Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI) Ce texte transpartisan, que je porte avec Guylène Pantel, Bernard Delcros et les membres de la délégation aux collectivités territoriales, traite d'un enjeu de bon sens : la simplification des normes et l'efficacité de l'action publique. C'est une proposition de loi écrite à l'encre du terrain, qui transforme le verbe en action.

Je remercie le président Mathieu Darnaud d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour et notre rapporteure Nadine Bellurot pour son travail exemplaire.

Cette initiative est née d'une mission flash. La confiance des 2 600 élus qui ont répondu à notre consultation nous obligeait. Notre rapport a démontré que le pouvoir de dérogation peine à trouver sa place, dans un pays marqué par les principes d'égalité et de légalité. Bruno Retailleau nous l'a dit : l'administration fait trop souvent prévaloir la procédure sur le résultat. Nous devons passer de l'addiction à la norme à l'obsession de son efficacité - un changement de culture administrative. Nous devons aller vers un État territorial accompagnateur des projets locaux, comme le recommandait le rapport d'Éric Kerrouche et Agnès Canayer de 2022.

S'agit-il d'une recentralisation ? Le pouvoir de dérogation n'a jamais été centralisé : il faut mieux organiser et libérer un pouvoir existant.

Le préfet reste trop souvent en marge de domaines majeurs - santé, éducation - et les décisions des opérateurs de l'État doivent elles aussi pouvoir être adaptées aux réalités locales.

Le décret du 8 avril 2020 restreint le pouvoir de dérogation à une liste de sept domaines, avec toute une série de conditions cumulatives. Résultat : 1,5 arrêté par département et par an ; douze préfectures n'y ont jamais eu recours, douze autres ne l'ont utilisé qu'une fois. Certains préfets l'ont utilisé judicieusement, mais leurs marges de manoeuvre sont étroites.

À Blois, un préfet a relevé le taux de subvention pour permettre la revitalisation de certains quartiers. Dans le Lot, une préfète a adapté le taux d'encadrement pour permettre l'accueil des mineurs dans une commune. Des décisions pragmatiques et justifiées.

L'article 1er inscrit le pouvoir de dérogation dans la loi, et l'étend aux décisions des agences de l'État. Il offre la possibilité de déroger aux règles de fond notamment pour alléger la charge financière des collectivités territoriales.

Les articles 2, 3 et 4 instaurent de nouveaux régimes législatifs de dérogation à des normes. J'entends déjà les critiques. Nous aurons un débat nourri sur l'article 3, qui touche au code de l'environnement. Le législateur a déjà prévu des régimes spécifiques pour reconnaître à l'État un pouvoir d'adaptation locale, sur le repos dominical par exemple. Il nous a semblé nécessaire d'élargir cette dérogation dans une logique de différenciation locale.

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Rémy Pointereau.  - Nous proposons d'alléger la participation minimale des collectivités territoriales au financement d'un projet ou de déroger au code de l'environnement afin de préserver des moulins ou de nettoyer un fossé. Certains d'entre vous ont déposé des amendements de suppression ; je suis surpris qu'ils ne proposent pas de solution alternative. Cet article n'est pas le fruit du hasard. Il découle d'échanges sur le terrain et son dispositif est encadré puisque la dérogation ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis.

L'article 5 renforce le dialogue entre le préfet et les élus, au travers des comités locaux de cohésion territoriale (CLCT). Ce n'était pas l'instance envisagée initialement, mais nous souscrivons à la proposition de la rapporteure. Ce dialogue est crucial, car pas moins de 80 % des élus consultés ignorent l'existence du pouvoir de dérogation.

L'article 6 traite de la responsabilité pénale des préfets. Comme le souligne le rapport de Christian Vigouroux de mars dernier, les préfets sont unanimement convaincus du bien-fondé de cette réforme, mais inquiets des risques qu'ils courent.

Avec cette proposition de loi, nous répondons à l'appel du Gouvernement de porter des initiatives de simplification. Chiche ! Nous relevons le défi. Je me réjouis de la procédure accélérée. Il faudra aller jusqu'au bout : examen à l'Assemblée nationale, puis promulgation.

Nous voulons donner corps à la différenciation territoriale à travers un outil simple, utile et attendu. Faire confiance à l'intelligence des territoires, c'est faire confiance aux élus, mais aussi aux préfets. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois .  - Nous dénonçons régulièrement entre ces murs le carcan normatif qui freine les projets des élus. Le Sénat a pris plusieurs initiatives pour favoriser l'action publique locale : la charte de la simplification en 2023 et les assises de la simplification, organisées chaque année.

Cette proposition de loi de Rémy Pointereau et Guylène Pantel a été cosignée par 130 parlementaires. Je salue le travail remarquable de la délégation aux collectivités territoriales, dont la proposition de loi traduit les recommandations.

Le pouvoir de dérogation des préfets fut d'abord institué à titre expérimental en 2017, puis pérennisé en 2020, après un bilan positif de l'expérimentation. Depuis, 900 arrêtés de dérogation ont été pris par les préfets, en concertation avec les élus locaux. D'où une quasi-absence de contentieux et 90 % des arrêtés qui concernent les collectivités territoriales.

Mais plusieurs obstacles persistent : la liste des matières concernées est limitative et exclut la santé et les transports ; les normes des opérateurs de l'État ne sont pas concernées ; la dérogation ne doit porter que sur des règles de forme ; les dérogations se heurtent parfois à des règles législatives ou européennes ; l'administration est très attachée au principe d'égalité ; certains préfets craignent le risque pénal.

Les six articles de la proposition de loi lèvent certains de ces freins.

L'article 1er consacre au niveau législatif le pouvoir de dérogation du préfet en matière réglementaire. Il s'inspire du décret de 2020, mais l'élargit à toutes les matières. Le préfet pourra prendre des décisions individuelles et réglementaires, déroger aux normes relevant des agences, ainsi qu'à des normes de fond sous conditions.

Les articles 2, 3, 4 et 4 bis prévoient des dérogations législatives ponctuelles au bénéfice des collectivités territoriales : dérogation à la règle de la participation financière minimale, suivant la proposition de loi de Dany Wattebled et de Marie-Claude Lermytte ; dérogation aux règles de construction d'ouvrages d'art hydrauliques ; dérogation aux règles de mise en conformité des installations sportives, notamment lorsque les travaux sont disproportionnés par rapport aux moyens de la collectivité ; versement de la compensation au titre du FCTVA en année N et non en N+2, afin de soutenir la trésorerie des petites communes qui investissent.

L'article 5 prévoyait une conférence de dialogue pour associer les élus locaux à l'exercice du pouvoir de dérogation. Nous avons préféré faire vivre les CLCT déjà existants. Chaque année, le préfet devra présenter un bilan exhaustif de l'exercice de son pouvoir de dérogation. Les parlementaires seront membres de ce comité, qui formulera des propositions de dérogation et de simplification. Il faudra recourir plus souvent à la procédure de délégalisation, quand des dispositions législatives empiètent sur le domaine réglementaire.

L'article 6 modifie le code pénal pour sécuriser les préfets, en reprenant le régime de la loi Fauchon de 2000.

Je vous proposerai deux amendements : l'un pour faire du préfet le délégué territorial des agences de l'État ; l'autre pour appliquer ces dispositions aux collectivités d'outre-mer.

Il y a urgence à agir. Le renforcement du pouvoir de dérogation du préfet facilitera l'action publique locale, en permettant aux collectivités territoriales de réaliser des actions plus rapides et répondra aux souhaits de nos concitoyens, qui se heurtent à des délais trop longs.

Sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE) Je ne m'adresse pas seulement à des parlementaires, mais avant tout à des élus locaux. Je crois à la France communale, à la démocratie locale, qui fait rimer efficacité et proximité.

La bureaucratie excessive démotive les élus locaux et même les préfets. Déroger, c'est aussi apporter aux élus locaux le soutien de l'État dont ils ont besoin.

Ce texte bénéficie du soutien total du Gouvernement.

Place Beauvau, nous croyons dans ce principe de subsidiarité, qui rime avec efficacité : nous donnons aux acteurs de terrain les moyens de leurs ambitions, avec les plans locaux de restauration de la sécurité du quotidien et la réforme des polices municipales. Nous franchissons ici une nouvelle étape pour renforcer les libertés locales.

Le pouvoir de dérogation est ancien, reconnu par un décret de 2017, avant d'être pérennisé et généralisé par un décret de 2020. Mais peu de préfets s'en sont emparés : on ne compte que 628 arrêtés pris par des préfets de département, 152 par des préfets de région, et les deux tiers concernent des subventions.

Cette proposition de loi est issue de la mission flash de la délégation aux collectivités territoriales. Au-delà du constat, ce rapport mettait en évidence certains freins, que ce texte lève, en sécurisant le pouvoir de dérogation du préfet et en l'élargissant.

La sécurisation passe par l'inscription du pouvoir de dérogation dans la loi, mais aussi par la responsabilité pénale des préfets : celle-ci ne pourra désormais être engagée qu'en cas de violation manifestement délibérée des conditions de recours au pouvoir dérogatoire ou de faute caractérisée qui exposerait autrui à un risque d'une particulière gravité ne pouvant être ignorée.

L'élargissement, ensuite, avec la suppression des listes limitatives, la possibilité de procéder à des adaptations mineures des règles de fond, l'autorisation de déroger aux règles fixées par les établissements publics de l'État. Cette dernière évolution apparaît quelque peu discutable, car les préfets ne prennent pas de décisions pour les établissements publics, qui sont autonomes. C'est pourquoi le Gouvernement soutient un amendement faisant du préfet le délégué territorial des établissements publics ayant des missions territoriales.

M. Michel Masset.  - Très bien !

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Le législateur a reconnu aux préfets un pouvoir de dérogation aux lois -  je pense par exemple au travail dominical. Les préfets pourront bénéficier de sept régimes supplémentaires - quatre issus de la proposition de loi et trois proposés par le Gouvernement -, dont la création de conseils de développement, de caisses des écoles ou de conseils citoyens.

Le Gouvernement est favorable à ce que le préfet puisse déroger au cas par cas à la participation financière minimale de 20 % pour les collectivités maîtres d'ouvrage, mais 5 % pour les communes rurales, c'est prendre le risque de les mettre en situation financière périlleuse.

Outre son coût considérable pour l'État, le versement anticipé du FCTVA serait impossible à réaliser en raison de l'automatisation.

Nonobstant ces remarques, le Gouvernement apporte son soutien au texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)

Mme Michelle Gréaume .  - Nous partons de constats similaires, madame la rapporteure : les préfets utilisent peu leur pouvoir de dérogation et la complexité des normes est un fardeau pour les collectivités. Mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions.

Lorsque nous interrogeons les préfets, ceux-ci nous expliquent que ce n'est pas parce que leur pouvoir serait trop restreint ou que le risque pénal serait trop grand qu'ils n'ont pris que 900 arrêtés. Non ! C'est simplement parce que cela n'était pas utile.

Le corps préfectoral serait frileux à utiliser cet outil ? Mais cette frilosité est le socle de notre République, une et indivisible. Nos principes d'égalité et d'indivisibilité garantissent l'homogénéité des droits et des devoirs. Aucun individu ne peut s'arroger l'exercice de la souveraineté, qui appartient aux citoyens dans leur ensemble. D'où une application de la loi sur l'ensemble du territoire, un et indivisible. Les intérêts privés ne peuvent prendre le pas sur nos fondamentaux.

Les préfets doivent donc appliquer la loi de manière homogène, partout. Ils savent s'adapter aux situations complexes, en conciliant intérêts républicains et locaux. Mais à trop consacrer le droit à la dérogation, c'est la République que nous abîmons.

Cela dit, les collectivités souffrent d'un excès de normes. L'inflation législative va bon train ! On nous propose souvent la solution magique : une nouvelle loi de simplification ou de dérogation. Comme le disait Max Weber, « capitalisme et bureaucratie se sont rencontrés et sont devenus inséparables. » Nous avons construit un système fondé sur la hiérarchie, l'ordre, les règles et les procédures. Enfermés dans cette logique, nous ne créons que davantage de normes. La présente proposition de loi ne déroge pas à la règle, avec de nouvelles exceptions.

Résultat : nous agissons au détriment de l'intérêt commun. Les collectivités, toujours plus pauvres, ont recours à des conseils pour comprendre la norme. Le groupe CRCE-Kanaky lutte contre l'hyperspécialisation des collectivités territoriales, car la disparition de la compétence générale a laissé place à des règles complexes et indigestes. Les compétences de nos collectivités doivent être redéfinies de manière logique, cohérente et humaine.

Nous voterons donc contre ce texte, qui aggrave le problème et qui continue d'enfoncer nos collectivités dans une bureaucratie libérale complexe, sans accompagnement. (M. Guy Benarroche applaudit.)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La présente proposition de loi est issue des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, qui faisait le constat des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de leurs projets.

Le Sénat s'empare de ces sujets, mais souvent avec des résultats décevants, à l'instar de la loi dite 3DS. La proposition de loi sur la rénovation énergétique a proposé une réponse ponctuelle. Il vaut toujours mieux bien écrire la norme, que de devoir y déroger.

J'avais rédigé un rapport sur la transition environnementale des collectivités avec Laurent Burgoa et Pascal Martin. Notre groupe a toujours soutenu l'action locale, la simplification et la différenciation. Déroger aux normes ne nous pose pas problème. Le problème, c'est le renforcement de la compétence discrétionnaire accordée aux préfets : nous avons toujours combattu cette recentralisation du pouvoir au profit d'un représentant du ministère de l'intérieur.

Le pouvoir de dérogation existe déjà : lorsque la dérogation est demandée, elle est accordée. Mais ce pouvoir est trop méconnu et trop peu utilisé -  le non-recours ne concerne pas que les particuliers. Élargir le champ d'action du préfet nous semble précipité, alors que l'outil actuel n'est pas pleinement utilisé.

La proposition de loi détricote le cadre actuel : le préfet peut déjà agir dans sept domaines, qui recouvrent les problématiques les plus fréquentes comme le logement ou l'agriculture. Nous nous inquiétons d'une absence de limites et de critères bien trop flous justifiant les dérogations. Ce nouveau cadre aboutira à un mauvais équilibre.

Les opérateurs de l'État fondent leur travail sur des travaux scientifiques. Or déroger aux normes sans en connaître les conséquences est dangereux. Surtout, le préfet sera soumis à des pressions locales, des élus ou même d'entreprises faisant du chantage au chômage. Peut-on imaginer un directeur de cabinet ministériel faisant pression sur le représentant de l'État pour déroger aux règles sanitaires relatives à la qualité d'eaux minérales pour répondre aux sollicitations d'une puissante multinationale ? (M. André Reichardt s'en offusque.)

Notre chambre ne semble pas prendre en compte les remarques des acteurs de terrain : les préfets ne sont pas demandeurs.

Surtout, ce texte risque de conduire à de dangereux reculs environnementaux, dans un contexte où le ZAN, les ZFE et la réglementation sur les pesticides reculent déjà.

Notre groupe a déposé des amendements afin de faire mieux entendre la voix des élus locaux.

Faire plus et mieux pour l'action locale, oui. Mais notre groupe, dans sa grande majorité, considère que ce texte n'est pas adapté : nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Pierre-Alain Roiron .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La complexité normative et l'empilement des procédures constituent une difficulté structurelle pour les territoires. Reconnaissons que, depuis longtemps, l'État se montre généreux en normes et parcimonieux en accompagnement.

Nous ne cessons de dénoncer l'inflation normative, qui entrave les collectivités territoriales : trop souvent, des règles conçues à Paris s'appliquent dans les territoires sans tenir compte des réalités locales.

Résultat : des projets bloqués, des élus découragés et des citoyens désabusés.

Généralisé en 2020, le pouvoir de dérogation préfectoral est resté marginal : à peine plus d'un arrêté par an et par département en moyenne. Cette frilosité est la conséquence d'un dispositif trop complexe et des risques de contentieux que les préfets redoutent.

Il est temps de changer de paradigme, mais pas sans conditions. Notre famille politique croit en une République décentralisée et déconcentrée, dans laquelle l'État adapte ses règles aux réalités locales.

Ce texte semblait marqué par le discernement et l'équilibre, traduisant un compromis entre souplesse administrative et appui aux initiatives locales qui pouvait justifier notre soutien. Nous nous félicitons notamment de l'adoption en commission de l'amendement de Hussein Bourgi assouplissant la participation financière minimale des communes de moins de 2 000 habitants aux projets structurants lorsque leur potentiel financier est faible. C'est un signal fort envoyé aux petites communes.

Trop souvent, les communes sont empêchées de réhabiliter un gymnase ou un terrain, faute de pouvoir répondre aux prescriptions des fédérations, parfois disproportionnées. Il s'agit de réintégrer les contraintes locales dans l'équation normative pour permettre aux projets d'aboutir. La possibilité de déroger aux règles des fédérations est donc bienvenue.

De même, l'amendement de la rapporteure créant une faculté de dérogation en matière de FCTVA va dans le bon sens. Il remettra en mouvement des projets gelés et redonnera de l'oxygène aux maires. Nous aurions toutefois préféré que les modalités de versement du FCTVA soient revues dans le cadre d'une réforme systémique.

Nombre de préfets renoncent au pouvoir de dérogation non par inertie, mais par crainte d'être personnellement mis en cause. Ce texte lève ce frein en garantissant un cadre clair et proportionné, sans établir une immunité absolue.

Nous plaidons pour un pouvoir de dérogation collégial et transparent, relativisant la verticalité préfectorale et associant les parlementaires. La mise en place d'un contrôle démocratique a posteriori dans le cadre des CLCT marque une volonté de dialogue renouvelée et envoie un signal de confiance.

Si le texte a gagné en solidité juridique, des zones d'ombre persistent qui appellent de notre part des réserves sérieuses, voire des oppositions.

Ainsi, le pouvoir de dérogation ne se limiterait pas à certains domaines ou à des actes individuels : comment justifier des mesures générales censées s'appliquer à des situations locales et comment garantir la sécurité juridique quand on déroge à des normes de fond ? Ces incertitudes risquent de dissuader les préfets d'agir.

Un principe de dérogation n'est pas une dérogation de principe : nous avons une opposition de fond à l'article 3, qui dépasse largement la seule question des moulins à eau. Il permettrait de s'affranchir de mesures essentielles du code de l'environnement et conduirait à la fragilisation des écosystèmes. Nous proposerons la suppression de cet article. L'environnement ne saurait devenir la variable d'ajustement d'un pouvoir de dérogation élargi.

D'autre part, les amendements du Gouvernement modifient sensiblement l'équilibre du texte. Le Gouvernement semble essayer de se servir d'une proposition de loi consensuelle pour faire passer certaines mesures. L'amendement n°13 vise ainsi à exempter certains EPCI de la création d'un conseil de développement. Or notre groupe a toujours défendu ces instances, leviers de légitimité. L'imprécision de cette disposition risque de déboucher sur des traitements différenciés, voire un clientélisme institutionnalisé. De même, l'amendement autorisant une commune à ne pas créer un conseil citoyen nous laisse sceptiques.

Notre groupe est largement favorable à ce texte ; nous en saluons les avancées concrètes et l'esprit pragmatique. Néanmoins, cet élan est freiné par l'article 3 et les amendements du Gouvernement. Si l'équilibre et la rigueur initiaux de ce texte n'étaient pas respectés, nous ne serions peut-être pas en mesure, hélas, de lui apporter le soutien attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Rémy Pointereau applaudit également.) La France souffre de deux terribles maux : une dette publique excessive et une inflation normative hors de contrôle.

Certains imaginent qu'il suffirait de ne pas rembourser notre dette. Mais les Français la paient déjà, et très cher. Le service de la dette deviendra bientôt notre premier poste de dépenses. La France prélève la moitié de la richesse produite et dépense davantage encore, grâce à l'emprunt. Quand reconnaîtrons-nous que notre problème tient à l'excès de dépenses publiques ?

Les effets de l'inflation normative ne sont pas moins délétères. Nul n'est censé ignorer la loi, mais qui peut connaître les 96 000 articles de loi en vigueur, sans parler des 263 000 normes réglementaires ? En volume, le droit a doublé en vingt ans. Il est, en outre, de plus en plus complexe. Agriculteurs, entrepreneurs, élus, tous le disent : ils ne s'en sortent plus.

Certes, ce texte ne réglera pas tout, mais il a le mérite de rappeler que c'est à l'échelle locale qu'on peut le mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire.

M. Rémy Pointereau.  - Très bien !

Mme Corinne Bourcier.  - Plusieurs membres du groupe INDEP ont cosigné ce texte. Nous préférons l'État déconcentré à l'État concentré, mais nous aimerions mieux encore l'État décentralisé. (M. André Reichardt renchérit ; M. Guy Benarroche ironise.)

La rapporteure a élargi le pouvoir de dérogation préfectoral et sécurisé son exercice pour limiter le risque pénal qui paralyse l'action publique - comme, du reste, l'action privée. Nous saluons l'adoption en commission d'un amendement de Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte qui va dans le même sens : nous sommes surpris de votre volonté de supprimer ce dispositif, monsieur le ministre, alors que vous le souteniez comme président de la commission des lois.

Face à l'inflation normative, ne nous contentons pas de déroger - ce qui revient à ajouter de la complexité. Nous devons simplifier, voter moins de lois, mieux légiférer. En attendant cette réelle simplification du droit, le groupe Les Indépendants votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et du RDSE)

Mme Agnès Canayer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.) L'action des élus locaux ne peut se faire sans véritable accompagnement de l'État. Une vraie décentralisation suppose une déconcentration réelle.

Simplifier les normes et les adapter aux réalités locales est un objectif constant du Sénat. Le renforcement et la sécurisation du pouvoir de dérogation préfectoral y participent.

Dans notre rapport de 2022, Éric Kerrouche et moi-même faisions le constat de la dégradation du service de l'État dans les territoires et appelions à une plus grande agilité pour une meilleure efficacité de l'action publique.

Le rapport de 2025 met en avant les difficultés d'application du pouvoir préfectoral de dérogation.

Depuis le décret du 8 avril 2020, ce dispositif n'a pas produit ses pleins effets : seuls 900 arrêtés de dérogation ont été portés à la connaissance de l'administration centrale. Leur application reste très inégale sur le territoire.

Comme souvent en droit français, une bonne idée - adapter la règle aux spécificités locales - devient une usine à gaz.

La décentralisation n'est pas aboutie : trop souvent, l'État cherche à reprendre de l'autre main ce qu'il a octroyé aux collectivités territoriales.

La proposition de loi vise à lever des verrous normatifs en élargissant le pouvoir du préfet et en sécurisant son recours. (Mme Nadine Bellurot renchérit.)

Ce texte apporte quatre améliorations pour les élus locaux. La dérogation à la participation minimale des collectivités territoriales au financement des projets est très attendue ; de même que les procédures du code de l'environnement qui allongent les délais pour des projets hydrauliques ; idem pour les infrastructures sportives : qui ne connaît pas un maire ayant renoncé au stade de foot après les changements de normes incessants de la fédération ?

Beaucoup souhaitent un assouplissement des règles d'urbanisme.

Le coût des normes, 5 milliards d'euros, pèse lourdement.

Le groupe Les Républicains votera ce texte avec conviction, pour rendre l'État local plus agile et répondre aux attentes des élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)

M. Bernard Buis .  - Dans l'histoire française, la fonction de préfet a survécu du Premier Empire à la Ve République. Descendants des intendants de François Ier et réinventés par Napoléon après son coup d'État du 18 Brumaire, ils deviennent les représentants de l'État dès 1800 et sont appelés à seconder le Gouvernement dans le noble dessein de restituer la France à son antique splendeur et d'asseoir enfin ce magnifique édifice sur les bases de la liberté et de l'égalité.

Encadrés par la loi du 2 mars 1982, ils restent des acteurs déterminants, poutres sur lesquelles repose la charpente étatique. Mais la fonction préfectorale se complexifie, en raison de l'enchevêtrement des normes. Le pouvoir de dérogation, conforté par la dynamique de différenciation de la loi 3DS reste utilisé de manière sporadique. Depuis 2020, 600 arrêtés ont été pris.

Malgré des différences entre territoires, ce pouvoir est insuffisamment libéré, alors qu'il permet de prendre des décisions utiles.

Je salue les propositions de Guylène Pantel et Rémy Pointereau. Il faut élargir le pouvoir préfectoral de dérogation pour que la loi nationale s'adapte avec parcimonie dans les territoires en fonction des situations.

Les préfets ne doivent plus hésiter à utiliser ce pouvoir de dérogation.

Ce texte est particulièrement utile pour renforcer le pouvoir de dérogation des préfets, mettant en place un cadre plus incitatif. L'article 5 renforce les CLCT pour qu'ils identifient les possibilités de dérogation.

Le texte sécurise pénalement les préfets. Il redessine les modalités du pouvoir législatif : les possibilités de dérogation doivent être élargies.

L'article 1er ne limite plus les possibilités de dérogation. Le travail en commission a clarifié la rédaction de l'article et l'a bordé.

L'article 3 prévoit des dérogations pour préserver des ouvrages hydrauliques. Je l'ai rappelé en mai : l'hydroélectricité mérite une plus grande place. Dans la Drôme, nous avons des moulins et petits barrages pouvant produire une électricité locale, propre et pilotable, mais la réglementation est complexe. Élargir le pouvoir préfectoral de dérogation à l'hydraulique est donc une bonne mesure.

L'article 4, relatif aux installations sportives, sera utile.

Je souligne le travail de la commission sur le FCTVA, avec une possibilité de versement anticipé en cas d'investissement substantiel.

Ce texte n'est pas une révolution en matière de décentralisation, mais tel n'était pas son objectif initial. Il répond aux attentes des élus locaux et sera très utile. Le RDPI le votera. (Applaudissements au banc des commissions ; MM. Rémy Pointereau et Jean-Gérard Paumier applaudissent également.)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Corinne Bourcier et Nadine Bellurot applaudissent également.) Nous traversons une période où l'efficacité de l'action publique est plus que jamais scrutée. Notre administration doit répondre aux défis de chaque territoire.

Je suis heureuse de soutenir, avec Rémy Pointereau, notre proposition de loi, issue d'une mission de la délégation aux collectivités territoriales.

Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans une logique de simplification et d'adaptation. C'est non pas une révolution, mais une respiration : elle allège, permet, adapte. Elle fait preuve d'intelligence territoriale. Une norme, pour être intelligente, doit être applicable.

Nos préfets doivent disposer des outils nécessaires pour répondre avec agilité aux besoins de leurs départements.

Introduit par le décret du 29 décembre 2017, le pouvoir de dérogation est un changement significatif et permet de déroger aux normes établies par l'administration centrale, sous condition.

Le Gouvernement a publié, le 8 avril 2020, le décret sur la dérogation des préfets. Depuis, seulement 628 arrêtés ont été pris par les préfets de département, soit 1,5 par département et par an.

La plupart des arrêtés concernent des subventions. Mais celles-ci ne sauraient compenser les nombreuses contraintes réglementaires. La multiplicité des normes pèse sur la capacité opérationnelle des collectivités territoriales. Il faut sécuriser la dérogation préfectorale, certains préfets s'inquiétant de leur responsabilité.

Cela renforcera la confiance et une meilleure articulation entre souplesse administrative et respect du droit.

L'article 3 fait débat. Pour nous, c'est une avancée majeure pour la préservation du patrimoine hydraulique. Les moulins à eau sont des joyaux de notre patrimoine culturel, mais dont la charge est trop lourde. Il faudrait que le préfet déroge aux règles, pour concilier protection de l'environnement, préservation du patrimoine et soutien à l'économie locale.

L'article 5 transforme la commission départementale de conciliation en véritable instance de dialogue. Elle renforcera l'efficacité du dispositif.

Le RDSE estime que ce texte répond aux exigences de notre époque, et nous apporterons notre soutien plein et entier à son adoption. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et Les Républicains)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Empilement de normes contraignantes, coûteuses et inadaptées : tous les élus font le même constat. Les procédures sont toujours plus complexes, freinant et renchérissant les projets, dont certains sont parfois abandonnés.

Les normes sont nécessaires. Mais dans les différentes fonctions que nous avons exercées, combien de fois avons-nous été confrontés à des obligations ou des refus inadaptés, dénués de bon sens ?

Dans une période de nécessaire réduction des déficits, le surcoût lié à l'inflation normative doit nous faire réfléchir : 1 milliard d'euros de plus tous les ans, d'après Gilles Carrez, président du Conseil national d'évaluation des normes (Cnen) - même si les dépenses concernées sont de natures très diverses.

L'enjeu de la simplification des normes est prioritaire. À la demande du président du Sénat, la délégation aux collectivités territoriales s'est emparée du sujet. Nous avons organisé des assises de la simplification en avril dernier en présence du Premier ministre et j'ai participé au Roquelaure de la simplification organisé par le Gouvernement. Plusieurs leviers d'action ont été identifiés pour des solutions concrètes.

Je salue l'excellent travail de Rémy Pointereau et Guylène Pantel. Leur proposition de loi élargit la possibilité pour le préfet de déroger à certaines normes pour les adapter à la réalité des territoires. C'est un premier pas, qui simplifiera rapidement et concrètement la vie des élus locaux. Nous travaillons avec le Gouvernement à d'autres mesures de simplification, dont je salue l'engagement en la matière.

Le groupe UC votera cette proposition de loi, non sans proposer quelques pistes d'amélioration par voie d'amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et du RDSE)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai cosigné cette proposition de loi et la voterai naturellement.

Il faut sécuriser et renforcer le pouvoir de dérogation des préfets, pour que ces derniers l'utilisent davantage sans risque de contentieux administratif et pénal. Nos normes doivent être adaptées aux réalités locales : c'est une demande massive de nos concitoyens.

Pour autant, comme je l'ai dit d'emblée à M. Pointereau, ce pouvoir de dérogation est un pis-aller, tant le besoin de différenciation dans notre pays est fort. Nous avons besoin d'une vraie grande réforme décentralisatrice ! La règle doit-elle être la même partout ? Poser la question, c'est y répondre.

Je milite pour une vraie différenciation permettant aux collectivités territoriales de mieux répondre aux besoins de leur population et de décliner localement les grands principes. Hélas, en France, on veut tout maîtriser, tout prévoir, tout régimenter, dans les moindres détails.

J'appelle à une nouvelle étape de décentralisation. Certains pays, même non fédéraux, sont organisés de la sorte ! En Alsace-Moselle, le droit local est un bel exemple de différenciation : c'est un droit national d'application locale depuis plus de cent ans, qui n'a jamais fragilisé l'unité de la République. Tout en le reconnaissant comme un principe fondamental des lois de la République, le Conseil constitutionnel estime qu'il ne peut évoluer que dans le sens du droit national : comprenne qui pourra... Il est temps que la différenciation devienne la règle dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Ne soyez jamais les hommes de la Révolution, mais les hommes du Gouvernement (...) et faites que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures » : on connaît cette recommandation du général Bonaparte aux préfets.

L'adaptation des politiques publiques aux réalités de terrain est une demande de nos concitoyens. Il s'agit aussi de simplifier l'action des collectivités territoriales.

Introduit en 2017 à titre expérimental, le pouvoir préfectoral de dérogation permet l'adaptation des normes aux situations locales. Mais cet outil a été très peu utilisé : seulement 900 arrêtés depuis 2020.

Ce texte élargit les domaines dans lesquels il peut être mis en oeuvre et en améliore la lisibilité. Ce dispositif ne concerne pas les normes législatives : l'égalité devant la loi n'est donc pas menacée.

« On peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près », selon le décret du 25 mars 1852. Cette proposition de loi permettra de déroger à des normes de fond et allégera les charges des collectivités territoriales.

Au-delà du pouvoir de dérogation, le préfet doit avoir le plein contrôle de son administration, ce qui suppose une autorité fonctionnelle et hiérarchique sur tous les échelons administratifs locaux, comme les Dreal et les ARS.

La CLCT, instance de dialogue locale, doit être renforcée.

J'ai entendu l'inquiétude sur la responsabilité pénale des préfets. En tant que maire, cela me fait sourire : nous assumons ce risque sans difficulté. (Mme Nadine Bellurot renchérit.)

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

M. Hugues Saury .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est une étape sur le chemin de la différenciation - notion peu commode à appréhender pour notre nation jacobine. Nous avons la passion de l'égalité, comme disait Tocqueville, et pouvons en être fiers. La loi doit être la même pour tous, énonce la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Mais lorsque les mêmes règles s'appliquent de la petite commune à la métropole, du département opulent au département indigent, de la sécheresse à l'inondation, l'égalité n'est que formelle. Où est l'égalité quand les moyens d'ingénierie sont aussi différents d'une collectivité à l'autre ?

L'égalité n'est pas l'uniformité. Alors que le pouvoir de dérogation des préfets présente un bilan mitigé, ce texte vise à le renforcer, l'étendre et le clarifier.

Attention : ce dispositif ne créera pas un service public à la carte. Le texte ne revient pas sur les grands principes structurants de notre droit. Le préfet pourra, pour un motif d'intérêt général et pour tenir compte de circonstances locales, déroger à des normes arrêtées par l'administration de l'État : normes d'origine réglementaire voire, dans certains cas, normes de fond.

Cette proposition de loi est un témoignage de confiance envers les préfets, mais aussi envers les collectivités. L'article 5 institue une conférence de dialogue pour renforcer les échanges entre préfectures et élus locaux. Sans renier nos principes, il est temps pour nous d'avoir une administration plus souple, plus flexible, adaptée à son temps, à la diversité de nos territoires et aux besoins de nos concitoyens.

C'est avec conviction que je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

M. Jean-Gérard Paumier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la chambre des territoires, chacun sait qu'on n'administre bien que de près. La multiplicité des normes et des textes ne peut répondre à la diversité des situations. Dans une circulaire du 28 octobre 2024, le Premier ministre Michel Barnier écrivait : « Nous avons besoin de simplifier massivement l'action publique. Nos concitoyens ont besoin de constater, près de chez eux, que nous avons encore collectivement la capacité à agir pour développer leur territoire et répondre à leurs besoins. Nous devons démontrer que la complexité n'est pas une fatalité. »

Or la simplification passe parfois par la dérogation, nous l'avons vu pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ou la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) : il faut une loi pour s'affranchir des règles. De même, le renforcement et la sécurisation du pouvoir de dérogation des préfets répondent à une demande forte des maires.

Le préfet est le mieux placé pour apprécier la pertinence des règles dans des contextes très divers.

Ce texte renforce donc son pouvoir de dérogation en vue de répondre aux besoins des collectivités, sans remettre en cause les principes de notre droit. Il s'agit d'un outil de bon sens au service de l'intérêt général visant à redonner du pouvoir de décision au terrain : exigence d'efficacité pour les élus locaux et marque de confiance pour nos préfets.

Ce pouvoir de dérogation élargi doit demeurer un outil de discernement, un accélérateur de projets simplifiant les démarches des élus et les soulageant de contraintes parfois excessives. Ce texte est un pas de plus vers une administration plus agile. Il renforcera le lien de confiance entre les élus locaux et les services préfectoraux.

C'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

Discussion des articles

Article 1er

M. Grégory Blanc .  - La décentralisation est récente à l'échelle de l'histoire de nos institutions -  quarante ans seulement. Le travail est en cours, et le mouvement de balancier entre décentralisation et recentralisation est constant. Ce mouvement soulève peu de débats s'agissant de droits anciens. En revanche, soyons prudents lorsque nous souhaitons modifier le droit de l'environnement, un droit récent, pour lequel on oppose toujours planification et contractualisation.

Face au dérèglement climatique, nous n'avons pas le choix : il faut un pilotage fort et une planification ferme. D'où un pouvoir d'ajustement laissé à l'appréciation du préfet. Je voterai cet article 1er, qui me semble toutefois nécessiter pour corollaire un contrôle renforcé, dont nous débattrons lors de l'examen de l'article 5.

La contractualisation fait débat dans cet hémicycle : certains en veulent davantage, mais, alors, il ne faut pas renforcer le pouvoir des préfets dans d'autres textes. Le législateur doit être clair.

M. le président.  - Amendement n°9 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Nos collectivités rencontrent parfois des difficultés dans l'instruction de leurs dossiers de demande de subventions. Des possibilités de dérogation existent déjà pour les préfets, mais l'article 1er va plus loin en leur octroyant un pouvoir général de dérogation. Nous sommes opposés à cette recentralisation du pouvoir, d'autant qu'un quart des arrêtés de dérogation pris depuis 2020 concernent l'environnement. La défense de l'environnement doit rester centrale. Avec la différenciation, nous pourrions aboutir à des situations de moins-disant. De plus, l'acceptabilité des normes se trouverait compromise dans les territoires où la dérogation ne se serait pas appliquée. Et les normes modifiées pourraient être de nature scientifique -  taux de certains polluants, par exemple  - , avec un risque de rupture d'égalité.

Ce pouvoir de dérogation étendu nous pose d'autant plus de difficultés que cette faculté n'est pas demandée par le corps préfectoral.

Nous souhaitons donc supprimer cet article. Ronan Dantec présentera des possibilités d'amélioration des dispositifs existants.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. Monsieur Benarroche, vous voulez supprimer le coeur du texte ! (On s'en amuse sur les travées du GEST.) La commission ne peut vous suivre.

Il faut aider les collectivités et les élus à réaliser leurs projets : nous écrivons dans la loi ce que les préfets font déjà. Faisons confiance à nos élus et aux représentants de l'État.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Même avis : même s'il n'est pas totalement en phase avec sa rédaction actuelle, le Gouvernement n'en est pas moins favorable à cet article.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Nous voulons renforcer la sécurité du pouvoir de dérogation, en rendant les dispositions plus opérationnelles, notamment pour piloter les établissements publics. L'action des préfets doit être cohérente avec l'ensemble des politiques publiques. Nous voulons donc leur donner de nouvelles prérogatives à l'égard des opérateurs.

La rédaction actuelle de l'article 1er présente un risque d'inconstitutionnalité, notamment au regard du principe d'égalité devant la loi. Nous renvoyons donc à un décret en Conseil d'État.

M. le président.  - Amendement n°10 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Je m'attendais à des avis défavorables, d'où cet amendement de repli. Une possibilité de dérogation sans limites nous semble une dérive dangereuse. La norme réglementaire deviendrait une variable d'ajustement selon les circonstances locales, voire une source possible de pressions. Je suis heureux d'avoir entendu le ministre pointer un risque d'inconstitutionnalité.

C'est pourquoi nous voulons limiter le pouvoir de dérogation à certaines dispositions réglementaires de forme ayant pour objet d'alléger les démarches administratives, d'adapter les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques : cela nous semble largement suffisant.

Cet amendement répond à la volonté du Sénat et prévient les ruptures d'égalité et les potentielles pressions.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié ter de M. Sautarel et alii.

M. Stéphane Sautarel.  - Les décisions prises par l'État concernant la carte scolaire ne sont souvent pas en adéquation avec les réalités locales. Cet amendement y remédie.

J'avais déposé un autre amendement qui allait plus loin : il offrait aux préfets la possibilité de déroger à l'avis du directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) lorsque la décision est contraire aux positions du Conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN). Je regrette qu'il ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40, tout comme le sous-amendement déposé par Anne Ventalon.

Comme son prédécesseur, Michel Barnier, François Bayrou souhaite renforcer le pouvoir du préfet sur la carte scolaire : traduisons ces paroles en actes.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié quinquies de M. Delcros et alii.

M. Bernard Delcros.  - La liste prévue à l'article 1er est trop limitative. Je propose de la compléter, afin d'alléger le poids des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis de M. Pointereau et alii.

M. Rémy Pointereau.  - Cet amendement est quasi rédactionnel, puisqu'il supprime le terme « mineur » de l'alinéa 4, trop réducteur. Accessoire, cosmétique, secondaire : voilà les synonymes de « mineur » dans le dictionnaire. Soyons plus volontaristes.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié quater de M. Delcros et alii.

M. Bernard Delcros.  - Cet amendement complète la liste figurant à l'alinéa 4 en précisant que l'adaptation mineure peut aussi contribuer au développement des territoires.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié quinquies de M. Delcros et alii.

M. Bernard Delcros.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°5 de M. Parigi.

L'amendement n°5 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°28 de Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Cet amendement vise à conférer le rôle de délégué territorial au préfet.

M. le président.  - Sous-amendement n°31 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Nous voulons revenir à l'esprit de l'amendement n°30 - il s'agit presque d'un amendement de repli.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable au sous-amendement n°31. Souvent, les ARS bloquent des projets pour des raisons ubuesques : le préfet doit pouvoir assurer la cohérence de l'action publique locale, en coordonnant l'action des ARS avec celle des autres agences et services déconcentrés.

Cet amendement réintroduirait également la possibilité offerte au préfet de demander à une agence de réexaminer une décision qu'elle aurait prise.

L'amendement n°30 du Gouvernement supprimerait la possibilité pour le préfet de prendre des arrêtés de dérogation relevant de la compétence des agences. Avis défavorable.

Même avis pour l'amendement n°10 de Guy Benarroche.

Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°3 rectifié ter, car l'objectif poursuivi est déjà satisfait.

Retrait des amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies au profit de l'amendement n°22 rectifié quater, pour lequel j'émets un avis favorable. Les amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies sont déjà satisfaits par l'article 1er du texte : ses dispositions autorisent le préfet à déroger aux règles de forme pour alléger des démarches administratives et aux règles de fond pour faciliter la réalisation de projets locaux.

Sagesse à l'amendement n°2 rectifié bis de Rémy Pointereau ; je voterai cet amendement à titre personnel.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°10.

L'amendement n°3 rectifié ter est satisfait : retrait.

Même chose pour l'amendement n°17 rectifié quinquies.

Sagesse sur l'amendement n°2 rectifié bis, de même que sur l'amendement n°22 rectifié quater.

Retrait ou avis défavorable pour l'amendement n°19 rectifié quinquies.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n°28, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement.

M. Guy Benarroche.  - L'amendement n°30 du Gouvernement a fait l'objet d'une présentation soft du ministre. Pourtant, il remet en cause certaines dispositions fragiles du texte et pointe ses faiblesses constitutionnelles.

Je n'ai pas vocation à défendre l'amendement du Gouvernement, mais, le ministre ne l'ayant pas présenté avec autant de fougue qu'il l'aurait fait s'il ne s'était pas trouvé, au Sénat, devant certains de ses pairs, je me permets de me substituer à lui. Votez cet amendement, qui nous épargnera de nombreuses déconvenues et pertes d'illusions.

Vous voulez donner tout le pouvoir dérogatoire à l'État, et étendre toutes les possibilités de dérogation, alors même que nous ne cessons de voter des propositions de loi porteuses de nouvelles normes.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Guy Benarroche.  - En outre, vous dites que les opérateurs de l'État prennent des décisions ubuesques : vous jugez que ces gens-là ne servent à rien. Vous nous racontez une histoire qui n'est pas la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.)

M. Bernard Delcros.  - Je retire les amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies, je maintiens l'amendement n°22 rectifié quater.

Les amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies sont retirés.

M. Stéphane Sautarel.  - Je retire l'amendement n°3 rectifié ter. Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que si l'article 1er était adopté, le préfet disposerait bien d'un pouvoir de dérogation sur le projet de carte scolaire présenté par le Dasen ?

L'amendement n°3 rectifié ter est retiré.

M. Guillaume Gontard.  - Nous sommes tous d'accord pour simplifier et faciliter l'exercice des élus locaux. Nous aimons déroger aux règles, notamment à la droite de cet hémicycle, c'est toujours une tentation...

Les normes sont toujours contraignantes. Mais je n'ai pas l'impression que ce texte simplifiera la vie des préfets, notamment sur le plan juridique.

Ce texte flou, complexe, rendra leurs décisions difficiles à assumer.

Même si je n'en partage pas totalement la philosophie, l'amendement n°30 du Gouvernement pointe l'ensemble des difficultés et dérives potentielles du texte.

Monsieur le ministre, la rapporteure est défavorable à votre amendement de sécurisation juridique. Si ce dernier n'était pas voté, quelle serait la position du Gouvernement sur la proposition de loi ?

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Monsieur Sautarel, le préfet a bien le pouvoir d'apprécier la carte scolaire pour l'adapter au local.

L'amendement n°30 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°10.

L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°22 rectifié quater est adopté.

Le sous-amendement n°31 n'est pas adopté.

L'amendement n°28 est adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°24 de M. Mérillou.

M. Serge Mérillou.  - Cet amendement adapte le cadre juridique des baux saisonniers pour mieux répondre aux besoins des commerçants et des consommateurs. Le droit actuel ne fixe pas précisément la durée du bail, mais la jurisprudence ne l'étend pas au-delà de six mois. Toutefois, en Dordogne, à Sarlat, notamment, cette limite est inadaptée avec l'étalement de la saison touristique au-delà de l'été.

À la demande motivée du maire, le préfet pourra reconnaître, localement, que la saison touristique dure jusqu'à neuf mois. Ce n'est pas une dérogation arbitraire, mais une possibilité d'adaptation fondée sur des données objectives : fréquentation, événements, pratiques économiques. Ainsi, les commerçants pourront ouvrir plus longtemps sans risque juridique. Ce levier souple et simple reste facultatif et ciblé.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Même si je comprends votre souci, cela relève du réglementaire. Retrait, sinon avis défavorable. La durée des baux saisonniers n'est pas fixée par la loi : un bail saisonnier est inférieur à un an. Il coïncide avec la durée d'une saison, qui varie en fonction des activités et des régions. Si la durée usuelle est de six mois, cela ne relève pas de la loi : le juge a pu accepter un bail de sept mois. En outre, deux baux peuvent être faits pour une saison d'été et une saison d'hiver.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié quater de M. Delcros et alii.

M. Bernard Delcros.  - Dans le droit actuel, le préfet peut déroger à la règle de droit commun d'un plafond de 80 % de subventions pour les opérations concernant le patrimoine classé -  règle étendue au patrimoine non classé par la loi Engagement et proximité de 2019.

Cette dérogation est utile pour les petites communes devant restaurer une église en très mauvais état, par exemple.

L'article 2 prévoit d'abaisser à 5 %, par dérogation du préfet, la quotité d'autofinancement pour les communes de moins de 2 000 habitants à faible potentiel financier. Mon amendement complète la rédaction de la commission des lois pour ne pas priver ces petites communes d'un financement dépassant ce taux de 80 %.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - En effet, cela existe...

M. le président.  - Amendement n°16 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Le Gouvernement souhaite revenir au dispositif prévoyant un seuil minimum d'autofinancement de 20 %, avec la possibilité pour le préfet de le réduire à 5 %. Il ne faut pas que des communes investissent lorsqu'elles n'en ont pas les moyens. Attention à ne pas généraliser les 5 %, car l'État aura du mal à financer les projets.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable à l'amendement n°16 : ce dispositif incluant un seuil de 5 % avait été introduit par le Sénat en 2004 pour les communes de moins de 2 000 habitants, pour venir en aide aux territoires ruraux.

En revanche, avis favorable à l'amendement n°23 : il existe certains cas où des collectivités territoriales atteignent 100 % de subventions.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°23 rectifié quater.

L'amendement n°23 rectifié quater est adopté.

L'amendement n°16 n'a plus d'objet.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié quater de M. Mérillou et alii.

M. Serge Mérillou.  - Nous voulons intégrer un dispositif dérogatoire en matière de conventionnement des logements locatifs sociaux, pour redonner des marges de manoeuvre aux bailleurs sociaux dans les petites et moyennes villes, là où la vacance progresse. Certains immeubles anciens sont invivables, car trop énergivores. À Périgueux, un immeuble art déco affiche un taux de vacance de 50 %.

La réhabilitation complète est souvent hors de portée, pour des raisons financières. Souvent, ces logements restent vides ; c'est un non-sens social, économique et écologique. Nous voulons le déconventionnement-reconventionnement. Ce n'est ni une privatisation déguisée, ni une requalification de l'offre sociale, mais une réponse concrète pour revitaliser les centres-bourgs, lutter contre la vacance et offrir un logement digne.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Retrait, sinon avis défavorable. Cet amendement est satisfait, et sa rédaction n'est pas opérationnelle. En effet, le dispositif concerne les logements pour lesquels une convention APL a été conclue avant le 1er janvier 1977. Or il ne peut exister de telle convention avant cette date, puisqu'elle a été créée le 3 janvier 1977.

Les logements anciens conventionnés en APL peuvent d'ores et déjà être déconventionnés, les préfets pouvant résilier unilatéralement la convention APL pour un motif d'intérêt général. Un délai de carence de dix ans est alors nécessaire pour l'obtention d'un nouveau prêt, délai auquel le préfet peut également demander à déroger, de sorte que les logements peuvent être reconventionnés sous couvert d'un nouveau financement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Demande de retrait, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°1 de M. Roiron et du groupe SER.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Tel qu'il est rédigé, le périmètre de cet article 3 va bien au-delà de la seule question des moulins à l'eau : les préfets pourront déroger aux normes environnementales pour tous les ouvrages hydrauliques. Cela constituerait un grave recul, alors que la France ne respecte pas toujours ses engagements européens en matière de bon état écologique des cours d'eau...

M. le président.  - Amendement identique n°11 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - L'article 3 permet de déroger aux normes environnementales pour tous les ouvrages hydrauliques. L'attaque est directe et frontale : les normes environnementales sont vues comme un obstacle, non comme la clé du développement durable de nos territoires.

La protection des cours d'eau classés est pourtant indispensable pour la reconquête de la biodiversité, la circulation des poissons migrateurs et le transport des sédiments.

Supprimons cet article scandaleux.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. Je connais votre sensibilité écologique. L'objectif n'est pas de s'attaquer à la continuité écologique des cours d'eau, mais une faculté limitée de dérogation aux normes applicables protégerait les ouvrages existants tels que les moulins, sans leur imposer des travaux colossaux et ruineux.

Le dispositif est strictement encadré. Le préfet connaît son territoire. Il est précisé que ces dérogations doivent être compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France. (M. Guillaume Gontard écarte les bras.)

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Même avis.

M. Grégory Blanc.  - J'ai cosigné ce texte, qui va dans le bon sens. Les préfets doivent pouvoir déroger aux normes pour rendre la loi applicable en cas de blocages locaux.

Cet article 3, lui, va à rebours de l'objectif souhaité. Que l'on déroge aux normes des fédérations sportives pour utiliser un terrain qui dépasse de quelques centimètres, soit. Mais il s'agit ici de normes environnementales. Face au dérèglement climatique, il faut une planification puissante. Cela suppose que les textes soient applicables. Or on fait l'inverse... C'est une erreur, qui déséquilibre le texte.

M. Michaël Weber.  - Nous avions abouti à un texte acceptable, mais les positions peuvent se crisper sur cet article 3, qui est à contre-courant - c'est le cas de le dire - de l'opinion publique, très sensible sur la question de l'eau.

Quid du respect du droit européen ? Les zones Natura 2000 font référence à la continuité écologique des cours d'eau.

Cet article méconnaît ce qui se passe dans les territoires. Dans les Vosges du Nord, trois mille étangs installés en embâcle ont vu leur continuité écologique rétablie. Appuyons-nous sur ces réussites, loin des postures !

M. Philippe Folliot.  - Il y a la théorie, et il y a les réalités de terrain.

La centrale hydroélectrique de Mirandol-Bourgnounac, dans le Tarn, doit être rénovée. La commune est prête à investir plusieurs centaines de milliers d'euros pour une énergie décarbonée. En amont, il y a un barrage EDF avec une digue de 20 mètres de haut. On impose à la commune d'investir 300 000 euros pour une passe à poissons - qui ne pourront pas remonter 5 km plus loin. C'est stupide ! Laissons le préfet tenir compte des réalités de terrain. Il ne s'agit pas de refuser la continuité écologique, mais de favoriser le développement d'énergies renouvelables. Il faut savoir ce qu'on veut. Je préférerais que la commune de Mirandol-Bourgnounac investisse 300 000 euros dans autre chose qu'une passe à poisson inutile !

Mme Guylène Pantel.  - Je partage totalement ces propos. L'énergie hydraulique des moulins est une énergie renouvelable et propre, son impact environnemental est minimal. Les moulins à eau traditionnels ne nécessitent que de petits ouvrages de dérivation que les poissons peuvent franchir ; la continuité écologique est maintenue. La production est décentralisée, on évite les pertes liées au transport électrique sur de longues distances. On produit ainsi plusieurs tonnes de farine biologique sans aucune émission nette de carbone.

Les retenues des moulins créent des zones humides qui favorisent une faune et une flore spécifiques. Ces installations sont un modèle de sobriété énergétique et de valorisation de la ressource naturelle. Leur réhabilitation s'inscrit dans une démarche de développement durable.

M. Guillaume Gontard.  - Ce n'est plus une dérogation, mais une remise en cause du droit environnemental ! Bon courage au préfet et à ses services pour traiter ces sujets au cas par cas...

Les moulins sont sympathiques. Nous avons tous été confrontés aux choix à faire entre continuité écologique et production d'hydroélectricité. Idem pour les éoliennes, dont l'implantation se heurte parfois au droit environnemental, ou pour le solaire sur des bâtiments classés. Va-t-on avoir un article dédié sur chaque sujet ? Voilà où nous emmènent ces textes fourre-tout.

Les amendements identiques nos1 et 11 ne sont pas adoptés.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 4 bis

M. le président.  - Amendement n°15 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Amendement de suppression. Le Gouvernement entend la volonté de la commission d'aider les collectivités à mener à bien leurs investissements, mais la contemporanéisation du FCTVA présenterait un risque inflationniste pour l'État, avec le décaissement anticipé de plusieurs centaines de millions d'euros. Cela mettrait en péril le solde budgétaire de l'État.

Alors que l'application Alice a simplifié le fonctionnement du FCTVA, cet article supposerait de rétablir les états déclaratifs, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification.

La notion de capacité financière, imprécise, laisse augurer une interprétation variable selon les préfectures, d'où un risque juridique.

Enfin, il existe déjà un mécanisme d'acompte.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis défavorable. L'amendement est contraire à la position de la commission. Le FCTVA est un instrument de soutien à l'investissement des collectivités, à la main du préfet. Nul surcoût pour les finances publiques, puisque ces sommes seront versées un jour ou l'autre.

Nous connaissons bien la notion de capacité financière, qui figure dans le code général des collectivités territoriales.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 4 bis est adopté.

Après l'article 4 bis

M. le président.  - Amendement n°13 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - L'amendement n°13 rend facultative la création d'un conseil de développement.

M. le président.  - Amendement n°12 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - L'amendement n°12 assouplit la nature et les modalités de fonctionnement de la caisse des écoles.

M. le président.  - Amendement n°14 du Gouvernement.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - L'amendement n°14 rend facultative la création des conseils citoyens.

Ces mesures sont puisées dans le Roquelaure de la simplification et le rapport de Boris Ravignon.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Avis favorable sur ces trois amendements, qui offrent plus de souplesse aux collectivités.

M. Éric Kerrouche.  - Je ne comprends pas ces amendements. Le Gouvernement est rétif aux projets de loi - et pour cause ! - mais ces trois sujets mériteraient un texte spécifique, dédié à la simplification.

M. Grégory Blanc.  - Je ne comprends pas. Cette proposition de loi vise à rendre les lois applicables au regard des spécificités de certains territoires. Ce n'est pas un texte de simplification !

Va pour les caisses des écoles, supprimées dans la quasi-totalité des communes, mais rendre facultatifs les conseils de développement, les bras m'en tombent ! Nous avons besoin de ces instances de débat et de contrôle démocratique. Que la société civile organisée ne puisse émettre un avis me semble contraire à ce que nous essayons de faire. Nous devons renforcer le compromis.

Ces amendements, déposés à la dernière minute, me semblent contreproductifs.

M. Pierre-Alain Roiron.  - Je ne comprends pas l'amendement n°13. On nous a expliqué qu'il fallait faire des conventions citoyennes. Et on voudrait rendre les conseils de développement facultatifs ?

Les caisses des écoles datent d'un siècle : pourquoi les supprimer dans ce texte ? Nous voterons contre.

M. Guillaume Gontard.  - Où est la simplification en rendant les conseils de développement optionnels ?

Le Premier ministre a parlé de sérieux budgétaire. À l'heure de la préparation du budget, ce texte multiplie les articles sans vision ni chiffrage : je pense au FCTVA ou aux subventions pour les petites communes, par exemple. Mais tout cela a un coût que je ne connais pas. Cette façon de faire relève de l'amateurisme.

À la demande du groupe SER, l'amendement 13 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°307 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 241
Contre   99

L'amendement n°13 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°12 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°14 est adopté et devient un article additionnel.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°7 de M. Dantec et alii.

M. Grégory Blanc.  - Ronan Dantec et moi étions favorables à l'article 1er, dès lors qu'il y a un suivi précis des dérogations préfectorales : le texte initial prévoyait un comité associant les élus pour vérifier le bon exercice de ce pouvoir.

L'amendement n°8 permet aux acteurs du comité d'émettre un avis simple et au préfet de consulter les forces vives du territoire.

M. le président.  - Amendement n°25 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement complète l'amendement n°7 de Ronan Dantec. Les dérogations doivent être évaluées par les acteurs de terrain et non par le préfet, projection du ministre de l'intérieur dans les territoires.

Réunir un comité associant les élus rendrait visible cette faculté préfectorale, que 80 % des élus consultés ne connaissent pas. Ce serait un gage de démocratie, d'égalité entre collectivités et de transparence.

Les élus doivent être associés en amont, en ayant connaissance des demandes et en se prononçant sur certaines d'entre elles.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Le CLCT existe déjà : nul besoin de créer un nouveau comité, comme le prévoit l'amendement n°7. Demande de retrait.

L'information des élus est bien prévue par le dispositif que nous proposons, puisque le préfet devra présenter un bilan annuel. (M. Guy Benarroche ironise.) Avis défavorable à l'amendement n°25.

L'amendement n°8 alourdit aussi la procédure : avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, ministre.  - Demande de retrait de ces trois amendements, satisfaits. À défaut, avis défavorable.

M. Grégory Blanc.  - Nous maintenons ces amendements : l'instance évoquée ne rassemble que les élus locaux, alors que les dérogations pourront aussi concerner des particuliers et des entreprises. Alors que nous venons de rendre les conseils de développement optionnels, nous avons besoin d'espaces où les acteurs peuvent échanger. Les décisions dérogatoires du préfet doivent être davantage éclairées.

Je regrette les avis défavorables de la rapporteure et du ministre, d'autant que ces amendements s'inscrivent dans l'esprit initial du texte.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié ter de Mme Martin et alii.

Mme Pauline Martin.  - L'évaluation des politiques publiques décentralisées se concentre essentiellement sur les nouvelles normes. Cet amendement élargit les missions du CLCT, afin qu'il puisse aussi se saisir de normes plus anciennes.

M. Laurent Somon.  - Excellent !

L'amendement n°26 rectifié ter, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 de M. Dantec et alii.

M. Grégory Blanc.  - Défendu.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

L'article 6 est adopté.

Après l'article 6

M. le président.  - Amendement n°29 de Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.

L'amendement de coordination n°29, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

M. Pierre-Alain Roiron .  - Dans mon intervention liminaire, j'avais indiqué que ce texte allait dans le bon sens. Mais quelques points nous inquiétaient. Premièrement, l'article 3 : il n'a pas évolué, nous n'avons pas pu le voter. Deuxièmement, le Gouvernement a déposé des amendements sur les conseils de développement et les caisses des écoles, au dernier moment.

Dans ces conditions, nous nous abstiendrons.

Mme Ghislaine Senée .  - Je suis inquiète pour les municipalités, confrontées à des préfets qui voudront leur imposer des projets ne correspondant pas à leurs orientations.

Je suis inquiète pour nos concitoyens, compte tenu de la possible suppression des conseils citoyens et des conseils de développement.

Je suis inquiète pour l'environnement, car une fois de plus, le Sénat a offert la possibilité de passer outre le droit de l'environnement, au mépris des règles européennes.

Cette proposition de loi ne simplifiera rien. Elle crée juste de l'injustice et de la défiance.

M. Grégory Blanc .  - Je salue le travail de Rémy Pointereau et de Guylène Pantel.

Mes réserves sur l'article 3 ne me paraissaient pas de nature à m'empêcher de voter ce texte. Mais je déplore les amendements « de simplification » du Gouvernement, qui n'ont pas leur place dans ce texte. Alors que j'en suis cosignataire, je vais donc devoir m'abstenir. Un vote unanime aurait pourtant permis de donner de la force à la parole du Sénat. Je regrette sincèrement que le Gouvernement ait déséquilibré un texte patiemment construit.

M. Rémy Pointereau .  - Je remercie la présidente de la commission des lois et la rapporteure pour leur travail. Sans présager du vote, je remercie mes collègues qui voteront cette proposition de loi, un pas de plus vers la simplification et la différenciation. Nous avançons, colline après colline !

Le préfet deviendra ainsi le dernier kilomètre de la simplification. Les élus locaux l'attendent avec impatience.

Mme Guylène Pantel .  - Je partage les propos de Rémy Pointereau et remercie la rapporteure et la présidente de la commission des lois, ainsi que le président Delcros. Cette proposition de loi est un pas de plus pour aider nos collectivités territoriales, qui l'attendent avec impatience.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°308 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 273
Pour l'adoption 241
Contre   32

La proposition de loi est adoptée.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Je remercie tous les collègues sénateurs pour nos échanges, quels qu'aient été nos désaccords.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 11 juin 2025, à 15 heures.

La séance est levée à 1 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 11 juin 2025

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30, le soir et la nuit

Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat M. Alain Marc, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Véronique Guillotin

1Questions d'actualité

2Proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°683, 2024-2025) (demande du groupe UC)

3Proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), présentée par Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°664, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)

4Proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°696, 2024-2025) (demande de la commission des finances)