- Mardi 3 juin 2025
- Mercredi 4 juin 2025
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement - Examen du rapport et du texte de la commission
- Audition de M. Matthieu Louvot, directeur de la stratégie d'Airbus (sera publié ultérieurement)
- Audition de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Mardi 3 juin 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 40.
Audition de Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous entendons cette après-midi Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville.
Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue. C'est la première fois que vous vous exprimez devant nous depuis votre nomination, le 23 décembre 2024, l'audition prévue le 5 mars dernier ayant malheureusement été annulée.
Votre entrée en fonctions a coïncidé avec le retour d'un portefeuille ministériel spécifiquement dédié à la politique de la ville. Vous nous direz si c'est, selon vous, une plus-value dans l'architecture ministérielle, notamment pour agir de manière transversale plutôt que de manière sectorielle.
Vous aviez initialement annoncé la tenue d'un comité interministériel des villes (CIV) le 17 avril 2025. Puis cette rencontre a été décalée au 15 mai avant d'être de nouveau reportée, au grand dam des élus locaux et, plus largement, des acteurs de la politique de la ville. Elle devrait finalement se tenir dans trois jours, le vendredi 6 juin, toujours à Montpellier. Ce rendez-vous est très attendu. Il permettra de dresser le bilan des mesures du précédent CIV, tenu en octobre 2023, et de décliner concrètement votre feuille de route.
Le CIV ne saurait être le simple lieu d'annonces sans lendemain : notre commission souhaite qu'il devienne un rendez-vous régulier et un véritable outil de pilotage, à la main du Premier ministre, de la politique interministérielle et du déploiement du « droit commun » dans les quartiers. Au cours de la période récente, seul Jean Castex a tenu ses engagements à ce titre, en réunissant le CIV tous les six mois - je me dois de le souligner.
Vous avez déjà évoqué quelques-unes de vos priorités, notamment l'enfance et l'adolescence, de même que le développement économique des quartiers prioritaires ainsi que la sécurité, qui, à vos yeux comme aux nôtres, joue un rôle central en matière de rénovation urbaine. Pourriez-vous nous en dire davantage, qu'il s'agisse de l'agenda de ce très prochain CIV ou de la manière dont vous allez procéder pour décliner vos ambitions ?
Alors que le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) doit s'achever en 2026, notre commission a reçu en avril dernier Anne-Claire Mialot, Cédric Van Styvendael et Jean-Martin Delorme, coauteurs du rapport intitulé Ensemble, refaire ville. Avec Patrice Vergriete, nouveau président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), tous trois ont souligné l'urgence d'engager dès à présent un programme de troisième génération afin d'éviter tout « trou d'air ».
Je présume que ce rapport vous a également été présenté. Où en sont les réflexions quant à la mise en oeuvre d'un troisième programme de rénovation urbaine ? Valérie Létard a récemment évoqué la possibilité de repousser l'engagement financier du programme à 2027 et de reporter la livraison des opérations de 2030 à 2032. Quelle est votre position sur ce sujet ? Quels sont les projets concernés ?
Sur le volet financier, le même rapport évoque un possible financement européen des missions de l'Anru. Comme l'a souligné notre rapporteure pour avis des crédits de la politique de la ville, Viviane Artigalas, les 50 millions d'euros supplémentaires apportés par l'État en 2025 ne suffiront pas à résoudre les difficultés financières de l'Anru à moyen terme. À court terme, savez-vous quelles solutions vont être apportées pour sécuriser la trajectoire financière de l'agence ? Devant notre commission, Patrice Vergriete a évoqué la création d'une taxe affectée pour l'Anru. Cela vous paraît-il souhaitable ? Pour ma part, je ne crois pas que l'on puisse ou que l'on doive créer de nouveaux impôts dans le contexte actuel.
Enfin, au début du mois de février dernier, vous avez pris une position très remarquée à l'égard des bailleurs sociaux : vous avez donné instruction aux préfets d'envisager la dénonciation des conventions d'utilisation de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), lorsque les obligations d'entretien des parties communes des immeubles ne sont pas respectées dans les quartiers prioritaires.
Ces conventions sont signées entre l'État, les collectivités territoriales concernées et les bailleurs sociaux ; elles permettent à ces derniers d'obtenir un abattement de TFPB de 30 %. Pouvez-vous nous en dire plus de cette démarche, qui a suscité de fortes réactions chez les bailleurs sociaux ? Vous aviez demandé aux préfets de vous fournir un état des lieux avant le 7 mars 2025 : quelles sont les premières remontées ?
Je vous rappelle que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. - Madame la présidente, je tiens avant tout à vous remercier de votre invitation.
Je sais à quel point le Sénat est attentif aux territoires et notamment aux quartiers. Vous êtes tous élus locaux ou, du moins, vous l'avez été : vous savez très bien ce que sont l'aménagement du territoire et l'organisation des services publics au quotidien dans nos villes et nos départements.
Comme vous, j'ai regretté que le CIV ait été différé par deux fois ; et, comme vous, je me réjouis de sa tenue prochaine, en présence de M. le Premier ministre et de nombreux membres du Gouvernement.
Dans un contexte budgétaire structurellement tendu, je me dois de faire plus avec moins, ce qui implique de renforcer encore les synergies entre ministères - c'est aussi l'ancienne magistrate de la Cour des comptes qui s'exprime en ce sens.
Depuis 2017, les crédits du programme 147 avaient connu une augmentation constante de 7,3 %, conformément au voeu du Président de la République. Mais cette hausse bienvenue et nécessaire pour nos quartiers a été stoppée net l'an dernier, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. Il a donc fallu faire des choix assez cornéliens ; les crédits de l'an passé ont été exécutés à hauteur de 519,78 millions d'euros, en baisse de 16,3 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale (LFI) pour 2024 et de 7 % par rapport à 2023 - en parallèle, la population éligible a augmenté de 10 % du fait de la nouvelle géographie prioritaire.
Cette situation n'a toutefois pas empêché l'État et les collectivités territoriales d'agir. En 2024, 333 contrats de ville ont ainsi été signés et 208 cités éducatives étaient recensées. Quant au programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 », il a permis de créer de l'activité économique dans les quartiers.
En 2025, la situation ne sera guère plus simple, même si le Sénat, et je l'en remercie, a soutenu les initiatives gouvernementales destinées à préserver le budget de la politique de la ville. En définitive, les crédits du programme 147 n'ont été réduits que de 4 %, et non de 16 %, comme cela était envisagé avant mon arrivée. En loi de finances initiale pour 2025, ce programme a été doté de 609,6 millions d'euros. Nous avons ainsi pu sauver les postes d'adultes-relais et les cités éducatives.
Toutefois, 15 millions d'euros de crédits ont été annulés le 25 avril dernier et 31,5 millions d'euros ont été gelés. En incluant ces annulations et ces gels, la baisse de crédits par rapport à l'exécution 2024 s'élève à 18,5 millions d'euros - si l'on exclut de la comparaison la dotation de l'Anru.
Il s'agit là d'une somme importante, mais la politique de la ville ne se résume pas au programme 147. Il faut y ajouter les investissements des collectivités territoriales et la gestion urbaine de proximité, dossier que j'ai pris à bras-le-corps.
Lors de mes premières visites de terrain, j'ai été frappée par l'état des parties communes de certains logements sociaux. À la demande de certains élus locaux, j'ai lancé un pilotage un peu plus étroit de la gestion urbaine de proximité, donc de l'utilisation par les bailleurs sociaux de l'abattement de la TFPB, pris en charge par l'État à hauteur de 40 % et par les collectivités territoriales à hauteur de 60 %.
Cet abattement pèse singulièrement sur les dépenses locales. Or un certain nombre d'élus locaux m'ont fait part de leur insatisfaction à cet égard. Le 13 février dernier, j'ai donc adressé une instruction aux préfets. Je leur ai demandé de me fournir un état des lieux aussi documenté que possible. Je leur ai également demandé de m'adresser un diagnostic en résumant les principales difficultés constatées, les cas où le plan d'action n'est pas signé et les solutions envisageables.
Ce premier bilan m'a été adressé le 8 mars dernier. Il apparaît que, dans la moitié des départements, la situation est relativement satisfaisante, qu'il s'agisse de la propreté, de l'entretien des ascenseurs, des boîtes aux lettres, des caves ou de la présence de personnels de proximité ; mais, dans l'autre moitié des départements, divers problèmes se font jour - stockage d'encombrants, déchets non ramassés, carcasses de voiture calcinées régulièrement déplorées, parkings sauvages, etc. S'y ajoutent, dans 15 % des cas, des problématiques tenant aux pannes d'ascenseurs, et, dans 12 % des cas environ, un manque de personnel de proximité, notamment de gardiennage.
À la suite de ce bilan, j'ai demandé aux préfets de procéder à un classement plus précis des situations et, surtout, d'accompagner les bailleurs sociaux les plus en difficulté. Ce travail a été fait ; il y a environ quinze jours, j'ai reçu un état des lieux tout à fait encourageant.
À ce jour, la situation est normale, c'est-à-dire globalement satisfaisante, dans 85 % des cas. En revanche, selon les préfets, les élus et les associations de locataires, 12 % à 13 % du parc social des quartiers se trouvent dans une situation insatisfaisante, même si la confiance est là. Les bailleurs dont il s'agit doivent faire l'objet d'un accompagnement renforcé, qui sera évalué au cours de l'été, avant une éventuelle sanction. En effet, la convention d'abattement de la TFPB doit être révisée cet été, pour un enrôlement de la taxe au mois de septembre prochain. À ce stade, j'ai bon espoir que ces problèmes soient résolus. Mais il reste 2 % à 3 % de situations inacceptables - je me suis rendue sur place et, dans ces cas précis, on n'est pas loin de l'habitat indigne -, au titre desquelles les préfets sont spécialement missionnés. Les bailleurs concernés savent que, si la situation ne s'est pas améliorée au 15 juillet prochain, ils perdront le bénéfice de leur abattement.
Je précise que ces actions sont menées à coût constant ; les sanctions prononcées permettront peut-être même de rapporter un peu d'argent public. Lorsque cette démarche a été engagée, nous estimions à 315 millions d'euros le coût total de l'abattement de la TFPB pour la collectivité. Après le travail accompli par les préfets, cette somme est tout compte fait évaluée à 450 millions d'euros.
Il faut s'assurer que cet abattement est accordé à juste titre. C'est pourquoi il fera l'objet d'un bilan annuel. À cette fin, j'ai d'ailleurs demandé aux préfectures de réunir des comités de pilotage trimestriels, où les élus et les associations de locataires seront représentés. Après quelques frictions initiales, j'ai pu constater la bonne volonté de la grande majorité des bailleurs sociaux. Les bailleurs qui travaillent bien forment une écrasante majorité, et un tel effort de contrôle permet en définitive de valoriser leur travail.
J'en viens au CIV, qui va concrétiser l'ambition du Premier ministre et de François Rebsamen pour la politique de la ville. Au terme de cette réunion, nous pourrons vous présenter un plan clair et coconstruit, car la politique de la ville est l'affaire de tous ; c'est une démarche collective, impliquant à la fois l'État, les élus locaux, les bailleurs sociaux, les associations et les habitants des quartiers.
Dès lors, on ne saurait préparer un CIV sans concertation avec les acteurs. C'est pourquoi j'ai lancé, à l'hôtel de Roquelaure, la démarche « Construisons ensemble », reposant sur quatre collèges : un collège des bailleurs, un collège des entreprises, un collège des associations oeuvrant dans le domaine de la politique de la ville et - c'est la spécificité de ce CIV - un collège dédié à l'enfance.
L'enfant et l'adolescent seront bel et bien au coeur de cette réunion. Leur bien-être, leur santé mentale, leur émancipation et leur réussite éducative constituant autant d'enjeux majeurs, ce sera un CIV pour l'enfant dans la ville.
J'en suis profondément convaincue, que ce soit en tant que mère de famille ou comme élue locale : 1 euro investi pour un enfant avant ses 10 ans, c'est 10 euros économisés quand ce dernier arrive à l'âge adulte - j'en veux pour preuve les travaux de James Heckman, prix Nobel d'économie. Les débordements régulièrement déplorés nous donnent, hélas ! à voir une enfance sans cadre, parfois livrée à elle-même, et une jeunesse qui se cherche. Quand les parents ne peuvent jouer leur rôle, c'est à la République d'apporter un cadre pour que les enfants grandissent dans de bonnes conditions. C'est notre avenir que nous construisons ainsi avec eux.
Avec Élisabeth Borne, nous avons mobilisé les outils existants - nous avons notamment annoncé, la semaine dernière, la création de quarante cités éducatives. Lors du CIV, Mme Borne fera également des annonces au sujet des tout-petits. La scolarisation précoce est un facteur de réussite éducative, en particulier dans les quartiers défavorisés.
Avec Yannick Neuder, qui sera également présent à Montpellier, nous avons travaillé sur le volet de santé, en particulier sur la santé mentale des enfants. Cette dernière fera l'objet d'un dispositif dédié, à même de mobiliser des compétences spécifiques.
Avec Bruno Retailleau, nous nous penchons sur la tranquillité publique et sur la sécurité, qui, pour les habitants des quartiers, sont évidemment la priorité. François-Noël Buffet, qui a mené le Beauvau de la sécurité, assistera au CIV. Il annoncera diverses mesures, qu'il s'agisse du dialogue entre la police et la population ou de la coordination des interventions de police.
Je reviendrai également sur la gestion urbaine de proximité, car le pilotage de la TFPB a vocation à s'inscrire dans la durée. Nous allons poursuivre le dialogue avec les bailleurs sociaux, qui oeuvrent eux aussi en faveur de la sécurité et de la tranquillité publiques - à ce titre, j'insiste tout particulièrement sur la vidéoprotection, qui a fait ses preuves dans un certain nombre de quartiers. On peut tout à fait demander aux bailleurs sociaux d'assurer son installation dans le cadre des conventions d'utilisation de la TFPB.
Le logement est évidemment une priorité, étant entendu que l'Anru doit centrer ses priorités sur les quartiers. En outre, Valérie Létard, François Rebsamen et moi-même sommes convaincus de la nécessité de donner un an de plus à cette agence pour assurer l'engagement de 100 % des contrats, sachant que l'État tiendra évidemment sa parole. De même, l'étalement des crédits jusqu'en 2032 nous semble de bonne politique.
Nous avons effectivement demandé à l'Anru de procéder à une revue de projets, laquelle nous a été présentée le 26 mai dernier. Ce travail souligne la nécessité, que j'ai rappelée à la directrice générale de l'agence, de finir, de manière préalable, la mise en place de l'Anru 2. Nous serons ainsi plus sereins quant au report des engagements en 2027.
On peut à la fois être raisonnable, comme nous le demande la direction du budget, et exigeant, car, à mon sens, l'Anru nous a permis d'accomplir un travail formidable. À cet égard, toutes les pistes de financement doivent être explorées, et notamment la taxe dédiée. Mais il ne s'agit là que d'une piste de réflexion.
Le CIV présentera également un important volet économique. Nos quartiers regorgent de talents et leurs habitants doivent pouvoir y travailler, y développer leurs activités économiques et commerciales. Ce faisant, on pourra également lutter contre l'économie souterraine, par définition illégale et dangereuse.
Ces quartiers sont forts d'une jeunesse incroyablement innovante. Pour preuve, le nombre de petites entreprises qui s'y créent est 2,5 fois plus élevé qu'ailleurs, mais les créateurs d'entreprise ont beaucoup plus de mal à trouver des crédits. Nous allons donc déployer d'importants efforts pour susciter les créations d'entreprises, via des dispositifs d'accompagnement dédiés. Je précise qu'avec la Banque publique d'investissement (BPI) nous réserverons un très important programme de soutien à l'entrepreneuriat féminin : il est grand temps que les femmes des quartiers disposent elles aussi du pouvoir économique.
De même, nous devons progresser en faveur de l'apprentissage, de l'emploi salarié et de la formation continue. Nous souhaitons en particulier que France Travail encourage l'organisation dans les quartiers de rencontres dédiées à l'accompagnement vers l'emploi.
Il s'agit, dans l'ensemble, d'un travail interministériel. Plus largement, je tiens beaucoup aux synergies, que ce soit entre l'État et les collectivités territoriales, mais aussi entre les différents services de l'État - je pense en particulier à la direction générale des collectivités locales (DGCL) et à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont les services sont absolument remarquables.
Peut-être pourrions-nous susciter encore davantage de synergies entre les services de l'État : nous gagnerions ainsi en efficacité. En effet, la politique de la ville est une politique humaine ; c'est l'humain au coeur de la ville. Or on constate un besoin urgent d'accompagnement dans les quartiers. C'est précisément pourquoi je tiens tant aux adultes-relais, dont la présence peut tout simplement sauver des jeunes.
J'ai confiance en ce travail de proximité et je souhaite tisser un véritable écosystème avec les représentants des associations, avec les élus locaux, pour assurer un accompagnement éducatif, social et sanitaire. C'est tout à fait fondamental.
À cet égard, je souhaite que les adultes-relais restent au coeur de nos politiques. Nous devons les défendre, car ils assurent la mise en oeuvre des actions entreprises par nos élus ; parce que nos jeunes en ont besoin ; parce que l'humain est la première urgence de la politique de la ville, qu'il s'agisse de la médiation ou du cadre de vie des 5,8 millions d'habitants des quartiers relevant de la politique de la ville.
Enfin, je vous signale que nous allons créer un comité de suivi du CIV, que je réunirai au moins tous les six mois. De même, il me semble indispensable d'organiser un CIV chaque année, sachant que le suivi sera également assuré par les préfectures de région.
Une vraie politique d'aménagement du territoire est indispensable à la cohésion de la République.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci de ce propos liminaire, où nous percevons votre enthousiasme et votre énergie. Comme vous, nous croyons fermement en la politique de la ville. Dans un rapport rédigé il y a trois ans et remis à M. Olivier Klein, alors ministre chargé de la ville et du logement, Viviane Artigalas, Valérie Létard et moi-même formulions d'ailleurs un certain nombre des propositions que vous défendez aujourd'hui.
Je tiens à insister sur les associations, et en particulier sur les plus petites d'entre elles : ces structures, qui jouent un rôle essentiel dans les quartiers prioritaires, sont aujourd'hui en difficulté. Non seulement elles subissent de plein fouet les baisses de crédits, mais, face aux grandes associations, elles peinent souvent à répondre aux appels à projets. Malgré leur manque de moyens humains et matériels, elles accomplissent le véritable travail de proximité. Il est essentiel de s'appuyer sur ce tissu associatif.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure pour avis des crédits de la politique de la ville. - Avant tout, je me dois de revenir brièvement sur la situation budgétaire.
Un décret du 15 avril dernier a annulé 15 millions d'euros - vous évoquiez même 18,5 millions d'euros - au titre du programme 147, dédié à la politique de la ville. Quelles sont plus précisément les actions affectées par cette baisse de crédits ?
Je souhaite ensuite vous interroger sur l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV).
Avec Mme Dominique Estrosi Sassone et Mme Valérie Létard, alors sénatrice, nous avions souligné dans un rapport de 2022 l'importance de mesurer les effets concrets de la politique de la ville. Il n'est pas concevable qu'une politique publique qui touche 6 millions de personnes en France reste si peu évaluée. C'est précisément pourquoi nous avons défendu l'ONPV, en janvier dernier, lors de l'examen de la proposition de loi de Mme Goulet tendant à supprimer certains comités « Théodule ».
Allez-vous relancer ce travail d'évaluation ? Va-t-on enfin travailler sur la base des parcours et des cohortes pour comprendre réellement la dynamique des quartiers populaires, qui - notre rapport le prouve - sont bien plus des sas que des nasses ? À regarder la photo et non le film, on finit par dire que la politique de la ville est un puits sans fond, ce qui n'est évidemment pas vrai.
En outre, à l'heure où l'on insiste sur la réduction du nombre d'agences de l'État, l'avenir de l'Anru est-il menacé ? Vous engagez-vous à garantir le maintien de cette agence sous sa forme actuelle ? La rénovation urbaine a fait ses preuves : ce constat inspire un large consensus dans les territoires, et ce n'est certainement pas le moment d'affaiblir ce qui fonctionne.
Enfin, j'évoquerai les cités éducatives.
Lors d'une visite dans les Ardennes, en mars dernier, vous avez annoncé le renouvellement du label de 83 d'entre elles. La Cour des comptes a récemment dressé un bilan positif des cités éducatives, saluant leur approche interministérielle et l'engagement des collectivités territoriales. Elle s'interroge néanmoins sur la pérennité de leurs moyens, à l'aune de l'objectif de généralisation d'ici à 2027. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, je déplorais justement l'abandon de cet objectif, un an après son annonce. En est résulté un « stop and go » préjudiciable à la conduite de la politique de la ville. À ce titre, doit-on attendre une évolution à la suite du CIV ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - Madame la rapporteure, tous les programmes relevant du pôle « territoires » ont subi un gel de crédits de 5,5 %. Pour le programme 147, la somme atteint 31,5 millions d'euros, étant entendu que les gels ne sont pas des annulations. Sans doute aurait-il mieux valu passer par un projet de loi de finances rectificative (PLFR), mais passons...
Si l'on y ajoute l'annulation de 15 millions d'euros, les crédits du programme sont en baisse de quelque 18,5 millions d'euros par rapport aux crédits exécutés en 2024.
Sitôt la loi de finances promulguée, j'ai délégué aux préfets de région la totalité des crédits placés sous mon autorité, en leur demandant de les consommer le plus vite possible. Pourquoi ? Pour préserver les associations locales, à commencer par les plus petites d'entre elles, sur lesquelles Mme la présidente insiste avec raison. C'est chose faite : ces associations ne seront pas affectées.
À présent, où procéder à ces économies, qui, in fine, sont de l'ordre de 10 millions d'euros ? Plusieurs pistes sont à l'étude. Peut-être le partenariat national sera-t-il mis à contribution. Mais, j'y insiste, je ne veux pas que l'effort pèse sur les petites associations. De plus, j'espère que la réunion du CIV facilitera le dégel des crédits, en tout cas qu'elle permettra d'éviter un surgel.
Vous savez avec quelle vigueur j'ai défendu l'ONPV, qui ne représente même pas 1,5 équivalent temps plein (ETP) de l'ANCT et coûte au maximum 40 000 euros par an. Il serait d'autant plus absurde de le sacrifier sur l'autel des économies budgétaires que des milliers de chercheurs travaillent bénévolement pour cette structure, en produisant des fiches très intéressantes en matière d'évaluation des politiques publiques. Lors de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique en commission mixte paritaire (CMP), la suppression de l'ONPV devrait être évitée - du moins je l'espère.
Plus largement, toutes les mesures du CIV seront assorties d'une échéance et d'un objectif chiffré. C'est indispensable, non seulement au pilotage des politiques publiques, mais aussi au travail d'évaluation mené par les assemblées parlementaires. Vous le constaterez en particulier au sujet de la petite enfance.
Cet effort d'évaluation est le meilleur moyen de défendre notre politique de la ville, en démontrant qu'elle n'est ni bancale ni déconnectée du terrain. Il démontrera toute la richesse du travail accompli par les services publics dans les territoires, grâce à l'engagement des élus locaux. Françoise Gatel et moi-même nous entendons parfaitement pour dire que l'on ne saurait opposer les zones rurales et les quartiers ; à l'inverse, il faut insister sur les problématiques communes aux différents territoires.
Pour ce qui concerne l'Anru, nous devons avant tout tirer les conséquences de la revue de projets. Surtout, il faut garantir l'avenir de cette agence. En ce sens, l'Anru 3 doit faire l'objet d'une discussion collective.
J'insiste sur la nécessité de concentrer l'effort de l'Anru sur les quartiers prioritaires, conformément à l'esprit de la loi Borloo : il faut éviter toute dispersion des crédits.
Sans doute pouvons-nous oeuvrer collectivement à l'amélioration de divers processus, notamment grâce à des synergies, sachant qu'une bonne politique de la ville et de rénovation urbaine doit s'appuyer sur de l'humain. À cet égard, notre seul et unique objectif reste l'amélioration de la vie quotidienne des habitants, ce qui implique d'embellir ces quartiers et de renforcer leur adaptabilité au changement climatique, conformément aux attentes des élus locaux. Cela suppose une certaine agilité, voire une capacité à se réinventer.
Les cités éducatives sont un outil extraordinaire. Elles permettent de s'adresser à la jeunesse dans son ensemble, de 0 à 25 ans, en mettant de l'huile dans les rouages pour que tous les acteurs travaillent ensemble. Je m'efforce d'assurer leur généralisation, souhaitée par le Président de la République. Depuis ma prise de fonctions, j'ai renouvelé 83 d'entre elles et, le 26 mai dernier, j'ai annoncé la création de 40 nouvelles cités éducatives.
Quant aux programmes de réussite éducative (PRE), ils couvrent aujourd'hui 1 200 des 1 600 quartiers de la politique de la ville, ce qui est beaucoup. Dans certains cas, ils pourraient se rapprocher des programmes des cités éducatives, car ces deux outils se complètent très bien, dans une logique de suivi individualisé ; ce serait également un moyen d'assurer une meilleure coordination des acteurs.
Je vais m'efforcer de préserver les budgets dédiés aux adultes-relais, aux cités éducatives et aux PRE. Ces crédits sont indispensables à notre politique de la ville ; qu'ils financent des séances de sport ou un accompagnement psychologique et social, ils ont un effet à la fois concret et immédiat sur le quotidien des enfants. Ils préviennent, à 16 ans, bien des situations de déscolarisation, qui peuvent préluder à de véritables sorties de route. Ces dispositifs sont à la fois utiles et efficaces.
M. Jean-Claude Tissot. - Madame la ministre, vous indiquez vouloir lutter contre le sentiment d'exclusion que ressentent certains habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ; en effet, c'est un objectif prioritaire. Pour ce faire, vous mettez en avant trois axes, dont la prévention, que vous citez en premier. Je m'en réjouis, car les réponses aux problématiques de la ville et des quartiers sont essentiellement sécuritaires ces derniers temps ; certains membres du Gouvernement, que je ne citerai pas, attisent les tensions...
Je souhaiterais obtenir plus de précisions sur les mesures liées à la prévention et à l'accompagnement. Par exemple, quel sera l'avenir du dispositif adultes-relais ? Ce dernier finance des postes de médiateurs sociaux ou d'éducateurs, qui jouent un rôle important pour conforter le lien social sur le terrain et prévenir les tensions. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) publié à la fin de l'année 2024 plaide pour le maintien de cette présence humaine, indiquant que « l'intuition initiale qui avait donné lieu à la création du dispositif apparaît plus que jamais pertinente ». Or la loi de finances pour 2025 avait entériné la suppression de ces emplois aidés.
En amont du CIV, pouvez-vous nous expliquer la place qu'occupera ce dispositif dans les années à venir ? L'enveloppe de 350 millions d'euros que vous avez annoncée au début du mois contribuera-t-elle à son renforcement ? Il me semble que les QPV ont besoin d'un véritable engagement sur le long terme.
Mme Amel Gacquerre. - Merci pour ces éléments précis, madame la ministre.
Je n'ai pas de doute sur votre ambition et votre volonté d'agir pour les habitants, en faisant plus avec moins - même si cela peut avoir ses limites...
Toutefois, de nombreux élus des quartiers populaires sont inquiets. Certes, ils sont conscients du contexte budgétaire, mais ils font face à une réalité : le creusement des inégalités territoriales et la paupérisation des habitants dans les quartiers prioritaires. Toutefois, loin de moi l'idée de les stigmatiser : il fait bon vivre dans nombre de ces quartiers.
Ma première question porte sur l'efficacité des politiques publiques et leur évaluation, nécessaire ; vous avez évoqué le rôle du comité de suivi, mais pouvez-vous nous apporter davantage de précisions ?
Ma deuxième question relaie une préoccupation des élus : l'ambition du Gouvernement pour la politique de la ville est-elle bien réelle ? Vous évoquez des actions concrètes, mais avez-vous développé une vision à long terme ? Voulez-vous réellement faire évoluer ces quartiers ?
Enfin, je souhaiterais aborder deux sujets qui me tiennent à coeur. Le rapport de la mission Réussite républicaine, que vous a remis Vincent Léna, est très intéressant : il prévoit des actions ciblées en direction des parents, des enfants et des adolescents. Certaines de ces mesures ont-elles été mises en oeuvre ? Je pense à celles visant à soutenir la parentalité ou à accompagner les familles monoparentales, qui sont deux fois plus nombreuses dans les QPV qu'ailleurs - dans neuf cas sur dix, ce sont des femmes qui sont chefs de famille.
Enfin, je suis convaincue que le renforcement de l'attractivité de ces quartiers passe par un renforcement des services publics : le retour de la police de proximité, supprimée voilà plus de vingt-cinq ans, ne serait pas forcément une mauvaise chose. Qu'en pensez-vous ?
M. Christian Redon-Sarrazy. - Merci, madame la ministre, pour vos éclairages.
Je tiens malgré tout à souligner la disparition de certains dispositifs, à l'instar des Bataillons de la prévention, qui étaient des binômes d'éducateurs spécialisés et de médiateurs sociaux. Il y a les cités éducatives, mais des interrogations subsistent sur leur financement.
Les emplois francs, qui ont été supprimés, permettaient à un employeur de bénéficier d'une aide lorsqu'il embauchait un habitant d'un QPV ; ils n'ont pas été remplacés par un dispositif plus adapté. Pourtant, le taux de chômage reste plus élevé dans ces quartiers qu'ailleurs.
La politique de la ville est largement déléguée au secteur associatif, qui est fragilisé par des logiques d'appel à projets qui mettent en concurrence les territoires. Cela nourrit l'incertitude et tend à reconduire les grosses associations qui disposent de l'ingénierie nécessaire pour y répondre, alors que le travail au quotidien est souvent fait par de plus petites structures.
Dès 2025, le Gouvernement compte demander 2,2 milliards d'euros d'économies - si ce n'est plus - aux collectivités. Cela ne manquera pas de fragiliser encore davantage le secteur associatif. Que comptez-vous faire pour ne pas mettre totalement à l'arrêt les actions de la politique de la ville développées par ces associations et les collectivités ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - Monsieur Tissot, je me suis engagée à maintenir en 2025 le nombre d'adultes-relais sur la base de ceux qui ont été effectivement payés en 2024, soit 4 500 personnes.
Je crois beaucoup à l'accompagnement humain. Quelque 75 % des adultes-relais mènent des actions de médiation, conformément aux dispositions législatives en vigueur, tandis que 25 % sont affectés à des tâches de secrétariat. Nous examinons cette situation avec bienveillance. Il serait toutefois plus facile de défendre le dispositif face à la direction du Budget si tous les adultes-relais effectuaient la mission que leur assigne la loi, à savoir la médiation.
J'ai visité une école dans laquelle les enfants étaient formés à la médiation. C'est très utile : trouver les mots justes permet d'éviter la violence. En plus d'être vertueuses, ces actions ne coûtent pas si cher que cela : la politique de la ville, ce sont non pas des milliards d'euros, mais des millions d'euros bien utilisés dans des dispositifs efficaces.
Voilà une dizaine de jours, j'ai signé une convention inédite avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), représentée par Olivier Sichel. Celle-ci bénéficie de 100 millions d'euros supplémentaires par rapport à la dernière convention triennale, qui avait pris fin en 2023.
La convention, dont le montant total s'élève à 350 millions d'euros, est très ambitieuse. Quelque 100 millions d'euros seront affectés à des prêts, tandis que 250 millions d'euros de capital seront destinés à des projets qui devront correspondre en priorité aux objectifs définis par le CIV : aides à la création d'entreprises, soutien à l'économie sociale et solidaire (ESS) ou secteur de la petite enfance, entre autres.
Je déplore la fermeture de commerces en centre-ville. Véronique Louwagie et moi-même avons demandé un rapport sur le sujet à Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin, à Dominique Schelcher, PDG du groupe Système U et à Olivier Sichel. Nous souhaitons le retour non pas des grandes surfaces, mais des petits commerces de qualité et des artisans, avec deux ou trois salariés au minimum, pour favoriser le recrutement des habitants des quartiers. En effet, je préfère que ces derniers développent leur activité sur place : c'est ainsi que nous tirerons les quartiers vers le haut. Nous attendons ces propositions innovantes pour le mois de septembre.
Madame Gacquerre, je souscris pleinement à vos propos sur la sécurité et sur la police de proximité ; Bruno Retailleau partage lui aussi la même vision, même si vous comprendrez aisément qu'il ne reprendra pas ce terme... Nous souscrivons à l'ambition de renforcer la présence des forces de l'ordre dans les quartiers. Je réserve la primeur des annonces à mon collègue François-Noël Buffet, qui s'exprimera à ce sujet vendredi lors du CIV. Soyez en tout cas assurée que la sécurité est un enjeu essentiel à mes yeux.
Vous me demandez ensuite si le Gouvernement est volontariste sur les dossiers de la politique de la ville. Désigner une ministre de la ville est un signal fort en période de vaches maigres : cela correspond à la volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre d'avancer sur le sujet. Le soutien de François Rebsamen et le déplacement de neuf ministres à Montpellier vendredi est bien le signe d'un engagement fort du Gouvernement.
Bien sûr, il n'est pas aisé de fournir des preuves de l'efficacité des politiques menées pour un ministère dépensier comme le mien. Vous qui menez des actions dans vos territoires, qui êtes parfois bénévoles, vous le savez mieux que personne : les crédits doivent être bien utilisés. Cela dit, tout ne se résout pas à coups de milliards d'euros : la volonté politique peut soulever des montagnes dans notre pays.
Je suis très heureuse de disposer d'un réseau préfectoral puissant, bien organisé, avec des délégués du préfet, des préfets délégués à la politique de la ville et des préfets délégués à la sécurité.
Monsieur Tissot, certes, les associations mènent les actions sur le terrain, mais c'est bien de l'argent public qui les finance, que celui-ci provienne de l'État ou des collectivités locales, sans oublier le rôle d'animation des fonctionnaires chargés de la politique de la ville.
Nous avons reçu Vincent Léna, qui est très satisfait, car le premier volet du CIV, consacré à l'enfance, correspond en tous points à son rapport ; nous sommes en phase. Voilà vingt-cinq ans que l'on sait que 99 % des chefs de familles monoparentales sont des femmes, qui, en plus de devoir assumer les charges matérielles, vivent dans des quartiers où elles ne se sentent pas en sécurité et où elles subissent des pressions sur leurs tenues vestimentaires. Leur vie n'est pas simple : nous devons les aider, les encourager à s'émanciper, à se sentir reconnues, et à pouvoir élever leurs enfants comme elles le souhaitent.
Accompagner un enfant sur le plan psychique revient souvent à s'occuper de ses parents. Je récuse tout discours culpabilisateur sur les parents ; c'est stérile. Les propositions visant à supprimer les allocations familiales aux parents d'enfants délinquants sont non seulement discriminatoires, mais aussi inefficaces.
En revanche, accompagner les parents, protéger l'enfant lorsque celui-ci vit dans une famille violente, faire intervenir un tiers est une mesure bien plus efficace que celles visant à précariser les familles. Le rappel des règles et la construction d'un cadre éducatif sont des éléments indispensables : cela passe par l'école, par la culture ou encore par le sport.
Voilà pourquoi la prévention occupe une place cardinale dans la politique de la ville que nous élaborons actuellement, monsieur Tissot. La prévention est plus efficace que la sanction, même si cette dernière est parfois nécessaire : il n'y a pas d'État de droit sans règles et sans actions. En plein accord avec Bruno Retailleau, le prochain CIV se concentrera sur la prévention, quelque peu délaissée au profit des sanctions, afin d'éviter la déscolarisation et la délinquance. L'éducation, l'accompagnement, le service public : voilà les clés du succès d'une politique de prévention réussie.
Monsieur Redon-Sarrazy, nous avons consacré de nombreux moyens pour renforcer l'efficacité de la politique de la ville. Les Bataillons de la prévention ont été supprimés en 2023 : j'aurais du mal à convaincre pour revenir sur une décision prise par mes prédécesseurs. Nous ne nous opposerons toutefois pas à la poursuite de certains projets qui fonctionnent bien : les préfets de région disposent de crédits pour agir. Mais je le répète, la loi a bien supprimé les Bataillons de la prévention.
Je me bats pour garder le dispositif des adultes-relais et pour améliorer leur formation, car ceux-ci doivent ensuite s'insérer dans le marché du travail : ils ne peuvent garder ce poste à vie. Je sais qu'une circulaire publiée en novembre dernier, soit avant ma nomination, a suscité des inquiétudes, que je tiens à lever : il n'est pas question de supprimer le dispositif des adultes-relais, qui poursuit les mêmes objectifs que les Cités éducatives et les programmes de réussite éducative.
M. Daniel Fargeot. - Madame la ministre, permettez-moi de formuler quelques remarques sur vos déclarations qui laissent transparaître des convictions dynamiques, mais qui sont parfois entravées par la réalité.
La convention de 350 millions d'euros de crédits signée avec la Caisse des dépôts est portée en étendard par votre ministère. Cependant, ces déclarations semblent en décalage avec la tonalité générale de l'action gouvernementale, qui vise à réduire la dépense publique de 40 milliards d'euros. Comment votre ministère s'intègre-t-il dans cette démarche de réduction de la dépense publique ?
Vous avez annoncé que cette enveloppe de 350 millions d'euros servirait à promouvoir l'économie légale dans les quartiers prioritaires de la ville, notamment pour développer des activités dans le secteur de l'intelligence artificielle et de la santé mentale. Or il existe déjà des dispositifs de soutien à l'entrepreneuriat, à l'instar des réseaux Initiative France ou France Active, entre autres. Les associerez-vous à cette ambition nouvelle ? Interviendront-ils en substitution ou en complément des actions financées par la convention ? Mènerez-vous des contrôles pour que les aides publiques versées soient à la hauteur des objectifs ?
Enfin, vos propos relatifs à la substitution de la société à la responsabilité parentale pour élever un enfant m'interrogent. N'avez-vous pas le sentiment que renvoyer la responsabilité et l'autorité parentales à un rang secondaire est en décalage avec les attentes des Français, comme le relaient d'ailleurs certains membres du Gouvernement ?
Mme Marianne Margaté. - Merci pour votre engagement, madame la ministre. Je suis toutefois un peu moins optimiste que vous lorsque vous affirmez qu'il est possible de faire plus avec moins. Il est dommage que vous ne disposiez pas des moyens à la hauteur de votre engagement et de votre ambition.
Les associations et les élus qui animent des QPV soulèvent la nécessité de mobiliser des moyens de droit commun. Or ces derniers pâtissent d'économies budgétaires extrêmement importantes et brutales. Les moyens sont donc insuffisants. Le constat vaut pour tous les territoires, mais les QPV souffrent d'un effet cumulatif : les collectivités subissent des contraintes pour boucler leur budget et doivent en plus faire face au gel des crédits de la politique de la ville. Cet effet démultiplicateur est assez désespérant. Comment les QPV peuvent-ils faire appel aux dispositifs de droit commun ?
Autre annonce brutale : la suppression d'une grande partie des crédits alloués au dispositif Quartiers d'été. Les maires qui se sont engagés se retrouvent face à un choix difficile : soit ils font partir moins d'enfants, soit ils suppléent le désengagement de l'État.
J'ai bien entendu vos propos sur les adultes-relais. Les associations sont inquiètes et constatent que les postes ne sont pas remplacés. J'espère que le maintien des 4 500 postes d'adultes-relais sera effectif, conformément à vos engagements.
Certains secteurs de l'est de mon département, la Seine-et-Marne, ne sont pas des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Pourtant, ils sont en train de basculer, en raison de leur éloignement, de l'apparition de phénomènes de ségrégations spatiale et sociale, de paupérisation des copropriétés et d'une forte désindustrialisation. Comment les préfets peuvent-ils porter attention à ces territoires en dehors des radars et qui satisfont à nombre des critères des QPV, si ce n'est à tous ?
Mme Martine Berthet. - Je me réjouis que l'économie, l'emploi, l'entrepreneuriat féminin, l'enfance et l'éducation figurent parmi vos priorités.
En tant qu'élue départementale, je préside la commission RSA de la communauté d'agglomération d'Albertville. L'apprentissage du français est essentiel pour relever le défi de l'insertion. Se pose toutefois la question des crédits affectés à cet objectif. France Travail ne dispose plus des moyens nécessaires et l'action des associations locales est insuffisante. Or, sans apprentissage du français, les femmes ne peuvent accéder à l'emploi, encore moins à l'entrepreneuriat. Résultat : elles sont isolées et ne peuvent établir des liens avec l'école de leurs enfants. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Le QPV d'Albertville regroupe toujours la population la plus pauvre de Savoie. Pourtant, nous n'avons aucune visibilité sur un nouvel engagement de l'État ou sur la cité éducative qui nous avait été promise.
Mme Marie-Lise Housseau. - Madame la ministre, je me réjouis de votre volontarisme pour développer l'économie des quartiers, notamment le soutien que vous comptez apporter aux femmes souhaitant créer leur entreprise. Ce soutien prendra-t-il la forme d'un accès facilité au crédit, voire au microcrédit ? Sur quels acteurs comptez-vous vous appuyer ? Dans des quartiers souvent gangrénés par la drogue, pensez-vous que les femmes auront la possibilité de mener leur projet à bien ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - Monsieur Fargeot, vos interrogations sont légitimes. Nous mobiliserons les réseaux d'associations de jeunes entrepreneurs pour répartir les crédits de 350 millions d'euros que j'évoquais tout à l'heure. J'ai moi-même constitué le collectif Quartiers 4.0 pour développer l'intelligence artificielle dans les quartiers populaires. Ses membres mènent des actions formidables : ils ont créé des entreprises qui réussissent très bien et ils ont obtenu de nombreuses récompenses.
Les réseaux de jeunes entrepreneurs sont très efficaces pour repérer les jeunes des quartiers qui innovent. La Caisse des dépôts et le ministère leur apporteront plus qu'un simple accompagnement financier : nous leur fournirons des prestations de conseil - nous apprendrons ainsi aux femmes à s'affirmer et à lutter contre l'autocensure. Nous les suivrons durant les cinq premières années de vie de leur entreprise, une période de fragilité.
Bpifrance et le ministère ont lancé il y a quelque temps les Bus de l'entrepreneuriat. C'est un dispositif extraordinaire, qui fonctionne très bien. Quelques bus sont déjà en service ; Bpifrance compte en lancer 25, à terme. Dans une démarche d'« aller vers », ces bus jaunes se rendent dans les quartiers pour aider les personnes qui veulent créer leur activité économique.
Vous m'interrogez sur le contrôle de la bonne utilisation des deniers publics. La convention signée avec la Caisse des dépôts ciblera les profils des personnes concernées grâce à l'aide des réseaux existants, Bpifrance et la Banque des territoires, notamment. Leurs représentants travaillent en synergie avec les maires et les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Olivier Sichel et moi-même installerons un comité de pilotage au mois de septembre. Nous disposerons des informations nécessaires pour assurer le suivi des entreprises créées.
Je ne souhaite absolument pas retirer aux parents l'autorité qu'ils exercent sur leurs enfants. Je constate cependant que les QPV comptent 45 % de familles monoparentales ; bien souvent, la mère est chef de famille et elle rencontre des difficultés pour élever seule ses enfants. Je me demande bien où sont partis les pères... Mais il faut quand même s'occuper de l'éducation des enfants, ne pas culpabiliser les mères et trouver des solutions. Il est impossible de laisser ces enfants seuls et oisifs, sinon ils seront la proie des trafiquants qui leur donneront de l'argent en échange de missions illégales. De deux choses l'une : soit on s'occupe des enfants, soit on les laisse à la main des réseaux.
Madame Berthet, l'apprentissage du français ne relève malheureusement pas des compétences du ministère de la ville. En 2012, lorsque je participais à la campagne d'un ancien Président de la République, j'avais proposé des petits-déjeuners gratuits pour repérer les parents qui ne parlent pas notre langue et les inciter à s'inscrire à des cours gratuits. Cette action relève du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». En outre, certaines communes et associations offrent également des cours de langue gratuits dans les quartiers ; je ne peux qu'encourager les acteurs à poursuivre dans cette voie.
Madame Margaté, les politiques de droit commun sont en effet essentielles. Je n'ai pas besoin du CIV pour savoir comment dépenser les 609 millions d'euros de budget de mon ministère. L'objectif du comité est bien de mobiliser les autres ministères. Certains d'entre eux apporteront des moyens supplémentaires, notamment les ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur, de l'aménagement du territoire, de l'économie ou encore des affaires sociales. Ces moyens supplémentaires bénéficieront aux services publics sur l'ensemble du territoire : je veille à ne pas alimenter l'idée que l'on ferait davantage pour certains au détriment d'autres. Le service public doit être accessible partout. La responsabilité de la République, c'est d'octroyer plus de moyens aux territoires moins bien dotés.
Le dispositif Quartiers d'été subit une baisse de financement cette année, car il avait bénéficié de crédits exceptionnels en 2024, en raison des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Nous ne pourrons pas retrouver le niveau de l'an dernier - je le regrette. Je vais essayer de faire le maximum pour maintenir ces programmes, car je préfère envoyer les enfants en colonie de vacances plutôt que les laisser inactifs. Tous les crédits ont été délégués aux préfets de région, qui peuvent ainsi s'engager à pérenniser certaines activités.
Madame Housseau, nous avons maintenu les postes effectifs d'adultes-relais, c'est-à-dire les postes occupés. Je laisse Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales, vous apporter quelques précisions à ce sujet.
Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales. - Les adultes-relais étaient gérés en deux enveloppes : une enveloppe théorique de postes et une enveloppe de masse salariale. Nous avons pris en compte la masse salariale pour répartir les crédits, car l'enveloppe théorique n'était jamais totalement consommée les années précédentes.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - J'ai oublié de vous préciser que la cartographie des QPV est un outil très utile pour identifier les poches de pauvreté. En outre, les quartiers ayant perdu cette qualification ont bénéficié des programmes de réussite éducative, qui permettent, entre autres, de financer des actions en direction des femmes. Ces dernières auront aussi accès au microcrédit pour développer leur entreprise : je souhaite qu'elles puissent être indépendantes sur le plan financier, ce qui leur permettra de s'émanciper.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour l'ensemble de ces précisions, madame la ministre.
Nous souhaitons que le CIV qui se tiendra vendredi à Montpellier soit un succès ; les réunions du comité devraient être plus fréquentes.
Nous aurons le plaisir de vous accueillir de nouveau lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 15.
Mercredi 4 juin 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 05.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons ce matin le rapport de M. Guislain Cambier et Mme Sylviane Noël sur la proposition de loi (PPL), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de simplification du droit de l'urbanisme et du logement. Nous accueillons M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Je n'apprendrai à aucun d'entre vous la gravité de la crise du logement qui frappe notre pays depuis maintenant de longs mois. Je l'ai moi-même examinée de près en tant que rapporteure sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, dite « Le Meur-Echaniz » - celle-ci portait principalement sur les meublés de tourisme -, et nous sommes nombreux à la toucher du doigt tous les jours dans nos circonscriptions. Le sujet a, du reste, été depuis longtemps travaillé en profondeur au sein de notre commission, en particulier à votre initiative, madame la présidente.
Ainsi que l'avait mis en exergue le rapport sur la crise du logement que vous aviez publié l'an dernier avec nos collègues Viviane Artigalas et Amel Gacquerre, les racines de la crise sont profondes, et elles sont multiples. Parmi elles, vous aviez mis en évidence la difficulté pour la construction neuve à suivre la demande soutenue de nouveaux logements, gonflée par l'évolution des structures familiales et le vieillissement de la population, mais aussi la concurrence des résidences secondaires et la « métropolisation », renforçant la tension dans les zones en déficit, tout en accroissant la part des logements vacants dans les zones en déprise.
Les chiffres sont éloquents : au premier trimestre 2025, le nombre de logements autorisés demeure inférieur d'environ 20 % aux chiffres de la période pré-covid. Là aussi, les raisons sont multiples : coût de l'énergie et des matières premières, crise générale du pouvoir d'achat, attentisme de la part des acheteurs, mais aussi, sans aucun doute, une inflation normative qui se matérialise, très concrètement, par le fait que le volume du code de l'urbanisme a augmenté de moitié en vingt ans.
Face aux problématiques nouvelles qui émergeaient, nous avons ajouté des procédures dérogatoires et des procédures accélérées ad hoc, sans jamais prendre le temps d'interroger l'architecture générale de ces normes qui, aujourd'hui, étouffent tout autant les collectivités que les porteurs de projets.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée à l'Assemblée nationale le 1er avril dernier par le député Harold Huwart, vise à lever quelques-unes des contraintes.
Je vous précise d'ores et déjà que, en dépit de son titre ambitieux, ce texte n'est en aucun cas une réforme d'ampleur du droit de l'urbanisme et du logement, mais un patchwork, qui juxtapose des ajustements à la fois divers et très ciblés, et qui n'a rien de programmatique. Il se focalise en outre quasi exclusivement sur les procédures d'urbanisme, puisque le logement ne fait l'objet que d'une micro-disposition, sur les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS).
À ce titre, il décevra la plupart d'entre vous, et je dois dire que nous sommes nous-mêmes assez déçus par ce texte étriqué et pointilliste, qui, même en matière d'urbanisme, ne permettra pas d'engager des chantiers structurants pour desserrer durablement la contrainte juridique et financière qui pèse sur les collectivités et sur les porteurs de projets. Je pense, par exemple, à la rationalisation des procédures de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, aujourd'hui éclatées en une demi-douzaine de procédures distinctes entre lesquelles nos élus se perdent, et dont certaines ne sont quasiment jamais utilisées.
Malgré ces manques, le texte prévoit plusieurs mesures utiles, que l'on pourrait classer en quatre catégories.
D'abord, des mesures visant à faciliter et accélérer l'évolution des documents d'urbanisme, en relevant le plafond d'augmentation de la constructibilité pouvant faire l'objet d'une modification simplifiée du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de 20 % à 50 %, et en supprimant la caducité automatique des schémas de cohérence territoriale (Scot). Les députés y ont ajouté un article 1er A, qui revoit complètement les cas d'usage de la révision, de la modification et de la modification simplifiée, en réservant la révision aux changements affectant les documents stratégiques.
Les députés ont également ajouté un article repris de feu le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables que nous avions examiné au printemps dernier, qui facilite la mise en concordance avec les documents d'urbanisme des documents de lotissement, en vue de la densification de ces derniers.
Ensuite, le texte élargit le champ des dérogations aux règles et procédures d'urbanisme : à l'origine, le texte prévoyait uniquement que le maire puisse déroger aux règles de destination dans les zones d'activité économique (ZAE) pour y créer du logement - l'objectif étant surtout de soutenir la diversification fonctionnelle des zones commerciales d'entrée de ville -, mais les députés se sont engouffrés dans la brèche pour ajouter toute une série de dérogations, dont certaines sont tout à fait excessives, et que nous vous proposerons donc la plupart du temps de supprimer.
Par ailleurs, le texte élargit les missions des sociétés publiques locales d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN) - c'est une mesure que nous avons déjà votée dans la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété de notre collègue Amel Gacquerre - et assouplit les conditions d'adhésion aux établissements publics fonciers (EPF) pour les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) non adhérent.
Enfin, il crée de nouvelles procédures d'urbanisme pour certains projets d'envergure : un permis d'aménager multisites pour les lotissements, qui permet d'obtenir un tel permis sur des unités foncières non contiguës, et une procédure d'autorisation ad hoc pour les aménagements liés aux chantiers des centrales nucléaires.
Le texte comporte également deux mesures que je qualifierais d'« orphelines » : le relèvement du seuil d'assujettissement des bâtiments existants aux obligations de solarisation en toiture à compter de 2028, et la possibilité d'abaisser la proportion de logements réservés aux publics vulnérables dans les RHVS en dessous du seuil légal de 30 %, dans les territoires concernés par des projets de développement économique. Comme vous le constatez, de nombreux sujets sont abordés, mais l'ambition de ce texte est somme toute modeste...
Je laisse mon collègue Guislain Cambier, que je remercie pour notre coopération, vous présenter nos principaux points d'attention sur ce texte et nos propositions, dont nous nous réjouissons qu'une partie d'entre elles soient également portées, à l'identique, par notre collègue rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, Marc-Philippe Daubresse.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Dans l'examen de ce texte, fidèles à l'esprit de notre commission, nous avons cherché à élargir et à approfondir autant que possible la simplification, en prenant garde de préserver la pleine compétence des collectivités. Comme le soulignait la Cour des comptes en septembre dernier dans un rapport sur les autorisations d'urbanisme, la délivrance de ces dernières est « une compétence majeure que les maires veulent conserver ». Nous avons donc souhaité sécuriser au maximum cette compétence, en supprimant dans le texte toutes les dérogations de droit, qui simplifient la vie des promoteurs, mais font perdre la main à nos élus sur l'aménagement de leur propre territoire.
Il nous semble pertinent d'appliquer un strict principe de subsidiarité : les grands principes dans la loi, le reste fixé au niveau local, dans les documents d'urbanisme et, en sus, pour les cas particuliers, des possibilités accrues de dérogation au cas par cas pour l'autorité compétente pour délivrer les permis.
Nous vous proposerons donc des évolutions sur les dispositions qui peuvent faire l'objet d'une réglementation par le PLUi au regard des situations locales, par exemple en matière de stationnement, car on voit aujourd'hui les limites d'une application uniforme sur tout le territoire de mesures très directives et contraignantes, qui, par exemple, ne prennent pas en compte la diversité des usages en matière de mobilité. Comme l'écrivait la Cour des comptes en septembre dernier dans le rapport précité, « la part d'initiative locale dans [le] contenu [des documents d'urbanisme] est très encadrée », de nombreuses obligations légales s'imposant à eux : cela doit changer.
Pour ce faire - ce sera mon premier point -, il faut faciliter la modification des documents d'urbanisme, pour les adapter plus rapidement aux priorités des politiques publiques, tant nationales que locales. Nous soutenons donc pleinement la rationalisation faite à l'article 1er A. En complément, nous vous proposerons, lorsque l'enquête publique demeure obligatoire, que puisse lui être substituée une procédure de participation du public par voie électronique (PPVE), plus rapide, ainsi que la possibilité de fusionner Scot et PLUi, lorsque leurs territoires se recouvrent exactement. Nous souhaitons aussi rétablir la fin de la caducité automatique des Scot, dont les effets sont disproportionnés et qui obligent les collectivités, le cas échéant, à réentamer de longues et coûteuses procédures d'élaboration ab initio.
En revanche, et c'est là un point d'attention que les élus ont évoqué, il nous faut demeurer très attentifs à ce que l'objectif d'accélération ne serve pas de prétexte pour décider outre l'avis des populations : se passer de consultation préalable du public lorsqu'on augmente de moitié les droits à construire dans une zone donnée, c'est courir le risque accru ensuite de recours, de contentieux et in fine de retards dans les projets, mais c'est aussi et peut-être surtout le risque de fragiliser l'adhésion des populations. Or c'est leur cadre de vie que dessinent les PLU. C'est aussi pour cette raison que nous vous proposerons de conserver toujours un dossier papier consultable en mairie, même en cas de PPVE.
Le second point concerne la possibilité pour le maire de déroger, au cas par cas, aux règles du plan local d'urbanisme (PLU). Il y a là un équilibre subtil à trouver entre l'aspiration à avoir davantage d'agilité et d'adaptabilité, et la nécessité de ne pas dévitaliser les documents d'urbanisme. Nos élus eux-mêmes sont partagés, et même parfois un peu « schizophrènes », sur ce sujet.
Pour notre part, nous choisissons de leur faire confiance. Aussi, nous vous proposerons d'élargir géographiquement un certain nombre de dérogations déjà existantes, et de leur redonner la main en particulier pour favoriser l'évolution du bâti existant, dans la lignée de ce que Martine Berthet a fait adopter dans le cadre de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, dite « Daubié ». Nous vous proposerons donc d'élargir les droits de déroger aux destinations du PLU dans les zones commerciales pour favoriser réellement la mixité fonctionnelle de ces quartiers. Dans notre esprit, bien entendu, cette disposition n'a pas vocation à se substituer à des réflexions plus approfondies sur l'avenir de ces zones et, par conséquent, sur l'adaptation des règles du PLU qui s'y appliquent, mais elle vise uniquement à permettre de débloquer certains projets de requalification qui pourraient rendre cette « France moche » un peu plus belle, un peu plus vite.
Nous vous proposerons aussi, dans la lignée - là encore - des apports de notre commission dans la PPL Daubié, de créer un droit de dérogation symétrique, pour les changements de destination des bâtiments agricoles et forestiers désaffectés en zones naturelles, agricoles et forestières (NAF), sans restriction a priori quant à la nature du projet : c'est un levier essentiel pour revitaliser nos campagnes, et dans une ère qui est encore celle du « zéro artificialisation nette » (ZAN), il serait absurde de laisser à l'abandon ce foncier déjà artificialisé.
Nous vous présenterons plus précisément au fil de l'examen des amendements les autres modifications et ajouts que nous vous proposons d'apporter au texte ; je vous en donne simplement les grandes lignes.
Tout d'abord, nous proposons d'accélérer la délivrance des autorisations d'urbanisme, que ce soit de manière pérenne pour certains projets en particulier, ou de manière plus ponctuelle pour les travaux urgents liés aux chantiers nucléaires. Je précise que la quasi-totalité des dispositions relatives aux délais sont de nature réglementaire, et non législative.
Ensuite, nous souhaitons simplifier certaines règles de fond pour éviter les coûts ou les complications juridiques lourdes et indues, là aussi tant pour des mesures permanentes, comme le nouveau permis d'aménager multisites, que pour celles qui visent à répondre aux problématiques temporaires et ciblées que sont l'effort de réindustrialisation ou la relance du nucléaire. Pour ces dernières - et c'est également le cas pour les RHVS -, nous y faisons droit, car nous sommes pragmatiques et qu'il y a urgence, mais nous serons très attentifs à ce qu'elles demeurent limitées dans le temps.
Par ailleurs, nous voulons muscler le volet amont, en encourageant la bonne information de toutes les parties prenantes et la concertation, ainsi que la sécurisation juridique des porteurs de projets quant aux règles applicables.
Enfin, et ce sera mon dernier point, les élus ont besoin d'ingénierie. C'est même leur principale revendication, face à des procédures complexes et juridiquement risquées. Nous vous proposerons donc d'élargir encore davantage les possibilités de couverture par les EPF, qui sont un outil très précieux au service des collectivités.
Voilà les principaux axes qui ont guidé notre travail commun avec Sylviane Noël, que je remercie également pour notre excellente collaboration.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux modalités d'évolution des documents d'urbanisme ; aux obligations de solarisation et de végétalisation des bâtiments et aménagements existants ; à l'élargissement des missions des SPLA-IN ; aux modalités de création et d'évolution du périmètre des établissements publics fonciers ; aux dérogations au régime des RHVS en vue de loger les salariés et aux autres structures à vocation similaire, ainsi qu'à d'autres adaptations des règles et procédures d'urbanisme en vue de loger des salariés ; à l'adaptation des règles fixées dans les documents d'urbanisme, et aux dérogations qui peuvent y être accordées, notamment en matière de destination, en particulier lorsqu'elles visent à favoriser des opérations de requalification ; au permis d'aménager multisites ; au contentieux de l'urbanisme.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Il me revient ce matin de vous présenter le rapport établi au nom de la commission des lois sur la présente proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement. Nous avons adopté une philosophie commune avec Sylviane Noël et Guislain Cambier, et je tiens à dire que je partage pleinement leurs conclusions.
Comme cela a été rappelé, ce texte vise à répondre à la crise du logement sans précédent que traverse actuellement le secteur du logement, une situation que nous dénonçons depuis plusieurs années. Or cette crise n'a été prise en compte par le Gouvernement qu'à la fin de l'année dernière. Le rapport de la mission d'information relative à la crise du logement était tout à fait pertinent, mais la dégradation s'est encore accélérée depuis. Au premier trimestre 2025, 30 000 emplois ont été perdus dans le bâtiment, et jusqu'à 70 000, voire 100 000 pourraient disparaître sur l'ensemble de l'année. C'est l'hécatombe !
La crise touche aussi bien la demande que l'offre, y compris sur le marché de l'ancien, qui redémarre lentement. Elle trouve son origine dans une multitude de facteurs : la complexité des normes est l'une des causes majeures, et il faut veiller à ce que la simplification ne devienne pas une complexification déguisée. Par rapport au plan Borloo, dont les effets datent d'il y a quinze ans, la construction neuve enregistre une baisse de 50 %, et de 30 % par rapport à la période pré-covid.
Sur les dix-neuf articles de la proposition de loi qui nous a été transmise, trois entrent directement dans le champ de compétence de la commission de lois en ce qu'ils ont trait au contentieux de l'urbanisme : il s'agit des articles 4, 5 et 7.
L'article 4 a un double objet : d'une part, il vise à réduire les délais contentieux par la diminution du délai de recours administratif et la suppression du caractère suspensif de celui-ci ; d'autre part, il institue une amende administrative et renforce l'astreinte à disposition des maires pour mieux lutter contre les phénomènes de « cabanisation », notamment en zones rurales.
L'article 5, quant à lui, institue une procédure d'admission préalable des recours formés contre les décisions d'urbanisme, inspirée du modèle du Conseil d'État, qui filtre les recours avant leur examen en Cour de cassation ; et l'article 7 réduit de dix à six mois les délais de recours contentieux pour la construction de logements sociaux.
Je vous proposerai de supprimer les articles 5 et 7, qui, après consultation des différents acteurs, nous semblent constituer une fausse bonne idée.
Par ailleurs, la commission des lois s'est saisie pour avis de l'ensemble des autres articles, mais nous avons choisi de concentrer nos travaux sur les articles pour lesquels nous aurions une plus-value, à savoir les articles 1er A, 1er, 2 et 3, qui ont déjà été présentés par les rapporteurs.
Partant d'un constat partagé avec les acteurs du logement et les élus locaux, la commission des lois a approuvé les objectifs de ce texte. Ce texte ne révolutionnera pas la politique du logement, mais il permet d'intervenir par petites touches sur les outils de l'urbanisme - notamment les Scot, les PLU et les PLUi -, en garantissant aux élus locaux souplesse, efficacité et sécurité. La multiplication des conditions rend le règlement du PLU excessivement complexe.
La commission des lois a néanmoins adopté 17 amendements, tant sur les articles qui lui étaient délégués au fond, que sur les autres articles de la proposition de loi. Ces amendements s'articulent autour de trois axes.
Premier axe de travail : nous avons souhaité, souvent de manière identique aux rapporteurs de la commission des affaires économiques, enrichir les dispositifs de simplification proposés en élargissant leur champ d'application souvent inutilement réduit par des critères trop restrictifs, et en assouplissant les procédures dites « simplifiées », parfois inutilement rigides. Les dérogations aux dérogations complexifient davantage le dispositif.
Ainsi, je tiens particulièrement aux amendements - notamment à l'article 2 - ayant pour objet de simplifier la procédure visant à faciliter la construction de logements au sein des zones d'activité économique et à octroyer des dérogations aux maires pour permettre des constructions de logements au cas par cas, lorsque le règlement du PLU l'interdit. Ces mesures, que nos collègues députés avaient réservées aux zones tendues, doivent être généralisées à l'ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales.
Deuxième axe de travail : la suppression des évolutions contre-productives et créatrices de nouvelles complexités. Comme vous le savez, en matière de simplification, le mieux est souvent l'ennemi du bien.
Ainsi, s'agissant plus particulièrement des mesures visant à limiter les recours abusifs, les articles 5 et 7 présentent d'importantes difficultés opérationnelles, sans bénéfice tangible quant à l'accélération des délais de recours. En effet, instituer une procédure d'admission préalable des recours formés contre les décisions d'urbanisme alourdirait inutilement les procédures et pourrait, contrairement aux objectifs ainsi visés, allonger les délais de traitement de ces recours.
Par ailleurs, nous proposons de supprimer ou réduire la portée de certaines dérogations en matière d'évolution des documents d'urbanisme.
Troisième et dernier axe de travail : compléter le texte par des mesures de simplification consensuelles et appelées de leurs voeux par les acteurs du logement. Pour ce faire, le travail de la commission des lois s'est concentré sur deux aspects : d'une part, utiliser l'ensemble des gisements d'accélération et de diminution des recours en matière d'urbanisme, et, d'autre part, compléter le texte par des simplifications en matière de documents d'urbanisme.
Je vous proposerai donc cinq amendements à l'article 4, afin d'accélérer le traitement des recours contentieux, d'activer les constructions et de sécuriser les maires.
Pour conclure, je vous invite à approuver cette initiative.
Mme Viviane Artigalas. - Merci pour ce rapport, dont je partage un certain nombre de conclusions. Le Gouvernement soutient ce texte, donnant à penser que la complexité des normes est l'un des principaux freins à la crise du logement abordable, sans pour autant remettre en cause sa politique depuis 2017.
Or nous sommes très déçus par cette PPL, qui n'aborde pas réellement le fond du problème. Elle prévoit des adaptations qui pourront être utiles ponctuellement, mais constitue, après son passage à l'Assemblée nationale, un empilement de dérogations et de mesures disparates, risquant de nuire à la lisibilité et d'alimenter les contentieux.
Il ne s'agit pas non plus d'une simplification réelle et durable, comme l'attendent les élus locaux, qui souhaitent une réforme plus ambitieuse. Il faut tout remettre sur la table. Le texte, qui est passé de 4 à 23 articles, va au-delà de son objectif initial, sans répondre à la question centrale de la production de logements.
J'espère que le travail en commission permettra de supprimer certaines mesures inopérantes et d'aboutir à un texte transpartisan, afin d'envoyer un signal positif aux élus, même s'il ne résoudra pas tous les problèmes.
M. Yannick Jadot. - Merci à nos rapporteurs. L'examen de ce texte montre clairement que la mise en oeuvre de la simplification reste délicate. À force d'ajouter des dérogations aux dérogations, on ne sait plus très bien si l'on simplifie ou si l'on complexifie. Il faut incontestablement plus de souplesse.
Je pointe tout d'abord la question des RHVS, qu'il faudra suivre avec attention.
Je veux également attirer votre attention sur le volet des énergies renouvelables. L'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale revient sur les obligations d'installation de panneaux photovoltaïques sur les parkings, ce qui me paraît aberrant. On peut débattre de l'agrivoltaïsme et des zones d'implantation, mais les panneaux photovoltaïques sur les toits plats et sur les ombrières de parking s'imposent comme une évidence. Je déplore donc que le texte revienne sur cette décision. Il importe que nous avancions sur ce sujet.
Mme Amel Gacquerre. - Je partage le point de vue des rapporteurs et les remercie pour leur travail. Il s'agit d'un texte non pas programmatique, mais plutôt pragmatique, à savoir une synthèse de plusieurs dérogations afin d'accélérer les projets, à l'image de celles qui ont été prises pour le chantier Notre-Dame de Paris et pour celui des jeux Olympiques et Paralympiques. Elles ont fait leurs preuves et nous pouvons les pérenniser.
Je me félicite d'y retrouver quelques mesures qui avaient avorté lors de l'examen du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables sur lequel nous avions travaillé avec Sophie Primas. Je pense notamment au permis d'aménagement multisites, aux résidences hôtelières pour les salariés... Je salue également la réflexion engagée pour trouver une mesure équilibrée entre la volonté de simplification et la consultation des habitants. Même si je pense que l'on peut aller plus loin encore, je suis ravie d'avoir entendu votre volonté de vous appuyer sur les EPF, car ils peuvent avoir un rôle phare pour répondre à la crise du logement que nous connaissons actuellement.
Je soutiendrai ce texte, même s'il est loin d'être complet.
Mme Marianne Margaté. - Ce texte, qui s'est largement étoffé après son examen par l'Assemblée nationale, donne une impression de fourre-tout. Je déplore un recul sur certaines questions relatives à la concertation du public et sur certaines règles environnementales. La multiplication de dérogations est parfois de nature à complexifier, au lieu de simplifier.
Cette proposition de loi ne répond évidemment pas à la crise du logement. Concernant les RHVS, vous voulez abaisser le seuil minimal de places à réserver pour les personnes vulnérables, mais où vont-elles se loger ?
Dans tous nos territoires, qu'ils soient en zone tendue ou non, posons-nous la question de la régulation du coût du foncier. Tant qu'il ne sera pas encadré, on ne réglera pas la question du logement.
M. Pierre Médevielle. - Concernant la solarisation des parkings de supermarchés, j'ai l'impression que l'on confond la pédale d'accélérateur avec la pédale de frein, alors même que la loi de 2023 était une loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables ! N'ajoutons pas de délais aux délais. Pourquoi revenir sur l'objectif fixé, sauf à faire plaisir à certains retardataires ?
M. Daniel Gremillet. - Je félicite les rapporteurs du travail réalisé sur ce sujet ô combien complexe, mais essentiel. Nous vous soutiendrons.
Le débat sur la solarisation a été rouvert. Ne plaçons pas les détenteurs de surfaces dans des contradictions économiques qui n'ont pas de sens et ne sont pas toujours pertinentes d'un point de vue énergétique. On ne peut se contenter de dire : « y a qu'à, faut qu'on » ! Il faut piloter cette phase de manière cohérente, et ce jusqu'au bout. Les auditions du président d'ArcelorMittal France et du PDG de Michelin ont prouvé que le dossier énergétique doit être traité d'une manière plus fine qu'en additionnant les textes législatifs. La France doit mettre en place une véritable stratégie en la matière.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Sur la consultation du public, nous veillons à maintenir le lien avec les publics éloignés numériquement ou géographiquement. Sur les RHVS, la mesure est limitée dans le temps. Il s'agit de répondre à une urgence.
Concernant la solarisation, on évite simplement la surtransposition opérée dans la loi française, en repartant de la norme européenne. Il y a une vraie question sur l'efficacité de la mesure et le coût de la solarisation sur les bâtiments anciens.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Pour compléter le propos de mon collègue, seules les nouvelles RHVS seront concernées. Personne ne se retrouvera à la rue.
Sur la solarisation, les nombreux acteurs que nous avons auditionnés ont indiqué que les mesures actuellement en vigueur ont pour conséquence l'abattage d'arbres sur les parkings. Il faut faire preuve de bon sens.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Il est plus intelligent de reconvertir parfois certaines zones commerciales et des parcs de bureaux en une zone multifonctionnelle afin de préserver l'environnement et le foncier. D'où notre volonté de prévoir une certaine souplesse pour les PLU, en laissant à la main du maire certaines prérogatives en matière d'urbanisation.
M. Laurent Duplomb. - J'en suis d'accord, il faut donner au maire les moyens de faire avancer les projets dans sa commune en lui laissant la possibilité de choisir la solution qui lui semble la meilleure. Autant je peux comprendre qu'il ne faille pas arracher des arbres pour installer des panneaux photovoltaïques - ce sont d'ailleurs souvent les mêmes qui nous demandent de ne pas arracher d'arbres et d'installer des panneaux -, autant je ne comprends pas que l'on n'en installe pas sur les ombrières. Cela n'a aucun sens. C'est le bon sens qui doit l'emporter !
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Les amendements identiques COM-19 et COM-107 visent à permettre au maire ou au président d'EPCI de recourir à la participation du public par voie électronique en lieu et place de l'enquête publique pour les procédures d'élaboration et d'évolution des documents d'urbanisme.
Les amendements identiques COM-19 et COM-107 sont adoptés.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Les amendements identiques COM-20 et COM-108 ont pour objet d'inscrire dans la partie législative du code de l'urbanisme les cas où la modification des documents d'urbanisme ne fait pas l'objet d'une évaluation environnementale, ni même d'un examen au cas par cas.
En effet, la constitution même du dossier de présentation qui doit être soumis aux autorités environnementales pour déterminer si la modification doit faire l'objet d'une évaluation au cas par cas est très chronophage pour les élus.
Nous restons à droit constant, puisque ces dispositions sont pour l'heure inscrites dans la partie réglementaire du code. Il s'agit de « cranter » cette dispense.
Les amendements identiques COM-20 et COM-108 sont adoptés.
Les amendements de coordination juridique COM-17 et COM-18 sont adoptés, de même que l'amendement rédactionnel COM-21.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-48 rectifié bis prévoit que la dispense d'enquête publique est automatique lorsque la modification du règlement porte sur la réduction d'une protection ou sur la création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC).
Cela me paraît aller un peu loin dans la simplification, alors même que ces types d'évolutions relèvent jusqu'à présent de la procédure de révision, justement parce qu'ils font partie des plus impactant. Nous demandons le retrait de cet amendement ou, à défaut, nous y serons défavorables.
M. Daniel Fargeot. - Je le retire.
L'amendement COM-48 rectifié bis est retiré.
L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 1er A (nouveau)
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - La participation du public par voie électronique, en lieu et place de l'enquête publique, permet d'accélérer les projets. Elle dure un mois et doit être précédée d'un avis publié au moins quinze jours plus tôt, mais elle permet d'accélérer la phase amont, puisqu'il n'y a pas de désignation du commissaire enquêteur, et aval, de restitution.
Les amendements identiques COM-23 et COM-109 proposent de l'utiliser pour tout projet de logement en zone tendue ou en forte croissance démographique, reprenant ainsi l'une des propositions du rapport de la commission sur la crise du logement, qui visait à généraliser les dispositifs dérogatoires accordés aux seuls territoires d'accélération.
Les amendements identiques COM-23 et COM-109 sont adoptés et deviennent article additionnel.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Concernant l'amendement COM-25, mon argument sera le même que tout à l'heure. Les élus nous ont indiqué, que pour des questions d'acceptabilité, il n'était pas souhaitable de supprimer trop hâtivement l'enquête publique : tout le temps que l'on gagne en amont, on risque de le perdre en aval, ce qui reviendrait à fragiliser les projets. Nous en demandons le retrait.
M. Daniel Fargeot. - Je le retire, par souci de simplification.
L'amendement COM-25 est retiré.
L'amendement COM-52 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-80 prévoit de supprimer la notion de « secteurs déjà urbanisés » du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne le littoral, c'est la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) qui a substitué à la notion de « hameaux nouveaux intégrés à l'environnement » la notion de « secteurs déjà urbanisés ». En effet, la notion précédente aurait fait l'objet d'une jurisprudence restrictive.
Le soin de confier au Scot l'identification de ces secteurs déjà urbanisés a été introduit sur l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, sous l'impulsion de la présidente qui en était alors le rapporteur et qui a précisé le rôle du Scot dans l'identification de ces secteurs, avec l'objectif de permettre une utilisation plus large des facultés d'urbanisation hors des agglomérations et des villages existants. Il n'apparaît pas opportun de supprimer cette disposition, qui, au contraire, sécurise les porteurs de projets en prédéterminant les territoires constructibles, sur la base d'un faisceau d'indices, sans laisser cette appréciation au juge. En conséquence, notre avis est défavorable.
L'amendement COM-80 n'est pas adopté.
L'amendement COM-81 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-24 rehausse le seuil à partir duquel les bâtiments non résidentiels existant seront assujettis, à compter du 1er janvier 2028, à des obligations de solarisation, c'est-à-dire d'installation de panneaux photovoltaïques en toiture.
Ces obligations sont fixées par la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, qui a été révisée en 2024.
Il s'agit donc de procéder à une dé-surtransposition, afin de donner un peu d'air aux opérateurs économiques ainsi qu'aux collectivités publiques, dont l'important patrimoine bâti n'est pas épargné par cette obligation très coûteuse.
L'amendement COM-24 est adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Les amendements identiques COM-27 et COM-110 visent à rétablir la suppression de la caducité automatique des Scot, dont les effets nous semblent excessifs. En effet, une fois le Scot devenu caduc, il est nécessaire de réengager intégralement la procédure d'élaboration, ce qui est long et coûteux.
Les amendements identiques COM-27 et COM-110 sont adoptés.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Par les amendements identiques COM-28 et COM-111, nous voulons permettre au pouvoir réglementaire d'aménager les procédures d'élaboration des Scot et des EPCI pour donner la possibilité à ces derniers qui sont exactement couverts par un Scot de fusionner ces deux documents.
Les amendements identiques COM-28 et COM-111 sont adoptés.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Le texte actuel propose de relever à 50 % le seuil de majoration des constructions dans une zone déterminée du PLUi au-delà duquel il est nécessairement recouru à une enquête publique lors de la procédure de modification.
Nous partageons cet objectif, et c'est pourquoi nous nous opposons à la suppression pure et simple du dispositif, comme le prévoit l'amendement COM-59.
Cependant, le seuil de 50 % paraît très élevé, et de nombreux élus nous ont alertés sur le fait qu'un tel niveau pouvait recouvrir des modifications très profondes des zones concernées, en particulier dans les zones qui sont déjà très urbanisées.
Aussi, sur la suggestion des associations d'élus, nous vous proposons d'ouvrir un peu le champ de la modification simplifiée, en le portant à 30 %. Tel est l'objet des amendements identiques COM-26 et COM-112.
L'amendement COM-59 est rejeté. Les amendements identiques COM-26 et COM-112 sont adoptés.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-31 vise à ouvrir la possibilité pour les communes d'être couvertes par un EPF d'État de manière autonome, même si ce n'est pas le cas de leur EPCI, y compris lorsqu'elles ne sont pas compétentes pour élaborer des documents d'urbanisme.
L'amendement COM-31 est adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-30 vise à ouvrir la possibilité à des communes d'adhérer de manière autonome à un établissement public foncier local (EPFL), y compris lorsque l'établissement public de coopération intercommunale à laquelle elles appartiennent n'y adhère pas, et ce, dès le moment de la création de l'EPFL.
L'amendement fait également de la création et de l'extension d'un EPFL une compétence liée pour le préfet de région.
L'amendement COM-30 est adopté.
L'amendement COM-7 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 1er
L'amendement COM-54 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - La transmission de la liste des logements et des locaux commerciaux et professionnels vacants permet, comme le souligne l'exposé de l'amendement COM-105 rectifié, d'enrichir les données sur lesquelles peuvent s'appuyer les collectivités et les services de l'État ainsi que ses opérateurs pour identifier les bâtiments qui peuvent faire l'objet de requalification. C'est vraiment un enjeu majeur, dans un contexte de raréfaction du foncier, de dégradation de l'habitat, notamment des copropriétés, de requalification des zones commerciales, comme entend y contribuer la mesure sur les dérogations aux destinations du PLU dans les zones d'activité économique. C'est de l'ingénierie qui ne coûte presque rien.
L'amendement COM-105 rectifié est adopté et devient article additionnel.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-32 vise à procéder à une coordination juridique.
L'amendement COM-32 est adopté.
L'article 1er bis A est ainsi rédigé.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-33 vise à supprimer cet article, qui ne permettra pas de lutter contre la cabanisation du littoral par des constructions informelles. Il est au contraire de nature à multiplier les constructions non conformes par « accident ».
Mme Viviane Artigalas. - En Guyane, le littoral touche les forêts et les deux zones sont inconstructibles. Même si je suis réservée sur la disposition proposée, il convient de trouver un dispositif permettant de construire des logements eu égard à l'augmentation de la démographie. Travaillons-y d'ici à la séance.
L'amendement COM-33 est adopté.
L'article 1er bis B est supprimé.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Cet article prévoit de remplacer les différentes autorisations d'urbanisme par une seule autorisation en Guyane. L'amendement COM-34 vise à supprimer cet article.
L'amendement COM-34 est adopté.
L'article 1er bis C est supprimé.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Les amendements identiques COM-61, COM-86 rectifié et COM-103 visent à supprimer cet article. Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-61, COM-86 rectifié et COM-103 ne sont pas adoptés.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Aux termes de la loi sont dispensés des obligations de solarisation les parkings ombragés par des arbres sur plus de la moitié de la surface. L'amendement COM-35 rectifié vise à supprimer le seuil inutilement contraignant de 35 % de la moitié de la superficie couverte par des panneaux photovoltaïques, prévu par l'Assemblée nationale. Nous proposons de supprimer ce seuil pour laisser davantage de souplesse aux gestionnaires et prévenir les abattages d'arbres inutiles.
L'amendement COM-35 rectifié est adopté.
L'article 1er bis D est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Nous ne sommes pas favorables à l'amendement COM-62, qui tend à supprimer cet article, car il contient d'intéressantes avancées en matière d'adaptation des règles du PLU aux situations locales, pour lever des blocages ponctuels, sans en remettre en cause toute l'économie.
Nous vous proposerons dans quelques instants des amendements qui sécurisent un certain nombre de ces dispositions.
L'amendement COM-62 n'est pas adopté.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Est ici visé l'aménagement de la dérogation au seuil de 30 % pour les RHVS. En commission, à l'Assemblée nationale, le rapporteur et auteur du texte a lui-même amendé cet article pour bien préciser qu'il ne s'agirait en aucun cas de remettre à la rue des personnes vulnérables, mais uniquement de prévoir des dérogations au taux légal de 30 % pour les nouvelles résidences.
Par ailleurs, de telles dérogations existent déjà localement, sur la base du pouvoir de dérogation du préfet. C'est donc un modèle éprouvé, qu'il s'agit ici de sécuriser, pour répondre de manière temporaire aux besoins liés à la réindustrialisation et aux grands chantiers nucléaires. C'est pourquoi nous vous proposons d'étendre la durée de la dérogation à dix ans, ce qui nous semble plus en phase avec la durée de ces chantiers.
Nous souhaitons en outre ouvrir la possibilité d'être logés dans ces résidences aux travailleurs saisonniers et aux professionnels en mobilité, qui, dans certains territoires, peinent à trouver des logements adaptés, pour quelques jours ou quelques semaines.
Pour cette raison, il ne nous apparaît pas opportun à ce stade de restreindre les territoires concernés aux seuls projets d'envergure nationale ou européenne au sens de l'article 194 de la loi Climat et résilience, car de plus petits projets, localement, pourraient utilement bénéficier de cette dérogation. Tel est l'objet de l'amendement COM-36.
En conséquence, nous sommes défavorables à l'amendement COM-95 et demandons le retrait des amendements identiques COM-87 rectifié, COM-98 et COM-124.
L'amendement COM-95 est rejeté. L'amendement COM-36 est adopté. En conséquence, les amendements identiques COM-87 rectifié, COM-98 et COM-124 n'ont plus d'objet.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-42 vise à libéraliser le régime des changements de destination de bâtiments agricoles et forestiers dans les zones agricoles, naturelles ou forestières à tous types d'activités, sous réserve que les bâtiments aient perdu leur usage agricole ou forestier depuis au moins vingt ans.
En outre, l'amendement précise que cette disposition s'appliquera également dans les parties des communes soumises à la loi Littoral qui ne sont pas situées près du rivage, car les restrictions en ce sens introduites par la loi Élan, et l'interprétation qui en est faite, ont fortement rigidifié les changements de destination dans ces secteurs.
L'amendement COM-42 est adopté.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Les amendements identiques COM-43 et COM-113 ont pour objet de surmonter une interprétation restrictive de la jurisprudence Sekler, selon laquelle des travaux sur une construction initialement régulière, mais devenue non conforme à la suite de la modification des règles d'urbanisme applicables, sont autorisés, dès lors qu'ils n'aggravent pas l'irrégularité ou sont étrangers à la règle ayant évolué.
Les amendements identiques COM-43 et COM-113 sont adoptés.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Les amendements identiques COM-37 et COM-114 visent à étendre à toutes les communes les possibilités de dérogation au PLU qui peuvent être consenties par l'autorité qui délivre les permis de construire.
Les amendements identiques COM-37 et COM-114 sont adoptés.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Les amendements identiques COM-99 et COM-125, les amendements identiques COM-40 et COM-115 ainsi que l'amendement COM-88 rectifié concernent le droit pour le maire d'accorder des dérogations aux destinations fixées dans le PLU pour créer du logement dans les zones d'activité économique.
Les amendements identiques COM-99 et COM-125 prévoient de supprimer cette disposition. Nous n'y sommes pas favorables, car il y a un besoin urgent de requalification de certaines de ces zones, en particulier des zones commerciales d'entrée de ville.
Cependant, pour davantage de clarté, nous vous proposons, dans les amendements identiques COM-40 et COM-115, de préciser que la dérogation pourra être rejetée ou accompagnée de prescriptions spéciales pour plusieurs motifs.
En outre, nous vous proposons de permettre aussi d'installer plus facilement des services publics dans ces quartiers, dans l'optique à la fois de créer de véritables quartiers multifonctionnels dans ces zones et de débloquer localement des situations où la mairie ne trouve pas de terrain pour installer un service public, alors même qu'elle dispose d'une zone commerciale ou artisanale surdimensionnée.
L'amendement COM-88 rectifié tend quant à lui à restreindre les dérogations au PLU aux logements étudiants dont les loyers sont plafonnés. Cela ne nous semble pas aller dans le sens de la simplification. Nous avions d'ailleurs déjà eu ce débat dans le cadre de la proposition de loi Daubié l'an dernier. Aussi nous demandons le retrait de cet amendement.
Les amendements identiques COM-99 et COM-125 ne sont pas adoptés. Les amendements identiques COM-40 et COM-115 sont adoptés. L'amendement COM-88 rectifié est rejeté.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-39 précise que si le maire n'est pas l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme, toutes les dérogations aux documents d'urbanisme qui sont accordées par l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme ne peuvent être délivrées qu'avec son accord.
L'amendement COM-39 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-9 rectifié prévoit un avis simple de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et de la commission de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) pour les changements de destination en zone NAF. Nous y sommes défavorables, car il ne nous semble pas compatible avec l'objectif de préservation de nos zones agricoles et naturelles.
L'amendement COM-9 rectifié n'est pas adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-44 vise à supprimer cet article pour éviter toute source de confusion et toute complexification du droit existant.
L'amendement COM-44 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-106 rectifié n'a plus d'objet.
L'article 2 bis est supprimé.
Article 2 ter (nouveau)
L'amendement de précision COM-45 est adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-4 concerne l'ouverture à l'urbanisation des zones hors parties urbanisées pour l'application de la garantie de développement communal. Nous y sommes défavorables à la fois pour des raisons juridiques et des raisons de fond.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
L'article 2 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Les amendements identiques COM-65 et COM-89 rectifié visent à supprimer cet article, qui prévoit que les permis sont accordés conformément aux règles de densité fixées dans les PLU. C'est déjà le cas, puisque la délivrance des autorisations d'urbanisme est une compétence liée. C'est pourquoi nous vous proposerons de réécrire cet article, en prévoyant que le PLU peut, dans les secteurs qu'il détermine, fixer des densités minimales, qui ne seraient plus seulement la résultante des règles de hauteur, de retrait, de gabarit, etc. Aussi, nous demandons le retrait de ces deux amendements identiques.
Mme Viviane Artigalas. - Je retire mon amendement.
L'amendement COM-89 rectifié est retiré.
L'amendement COM-65 n'est pas adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-46 concerne les règles de densité dans certains secteurs du PLUi.
L'amendement COM-46 est adopté.
L'article 2 quater est ainsi rédigé.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Alors que l'article 2 quinquies prévoit de remplacer les obligations fixées par les documents d'urbanisme en matière de stationnement de véhicules motorisés par la réalisation de places de vélos, nous vous proposons que ce soit la collectivité qui puisse décider d'appliquer cette exemption au sein de certains secteurs délimités dans le PLU, car il nous semble lunaire que cette dérogation soit de droit partout, au choix des promoteurs, y compris dans des communes rurales isolées où la voiture est le moyen de transport du quotidien.
Nous vous proposons également d'adapter les règles de stationnement aux nouvelles formes de mobilité et ainsi d'augmenter de 15 % à 30 % la réduction du nombre de places de stationnement exigées lorsque des véhicules électriques et des bornes de recharge ou des véhicules en autopartage sont mis à disposition des habitants, et dans les cas où une aire de covoiturage est proche ; d'encourager le recours à des solutions mutualisées de stationnement ; et d'élargir les périmètres autour des gares ou des transports collectifs.
Nous indiquons également que le maire peut déroger aux règles de stationnement fixées dans le PLU pour les opérations de transformation et de rénovation de logement qui ne créent pas de surface supplémentaire, ou n'en créent pas plus que dans une limite de 30 % de surface supplémentaire.
Enfin, nous précisons dans le PLUi la notion de « proximité » en matière de stationnement, en permettant au maire d'y déroger lorsque cela est pertinent. C'est une disposition que nous avions déjà adoptée l'an dernier lors de l'examen du projet de loi Logement abordable. Tel est l'objet de l'amendement COM-47.
Quant à l'amendement COM-13, il prévoit de supprimer toutes les dispositions relatives au stationnement qui s'appliquent de plein droit. Nous estimons qu'il va trop loin. Aussi, nous en demandons le retrait.
L'amendement COM-47 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-13 n'a plus d'objet.
Après l'article 2 quinquies (nouveau)
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Le Sénat avait déjà adopté lors de l'examen de la loi 3DS un amendement qui revenait sur cette possibilité de dissocier logement social et place de stationnement, mais il n'avait pas survécu à la commission mixte paritaire. Par l'amendement COM-49, nous vous proposons de le rétablir sur une base différente, c'est-à-dire la possibilité de mettre à disposition ou non dans certaines zones des emplacements publics de parking.
L'amendement COM-49 est adopté et devient article additionnel.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Concernant l'amendement COM-14, la limitation du nombre de places de stationnement exigibles pour les logements locatifs intermédiaires a été introduite afin de limiter la vacance des parkings, dans la loi Élan. Néanmoins, nous avons vu les effets de bord de cette disposition : elle a conduit à l'engorgement des espaces publics de stationnement. Avis favorable.
L'amendement COM-14 est adopté et devient article additionnel.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-57 vise à fixer la taille des parkings vélos dans les documents d'urbanisme. Il ne s'agit pas là d'une mesure de simplification. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-57 n'est pas adopté.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Des procédures de mise en compatibilité existent déjà pour faire évoluer le PLUi rapidement en vue de permettre la réalisation de projets d'ampleur, mais avec enquête publique : ces modalités nous paraissent mieux adaptées, pour ce type de projets très impactant. Les amendements identiques COM-64 et COM-90 rectifié visent à supprimer cet article.
Les amendements identiques COM-64 et COM-90 rectifié sont adoptés.
L'article 2 sexies est supprimé.
Après l'article 2 sexies (nouveau)
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement COM-82, qui a pour objet de rétablir la disposition que nous venons de supprimer.
L'amendement COM-82 n'est pas adopté.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - les amendements identiques COM-66, COM-91 rectifié, COM-100 et COM-126 visent à supprimer cet article. Il semble peu opportun d'ouvrir une faculté aussi large de dérogation au PLUi, d'autant que des procédures de mise en compatibilité des documents d'urbanisme existent déjà pour faire évoluer rapidement ces derniers.
Les amendements identiques COM-66, COM-91 rectifié, COM-100 et COM-126 sont adoptés.
L'article 2 septies est supprimé.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Mon argumentation est la même pour les amendements identiques COM-67 et COM-68.
Les amendements identiques COM-67 et COM-68 sont adoptés. En conséquence, les amendements identiques COM-101 et COM-127 n'ont plus d'objet.
L'article 2 octies est supprimé.
Après l'article 2 octies (nouveau)
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-8 rectifié bis prévoit de supprimer le pastillage dans les documents d'urbanisme pour les changements de destinations de bâtiments en zones NAF. Nous partageons l'objectif poursuivi par les auteurs de cet amendement ; c'était l'objet de l'amendement COM-42 que nous avons adopté précédemment. C'est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement.
L'amendement COM-8 rectifié bis n'est pas adopté.
Les amendements COM-10 rectifié bis, COM-11 rectifié bis et COM-12 rectifié bis sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement COM-74.
L'amendement COM-74 n'est pas adopté.
L'amendement COM-75 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements COM-76 et COM-77.
Les amendements COM-76 et COM-77 ne sont pas adoptés.
Les amendements COM-94 rectifié, COM-29 et COM-38 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements COM-78 et COM-79 rectifié.
Les amendements COM-78 et COM-79 rectifié ne sont pas adoptés.
Article 3
Les amendements identiques COM-63 et COM-116 sont adoptés.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 3
L'amendement COM-16 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 3 bis A (nouveau)
Les amendements identiques de suppression COM-56 et COM-69 sont adoptés.
L'article 3 bis A est supprimé.
Après l'article 3 bis A (nouveau)
M. Guislain Cambier, rapporteur. - La création du certificat de projet prévue par l'amendement COM-60 a déjà été votée dans le cadre du projet de loi Logement abordable.
L'amendement COM-60 est adopté et devient article additionnel.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Nous sommes opposés à la suppression de cet article, prévue par l'amendement COM-70, car il sécurise très utilement les porteurs de projets.
L'amendement COM-70 n'est pas adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-58 vise à étendre la cristallisation au permis d'aménager modificatif.
L'amendement COM-58 est adopté.
L'article 3 bis B est ainsi rédigé.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-53 tend à supprimer cet article qui vise le même objet que l'article 2 ter.
L'amendement COM-53 est adopté.
L'article 3 bis C est supprimé.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-71 prévoit de supprimer cet article. Nous proposons, pour notre part, de mieux encadrer la procédure. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement COM-71 n'est pas adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-93 rectifié a pour objet de faciliter la qualification de projet d'intérêt général (PIG) pour les nouveaux réacteurs au-delà d'une certaine puissance. La disposition proposée me paraît de bon aloi, puisque, dans tous les cas, la tenue d'un débat public ou d'une concertation préalable demeure obligatoire. Avis favorable.
L'amendement COM-93 rectifié est adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-55 vise à remédier à certains excès de la rédaction actuelle de l'article. Ainsi, nous vous proposons d'exclure du champ d'application de cet article les installations directement liées au chantier, qui font déjà l'objet de procédures dérogatoires au titre de l'article 9 de la loi Nouveau nucléaire, pour réserver la nouvelle procédure aux installations connexes ; de rétablir le principe d'une autorisation d'urbanisme - il ne nous paraît pas très sécurisant juridiquement de créer une nouvelle autorisation ad hoc. Nous permettons au préfet de fixer une durée d''implantation plus faible que les vingt ans pendant lesquels cette procédure dérogatoire pourra être employée, si une telle durée ne se justifie pas ; elle ne pourra excéder dix ans.
L'amendement COM-55 est adopté.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Les amendements COM-128 rectifié et COM-102 rectifié en discussion commune visent à interdire la construction des logements, des parkings et des accès liés aux chantiers nucléaires dans les zones de préservation des finalités écologiques.
La rédaction de l'amendement COM-128 rectifié, qui vise des espaces délimités par le règlement du PLUi est plus précise que celle de l'amendement COM-102 rectifié, qui a la même finalité. C'est pourquoi nous donnons un avis favorable à l'amendement COM-128 rectifié et un avis favorable à l'amendement COM-102 rectifié sous réserve de rectification pour le rendre identique à l'amendement COM-128 rectifié.
L'amendement COM-128 rectifié est adopté. En conséquence, l'amendement COM-102 rectifié n'a plus d'objet.
L'article 3 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je propose que nous prenions acte des résultats des travaux de la commission des lois sur cet article qui lui a été délégué et adoptions les amendements COM-117, COM-118, COM-119, COM-120 et COM-121 proposés par son rapporteur pour avis, M. Marc-Philippe Daubresse. L'amendement COM-72 de M. Jadot n'a pas été adopté.
L'amendement COM-72 n'est pas adopté.
Les amendements COM-117, COM-118, COM-119, COM-120 et COM-121 sont adoptés.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La commission des lois n'a pas adopté les amendements COM-41 et COM-15 de M. Fargeot.
Les amendements COM-41 et COM-15 ne sont pas adoptés.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous prenons acte du vote de la commission des lois sur cet article qui lui a été délégué. Les amendements identiques COM-73 de M. Jadot et COM-122 de M. Daubresse, rapporteur pour avis, ont été adoptés.
Les amendements identiques de suppression COM-73 et COM-122 sont adoptés.
L'article 5 est supprimé.
Article 6 (nouveau)
L'amendement de suppression COM-51 est adopté.
L'article 6 est supprimé.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - Avec l'amendement COM-50 rectifié, nous vous proposons de dispenser de toute autorisation d'urbanisme, y compris la déclaration préalable, la pose de panneaux solaires sur les bâtiments pour la consommation domestique des habitants. Cette mesure ne semble pas exorbitante, au regard de la liste des constructions nouvelles dispensées de telles formalités, comme le mobilier urbain, les piscines de moins de dix mètres carrés, etc.
L'amendement COM-50 rectifié est adopté et devient article additionnel.
M. Guislain Cambier, rapporteur. - L'amendement COM-83 vise à dispenser la collectivité de modifier formellement son PLU pour renoncer à un emplacement réservé, et il lie cette question à celle du droit de délaissement.
Il ne nous semble pas opportun de modifier le chapitre du code relatif au droit de délaissement, mais bien plutôt de prévoir des évolutions plus rapides des documents d'urbanisme pour permettre le renoncement aux emplacements réservés, notamment dans le cas où la servitude est tombée de facto à la suite de l'exercice du droit de délaissement. Nous demandons le retrait de cet amendement.
L'amendement COM-83 n'est pas adopté.
Les amendements COM-84, COM-85, COM-96 rectifié et COM-97 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous prenons acte du vote de la commission des lois, qui a adopté l'amendement COM-123 de son rapporteur pour avis, Marc-Philippe Daubresse, sur cet article qui lui a été délégué au fond.
L'amendement de suppression COM-123 est adopté.
L'article 7 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Audition de M. Matthieu Louvot, directeur de la stratégie d'Airbus (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 30.
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Audition de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est avec un vif intérêt que nous entendons cet après-midi le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Éric Lombard.
Monsieur le ministre, c'est la première fois que nous vous accueillons dans ces fonctions, bien que nous vous ayons déjà entendu plusieurs fois comme directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Cela explique d'ailleurs que vous ne puissiez pas vous exprimer librement sur les sujets ayant directement trait à vos responsabilités passées, je tenais à le rappeler d'emblée à mes collègues.
À la tête depuis décembre dernier d'un ministère dont l'action est évidemment centrale pour les thématiques de notre commission, vous venez cet après-midi échanger avec nous sur votre feuille de route et vos priorités.
Je voudrais tout d'abord vous interroger sur la compétitivité de notre pays et la manière de la restaurer, ce qui me semble stratégique pour résoudre la très difficile équation financière et sociale de la France.
En premier lieu, permettez-moi de vous faire part de mon inquiétude s'agissant de la productivité du travail qui, fin 2024, n'avait toujours pas retrouvé son niveau de 2019, alors que dans la zone euro il a été retrouvé dès le premier trimestre 2021. La productivité demeure aujourd'hui 5 % en dessous de sa trajectoire potentielle d'avant-covid. On voit bien qu'avec une natalité en berne et un ratio entre les actifs et les inactifs continuant de chuter, notre modèle social devient de moins en moins soutenable, si l'on ne redresse pas la productivité.
Cela pose la question du financement de nos dépenses sociales, avec au premier chef les dépenses liées aux retraites et à la santé, qui reposent trop sur les cotisations des actifs. Que pensez-vous de la proposition d'une TVA sociale pour asseoir ce financement sur les contributions de tous plutôt que sur le seul travail, ce qui concourt à l'indispensable augmentation de la rémunération du travail ? Pour autant, du fait du risque inflationniste qu'elle pourrait provoquer, la TVA sociale peut inquiéter. C'est la raison pour laquelle cette réforme a finalement été abandonnée en 2007, ce qui nous a fait perdre vingt ans. Le Gouvernement est-il prêt cette fois-ci à passer à l'acte ?
Cela me conduit à vous poser une deuxième question, en écho aux conclusions du rapport Draghi sur la compétitivité de l'économie européenne. Les grands patrons que nous avons entendus en audition durant ces dernières semaines - par exemple Florent Menegaux du groupe Michelin - n'ont fait que confirmer nos difficultés à traduire en actes l'objectif, pourtant consensuel, de réindustrialisation. Après une chute continue depuis les années 1970, la part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut (PIB) s'était stabilisée au cours des années 2010. Mais ce maigre acquis semble aujourd'hui fragilisé, pour une part du fait de l'attitude non coopérative de nos partenaires commerciaux, et pour une autre à cause de notre naïveté sur les normes que nous continuons de nous imposer. Le président d'ArcelorMittal France nous a dit en substance, la semaine dernière, que la stratégie de l'Europe, c'est la décarbonation, tandis que dans le reste du monde, c'est l'industrialisation. Quelle est votre appréciation de la situation et quelles sont vos propositions à cet égard ?
J'aimerais ensuite vous entendre sur deux politiques sectorielles qui conditionnent grandement le bon fonctionnement du reste de l'économie.
D'abord, la question du prix de l'énergie, qui est devenu un désavantage compétitif majeur vis-à-vis, par exemple, des États-Unis. Pourtant, l'énergie décarbonée que nous produisons dans notre pays devrait faire de la France le paradis énergétique dont le Président de la République a parlé à l'occasion du récent sommet Choose France. Le rapport Draghi a également préconisé d'accélérer le développement de l'énergie nucléaire et l'on perçoit un timide rapprochement avec l'Allemagne sur ce sujet. Mais la question des prix et du modèle de financement du nouveau nucléaire reste entière, et l'on pourra par ailleurs difficilement priver les industriels du secteur et leurs clients électro-intensifs d'une trajectoire leur permettant de se projeter et d'investir. C'est précisément à ces enjeux qu'entend répondre la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie de notre collègue Daniel Gremillet. Quelles sont donc vos perspectives sur l'énergie comme levier de compétitivité ?
Enfin, je voudrais évoquer le secteur du logement. La semaine passée, le président d'Action Logement et vice-président du Mouvement des entreprises de France (Medef), Bruno Arcadipane, a rappelé devant notre commission que « près de deux salariés sur dix en France déclarent rencontrer des difficultés pour trouver un logement à proximité de leur lieu de travail », ce qui empêche nombre d'embauches de se concrétiser. La situation est donc critique, alors que les partenaires sociaux sont pleinement conscients du problème et jouent le jeu sur cette question. En dehors du budget, compte tenu de l'état des finances de notre pays, quelles clés identifiez-vous pour débloquer ce verrou aux conséquences sous-estimées sur notre économie et sur notre pacte social ?
Toujours à propos du logement, je souhaiterais vous interroger - l'actualité récente m'y oblige - sur la suspension annoncée du dispositif MaPrimeRénov' à compter de juillet, potentiellement jusqu'à la fin de l'année 2025, faute de financement suffisant. Vous avez d'ailleurs déjà été interrogé à ce sujet par notre collègue Ronan Dantec lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement. Vous en conviendrez, une telle suspension enverrait un signal extrêmement négatif en matière de rénovation énergétique. Qu'en est-il exactement ? Est-ce le résultat d'une évaluation budgétaire défaillante ? Vous avez évoqué un nombre important de dossiers frauduleux. Cependant, vous le savez parfaitement, le dispositif MaPrimeRénov' a longtemps pâti de sa complexité, au point de décourager nombre de nos concitoyens de s'inscrire dans un parcours vertueux de rénovation énergétique. Ce dispositif a aussi souffert d'un manque de stabilité. Cette instabilité persistante a encouragé chez nos concitoyens une forme d'attentisme, freinant ainsi les dynamiques de rénovation.
À peine les derniers ajustements apportés au dispositif avaient-ils commencé à être assimilés qu'une nouvelle annonce est venue bouleverser l'ensemble. Or nous espérions justement qu'il s'inscrive enfin dans la durée, avec davantage de lisibilité et une réelle simplification. Hélas, les annonces faites hier viennent raviver nos inquiétudes. Il ne s'agissait pas seulement d'éviter une suspension des aides, mais aussi de garantir qu'aucun changement brutal des règles n'intervienne à nouveau.
Nos concitoyens, pour se projeter dans des travaux ambitieux à la hauteur des rénovations performantes que nous appelons tous de nos voeux, ont besoin de stabilité, de prévisibilité et de perspectives. Si l'on donne un coup d'arrêt au dispositif jusqu'à la fin de l'année, cela aura immanquablement pour effet de recréer une forme d'attentisme et d'immobilisme, et nous perdrons une nouvelle fois un temps précieux.
Je souhaiterais donc que vous puissiez, au-delà de ce que vous avez déjà dit lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement, nous apporter ici des précisions complémentaires sur ce point.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. - Je suis très heureux d'être reçu par votre commission. Comme l'a rappelé votre présidente, je m'exprime aujourd'hui en tant que ministre et non plus en tant que directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
Permettez-moi, pour débuter cette intervention, de revenir sur les fondements de l'action que je mène à la tête du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, telle qu'elle m'a été confiée par le Premier ministre et le Président de la République, à moi ainsi qu'aux cinq autres ministres de Bercy, Amélie de Montchalin, Marc Ferracci, Clara Chappaz, Véronique Louwagie et Nathalie Delattre. Vous vous souvenez que les textes financiers ont occupé nos premières semaines de travail ; nous avons d'ailleurs choisi d'anticiper les travaux relatifs au projet de loi de finances pour 2026, afin d'apporter des réponses concertées aux défis qui se présentent à notre pays.
Notre mission est simple : elle consiste à créer les conditions de la prospérité économique pour tous. J'entends par là une économie tournée vers la production. Or produire, cela signifie d'abord renforcer notre compétitivité - j'y reviendrai. Cela implique également de garantir une production pérenne, c'est-à-dire compatible avec les impératifs écologiques et les enjeux de souveraineté. Enfin, cette production doit permettre un partage équitable de la valeur créée par les entreprises.
J'entends parfois un discours pessimiste, voire décliniste, mais ce n'est pas le cas ici, au Sénat. Je tiens à souligner que notre croissance, depuis le début de l'année, dépasse celle de l'Allemagne - ce qui dure, en réalité, depuis plusieurs années, même si l'Allemagne semble aujourd'hui réorienter son action économique. Notre marché du travail affiche une dynamique rarement atteinte, même s'il reste de la marge pour arriver au plein emploi : le taux de chômage, à 7,4 %, est l'un des plus bas de ces vingt dernières années.
Par ailleurs, notre économie demeure la plus attractive d'Europe pour la sixième année consécutive, selon un baromètre indépendant établi par le cabinet anglo-saxon EY. Ce résultat traduit une confiance continue des investisseurs internationaux depuis de nombreuses années. Le sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle (IA), comme le récent sommet Choose France, continue à démontrer que notre politique d'attractivité porte ses fruits. Nous avons également pu le vérifier lors du déplacement en Asie du Sud-Est effectué avec le Président de la République. Les engagements des investisseurs dans le cadre du sommet Choose France ont permis de sécuriser 40,8 milliards d'euros d'investissements, ce qui est un montant record.
Mais comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, il faut faire preuve de lucidité. L'une des faiblesses majeures qui grève notre économie reste notre manque de compétitivité. En réalité, nous sommes trop chers, parce que le coût du travail en France est trop élevé. Ce déséquilibre se reflète dans notre balance commerciale, dégradée à hauteur de 80 milliards d'euros par an, une situation qui ne saurait nous satisfaire.
Notre deuxième faiblesse réside dans l'insuffisance de notre effort d'innovation, comme l'a récemment souligné le rapport de Mario Draghi. Nous restons à la remorque des États-Unis dans de nombreux secteurs. Si l'Europe veut tenir son rang dans la prochaine révolution de l'intelligence artificielle, elle doit investir massivement. Et je suis convaincu que, cette fois-ci, nous sommes bien dans la course.
Enfin, le troisième frein à notre compétitivité résulte de la complexité normative et administrative qui pèse en France et de plus en plus à l'échelle européenne. Cette complexification croissante est devenue un facteur de ralentissement économique auquel nous devons nous attaquer.
À ces défis internes, s'ajoutent des défis extérieurs. L'instabilité géopolitique, qu'elle soit militaire, commerciale ou économique - nous pourrons revenir sur le G7 des ministres des finances qui s'est tenu il y a moins de quinze jours au Canada -, pèse lourdement. La transition écologique, bien qu'indispensable, génère de nouvelles contraintes pour nos entreprises comme pour nos concitoyens. Et le vieillissement démographique, en réduisant la part de la population active, contribue à l'augmentation de la dépense sociale.
Tel est le diagnostic que je souhaitais poser.
Les conditions de notre action reposent, avant tout, sur le redressement de nos finances publiques, qui est indispensable. Notre organisation collective est devenue excessivement coûteuse, surtout au regard des résultats obtenus. Nos dépenses publiques représentent 57 % du PIB, pour une satisfaction qui ne cesse de décroître. Ce paradoxe mérite d'être souligné. Il nous faut donc impérativement améliorer l'efficacité de nos services publics, celle de l'État, bien sûr, mais aussi celle de la sécurité sociale et - je me permets de le dire devant cette assemblée - celle des collectivités territoriales, qui doivent participer à l'effort commun, ni plus ni moins.
La charge de notre dette publique constitue aujourd'hui un fardeau devenu insoutenable pour les entreprises comme pour les citoyens, car, en définitive, ce sont eux qui en supportent le poids. Le coût des intérêts représente, cette année, 67 milliards d'euros, soit davantage que le budget de la défense. Par ailleurs, la prime de risque exigée par les investisseurs se répercute sur les conditions de financement des entreprises. Même si l'écart de cette prime avec celle de l'Allemagne s'est légèrement réduit, ces derniers mois, autour de 65 points de base, ce niveau reste bien trop élevé, tant pour les finances publiques que pour les entreprises.
Il est donc impératif de réduire notre déficit, afin de maîtriser puis de diminuer notre dette. C'est une condition de crédibilité, de souveraineté et d'indépendance. C'est précisément dans cette optique que nous avons choisi de démarrer dès à présent les discussions relatives au projet de loi de finances pour 2026.
Comme vous le savez, la stabilité de la dépense publique constitue un objectif difficile dans notre culture politique, où chacun porte des propositions souvent pertinentes, mais que nous ne pouvons pas toutes financer. L'engagement que j'ai pris au nom du Gouvernement devant nos partenaires européens, à savoir ramener le déficit public à 3 % du PIB d'ici à 2029, revêt une importance capitale. Il est peut-être encore plus crucial face aux agences de notation qui, toutes trois, nous placent actuellement sous perspective négative, alors même que nous sommes à la lisière d'un seuil critique pour notre refinancement sur les marchés. Le redressement de notre notation par ces grandes agences constitue un enjeu de premier plan.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la préparation du projet de loi de finances pour 2026. Cette préparation se poursuivra dans l'esprit de concertation qui guide l'action du Gouvernement, du Premier ministre et de notre équipe à Bercy. Ce travail est d'ores et déjà engagé, et je me tiens naturellement à votre disposition pour y contribuer pleinement avec vous.
Au-delà du redressement des finances publiques, notre objectif majeur demeure la croissance durable, dont le premier levier est la réindustrialisation de notre pays.
Madame la présidente, vous avez souligné à juste titre notre décrochage en matière de productivité. L'une des causes principales en est la diminution de la part de l'industrie dans notre production nationale. Comme chacun le sait, la productivité est structurellement plus faible dans les services que dans l'industrie, sans que cela remette en cause l'importance des services, qui restent indispensables. Néanmoins, réindustrialiser, c'est améliorer notre productivité.
Or, aujourd'hui, l'industrie représente à peine 11 % du PIB contre 20 % il y a quelques décennies, niveau que maintient encore l'Allemagne. Pourtant, l'industrie reste un catalyseur d'innovation, un puissant pourvoyeur d'emplois et un moteur économique pour l'ensemble des territoires de la République, grâce aux 16 500 usines réparties sur tout le territoire.
Elle constitue également un enjeu de souveraineté nationale. Le retour de la guerre en Europe l'a brutalement rappelé : notre autonomie sur les biens critiques est essentielle. Ce n'est pas simplement une question de coûts, mais une condition de survie pour la Nation.
J'ajoute que l'industrie est indispensable au renforcement de notre base industrielle et technologique de défense. Nous vivons dans un monde infiniment plus dangereux qu'il y a quelques années. Le Président de la République l'a rappelé dès son discours à la Sorbonne en 2017. L'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis a sonné comme un réveil pour l'Union européenne, mais cela a pour conséquence d'engager notre pays à participer à l'effort commun. Le salon du Bourget, qui s'ouvrira lundi en huit, sera l'occasion de confirmer notre excellence et notre attractivité, mais cette excellence requiert un effort de la Nation.
Outre l'industrie de défense, l'autonomie stratégique figure parmi les priorités de notre politique industrielle. La réindustrialisation ne peut être durable que si elle est souveraine. Vous avez tous en mémoire la relocalisation du principe actif du paracétamol, exigée de Sanofi dans le cadre de la cession d'Opella. Nous avons imposé des conditions strictes, avec le maintien de l'activité, de l'emploi et de la production en France. Nous resterons particulièrement vigilants, comme nous le sommes déjà, sur toutes les conditions encadrant les investissements étrangers sur notre sol.
Le deuxième objectif de notre politique industrielle, après la réindustrialisation, c'est la décarbonation. En réalité, réindustrialiser constitue aussi un moyen d'accélérer la transition vers une économie zéro carbone. L'objectif d'une économie neutre en carbone à l'horizon 2050 demeure central pour notre gouvernement. Pour y parvenir, plusieurs leviers sont mobilisés dont le développement d'un marché du carbone, la signature de contrats de décarbonation avec les principaux sites industriels et un soutien financier important via les programmes France Relance et France 2030. Ces efforts commencent à porter leurs fruits, comme en témoigne la baisse effective des émissions de carbone sur notre territoire.
Madame la présidente, vous avez évoqué la filière énergétique. En effet, pour assurer notre compétitivité, il nous faut garantir une indépendance énergétique fondée sur une énergie décarbonée et un mix équilibré entre les renouvelables et le nucléaire. C'est la raison pour laquelle un programme de construction de six réacteurs pressurisés européens (EPR) a été lancé.
Dans le même temps, nous poursuivons le développement des énergies renouvelables, afin de rétablir l'équilibre face aux États-Unis qui, bénéficiant d'énergies très carbonées, jouissent malheureusement d'un avantage compétitif. Nos énergéticiens ont pour mandat clair de nous fournir, dans un contexte international concurrentiel, une énergie à la fois stable, décarbonée et compétitive. À ce titre, je signerai la semaine prochaine, à Massy, le contrat stratégique de la filière nucléaire, qui vise précisément à aller dans ce sens.
J'ai également mentionné la feuille de route en faveur des énergies renouvelables. Et vous avez, madame la présidente, rappelé la proposition de loi portée par le sénateur Gremillet : le débat sur le mix énergétique est désormais entre les mains du Parlement. Nous souhaitons qu'il puisse se tenir pleinement, pour que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) soit adoptée par décret, comme le prévoit la procédure, et mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
À l'intersection de ces trois objectifs - décarbonation, mix énergétique et souveraineté -, nous enregistrons déjà des résultats concrets. Je pense notamment au développement des gigafactories, en particulier dans le nord de la France, dont deux sont déjà opérationnelles. Cela prouve qu'il est possible de conjuguer réindustrialisation et transformation écologique.
Pour atteindre ces objectifs, il convient aussi de rappeler les atouts de notre pays : un marché du travail dynamique et efficace quand nos concitoyens sont engagés dans les entreprises qu'ils animent, une main-d'oeuvre riche de compétences et bien formée - ce qui explique notamment l'évolution favorable du taux de chômage -, et des infrastructures de grande qualité que l'on doit non seulement à l'investissement de l'État, mais aussi à celui des collectivités locales, que je tiens ici à saluer.
Je souhaite dire quelques mots sur la révolution industrielle en cours, celle du numérique, domaine dans lequel, je le répète, la France est pleinement dans la course.
Lors du sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle organisé autour du Président de la République, des investisseurs internationaux se sont engagés à hauteur de 109 milliards d'euros. Les premiers projets commencent déjà à sortir de terre. Nous avons identifié 35 sites pour accueillir des centres de données et développer les filières de compétences indispensables à leur fonctionnement. L'enjeu est aussi de souveraineté. Nous l'avons constaté avec ce qu'on appelle le cloud : si les data centers ne sont pas localisés sur notre territoire ni contrôlés par des acteurs souverains, alors nos données stratégiques sont exposées. Ce sujet fait l'objet d'un suivi étroit avec la ministre chargée du numérique et de l'intelligence artificielle, ma collègue Clara Chappaz.
Plus largement, notre objectif est de créer un environnement économique compétitif pour les entreprises, attractif pour les investisseurs, mais également protecteur pour les consommateurs. C'est le sens des efforts que nous menons en matière de simplification.
Or, la simplification est tout sauf simple, comme le montre le parcours du projet de loi du même nom devant les deux assemblées. Je tiens à réaffirmer notre attachement au rétablissement du test PME, une mesure concrète qui vise à expérimenter les nouvelles réglementations sur les petites et moyennes entreprises avant leur généralisation. Trop souvent encore, certaines d'entre elles se révèlent inadaptées.
Cette simplification se fait aussi à la maille européenne. J'ai de grands espoirs dans le dialogue entamé avec nos partenaires allemands, afin de porter ensemble devant la Commission européenne des projets conjoints. Nous étions d'ailleurs, hier soir, avec mon collègue Marc Ferracci, en réunion de travail avec la ministre allemande de l'industrie et de l'énergie, Katherina Reiche, pour faire avancer ce dialogue.
Je souhaite également évoquer la question des financements, essentielle elle aussi à notre souveraineté. L'Europe est un continent à forte épargne, mais une part trop importante de cette épargne quitte le continent. Cela relève bien sûr du libre choix des épargnants, mais cela traduit aussi l'absence d'un véritable marché commun de l'épargne, que nous avons trop longtemps tardé à bâtir. Nous souhaitons désormais aller plus vite. Dès demain, je réunirai à Paris les ministres des finances de l'Union européenne afin de lancer une initiative dont nous espérons beaucoup, à savoir la création d'un label commun, Finance Europe. Ce label, partagé entre tous les pays membres, permettra aux épargnants européens de savoir que les produits labellisés, dans des conditions de durée et de part européenne homogènes, contribueront directement au financement de l'activité économique sur notre continent.
Bien d'autres leviers doivent être actionnés pour mobiliser l'épargne privée. Je pense, de façon plus technique, au développement de la titrisation. Une directive est en préparation pour faciliter son usage. Parallèlement, la supervision européenne des marchés permettra de construire des marchés plus unifiés, synthétisés, et simplifiés.
Nous devons également - c'est un point nouveau, mais décisif - bâtir un véritable agenda de protection. La bataille sur les tarifs et les ambitions de certains grands pays font peser un risque de concurrence inéquitable sur nos entreprises et sur nos filières. Face à cela, l'Europe doit cesser d'être naïve. L'économie de marché est une bonne chose, mais encore faut-il que les règles du jeu soient équitables. Si ces conditions ne sont pas respectées, alors des mesures de protection de nos marchés doivent être mises en place, à l'image de ce que nous faisons déjà dans l'acier ou l'automobile.
Pour conclure, je souhaite évoquer deux éléments. D'abord, le Gouvernement continue à porter un projet de développement international pour nos entreprises. Le Président de la République et moi-même avons reçu les autorités indiennes, accompagnées de leurs entreprises. Nous avons fait de même pour le Brésil - le président Lula effectue d'ailleurs une visite d'État dès demain - et la Chine. Nous avons aussi effectué plusieurs déplacements à l'étranger, aux Émirats arabes unis, en Égypte, au Vietnam, à Singapour et en Indonésie - je suis moi-même allé aux États-Unis et au Canada -, afin de promouvoir l'excellence française, ses produits et ses entreprises. Cette excellence est respectée et réputée à l'étranger. C'est en projetant nos entreprises à l'international que nous contribuons à sécuriser leur avenir.
Je veux dire enfin que la méthode pour travailler sur tous ces sujets, ainsi que sur le projet de loi de finances pour 2026, est celle du dialogue, comme nous l'avons toujours fait. Avec Catherine Vautrin, nous avons déjà engagé le dialogue avec les syndicats et les entreprises. Je réunirai demain matin le conseil des entreprises, qui rassemble les représentants d'entreprises de toute taille. Quant au dialogue avec le Parlement, il reste au coeur de notre démarche.
Quant à vos autres questions, madame la présidente, je les ai bien notées et j'y répondrai au cours de nos échanges.
M. Daniel Laurent. - Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur un problème économique.
Malgré l'engagement constant que vous manifestez en faveur de notre filière vitivinicole, la situation actuelle est particulièrement difficile. Les tensions commerciales tant avec la Chine qu'avec les États-Unis continuent de faire peser de lourdes menaces sur l'ensemble du secteur des vins et spiritueux, en particulier sur le cognac et l'armagnac.
Concernant la Chine, les acteurs de la filière ont été sensibles aux déclarations claires et volontaristes du Président de la République ainsi qu'à l'action coordonnée du Gouvernement dans le cadre du dialogue économique de haut niveau engagé avec Pékin. Pourtant, malgré ces efforts diplomatiques, les autorités chinoises maintiennent une position inflexible, opposant une fin de non-recevoir à l'ensemble des démarches engagées. Votre récent déplacement à Pékin, porteur d'espoirs pour les professionnels, n'a malheureusement pas permis de lever le blocage.
En parallèle, sur le front transatlantique, les revirements du président Trump en matière de droits de douane entretiennent un climat d'instabilité particulièrement délétère et l'annonce de la suspension des surtaxes imposées à l'Union européenne jusqu'au 9 juillet prochain ne suffit pas à dissiper les inquiétudes.
Pour la filière cognac, dont plus de 40 % des débouchés reposent sur le marché américain, cette insécurité agit comme une véritable épée de Damoclès. La baisse des ventes de 25 % à 30 % correspond à une perte de 50 millions d'euros par mois. Ce secteur, déjà fragilisé, s'essouffle, subit des pertes de marché, enregistre des plans de licenciement chez des acteurs majeurs comme Hennessy ou Rémy Martin. Vous avez certainement entendu le « coup de gueule » de Bernard Arnault sur ce sujet. Toute une économie territoriale, celle des Charentes et du Gers, vacille ; des emplois directs et indirects sont menacés.
Monsieur le ministre, quelles leçons tirez-vous des échanges menés avec les États-Unis et avec Pékin ? Quelles actions concrètes comptez-vous engager, tant au plan national qu'européen, pour défendre cette filière stratégique pour notre commerce extérieur, nos territoires et l'emploi rural ? Il y a urgence !
M. Franck Montaugé. - Merci à Daniel Laurent d'avoir évoqué l'armagnac. Je souscris à ses propos. Les acteurs de la filière dans le Gers sont inquiets.
Monsieur le ministre, il faut trouver 40 milliards d'euros en 2026 pour commencer à redresser les comptes publics. Où trouverez-vous cette somme ? La TVA sociale n'est pas une mesure équitable, au regard des capacités contributives des différents acteurs. Dans quelle mesure l'État réduira-t-il son soutien à l'économie ? Quels secteurs seront touchés, et selon quels critères ? Allez-vous enfin procéder à une évaluation des politiques publiques, pour engager un processus vertueux d'efficience, sans sacrifier nos services publics ?
M. Franck Menonville. - En tant que rapporteur de la mission d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises consacrée au « fabriqué en France », j'ai procédé à un certain nombre d'auditions, avec Anne-Marie Nédélec. Cette question soulève des enjeux de réindustrialisation, de savoir-faire, de compétitivité, de qualité des produits. Quelle est votre ambition à ce sujet, notamment concernant la commande publique ? On recense aujourd'hui 135 000 acheteurs publics. Ne pensez-vous pas qu'il y a trop d'acteurs et qu'il faudrait rationaliser, pour définir une vraie stratégie d'achat public, comme il en existe dans d'autres pays européens ?
Comment peut-on mieux mobiliser la commande publique au profit du « fabriqué en France » ? C'est un enjeu là aussi de réindustrialisation. À titre d'exemple, la part des importations dans la commande publique française s'élève à 60 %, soit 1,5 fois plus que la moyenne européenne, qui s'établit à 40 %. Cette part est aussi trois fois plus élevée qu'aux États-Unis, où elle n'est que de 20 %.
L'Union des groupements d'achats publics (Ugap) est placée sous la tutelle du ministère des comptes publics. Ne serait-il pas plus opportun de placer cet organisme sous la tutelle du ministère de l'économie ou de celui de l'industrie ? Quelles sont, monsieur le ministre, votre stratégie, votre analyse et votre ambition à cet égard ?
M. Éric Lombard, ministre. - Je partage la préoccupation des producteurs de cognac et d'armagnac. J'ai d'ailleurs reçu les représentants de la filière. Leur situation est parfois critique. J'ai rencontré le vice-premier ministre chinois, He Lifeng, qu'on appelle le tsar de l'économie. Nous nous nous sommes entretenus pendant six heures. Le premier sujet que j'ai abordé était précisément celui-là. J'ai indiqué très clairement que la France ne pouvait pas être la victime d'une réaction de mauvaise humeur de la Chine à cause des différends qui l'opposent à l'Union européenne sur les questions automobiles, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous avons parlé de cette question longuement. Sans trahir de secret, je peux vous dire qu'elle a aussi été abordée dans un entretien récent entre le Président de la République et le président Xi Jinping. Le sujet est porté par les autorités françaises au plus haut niveau, qu'il s'agisse du Président de la République, de Jean-Noël Barrot, lors de son déplacement à Pékin il y a peu de temps, de Laurent Saint-Martin, ou de moi-même. Nous avons entamé un travail de conviction, de dialogue, dont je ne peux pas aujourd'hui vous donner l'horizon. En tout cas, ce dossier restera en tête des sujets que nous abordons avec nos partenaires chinois. J'espère que nous trouverons une solution - le plus tôt sera le mieux. En tout cas, nous sommes très conscients des enjeux.
En ce qui concerne les droits de douane américains, les discussions sur les spiritueux s'inscrivent dans le cadre des négociations que mène la Commission européenne, en lien étroit avec nous, avec les autorités américaines. Lors de la réunion du G7, il y a moins de quinze jours au Canada, j'ai rencontré mon homologue Scott Bessent. Les ministres américains semblent s'organiser selon une sorte de répartition géographique. Jamieson Greer, qui est le représentant américain pour le commerce international auprès de Howard Lutnick, est chargé de l'Europe. Il est d'ailleurs en Europe en ce moment, pour discuter avec Maros Sefcovic. Les négociations sont difficiles. On constate que le marché boursier accueille assez mal chaque nouvelle hausse des tarifs par le président Trump, parce que les premières victimes de ces hausses sont les Américains eux-mêmes. Le marché obligataire a aussi connu quelques secousses les semaines passées.
La période est donc complexe. En tout cas, nous sommes pleinement mobilisés. Nous sommes face à deux géants ; l'Union européenne se défend à armes égales. J'ai l'espoir que nous réussirons à converger avec la Chine et avec les États-Unis lors des prochaines réunions du G7 au Canada. Nous nous employons. Les pays européens sont bien coordonnés entre eux et avec l'Union européenne. Parfois, on entend dire que tel ministre européen est allé voir les Américains, mais à chaque fois que je rencontre un ministre américain sur ces questions, je me coordonne avant avec Laurent Saint-Martin au plan national et avec Maros Sefcovic au plan européen. L'Europe est organisée, efficace, dans un combat qui est difficile. D'autres dossiers, notamment d'ordre militaire, sont tout aussi compliqués. Nous communiquerons évidemment en cas d'avancées.
Monsieur Montaugé, la somme de 40 milliards est issue du rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029 : elle correspond à la somme nécessaire pour respecter notre trajectoire moyen terme et pour atteindre un objectif de déficit de 4,6 % du PIB l'année prochaine.
Chaque année, la dépense publique évolue plus vite que l'inflation. Une stabilisation en volume de nos dépenses, qui s'élèvent à 1 700 milliards d'euros par an dans les trois grandes catégories de l'action publique, nous permettrait, compte tenu de la croissance, de réduire le déficit petit à petit. Le Premier ministre a engagé avec les ministres un dialogue afin de stabiliser la dépense. Je ne dis pas que cela suffira. Le Premier ministre annoncera à la mi-juillet, après concertation avec l'Assemblée nationale et le Sénat, les mesures qu'il propose. Cette stabilisation des dépenses - à un niveau très élevé, j'y insiste - peut apporter beaucoup. Je ne veux pas évoquer d'autres pistes pour l'instant, car toute idée émise par des ministres donne lieu à des critiques, quand bien même il ne s'agit que d'une réflexion...
Oui, le Gouvernement est attentif à l'efficacité de la politique publique. Le Premier ministre a réuni l'ensemble des directeurs d'administration centrale pour qu'ils précisent leurs missions essentielles et étudient la situation des missions qui ne sont plus essentielles. Nous avons ainsi ouvert beaucoup de crédits lors de la crise du covid, qui est heureusement terminée depuis quelque temps. Nous savons ouvrir des dépenses pour répondre à des événements ponctuels, mais nous n'arrivons pas toujours à les fermer.
La TVA sociale n'a été évoquée ni par le Gouvernement ni par le Président de la République : celui-ci souhaite l'ouverture d'un dialogue avec les parties prenantes sur le financement de la sécurité sociale, qui repose essentiellement sur le travail, par le biais des charges sociales, qui sont payées par les salariés ou les entreprises directement - même si, in fine, elles sont toujours acquittées par les entreprises. J'indique d'ailleurs qu'en réalité la TVA finance déjà, en partie, la sécurité sociale. Nous souhaitons réfléchir au financement de cette dernière. Les pistes d'évolution sont nombreuses et diverses. Le débat est ouvert. Des propositions émergeront et nous verrons lesquelles nous retenons. En l'état, le Gouvernement n'a rien décidé quant à la TVA sociale.
Trouver d'autres sources de financement que le travail serait une façon d'améliorer la compétitivité du travail en France. Celle-ci est d'ailleurs un petit peu meilleure qu'en Allemagne.
M. Franck Montaugé. - Ma question était de savoir si les entreprises seraient touchées par les économies budgétaires.
M. Éric Lombard, ministre. - Nous ne souhaitons pas augmenter les impôts qui pèsent sur les Français et sur les entreprises. Il existe de nombreux outils de soutien à l'économie que nous voulons conserver. J'évoquais la stabilité de la dépense publique : cela signifie que si nous ne changeons rien par rapport à l'année dernière, les aides actuelles pourront être maintenues.
Vous me demandez, monsieur le sénateur, si les entreprises sont touchées, mais vous me demandez aussi si l'on mesure l'efficacité des politiques publiques. Si nous rendons compte que certaines politiques sont coûteuses et pas indispensables, il est possible que nous les modifiions. C'est le travail que nous réalisons en ce moment.
Comment pouvons-nous décarboner tout en restant compétitifs ? On aide les entreprises qui décarbonent : on aide ainsi ArcelorMittal à financer l'électrification de ses hauts-fourneaux, afin que la production d'acier en France soit décarbonée.
Pour maintenir notre compétitivité, nous avons mis en place, au niveau européen, un mécanisme de taxation du carbone aux frontières qui vise à rétablir une concurrence sur les prix entre les produits issus de l'Union européenne et les autres produits fabriqués dans des pays où l'énergie est plus carbonée. Nous travaillons avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et les énergéticiens français à ce que l'énergie en France soit un avantage concurrentiel pour notre industrie.
Je souscris tout à fait à vos propos sur le « fabriqué en France », monsieur Menonville. Sur cette question, comme sur d'autres, nous avons voulu nous poser en exemple et nous imposer des règles pas toujours très sages, et la situation a dérivé. Nous sommes en train de définir un Buy European Act, sur le modèle du Buy American Act, qui est en vigueur aux États-Unis. La préférence européenne me paraît légitime, mais elle n'est pas toujours permise par les textes européens, comme nous l'avons constaté dans certains dossiers relatifs à la politique de concurrence. Le Gouvernement est favorable à la mise en oeuvre d'une politique de préférence européenne, et la Commission est prête à le faire. Nous sommes en train de travailler pour que cela se décline en France. Le droit de l'Union européenne interdit l'instauration d'une préférence française, mais nous pouvons concevoir des politiques qui intègrent mieux les dimensions sociales et environnementales, ce qui conduira naturellement à acheter davantage en Europe et en France, dans la mesure où nous avons l'intention de prendre de l'avance en matière de décarbonation.
J'en viens à MaPrimeRénov'. Il n'y a pas de sujet budgétaire. Nous avons prévu une enveloppe de 3,6 milliards d'euros dans le budget, et nous avons dépensé pour le moment 1,3 milliard d'euros. À cause de la censure du Gouvernement précédent, ce sujet a été bloqué pendant un certain temps, puis nos services ont été confrontés à une avalanche de demandes. Ils sont encombrés et ont besoin d'un peu de temps pour rétablir leur situation sur le plan opérationnel.
En outre, la stabilité des règles a un inconvénient : elle permet aux fraudeurs de s'organiser. On a recensé 16 000 dossiers suspicieux, c'est-à-dire 12 % du stock. J'ai conscience que le dispositif est important pour les artisans. Nous avons bien l'intention de rétablir son fonctionnement avant la fin de l'année. Il ne s'agit pas de faire des économies en cachette en bloquant le système.
M. Rémi Cardon. - Vous envoyez néanmoins un signal qui n'est pas très rassurant.
M. Éric Lombard, ministre. - Lorsque j'étais directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, nous avons été confrontés à de la fraude sur le dispositif Mon compte formation. Tout système informatique a des failles que les fraudeurs cherchent à exploiter. Notre devoir est de veiller à ce que les failles soient comblées avant de remettre le système en fonctionnement. Mais nous sommes bien conscients de l'importance du dispositif.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je voudrais vous interroger sur la compétitivité. On évoque beaucoup le rapport Draghi, mais la France est en grande difficulté à cet égard. Vous avez évoqué la préférence européenne ou nationale, mais encore faut-il que les consommateurs européens aient envie de choisir les produits français. Le problème des coûts de production demeure.
J'ai examiné ce qui se passe chez nos voisins européens. Plusieurs d'entre eux ont été confrontés à des situations très compliquées ces dernières années et s'en sont sortis assez rapidement. Je pense à l'Italie : certes, ce pays a encore une dette publique qui est bien supérieure à la nôtre, mais le déficit public est passé de 7,2 % en 2023 à 3,4 % en 2024, tandis que le déficit en France augmentait dans le même temps de 5,5 % à 5,8 % du PIB.
Il apparaît de toute évidence que le poids de la suradministration, des surtranspositions et des normes sclérose nos entreprises et réduit leur compétitivité. Comment appréhendez-vous cette réalité ? N'est-il pas temps de faire une grande revue des surtranspositions de normes européennes ?
M. Henri Cabanel. - J'ai été interpellé par l'Agence française de normalisation (Afnor) sur un sujet complexe, mais éminemment stratégique, celui du recul de notre influence au niveau des normes. L'Afnor représente la France auprès de l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et du Comité européen de normalisation (CEN).
La France est confrontée à une double exigence : réindustrialiser durablement son territoire et préserver sa compétitivité. La bataille est également normative. Les enjeux sont l'accès au marché, l'interopérabilité des systèmes et la concurrence internationale.
Alors que les grandes puissances investissent massivement pour renforcer leur influence normative, la France recule. Pour la première fois, elle glisse au quatrième rang mondial dans les instances internationales de normalisation, derrière la Chine, les États-Unis et l'Allemagne, ce qui réduit sa capacité à peser dans l'élaboration des règles qui structureront l'industrie de demain.
Cette perte d'influence est d'autant plus préoccupante qu'elle concerne des secteurs stratégiques pour notre avenir : l'hydrogène décarboné, l'intelligence artificielle, la cybersécurité ou encore la transition énergétique.
Quelles actions allez-vous engager pour réintégrer pleinement la normalisation dans la politique industrielle nationale ? Quels moyens seront mobilisés pour encourager la participation active des entreprises françaises aux instances de normalisation internationale ? Il vaut mieux en effet agir, que subir.
M. Yannick Jadot. - Je vous interrogerai tout d'abord sur le « fabriqué en France ». Vous avez dit que vous défendiez l'instauration d'une préférence géographique au niveau européen. Ce serait une bonne nouvelle, car, en dépit de tous les discours politiques, Bercy n'a jamais défendu au niveau européen la préférence géographique ! Les gouvernements prétendent défendre une telle préférence, mais finalement, on doit négocier en douce des dérogations pour permettre aux cantines scolaires d'acheter local ! L'enjeu est pourtant majeur : il représente en France 180 milliards d'euros de commande publique, 1 400 milliards en Europe. Voilà un outil formidable pour soutenir la réindustrialisation et la relocalisation d'une partie des productions.
En ce qui concerne la rénovation, ne nous jouez pas le coup de la fraude ! Celle-ci existe certainement, mais il se passe avec MaPrimeRénov' exactement ce qu'il s'est passé avec le dispositif Pinel et le prêt à taux zéro (PTZ). Je pourrais aussi citer le moratoire sur le photovoltaïque. Dès qu'un mécanisme marche, on fait un moratoire ou on le stoppe, pour faire des économies. Cette instabilité juridique et financière détruit l'économie de la rénovation énergétique, secteur qui représente 200 000 emplois. Voilà tout un secteur que vous déstabilisez. Cela a des effets sur l'activité des artisans. En créant cette instabilité, vous brisez la dynamique.
Enfin, on importe pour 60 milliards d'euros d'énergies fossiles. Il est vrai que notre production d'électricité décarbonée est importante, mais les énergies fossiles représentent 60 % de notre mix énergétique. En réduisant les dispositifs de soutien à l'électrification, dans la mobilité ou dans le logement, vous accroissez notre dépendance vis-à-vis de l'étranger et mettez en péril le secteur de la rénovation thermique ainsi que les stratégies des industriels pour développer des véhicules électriques. Pour faire des économies, vous créez un cercle vicieux. Il ne suffit pas de dire, comme vous l'avez fait dans l'hémicycle, que le Gouvernement aide à l'installation de bornes de recharge électrique et que cela permettra de régler la question de l'électromobilité ! Vous avez dirigé la Caisse des dépôts et consignations. Vous avez à ce titre participé au financement de la transition énergétique. Vous ne pouvez pas prétendre maintenant qu'il n'y a pas un enjeu de financement !
M. Éric Lombard, ministre. - Madame Loisier, le premier poste de dépenses publiques est celui constitué par les dépenses de la sécurité sociale - santé, retraites, politique familiale, etc. Celles-ci représentent 46 % de la dépense publique. Sans doute peut-on être plus efficace, mais il n'y a pas, en ce domaine, de problème de surtransposition ou de suradministration.
Les collectivités locales représentent 20 % des dépenses publiques. Vous les vous connaissez mieux que moi. J'ai été leur banquier, en tant que directeur général de la Cour des comptes pendant sept ans, et je sais qu'elles sont bien gérées.
Les dépenses de l'État représentent une part minoritaire de la dépense publique. Je suis à cet égard d'accord avec vous : on peut certainement simplifier, alléger, etc. L'effort de maîtrise de la dépense publique a d'ailleurs surtout pesé sur l'État. Il suffit de se rendre dans une préfecture ou dans les locaux de certaines administrations centrales. Les locaux ne sont pas luxueux. Il n'y a pas de luxe non plus dans la rémunération des agents, dans les conditions de travail, ni même parfois dans les outils de travail. Je me souviens que les fonctionnaires d'État qui rejoignaient la Caisse des dépôts et consignations disaient que, si les rémunérations n'y étaient pas très différentes de celles qu'ils avaient dans leur administration d'origine, les moyens d'action mis à leur disposition étaient meilleurs.
Nous devons maîtriser les dépenses publiques dans toutes leurs dimensions, mais les éléments que vous évoquez ne constituent pas, à mon avis, même si ce que vous dites est juste, la principale source de coûts.
Les autorités publiques sont souvent mal organisées sur le terrain pour arbitrer, de manière rapide et économique, entre les différentes normes : les normes écologiques, les normes de sécurité, etc. Pour installer une piste cyclable sur une route, il faut procéder à des arbitrages entre la taille de la route, la taille de la piste cyclable, l'artificialisation de l'espace, etc. C'est la vie quotidienne des territoires.
Certains pays ont réduit rapidement leur déficit, car des accords politiques nationaux ont été conclus pour y parvenir. C'est précisément ce que nous allons proposer, avec le Premier ministre, à partir du 15 juillet. À la différence des autres années, entre le 15 juillet et le moment où le budget sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, il s'écoulera plusieurs semaines pendant lesquelles nous pourrons dialoguer et améliorer le projet de budget. Vous pourrez nous adresser vos propositions. Toutes les idées sont les bienvenues. Mon bureau et celui de la ministre des comptes publics sont ouverts.
En ce qui concerne les normes, je n'ai pas le même point de vue que vous, monsieur Cabanel. La France est le cinquième pays le mieux représenté au sein des secrétariats de l'ISO. Nous assurons près de 80 secrétariats, contre 85 pour la Chine - ce n'est pas un mauvais score. Nous accueillerons en 2026 l'assemblée générale de l'ISO. J'indique aussi que les dépenses de normalisation font partie des dépenses couvertes par le crédit d'impôt recherche (CIR), qui constitue, selon moi, une dépense féconde et utile.
Monsieur Jadot, je me suis fait la même observation que vous à propos de la préférence géographique. C'est pourquoi je défends fortement cette notion à Bruxelles. Les temps ont changé. Cette question est apparue dans le débat économique au niveau international. Je trouve que nous n'allons pas assez loin en la matière. Avec Marc Ferracci, nous sommes déterminés à faire en sorte que l'Europe se protège, en ce qui concerne l'acier, la chimie, l'automobile, etc. Il n'est pas possible d'instaurer une préférence nationale au sein de l'Union européenne, mais dès lors qu'une préférence européenne existera, je suis sûr que les entreprises françaises sauront se battre pour obtenir une part importante des marchés en Europe.
J'observe également que les dirigeants des entreprises, publiques ou privées, prennent de plus en plus en compte l'origine géographique. Ce n'était guère le cas avant. La plupart des entreprises préfèrent acheter un bien à un producteur dont elles connaissent les conditions d'exercice plutôt que de se fournir dans des pays où les conditions de travail ne sont pas aussi protégées qu'en France.
La question de la rénovation thermique et de l'électromobilité illustre les contradictions françaises. Ces deux politiques publiques sont indispensables, mais elles sont financées très largement par de l'argent public alors que, dans beaucoup d'autres pays - c'est peut-être vers ce modèle qu'il faudrait tendre -, elles sont aussi financées par l'utilité. En effet, lorsque l'on procède à la rénovation thermique de son logement, celui-ci devient plus confortable et l'on réalise de grosses économies en chauffage par la suite. Les rénovations s'autofinancent souvent. L'existence de MaPrimeRénov' joue un rôle incitatif et permet d'accélérer les mutations. Peut-être ce mécanisme pourrait-il néanmoins être mieux centré, mais je ne parle pas de modifier les règles.
En ce qui concerne l'électromobilité, nous avons beaucoup soutenu l'acquisition de véhicules électriques par des primes. Celles-ci pourraient sans doute être mieux ciblées pour qu'elles bénéficient à des personnes qui n'ont pas les moyens d'acheter un véhicule électrique. Trop souvent les dispositifs d'aides publiques, permettez-moi l'expression, « arrosent un peu large ». J'ai indiqué que le budget prévu pour MaPrimeRénov' ne serait pas modifié. Quant à l'électromobilité, j'ai regardé le tableau des primes existantes en la matière en fonction des différents cas de figure et des différents sujets : il m'est impossible de vous en faire une synthèse, tant c'est un maquis compliqué ! La question du maintien de ces primes, de leur évolution ou de leur simplification fera l'objet, par définition, de débats parlementaires.
Nous avons beaucoup plus à gagner, comme le demandent les constructeurs automobiles, à alléger les contraintes sur les petits véhicules pour que les petits véhicules électriques produits en Europe deviennent compétitifs. Nous économiserions de l'argent public dépensé actuellement en des primes destinées à compenser des écarts de prix. Nous avons mis en place des obligations sur les petits véhicules qui les rendent lourds, friands en énergie et coûteux. Ces normes sont justifiées pour des véhicules de luxe pour lesquels le prix a moins d'importance. En modifiant les normes en vigueur, nous pourrions aboutir, sans dépense d'argent public, à des résultats beaucoup plus efficaces.
M. Yannick Jadot. - Nous avions eu le même débat sur le dispositif Pinel et sur le PTZ : ces outils n'étaient pas parfaits, certes, mais leur suppression a entraîné un cataclysme dans la construction. Vous faites la même chose aujourd'hui. Au motif que les mécanismes existants ne sont pas parfaits - c'est tout à fait possible, je ne suis pas fétichiste en la matière - vous voulez simplement les casser. Mais il faut aussi tenir compte des logiques économiques. Les ventes de véhicules électriques se sont effondrées en Allemagne, à la suite du changement de stratégie du gouvernement allemand. Luc Chatel a expliqué que ses effets étaient catastrophiques. Or nous sommes en train de faire la même chose. C'est dangereux.
M. Éric Lombard, ministre. - Nous n'abandonnons pas le dispositif MaPrimeRénov'. Nos services de gestion font face à un problème d'encombrement, mais il n'y a pas de problème budgétaire. Nous devons toutefois veiller à lutter contre la fraude.
Les bonus écologiques pour l'achat d'un véhicule électrique ont été supprimés en Allemagne. Ils sont maintenus en France, de même que le leasing social. J'ai récemment rencontré Luc Châtel. Il pense que le travail sur les normes sera plus efficace.
Les difficultés commerciales concernant les véhicules électriques tiennent à plusieurs facteurs. Il y a tout d'abord la question des bornes de recharge. Les Français doivent savoir qu'ils peuvent désormais partir en vacances, car il existe suffisamment de bornes de recharge rapide sur leur parcours. C'est pourquoi, avec le ministre de l'énergie, nous avons fait une communication sur ce sujet il y a quelques jours.
Ensuite se pose la question du prix des véhicules. Même avec les primes, les véhicules électriques sont chers. Les petits véhicules comportent des options obligatoires qui, selon les professionnels, ne sont pas indispensables, ni pour des raisons de sécurité ni pour des raisons écologiques. Dans ces cas-là, peut-être pouvons-nous alléger les normes, et donc le prix du véhicule.
Nous rencontrons à l'évidence un problème commercial. Même si les aides n'ont pas été diminuées en France, le volume des ventes diminue. Cela pose un problème de transition écologique, car les gens gardent leurs vieux véhicules diesel, et un problème économique, car cette situation n'est pas bonne pour assurer la charge des usines.
Je veux revenir sur les importations d'énergie carbonée. Celles-ci figurent dans notre bilan carbone. Nous voulons justement les réduire, en investissant dans les énergies renouvelables et dans notre programme nucléaire. Vous avez raison. Les importations d'énergies carbonées restent importantes. C'est bien pourquoi notre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre a malheureusement pour horizon 2050, et non pas 2030, même s'il faut aussi que la baisse des émissions de carbone soit régulière - nous y travaillons aussi.
M. Philippe Grosvalet. - Hier soir, le groupe du RDSE a reçu Gabriel Zucman, qui nous a présenté ses recherches de façon extrêmement intelligente et non idéologique. Nous avons eu un débat fort intéressant sur un impôt plancher sur le patrimoine supérieur à 100 millions d'euros, qui pourrait concerner 0,01 % des contribuables en France, soit 2 000 à 4 000 personnes, et rapporter entre 15 milliards et 25 milliards d'euros.
Comment, dans un pays confronté à de tels défis nationaux et internationaux - je pense notamment à la construction du porte-avions dans ma ville de Saint-Nazaire -, peut-on se priver d'une proposition aussi efficace, juste et républicaine, qui vise non pas à faire payer plus les riches, mais à faire payer des impôts à proportion égale aux ultrariches et aux autres contribuables français ? Cette proposition est populaire, puisque près de 90 % des Français sont favorables à ce que les ultrariches contribuent davantage.
Durant de longues années, nous avons débattu de l'impôt sur la fortune. Toutefois, selon M. Zucman, sa mesure, qui fait l'objet de la proposition de loi, adoptée à l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches, est bien distincte. Peut-être nous sommes-nous trompés : peut-être le vrai débat est-il là.
Nous pouvons refuser ce débat et nous cacher, comme l'ont fait plusieurs de nos collègues. En effet, certains ne veulent pas du retour à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) du fait du risque d'évasion fiscale, alors que cette dernière ne concernait qu'un contribuable sur mille. Sur 2 000 et 4 000 contribuables, peut-être deux ou quatre milliardaires quitteraient-ils la France. Imaginez-vous M. Arnault partir, alors que notre pays fait rayonner les produits qu'il promeut dans le monde entier ?
La proposition de loi écologiste a été votée à l'Assemblée nationale parce qu'elle est populaire. Les députés des groupes qui étaient contre ont préféré ne pas siéger, craignant sans doute de devoir rendre compte sur le terrain de leur opposition aux contribuables français. Monsieur le ministre, je vous l'affirme solennellement : en dehors de toute position dogmatique et au-delà de nos différences politiques, la question d'une telle taxation mérite d'être posée.
Mme Antoinette Guhl. - Depuis plusieurs mois, de nombreux plans sociaux ont été réalisés par des entreprises qui ont perçu d'importantes aides publiques de l'État : Michelin, ArcelorMittal, Auchan... Devrions-nous exiger systématiquement des contreparties sociales et environnementales, et demander, en cas de non-respect de ces dernières, le remboursement des aides ?
Les aides publiques aux entreprises s'élèvent à près de 240 milliards d'euros - le budget de l'éducation nationale est de 90 milliards d'euros. Ne pourrait-on pas trouver là les 40 milliards d'euros recherchés par le Gouvernement ?
M. Rémi Cardon. - Selon la presse, le dispositif MaPrimeRénov' pourrait être « mis sur pause » dès juillet. En tant que parlementaires, comprenez notre inquiétude ! Votre prédécesseur, M. Armand, m'avait déclaré que les coups de rabot étaient dus au manque de dossiers ; à présent, vous affirmez que le programme est mis sur pause en raison d'un trop grand nombre de dossiers. Nous sommes pris pour des lapins de six semaines ! Pourriez-vous clarifier votre propos ?
J'ai vu un autre titre surprenant dans la presse : « Bercy prépare les esprits à une nouvelle hausse des impôts en 2026 ». Officiellement, le sujet sera tranché d'ici au 14 juillet prochain, selon le Premier ministre. Le Sénat examinera justement une proposition de loi de nos collègues écologistes le 12 juin : nous pouvons vous aider à trouver des moyens !
M. Éric Lombard, ministre. - J'ai rencontré à deux reprises Gabriel Zucman, un économiste extrêmement brillant, mais je ne partage pas ses réflexions. La raison n'est pas idéologique : selon lui, cet impôt s'appliquerait correctement s'il était mis en oeuvre à l'échelle mondiale.
Même dans ce cas, j'y serais opposé. Les « ultrariches », pour reprendre votre terme, tirent leur fortune de leur entreprise. Personne n'a des milliards d'euros sur son compte en banque ! Si vous devez 2 % de votre patrimoine aux impôts, alors vous vendrez 2 % de vos actions chaque année, c'est-à-dire une partie de votre entreprise, sachant que le rendement moyen des actions sur la place de Paris, déjà soumis à une imposition qui peut être élevée, est de 3 %.
Nous manquons de capital dans notre pays, faute de fonds de pension. Lorsque la situation est difficile, le capitalisme familial français en subit les conséquences. Si ces familles ne soutenaient pas les entreprises, dont certaines valent quelques centaines de milliards d'euros, ces dernières seraient rachetées par des fonds étrangers. J'y insiste : si un nouvel ISF devait, contrairement au précédent, toucher l'outil de travail, le contrôle des grands groupes ne serait plus français au bout de dix ou de quinze ans. Pour le ministre que je suis, c'est une perspective inenvisageable.
Il est normal que l'imposition des grandes fortunes soit populaire : l'idée que 0,01 % des Français paierait le quart de la facture paraît sympathique, comme si quelqu'un payait votre note au restaurant ! La ministre chargée des comptes publics et moi avons évoqué l'idée de lutter contre certaines niches fiscales, pour prendre le sujet sous un angle différent.
Madame Guhl, comme je l'ai indiqué à vos collègues de la commission d'enquête, toutes les aides de la République sont centrées sur un objectif. Il faut donc déjà respecter une conditionnalité : recherche, décarbonation... Une entreprise qui procède à un plan social est une entreprise qui rencontre des difficultés : je ne connais pas de chef d'entreprise qui réduirait son effectif de gaieté de coeur. S'il lui était en plus demandé de rembourser une aide, déjà investie pour un motif d'intérêt général, nous aggraverions les choses.
Comme j'ai pu l'indiquer à MM. Rietmann et Gay, le Gouvernement ne souhaite pas ajouter de nouvelles conditionnalités. Nous veillons toutefois au respect des contreparties demandées.
Je ne sais pas comment vous atteignez par vos calculs un montant de 240 milliards d'euros d'aides aux entreprises. Comptez-vous les allègements de charges, qui compensent des évolutions fiscales ? Réduire ces allègements reviendrait à réduire les résultats des entreprises : il n'est pas possible de récupérer là 40 milliards d'euros, comme vous pourrez le constater en consultant les données publiques et agrégées. D'ailleurs, une entreprise qui bénéficie d'une rentabilité élevée est déjà fiscalisée au travers de l'impôt sur les sociétés.
Les entreprises, incidemment, financent la sécurité sociale. Malheureusement, il n'y a pas de trésor caché. La ministre chargée des comptes publics et moi en cherchons pourtant ! Nous avons peut-être trouvé quelques pistes de financement dont nous parlerons ultérieurement.
Monsieur Cardon, je serai clair : MaPrimeRénov' connaît un engorgement administratif, en raison notamment de cas de fraude que nous traitons. Nous rétablirons ensuite le dispositif.
Comme vous, j'ai lu l'article « Bercy prépare les esprits à une nouvelle hausse des impôts en 2026 ». Je n'y ai trouvé aucun élément justifiant l'affirmation contenue dans le titre. Nous ne préparons pas de hausse d'impôts. Notre objectif est de stabiliser la dépense, de revoir certaines niches qui pourraient être abusives ou inutiles, et de réviser certaines dépenses fiscales. À la demande du Président de la République, une réflexion pourrait être ouverte sur le financement de la sécurité sociale. Il s'agirait de transferts plutôt que d'une hausse d'impôt.
Après plusieurs années d'efforts, nos prélèvements obligatoires sont revenus à un niveau satisfaisant par rapport à la concurrence européenne : autour de 42 % ou 43 % du PIB. Notre problème est la dépense publique, qui représente 57 % du PIB. Il faudra maîtriser cette dernière ces prochaines années, d'où notre trajectoire pour revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB.
M. Daniel Gremillet. - Nous tournons en rond en matière de compétitivité et de réduction des coûts de production : nous n'apportons pas de réponse concrète. La réindustrialisation de la France n'est pas au rendez-vous. Comme la commission a pu l'entendre au cours des auditions de ces dernières semaines, beaucoup d'entreprises ne finalisent pas leurs investissements, notamment en raison du manque de vision sur le dossier énergétique.
Par ailleurs, je crains que nous ne manquions une occasion sur l'hydrogène. Nous avons perdu en ambition en France et dans l'Union européenne : la bataille de l'hydrogène se joue en Asie. Le monde industriel attend une vision claire, notamment en matière de mobilité.
De plus, comme nous avons pu l'entendre au cours de nos auditions, de nombreux acteurs reconnaissent l'importance du crédit d'impôt recherche. Comment faire pour lier une partie de ce dernier à la réalisation d'investissements sur notre territoire ?
Enfin, en tant que Lorrain, je ne peux pas ne pas parler du dossier ArcelorMittal. Comment imaginer qu'un pays comme la France, qui souhaite se réindustrialiser, perde sa production sur son territoire ?
M. Christian Redon-Sarrazy. - J'ai présidé une mission d'information dont le rapport s'intitulait : Transformer l'essai de l'innovation : un impératif pour réindustrialiser la France. Ce dernier avait été adressé à votre prédécesseur, même si je ne suis pas certain qu'il l'ait consulté... Il y était écrit : « si 91 % des bénéficiaires du CIR sont les PME, elles ne représentent que 32 % de la créance fiscale. Inversement, les 10 % des bénéficiaires les plus importants perçoivent 77 % du montant total de CIR. »
Partant de ce constat, nous avons émis plusieurs propositions, notamment « supprimer le CIR au-delà du plafond de 100 millions d'euros de dépenses de recherche et développement (R&D) tout en augmentant à due concurrence le taux en deçà de ce plafond », ou encore « calculer le plafond du CIR au niveau de la holding de tête pour les groupes qui pratiquent l'intégration fiscale et augmenter à due concurrence le taux en deçà du plafond », le tout à moyens constants. Êtes-vous prêt à faire évoluer votre point de vue sur le sujet ?
Vous aviez mentionné, lors de votre audition devant la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, que les contrôles du CIR étaient satisfaisants avec « plus d'un millier de contrôles annuels pour un total de 15 000 bénéficiaires ». Toutefois, 1 000 sur 15 000 représente moins de 7 % de contrôles et donc autant de chances de détection de fraude. Ne pensez-vous pas que ce taux est insuffisant pour garantir l'efficacité et la bonne affectation du crédit d'impôt ? Quelles mesures envisagez-vous pour améliorer les contrôles ?
M. Serge Mérillou. - Quel bilan faites-vous de la suppression de la taxe d'habitation, qui coûte chaque année plusieurs dizaines de milliards d'euros aux finances publiques ? Que pensez-vous de la proposition de votre collègue François Rebsamen de créer une nouvelle taxe locale ?
M. Éric Lombard, ministre. - En ce qui concerne la compétitivité, il est important de prendre en compte l'ensemble des charges, fiscales et sociales.
J'ai cité dans mon propos introductif la réduction des déficits et la stabilisation des dépenses publiques comme un élément de compétitivité. En effet, les prélèvements obligatoires sont payés par les entreprises et, à la fin, par les Français.
Je ne suis pas sûr que nous manquions de clarté dans notre vision de la politique énergétique. Notre programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) existe, même s'il sera plus confortable pour les acteurs de voir notre proposition adoptée. Le Gouvernement essaie de trouver un chemin en ce sens. Je sais que vous y travaillez, monsieur Gremillet, au travers de votre proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie. Cette programmation donnera un cadre et nous permettra ainsi d'être compétitifs. À ce titre, je salue les chefs d'entreprises de ce pays : dans un environnement difficile, notre économie résiste bien.
Je ne partage pas votre avis sur l'hydrogène : nous ne manquons pas l'occasion. Nous avons actualisé notre stratégie nationale hydrogène le 16 avril dernier. De fait, cette source d'énergie peut être une option pour les véhicules utilitaires, le transport maritime et certains secteurs industriels. Nous avons même annoncé un investissement de 4 milliards d'euros dans la production d'hydrogène bas-carbone sur quinze ans. En outre, nous avons un projet pour le port de Marseille, visant à alimenter en hydrogène vert le transport de containers.
Le crédit d'impôt recherche a été plusieurs fois modifié ces derniers temps : nous nous sommes donc engagés à en garantir la stabilité. La contrepartie de ce crédit d'impôt est l'investissement en France : nous ne finançons pas une entreprise qui irait faire de la recherche ailleurs. Personnellement, je suis partisan d'assurer la stabilité du CIR cette année encore.
Concernant ArcelorMittal, notre engagement est réel. La production d'acier fait partie des trois secteurs de production que l'Union européenne souhaite localiser en Europe ; son maintien en France est stratégique. ArcelorMittal a confirmé ses investissements en France, notamment pour faire passer à l'électrique ses installations de Dunkerque. Les aides qui n'ont pas encore été allouées à l'entreprise seront décaissées quand le projet sera engagé.
Un autre projet, à Fos-sur-Mer, est en discussion et dépendra de nous : la création d'une ligne d'alimentation électrique de 400 000 volts. Elle permettra de décarboner beaucoup d'activités du port et sera un progrès pour la compétitivité, le verdissement de notre économie et le maintien d'une activité industrielle sur site.
Même si nous avons déjà modifié les règles pour corriger certaines faiblesses du dispositif à la suite de rapports de la Cour des comptes et de l'inspection générale des finances, le fait que le crédit d'impôt recherche bénéficie davantage aux grandes entreprises qu'aux petites, en volume, est logique : il est compliqué de verser 50 millions d'euros à une PME qui fait 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le nombre de contrôles prouve qu'ils sont réguliers.
La taxe proposée par mon collègue François Rebsamen était une idée que le Gouvernement ne souhaite pas retenir. La suppression de la taxe d'habitation a permis d'alléger les impôts de beaucoup de nos concitoyens, ce qui est positif.
Je conclurai comme j'ai commencé, en précisant que le Premier ministre fera des propositions dans un mois et demi sur la manière de trouver de nouvelles ressources. Entre-temps, Mme la ministre chargée des comptes publics et moi restons à votre disposition, ouverts au dialogue et prêts à examiner vos propositions.
M. Lucien Stanzione. - Au cours de ses auditions, la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, dont je fais partie, a demandé aux grands patrons s'ils remboursaient les aides qui leur avaient été octroyées lorsqu'ils redistribuaient des dividendes aux actionnaires à la suite de la réalisation de bénéfices. Certains, comme M. Pouyanné, ont répondu oui, d'autres non, au nom de l'absence de lien. Envisagez-vous de contraindre les entreprises à rembourser à l'État les aides perçues au titre du soutien à l'emploi ou du crédit d'impôt recherche lorsque les résultats sont positifs ?
M. Éric Lombard, ministre. - Le dividende n'est pas un cadeau. Il rémunère le capital et le risque des investisseurs, tout comme la marge d'intérêt rémunère les créanciers et que les charges sont versées aux fournisseurs. Les actionnaires apportent du capital, qui est rémunéré quand la situation est bonne, mais qui peut être complètement perdu.
Je déconnecte la question des aides, qui sont accordées pour des motifs particuliers, du fait qu'une entreprise qui gagne de l'argent rémunère ses actionnaires. En effet, les aides sont souvent accordées à des entreprises bénéficiaires, car ces dernières iraient sinon innover et implanter leurs laboratoires ailleurs, en raison de la concurrence internationale et du marché des aides. Nous taxons toutefois les rachats d'actions, qui réduisent la surface de l'entreprise.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces échanges très constructifs. Nous attendrons les alentours du 14 juillet pour ouvrir des discussions plus précises à partir des propositions du Premier ministre et préparer le projet de loi de finances.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 25.