EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 7 JUIN 2023

_________

M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons cette matinée extrêmement riche, puisque trois textes sont inscrits à l'ordre du jour de notre réunion, par l'examen du rapport de notre collègue Jean-Raymond Hugonet sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Je vous rappelle que l'examen de ce texte en séance publique est programmé lundi prochain, 12 juin, en second point de l'ordre du jour. C'est la raison pour laquelle nous serons contraints de nous réunir ce jour-là à 18 heures afin d'examiner les amendements de séance déposés sur ce texte.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle déposée par le président Laurent Lafon le 21 avril dernier. Un mois et demi seulement pour passer du projet à sa réalisation législative, on aurait aimé que sur ce sujet le Gouvernement fasse preuve de la même célérité !

Si je me réjouis de la rapidité d'action dont notre commission a fait preuve c'est véritablement qu'il y a urgence. On le mesure en effet chaque jour, le développement des plateformes de vidéos à la demande, des sites de partage de vidéos, des réseaux sociaux et des plateformes audio changent les usages mais également nos références culturelles et, peut-être même, notre façon de faire vivre notre démocratie. Pour une part croissante de nos concitoyens, la télévision et la radio ne sont, en effet, plus les principaux moyens de se divertir, de s'informer, de suivre des débats, de se cultiver...

Cette évolution pose question car ces nouveaux services pour l'essentiel délinéarisés sont également porteurs de valeurs qui peuvent ne pas être les nôtres concernant, par exemple, la laïcité, l'acceptation d'une certaine forme de violence, le rapport aux faits historiques ou même la préservation de l'environnement.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le modèle des médias généralistes a besoin d'une offre de programmes diversifiée pour assurer son financement et son attractivité. L'information, le documentaire, la culture coûtent cher. Leur place sur les médias publics et privés dépend également de la présence de programmes puissants dans le sport, le cinéma et la création audiovisuelle pouvant drainer audiences et revenus publicitaires. La migration d'un nombre croissant de ces programmes attractifs sur les plateformes menace donc l'écosystème des médias et, à terme, leur pérennité mais également notre souveraineté culturelle et audiovisuelle.

J'ajoute que dans cette bataille qui a commencé le sort des médias publics et privés sont liés. Un jeune Français qui passe son temps sur Netflix, Tik Tok et Spotify est perdu pour France Télévisions et Radio France tout comme pour TF1 et NRJ...

Voilà pourquoi il est devenu urgent d'entreprendre une réforme du secteur des médias audiovisuels français afin, d'une part, de faire émerger des acteurs publics et privés disposant d'une taille critique et, d'autre part, de corriger certaines anomalies de la loi du 30 septembre 1986 qui freinent leur développement.

La proposition de loi revient donc tout d'abord sur l'organisation de l'audiovisuel public dans le droit fil des travaux menés par notre commission depuis 2015. Contrairement à ce que l'on pourrait croire en comparant l'audiovisuel privé et public, il y a également urgence à réformer ce dernier.

En effet, les audiences du service public sont plutôt bonnes mais ne nous trompons pas, comme les étoiles qui brillent encore mais sont déjà mortes au fond de l'univers, l'audiovisuel public est également menacé à brève échéance.

Les antennes de Radio France, par exemple, bénéficient d'un avantage comparatif exceptionnel en termes de nombre de fréquences FM qui leur permettent d'être bien mieux exposées que leurs concurrentes du privé, ce qui rend le groupe plus résilient ; mais Radio France subit de la même façon la baisse de la durée d'écoute.

Selon les chiffres officiels du ministère, la durée d'écoute par auditeur s'établissait en 2021 à 2 heures 42 minutes, contre 2 heures 52 minutes cinq ans plus tôt. L'écoute de la radio recule en particulier parmi les plus jeunes : en 2021, l'audience cumulée des 13-24 ans a reculé de 16 points de pourcentage en cinq ans (56 % en 2021), celle des 25-34 ans de 12 points de pourcentage (65 %). Le recul est plus modéré pour les tranches d'âge supérieures.

À noter également que les modalités d'écoute évoluent vers des supports numériques qui ont pour effet de désintermédier la relation entre la radio et les auditeurs et de favoriser la substituabilité avec les programmes des plateformes audio.

Le problème n'est pas différent pour les chaînes de télévision qui sont confrontées à une concurrence féroce de la part des plateformes de vidéo à la demande (SVOD). Cette concurrence a pour effet de tarir l'accès des chaînes aux séries et aux films américains qui deviennent de plus en plus des exclusivités des plateformes. Dans ce contexte, France Télévisions fait preuve, grâce à ses productions françaises, d'une certaine résilience qu'il ne faut néanmoins pas surestimer puisqu'elle tient au fait que ses programmes plaisent à un auditoire de plus en plus âgé. L'avenir du groupe public n'est donc pas davantage assuré.

Selon les données fournies par Delphine Ernotte, on peut même considérer que les perspectives sont déjà inquiétantes pour l'ensemble des chaînes puisque, sur le public jeune, les courbes se croisent en soirée entre les plateformes de vidéos (Youtube, Tik Tok...) et les chaînes de la TNT. Si on tient compte des plateformes SVOD, on peut même estimer que la télévision hertzienne a déjà perdu une grande partie de la jeunesse aux heures de plus grande écoute.

Cette évolution a toutes les raisons de s'accélérer à mesure qu'émergeront les nouvelles générations avec comme perspective un effet « falaise » une fois que les jeunes d'aujourd'hui et leurs successeurs seront devenus majoritaires dans la population.

La situation est encore plus défavorable pour les chaînes privées qui ne peuvent s'appuyer sur une dotation publique conséquente pour investir dans la création et qui ont dû renoncer progressivement à l'essentiel de leurs droits sportifs au bénéfice des chaînes payantes et des plateformes. Ces chaînes privées connaissent depuis début janvier 2023 une baisse de leur chiffre d'affaires publicitaire de 7 % à 10 % en France et jusqu'à 15 à 20 % dans certains pays européens qui risque de menacer à terme leur existence même.

Tous les médias audiovisuels sont donc obligés de repenser leur modèle, leur offre et leur organisation.

Comment expliquer cependant que près de dix ans après l'apparition de Netflix en France et des plateformes audio comme Deezer et Spotify, la télévision et la radio n'aient toujours pas réussi à réinventer leur modèle ?

Les erreurs d'analyse des dirigeants publics et privés permettent assurément d'expliquer une partie de ce phénomène. Les différents acteurs ont, en effet, mis du temps à comprendre qu'il leur fallait développer une offre attractive à 360° sur tous les supports. Ils ont engagé des projets avec plus ou moins de succès. M6 a ainsi été un des premiers acteurs à investir dans une plateforme de replay qui connaît un vrai succès. France Télévisions pour sa part n'a pas réussi à développer sa propre plateforme SVOD et la plateforme Salto créée conjointement avec TF1 et M6 n'a pas survécu à l'échec du rapprochement entre les deux groupes privés. Les grandes radios ont créé une application commune, Radioplayer, mais elles demeurent pénalisées par la pénurie de fréquences FM, des règles contraignantes en termes de mentions légales obligatoires sur la publicité et une réglementation très complexe et défavorable en matière de diffusion musicale.

Quand je dis que nos médias n'ont pas encore réussi leur mue, je me dois cependant de faire deux exceptions qui concernent Canal+ et Arte France.

Le groupe qui a historiquement développé la télévision par abonnement en France est probablement passé au bord de la faillite il y a 5 ans après l'échec de sa plateforme Canalplay. Mais il a réagi à temps en développant un nouveau modèle fondé sur un contrôle draconien des coûts, des créations originales de haut niveau, des accords de distribution nombreux avec les plateformes et l'agrégation de contenus diversifiés au sein d'une application (MyCanal) digne des plateformes américaines.

Arte France n'a pas suivi une stratégie très différente puisque la pertinence de son offre associée à son accessibilité sur tous les supports lui ont permis de renouveler son image et développer sa relation avec un public rajeuni.

Ces deux exemples qui concernent un acteur privé et un acteur public démontrent que le déclin n'est pas une fatalité. Des acteurs français peuvent relever le défi du numérique. Mais, pour autant, ces deux succès s'expliquent également par les particularités de ces deux acteurs. Canal+ a bénéficié du soutien de son actionnaire pour investir dans la création, dans le sport et se développer à l'étranger tandis qu'Arte a bénéficié de son statut franco-allemand et de sa souplesse d'organisation pour innover et s'adresser aux publics les plus jeunes.

La présente proposition de loi vise à permettre aux grands acteurs publics et privés de l'audiovisuel de trouver leur propre chemin qui les mènera au redressement. Pour le secteur public, ce chemin passe par un rapprochement des structures et des services. Pour le privé, il peut passer par l'arrivée de nouveaux investisseurs, une meilleure maîtrise de leurs programmes et une réduction des asymétries avec les plateformes.

Le chapitre Ier vise ainsi à engager le regroupement de l'audiovisuel public à travers la création d'une société holding dénommée France Médias. Ce projet est le fruit du travail de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin qui en avaient défini les principes et les contours dans leur rapport de septembre 2015. Il avait été repris par Franck Riester dans son projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle qui avait été adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale en mars 2020, puis abandonné du fait de la crise sanitaire.

Nous connaissons tous les objectifs de ce regroupement. La France est le seul pays d'Europe à connaître un audiovisuel aussi éparpillé avec pas moins de six sociétés de l'audiovisuel public.

Je ne reviendrai donc pas sur l'ensemble des raisons qui nous ont amenés à préconiser ce regroupement.

Je souhaite surtout aujourd'hui expliquer ce qu'on est en droit d'attendre de la création de cette holding et expliquer pourquoi l'argument selon lequel cette structure serait inutilement coûteuse m'apparaît inopérant.

Tout d'abord, permettez-moi de revenir à une question de base : à quoi servira la holding ?

La question n'est pas si simple en réalité. La mission de la société holding France Médias consistera moins à se substituer aux dirigeants des quatre filiales qu'à incarner les choix de l'actionnaire.

Car là est le principal paradoxe. Il n'y a pas dans cette majorité depuis trois ans de ministre de la communication de plein exercice. Ce manque d'attention pour un secteur qui représente la moitié des crédits du ministère de la Culture ne serait pas trop préjudiciable si l'administration de celui-ci était en mesure d'élaborer les priorités stratégiques du secteur de l'audiovisuel public, mais ce n'est pas véritablement le cas.

Bien entendu, le ministère assure un suivi régulier de l'activité de ces entreprises. Le contrôle d'État s'assure que la gestion est conforme aux objectifs. Mais l'administration n'a pas de compétence particulière dans la gestion des entreprises de médias dans un monde en profonde révolution. Dans les faits, le ministère se contente le plus souvent de valider les propositions des entreprises sans véritablement les interroger.

Et les exemples sont légion des décisions dont on peine à comprendre pourquoi elles ont été acceptées par l'actionnaire. Permettez-moi de vous en citer quelques-unes :

Pourquoi avoir autorisé FTV à développer une offre payante avec TF1 et M6 ? N'est-ce pas le propre du service public d'être gratuit ?

Pourquoi, par ailleurs, avoir développé une chaîne d'information en espagnol en Amérique latine alors que le pays le plus important de la région est lusophone ? Là encore c'est l'entreprise qui a eu le mérite de proposer un projet mais d'autres choix auraient été possibles.

Pourquoi également n'avoir pas imposé que la chaîne France Info s'appuie davantage sur France 24 pour bénéficier de son expertise reconnue ? Six ans après sa création, la chaîne France Info n'a toujours pas d'identité claire et végète à 0,7 % d'audience tandis que les journalistes de France 24 ne cessent d'intervenir sur les plateaux de LCI qui a triplé son audience en un an en pariant sur l'international.

Pourquoi, enfin, n'avoir pas imposé à Radio France d'investir le DAB+ il y a 10 ou 15 ans quand le groupe ne voulait pas en entendre parler ? Nous serions aujourd'hui bien plus avancés dans l'usage de cette technologie et le basculement de la FM au DAB+ serait beaucoup plus aisé au moment où il apparaît indispensable pour contrer les plateformes de musique en ligne et de podcasts...

À travers ces quelques exemples, il apparaît clairement que les tutelles publiques ne jouent pas véritablement leur rôle d'actionnaire, tout simplement parce qu'elles n'ont pas toutes les compétences pour le faire.

À ces errements de la tutelle s'ajoute un problème dans le choix du management des entreprises. Le mode de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom, comprend, en effet, un biais fâcheux. L'autorité n'étant pas en mesure de garantir l'anonymat des candidatures, seuls des candidats issus du secteur public ou des candidats du privé en recherche d'emploi peuvent se permettre de candidater. Depuis 10 ans, aucun candidat d'envergure en poste dans le secteur des médias privés n'a ainsi fait acte de candidature pour diriger France Télévisions, Radio France ou France Médias Monde.

Pour résumer, nous voyons bien que l'organisation actuelle ne permet pas de trouver une personnalité ayant l'expérience suffisante et la vision qui permettraient aux entreprises de l'audiovisuel public de se réinventer, de se réorganiser et de renouer avec une culture de l'offre offensive, innovante et originale.

La création de la holding doit donc permettre de répondre à trois objectifs complémentaires : recruter une personnalité avec une expérience et une vision au terme d'un processus de sélection rigoureux pour lui assurer une pleine légitimité ; confier à cette personnalité et à ses équipes le soin d'élaborer une stratégie qui sera approuvée par l'État actionnaire ; et mobiliser les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet avec le concours des personnels.

J'en viens maintenant à la question du coût de la holding qui semble être l'argument principal des opposants au projet. Nul n'a été en mesure d'évaluer ce coût puisqu'aucune étude n'a été conduite comme nous l'a confirmé Delphine Ernotte. Or la présidente de France Télévisions a reconnu que ce coût ne serait pas le même si la structure était légère ou si elle devenait pléthorique pour se substituer aux directions existantes.

Le président Lafon a toujours exprimé sa préférence pour une structure souple et légère. Quel pourrait être le coût de cette structure d'une vingtaine de personnes composée de quelques directeurs et collaborateurs ? Je ne pense pas me tromper, compte tenu des grilles de rémunérations que j'ai pu consulter, en estimant qu'une telle structure pourrait coûter entre 3 millions et 4 millions d'euros par an à comparer aux 3,4 milliards d'euros de dotation publique qui sont attribués chaque année à FTV, Radio France, France Médias Monde et à l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

On peut donc estimer que le coût de la holding pourrait représenter un millième de la dotation publique...

Mais allons plus loin pour estimer ce coût si vous le voulez bien.

Peut-être que ces 3 millions auraient permis à France Télévisions de ne pas perdre 80 millions d'euros dans Salto, un projet dont nous avons toujours dit ici au Sénat qu'il était un non-sens ? Peut-être que cette somme aurait permis d'éviter de dépenser des dizaines de millions d'euros chaque année pour la chaîne France Info pour seulement 0,7 % d'audience ? Peut-être également que la création de cette holding il y a déjà quelques années aurait permis de regrouper efficacement l'ensemble des équipes de France Bleu et de France 3 dans des locaux communs avec à la clé là encore des millions d'économies ? Je ne parle pas des dizaines de millions dépensés par France Télévisions dans sa stratégie numérique depuis 2018 sans résultats très probants...

Au final, les partisans du statu quo surestiment le coût de la holding - sans jamais le chiffrer - tandis qu'ils oublient d'évoquer les économies considérables qu'elle pourrait permettre de réaliser pour redéployer l'audiovisuel public vers ses nouvelles priorités.

L'audiovisuel public a en effet besoin de moyens nouveaux pour développer un portail numérique commun, pour créer de véritables chaînes régionales avec des productions locales plus nombreuses, pour innover dans le traitement des datas... À l'international, France Médias Monde souhaiterait aller plus loin pour développer des rédactions en ukrainien et en turc pour peser davantage sur les confins de notre continent en guerre.

Mais aucun de ces projets ambitieux ne pourra aboutir dans le cadre actuel avec des organisations qui passent plus de temps à s'empêcher mutuellement d'avancer qu'à essayer d'aller de l'avant.

Comme l'a indiqué le président de l'Arcom lors de son audition, je le cite : « face aux investissements nécessaires dans la technologie pour aller chercher les publics et du fait de la concurrence des talents, il est nécessaire de regrouper les forces et les énergies de l'audiovisuel public. » Roch-Olivier Maistre poursuivait en ajoutant que « si les entreprises de l'audiovisuel public sont livrées à elles-mêmes, les convergences s'effectueront avec lenteur, c'est pourquoi on ne peut se reposer sur la volonté des parties ».

La proposition de loi du président Lafon aurait pu se limiter à réformer l'audiovisuel public mais cela n'aurait pas été suffisant car, comme je l'ai indiqué, l'écosystème de la télévision et de la radio a besoin du public et du privé pour offrir une alternative attrayante aux plateformes.

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi prévoit, en particulier, que l'ensemble des chaînes de la TNT puisse bénéficier de la visibilité appropriée accordée aux services d'intérêt général (SIG).

Cette disposition est fondamentale pour permettre aux chaînes de conserver un accès sur les télécommandes et sur les interfaces utilisateurs des télévisions connectées qui ont tendance à privilégier l'exposition des plateformes. Le soutien au développement de la norme HbbTV qui permet de développer l'interactivité de la TNT et les dispositions qui visent à encourager le développement du DAB+ participent du même esprit de défense de notre souveraineté audiovisuelle.

Je vous présenterai dans un instant une quinzaine d'amendements qui permettront d'ajuster certaines dispositions et de compléter la proposition de loi. C'est le cas notamment pour l'article 10 sur les événements sportifs d'importance majeure pour lequel je vous proposerai une nouvelle rédaction qui vise à réduire les asymétries qui pénalisent les acteurs français sans pour autant s'écarter du droit européen. C'est aussi le cas de l'amendement à l'article 12 qui doit permettre d'attirer de nouveaux investisseurs dans l'audiovisuel qui seront capables de financer des projets nouveaux.

Permettez-moi en conclusion de revenir sur l'esprit qui nous anime. Il y a urgence à agir pour accompagner le secteur de l'audiovisuel avant qu'il ne soit trop tard. Nous ne sommes pas les seuls à le penser puisque dans leur rapport les députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon défendent de nombreuses orientations similaires aux nôtres notamment à travers la création d'une holding.

Je saisis à cet égard l'occasion de cette présentation pour vous indiquer que je vous proposerai d'intégrer certaines propositions du rapport de la mission de l'Assemblée nationale dans la proposition de loi afin de bien affirmer la convergence de vues entre nos deux assemblées. Je pense, en particulier, au mode de nomination du président de la holding France Médias. Plusieurs personnalités auditionnées nous ont indiqué que la nomination par un décret en Conseil des ministres ne leur semblait pas nécessaire. Je souscris pleinement à cette analyse ! C'est pour cela que j'ai décidé de travailler à une rédaction qui permettra de conserver une nomination par l'Arcom sur proposition du conseil d'administration de la société. Je sais que ce sujet est important pour nombre d'entre vous et nous pourrons je l'espère avancer vers une rédaction qui recueillera un large assentiment lors du débat en séance publique.

Nous vivons un moment particulier au cours duquel une initiative parlementaire transpartisane réunissant des députés et des sénateurs de différents horizons pourrait permettre de faire aboutir un texte raisonnable, équilibré et considéré, par beaucoup, comme indispensable.

Je forme le voeu que nos débats nous permettront de montrer, au-delà de nos différences légitimes, notre même attachement à permettre au secteur de l'audiovisuel de répondre aux urgences qu'il doit affronter.

Je vous propose enfin que le périmètre de la proposition de loi porte sur : l'organisation, le financement et la gouvernance des sociétés de l'audiovisuel public ; les asymétries de réglementation entre les éditeurs de programmes et les plateformes numériques notamment concernant l'acquisition et l'exploitation des programmes sportifs et audiovisuels ainsi que les règles relatives à la publicité et au parrainage ; la mise en oeuvre d'une visibilité appropriée des éditeurs de programmes reconnus comme services d'intérêt général sur les interfaces utilisateurs, notamment ceux des récepteurs de télévision connectés à Internet et enfin le développement de normes de diffusion modernes pour la radio et la télévision permettant le recours à l'interactivité.

Il en est ainsi décidé.

M. David Assouline. - Notre rapporteur a insisté sur l'urgence. Mais si urgence il y a, elle n'est pas de réformer l'audiovisuel public ! Notre commission d'enquête sur la concentration des médias a mené un travail précis et minutieux et a bien explicité les enjeux. Notre paysage audiovisuel subit un bouleversement complet avec la révolution numérique. Pourtant, on continue à se référer à une loi caduque, celle de 1986. Celle-ci visait les concentrations horizontales, mais, à l'époque où elle a été votée, les plateformes numériques n'existaient pas, non plus que les concentrations verticales. Leur apparition a constitué une révolution. Les acteurs du numérique imposent désormais leur loi. Le législateur en est réduit à mettre des rustines pour tenter d'adapter les règles, mais à aucun moment on ne réfléchit à la manière de réaffirmer le principe de la liberté d'expression et de communication ni de réguler l'espace numérique. Celui-ci constitue pourtant un bien commun. Il en va de l'information, du respect de la liberté, de l'indépendance et du pluralisme des médias.

L'audiovisuel public s'est rarement mieux porté. Certes, il subit la concurrence étrangère, mais pas plus que les chaînes privées, comme TF1 ou M6, qui ont d'ailleurs cherché à se regrouper. L'urgence, c'est de revoir la loi de 1986. Telle était la conclusion de notre commission d'enquête. Je ne suis toutefois pas surpris, monsieur le rapporteur, de vous voir pointer du doigt aujourd'hui l'audiovisuel public. Lorsque, au sein de notre commission d'enquête, nous évoquions le danger que représentaient, pour le pluralisme, les concentrations des médias et l'extension du groupe Bolloré, vous disiez qu'il en allait de même dans l'audiovisuel public et dénonciez le gauchisme qui y prévalait selon vous. Vous voulez jeter l'audiovisuel public en pâture à l'opinion, dire que cela ne marche pas. Il me semble que la priorité est plutôt de faire en sorte qu'il ait les moyens de vivre. Celui-ci a été privé d'une ressource pérenne qui garantissait son indépendance. Vous semblez même dire qu'il dépense trop. J'espère que ne reprendrez pas la proposition des députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon de supprimer la publicité, y compris les parrainages d'émissions, sur les chaînes publiques entre 20 heures, le soir, et 6 heures, le matin. La suppression de la publicité dans le public ne répondait pas à un projet culturel : il s'agissait tout simplement de donner satisfaction aux médias privés qui espéraient récupérer le produit de cette manne publicitaire. Ils continuent aujourd'hui. Inutile donc de présenter cette mesure comme une mesure d'ordre culturel, elle est dictée par le souci de garantir les intérêts du privé !

J'en viens à la création d'une holding, qui constitue le coeur de cette proposition de loi. Or aucun professionnel ne prétend que l'audiovisuel public a besoin d'une telle structure. On parle souvent du millefeuille territorial : on crée sans cesse de nouvelles structures de gouvernance, sans supprimer les précédentes, et finalement les strates s'empilent. Il risque d'en aller de même avec l'audiovisuel public. La création d'une holding est présentée comme un effort de rationalisation, mais, comme aucun échelon n'est supprimé, il faut s'attendre à un alourdissement de la bureaucratie, sans rationalisation ni synergie. La création d'une holding au sein du groupe RTL a simplement entraîné la création de 50 postes supplémentaires, sans dégager d'économies. Au contraire l'audiovisuel public a su développer des synergies - entre France Bleu et France 3 par exemple -, mettre en place des partenariats dans le numérique, utiliser les nouvelles technologies, tout en respectant les spécificités de chaque métier : la radio, la gestion des archives, la télévision constituent en effet des univers différents. Il faut laisser à chaque secteur la souplesse nécessaire pour se développer. La holding n'est donc pas l'actualité. Plutôt que de vouloir rationaliser, et donc réduire encore les coûts, il importe de garantir des financements pérennes à l'audiovisuel public, car ces derniers se sont réduits. Le service public a fait des efforts considérables, les plans sociaux se sont enchainés. N'envoyons pas le message qu'il coûte trop cher. Ce secteur a besoin d'un message de confiance. Soulignons plutôt la qualité des programmes.

À l'heure où les concentrations dans le secteur se multiplient et font peser un risque sur la démocratie, où un milliardaire ne cesse d'étendre son empire dans les médias et répand son idéologie mortifère, vous décidez de légiférer sur l'audiovisuel public. Ce n'est pas notre choix !

Mme Monique de Marco. - Alors que notre commission d'enquête sur la concentration des médias a émis des recommandations intéressantes, vous préférez cibler l'audiovisuel public par un rapport à charge.

Nous ne pouvons pas être favorables à la création de cette holding. Il est difficile d'évaluer le coût de cette nouvelle strate. L'enveloppe financière du service public n'est pas extensible. Soit il s'agit d'un coût supplémentaire pour les finances publiques, auquel cas le texte serait passible de l'article 40 de la Constitution ; soit il s'agit d'une mutualisation des moyens humains, et nous ne pouvons pas la soutenir.

Ce texte est une attaque contre le service public. Alors que ce dernier a été fragilisé par la suppression de la redevance audiovisuelle, il est urgent désormais de le doter de financements pérennes. Le président de la holding serait nommé par l'Arcom, pour éviter le fait du prince - je note que vous avez retenu à cet égard les suggestions formulées lors des auditions. Pour le reste, nous soutenons plutôt les propositions de la ministre de la culture visant à développer les coopérations. Si l'objectif du texte est de faire en sorte que les différentes entités du groupe travaillent davantage ensemble, un renforcement du contrat d'objectif et de moyens serait plus efficace et permettrait d'accentuer les coopérations déjà engagées. En outre, comment cette holding pourra-t-elle garantir le respect des obligations en matière de diversité et d'innovation dans la création ? Il nous faudrait des assurances en la matière.

Cette holding n'est pas une simplification. La pertinence des rapprochements n'est pas démontrée. Ce texte pose de nombreuses questions. Il nous semble que la priorité est plutôt de doter le service public de moyens supplémentaires, notamment pour lutter contre les fausses informations.

M. Jérémy Bacchi. - Je ne reviens pas sur la nécessité de réviser la loi de 1986 et le cadre de diffusion des grands événements sportifs.

Le coeur du sujet est la création de la holding et la définition de sa mission. Je ne peux que saluer l'évolution du rapporteur sur la procédure de nomination de son président.

La question du coût de cette nouvelle structure n'est pas le principal problème. Nous sommes tous d'accord pour faciliter les synergies, mais il ne faudrait pas que celles-ci se transforment en rationalisation. Je rappelle que l'audiovisuel public a déjà subi de nombreuses suppressions de postes ces dernières années.

Ce texte renforce la centralité et la verticalité. Il comporte un angle mort : celui de la diversité et de la liberté de création. Comment la holding pourra-t-elle les garantir ? Il est à craindre aussi que la radio ne devienne le parent pauvre du service public dans la mesure où la répartition des crédits sera décidée par la holding et que cette dernière aura essentiellement comme objectif de concurrencer les grandes plateformes.

M. Bernard Fialaire. - À l'heure où les innovations techniques se multiplient, il est nécessaire de réviser la loi de 1986. Il convient en effet de renforcer la coordination pour renforcer l'efficacité du service public et assurer sa survie. Ce dernier a déjà fait des efforts - restructuration, réduction de personnels - qui ont portés leurs fruits, preuve que l'on peut à la fois rationaliser et être plus efficace.

La création de la holding vise-t-elle à accélérer les mutualisations ? Notre pays a besoin d'autorité, qu'elle soit fonctionnelle ou hiérarchique, car celle-ci est un gage de cohérence. Notre rapporteur a rappelé les nombreuses dépenses inutiles qui ont été réalisées faute de cohérence et de coordination.

L'information est un enjeu essentiel. L'audiovisuel public doit être indépendant, tout en respectant les grandes orientations définies par les pouvoirs démocratiquement élus. La suppression de la contribution à l'audiovisuel public a été une bonne chose. Quant à la suppression de la publicité après 20 heures, elle est cohérente avec la volonté de développer des programmes éducatifs et de faire en sorte que les enfants les regardent. Notre audiovisuel public devra être doté des moyens nécessaires à son fonctionnement.

M. Max Brisson. - Je tiens tout d'abord à remercier Laurent Lafon d'avoir déposé cette proposition de loi. La France est un curieux pays : alors que les mutations sont particulièrement fortes dans le secteur des médias, on s'arcboute sur une loi votée en 1986 ! Plus cela bouge, moins la loi n'évolue ! Étrange conservatisme, encore illustré par les propos des orateurs précédents...

La réforme de l'audiovisuel public est un serpent de mer qui a coûté cher à différents ministres. Cette proposition de loi vise à mettre le Gouvernement face à ses responsabilités. Le texte prévoit une holding. Le groupe Les Républicains fait preuve de constance dans ses propositions. Le rapport de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin évoquait déjà la création d'une holding. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet envisageaient même une fusion des chaînes dans leur rapport sur le financement de l'audiovisuel public l'an dernier.

Les frontières entre les médias ne cessent de bouger. Les journalistes aujourd'hui sont souvent reporters d'image. Ils travaillent pour la presse écrite, la radio et la télévision - voilà au moins un « en même temps » qui marche ! Il est donc normal d'adapter la structure à cette flexibilité. L'auteur de la proposition de loi souhaite interpeller le Gouvernement sur les ressources et l'indépendance de l'audiovisuel public. Le Gouvernement doit trancher et assumer les conséquences de la décision du Président de la République, qui a promis, pendant la campagne électorale, de trouver une ressource pérenne garantissant l'indépendance du secteur public.

M. Pierre Ouzoulias. - Je voudrais insister sur la diversité des différents métiers. La radio est un métier spécifique. L'essor du numérique l'a profondément modifié. L'écoute de balados, ou podcast en anglais, est devenue courante. Les balados de France Culture et France Inter, par exemple, ont un grand succès. Il faut veiller à ce qu'une société faîtière, ou holding, n'aboutisse pas à la production de contenus totalement indifférenciés, susceptibles d'être diffusés à la télévision comme à la radio. Les journalistes radio sont inquiets pour la spécificité de leur métier.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Il ne me semble pas, pour répondre à Monique de Marco, que notre rapporteur ait fait un réquisitoire à charge contre l'audiovisuel public. Il a plutôt souligné la défaillance des différents gouvernements pour réformer le cadre en vigueur pour l'audiovisuel, aussi bien public que privé, et pour réviser la loi de 1986 afin de l'adapter à l'ère du numérique. La loi de 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision est restée au milieu du gué : elle n'a pas clarifié le modèle économique et financier - elle n'a pas abordé la question de la redevance audiovisuelle et de sa modernisation - et elle n'est pas allée jusqu'au bout dans la refonte de la gouvernance et dans l'adaptation à la révolution numérique. C'est pourquoi d'ailleurs notre commission a publié un rapport sur le sujet en 2015.

Toutefois, en dépit d'une gouvernance déficiente et de la crise de la covid, la télévision publique produit des programmes d'une très grande qualité. Les sociétés ont réalisé des gains de productivité. L'échec de Salto s'explique en grande partie par la défaillance de la tutelle qui n'a pas su énoncer clairement l'ambition de créer une plateforme européenne pour concurrencer les grandes plateformes internationales. Notre commission a eu l'occasion plusieurs fois de regretter le décalage par rapport aux ambitions initiales et l'absence de débat au Parlement sur ce point. Mme Delphine Ernotte espérait d'ailleurs un rassemblement plus important de toutes les entreprises de l'audiovisuel autour de cette plateforme, dont le périmètre s'est finalement réduit à une peau de chagrin, autour de FTV, TF1 et M6. La tutelle a failli : il lui appartient de définir clairement une stratégie globale et offensive.

Il y a donc urgence à réviser la loi de 1986. L'échec de la fusion entre TF1 et M6 montre qu'il est temps de modifier nos règles de concurrence, qui sont en décalage avec les règles en vigueur ailleurs. Le secteur a aussi été victime de la concurrence des plateformes numériques, qui ont bénéficié des possibilités offertes par une régulation complaisante pour se développer de manière prédatrice et capter l'essentiel du marché. Il faut donc mieux armer notre audiovisuel, public comme privé, pour faire face à la concurrence des plateformes.

Cela implique également - ce qui n'est pas l'objet de la proposition de loi que nous examinons - de clarifier le modèle économique et d'assurer la pérennité de la ressource affectée à l'audiovisuel public. Aujourd'hui, rien n'est sûr dans ce domaine : le déficit de l'État est abyssal, les agences de notation nous pointent du doigt, et il faut tenir compte également des répercussions économiques de la guerre en Ukraine.

Je suis favorable, dans la ligne du rapport d'André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, à une clarification totale du modèle pour libérer l'audiovisuel public des contraintes commerciales. Toutefois, il faut pour cela que la ressource publique soit entièrement garantie. Or nous en sommes loin.

Je rappelle également que le mécanisme de compensation de la suppression de la publicité après 20 heures voulue par le législateur en 2009 - soit l'affectation à France Télévisions de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, dite « Toce » ou « taxe Copé » - n'existe plus, ce qui a contribué à la fragilisation du modèle économique de l'audiovisuel public. Ces éléments de contexte sont importants. Pour mieux armer l'audiovisuel public, il y aura plusieurs sujets à traiter.

La holding est un outil stratégique pour conduire un projet permettant à la fois les mutualisations et une meilleure inscription dans la mutation numérique. L'État tutelle n'en devra pas moins énoncer un cahier des charges précis pour les entreprises de l'audiovisuel public. Je plaide pour une structure légère qui préserve l'identité des entreprises, car elles ont fait un travail remarquable. Je m'inquiète à ce titre des propositions qui sont faites dans le rapport Bataillon, notamment celle qui vise à démanteler tout le travail réalisé pendant plusieurs années afin de rassembler RFI et France 24. J'espère que nous y serons attentifs.

La holding, par le mode de nomination de son président, doit voir son indépendance assurée, moyennant l'octroi de ressources publiques. Toutefois, nous devons aussi pouvoir nous appuyer sur le travail effectué par les entreprises du secteur.

M. Julien Bargeton. - Nous partageons des objectifs communs, notamment la nécessité de toiletter la loi de 1986. Cependant, contrairement à ce qui a été dit, celle-ci a fait l'objet de nombreuses modifications législatives. Il reste néanmoins que le monde a changé, que le numérique est venu affecter l'audiovisuel, et que des sujets comme la concurrence, ou la concentration ont pris de l'importance.

Il faut donc réagir. Se pose alors la question des moyens. La proposition de constitution d'une holding avait déjà été présentée en 2020. Or le contexte de ce débat semble avoir changé en trois ans. En effet, les réticences aux mutualisations que nous avons pu observer semblent s'être apaisées. Plusieurs dirigeants de l'audiovisuel public ont ainsi signé récemment un texte pour souligner la nécessité de travailler ensemble. Les mutualisations sont en cours, comme le montre l'exemple de France Bleu et France 3. Une contrainte forte ne paraît plus autant nécessaire.

Par ailleurs, il ne faudrait pas que cette nouvelle strate, coûteuse, vienne déposséder à la fois l'État actionnaire et les sociétés qui la composeraient. C'est sur ce point que nous devons débattre.

Les enjeux sont multiples : l'audiovisuel public français est qualifié par certains de « média d'État ». Se pose également la question de la désinformation et du fact checking. Or ces sujets nécessitent une approche concrète et pragmatique.

Le rapport présenté ce matin en commission à l'Assemblée nationale souligne la nécessité de prendre tout d'abord connaissance du résultat des contrats d'objectifs et de moyens (COM) et de n'envisager la constitution d'une société faîtière qu'en cas d'échec de ces derniers. Pourquoi anticiper ainsi leur échec et imposer d'entrée de jeu une telle contrainte, qui n'apportera pas forcément plus que des coopérations interentreprises ?

À ce stade, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants n'est pas favorable à cette proposition ni à d'autres dispositions du texte, notamment celles qui ont trait à la production indépendante et au DAB+.

Tout en souscrivant aux objectifs de cette proposition de loi, j'observe donc que le contexte a changé et qu'il convient d'en tenir compte. Des moyens plus pragmatiques et plus efficaces permettraient peut-être d'atteindre les objectifs fixés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Aucun changement n'est prévu pour la création. Le cahier des charges pris par décret s'imposera à la holding comme il s'impose déjà à ses futures filiales.

Par ailleurs, une évolution est nécessaire pour la radio, qui fait face également à une concurrence féroce. L'idée n'est certainement pas d'en faire le parent pauvre du système, mais de miser sur son agilité.

Enfin, la holding respecte l'identité des structures.

EXAMEN DES ARTICLES

Avant l'article 1er

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Je propose de déclarer l'amendement  COM-20 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution sur la recevabilité des amendements.

L'amendement COM-20 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-34 est satisfait par la création de la holding, qui aura pour mission principale de coordonner les actions de ses quatre filiales. Avis défavorable.

L'amendement COM-34 n'est pas adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-35 recrée une taxe affectée dont le montant serait proportionnel au revenu. Outre qu'il ne précise pas ses modalités d'application - sachant que des dispositions existent pour financer l'audiovisuel public par une fraction du produit de la TVA -, il n'apparaît pas opportun de créer une telle taxe dans le contexte économique actuel, afin de ne pas porter atteinte au pouvoir d'achat des Français. Je doute par ailleurs de la possibilité d'examiner une telle disposition en dehors du cadre d'une loi de finances. Avis défavorable.

L'amendement COM-35 n'est pas adopté.

Article 1er

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Les amendements identiques  COM-1 et COM-23 sont des amendements de suppression. Avis défavorable, ainsi, par coordination, qu'à tous les amendements de suppression des dispositions du chapitre 1er relatif au regroupement des quatre entreprises de l'audiovisuel public national.

M. David Assouline. - Hormis les amendements de suppression que nous avons déposés sur les articles du texte, nous avons réservé nos amendements propositionnels à la séance. Je préviens néanmoins le président qu'il ne faudrait pas commencer à copier l'Assemblée nationale en mettant trop souvent en avant les irrecevabilités au titre de l'article 40 et de l'article 45. Évitez de tuer l'initiative parlementaire en abusant de ces articles. Il s'agit d'une proposition de loi. De plus, il est possible de décider d'un mode de financement sans passer par une loi de finances. J'aimerais que nous défendions ensemble la démocratie parlementaire.

Mme Monique de Marco. - Je rejoins ces propos. Je précise par ailleurs, en réponse à Catherine Morin-Desailly, que c'est l'introduction du texte que j'ai jugée à charge, non le texte lui-même.

Les amendements identiques COM-1 et COM-23 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Les modifications apportées par l'amendement COM-36 visent à prévoir que l'Institut national de l'audiovisuel (INA) est également chargé de la conservation des programmes diffusés sur les services délinéarisés des sociétés nationales de programme, qu'il a également pour mission de mettre à disposition de ces sociétés les archives qu'il conserve, et qu'il est chargé de la conservation et de l'exploitation des archives de toute filiale de France Médias et de ses sociétés filles ayant une activité d'édition de services ou une activité de production de programmes.

L'amendement supprime par coordination la dernière phrase de l'alinéa 8 de l'article 1er et procède à la correction d'une erreur matérielle à l'alinéa 9.

L'amendement COM-36 est adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-37 concerne le rôle de l'INA en matière de formation continue des personnels de l'audiovisuel public.

L'amendement COM-37 est adopté.

L'article 1erest adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement COM-38 reprend la rédaction prévue pour l'article 46 de la loi du 30 septembre 1986 par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique afin de reconnaître dans la loi de 1986 TV5 Monde ainsi que ses missions spécifiques.

M. David Assouline. - Je suis surpris de voir que cet amendement n'est pas déclaré irrecevable alors que son objet n'est pas réalisable, le capital de TV5 Monde n'étant pas détenu à 100 % par l'État français. Nous ne pouvons prendre ainsi des décisions quant à son financement.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Il s'agit uniquement du financement de la part française de la chaîne. Le périmètre de la proposition de loi inclut l'organisation, le financement et la gouvernance des sociétés de l'audiovisuel public. Or TV5 Monde fait partie de l'audiovisuel public français.

L'amendement COM-38 est adopté et devient article additionnel.

Article 2

Les amendements identiques de suppression  COM-2 et COM-24 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Les amendements identiques de suppression  COM-3 et COM-25 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-39 répond en partie aux propos de Catherine Morin-Desailly touchant l'importance de France Médias Monde, en soulignant la nécessité de nommer au sein du conseil d'administration de France Médias des personnalités possédant des compétences reconnues à l'international.

L'amendement COM-39 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements  COM-4 et COM-26.

Les amendements COM-4 et COM-26 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement  COM-5, par coordination avec les avis défavorables prononcés sur les amendements COM-1 et COM-23

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Concernant l'amendement  COM-27, il n'apparaît pas souhaitable de porter de cinq à huit ans la durée des contrats d'objectifs et de moyens, compte tenu des incertitudes qui entourent des prévisions de ressources réalisées sur une période dépassant la durée d'une législature. L'expérience a montré que les contrats d'objectifs et de moyens n'étaient pas respectés lorsqu'ils portaient sur une durée qui ne coïncidait pas avec les échéances démocratiques. Avis défavorable.

L'amendement COM-27 n'est pas adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - J'en viens à l'amendement  COM-40 rectifié. Les recettes issues de la publicité et du parrainage prennent une place croissante dans les revenus de France Télévisions et de Radio France, notamment sur les supports digitaux, ce qui affaiblit la spécificité de l'offre de ces entreprises publiques et nuit aux entreprises du secteur privé gratuit dont elles constituent la seule et unique ressource.

Si la suppression de la publicité sur les antennes du service public doit demeurer un objectif à long terme, le plafonnement en valeur de ces recettes apparaît dans l'immédiat indispensable afin de mieux distinguer et préserver l'offre du service public.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je comprends l'objectif de clarification du mode de financement de l'audiovisuel public et privé. Notre commission plaide depuis longtemps pour une libération de l'audiovisuel public par rapport aux contraintes commerciales. Cependant, les conditions ne sont pas réunies pour mettre en oeuvre le système proposé. Il faut tenir compte en effet des conséquences de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public - que le groupe Union Centriste aurait souhaité voir reporter d'un an, moyennant la réalisation d'une étude sérieuse sur le modèle économique de l'audiovisuel.

Quoiqu'étant hostile à la publicité, je peux comprendre qu'une forme de tolérance s'exerce actuellement compte tenu des circonstances et de la nécessité pour l'audiovisuel public de sécuriser des ressources. Le ministère de l'économie et des finances s'est privé d'une véritable réforme de la redevance - cela a pourtant été effectué dans d'autres pays, avec succès. En outre, l'affectation de la Toce à France Télévisions a été supprimée. En l'état, les conditions ne sont pas réunies pour libérer l'audiovisuel public de la publicité. Pourrions-nous avoir plus de précisions sur la stratégie que l'on compte mener à ce sujet ?

M. David Assouline. - Il me paraît important de réfléchir à cette question. Au moment où une déclaration conjointe de l'ensemble du secteur privé est publiée pour demander la suppression des parrainages sur France Télévisions, un amendement est déposé au Sénat sur ce point - amendement relativement modéré, par rapport aux dispositions présentées à l'Assemblée nationale. On accepte donc d'être instrumentalisés par un lobbying extérieur au champ parlementaire.

Sur le fond, même si je n'aime pas le commerce à la télévision, je suis paradoxalement favorable à l'ouverture de fenêtres de publicité pour permettre à l'audiovisuel public d'obtenir les droits de diffusion des grandes manifestations sportives. Il n'est pas acceptable en effet de voir les meilleurs matches de tennis programmés en soirée à Roland-Garros diffusés sur Amazon.

L'amendement COM-40 rectifié va dans le sens inverse de ce qu'il faudrait faire. La télévision trouve sa raison d'être dans la diffusion en direct - information en continu, événements sportifs. Or l'amendement vient affaiblir la possibilité, pour le service public, de diffuser du sport. Je propose d'avancer dans le sens inverse. Ce débat sera fondamental dans l'hémicycle.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Même si je comprends l'objectif de cet amendement, je comprends aussi les interrogations qu'il suscite. L'instauration d'un plafond pour les recettes issues des parrainages entraînerait une perte financière comprise entre 130 et 150 millions d'euros pour France Télévisions. La question de la compensation se pose. Il sera important d'avoir ce débat dans l'hémicycle, d'autant que nous pouvons craindre une fragilisation de l'audiovisuel public au profit des plateformes de streaming et de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (Gafam).

M. Thomas Dossus. - Nous sommes opposés au modèle publicitaire dans sa globalité, mais il y a là une véritable hypocrisie. L'amendement vise à réserver les bénéfices issus de la publicité au secteur privé, sans prévoir aucune ressource pour le service public. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Il reviendra à la convention stratégique pluriannuelle conclue entre l'Etat et France Médias de fixer le montant de ce plafond. Un plafonnement s'applique déjà par ailleurs pour Radio France, que nous proposons d'appliquer également à France Télévisions par souci de cohérence. Enfin, il convient de s'en tenir au principe suivant : pour le service public, financement public ; pour le secteur privé, financement privé.

L'amendement COM-40 rectifié est adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement COM-41 vise à rappeler que la dotation publique accordée par la France à la société TV5 Monde est, tout comme pour les autres sociétés de l'audiovisuel public, constituée par une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l'inflation.

L'amendement COM-41 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Les amendements identiques de suppression COM-6 et COM-28 ne sont pas adoptés.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

Les amendements identiques de suppression COM-7 et COM-29 ne sont pas adoptés.

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 8

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements identiques de suppression COM-8 et COM-30.

Les amendements identiques COM-8 et COM-30 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-42 vient corriger une erreur matérielle concernant l'intérim du président de France Médias.

L'amendement COM-42 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Les amendements de suppression COM-9 et COM-31 ne sont pas adoptés.

Avant l'article 10

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-11 vise, non pas à corriger une asymétrie entre les éditeurs de programmes et les plateformes, mais à clarifier les rapports entre les chaînes et leurs distributeurs. En dépit de l'intérêt qu'il peut susciter, il n'entre pas dans le périmètre de l'article 45 et ne peut donc être considéré comme recevable.

L'amendement COM-11 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-21 ne porte ni sur la gouvernance de l'audiovisuel public ni sur la réduction des asymétries entre les éditeurs de programmes et les plateformes ni sur la mise en oeuvre de la visibilité appropriée ni sur la modernisation des normes de diffusion hertziennes qui constituent les quatre composantes du périmètre de la proposition de loi. Il n'est donc pas recevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-21 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-22 ne semble pas non plus recevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-22 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 10

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement COM-43 vise à corriger certaines asymétries existantes entre les différents acteurs de la diffusion des compétitions et manifestations sportives et à garantir que l'ensemble des candidats attributaires de droits d'exploitation audiovisuelle de manifestations ou compétitions sportives, quels que soient leurs modes de commercialisation, soient soumis aux mêmes règles et obligations.

Il complète ainsi les dispositions des articles L. 333-1 et L. 333-2 du code du sport relatives à la commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle, afin d'y intégrer les conditions de respect des règles relatives à la retransmission des événements d'importance majeure ainsi que de celles qui encadrent la publicité et le parrainage audiovisuels.

Il reviendra à la fédération sportive, à l'organisateur de compétitions sportives, ainsi qu'à la ligue professionnelle ou à la société commerciale qu'elle a créée de s'assurer du respect de ces règles par les candidats attributaires de droits d'exploitation audiovisuelle.

L'amendement COM-43 est adopté. En conséquence, les amendements COM-32 et COM-19 deviennent sans objet.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Certaines dispositions de l'amendement  COM-16 sont satisfaites par mes amendements COM-44 et COM-45.

Par ailleurs, il n'apparaît pas opportun de prévoir dans la loi que seuls les services gratuits peuvent entrer dans la catégorie des services d'intérêt général (SIG). En effet, les services de communication audiovisuelle privés se financent soit par la publicité soit par abonnement, et il n'y a pas de raison de considérer que la publicité répondrait davantage à des objectifs d'intérêt général que l'abonnement ni de défavoriser certains médias privés par rapport aux plateformes qui reposent sur un modèle d'abonnement. Avis défavorable.

L'amendement COM-16 n'est pas adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-44 vise à tenir compte du fait que certains groupes audiovisuels confient à une filiale le soin d'éditer leurs applications, ce qui pourrait les empêcher, compte tenu de la rédaction actuelle de l'alinéa 4, d'être reconnus comme service d'intérêt général.

L'amendement COM-44 est adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-45 tend à préciser les modalités de la mise en oeuvre de la visibilité appropriée, en prévoyant que le nombre d'actions à accomplir pour l'utilisateur pour accéder aux services et programmes d'intérêt général ne doit pas être supérieur de plus d'une action au nombre d'actions nécessaires pour accéder aux services et programmes les mieux exposés sur l'interface utilisateur.

Cette précision rédactionnelle vise à exposer le bouton de la télévision numérique terrestre (TNT) ou l'icône TNT au même niveau que les autres services proposés, et non chacun des programmes et services qui composent ces services d'intérêt général qui seront accessibles à travers une action supplémentaire.

L'amendement COM-45 est adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-46 vise à donner pour mission à l'Arcom d'assurer la visibilité appropriée des programmes et services de TV5 Monde sur les interfaces des distributeurs et sur les télévisions connectées.

L'amendement COM-46 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 11

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Concernant l'amendement  COM-18, il apparaît effectivement pertinent de laisser plus de temps à l'Arcom pour réorganiser les modalités de diffusion hertzienne afin de favoriser le développement de la télévision à ultra haute définition (UHD). Avis favorable.

L'amendement COM-18 est adopté et devient article additionnel.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Je propose de déclarer l'amendement  COM-13 irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution. Le second paragraphe de cet amendement vise en effet à obliger les distributeurs à reprendre des chaînes comportant des décrochages régionaux. En dépit de l'utilité de cette disposition, force est de constater qu'elle ne rentre pas dans le périmètre de l'article 45 qui exclut les dispositions qui ne concernent que les chaînes et les distributeurs.

La situation du premier paragraphe de cet amendement est toutefois différente puisqu'il vise en particulier à exclure du « must carry » la reprise du signal des chaînes publiques par les plateformes. Cette disposition pourrait donc être reprise dans un amendement dans la perspective du débat en séance publique la semaine prochaine.

M. David Assouline. - Une étude juridique est en préparation, en prévision du débat en séance, sur tous les moments où le rapporteur évoque les irrecevabilités au titre de l'article 45. Je trouve cela scandaleux ! Le périmètre que vous avez évoqué initialement recouvre en réalité tous les sujets touchant à l'audiovisuel. Nous avons déjà légiféré sur l'audiovisuel par le passé. Tous les amendements devraient pouvoir être examinés en séance, en vertu d'une vision ouverte et bienveillante de la législation.

Je vous demande à tous, indépendamment des groupes auxquels vous appartenez, d'être vigilants sur ce point. Nous assistons à une dérive du parlementarisme en France, où le droit d'amendement comme le temps de parole n'ont cessé de se réduire depuis mon arrivée au Parlement en 2004. Or le droit d'amendement est le sang qui coule dans les veines des parlementaires. Je vous demande donc d'arrêter d'invoquer ainsi les irrecevabilités au titre de l'article 45.

Si elles sont évoquées en séance plénière, je leur opposerai des arguments juridiques visant à montrer qu'il s'agit d'une façon d'empêcher l'initiative parlementaire. Par le passé, traditionnellement, pour laisser de la place à l'initiative parlementaire, l'article 40 n'était jamais utilisé, et l'on invoquait modérément les irrecevabilités au titre de l'article 45.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je représenterai donc en séance la première partie de mon amendement.

Il serait sans doute plus facile pour les parlementaires de préparer leurs amendements en commission si le champ des textes était défini en amont. Une telle mesure serait profitable à tous, car nous perdrions moins de temps. Ce texte, étant une proposition et non un projet de loi, a certes vocation à être restreint et efficace. Néanmoins, nous pouvons améliorer notre méthode de travail.

L'amendement COM-13 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution, de même que les amendements COM-14, COM-15 et COM-12.

Article 12

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - La disposition contenue dans les amendements identiques COM-10 et COM-33 aurait pour conséquence de bloquer jusqu'en 2032 tout projet d'évolution de l'actionnariat de contrôle des chaînes de la TNT, ce qui occasionnerait leur affaiblissement par rapport aux plateformes. Avis défavorable.

M. David Assouline. - L'article 12 de la proposition de loi revient sur une disposition qui avait été votée au Sénat afin de lutter contre les reventes spéculatives de fréquences attribuées par la puissance publique - opération par laquelle Bolloré a construit son empire médiatique. L'idée était de rendre ces reventes impossibles en deçà d'un délai de cinq ans, au lieu du délai de deux ans appliqué précédemment. Tout le monde avait jugé scandaleuse à l'époque la spéculation sur les fréquences. Or, parce que le secteur privé l'a demandé, certains sénateurs se font le relais des spéculateurs, pour revenir sur la disposition adoptée. Vous proposez, en catimini et sans rappeler toute cette histoire, de revenir sur ce qui a été fait. Pourriez-vous nous dire pourquoi ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - La disposition que vous citez ciblait à l'époque la vente, scandaleuse, de la chaîne Numéro 23, et non M. Bolloré. Nous assistons à présent à la vitrification totale du secteur, qui ne peut plus évoluer conformément à ses besoins. Vous pouvez interpréter la disposition contenue dans le texte comme vous le souhaitez, elle n'en est pas moins cohérente avec la situation actuelle et n'a rien à voir avec la spéculation.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce sujet mérite d'être débattu dans l'hémicycle. Ce qui a scandalisé l'opinion, à l'époque, c'était de voir un affectataire de fréquences gratuites devenir multimillionnaire en deux ans, la fréquence de Numéro 23 ayant été vendue pour 98 millions d'euros. La question s'est posée de savoir comment prévenir ce genre de dérive grave touchant un bien public.

Si une dynamisation du secteur est certes nécessaire, il faut des règles claires pour empêcher que cela ne se reproduise. Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication de l'époque, avait d'ailleurs soutenu les amendements déposés à ce sujet.

Les amendements COM-10 et COM-33 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-47 vise à autoriser l'Arcom à agréer une modification de contrôle d'une société détenant une autorisation TNT, sans contrainte de délai après délivrance de l'autorisation lorsque la modification du contrôle ne porte pas atteinte à l'impératif de pluralisme et à l'intérêt du public et lorsqu'elle n'a pas un objectif manifestement spéculatif.

L'amendement COM-47 est adopté.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-48 tend à autoriser l'Arcom à modifier les conventions des chaînes en cours d'exécution afin de tenir compte de l'évolution rapide de leur écosystème. Cette souplesse apparaît indispensable pour préserver l'attractivité du média télévision face à la concurrence des plateformes.

L'amendement COM-48 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

L'article 13 est adopté sans modification.

Après l'article 13

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-49 reprend des dispositions qui figuraient à l'article 10 du projet de loi sur la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle afin d'autoriser une troisième coupure de publicité dans les films de plus de deux heures, ainsi que les informations sur les programmes dans les coupures de publicité.

M. David Assouline. - Quand on relie plusieurs points à l'aide d'un trait, cela forme une ligne. Cette proposition de loi vise à répondre aux exigences du secteur privé, et non à soutenir le secteur public. En l'occurrence, il serait possible d'introduire plus de publicité dans les films pour le secteur privé, non pour le service public. Vous voulez défaire l'exception culturelle française, que nous avions pourtant réussi à préserver, parce que le secteur privé vous le demande.

L'amendement COM-49 est adopté et devient article additionnel.

Article 14

L'article 14 est adopté sans modification.

Article(s) additionnel(s) avant l'article 15

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-17 vise à accompagner le développement de l'UHD en prévoyant les modalités de sa généralisation. Ces dispositions introduites par le Sénat dans le cadre de l'examen de la loi du 25 octobre 2021 avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Avis favorable.

L'amendement COM-17 est adopté et devient article additionnel.

Article 15

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement  COM-50 touche au DAB+.

M. David Assouline. - Le DAB+ est une technologie coûteuse, dont le développement nécessite la mobilisation de nombreuses aides publiques, notamment dans les radios associatives. Or la disposition contenue dans cet amendement risque de favoriser encore davantage les acteurs étrangers comme Amazon, et de mettre en danger le média radio. En effet, les distributeurs ne disposant plus que de douze mois pour ne vendre que des postes compatibles avec le DAB+, le nombre des auditeurs risque de diminuer faute d'appareil adapté. Il conviendrait, à l'image de la Belgique et de l'Angleterre, de ne pas imposer de contraintes brutales sur cette technologie. Je présenterai des propositions en séance sur ce sujet, afin de voir comment les pouvoirs publics peuvent investir davantage dans l'audiovisuel public.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - En réalité, l'amendement porte de 9 à 18 mois le délai imposé aux industriels pour ne plus proposer que des récepteurs compatibles avec le DAB+, tandis que les distributeurs disposeraient de 24 mois au lieu de 12 pour ne vendre que des postes compatibles avec la nouvelle norme de diffusion.

L'amendement COM-50 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous voterons la proposition de loi et remercions son auteur d'avoir repris le travail laissé au milieu du gué par l'abandon du projet de loi sur l'audiovisuel, ainsi que le travail de fond mené par notre commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle

Chapitre Ier : Réforme de l'audiovisuel public

Article(s) additionnel(s) avant Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme de MARCO

20

Prise en compte de la protection de l'environnement et de la sobriété énergétique dans le droit régissant les entreprises publiques et privées de l'audiovisuel

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme de MARCO

34

Obligation pour les entreprises de l'audiovisuel public de coopérer

Rejeté

Mme de MARCO

35

Création d'une taxe progressive sur le revenu
pour financer l'audiovisuel public

Rejeté

Article 1er

M. ASSOULINE

1

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

23

Suppression de l'article

Rejeté

M. HUGONET, rapporteur

36

Précision relative à la transformation de l'INA
en société anonyme

Adopté

M. HUGONET, rapporteur

37

Compétence de l'INA pour assurer la formation continue des personnels de l'audiovisuel public

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

M. HUGONET, rapporteur

38

Inscription de la société TV5 Monde
dans la loi du 30 septembre 1986

Adopté

Article 2

M. ASSOULINE

2

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

24

Suppression de l'article

Rejeté

Article 3

M. ASSOULINE

3

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

25

Suppression de l'article

Rejeté

M. HUGONET, rapporteur

39

Désignation au sein du conseil d'administration
de France Médias d'au moins une personnalité bénéficiant d'une expérience reconnue à l'international

Adopté

Article 4

M. ASSOULINE

4

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

26

Suppression de l'article

Rejeté

Article 5

M. ASSOULINE

5

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

27

Maintien des contrats d'objectifs et de moyens actuels

Rejeté

M. HUGONET, rapporteur

40 rect.

Inscription dans la convention stratégique pluriannuelle de France Médias d'un plafond de recettes publicitaires et de parrainage, y compris digital pour les sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde

Adopté

M. HUGONET, rapporteur

41

Attribution à la société TV5 Monde d'une dotation publique de même nature que pour les autres sociétés de l'audiovisuel public

Adopté

Article 6

M. ASSOULINE

6

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

28

Suppression de l'article

Rejeté

Article 7

M. ASSOULINE

7

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

29

Suppression de l'article

Rejeté

Article 8

M. ASSOULINE

8

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

30

Suppression de l'article

Rejeté

M. HUGONET, rapporteur

42

Correction d'une erreur matérielle

Adopté

Article 9

M. ASSOULINE

9

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

31

Suppression de l'article

Rejeté

Chapitre II : Préservation de notre souveraineté audiovisuelle

Article(s) additionnel(s) avant Article 10

Mme MORIN-DESAILLY

11

Accès des éditeurs aux données d'usage de leurs programmes dans les environnements de distribution tiers, sous le contrôle du régulateur

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme de MARCO

21

Publication par l'Arcom d'une base de données précisant la composition du capital des titres de presse et des services de communication audiovisuelle et l'identité des membres de leurs organes dirigeants

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme de MARCO

22

Obligation faite aux candidats à l'affectation d'une fréquence hertzienne de télévision de prévoir un droit de veto des journalistes dans la nomination de leur directeur de la rédaction ; un droit d'agrément permettant à la rédaction d'agréer le nouvel acquéreur, ou, à défaut, de proposer un acquéreur alternatif ; une meilleure transparence sur les actionnaires

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Article 10

M. HUGONET, rapporteur

43

Nouvelle rédaction de l'article afin de soumettre l'ensemble des candidats attributaires de droits d'exploitation audiovisuelle de compétitions sportives aux mêmes règles et obligations

Adopté

Mme de MARCO

32

Événements sportifs d'importance majeure

Satisfait ou sans objet

M. FIALAIRE

19

Suppression d'une disposition visant à interdire l'attribution de la totalité des droits d'une compétition sportive à des candidats extérieurs
à l'Union européenne

Satisfait ou sans objet

Article 11

Mme MORIN-DESAILLY

16

Précision apportée à la définition des services d'intérêt général et à la mise en oeuvre de la visibilité appropriée

Rejeté

M. HUGONET, rapporteur

44

Prise en compte des services de communication audiovisuelle des chaînes de la TNT dans le périmètre des services d'intérêt général

Adopté

M. HUGONET, rapporteur

45

Précision que l'utilisateur d'un service ou programme d'une chaîne de la TNT ne doit pas avoir à effectuer plus d'une action que le nombre d'actions nécessaires pour accéder aux services et programmes les mieux exposés sur l'interface utilisateur

Adopté

M. HUGONET, rapporteur

46

Prise en compte du caractère francophone des programmes dans l'ordre d'affichage des services
et des programmes d'intérêt général

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 11

Mme MORIN-DESAILLY

18

Prolongation des autorisations à diffuser
des programmes en UHD sur la TNT

Adopté

Mme MORIN-DESAILLY

13

Obligation faite aux distributeurs de reprendre des chaînes comportant des décrochages locaux

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme MORIN-DESAILLY

14

Accès par défaut sur le canal 3 de la TNT à la chaîne France 3 correspondant à son bassin de vie (décrochages régionaux et locaux compris)

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme MORIN-DESAILLY

15

Obligation du maintien d'une prise TNT sur les box des FAI et de la mise à disposition d'un paramétrage par défaut pour que le FAI privilégie la TNT plutôt que les flux IPTV

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme MORIN-DESAILLY

12

Obligation aux distributeurs de faire droit aux demandes des éditeurs d'accéder aux données relatives à la consommation de leurs programmes - sans préjudice du RGPD et du code des postes et des communications électroniques

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Article 12

M. ASSOULINE

10

Suppression de l'article

Rejeté

Mme de MARCO

33

Suppression de l'article

Rejeté

M. HUGONET, rapporteur

47

Possibilité pour l'Arcom d'autoriser une modification du contrôle sans contrainte de délai lorsque celle-ci ne porte pas atteinte à l'impératif de pluralisme et à l'intérêt du public et qu'elle n'a pas un objectif manifestement spéculatif

Adopté

M. HUGONET, rapporteur

48

Possibilité pour l'Arcom de modifier l'autorisation accordée à un éditeur de programmes justifié
par un motif d'intérêt général

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 13

M. HUGONET, rapporteur

49

Autorisation d'une troisième coupure publicitaire pour les films de plus de deux heures

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant Article 15

Mme MORIN-DESAILLY

17

Généralisation de l'UHD sur les nouveaux récepteurs
de télévision

Adopté

Article 15

M. HUGONET, rapporteur

50

Accroissement des délais avant l'obligation de compatibilité de l'ensemble des récepteurs de radio
avec la norme DAB+

Adopté

Proposition de loi n° 545 (2022-2023) relative à la réforme
de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle

Les thèmes associés à ce dossier