les licenciements dans les entreprises ayant bénéficié du CIR, et privez même l'entreprise, pendant trois ans, de certaines aides publiques en cas de licenciement économique. Or la finalité du CIR n'est pas de maintenir l'emploi mais bien de soutenir l'effort de R&D. Les allègements de charges sociales sont indispensables pour atténuer une fiscalité sur le travail trop élevée.

L'arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012 s'était traduite par un matraquage fiscal inédit, avec 50 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires - suivi de la création du CICE, pour atténuer la bombe fiscale. C'est une énième illustration du mal français : on crée des impôts et des taxes très élevés, puis on en atténue les effets par des dispositifs complexes, qui serviront à jeter l'opprobre sur les entreprises... Vous vous plaignez d'un mal dont vous chérissez les causes !

Vous défendez une vision punitive de l'entreprise, au lieu de soutenir l'emploi et la réindustrialisation. Alors que nos voisins facilitent l'investissement, vous préférez la sanction. Au lieu de créer un cadre stable et incitatif, vous dissuadez d'investir en France. Au lieu de traiter les causes de la désindustrialisation, vous en accélérez le processus.

Les allègements de cotisation concernent toutes les entreprises de plus de 250 salariés : aucune ne pourrait plus licencier ! Il faut au contraire raisonner au cas par cas, chaque entreprise étant différente.

Rien n'interdit en revanche d'améliorer les contrôles. Quand une entreprise ne respecte pas ses engagements, elle doit rembourser. Le code du travail encadre déjà strictement le licenciement économique : s'il n'est pas justifié, le juge peut l'annuler.

La commission d'enquête présidée par Olivier Rietmann travaille sur ces aides aux grandes entreprises. Attendons les conclusions du rapporteur Fabien Gay avant d'envisager des évolutions.

Nous croyons à la liberté, à un État qui encourage et accompagne, pas à un État qui contraint. Il faut assumer la réalité de l'économie de marché pour lutter contre ses effets. On peut anticiper les conséquences sociales des restructurations, prévenir l'exclusion des salariés les plus vulnérables, engager une politique de réindustrialisation de notre pays.

Partout, les élus se mobilisent pour sauver les emplois. Je rappelle toujours aux représentants du personnel que venir vers nous quand l'entreprise n'investit plus depuis trois ans ne sert à rien. C'est le premier signe qu'il y a un problème.

Les solutions sont bien connues : baisser le coût du travail, mettre fin aux surtranspositions, accélérer le programme sur le nucléaire pour baisser le coût de l'énergie, pratiquer la préférence européenne dans les achats publics, encourager la recherche et l'innovation pour anticiper les ruptures technologiques. Voilà notre boussole, pour que la France redevienne un grand pays industriel et retrouve le plein emploi.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

M. Stéphane Fouassin .  - Si l'intention est compréhensible, ce texte nous inspire de nombreuses réserves. Il procède d'une conception rigide du fonctionnement des entreprises. De fait, une entreprise peut être contrainte de se restructurer tout en présentant une performance globale. Cela ne relève pas d'un abus, mais d'une gestion stratégique responsable dans un environnement incertain.

En rigidifiant la capacité d'évolution des entreprises, le dispositif proposé risquerait d'entraîner des destructions d'emplois. En outre, le caractère automatique des sanctions prévues contrevient à des principes fondamentaux du droit.

S'agissant des aides publiques, des travaux parlementaires sont en cours sur le remboursement des aides indûment perçues.

Enfin, songeons à la portée de ce texte sur notre attractivité. Les grandes entreprises sont aussi celles qui investissent et forment. Elles sont tenues à l'exemplarité, mais doivent aussi pouvoir s'adapter, notamment pour anticiper les transformations.

Une économie moderne et ouverte ne se construit pas par des injonctions punitives, mais par la confiance entre l'État, les entreprises et les salariés. Le RDPI votera contre cette proposition de loi. (Mme Pascale Gruny s'en félicite.)

Discussion des articles

Avant l'article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°1 de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous revenons sur la définition du licenciement économique. Les motifs ont été fortement assouplis par les lois Macron et El Khomri et les ordonnances Pénicaud. Résultat : les licenciements massifs n'ont jamais été aussi faciles !

Alors que la dérégulation de l'économie a provoqué une dérégulation du marché du travail, les salariés ne sont plus considérés que comme des coûts à réduire, externaliser ou délocaliser.

Revenons sur la définition actuelle pour subordonner le recours au licenciement économique à des critères stricts.

Mme Monique Lubin, rapporteure.  - L'amendement redéfinit les motifs du licenciement économique en revenant notamment sur la loi Travail de 2016. En outre, il supprime le périmètre national pour apprécier les difficultés économiques ou les mutations technologiques dans une entreprise appartenant à un groupe international. La commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, j'estime cet amendement bienvenu pour rééquilibrer le droit en faveur des salariés.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre.  - La redéfinition du licenciement économique a permis de lever des freins à l'embauche et d'éviter la multiplication des contrats à durée déterminée. Il n'est pas opportun d'y revenir.

Selon l'Insee, 25 % des entreprises industrielles considèrent que les difficultés de recrutement limitent leur production, contre 7 % en 2006. Les besoins de recrutement dans le secteur industriel sont estimés à 90 000 par an d'ici à 2030.

Ce n'est pas avec ce genre de propositions que l'on facilitera les embauches : avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°1 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°285 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 115
Contre 226

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Article 1er

M. Thierry Cozic.  - Contrairement à ce qui a été prétendu, cette proposition de loi ne change pas les éléments constitutifs d'un PSE. Simplement, nous rappelons avec force que, lorsqu'une entreprise se prévaut d'un PSE, elle ne doit pas pouvoir verser de dividendes. Nous répondons ainsi à la contradiction consistant pour des entreprises profitables à fermer des sites tout en touchant des aides publiques.

Voilà huit ans qu'Emmanuel Macron est au pouvoir. Le moment est venu de faire le bilan de la politique de l'offre et de la théorie du ruissellement.

La dette publique culmine à 3 300 milliards d'euros, les défaillances d'entreprises explosent et 400 000 emplois ont été détruits en un an, en dépit du versement de 300 milliards d'euros d'aides publiques et alors que les dividendes et rachats d'actions battent des records.

Nos concitoyens ne peuvent plus l'accepter, et j'en appelle à la responsabilité de chacun.

M. Simon Uzenat.  - Certains ne veulent pas comprendre ce que nous proposons. Il ne s'agit pas d'économie administrée ni d'interdire les licenciements. Mais vous balayez d'un revers de la main la façon dont les Français perçoivent les situations dont nous parlons.

Nous savions le Président de la République adepte d'une forme d'arrogance. Il est à craindre qu'elle n'ait contaminé un certain nombre de responsables nationaux...

Oui, les petits actionnaires prennent des risques et méritent d'être rémunérés pour cela, mais leur responsabilité doit être interrogée : acceptent-ils de toucher des dividendes un peu moins élevés pour préserver l'emploi en France ?

Quand il s'agit des entreprises, les aides publiques ne semblent pas poser problème au Gouvernement. Vous voulez un État qui contraint pour les uns, pas pour les autres. Nous voulons l'égalité républicaine.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°286 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 115
Contre 225

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Le rejet de cet article entraînerait celui de l'ensemble du texte.

M. Thierry Cozic .  - L'article 2 confie au juge le soin d'établir si le licenciement est abusif ou non et, le cas échéant, de contraindre l'entreprise à rembourser les aides publiques perçues ou à ne plus en percevoir à l'avenir.

Je remercie le groupe SER d'avoir retenu cette proposition de loi, sur laquelle je travaille depuis plusieurs années. Le débat ne s'arrêtera pas ce soir. En particulier, la commission d'enquête présidée par Olivier Rietmann et dont Fabien Gay est rapporteur fera des propositions.

Nous devons dépasser les dogmatismes. Nos concitoyens ne comprennent pas que des groupes licencient alors qu'ils bénéficient d'aides publiques. Ce n'est pas supportable, au moment où des efforts sont demandés à chacun.

M. Simon Uzenat .  - Ce texte répond à une attente et exprime une volonté politique. Nous avons pris des engagements devant nos électeurs pour changer le cours des choses. Nous ne promettons pas la Lune, mais agissons en responsabilité, ici comme dans les collectivités territoriales que nous gérons.

La concurrence internationale, nous en sommes pleinement conscients. Le monde évolue, et nous devons nous doter d'outils pour préserver l'emploi en France et en Europe. Dans la commission d'enquête que je préside et dont Dany Wattebled est rapporteur, je vois qu'en matière de commande publique, l'idée de préférence européenne fait son chemin.

Nous ne sommes pas opposés à la rémunération du capital, mais dans des proportions raisonnables, qui préservent notre outil industriel, nos emplois et nos compétences, indispensables à notre souveraineté.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - Je suis plutôt connue pour ne pas être dogmatique et porter une parole libre.

Selon l'Insee, 35 000 emplois industriels ont été créés en 2023, puis 25 000 en 2024. Entre 2019 et 2023, 1,3 million d'emplois salariés ont été créés. Pour la sixième année consécutive, la France est le premier pays européen pour l'accueil des investissements étrangers. Cette dynamique a commencé avec les mesures prises en 2016 - une part du crédit vous en revient donc.

Les contributions patronales représentent 10 % du PIB français, même en tenant compte des aides publiques, contre 7 % en Allemagne et en moyenne européenne. Cet écart doit nous interroger, comme nos compatriotes s'interrogent de plus en plus sur la différence entre leur salaire superbrut et leur salaire net.

Difficultés de recrutement, énergie, politique européenne : nous pouvons nous rejoindre sur certains agendas, mais ce que vous proposez avec ce texte n'est pas une bonne réponse.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°288 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 115
Contre 226

L'article 2 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Jean-Luc Brault.  - Lors du scrutin public n°283, les sénateurs Les Indépendants souhaitaient voter pour.

Acte en est donné.

Prochaine séance, lundi 19 mai 2025, à 16 heures.

La séance est levée à 19 h 55.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 19 mai 2025

Séance publique

À 16 heures

Présidence : M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Patricia Schillinger

1Projet de loi relatif au transfert à l'État des personnels enseignants de l'enseignement du premier degré dans les îles Wallis et Futuna (procédure accélérée) (texte de la commission, n°618, 2024-2025)

2Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale (texte de la commission, n°573, 2024-2025)

3. Projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°613, 2024-2025) et projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (procédure accélérée) (texte de la commission, n°614, 2024-2025) (discussion générale commune)