II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 28 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mmes Frédérique Puissat et Anne-Marie Nédélec, rapporteures, sur le projet de loi (n° 600, 2024-2025) portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.
M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de nos collègues Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat et du texte de la commission sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.
Ce texte, dont le Sénat est saisi en premier lieu et sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, est inscrit à l'ordre du jour du mercredi 4 juin.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Après la santé au travail, dont le projet de loi a été rapporté par notre collègue Pascale Gruny, et le partage de la valeur, c'est la troisième fois depuis 2020 que nous nous confrontons à l'exercice particulier de la transposition législative d'un ANI conclu par les organisations syndicales et patronales.
Le texte que nous examinons ce matin présente la particularité d'avoir connu un parcours contrarié, qu'il nous revient de présenter brièvement.
Le Gouvernement avait initialement invité les partenaires sociaux à négocier en vue d'un nouveau « pacte de la vie au travail », dès novembre 2023, avec trois axes distincts : trouver une meilleure articulation des temps de travail et de loisir, avec la mise en place d'un compte épargne-temps universel (Cetu) ; mettre en place les conditions du plein emploi des seniors ; et encourager la progression des carrières et les possibilités de reconversion professionnelle.
Par ailleurs, dans le cadre de la négociation relative aux règles de l'assurance chômage, qui se tenait en parallèle, les partenaires sociaux devaient adapter les règles d'indemnisation pour tenir compte de l'allongement des carrières. Le Gouvernement avait conditionné l'agrément de la convention d'assurance chômage à la conclusion de ce « pacte de la vie au travail ». Faute d'accord, le Gouvernement a refusé d'agréer la convention d'assurance chômage, et les partenaires sociaux ont été invités par le Gouvernement en octobre 2024 à reprendre les négociations sur les seniors. Ils sont finalement parvenus à la conclusion d'un ANI sur l'emploi des salariés expérimentés, signé le 14 novembre 2024, par les trois organisations représentatives des employeurs, et par l'ensemble des organisations représentatives des salariés, à l'exception de la Confédération générale du travail (CGT).
Cet ANI en faveur du travail des seniors, qui comprend sept articles, est structuré autour de quatre axes : la mobilisation du dialogue social de branche et d'entreprise, la préparation de la deuxième partie de carrière, la levée des freins au recrutement des demandeurs d'emploi seniors et la facilitation des aménagements de fin de carrière.
Cependant, le présent texte ne se borne pas à la retranscription de cet ANI, puisqu'il comporte également des mesures issues de l'ANI sur l'évolution du dialogue social, signé le 14 novembre 2024, et de la convention relative à l'assurance chômage conclue le 15 novembre 2024.
Après quelques échecs de négociation et quelques escamotages de la part du Gouvernement sur l'assurance chômage, nous pouvons, en préambule, nous réjouir que le paritarisme de négociation ait été fructueux. Nous pouvons également nous féliciter de la démarche du Gouvernement de nous présenter un projet de loi qui vise à la stricte transposition des mesures de ces accords relevant du domaine de la loi - tous les partenaires, y compris les non-signataires, en ont convenu.
Dans cette configuration, nous pensons que le Parlement doit veiller à la transposition fidèle de l'accord des partenaires sociaux. L'humilité dont le législateur doit faire preuve est aussi un gage de bon fonctionnement de notre démocratie sociale. L'exercice de transposition par le Gouvernement est plutôt bien réussi : les organisations syndicales comme patronales, signataires des accords, nous ont confirmé que le texte leur convenait. Sur les neuf articles de transposition de mesures, nous ne vous proposerons donc que des ajustements de clarification rédactionnelle, à l'exception de l'article 4 ; mais nous y reviendrons.
Avant de vous présenter les dispositions du projet de loi, permettez-nous de rappeler quelques chiffres sur l'emploi des seniors, sujet principal de ce texte. L'usure et la désinsertion professionnelles, les freins à l'embauche et les discriminations sur le marché du travail conduisent à un taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans plus bas que pour les autres catégories de la population. En 2023, ce taux s'établissait à 58,4 %, contre 82,6 % pour celles qui sont âgées de 25 à 49 ans. Il demeurait surtout bien inférieur à celui de nos voisins européens : notons ainsi des taux de 67 % au Portugal, et de 74 % en Allemagne - même si l'âge légal de départ à la retraite y est plus tardif.
Ces difficultés que rencontrent les seniors sur le marché de l'emploi peuvent être une source de précarisation pour eux, elles pèsent sur l'activité économique et induisent un manque à gagner pour les finances publiques. Il convient de prendre la mesure de notre démographie ; le salut ne pourra pas venir d'une entrée massive de nouvelles générations sur le marché du travail. En revanche, il convient de jouer sur nos marges de progrès quant à l'emploi de certaines catégories de la population.
Une expérience de pensée - espérons-le, plus avant-gardiste qu'utopique - consiste à projeter en France le taux d'emploi des seniors allemands ; ce bond de 16 points permettrait d'augmenter le PIB de la France de près de 125 milliards d'euros. Les conséquences d'un tel rebond sur les finances publiques permettraient d'envisager sereinement le prochain exercice budgétaire...
Si ce texte vise donc à accroître l'emploi des seniors, cette ambition générale ne passera pas uniquement par des mesures législatives. Il s'agira surtout de changer les mentalités en entreprise et les regards sur les salariés expérimentés et sur les fins de carrière, ce à quoi nos auditions - toute proportion gardée - ont contribué.
À rebours du lieu commun consistant à pointer la productivité déclinante des salariés âgés et l'obsolescence de leurs compétences, nous avons entendu en audition Exper'Connect, un cabinet de recrutement spécialisé dans les missions de placement auprès d'employeurs de retraités détenteurs de savoir-faire spécifiques. Certaines entreprises, dans les secteurs du nucléaire, de l'aéronautique ou de la défense par exemple, ne parviennent pas à trouver les compétences nécessaires sur le marché du travail et se tournent vers ces missions réalisées par des travailleurs retraités.
Mme Frédérique Puissat, rapporteure. - Le projet de loi s'ouvre sur un chapitre primordial pour changer les cultures professionnelles sur la représentation des seniors. Les deux premiers articles visent en effet à relancer le dialogue social de branche comme d'entreprise sur l'enjeu spécifique des seniors.
L'article 1er du projet de loi transpose ainsi l'intention de l'ANI de réinstaurer une négociation obligatoire sur ce sujet au niveau des branches. Une telle obligation imposée par le code du travail était en vigueur de 2003 à 2013, date à laquelle une incitation à conclure des accords avait pris sa suite. Depuis 2017, le code du travail est entièrement silencieux sur le travail et l'emploi des seniors dans les négociations de branches. En conséquence, seules deux branches se sont saisies de cet enjeu spécifique : celles des casinos et des sociétés d'assistance que nous avons entendues lors de nos travaux.
La négociation de branche se tiendrait au moins tous les quatre ans - à défaut d'accord de méthode prévoyant la périodicité, le code du travail retiendrait une fréquence triennale. Lors de cette négociation, les organisations syndicales et patronales devront aborder le recrutement des salariés seniors, leur maintien dans l'emploi, l'aménagement des fins de carrière, notamment les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel, la transmission des savoirs et des compétences.
Cet accord de branche pourra, le cas échéant, prévoir un plan type pour les entreprises de moins de 300 salariés, qui ne pourrait s'appliquer que si la négociation dans l'entreprise n'a pas abouti.
Plutôt que d'imposer par la loi ou l'accord national des mesures préconçues, les partenaires sociaux ont préféré faire émerger, par le dialogue social, des solutions d'aménagement de fins de carrière adaptées aux secteurs d'activité et à chacune de leurs réalités socio-économiques. Nous pensons que cette option est la bonne.
L'article 2 vise un objectif similaire au sein même des entreprises. Il instaure une obligation quadriennale de négociation à destination des entreprises d'au moins 300 salariés, devant porter sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés. Cette négociation est précédée d'un diagnostic, et doit permettre aux entreprises de se positionner et de se mobiliser au profit du maintien dans l'emploi des salariés les plus expérimentés.
Le seuil retenu de 300 salariés, en harmonie avec la négociation obligatoire sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), permet de préserver les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), moins outillées pour ces exercices, et dans lesquelles l'accompagnement des fins de carrière se fait le plus souvent en bonne intelligence avec les salariés.
Le deuxième volet du projet de loi est consacré aux dispositions visant à préparer la seconde partie de carrière et à aménager la fin de carrière.
L'article 3 vise ainsi à créer des rendez-vous clés le long du parcours professionnel du salarié. Il s'agit d'aborder les évolutions possibles dans l'organisation du travail, avec comme objectif de maintenir le salarié dans l'emploi et de prévenir l'usure professionnelle. À cette fin, la visite médicale de mi-carrière, créée par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, serait mieux articulée avec les entretiens professionnels se tenant tous les deux ans. L'un d'entre eux devra être l'occasion d'aborder les mesures proposées, le cas échéant, par le médecin du travail à l'issue de cette visite. En outre, l'entretien conduit vers le soixantième anniversaire du salarié devra aussi être l'occasion d'évoquer les aménagements possibles de la fin de carrière.
Nous avons bien à l'esprit que le véritable enjeu de ces dispositions est leur traduction effective dans les entreprises. Nous avons alerté la ministre sur ce point : faute de médecins du travail, l'intention du législateur et des partenaires sociaux pourrait rester lettre morte.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Un autre axe du projet de loi est consacré à la levée des freins au recrutement des demandeurs d'emploi seniors.
L'article 4 prévoit de créer un nouveau contrat à durée indéterminée (CDI) à destination des demandeurs d'emploi expérimentés, qui permettrait à leur employeur de procéder à leur mise à la retraite une fois l'âge d'obtention d'une pension de retraite à taux plein atteint. Afin d'inciter à la conclusion de tels contrats, une exonération de la contribution employeur spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite y serait associée.
Cet article s'inscrit dans la lignée du contrat de fin de carrière proposé par le Sénat lors de la réforme des retraites, et nous tenons à saluer René-Paul Savary, qui avait mis toutes ses forces au service de cette idée, au point de faire plier le Gouvernement : le temps lui aura donné raison.
Il faut également souligner que les services des ministères sociaux nous ont indiqué lors des auditions qu'une suppression du « CDI senior » interviendra par décret, ce qui est à saluer tant une rationalisation des différents types de contrats semble nécessaire.
Cependant, nous vous proposerons de rétablir un caractère expérimental à cet article, et de prévoir son rapport d'évaluation, afin d'assurer la bonne information du législateur à l'issue des cinq années prévues, et pour pouvoir juger de l'intérêt d'une pérennisation ou non.
S'agissant de la fin de carrière à proprement parler, il ressort de nos travaux qu'employeurs comme salariés considèrent le sujet sous le prisme d'une alternative binaire. Peu de place existe entre le travail à temps complet et la cessation totale d'activité au départ à la retraite. Le temps partiel n'occupe, par exemple, que 25 % des salariés de plus de 55 ans, là où ce taux est de 40 % aux Pays-Bas. De même, la retraite progressive ne concernait que 26 000 salariés en 2023.
Pourtant, le maintien en emploi d'un plus grand nombre de seniors demande des modèles flexibles d'organisation du travail et des transitions plus lisses vers la retraite. Dans cette optique, les articles 5 et 6 visent à lever des freins au temps partiel des seniors.
Dans le prolongement de la réforme des retraites de 2023, l'article 5 encadre davantage le refus opposé par l'employeur à la demande du salarié de passer à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre d'une retraite progressive. L'employeur devra ainsi justifier que la réduction de la durée de travail sollicitée a une incidence sur la continuité de l'activité de l'entreprise ou du service et que des tensions de recrutement empêchent d'y remédier.
L'article 6 permet de négocier par accord collectif, au niveau des entreprises ou des branches, un versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite dans le cadre d'un passage à temps partiel ou réduit. Ce versement échelonné doit assurer un maintien total ou partiel de la rémunération en dépit de la réduction de la quotité d'activité. Il ne s'agira pas d'une solution providentielle : l'indemnité de départ ne permet pas de couvrir une période importante de temps partiel. En outre, de l'aveu même de la branche des sociétés d'assistance ayant prévu par accord un tel dispositif, les salariés se sont peu saisis de cette possibilité. Toutefois, la modification proposée du droit du travail permettra précisément de valider les clauses déjà négociées dans certaines entreprises ou branches et d'encourager la diffusion de solution pour populariser le temps partiel.
L'article 7 vise à faire évoluer le droit à la suite d'un récent arrêt de la Cour de cassation, afin de préciser que la mise à la retraite d'office d'un salarié est permise, y compris lorsque ce dernier a été recruté après avoir atteint l'âge de départ à taux plein.
Mme Frédérique Puissat, rapporteure. - Le texte comporte un volet relatif au dialogue social qui rend compte de l'ANI que les partenaires sociaux ont souhaité signer en parallèle des négociations demandées par l'exécutif.
L'article 8 procède ainsi à la suppression dans le code du travail de la limitation à trois mandats pour les membres élus du comité social et économique (CSE). Les partenaires sociaux ayant constaté le manque de candidats volontaires pour exercer ces fonctions représentatives, il est aujourd'hui nécessaire de lever cette contrainte imposée en 2017. La suppression de la limitation des mandats permettrait aussi de favoriser la transmission d'expérience entre les élus et leurs successeurs.
Le texte dispose d'un article relatif aux conditions d'activités requises pour les primo-entrants à l'assurance chômage. L'article 9 abaisse ces conditions pour les travailleurs n'ayant jamais bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ou n'en ayant plus bénéficié depuis une longue période. En l'état actuel du droit, les primo-entrants se voient appliquer une période d'affiliation minimale de 130 jours travaillés au cours des 24 derniers mois précédant la fin du contrat de travail. Dans la nouvelle convention d'assurance chômage, les partenaires sociaux ont proposé d'abaisser cette condition à 108 jours. La mesure bénéficiera principalement aux jeunes, qui représentent 62 % des primo-entrants. Toutefois, une base légale manquait pour que le Gouvernement puisse agréer cette mesure ; ce sera chose faite grâce à cet article 9.
Enfin, le texte proposé par le Gouvernement prévoit en son article 10 une habilitation à légiférer par ordonnance pour modifier les dispositifs qui concourent aux reconversions professionnelles. L'intention est de transposer le futur ANI en cours de négociation entre les partenaires sociaux.
Cet article nous a posé beaucoup de difficultés. D'un côté, nous souhaitons laisser la main aux partenaires sociaux dans l'établissement de nouvelles règles relatives aux transitions professionnelles. En effet, les dispositifs existants manquent de lisibilité, ce qui met en cause leur efficacité. De l'autre, nous sommes opposés au principe des ordonnances.
Nous avons envisagé de proposer un amendement de suppression de cet article, mais nous souhaitons éviter la possibilité d'un vote conforme à l'Assemblée nationale qui empêcherait de transposer durant la navette parlementaire le futur accord entre les partenaires sociaux. C'est pourquoi nous proposerons à la commission de supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance pour réécrire l'article par le biais d'un amendement qui consacre les objectifs visés par les partenaires sociaux. Nous faisons confiance en la capacité des organisations syndicales et patronales à conclure un accord et voulons que ce dernier soit transposé par le Parlement, et sous son contrôle entier, et non par ordonnance.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi ne porte pas de recette miracle ni de mesures révolutionnaires pour accroître le taux d'emploi des seniors. Pour autant, nous pouvons aborder l'examen de ce texte avec une grande satisfaction : d'abord, il fait confiance au dialogue social, en transcrivant des ANI dans le respect des partenaires sociaux, et en encourageant le dialogue social de branche et d'entreprise ; ensuite, il nous permet de parler positivement des travailleurs expérimentés et de participer aux changements de culture après quelques textes moins consensuels sur le travail des seniors.
Nous vous invitons donc à adopter ce projet de loi modifié par les amendements que nous vous soumettrons et qui, à l'exception de deux d'entre eux, à l'article 4 et à l'article 10, ne seront que d'ordre rédactionnel.
Pour terminer, il nous revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Nous rappelons que la recevabilité des amendements s'apprécie au regard des dispositions du texte déposé par le Gouvernement, et non pas en considération des stipulations de l'ANI.
Nous considérons que ce périmètre comprend des dispositions relatives au dialogue social de branche et d'entreprise en matière d'emploi et de travail des salariés expérimentés ; aux entretiens professionnels et à leur articulation avec les visites médicales réalisées par la médecine du travail ; à la création d'un nouveau contrat de travail en faveur des demandeurs d'emploi seniors ; aux régimes juridiques de la mise à la retraite et de l'indemnité de départ à la retraite ; à la retraite progressive et au temps partiel ; au mandat des élus du CSE ; aux conditions d'affiliation au titre de l'assurance chômage ; aux dispositifs de formation concourant aux reconversions professionnelles, ainsi qu'à l'organisation des acteurs oeuvrant en matière de transitions professionnelles.
En revanche, ne nous semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables des amendements relatifs à l'assurance vieillesse, et notamment aux règles de la liquidation complète des pensions et de l'âge de départ à la retraite à taux plein ; à la négociation collective portant sur d'autres sujets que ceux qui sont mentionnés dans le périmètre positif ; aux dispositifs généraux d'exonération de cotisations et de contributions sociales.
M. Olivier Henno. - Je salue le travail des rapporteurs. Bien évidemment, notre groupe suivra leurs préconisations. Comme à chaque fois lors de l'examen de tels textes, nous saluons également la fécondité du paritarisme : les discussions de branche sont indispensables si l'on croit au dialogue social. La proposition des rapporteurs à l'article 10 nous paraît d'ailleurs extrêmement judicieuse. Voltaire disait que l'humilité est le contrepoison de l'orgueil : saluons l'humilité de ce travail, assez rare dans notre pays plutôt jacobin et vertical.
Nous nous trouvons au début d'une révolution culturelle qui concerne le travail des seniors. Cet ANI est un premier pas, mais il y en aura beaucoup d'autres. Je me félicite du changement de mentalité dans les entreprises. Il fut un temps, l'emploi des seniors y était systématiquement la variable d'ajustement social. Il faudra tout de même aller plus loin, car la robotisation et l'intelligence artificielle changeront le rapport au travail, et nous devrons trouver les moyens de valoriser encore davantage l'expérience des seniors, de reconsidérer les transitions, le temps partiel, voire la multiactivité. Ce dernier sujet est d'ailleurs assez peu abordé, alors qu'il est développé dans de nombreux pays.
Mme Monique Lubin. - Le qualificatif « expérimenté » m'a interpellée. René-Paul Savary et moi-même avons travaillé sur l'emploi des seniors. J'avais demandé de reconsidérer l'emploi du terme « seniors », que nous trouvions assez péjoratif. Je comprends le sens de ce mot, mais on peut être expérimenté bien avant d'être senior. Le Conseil d'État a également relevé ce point. Décidément, il est difficile de trouver la bonne appellation.
Je salue bien évidemment le travail des partenaires sociaux et la volonté de légiférer en respectant fidèlement leurs propositions. Le Parlement respecte le dialogue social et l'appelle de ses voeux, surtout lorsque celui-ci est bafoué, mais il ne faudrait pas a contrario que son rôle soit renié. Je ne m'empêcherai donc pas de déposer des amendements.
Ce texte pèche dans son approche de la situation dans les entreprises de moins de 300 salariés, notamment dans les très petites entreprises. Le rapport indique qu'il faut les protéger, mais je ne vois pas bien comment nous y parviendrons. Certes, les syndicats sont très présents dans les grandes entreprises et très peu présents dans les petites, mais comment protéger les salariés dans ces dernières ? Il y aura des accords de branche, mais ceux-ci seront-ils suffisants ? Quelles contraintes s'appliqueront aux employeurs ? En matière d'emploi des salariés expérimentés, âgés ou seniors, il n'y a aucune contrainte, et les idées reçues ont la vie dure. Je l'avais indiqué lors de l'audition de Pierre Moscovici, nous devons lutter contre la culture du non-emploi du salarié âgé dans les entreprises françaises. Je salue les avancées de ce texte, mais cette lacune me semble très importante.
Il est toujours difficile de proposer un contrat spécifique pour une tranche d'âge, et je n'adhère qu'avec peu d'enthousiasme à la création des contrats de valorisation de l'expérience. Cela dit, nous n'avons rien trouvé d'autre en la matière, et je suis donc favorable à une expérimentation. Toutefois, la possibilité laissée aux employeurs de licencier automatiquement une personne dès lors qu'elle aura atteint le taux plein me pose problème. Une personne atteint le taux plein en fonction de son année de naissance et du nombre de trimestres durant lesquels elle a cotisé, mais atteindre le taux plein ne signifie pas pour autant toucher une pension suffisante pour vivre.
Prenons un exemple : une femme - c'est toujours une femme ! - a choisi de travailler à temps partiel pour élever ses enfants. Comme il faut avoir travaillé 150 heures pour valider un trimestre, si elle a travaillé à temps partiel une grande partie de sa carrière, elle devra attendre d'avoir validé le bon nombre de trimestres, mais le montant de sa pension sera très faible. De son propre chef, elle aurait pu choisir de travailler plus longtemps. En vertu de quoi lui interdirait-on de le faire ? Je ne prône pas le travail jusqu'à 70 ans, mais je ne suis pas non plus favorable à obliger des personnes à partir à la retraite alors qu'elles ne touchent pas une retraite suffisante pour vivre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
Mme Monique Lubin. - Personnellement, je ne suis pas d'accord avec cette possibilité laissée aux entreprises, et à ce couperet. En outre, quelles seraient les sanctions prévues pour les employeurs qui ne respecteraient pas les mesures prévues dans ce projet de loi ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - À chaque réforme des retraites et à chaque recul de l'âge de départ, on voit a posteriori fleurir un texte relatif au travail des seniors. C'est prendre le problème à l'envers. Le taux d'emploi pour les personnes entre 55 ans et 65 ans n'est pas uniquement dû au recul de l'âge légal. L'âge effectif de départ étant toujours un peu plus important que ce dernier, notre taux d'emploi ne pourra jamais être supérieur à celui des pays où l'âge légal de départ à la retraite est de 65 ans ou 67 ans.
Le problème ne tient pas qu'à cette raison. Dans la majeure partie des cas, à cet âge-là, les ouvriers sont en arrêt maladie, déclarés inaptes ou au chômage.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce problème n'a donc rien à voir avec le recul de l'âge légal. Plutôt que de repousser encore l'âge de départ, il faudrait s'attaquer de front à la sous-performance française par rapport à celle de ses voisins européens en matière de conditions de travail, d'intensité et de pénibilité du travail. À chaque fois que se tient ce débat, je renvoie aux indicateurs de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui montrent l'évolution dramatique de tous les critères de pénibilité et d'organisation au travail.
Le texte prévoit de demander aux branches de renégocier l'emploi des salariés expérimentés tous les trois ans, mais il ne fait que rétablir une disposition supprimée par les ordonnances Macron en 2017. Toutefois, le manque de sanctions pose problème, car tout repose sur la bonne volonté des parties prenantes. En outre, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), supprimés par les ordonnances Macron, ne sont pas réintégrés, alors que, par définition, ils constituaient l'une des instances où il était possible d'échanger sur les conditions de travail et de vie dans les entreprises. Nous parlons de simplification, mais un seuil de 300 salariés est retenu. Simplifions en conservant les seuils existants !
Certes, il faut respecter les négociations des partenaires sociaux, mais il y a trois ANI. La Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) n'a pas signé ces accords. Il ne faut pas sublimer le dialogue social - d'ailleurs, nous ne vous avons pas entendus le louer lors de la dernière réforme des retraites ! Nous avons des choses à dire ; sinon, abolissons notre rôle et passons notre tour ! Lors de la transposition d'un ANI sur la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), après avoir rencontré les représentants des victimes d'AT-MP, nous avions modifié des dispositions relatives à la rente, alors même que l'on nous demandait de transposer, sans le modifier, un accord qui avait même été accepté par la CGT.
Je le redis : il est bien dommage de ne pas avoir demandé aux organismes aidant les demandeurs d'emploi leur avis sur le contrat de valorisation de l'expérience (CVE). J'espère qu'il rencontrera plus de succès que le CDI senior. Si celui-ci n'a pas été aussi utilisé que nous le pensions, c'est aussi en raison de la pénibilité dont j'ai parlé précédemment.
On parle de « salariés expérimentés », mais jamais on ne s'offusque qu'un travailleur ait été au Smic toute sa vie. Cela devrait pourtant nous choquer, car un tel travailleur est expérimenté. Il est bien beau d'habiller les choses avec des mots, mais le Smic est un salaire destiné aux travailleurs qui n'ont ni qualification ni ancienneté. Et pourtant, nous envisageons de dire qu'il faut augmenter le minimum contributif si un salarié a passé toute sa vie au Smic.
La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat a décidé de travailler sur le financement de la sécurité sociale. Je ne suis pas d'accord pour que l'expérimentation dure cinq ans. Depuis la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale détient un monopole pour l'introduction d'exonérations supérieures à trois ans. Vous me direz que l'on demandera dans trois ans de prolonger ce délai de deux ans durant l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais on préempte ainsi le débat. Nous ne disposerons d'ailleurs pas alors du rapport. Il me semble que celui-ci devrait être remis dans trois ans, et que l'expérimentation ne devrait pas durer plus longtemps. C'est la deuxième fois que ce cas de figure se présente.
Il est incroyable de ne pas tenir compte de l'avis du Conseil d'État, selon lequel le dispositif ne saurait être qualifié d'expérimentation, car il ne dispose pas « de protocole expérimental permettant de recueillir les éléments de nature à éclairer le législateur en vue de son éventuelle pérennisation ».
En ce qui concerne le départ au taux plein, l'amendement de Mme Lubin est mieux disant que le mien, qui devient donc un amendement de repli. Jusqu'à maintenant, l'employeur ne pouvait pas demander à l'employé quand celui-ci pourra partir à taux plein. Il me semble incroyable que les syndicats aient accepté de lever cet interdit. On demande même au salarié de réactualiser cette information en temps continu, par exemple s'il exerce une autre activité. Mon amendement visait à supprimer l'obligation de réévaluation faite à l'employé, mais c'est avec plaisir que je soutiendrai celui de Mme Lubin.
M. Daniel Chasseing. - Le taux d'emploi des seniors entre 60 ans et 64 ans est seulement de 38 % en France, contre 51 % en moyenne en Europe, et beaucoup plus en Allemagne et en Suède. Pour que les seniors soient valorisés, il est très important qu'ils retrouvent leur place dans les entreprises. Ils ont l'expérience et peuvent beaucoup apporter aux jeunes. Ce projet de loi impose aux branches de se réunir tous les trois ans pour engager des négociations sur l'emploi des salariés expérimentés. Peut-être que les rapporteurs pourront préciser ce point, mais les branches ne réunissent pas que des entreprises de plus de 300 employés.
L'article 3 prévoit qu'un entretien professionnel doit se tenir dans les deux mois qui suivent la visite médicale de mi-carrière. Un autre entretien professionnel après 60 ans doit aborder les possibilités d'aménagement de fin de carrière, les possibilités de temps partiel ou de retraite progressive. Ce point demandé par les seniors aurait dû être prévu avant le passage de la retraite à 64 ans, qu'il aurait peut-être permis de faire mieux accepter.
L'article 4 crée le contrat de valorisation de l'expérience. Ce contrat est moins avantageux que le CDI senior prévu par le Sénat, mais il représente un avantage pour l'employeur, qui sera exonéré de la contribution patronale sur l'indemnité de mise à la retraite.
Selon l'article 5, l'employeur doit motiver son refus d'embaucher un senior. Pour moi, il s'agit d'une satisfaction et d'une amélioration sous l'effet du dialogue social. Certaines entreprises se tournent vers l'expérience des anciens. Il est très important de conserver et de valoriser les seniors, qui apporteront leur expérience aux entreprises. En découleront des ressources supplémentaires : augmenter le taux d'emploi des seniors de 7 points, c'est réaliser 125 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Je voterai en faveur de ce projet de loi.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je l'ai dit lors de plusieurs auditions, la moitié des demandeurs d'emploi inscrits à France Travail sont âgés de 55 ans ou plus. Pour 25 % d'entre eux, cette situation est due à une inaptitude au travail. Tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité par rapport à la pénibilité du travail. Lors des auditions préparatoires, nous avons beaucoup parlé de pénibilité physique, notamment pour les aides à domicile ou celles et ceux qui travaillent dans les usines, mais il faut aussi parler des burn-out, fréquents, par exemple, parmi les professeurs des écoles ou dans les métiers du soin.
Il est d'autant plus regrettable de ne pas rétablir les CHSCT, ainsi que Mme Puissat l'a indiqué, que nous n'avons pratiquement plus de médecins du travail. Ils permettaient tout de même de dresser un constat des mauvaises pratiques dans les entreprises, et d'alerter sur les salariés en souffrance au travail.
Après chaque réforme des retraites, dès qu'il veut faire travailler les gens plus longtemps, le Gouvernement propose une nouvelle petite mesure, mais qui ne réglera pas le problème. Encore faudrait-il que les entreprises puissent garder des salariés de 55 ans ou de 56 ans jusqu'au bout - j'ai même appris que l'on pouvait parler de senior à partir de 45 ans ! Or lorsque la personne n'est plus assez rentable, on la licencie. Commençons par nous assurer que celles et ceux qui veulent travailler et cotiser pour leur retraite puissent le faire. Ce projet de loi vise justement l'inverse.
Les contrats de valorisation de l'expérience seront exonérés à hauteur de 30 % de la contribution employeur sur l'indemnité de mise à la retraite. Cela coûtera chaque année à la sécurité sociale 123 millions d'euros, qui ne seront pas compensés par l'État. Nous ne doutons pas que le Sénat soutiendra l'amendement que nous avons déposé, afin de ne pas continuer à creuser le trou de la sécurité sociale.
Je l'ai déjà dit, je suis totalement opposée aux ordonnances. Les parlementaires ont un rôle à jouer : ils doivent prendre des décisions, surtout sur ces questions.
En outre, ces mesures ne concerneront que les entreprises de plus de 300 salariés. On exclut donc 72 % des salariés de notre pays, qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Monsieur Henno, nous savons tous qu'un changement de mentalité est en cours. Même si ce texte ne réglera pas tout, ainsi que nous l'indiquons dans le rapport, nous avons remarqué durant les auditions une prise de conscience et une volonté d'avancer.
Madame Lubin, le texte mentionne « les salariés expérimentés, en considération de leur âge ». Le Parlement a évidemment un rôle à jouer, Mme Puissat y reviendra au sujet de l'article 10.
Il est vrai que les entreprises de moins de 300 salariés ne sont pas explicitement concernées, mais nous espérons que des accords de branche les concernant auront lieu. C'est un premier pas. Je l'ai répété, un changement est en cours au sujet de la culture du non-emploi des seniors dans les entreprises. Le changement se fera par nécessité, pour des raisons démographiques et pour assurer la préservation des compétences, du moins dans certains postes de travail.
En ce qui concerne le CVE, la mise à la retraite n'est pas automatique. Quant aux sanctions, celles-ci sont déjà prévues par le code du travail et mises en oeuvre par l'inspection du travail. Quand l'employeur et le salarié signent un CVE, ce dernier doit indiquer à quel âge il souhaite partir à la retraite.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Non, il doit indiquer à quel âge il peut bénéficier d'un taux plein. Ce n'est pas pareil.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Cela fait partie de l'accord interprofessionnel : tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut des adaptations s'il s'agit de travailler plus longtemps, et qu'il faut que l'employeur puisse anticiper. C'est aussi une garantie pour le salarié : il est sûr de ne pas partir avant d'avoir atteint un taux plein, et l'employeur peut, quant à lui, anticiper le renouvellement des compétences. L'accord n'empêche pas que, d'un commun accord, l'employé et l'employeur puissent prolonger le contrat. L'employeur doit pouvoir signer ce genre de contrat sans être lié à l'employé jusqu'à ses 70 ans.
Mme Monique Lubin. - Le taux plein, c'est 67 ans, et 70 ans, c'est l'âge à partir duquel un salarié peut être mis à la retraite d'office.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les transpositions de l'ANI peuvent frustrer certains d'entre nous, mais, nous pouvons toujours exprimer nos opinions en déposant des propositions de loi ou des amendements. J'y tiens, le Parlement doit respecter l'ANI signé par les partenaires sociaux, qui repose sur des équilibres toujours fragiles. Il faut de l'humilité pour savoir s'effacer derrière les partenaires sociaux : c'est ce qui est proposé avec ce texte.
Les entreprises de moins de 300 salariés peuvent être incluses dans les accords de branche, qui peuvent s'imposer en cas d'absence d'accord dans les entreprises. Même si les partenaires sociaux sont bien conscients que les petites entreprises ne sont pas toujours outillées pour faire face aux difficultés en matière de ressources humaines, ces dispositions peuvent être prévues dans les accords de branche. C'est une avancée : l'article 2 prévoit des mesures spécifiques pour les entreprises de plus de 300 salariés, mais celles qui sont en dessous de ce seuil pourront également être concernées par des accords de branche. Un amendement est d'ailleurs déposé pour abaisser ce seuil à 150 salariés. Nous n'y serons pas favorables, car les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur le seuil de 300 employés. Ce seuil existe d'ailleurs déjà dans la GPEC.
En ce qui concerne la pénibilité, qui constitue en effet un enjeu - nous ne sommes pas tous égaux face à l'activité ou à la santé -, l'article 3 prévoit spécifiquement l'organisation d'entretiens professionnels à l'issue de la visite médicale de mi-carrière, créée par une proposition de loi rapportée par Pascale Gruny. Il y a toutefois un sujet quant à la médecine du travail, lié plus globalement à celui de la médecine. Nous rapprochons les visites médicales de mi-carrière et à 60 ans de l'entretien professionnel, pour avoir la possibilité d'adapter les postes, de prévoir des temps de travail moindres à partir de 60 ans.
Quant aux CHSCT, leur réintroduction est revendiquée depuis 2017.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Tous les partenaires sociaux le demandent.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les comités sociaux et économiques ont vocation à remplacer tous les dispositifs de représentation du personnel. Je le rappelle, l'article 8 supprime le couperet que représente l'impossibilité de se représenter au-delà de trois mandats pour les représentants des entreprises de plus de 300 salariés. Des représentants des salariés expérimentés pourront continuer leur travail sur la prise en compte de la pénibilité, ce qui constitue une avancée de ce projet de loi.
Le CVE est signé par des demandeurs d'emploi de plus de 60 ans, qui ont des difficultés à s'insérer dans le monde du travail. Il faut trouver des outils pour les valoriser. La vraie difficulté que rencontrent les employeurs, c'est la date à laquelle ils pourront se séparer du salarié de 60 ans qu'ils embauchent. Si rien n'est précisé, la seule limite qu'ils peuvent anticiper est celle de 70 ans. En signant un CVE, le demandeur d'emploi indiquera à son employeur la date à laquelle il atteindra un taux plein. S'il choisit de ne pas partir à ce moment, l'employeur peut effectivement choisir de le mettre à la retraite, en lui faisant toucher une prime et en versant une cotisation patronale. Le projet de loi vise simplement à supprimer cette cotisation patronale. Lorsqu'on regarde tous les contrats portés par la droite comme par la gauche, cette contrepartie n'est pas énorme par rapport aux avantages sociaux portés par les uns et les autres.
Effectivement, cela coûte 120 millions d'euros par an, mais le dispositif sur l'assurance chômage pèse aussi 130 millions d'euros. Les chiffres liés au CVE sont en outre difficiles à évaluer. Cette expérimentation n'est peut-être pas très satisfaisante, mais elle permet de soutenir les demandeurs d'emploi de plus de 60 ans. C'est un signe que nous leur envoyons à la suite des partenaires sociaux.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Il faut aussi prendre en compte le fait que si l'on prolonge la durée du travail, les cotisations seront payées plus longtemps, et les indemnités chômage ne seront plus versées. Il faut faire le calcul, et je ne sais pas si l'on peut dès maintenant avancer un chiffre de manière aussi affirmative.
L'expérimentation est prévue sur un délai de cinq ans. Nous ne savons pas combien de salariés auront bénéficié de ce dispositif dans trois ans. Les accords prévoient qu'un comité d'évaluation se réunisse au fil de l'eau. Si les chiffres sont suffisamment probants, le Gouvernement peut publier ce rapport plus rapidement que d'ici cinq ans. Des expérimentations ont déjà eu lieu, et il faut là aussi faire preuve d'humilité. Nous espérons que ce nouveau type de contrat fonctionnera. Des accords ont déjà été signés par les casinos et les assureurs. Tous les dispositifs ne semblent pas rencontrer le même succès. Le compte épargne-temps est peut-être plus intéressant que l'indemnité de départ. Il faudra voir comment fonctionnera ce dispositif lorsque les accords seront appliqués.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement rédactionnel COM-13 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-5 tend à abaisser le seuil de négociation obligatoire de 300 à 250 salariés. Cette proposition n'est pas conforme à l'ANI : l'avis est défavorable.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Mme Frédérique Puissat. - L'amendement COM-7 vise à créer une sanction financière en l'absence de négociation d'entreprise relative aux travailleurs expérimentés. Là encore, cette proposition ne figure pas dans l'ANI. Par ailleurs, l'obligation de négociation est une obligation de moyens et non de résultat. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
Les amendements rédactionnels COM-14 et COM-15 sont adoptés.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - L'amendement COM-16 tend à préciser le caractère expérimental du contrat de valorisation de l'expérience, pour autoriser le législateur à prolonger l'expérimentation si elle est positive.
L'amendement COM-16 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-17.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Les amendements COM-2 et COM-9 ont pour objet d'interdire à une entreprise de conclure un CVE avec un ancien salarié. Il est déjà prévu qu'un salarié employé dans les six derniers mois par l'entreprise ne puisse être ainsi recruté, et cette précision n'a pas été retenue par les partenaires sociaux. Avis défavorable.
Les amendements COM-2 et COM-9 ne sont pas adoptés.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à conditionner le recours au CVE à la publication d'indicateurs relatifs à l'emploi des seniors. Les partenaires sociaux n'ont pas retenu ces modalités lors de leurs négociations. Par ailleurs, un comité de suivi et d'évaluation est prévu : il semble plus pertinent qu'une obligation à l'échelle de l'entreprise. Avis défavorable.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Les amendements COM-1 et COM-12 visent à supprimer la communication de la date de retraite à taux plein à l'employeur. Cette précision est importante tant pour le salarié que pour l'employeur, pour lui permettre d'avoir davantage de prévisibilité. Ces amendements sont contraires à l'ANI, et reviennent à supprimer le principal motif du recours au CVE pour les employeurs. L'avis est défavorable.
Les amendements COM-1 et COM-12 ne sont pas adoptés.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Les amendements identiques COM-3 et COM-11 tendent à supprimer l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite. Cela reviendrait sur l'accord conclu par les partenaires sociaux. L'avis est défavorable.
Les amendements identiques COM-3 et COM-11 ne sont pas adoptés.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - L'amendement COM-10 concerne la remise d'un rapport d'évaluation intermédiaire. Il est en partie satisfait, car nous prévoyons que le rapport d'évaluation soit remis au Parlement avant les cinq ans qui suivent la promulgation de la loi. Raccourcir le délai nous ferait courir le risque de ne pas disposer suffisamment d'éléments, dans la mesure où les salariés recrutés n'auront pas encore atteint l'âge de mise à la retraite. Avis défavorable.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles 5 et 6
Les articles 5 et 6 sont successivement adoptés sans modification.
Article 7
L'amendement de coordination juridique COM-18 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 8
L'amendement de coordination légistique COM-19 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Nous nous sommes tous interrogés sur l'article 10, et même si nous partageons la même volonté, nous n'avons pas tous pris le même chemin. Comme les auteurs des amendements identiques COM-4 et COM-6, nous comptions initialement supprimer l'article 10. En revanche, les partenaires sociaux nous ont demandé de le conserver, car s'ils parvenaient à conclure un accord d'ici au 15 juin prochain, dans les délais prévus par le document d'orientation du Gouvernement, nos collègues députés pourraient intégrer cet éventuel accord national interprofessionnel en lieu et place de cet article. Supprimer l'article 10 aurait été de nature à supprimer toute possibilité d'accroche législative de ces dispositions.
En revanche, au-delà du fait que nous devons garder une telle accroche, nous devons éviter deux écueils. Tout d'abord, nous ne voulons pas émettre une injonction aux partenaires sociaux. Ensuite, nous voulons garder un regard sur les conclusions de l'accord national interprofessionnel.
Nous avons donc choisi de faire de cet article une sorte de coquille vide. Nous avons réinséré, en lieu et place de l'habilitation à légiférer par ordonnance, le document d'orientation du Gouvernement. Nous supprimons donc l'habilitation à légiférer par ordonnance, sans pour autant se priver, lors d'une audition des rapporteurs ou d'une réunion de notre commission, d'aborder de nouveau ce sujet si jamais les partenaires sociaux concluent un accord, et de voir si cet accord est retranscrit de la meilleure manière possible, en accord avec les demandes des partenaires sociaux.
Nous demandons donc le retrait des amendements identiques COM-4 et COM-6 au profit de l'amendement COM-20, car ce dernier permet de conserver une accroche législative, de supprimer l'ordonnance et éventuellement de reprendre la discussion avec les partenaires sociaux.
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'entends les engagements qui ont été pris, mais nous devons être certains que le texte pourra revenir devant nous, sans qu'il soit renvoyé en commission mixte paritaire. Nous avons fait l'amère expérience, avant-hier, de voir l'Assemblée nationale adopter une motion de rejet sur la proposition de loi de notre collègue Laurent Duplomb.
En l'occurrence, les syndicats ont pu procéder, en toute conscience, à un vote analytique sur chaque ANI. Pour notre part, nous recevons un paquet sur lequel nous devons légiférer, sans savoir ce que pourra être le vote final en cas de désaccord.
M. Philippe Mouiller, président. - Je comprends ce que vous dites, chère collègue. Toutefois, sachez que nous garderons la main, quoi qu'il advienne. Nous nous sommes mis d'accord pour rejeter les ordonnances sur ce texte. Si nous nous sommes positionnés ainsi, c'est davantage pour les syndicats et les organisations patronales que pour le Gouvernement.
Nous voyons bien la volonté d'accélérer sur ce sujet afin qu'un accord puisse être conclu avant l'été, mais nous avons aussi notre mot à dire. Si un accord était bel et bien signé, nous devrions attendre que le Gouvernement dépose un nouveau texte. On nous demande d'aller vite grâce à ce support législatif, mais, en contrepartie, j'aurai la possibilité, en tant que président de la commission des affaires sociales, de convoquer les acteurs concernés pour évoquer ce sujet, avant la tenue de la commission mixte paritaire.
Les amendements identiques COM-4 et COM-6 sont retirés.
L'amendement COM-20 est adopté.
L'article 10 est ainsi rédigé.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
TITRE Ier : RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L'EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTES |
|||
Article 1er |
|||
Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures |
13 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Article 2 |
|||
Mme PONCET MONGE |
5 |
Abaissement du seuil de négociation obligatoire en entreprise relatives aux salariés expérimentés |
Rejeté |
Mme PONCET MONGE |
7 |
Création d'une sanction financière en l'absence de négociation d'entreprise relative aux travailleurs expérimentés |
Rejeté |
TITRE II : PREPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE |
|||
Article 3 |
|||
Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures |
14 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures |
15 |
Clarification rédactionnelle évitant une multiplication des documents exigés de l'employeur après l'entretien professionnel de mi-carrière |
Adopté |
TITRE III : LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI SENIORS |
|||
Article 4 |
|||
Mmes NÉDÉLEC et PUISSAT, rapporteures |
16 |
Précision du caractère expérimental du contrat de valorisation de l'expérience |
Adopté |
Mmes NÉDÉLEC et PUISSAT, rapporteures |
17 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Mme LUBIN |
2 |
Interdiction de conclure un contrat de valorisation de l'expérience avec un ancien salarié |
Rejeté |
Mme PONCET MONGE |
9 |
Interdiction de conclure un contrat de valorisation de l'expérience avec un salarié précédemment licencié |
Rejeté |
Mme PONCET MONGE |
8 |
Conditionnement du recours au contrat de valorisation de l'expérience à la publication d'indicateurs relatifs à l'emploi des seniors |
Rejeté |
Mme LUBIN |
1 |
Suppression de la communication de la date de retraite à taux plein à l'employeur |
Rejeté |
Mme PONCET MONGE |
12 |
Suppression de l'obligation de communication de la date réévaluée de retraite à taux plein à l'employeur |
Rejeté |
Mme LUBIN |
3 |
Suppression de l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite |
Rejeté |
Mme PONCET MONGE |
11 |
Suppression de l'exonération de la contribution patronale spécifique sur l'indemnité de mise à la retraite |
Rejeté |
Mme PONCET MONGE |
10 |
Rapport d'évaluation intermédiaire |
Rejeté |
Article 7 |
|||
Mmes NÉDÉLEC et PUISSAT, rapporteures |
18 |
Coordination juridique |
Adopté |
TITRE V : AMÉLIORER LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL |
|||
Article 8 |
|||
Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures |
19 |
Amendement de coordination légistique |
Adopté |
TITRE VII : TRANSITIONS PROFESSIONNELLES |
|||
Article 10 |
|||
Mme LUBIN |
4 |
Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance |
Retiré |
Mme PONCET MONGE |
6 |
Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance |
Retiré |
Mmes PUISSAT et NÉDÉLEC, rapporteures |
20 |
Suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour consacrer dans l'article 10 les objectifs poursuivis par la négociation entre les partenaires sociaux |
Adopté |