Mardi 14 octobre 2025

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -

La réunion est ouverte à 14 h 00.

Proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en oeuvre de l'accord du 12 juillet 2025 - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Muriel Jourda, présidente. - Mes chers collègues, avant d'entamer nos travaux, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue au président Patrick Kanner, qui retrouve notre commission à la suite du départ de Jérôme Durain, ainsi qu'à Marc Séné, qui nous rejoint en remplacement de M. André Reichardt.

Nous examinons le rapport de nos collègues Corinne Narassiguin et Agnès Canayer sur la proposition organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en oeuvre de l'accord du 12 juillet 2025.

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - Le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, qui permettent de renouveler intégralement les membres des assemblées délibérantes de chacune des trois provinces de Nouvelle-Calédonie, ainsi que, de façon concomitante, les membres du Congrès, n'est pas une question nouvelle, puisque le mandat des membres des assemblées de province et du Congrès élus le 12 mai 2019 a déjà été prolongé à deux reprises. Prévues initialement pour le 12 mai 2024 au plus tard, ces élections ont ainsi été reportées une première fois au 15 décembre 2024, puis une deuxième fois au 30 novembre 2025.

La présente proposition de loi organique, déposée par les présidents de groupe Mathieu Darnaud, Patrick Kanner, Hervé Marseille, Claude Malhuret, François Patriat et Maryse Carrère, vise à reporter ce scrutin une troisième fois, au 28 juin 2026 au plus tard.

Si les reports se suivent, ils ne se ressemblent pas. Je commencerai par rappeler brièvement le contexte des deux premiers reports, avant de vous préciser le cadre dans lequel s'inscrit le présent texte.

En janvier 2024, le gouvernement avait déposé un projet de loi constitutionnelle visant à modifier la composition du corps électoral spécial, de manière à permettre à l'ensemble des électeurs inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie, et y étant nés ou y étant domiciliés depuis au moins dix ans, d'y prendre part. Le but était de corriger les distorsions induites, sur le plan démographique, par ce qui est communément désigné sous les termes de « gel » du corps électoral spécial, et de passer à un corps électoral dit « glissant ».

De façon concomitante, le Gouvernement avait déposé un projet de loi organique visant à reporter les élections provinciales au 15 décembre 2024 au plus tard, afin de pouvoir appliquer à ce scrutin la réforme constitutionnelle. La loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie du 15 avril 2024 a acté ce report de sept mois.

Le 13 mai 2024, l'adoption par le Parlement du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a provoqué de violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, entraînant la déclaration de l'état d'urgence sur son territoire le 15 mai 2024 au soir.

À la suite de ces événements qui ont profondément marqué le territoire calédonien - et dont les séquelles sont malheureusement encore visibles -, Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont déposé, le 16 septembre 2024, une proposition de loi organique visant à reporter les élections provinciales de onze mois supplémentaires, soit au 30 novembre 2025 au plus tard. Il s'agissait de tenir compte à la fois de la dégradation de la situation sociale, économique et sanitaire résultant des émeutes, des difficultés matérielles compromettant la bonne tenue des opérations électorales et de l'absence d'accord politique sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que sur le nouveau périmètre du corps électoral.

La loi organique du 15 novembre 2024 visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a acté ce report.

En l'état du droit, le scrutin doit donc avoir lieu au plus tard le 30 novembre, et le décret de convocation des électeurs doit paraître au plus tard le 2 novembre.

L'été 2025 a néanmoins été marqué par un événement majeur dans le processus de négociation politique en vue du retour à la concorde civile et à la stabilité institutionnelle : la signature de « l'accord de Bougival », le 12 juillet, par l'ensemble des partenaires politiques de Nouvelle-Calédonie - même si, depuis, le retrait des négociations du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) impose de trouver un nouveau consensus.

Outre des dispositions relatives à la répartition des compétences, cet accord - ou « projet d'accord », selon les dénominations - prévoit notamment la création d'un État de Nouvelle-Calédonie, inscrit dans la Constitution, l'instauration d'une nationalité calédonienne et une modification de la composition du corps électoral spécial pour l'élection des assemblées provinciales et du congrès.

L'accord comprend également un calendrier indicatif de mise en oeuvre prévoyant le report des élections provinciales à juin 2026.

En cohérence avec ce calendrier, la présente proposition de loi organique, déposée le 13 août 2025, vise à reporter les élections au 28 juin 2026 au plus tard, soit un report de sept mois supplémentaires.

Comme cela a été souligné lors des auditions que nous avons menées ces dernières semaines, cet accord redonne espoir et confiance en l'avenir aux habitants de Nouvelle-Calédonie. Après quatre années d'impasse institutionnelle provoquée par le dernier référendum du 12 décembre 2021, il offre enfin une perspective de concorde civile.

Le consensus qui a prévalu à Bougival s'est certes rapidement ébréché, puisque dès le 9 août 2025, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) adoptait, à l'issue de son congrès extraordinaire, une motion de politique générale dans laquelle il rejetait formellement le projet d'accord, jugé « incompatible avec les principes du droit à l'autodétermination ». Par ailleurs, les instances dirigeantes du FLNKS ayant considéré que la délégation présente à Bougival en juillet 2025 ne disposait d'aucun mandat pour signer un accord, les membres de cette délégation ont été évincés de la nouvelle équipe chargée de poursuivre les discussions au nom du FLNKS.

Le 30 août 2025, le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie a également rejeté l'accord, estimant que celui-ci « ne reconnaît pas l'identité et les droits du peuple premier » de l'archipel.

Il n'en reste pas moins que le projet d'accord signé à Bougival constitue, selon nous, une base solide et précieuse de discussion qu'il s'agit à présent d'approfondir et de préciser, en poursuivant les échanges avec l'ensemble des parties prenantes, y compris - et surtout - avec celles qui, depuis le 12 juillet dernier, ont pu prendre leurs distances par rapport au document signé ce jour-là.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - J'en viens au contenu de la proposition de loi organique.

L'article 1er vise à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie au 28 juin 2026 au plus tard. En tenant compte des reports déjà intervenus, les élections provinciales seraient donc repoussées de vingt-cinq mois au plus par rapport à la date initialement prévue.

Nous en avons pleinement conscience : reporter un scrutin, a fortiori pour la troisième fois de suite, est assurément une décision lourde de conséquences sur le plan démocratique, puisque la légitimité des élus dont le mandat est prolongé s'en trouve affectée.

Ce report nous paraît toutefois justifié par un but d'intérêt général : en effet, dès lors que l'accord signé à Bougival prévoit une nouvelle composition du congrès et des assemblées de province, ainsi qu'un élargissement du corps électoral spécial pour leur élection, et que ces évolutions institutionnelles, qui nécessitent une révision constitutionnelle, ne pourront être effectives avant la date prévue en l'état du droit pour les élections, soit le 30 novembre 2025 au plus tard, il est nécessaire, afin de permettre la mise en oeuvre de l'accord, de reporter les élections en question.

Le projet de loi constitutionnelle annoncé par le précédent gouvernement devrait désormais être déposé sous peu. Comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 septembre 2025 relative à une question prioritaire de constitutionnalité, une révision constitutionnelle est indispensable pour parvenir au dégel du corps électoral.

Comme l'a déjà souligné ma collègue, l'accord signé à Bougival doit assurément être qualifié d'historique. C'est pourquoi nous sommes convaincues de la nécessité, à présent, de tout mettre en oeuvre pour faire vivre cet accord, en poursuivant les négociations avec l'ensemble des parties prenantes, de manière à aboutir au plus large compromis possible.

S'il est exact qu'un report cumulé de vingt-cinq mois constituerait un précédent, nous estimons toutefois qu'un tel report ne porterait pas atteinte à l'exigence constitutionnelle d'exercice, par les électeurs, de leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter l'article 1er sans modification.

L'article 2 vise à proroger jusqu'à la première réunion du congrès nouvellement élu les fonctions des membres des organes du congrès, constitués du bureau, des commissions intérieures et de la commission permanente. En principe, le renouvellement des instances internes intervient chaque année, en général au mois d'août. Rappelons toutefois que, du fait du deuxième report des élections provinciales découlant de la loi organique du 15 novembre 2024, ce renouvellement a été reporté à la fin de l'année 2025.

En conséquence de l'article 2 de la présente proposition de loi organique, ce renouvellement serait à nouveau reporté au plus tard au mois de juillet 2026.

Cette disposition a fait l'objet de discussions lors de l'examen du texte par le congrès de Nouvelle-Calédonie. Le président du groupe de l'Union nationale pour l'indépendance (UNI) a exprimé le souhait que le renouvellement des instances internes puisse avoir lieu avant cette date.

Je rappelle de plus que, lors des travaux préparatoires relatifs au texte visant le deuxième report, l'ensemble des membres du congrès avaient formulé de manière transpartisane la demande d'un report du renouvellement des organes internes du congrès. La disposition avait donc été ajoutée par les rapporteurs du texte, notre ancien collègue Philippe Bas et notre collègue Corinne Narassiguin. La proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui comprend une disposition analogue.

Sans l'article 2, le bureau et les commissions du congrès feraient l'objet d'un renouvellement dès la fin de cette année, et seraient ensuite à nouveau renouvelés lors de la première réunion du congrès issu de l'élection prévue au plus tard le 28 juin 2026 en application de l'article 1er du présent texte.

Sans l'article 2, deux renouvellements successifs des instances internes interviendraient à quelques mois d'écart, ce qui nous paraît aller à l'encontre des objectifs de continuité et de stabilité des institutions. Cette situation emporterait de plus une charge administrative non négligeable.

C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter l'article 2 sans modification.

L'article 3 prévoit enfin l'entrée en vigueur du texte dès le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française, par dérogation, donc, au régime d'entrée en vigueur prévu par la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie - une disposition analogue figurait déjà dans la loi organique du 15 novembre 2024.

Le calendrier électoral est en effet extrêmement contraint : le décret de convocation des électeurs devant être publié au moins quatre semaines avant la date du scrutin, qui est prévu en l'état du droit au 30 novembre au plus tard, il faudrait que les électeurs soient convoqués au plus tard le 2 novembre prochain.

Il est donc indispensable que le présent texte puisse entrer en vigueur avant cette dernière date, car à défaut, le Gouvernement serait tenu de convoquer les électeurs, puis de retirer cette convocation au moment de la promulgation de la loi définitivement adoptée.

J'ajouterai que les soubresauts gouvernementaux intervenus ces dernières semaines ont eu pour effet de décaler quelque peu le calendrier prévu initialement pour l'examen du présent texte, rendant d'autant plus nécessaire une adoption rapide.

En conséquence, nous vous proposons d'adopter l'article 3 sans modification.

Mes chers collègues, la priorité est aujourd'hui à la poursuite des négociations avec l'ensemble des partenaires politiques de Nouvelle-Calédonie, de manière à faire aboutir l'accord de Bougival. Ce nouveau report des élections constitue certes une dérogation aux principes démocratiques, mais il nous paraît nécessaire, afin de permettre la poursuite du dialogue.

Nous vous proposons donc d'adopter la présente proposition de loi organique sans modification.

Mme Cécile Cukierman. - À l'heure où nous reprenons nos travaux comme si de rien n'était, comme si nous ne faisions pas la distinction entre la continuité de l'action publique et la volonté d'enjamber une crise sans précédent dans notre pays, mon intervention paraîtra sans doute en décalage avec le calme de notre assemblée.

Je nuancerai la confiance et l'espoir évoqués par nos rapporteurs, dont je salue le travail, à l'heure où le Président de la République a décidé de ne pas reconduire un ministre des outre-mer dont les qualités étaient reconnues par l'ensemble des participants de Bougival, et, de manière générale, dans les outre-mer, et alors même que le Premier ministre fait du présent texte une priorité.

Vous l'aurez compris, nous voterons contre ce texte.

Nous estimons en effet que lorsqu'il y a une crise, le retour au peuple est toujours la solution, y compris lorsque l'issue de ce retour peut ne pas nous satisfaire, en Nouvelle-Calédonie comme dans tous les territoires de la République. C'est une nécessité démocratique.

Comme le prévoit notre Constitution, la souveraineté, qu'elle soit nationale ou calédonienne, appartient avant tout au peuple, qui l'exerce par ses représentants. Seules une République bananière africaine des années 1950 ou, dans les années 1990, une dictature de l'Est auraient reporté des élections de plus de vingt mois. Nous sommes pourtant en France, en 2025, un pays où tout va bien. Un tel mépris de la démocratie finira par provoquer une explosion, ce que je ne souhaite pas.

Nous ne voterons donc pas ce texte, et nous prendrons demain tout le temps nécessaire pour développer nos arguments en séance publique.

M. Patrick Kanner. - Je vous remercie de vos mots d'accueil. J'étais membre de cette commission au début de mon mandat de sénateur et je suis heureux, après deux années passées à la commission de la culture, de revenir parmi mes pairs initiaux.

Tout d'abord, je remercie Cécile Cukierman d'avoir salué l'action de Manuel Valls. À titre personnel, je regrette la rupture de continuité que constitue la sortie de M. Valls du gouvernement. Je souhaite bonne chance à la nouvelle ministre Naïma Moutchou dans ses nouvelles fonctions, sachant que l'on sent une reprise en main indirecte du dossier de la Nouvelle-Calédonie par Matignon. Au reste, ce n'est pas choquant dans la mesure où ce dossier a toujours été en quelque sorte le domaine réservé de Matignon. Les grands accords dont nous nous satisfaisons toujours sont marqués du sceau de Michel Rocard, puis de Lionel Jospin lorsqu'ils étaient premiers ministres.

Mon groupe soutiendra cette proposition de loi organique sans aucune réserve. Même si le retour au peuple doit être prévu dans les meilleurs délais, les circonstances exceptionnelles justifient ce texte de bon sens. J'en profite pour remercier les deux rapporteurs pour leur travail.

Nous n'ignorons pas les difficultés. Corinne Narassiguin a rappelé les tensions qui existent au sein du mouvement politique historique du FLNKS. S'il n'est plus le même qu'à l'époque de l'accord signé par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, il demeure un partenaire incontournable pour aboutir à un accord juste, qui confère à la Nouvelle-Calédonie un statut extraordinaire lui permettant de se projeter et d'exister dans la République et de donner un avenir à ses habitants, qu'ils soient kanaks ou caldoches.

Néanmoins, j'estime que nous devons améliorer l'intitulé de cette proposition de loi organique pour rendre réellement atteignables les perspectives que je viens de présenter. Parfois, la forme peut permettre de s'entendre sur le fond.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous prenons acte des derniers changements gouvernementaux, mais le Sénat est prêt à examiner ce texte. Celui-ci est en effet très attendu en Nouvelle-Calédonie, car il est un préalable nécessaire pour continuer de discuter et mettre en oeuvre l'accord historique de Bougival.

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - Nous avons bien conscience de la complexité de la situation et de la fragilité du processus. Comme l'a dit Agnès Canayer, ce nouveau report des élections n'est pas une décision prise à la légère. Il pose une vraie question démocratique, mais nous estimons que la situation exceptionnelle le justifie. Nous devons également tenir compte des événements intervenus depuis le dépôt de la proposition de loi organique. À l'heure actuelle, le consensus n'est plus acquis ; il doit être retrouvé.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient de vous indiquer le périmètre indicatif de cette proposition de loi organique au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives, d'une part, à la date de renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie, et, d'autre part, à la date de renouvellement des organes du Congrès.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi organique

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement  COM-1 rectifié vise à modifier la fin de l'intitulé de la proposition de loi organique pour remplacer la formulation « pour permettre la mise en oeuvre de l'accord du 12 juillet 2025 » par les mots « afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en oeuvre ».

Nous vous invitons, monsieur Kanner, à bien vouloir retirer cet amendement, non pas parce que nous serions en désaccord sur le fond, mais parce que son objet n'est pas suffisamment consensuel pour apparaître comme transpartisan.

M. Patrick Kanner. - Nous estimons que l'intitulé initial de cette proposition de loi organique peut constituer un irritant pour certains partenaires, car il suggère qu'il faut conserver l'ensemble de l'accord de Bougival, et rien que cet accord, alors qu'il n'est en réalité que partiel.

Dans la mesure où nous souhaitons faire revenir tous les participants autour de la table de travail, la formule que nous proposons nous semble préférable. C'est une description plus prudente de l'objectif que nous poursuivons au travers de cette proposition de loi organique.

Après discussion avec la présidente de la commission, j'ai néanmoins accepté l'idée que l'objet de cet amendement pourrait être réécrit de manière à retrouver le caractère transpartisan de la démarche initiale.

Je retire donc cet amendement et je le redéposerai en vue de l'examen du texte en séance avec un objet légèrement modifié, afin de permettre à chacun de le voter.

L'amendement COM-1 rectifié est retiré.

La proposition de loi organique est adoptée sans modification.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Intitulé de la proposition de loi organique

M. KANNER

1 rect.

Modification de l'intitulé de la PPLO

Non adopté

La réunion, suspendue à 14 h 30, est reprise à 18 h 05.

Rapport au parlement sur les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 - Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - Je remercie d'abord M. Pierre Moscovici d'avoir accepté notre invitation, à la suite de la publication du rapport de la Cour des comptes sur l'organisation, le coût et l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ce rapport était demandé à la Cour par l'article 20 de la loi du 19 mai 2023, disposition introduite sur l'initiative de notre commission de la culture, sous l'impulsion de son rapporteur Claude Kern. Le rapport de la Cour des comptes vient, par conséquent, compléter le suivi parlementaire attentif que nous avons exercé tout au long de la préparation des Jeux, notamment dans le cadre des auditions réalisées régulièrement par Claude Kern et Jean-Jacques Lozach.

Ces Jeux ont constitué une réussite historique : une réussite sportive, bien sûr, mais aussi une réussite pour l'image de la France et son rayonnement.

Dans son rapport, la Cour des comptes souligne des points forts majeurs : si les dépenses d'organisation ont été élevées - 3 milliards d'euros environ, dont une part significative consacrée à la sécurité -, elles sont restées globalement maîtrisées ; les infrastructures ont été livrées dans les délais ; enfin, l'organisation logistique et la coordination ont été efficaces. Le rapport met aussi en avant l'apport du programme « Ambition Bleue » à la performance de l'équipe de France. La France a ainsi globalement démontré sa capacité à organiser un événement mondial sans défaillance majeure.

Le rapport souligne toutefois aussi des points faibles, notamment une traçabilité incomplète des coûts et un impact économique modeste, probablement non durable. Le bilan environnemental de l'événement est interrogé, de même que son bilan pour la pratique sportive. Enfin, l'héritage paraît limité sur le plan social, s'agissant de l'accessibilité ou de la valorisation du bénévolat. Vous nous préciserez ces points.

Ce bilan d'ensemble était indispensable. Il sera complété en 2026 par la Cour, au terme d'études encore en cours. Mais, au-delà du bilan, ce rapport doit nous permettre de mieux préparer les Jeux d'hiver de 2030. Nous serons particulièrement attentifs à vos propos à ce sujet. Ce retour d'expérience est d'autant plus précieux que les délais d'organisation de l'olympiade d'hiver française sont courts.

Je remercie la présidente Muriel Jourda et le président Claude Raynal de leur présence aujourd'hui et je leur laisse maintenant la parole pour compléter cette introduction.

Mme Muriel Jourda, présidente de la commission des lois. - Je voudrais tout d'abord m'associer aux remerciements du président Lafon ; votre présence aujourd'hui vous permettra de nous présenter, non pas votre dernier rapport, mais bien vos quatre derniers rapports sur le bilan des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. La commission des lois en a pris connaissance avec un intérêt tout particulier.

Comme vous et comme la plupart des commissions du Sénat, nous avons eu à débattre à de nombreuses reprises de l'organisation et du bilan des Jeux de 2024. Cela a notamment été le cas lors de l'examen de la loi du 19 mai 2023, dont le rapporteur était Agnès Canayer. Nous avons également fait un usage approfondi de nos prérogatives de contrôle, en amont comme en aval des Jeux. Agnès Canayer et Marie-Pierre de La Gontrie ont ainsi rendu un rapport d'étape transpartisan sur la sécurisation des événements cent jours avant la cérémonie d'ouverture. Enfin, Marie-Pierre de La Gontrie et Françoise Dumont ont, en février 2025, rendu un nouveau rapport d'information évaluant deux aspects précis de la sécurisation des Jeux : l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique et la mobilisation du secteur de la sécurité privée. Nous avons donc été loin d'être inactifs en la matière !

Je crois que nous pouvons nous satisfaire de la convergence générale de nos conclusions. Si je m'en tiens au périmètre de compétence de la commission des lois, la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques a été dans l'ensemble un grand succès, malgré les doutes qui ont pu poindre en amont de l'événement. Le titre du rapport de Mmes Canayer et de La Gontrie appelait à « gagner la médaille d'or de la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques ». Cette mission a été accomplie, grâce à un engagement sans faille des services de l'État et des collectivités impliquées, que je tiens ici à saluer. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne disposions pas de marges d'améliorations - j'y reviendrai.

Nous avons pris connaissance de vos conclusions avec un intérêt particulier parce que les cérémonies de clôture parisiennes de l'été 2024 sont loin d'avoir sonné la fin de l'histoire olympique en France. Nous accueillerons dès 2030 les Jeux d'hiver dans les Alpes françaises et, là encore, la commission des lois et le Sénat se sont déjà emparés du sujet. Notre assemblée a examiné en juin le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 qui comprend, sur le modèle parisien, une série d'adaptations temporaires de notre cadre légal nécessaires à la bonne organisation des épreuves olympiques. Il prévoit par ailleurs plusieurs dispositifs inédits et permanents, en particulier s'agissant de la sécurisation des grands événements. Le rapporteur de ce texte pour notre commission est Jean-Michel Arnaud, dont le département - les Hautes-Alpes - est concerné au premier chef par l'organisation de cet événement d'ampleur mondiale.

Les conclusions de vos travaux sont donc précieuses. Elles pourront utilement contribuer aux débats dans la suite de la navette, le calendrier de celle-ci restant toutefois à définir.

Ce tour d'horizon étant fait, je souhaite vous poser trois questions d'ordre général. Je ne doute pas que les rapporteurs que j'ai nommés viendront ensuite vous interroger.

Dans votre rapport thématique sur la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, vous identifiez plusieurs enseignements à retenir pour l'avenir. Vous citez par exemple certaines difficultés au démarrage rencontrées par la préfecture de police pour gérer l'afflux massif de renforts sur la période estivale, une faible intégration des polices municipales dans le dispositif, ou encore des déficits capacitaires pour la lutte anti-drone ou la détection d'explosifs. Pourriez-vous nous exposer en détail ces différents points ?

Sur les Jeux de 2030 ensuite, nous avons approuvé cet été plusieurs adaptations temporaires de notre cadre légal pour assurer leur bon déroulement. Avez-vous identifié au cours de vos travaux d'autres points de blocage qu'il serait nécessaire de lever pour garantir notre capacité à tenir les délais d'organisation de cet événement d'autant plus complexe qu'il est éclaté dans deux régions hôtes et quatre départements des Alpes françaises ? Je pense notamment à la question délicate de l'application des règles d'urbanisme vis-à-vis de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) ?

Vous êtes ensuite directement concerné par deux articles du projet de loi, les articles 8 et 8 bis. Le premier consacre votre compétence pour contrôler les personnes morales publiques comme privées concourant à l'organisation des Jeux tandis que le second prévoit la remise d'un rapport d'évaluation à l'issue des Jeux. Pourriez-vous, dans la mesure du possible, nous détailler la place que vous comptez accorder aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 dans votre programme de contrôle ?

Je vous remercie par avance et je cède la parole à mon collègue président de la commission des finances.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - En tant que président de la commission des finances, je dirais que les jeux Olympiques et Paralympiques doivent avant tout être regardés sous l'angle du sport, des performances et des valeurs du sport. Pour que cet événement soit réussi, il était impératif d'assurer la sécurité des sportifs et du public. Évidemment, tout cela devait être permis dans le respect des finances publiques et de l'enveloppe prévue. La Cour des comptes a évalué le coût total des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à 6,65 milliards d'euros. Si ce chiffre peut paraître important, vous prenez soin de préciser qu'il reste mesuré par rapport à d'autres éditions des Jeux - ceux de Londres auraient coûté 14,6 milliards en euros courants, bien qu'il soit toujours difficile de faire des comparaisons directes entre ce type d'événements.

Vous indiquez par ailleurs que le dépassement des coûts par rapport aux prévisions est resté mesuré. Le budget du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) est d'ailleurs en excédent de 75,5 millions d'euros, ce qui écarte tout scénario de mobilisation de la garantie de l'État. Je m'en réjouis, la commission des finances ayant alerté à plusieurs reprises sur ce risque.

Reste tout de même que les dépenses de sécurité ont dépassé de plus d'un milliard d'euros le montant annoncé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, passant ainsi de 200 millions d'euros à près de 1,5 milliard d'euros pour le budget de l'État ! Et votre rapport souligne qu'aucune véritable analyse des coûts n'avait en réalité été menée avant l'adoption de la loi de finances, ce qui est regrettable et avait déjà été mis en lumière par notre collègue Bruno Belin lors de la présentation de son rapport sur la mission « Sécurités » du budget pour 2025.

Je voudrais également saluer le rapporteur de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », Éric Jeansannetas qui, tous les ans à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, nous a présenté l'avancée du projet. Monsieur le Premier président, je vous donne la parole pour que vous puissiez nous présenter vos travaux particulièrement riches.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Merci de m'avoir convié pour vous faire part des principales conclusions de nos rapports relatifs au premier bilan des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Ces travaux répondent à une commande du Parlement, inscrite, sur l'initiative du Sénat, dans la loi du 19 mai 2023, selon laquelle la Cour devait remettre au Parlement, avant le 1er octobre 2025, un rapport sur l'organisation, le coût, l'héritage des Jeux, sur les dépenses engagées par l'État et les collectivités territoriales à cette occasion, sur les recettes engendrées et sur les exonérations fiscales dont a bénéficié l'organisateur des Jeux. Il nous a aussi été demandé d'établir un bilan du recours aux bénévoles et une évaluation de la qualité de l'accueil des sportifs et des spectateurs en situation de handicap.

Avant de vous présenter nos principales conclusions, je rappelle notre méthode, qui a consisté à conduire des contrôles in itinere, c'est-à-dire tout au long de la préparation des Jeux. Depuis 2019, la Cour des comptes agit aux côtés des chambres régionales des comptes d'Île-de-France et de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Du fait de la participation de nombreuses collectivités locales à l'organisation des Jeux, il n'était pas concevable que la Cour ne recoure pas aux chambres régionales.

Entre 2020 et 2023, le Sénat a réalisé un travail impressionnant, mais la Cour, de son côté, a fait un très gros investissement, puisque les juridictions financières ont conduit 17 contrôles, avec deux rapports transmis au Parlement, déjà, en 2022 et 2023, conformément aux dispositions de la loi olympique du 26 mars 2018. Ces rapports ont abouti à une centaine de recommandations, dont une très large part a été mise en oeuvre par les services de l'État, les collectivités territoriales concernées, le Cojop et la Solideo. On peut toujours se demander à quoi servent les rapports. En l'occurrence, ce travail a été très utile parce qu'il a permis d'identifier en amont un certain nombre de fragilités et d'y remédier, ce qui a sans doute contribué au succès des Jeux. Envisager un tel dispositif pour les Jeux d'hiver de 2030 est une bonne chose. Le projet de loi prévoit la remise d'un rapport au Parlement en 2028, ce qui veut dire qu'en réalité, la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes se mettront au travail dès 2026.

Je tiens à souligner l'importance de ce travail d'accompagnement, qui prend d'autant plus de sens dans un contexte où l'impact de l'organisation de grands événements sportifs internationaux sur nos finances publiques peut faire débat.

Je veux remercier les équipes de la Cour des comptes. Ce travail collectif, animé par le président de la troisième chambre, Nacer Meddah, nous a énormément mobilisés et a passionné les équipes.

J'en viens au bilan des Jeux. La Cour a déjà produit, le 23 juin dernier, une première estimation du montant des dépenses publiques liées aux Jeux. Je m'étais, en effet, engagé à la faire connaître rapidement aux Français. Après tout, ce sont eux qui s'acquittent de ce coût. Il fallait commencer ce travail méthodologique de recensement des dépenses et contribuer au débat public. Cette fois-ci, les chiffres sont consolidés. Les juridictions financières se sont très fortement mobilisées. Ce travail se nourrit de trois autres rapports publiés le même jour, le 29 septembre, sur les transports et les mobilités durant les Jeux, sur la sécurité et sur la Solideo. Au-delà de ces rapports, les chambres régionales des comptes ont engagé pas moins de 15 contrôles auprès des principales collectivités territoriales concernées par les Jeux, soit 15 rapports de plus, qui devraient être publiés en novembre. Nous n'en restons pas là, puisque la Cour est en train d'achever un rapport relatif au Cojop, qui sera publié début 2026. Un second rapport de bilan sera enfin publié au premier semestre 2026 afin de mettre à jour les constats et d'examiner plus en détail la question de l'héritage, sur laquelle il nous faut attendre sans doute quelques mois. Il est d'ailleurs vraisemblable qu'au-delà même de ce rapport, nous abordions l'héritage des Jeux via le contrôle des collectivités territoriales concernées, dans les années à venir. Vous le voyez, la Cour a fourni, fournit et fournira un très gros travail sur cet événement.

J'en viens maintenant aux principaux messages du rapport, qui dresse un premier bilan de l'organisation des Jeux, mais qui en tire aussi des recommandations pour l'avenir. Il peut paraître paradoxal de formuler de telles recommandations alors que les Jeux de 2024 sont derrière nous, mais les Jeux d'hiver 2030 se profilent déjà à l'horizon. Les Jeux parisiens constituent une exceptionnelle réserve d'expérience sur laquelle il faudra s'appuyer. Nos constats et recommandations pourront servir à l'organisation d'autres grands événements sportifs internationaux dans notre pays.

Notre premier message est celui de l'incontestable réussite des Jeux au regard des objectifs des organisateurs. Les Jeux ont témoigné, bien au-delà de nos frontières, du savoir-faire français en matière d'organisation de grands événements sportifs. Les installations et les équipements ont été livrés sans retard. Les compétitions se sont déroulées de façon très satisfaisante. Les infrastructures ont été à la hauteur du défi. Le déploiement massif de forces de l'ordre a permis d'éviter tout incident. C'est un succès collectif qui a fait incontestablement rayonner notre pays dans le monde entier. Jusqu'à cinq milliards de téléspectateurs ont suivi l'événement : c'est un record. Pour notre pays aussi, les Jeux ont été une source de fierté, d'engouement populaire. Ils ont démontré nos capacités à mener à bien un projet d'envergure internationale : quand nous voulons, nous pouvons. Ils ont aussi été un beau succès pour le sport de haut niveau français. Enfin, les avancées sont notables sur les aspects sociaux de durabilité et d'accessibilité que la candidature de Paris avait mis en avant. Ayant dit cela, je pourrais presque m'arrêter, mais j'apporterai ensuite précisions et nuances.

Notre deuxième message concerne les dépenses publiques et le bilan économique des Jeux : une forte mobilisation des finances publiques ; une absence de dérapage malgré des erreurs de prévision notables ; un impact économique encore modeste à ce stade.

Le premier point concerne la forte mobilisation des finances publiques. Nous parvenons à un montant total de 6,6 milliards d'euros, composé de 3 milliards d'euros pour les dépenses d'organisation et de 3,6 milliards d'euros pour les dépenses d'infrastructures. La note d'étape de juin mentionnait 2,8 milliards d'euros et 3,2 milliards d'euros. Nous avons dû actualiser les montants en prenant en compte les dépenses des collectivités territoriales. Ces deux catégories de dépenses - organisation et infrastructures - sont très différentes. Les premières ont un impact ponctuel, lié au déroulement des Jeux, alors que les secondes ont un effet durable, en venant accroître le patrimoine de la Nation. Elles sont un investissement pérenne. Ces montants ont été revus à la hausse pour tenir compte des dépenses des collectivités identifiées depuis juin par les chambres régionales des comptes, mais aussi d'une première estimation du coût des actions engagées pour assurer la baignabilité de la Seine. Dans notre note de juin, nous avions provisoirement décidé de ne comptabiliser aucune des dépenses du plan baignade. En effet, il était alors très difficile, méthodologiquement, de faire la distinction entre les dépenses imputables à l'événement et celles qui correspondaient à la mise en conformité de notre pays avec deux directives européennes sur la qualité de l'eau. Un montant d'environ 200 millions d'euros, sur le milliard d'euros de dépenses engagées dans le cadre du plan baignade, avait été identifié. Il s'agissait des travaux réalisés en vue des Jeux ainsi que des coûts d'accélération liés. L'instruction complémentaire conduite auprès de la Ville de Paris par la chambre régionale des comptes d'Île-de-France permet de porter ce montant, toujours provisoire, à 331 millions d'euros.

Face à ces dépenses, les recettes publiques générées par l'organisation des Jeux s'élèvent à 294 millions d'euros. Elles sont composées de 83 millions d'euros de recettes de TVA perçues sur les activités du Cojop et de 196 millions d'euros issus de l'activité des services publics mobilisés pour les Jeux, c'est-à-dire Île-de-France Mobilités et France Télévisions. En réponse à l'interrogation du Parlement sur la fiscalité dérogatoire portant sur les revenus générés par les grands événements sportifs, nous évaluons les dépenses fiscales à 250 millions d'euros pour les Jeux. Toutefois, ce n'est qu'une estimation, faute de chiffrage établi par l'administration, malgré une demande de la Cour de 2021. Je réitère fermement cette demande : l'administration doit procéder sans délai à une évaluation des dépenses et recettes fiscales engendrées par les Jeux. Il n'est pas normal d'attendre cinq ans pour connaître ce chiffre, et encore, approximativement.

Ces estimations ont été réalisées selon la même méthodologie que dans la note d'étape, c'est-à-dire une approche élargie des dépenses liées aux Jeux. Ont été comptées les dépenses contribuant à la réussite des Jeux, sans qu'elles conditionnent strictement leur tenue. La Cour a aussi considéré qu'il fallait intégrer les actions des pouvoirs publics au bénéfice des populations dans une logique d'héritage, notamment les opérations d'aménagement urbain autour du village olympique et du village des médias. Je sais que cette approche n'a pas toujours été admise par nos interlocuteurs, qui voulaient absolument vendre la thèse selon laquelle les Jeux finançaient les Jeux. Non, les Jeux ne financent pas les Jeux : ces opérations ne sont pas totalement autoportées, ce n'est pas anormal de le dire et je ne vois pas pourquoi on s'obstine à vouloir imposer cette lecture. Notre méthodologie est rigoureuse et totalement justifiée. Elle répond d'abord à la commande du Parlement. Elle est cohérente avec le dossier de candidature. Elle répond au souhait exprimé par le Comité international olympique (CIO) d'un héritage. Il faut un bilan global des coûts : c'est aussi simple que cela.

Ensuite, il est nécessaire de distinguer le bilan du Cojop de celui des Jeux. Dans sa réponse, M. Estanguet critiquait vivement la Cour, mais en réalité, il se concentrait sur le Cojop, association chargée par le CIO de livrer les compétitions sportives. Ses financements étaient pour l'essentiel d'ordre privé, principalement issus du CIO, du mécénat et de la vente de billets. L'État n'a apporté au Cojop que 6 % de ses ressources, essentiellement pour financer les jeux Paralympiques. Honnêtement, la gestion du Cojop a été un beau succès, qui s'est traduit par un résultat excédentaire de 76 millions d'euros, grâce à la réussite de la billetterie et des levées de fonds. Cette somme a vocation à financer des actions contribuant au développement du sport et libère l'État de tout risque d'appel de sa garantie. Mais les dépenses du Cojop ne représentent qu'une portion réduite des dépenses réalisées à l'occasion des Jeux. Il a fallu que l'État, les collectivités et les entreprises publiques se mobilisent massivement, pour la sécurité en dehors des sites, à hauteur de 1,4 milliard d'euros, ou pour les transports, qui ont coûté 570 millions d'euros au titre de l'organisation des Jeux. En vérité, les dépenses d'organisation n'ont jamais été couvertes par les recettes résultant des Jeux, ni à Paris, ni à Londres, ni à Athènes.

Les dépenses d'infrastructures, que nous estimons à 3,6 milliards d'euros, généreront dans l'avenir des flux économiques et dégageront des externalités positives. C'est du patrimoine utile. Elles produiront aussi, pour les acteurs publics, des recettes ou des dépenses d'entretien par exemple. Ces flux-là ne sont pas évaluables à date. Il sera utile d'y revenir dans quelques années dans le cadre des contrôles futurs de ces infrastructures.

Le deuxième point est l'absence de dérapage ou de dérive budgétaire. Nous estimons que le coût des Jeux a été contenu, malgré la forte mobilisation des finances publiques. Les Jeux de Paris ont été environ deux fois moins coûteux que les Jeux de Londres. Évidemment, ce n'était pas tout à fait les mêmes Jeux, puisque ceux de Paris ont été installés au centre de la ville dans des infrastructures déjà existantes alors que ceux de Londres ont créé une nouvelle partie de la ville. Les dépenses d'infrastructures supervisées par la Solideo ont été globalement conformes aux prévisions, ce qui est plutôt une réussite. Il en va de même pour les investissements dans les transports. Il faut toutefois noter les mesures salariales significatives accordées par les opérateurs de transport pour assurer la mobilisation de leurs équipes.

Le bilan diffère sur un point : la sécurité. Le coût, élevé, a longtemps été sous-estimé. Les dépenses en la matière ont atteint 1,7 milliard d'euros, en raison de choix politiques. Organiser des Jeux au coeur de Paris, ville la plus dense d'Europe, imposait la présence massive des forces de sécurité. L'État est aussi intervenu avec vigueur et succès pour structurer le secteur de la sécurité privée afin d'éviter toute défaillance qui, comme à Londres, aurait nécessité une sorte de substitution par les forces de l'ordre et les militaires. L'État s'est fixé des objectifs et s'est donné les moyens de les atteindre. Ce n'est pas une dérive des coûts, mais une absence de prévision qu'il faut souligner. Le ministère de l'intérieur et le ministère des armées n'avaient tout simplement pas établi de prévision du coût de la sécurité et comptaient sur un hypothétique remboursement a posteriori. En 2023, le ministère de l'intérieur communiquait sur un coût de 200 millions d'euros, puis a évoqué 500 millions. Finalement, ce coût s'élève à 1,7 milliard d'euros. Si les montants en dépenses ne sont pas en soi excessifs au regard des objectifs, la Cour considère qu'il est anormal de ne pas anticiper le coût d'un tel événement. Cette leçon doit valoir pour l'avenir.

Outre cette prévision initiale défaillante, les dépenses de sécurité ont été marquées par une politique indemnitaire très avantageuse. Les dépenses de personnel ont atteint 679 millions d'euros. Le ministère de l'intérieur a dérogé à la circulaire du Premier ministre et a offert une prime plus favorable à ses agents, avec des conditions d'attribution très larges. Au total, un gardien de la paix a bénéficié en moyenne d'une hausse de son salaire de 10 % en 2024 par rapport à 2023. Ceci a d'ailleurs entraîné des effets reconventionnels sur d'autres administrations pour 30 millions d'euros. À l'avenir, dans de telles circonstances, une approche plus coordonnée et plus maîtrisée des politiques de primes mériterait d'être assurée au sein de la sphère publique. Il y a donc incontestablement des marges d'amélioration dans la perspective des Jeux de 2030.

Le troisième point est le bilan économique des Jeux. Leur impact sur l'économie française a été limité à court terme. D'une part, l'effet des dépenses publiques d'infrastructures engagées pendant la phase de préparation des Jeux a été atténué par la hausse des prix. D'autre part, l'effet direct sur le PIB a été réduit par des effets d'éviction, notamment en matière de tourisme. Ainsi, l'impact des Jeux sur la croissance économique annuelle en 2024 a été estimé par la Cour à + 0,07 point de PIB, donc moins de 0,1 point de PIB. Ce n'est pas anormal : l'année des Jeux est généralement mauvaise pour le tourisme, mais ce secteur connaît ensuite un rattrapage. L'année 2025 a sans doute été bonne - on attend le bilan. C'est encore difficile à anticiper. Dans les années à venir, il sera utile d'évaluer les flux économiques, les externalités positives, mais aussi les dépenses d'entretien générées par les 3,6 milliards d'euros de dépenses d'infrastructures.

Le troisième message que nous adressons, dont il faudra sans doute tenir compte pour les jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2030, concerne la gouvernance de ces Jeux de Paris 2024. Celle-ci s'est révélée adaptée à leur préparation : la Cour souligne le succès des actions de coordination pilotées par l'État, dans le respect des attributions des multiples acteurs concernés et sans bouleversement institutionnel.

Cela n'était pas gagné d'avance. Par exemple, la maîtrise d'ouvrage des infrastructures pérennes était répartie entre trente-trois maîtres d'ouvrage, mais elle a été assurée sous la seule supervision de la Solideo. Cette dernière est parvenue - c'est un exploit - à faire travailler ces différents maîtres d'ouvrage de manière assez fluide, à faire respecter les délais et les enveloppes budgétaires. Par ailleurs, le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (Dijop) s'est acquitté efficacement de sa mission. De la même façon, le comité stratégique des mobilités a joué un rôle décisif dans le pilotage du volet « transports ».

De nombreux retours d'expérience ont nourri une démarche que je qualifierai de « relativement pragmatique ». Les différents acteurs de cette gouvernance se sont ainsi efforcés de tirer les leçons des événements sportifs les plus récents et des tests simulant le déroulement des épreuves olympiques. Il ne faut pas non plus oublier le rôle des contrôles in itinere des inspections ministérielles et de la Cour des comptes.

Enfin, au niveau du Cojop et de la Solideo, le rôle des différents comités - audit, éthique, rémunérations - a été positif. Cela s'explique par l'expérience et les compétences de leurs membres, ainsi que par l'indépendance de ces instances.

Voilà autant de points forts concernant la gouvernance des Jeux de 2024, laquelle constitue bien évidemment un capital d'expériences utiles, même si un tel modèle ne saurait être répliqué intégralement dans la perspective des Jeux d'hiver de 2030, qui seront des Jeux assurément différents.

À cet égard, plusieurs enjeux se dégagent d'ores et déjà nettement.

Sur un plan financier, l'enjeu tient tout d'abord à la participation publique au budget du Cojop et de la Solideo : 462 millions d'euros d'argent public sont d'ores et déjà prévus, soit un montant supérieur à celui prévu pour les Jeux de Paris - le financement public s'élevait à 224 millions d'euros. La question porte aussi sur la garantie apportée par l'État au Cojop. Je sais que le Sénat n'a pas voté la disposition figurant à l'article 5 du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, qui autorise les deux régions hôtes de ces Jeux, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, à accorder une garantie financière au déficit du Cojop, d'un montant ne pouvant excéder le quart de ce déficit. Nous verrons ce qu'il adviendra de cette mesure au cours de la navette parlementaire.

Ajoutons que la carte des sites de compétition n'est pas encore arrêtée. Il y a notamment ce fameux match entre Val d'Isère et Méribel au sujet duquel je ne donnerai naturellement pas mon avis, mais qui laisse craindre des surcoûts mal anticipés. La Cour sera également attentive à la budgétisation des dépenses de sécurité, qui a été défaillante en 2024. Ce volet financier impliquera, vous vous en doutez, un suivi tout particulier.

La gouvernance est l'un des autres enjeux fondamentaux en vue de Jeux d'hiver de 2030. Il faudra tenir compte d'un contexte institutionnel très différent de celui de Paris. Le paysage institutionnel est en effet beaucoup plus morcelé : deux régions ; des petites communes de montagne qui ne disposent pas toujours de l'ingénierie nécessaire pour réaliser les ouvrages ; un panel d'acteurs plus complexe que pour les Jeux de 2024 ; enfin, un certain éparpillement géographique. Un tel environnement implique une coopération plus étroite qu'elle ne l'a été lors des Jeux de Paris.

Vous le déduisez facilement : les contrôles seront utiles, tant le sujet des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 n'est pas simple.

Le quatrième message de notre rapport porte sur l'organisation des Jeux.

Nos recommandations portent évidemment sur les comités d'éthique, d'audit et de rémunérations, les conseils d'administration du Cojop et de la Solideo, et visent toutes à faire respecter leur indépendance. Nous recommandons notamment de limiter le nombre d'instances de coordination durant la phase préparatoire, afin d'éviter tout risque de « comitologie ».

Sur ce volet « organisation » des Jeux de 2024, le bilan est globalement satisfaisant. Plusieurs points notables peuvent être relevés.

Le premier tient à ce que le Cojop, qui était chargé de la livraison de l'événement, ait eu recours à un modèle novateur reposant sur une démarche d'externalisation : plutôt que de le faire de manière directe, comme c'était le cas lors de précédentes éditions, le comité a confié la gestion de certains sites à leurs exploitants habituels ou à des entreprises événementielles. Le Cojop estime que cette gestion déléguée a permis de réduire considérablement sa charge de travail dans la phase terminale de préparation des Jeux, tout en offrant un niveau de service équivalent à celui qui a été pratiqué sur les sites gérés en interne. Il s'agit d'une modalité alternative intéressante pour de futurs grands événements sportifs, à deux réserves près : d'une part, elle n'a pas fait l'objet d'une comparaison financière globale de la part du Cojop ; d'autre part, je ne suis pas certain qu'une telle gestion puisse être répliquée partout et en toutes circonstances, tout simplement parce qu'elle suppose l'existence d'une filière événementielle locale, ce qui était évidemment le cas pour les Jeux de Paris, mais ce qui ne le sera pas forcément pour les Jeux d'hiver de 2030.

Ma deuxième remarque porte sur les bénévoles. Leur contribution a été essentielle à l'organisation des Jeux. Le recours au bénévolat a été massif, et une charte du volontariat olympique et paralympique a encadré cette mobilisation. Les bénévoles ont pu bénéficier de deux dispositifs de reconnaissance de leur engagement. Il est toutefois regrettable qu'il n'existe pas de stratégie nationale pour faire fructifier les contributions de ces bénévoles, qui ont été près de 50 000 au total.

Autre point à souligner, les Jeux ont donné lieu à des actions concrètes en matière d'accessibilité, d'équipement, de signalétique, de formation des opérateurs de transports, d'assistance et d'accueil. L'aménagement des infrastructures de transports s'est accéléré : 56 gares franciliennes et 21 stations de métro ont ainsi fait l'objet de travaux d'accessibilité. Cela étant, il faut le reconnaître, l'ambition est restée mesurée au regard des défis qui se posent au quotidien.

Toujours en termes d'organisation, le bilan social des Jeux s'avère très positif, notamment pour ce qui est des conditions de travail sur les chantiers : aucun accident mortel n'est survenu sur les chantiers des ouvrages qui étaient sous la supervision de la Solideo, ce qui, pour des chantiers de cette ampleur, est à souligner. Il en va de même des objectifs d'insertion, de l'accès au marché des TPE et des structures de l'économie sociale et solidaire (ESS). Les différentes parties prenantes se sont dotées de divers outils, tels que la charte sociale Paris 2024 ou la charte en faveur de l'emploi et du développement territorial, et ont conclu des partenariats en faveur de l'ESS.

En revanche, le bilan des objectifs fixés pour assurer la durabilité des Jeux est plus délicat à dresser. L'ambition exprimée dans le cadre de la candidature de Paris était très claire : parmi la quarantaine d'engagements en matière d'environnement pris alors, nombre d'entre eux ont évolué, ce qui rend leur suivi peu lisible. De ce fait, les résultats des évaluations publiés doivent être nuancés. Quelques enseignements peuvent toutefois être tirés : d'abord, l'importance des choix initiaux, qui limitaient fortement le nombre de constructions ; ensuite, les efforts importants menés sur les chantiers et les ouvrages pour réduire leur empreinte carbone ; enfin, l'impact majeur du transport des spectateurs accrédités. Dans la perspective des Jeux d'hiver de 2030, notre rapport préconise de confier à un comité d'experts indépendant le suivi du respect des engagements environnementaux.

J'en viens maintenant au cinquième et dernier message consacré à l'héritage des Jeux de Paris 2024. Cet héritage multiple présente des aspects positifs, mais il devra être évalué dans la durée.

Le concept d'héritage englobe tous les bénéfices matériels et immatériels à long terme permis ou précipités par la tenue des Jeux. Il constituait un axe fort de la candidature de Paris 2024. Il a été décliné dans le cadre d'une multitude de stratégies, afin de maximiser les retombées positives pour la société. Cet héritage est à l'origine de divers programmes, mais des incertitudes subsistent quant au financement et à la pérennité de ceux-ci, alors que le Cojop est en phase de liquidation et qu'ils ont été transférés à l'Agence nationale du sport (ANS).

L'héritage méthodologique des Jeux s'est révélé particulièrement riche. Je pense notamment à la supervision exercée par la Solideo, laquelle a permis la livraison des ouvrages dans les délais impartis. Dans le domaine de la sécurité, les Jeux ont été l'occasion de nombreuses expérimentations et ont permis de tirer de multiples enseignements, avec notamment une planification en amont de l'action qui a été incontestablement un facteur de succès. Dans l'ensemble, l'État a privilégié la mobilisation des outils existants, une méthode qui a contribué à ce que l'on fasse des économies budgétaires, qui a permis de constater la résilience et la pertinence de l'organisation française en matière de sécurité.

Dans le domaine des transports, la culture partagée de la gestion dynamique des flux pourrait opportunément être réinvestie dans une politique de mobilité du quotidien.

Sur le plan matériel, les Jeux de Paris 2024 ont été perçus comme un catalyseur de la politique d'aménagement urbain d'un département, la Seine-Saint-Denis. Toutefois, l'impact d'ensemble de ces Jeux sur l'urbanisme francilien ne se mesurera qu'à moyen terme. Concernant les équipements sportifs, leur niveau d'appropriation par les usagers ne pourra être évalué que progressivement. J'alerte sur le coût que représentera leur gestion à l'avenir, quelles qu'en soient les modalités, et sur la nécessité de trouver le modèle économique adapté à chacun d'entre eux. Ce point doit faire l'objet de toute notre attention, notamment au regard de la situation financière des collectivités territoriales - je pense là encore plus particulièrement au département de la Seine-Saint-Denis.

Par ailleurs, sept premiers sites de baignade dans la Seine et dans la Marne ont été ouverts durant l'été 2025, avec l'objectif, à terme, d'en ouvrir trente-deux. Si l'on continue d'enregistrer une progression du nombre d'ouvertures de ces sites, malgré des incertitudes subsistant sur la qualité de l'eau après de forts épisodes de pluie, l'ampleur des investissements à réaliser pour mener ces chantiers doit nous conduire à une certaine prudence quant à l'appréciation de l'héritage des Jeux dans ce domaine.

Permettez-moi de conclure sur l'héritage sportif des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. La Cour estime que la stratégie de haute performance portée par l'ANS a porté ses fruits en permettant à la France d'atteindre ses objectifs, notamment en termes de médailles d'or. Notre rapport souligne que l'inscription de la stratégie dans la durée doit s'appuyer sur une consolidation des facteurs de réussite, notamment le ciblage des moyens, l'amélioration de l'accompagnement de la jeune génération et le développement du secteur paralympique. Concernant le développement des pratiques sportives, la pérennisation de nombreuses mesures demeure à confirmer. Il est encore trop tôt pour en dresser un bilan définitif.

En matière d'héritage, notre rapport recommande d'anticiper au maximum les conditions de transfert des différents programmes en désignant les structures légataires et en définissant des calendriers de bascule. Nous reviendrons sur cette question de l'héritage des Jeux de Paris 2024 au cours du premier semestre 2026.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, voici les principaux constats, les principales recommandations de la Cour concernant l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La Cour des comptes, tout comme les chambres régionales des comptes, a été au rendez-vous du contrôle et du suivi du chantier des Jeux de Paris, et ce depuis leur lancement. Nous le serons à nouveau, une fois le projet de loi idoine adopté, pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Monsieur le Premier président, je vous remercie de la précision de vos propos.

J'ai plus particulièrement noté que, d'une part, vous aviez reconnu qu'il n'y avait pas eu de dérapage budgétaire à l'occasion de ces Jeux de Paris 2024 et que, d'autre part, vous aviez salué le bilan social des Jeux. À ce sujet, permettez-moi de témoigner de la qualité de la relation que nous avons nouée avec Nicolas Ferrand et les équipes de Solideo, dont le grand professionnalisme a certainement pleinement contribué à ce qu'il n'y ait ni dérive budgétaire inconsidérée ni problèmes majeurs sur les chantiers.

Vous avez conclu votre propos en dressant un bilan globalement positif des Jeux de Paris - les ouvrages ont en effet été livrés dans les temps, et les Jeux se sont déroulés dans de très bonnes conditions, avec un accueil du public et des sportifs des plus appréciables. À cet égard, et sans esprit de polémique, je souhaiterais cependant revenir sur les remarques que vous a adressées le président du Cojop, Tony Estanguet, lequel a reproché à la Cour des comptes, depuis sa note d'étape de juin dernier, d'avoir retenu dans son calcul des dépenses annexes, voire d'opportunité, qui ne sont pas strictement nécessaires à l'organisation des Jeux, comme la construction d'écoles, le prolongement de la ligne 14 du métro, l'enfouissement des lignes à haute tension ou les surcoûts des chantiers de rénovation du Grand Palais. Ma question est donc simple : considérez-vous que ces remarques sont pertinentes ?

Ma deuxième question est également très simple : quels enseignements peut-on tirer des Jeux de Paris 2024 en vue de l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 ?

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis du programme 161 « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ». - Comme vous le savez, monsieur le Premier président, la commission des lois s'est beaucoup impliquée sur le sujet de l'expérimentation de la vidéoprotection algorithmique pendant les Jeux de Paris 2024.

À la lecture du rapport de la Cour des comptes, je constate que les bilans opérationnels que nous tirons de cette expérimentation sont tout à fait similaires, à savoir des bilans mitigés qui varient notamment en fonction des cas d'usage. De fait, les conditions de mise en oeuvre de l'expérimentation ne permettaient pas nécessairement d'en déployer tout le potentiel. Notre commission a donc plaidé pour prolonger cette expérimentation, mais selon des modalités aménagées selon quatre axes : il faut selon nous prévoir la possibilité d'utiliser le dispositif en dehors des grands événements sportifs et culturels ; il faut également autoriser certains agents communaux, qui ne seraient pas policiers municipaux, à accéder aux signalements dans des conditions strictement encadrées ; il convient aussi de favoriser une autonomie accrue des services utilisateurs pour le choix et le calibrage des solutions technologiques ; enfin, il est souhaitable de renforcer l'indépendance du comité d'évaluation.

Ces aménagements, qui ont été pour partie introduits dans le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, sur l'initiative de notre rapporteur Jean-Michel Arnaud, vous semblent-ils de nature à combler les lacunes de l'expérimentation ?

Tout comme la commission des lois dans un rapport qu'elle a rendu en février dernier, vous dressez un bilan plutôt élogieux de la participation de la sécurité privée aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Si la filière a incontestablement gagné en maturité, il serait illusoire de penser que son essor est achevé. Je rappelle que le déficit d'agents de sécurité privée s'élèverait à 20 000 personnes, selon les estimations du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Quels leviers identifiez-vous, dans le sillage des Jeux de Paris, pour répondre à ce problème d'attractivité ?

M. Claude Kern, rapporteur pour avis pour la commission de la culture du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. - Monsieur le Premier président, en préambule, permettez-moi de vous remercier d'avoir respecté le délai que nous vous avions fixé pour la remise de ce rapport au Parlement.

Je voudrais revenir sur le dernier point que vous avez évoqué, l'héritage des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Malgré une stratégie visant à développer une nation sportive, la Cour souligne que la pérennisation de l'héritage sportif reste incertaine, notamment faute de garanties sur le financement des programmes et d'évaluation de leur impact réel. Quelles recommandations la Cour pourrait-elle formuler afin de garantir que l'héritage sportif des jeux Olympiques et Paralympiques profite effectivement au développement durable de la pratique sportive pour tous, notamment chez les jeunes et sur l'ensemble du territoire, dans un contexte budgétaire contraint ?

La Cour constate également qu'un modèle innovant d'externalisation partielle de la livraison des sites et des compétitions a été utilisé. Toutefois, vous regrettez l'absence d'analyse comparative entre externalisation et gestion internalisée, ce qui limiterait la possibilité d'en évaluer la pertinence. Quelle est votre appréciation de l'intérêt ou des limites d'un tel dispositif dans l'organisation des grands événements sportifs à venir ?

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis pour la commission de la culture du programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Monsieur le Premier président, comment expliquez-vous la réaction des organisateurs des Jeux de 2024 à vos annonces sur le coût de ces Jeux pour la collectivité ?

Le rapport de la Cour précise que le coût global des Jeux de Paris 2024 - 3 milliards d'euros pour ce qui concerne leur organisation, et 3,63 milliards d'euros pour les infrastructures - traduit un effort financier considérable, mais contenu au regard des précédentes olympiades, et notamment des Jeux de Londres en 2012 - les Jeux de Paris ont ainsi été deux fois moins coûteux. Pourriez-vous revenir sur les principaux facteurs - mutualisation, externalisation de certaines fonctions, modération des ambitions initiales - ayant permis cette relative maîtrise des coûts ?

Dans les statuts du Cojop, il est prévu que 60 % de l'excédent dégagé serve à financer des actions contribuant au développement du sport en France. Une part de cet excédent a ainsi été affectée à la réinstallation de la vasque olympique. Pourriez-vous nous fournir des détails sur l'utilisation du boni ? L'estimez-vous pertinente ? Que préconisez-vous en matière de transparence, de contrôle et d'affectation de cet excédent, afin que nous nous assurions que cet héritage olympique profite effectivement à tous ?

Par ailleurs, la Cour des comptes relève que l'impact économique des Jeux sur la croissance française est limité - + 0,07 point de PIB en 2024 -, et doit être considéré avec prudence au vu des nombreuses incertitudes pesant sur notre économie. Comment améliorer la méthode d'évaluation des retombées économiques de ce type d'événement, à la fois sur le fond et sur la méthode ? Recommanderiez-vous la mise en place d'un comité d'experts indépendant, comme vous le préconisez pour le suivi du respect des engagements environnementaux ?

Enfin, la Cour formule un certain nombre de recommandations en matière de gouvernance et de coordination des différentes instances. Estimez-vous que le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, que le Sénat a examiné en juin dernier, est suffisamment complet dans ce domaine ? Faudrait-il apporter davantage de garanties en termes de transparence et d'éthique ?

M. Pierre Moscovici. - Messieurs les sénateurs Jeansannetas et Lozach, vous m'interrogez sur la réaction « épidermique » des organisateurs des Jeux de Paris 2024, notamment de Tony Estanguet, à la suite de la publication, en juin 2025, de la note d'étape de la Cour sur l'impact financier de cet événement. À vrai dire, je ne l'ai pas bien comprise, et je pense aujourd'hui que nous ne parlions pas tout à fait de la même chose : le Cojop a adopté un point de vue qui lui est propre, c'est-à-dire celui d'une instance financée presque en totalité par de l'argent privé, quand la Cour des comptes, elle, a répondu à votre commande, mesdames, messieurs les parlementaires, en estimant le coût global de ces Jeux de Paris, sans imputation erronée, et en tenant compte de ce qui était envisagé au moment de la candidature et des critères du CIO. En somme, la Cour n'a fait que son métier...

Peut-être la note d'étape s'est-elle heurtée à la volonté de certains de faire croire que les Jeux pouvaient financer les Jeux. J'en suis désolé, mais cette assertion est fausse. Cela ne signifie pas pour autant que le bilan du Cojop soit négatif - la preuve en est qu'il dégage un excédent. Peut-être aussi a-t-on voulu minimiser le coût des Jeux pour en faciliter l'acceptation sociale, dans un contexte où nos finances publiques sont au coeur des débats, et ce alors même que ce coût n'est pas excessif, je l'ai dit, par rapport à de précédentes éditions.

J'estime pour ma part que l'incident est clos. La Cour des comptes est une institution connue des Français, reconnue, qui fait référence : en définitive, c'est notre estimation qui s'impose, car elle est juste et exhaustive.

Monsieur le sénateur Jeansannetas, pour ce qui est des enseignements à tirer des Jeux de Paris 2024 en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, je ne peux que vous renvoyer aux recommandations que comporte notre rapport. Il ne m'appartient pas, monsieur le sénateur Lozach, puisque vous me questionnez sur le texte relatif à l'organisation des JOP de 2030, de commenter les projets de loi dont est saisie votre Haute Assemblée. Je ne me permettrai pas de me mettre à la place du législateur. Je dirai simplement qu'il ne serait pas inutile de s'inspirer de nos recommandations, notamment en matière d'indépendance des comités d'éthique, d'audit et de rémunérations. En vérité, plus encore que les textes de loi, c'est la mise en oeuvre des Jeux qui importe, d'autant que les Jeux de Paris et les Jeux d'hiver de 2030 sont de natures totalement différentes.

Madame la sénatrice Dumont, la Cour s'est en effet intéressée à ce que l'on appelle parfois la « vidéosurveillance augmentée ». Le recours à cet outil relève d'un choix politique qu'il ne nous appartient absolument pas de commenter, d'autant que tous ces instruments sont autorisés par la loi. Nous avons simplement constaté que les dispositifs de vidéosurveillance ont été déployés sous le contrôle étroit du juge, saisi à de nombreuses reprises, ainsi que de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). En la matière, le bilan est mitigé, parce qu'il nous a semblé que les jeux Olympiques de 2024 n'étaient pas l'événement le plus adapté à une telle expérimentation. Nous n'en tirons pas pour autant de conclusion générale et vous renvoyons vers notre rapport sur la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques, ainsi que vers le rapport du comité d'évaluation sur l'expérimentation de la vidéosurveillance « intelligente », présidé par Christian Vigouroux, président de section honoraire au Conseil d'État.

Pour ce qui concerne la sécurité privée, la Cour des comptes revendique d'avoir joué un rôle de lanceur d'alerte : l'un de nos rapports préalables indiquait que nous étions loin du compte dans ce domaine à l'approche des Jeux. On a pu observer une montée en puissance bienvenue des dispositifs grâce à l'implication très forte des pouvoirs publics. La formation, responsabilité essentielle du ministère de l'intérieur, est bien sûr au coeur des enjeux, et les remarques que vous avez faites sur la structuration générale de la filière me semblent parfaitement valables.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur l'héritage immatériel des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Cet héritage s'évalue sur le temps long, et le rapport que nous avons remis au Parlement ne constitue bien entendu qu'une première étape de cette appréciation.

Dans sa composante immatérielle, les travaux de la Cour ont souligné le legs essentiel des Jeux dans de nombreux domaines : la sécurité ; la gouvernance des pouvoirs publics ; l'insertion professionnelle.

J'évoquerai pour ma part trois héritages emblématiques. D'abord, la Cour a évalué les nombreux dispositifs mis en oeuvre à l'occasion des Jeux de 2024 pour promouvoir l'activité physique et sportive. L'ambition de changer la place du sport dans la société a profité à de nombreux publics, notamment les jeunes. Les clubs sportifs ont également bénéficié de cet élan. Néanmoins se pose aujourd'hui la question de l'inscription de cet effort dans la durée : quid du budget du ministère des sports dans le prochain projet de loi de finances ? Un deuxième héritage fondateur de cette olympiade est l'inclusion des personnes en situation de handicap, avec une visibilité inédite offerte aux sportifs paralympiques. Enfin, il faut saluer la mise en oeuvre d'un programme de haute performance sportive qui a contribué à la réussite des athlètes français en valorisant le modèle sportif national.

Vous avez été plusieurs à m'interroger sur le recours à l'externalisation. Pour les Jeux d'hiver, il faudra y regarder de près, examiner site par site les bénéfices d'une telle démarche. Pour l'instant, les données dont nous disposons en matière de gestion externalisée reposent essentiellement sur l'appréciation du Cojop lui-même, qui estime que cela lui a permis de mieux gérer - et sans surcoût - certains événements qu'il ne l'aurait fait en interne. Il faudra expertiser ce point ultérieurement pour nous en assurer. J'ajoute, s'agissant des Jeux d'hiver, qu'il conviendra de veiller, si l'on recourt à une gestion externalisée, à ce qu'il y ait une filière événementielle suffisamment armée pour répondre à l'ensemble des défis. À Paris, c'était une certitude ; l'est-ce aussi dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur ?

Monsieur le sénateur Lozach, le boni de 75 millions d'euros du Cojop a été reversé dans un fonds de dotation placé sous l'égide du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ce boni fera l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes en 2026 : il s'agira de nous assurer de sa bonne utilisation. Autre point, vous suggérez d'améliorer l'évaluation des retombées économiques des Jeux par la mise en place d'un comité d'experts indépendant : cette proposition, même si elle ne figure pas dans notre rapport, mériterait d'être discutée. La Cour propose en effet la mise en place d'un tel comité pour l'appréciation du bilan ou de l'héritage des JOP en termes de développement durable ; nous pourrions donc envisager une telle formule pour l'évaluation de leur héritage économique.

M. Michel Canévet. - Concernant les rémunérations, la Cour a-t-elle observé d'éventuels dérapages qui appelleraient un recadrage dans la perspective des prochains jeux Olympiques et Paralympiques ?

Pour la bonne tenue de cette Olympiade, il a été fait appel à des lois d'exception. Quels enseignements pourrait-on tirer de la mise en oeuvre de ces lois d'exception en vue d'encourager notre économie et de stimuler la croissance ?

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. - Monsieur le Premier président, vous avez rappelé à juste titre que la gouvernance des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 serait, au vu de la nature même des territoires concernés, forcément différente de celle des Jeux de Paris. Compte tenu de l'héritage laissé par les jeux de 2024, mais aussi de l'éclatement géographique des territoires qui accueilleront les prochains Jeux d'hiver en France - quatre départements et deux régions sont concernés, et les différents sites sont significativement éloignés -, quelles recommandations feriez-vous pour parvenir à la gouvernance la plus opérationnelle possible ?

Vous avez aussi évoqué l'adoption en première lecture par le Sénat, le 24 juin dernier, du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Vous avez notamment mentionné la suppression de l'article 5 que, à ce stade, le Sénat n'a pas souhaité adopter, dans l'attente de prévisions plus précises sur ce que pourrait être le coût global de ces Jeux. Disposeriez-vous aujourd'hui d'outils méthodologiques permettant d'obtenir une estimation fiable et consolidée du coût de ces Jeux d'hiver ? Si c'est le cas, quelle est-elle ? Sinon, que faire pour éclairer la représentation nationale sur ce point, et ce afin de ne pas exposer les collectivités à un risque mal évalué et à une mesure qui les contraindrait à couvrir une partie du déficit probable de ces Jeux de 2030 ?

Mme Mathilde Ollivier. - Monsieur le Premier président, vous estimez que les objectifs des Jeux de Paris 2024 en matière de sobriété environnementale ont été globalement respectés, tout en déplorant le manque d'indicateurs post-Jeux. Vous soulignez notamment la difficulté qu'il y a à déterminer si les objectifs de durabilité ont été atteints, ce qui vous amène à proposer la mise en place d'un comité d'experts indépendant pour les prochains Jeux. La durabilité et l'adaptation des territoires au changement climatique, notamment au travers des émissions de CO2, de la biodiversité et du recyclage des sites, seront l'un des principaux enjeux des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030. Dans cette perspective, en quoi un tel comité d'experts indépendant serait-il davantage approprié ? Quelles ont été les limites de la gouvernance des Jeux de 2024 sur ce volet spécifique ?

La Cour des comptes note également que l'héritage réel des Jeux de Paris 2024, qu'il s'agisse de la pratique sportive ou de la cohésion sociale, ne peut être évalué que sur le long terme. Quel dispositif de suivi recommandez-vous pour garantir dans la durée une évaluation rigoureuse et transparente de cet héritage ? Vous avez affirmé que vous aviez un certain nombre d'indicateurs vous permettant d'estimer l'impact des Jeux de 2024 dans le domaine de la haute performance. De quels indicateurs disposons-nous pour ce qui est de la pratique sportive et de la promotion du sport ?

Mme Laurence Harribey. - Monsieur le Premier président, vous avez souligné le faible impact économique des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Votre évaluation prend-elle en compte la dimension territoriale de la question ? Dans les territoires, on a assisté au développement de nombreux projets, qui n'étaient pourtant pas directement liés à l'organisation des Jeux : je pense aux centres d'entraînement, aux dispositifs d'accueil des équipes, etc.

Ma question n'est pas anodine : vos propos laissent entendre que l'organisation de grands événements sportifs n'est pas forcément un facteur d'attractivité pour les territoires, alors même qu'aujourd'hui de nombreuses collectivités locales expriment le souhait de s'engager dans cette voie. Quelle méthodologie nous permettrait, selon vous, d'avoir une idée plus précise de la question et d'éviter ce qui pourrait finalement se révéler être un miroir aux alouettes ?

Vous appelez par ailleurs à la mise en place d'un dispositif d'encadrement et de valorisation des bénévoles. Ma question à ce sujet est simple : le recours à un nombre toujours plus élevé de bénévoles ou de volontaires dans le cadre de grands événements sportifs ne fait-il pas courir un risque juridique inconsidéré à leur organisateur, en particulier au regard de la jurisprudence européenne actuelle ?

M. Hervé Reynaud. - L'un des quatre rapports remis par la Cour des comptes porte sur la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ce dernier fait notamment état d'une intégration relativement faible des polices municipales. Or, ici, au Sénat, nous sommes très attachés à ces polices locales, car nous nous préoccupons sérieusement du continuum de sécurité dans les territoires. Pourriez-vous revenir sur les raisons qui ont conduit à cet engagement restreint des polices municipales dans le cadre des Jeux ?

Seriez-vous par ailleurs favorable à ce que les préfets puissent placer temporairement des policiers municipaux sous leur autorité dans la perspective de la tenue de grands événements ? Quelle articulation entre préfets et maires faudrait-il imaginer pour que la sécurité continue d'être garantie dans les territoires ? En cas de mobilisation exceptionnelle de policiers municipaux à l'occasion des prochains Jeux, à combien évaluez-vous la compensation financière qu'il faudrait verser aux communes ?

M. David Ros. Monsieur le Premier président, pensez-vous que certaines infrastructures d'entraînement ou certaines pratiques qui se sont développées lors des Jeux de 2024 pourraient faire l'objet d'une reprise par les collectivités locales ? Un tel savoir-faire représente certes une dépense, mais il contribue aussi à stimuler notre économie.

Ma seconde question porte sur les pratiquants et notre ambition de bâtir une nation sportive. Est-il prévu de mener une étude sur le lien entre pratique sportive et santé ? Si un tel lien était clairement établi, cela encouragerait les dépenses en faveur du développement du sport. Ce « sport par ordonnance » aboutirait à des économies substantielles, dans le domaine de la santé notamment.

M. Pierre Moscovici. - Monsieur le sénateur Canévet, nous n'avons pas constaté de dérives au niveau des rémunérations pour ce qui concerne la Solideo. Quant au Cojop, il est trop tôt pour se prononcer : l'instruction de ce dossier est en cours. Par ailleurs, je ne m'exprimerai pas sur la question des lois d'exception, car cela ne relève manifestement pas des compétences de la Cour des comptes.

Monsieur le sénateur Arnaud, vous m'interrogez sur nos propositions en matière de gouvernance en vue des Jeux d'hiver de 2030. Si je devais tirer une seule leçon des Jeux de Paris 2024, c'est l'efficacité d'une coordination interministérielle forte autour du Dijop. Ces dernières semaines, j'ai eu l'occasion de présenter, au nom de la Cour, un autre rapport relatant ce que l'on pourrait appeler une success story, celui sur le chantier de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Dans ce cas comme dans celui des Jeux de 2024, on constate l'importance d'une coordination poussée et de la présence d'une administration de mission, dédiée à l'événement, qui gère le dossier de bout en bout. Cela n'a pas valeur de modèle universel, mais c'est, me semble-t-il, une voie à suivre pour organiser efficacement de grands événements ou pour mener à bien de grands chantiers.

Par ailleurs, pour répondre très directement à votre seconde question, je ne dispose d'aucun élément nouveau pour évaluer plus précisément le coût des prochains jeux Olympiques d'hiver en France, ne serait-ce que parce que les contrôles de la Cour sur les Jeux ne commenceront que l'an prochain. J'ose espérer que ces données vous seront communiquées dans le cadre de la navette parlementaire, afin que vous puissiez émettre un avis éclairé. Sur ce point, disons-le tout de même, mon intuition est que les Jeux d'hiver sont relativement - j'insiste sur ce terme - plus coûteux pour les finances publiques que les Jeux d'été. Leur organisation, leur gouvernance, leur sécurité, bref l'ensemble des paramètres seront beaucoup plus complexes à traiter dans le cadre d'une gestion birégionale, d'autant que beaucoup de petites communes y seront associées. Il ne s'agit pas d'un jugement de valeur ni d'un a priori de ma part, mais je pense que ce sera sans doute assez « sportif » ! La vigilance devra donc être de mise : il conviendra de mettre en place tous les dispositifs permettant d'apprécier les choses dans le détail et, le cas échéant, de tirer la sonnette d'alarme.

Madame la sénatrice Ollivier, la Cour des comptes n'est pas juge des performances environnementales de la Solideo ou du Cojop. Ce que nous avons constaté, c'est une très forte ambition en matière environnementale, d'ailleurs assumée dès la candidature, l'importance des efforts fournis par tous les acteurs, ainsi que certains résultats mis en exergue par le Dijop, le ministère chargé de l'environnement, ou encore la Solideo, à commencer par la réduction de 47 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux Jeux de Londres. Nous avons également noté un certain nombre d'autres avancées comme l'utilisation de bornes électriques, la réduction de la pollution bactériologique de la Seine ou de l'usage du plastique lors des événements sportifs.

Cette dimension environnementale doit s'apprécier sur le long terme. Nous ne disposons pas de toutes les données nécessaires pour dresser un bilan précis. La Cour relève qu'un grand nombre d'engagements, parfois imprécis, ont été pris au stade de la candidature, et que les plans d'action qui ont été définis et mis en oeuvre ensuite par les différents acteurs ont évolué avant d'être finalement évalués par les acteurs eux-mêmes. C'est pourquoi nous proposons la création d'un comité d'experts indépendant, qui devrait pouvoir porter un regard plus neutre et objectif sur cette question.

Pour ce qui est de la haute performance sportive, nous actualiserons notre analyse à l'occasion du contrôle du Comité national olympique et sportif français en 2026.

Quant à l'impact économique des Jeux, madame la sénatrice, c'est vrai qu'il est modeste, puisqu'il est estimé à 0,07 point de PIB. Cela étant, il faut distinguer croissance et attractivité pour les territoires, un concept qui englobe aussi les externalités positives produites au niveau local. À cet égard, je trouve que la piste d'une approche multifactorielle, suggérée par Jean-Jacques Lozach, mérite d'être explorée. Le PIB n'est peut-être pas le seul indicateur utile pour chiffrer les retombées économiques d'un tel événement : il convient de prendre en considération des externalités que la Cour ne sait pas évaluer aujourd'hui, faute de disposer des instruments adéquats. J'ajoute que l'impact en termes de PIB est certes faible en 2024, mais que cela ne signifie pas pour autant qu'il le demeurera pour 2025. Quoi qu'il en soit, les retombées économiques de ce type d'événement sont par définition incertaines à court et moyen termes, parce qu'il est délicat d'en mesurer l'effet-image et parce que les effets positifs sur le tourisme sont généralement jugés comme non significatifs dans les pays qui sont parmi les principales destinations mondiales.

Madame la sénatrice Harribey, les infrastructures construites ou rénovées pour les Jeux ont bien vocation à être réutilisées après la fin des compétitions. S'agissant du bénévolat, un certain nombre de travaux ont été menés en amont des Jeux pour valoriser l'expérience des bénévoles du Cojop : je pense à la création d'un badge numérique « J'ai fait les Jeux », téléchargé par 25 235 bénévoles, qui peut être intégré par la suite au passeport de compétences sur un compte personnel de formation (CPF). Près de 18 000 bénévoles s'étaient engagés dans cette démarche fin 2024. En ce qui concerne les collectivités territoriales, certaines d'entre elles nous ont informés qu'elles avaient mis en place des actions de valorisation de type fourniture d'un passeport de l'association France Bénévolat.

Les Jeux ont mobilisé massivement les bénévoles, via les programmes du Cojop - 41 189 personnes - et ceux des collectivités territoriales - 5 188 bénévoles. À cela s'ajoute une charte du volontariat olympique et paralympique, certes non contraignante, qui a été élaborée sous l'égide du Dijop. Nous regrettons cependant, je l'ai dit, qu'aucune stratégie nationale de valorisation du bénévolat olympique n'ait été prévue. Dans la perspective des Jeux d'hiver de 2030, la Cour recommande naturellement une telle stratégie.

J'en viens aux polices municipales. Le rapport sur la sécurité montre que l'intégration des polices municipales au continuum de sécurité est imparfaite : conditions d'utilisation trop contraignantes ; trop d'interlocuteurs ; une autonomie opérationnelle insuffisante.

Le ministère de l'intérieur et les municipalités doivent en tirer les conséquences afin de mieux associer les polices municipales, éventuellement sous la double autorité du préfet et du maire. Surtout, il faut une meilleure intégration opérationnelle. Il nous semble que le modèle qui pourrait prévaloir en la matière est celui des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). C'est en tout cas notre recommandation.

Enfin, je terminerai sur le calendrier de reconversion des villages olympiques et paralympiques en quartiers de bureaux et d'habitations. En somme, c'est la question de l'héritage urbain des jeux.

Celui-ci devra se mesurer dans la durée. La Cour souligne qu'au-delà du calendrier de la reconversion des logements des villages en appartements ou en bureaux, opération qui relève de promoteurs immobiliers, il faudra attendre l'installation de nouveaux habitants, d'entreprises, et l'ouverture de services publics de nature à répondre à ces nouveaux besoins pour évaluer plus finement l'impact urbain des jeux. C'est d'ailleurs en 2034 que l'Institut Paris Région rendra ses conclusions définitives sur le sujet.

Pour ce qui nous concerne, nous tirons de premiers constats, mais il faudra sans doute aller plus loin. Le premier est relatif à la commercialisation des logements, qui est en cours. Les premiers habitants du village olympique arriveront à la fin de l'année 2025. Le deuxième constat porte sur le rythme de cette commercialisation, qui est très hétérogène. Selon les sites, l'évolution heurtée du marché immobilier, notamment de bureaux, a ainsi pu produire un effet haussier sur le prix de vente des logements. L'impact, notamment sur la Seine-Saint-Denis, devra être évalué dans la durée pour voir si les formidables annonces qui ont été faites se transformeront réellement en espèces sonnantes et trébuchantes et en réalisations concrètes.

Le troisième constat porte sur les équipements publics qui ont été construits dans ces quartiers : les informations requises par la Cour auprès de la Solideo sont plutôt rassurantes, ce qui nous amène à conclure que les calendriers seront tenus. Néanmoins, là encore, la vigilance reste de mise et la mission de supervision assurée par l'établissement public doit selon nous se poursuivre jusqu'à la livraison de ces programmes, qui sont une partie fondamentale de l'héritage des jeux.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - Ce bilan est important. Pour la crédibilité de ces grands événements sportifs, il est essentiel de savoir combien ils coûtent et quels apports nous pouvons en attendre. Le travail de la Cour des comptes est aussi utile dans le cadre du dialogue que nous aurons avec le CIO pour les jeux Olympiques d'hiver de 2030. Monsieur le Premier président, au nom de tous mes collègues, je vous remercie.

La réunion est close à 19h30.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Mercredi 15 octobre 2025

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Désignation d'un membre du Bureau de la commission

Mme Muriel Jourda, présidente. - Mes chers collègues, en raison du départ de Jérôme Durain, nous devons procéder à la désignation d'un vice-président pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER).

À cette fin, je vous rappelle les termes l'article 13, alinéa 6, du Règlement du Sénat : « Pour la désignation des vice-présidents, les groupes établissent une liste de candidats selon le principe de la représentation proportionnelle, en tenant compte de la représentation déjà acquise à un groupe pour les postes de président et de rapporteur général. Le nombre des vice-présidents est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de président ou de vice-président à chaque groupe. »

Le groupe SER m'a informée, la semaine dernière, qu'il souhaitait désigner comme vice-présidente Mme Laurence Harribey. Je vous propose d'entériner cette désignation.

Mme Laurence Harribey est désignée vice-présidente.

Proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

Mme Muriel Jourda, présidente. - Le groupe Union Centriste (UC) a demandé l'inscription de la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

Ce texte, qui sera examiné en séance le 5 novembre prochain, a été renvoyé à la commission des finances. Toutefois, il comporte des dispositions relatives aux obligations incombant aux greffiers des tribunaux de commerce qui peuvent intéresser notre commission. C'est pourquoi je vous propose de nous en saisir pour avis et de désigner comme rapporteur pour avis notre collègue Hervé Reynaud.

La commission demande à être saisie pour avis sur la proposition de loi n° 877 (2024-2025) pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment et désigne M. Hervé Reynaud rapporteur pour avis.

Proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles - Désignation d'un rapporteur

Mme Muriel Jourda, présidente. - Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) a demandé l'inscription de la proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par notre collègue Sophie Briante Guillemont, à l'ordre du jour des travaux du Sénat le 6 novembre prochain. Je vous propose de désigner notre collègue Olivier Bitz rapporteur sur ce texte.

La commission désigne M. Olivier Bitz rapporteur sur la proposition de loi n° 884 (2024-2025) visant à créer un fichier national des personnes inéligibles, présentée par Mme Sophie Briante Guillemont.

Proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Le texte que nous examinons ce matin semblera familier à bon nombre d'entre vous : il reprend des dispositions qui ont déjà été examinées et adoptées par notre commission à deux reprises, en 2020 puis en 2022. Sur l'initiative de Philippe Bas, de Bruno Retailleau et d'Hervé Marseille, ainsi que des membres des groupes Les Républicains et Union centriste, le Sénat avait adopté, en octobre 2020, une proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire à l'article 1er de la Constitution un alinéa ainsi rédigé : « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune. »

Dans un contexte de fragmentation croissante de notre société - la fameuse « archipélisation » décrite par Jérôme Fourquet -, il s'agissait de donner un coup d'arrêt aux revendications et aux pressions communautaristes. Cette tentative de réviser la Constitution a tourné court, puisque l'Assemblée nationale a rejeté le texte en décembre 2020, le gouvernement s'étant opposé à son adoption.

Ce rejet s'appuyait sur trois considérations : tout d'abord, l'absence de réelle portée juridique du texte, au motif que les principes de laïcité et d'égalité feraient déjà échec aux comportements qu'il s'agit d'interdire ; ensuite, l'examen concomitant du projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui deviendra la loi du 24 août 2021 ; enfin, l'imprécision de la référence à « la règle commune », qui serait source d'insécurité juridique et pourrait même conduire à remettre en cause certains régimes particuliers ou dérogatoires.

Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ? L'exposé des motifs de la présente proposition de loi constitutionnelle part du constat que notre société est confrontée à des revendications, formées par certaines catégories, tendant « à se voir reconnaître, notamment en raison de leurs croyances religieuses, des droits particuliers qui peuvent apparaître comme autant de dérogations au principe d'égalité devant la norme commune, dans le service public, à l'école ou dans le cadre professionnel ».

Dans son étude annuelle de 2024 sur la souveraineté, le Conseil d'État - on ne saurait le soupçonner ni de dérive réactionnaire ni d'islamophobie - faisait le même constat. Il indiquait ainsi que, « depuis quelques années, s'affirment des aspirations politiques, philosophiques ou religieuses qui viennent concurrencer les lois de la République », ces phénomènes étant « révélateurs d'une forme de contestation de la légitimité même de la loi républicaine, donc de la souveraineté nationale », en ce qu'ils « tendent à affirmer le primat de préceptes philosophiques ou religieux sur le droit institutionnel ».

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que, non seulement le communautarisme ne recule pas, mais qu'il progresse dans tous les domaines de la vie quotidienne : les services publics - école, hôpital, transports -, les entreprises, le monde associatif et le mouvement sportif.

Refuser d'être soigné par un médecin de l'autre sexe, de serrer la main à une femme, de servir certains clients et d'accomplir certaines tâches ou d'assister à des enseignements au prétexte de ses convictions religieuses, ou encore exiger des créneaux séparés dans les piscines ou les clubs de sport : les exemples ne manquent pas. Si ces comportements demeurent très minoritaires, ils ne sont plus marginaux, en particulier dans certains territoires.

Vous le savez, la progression du communautarisme est principalement le fait de l'islamisme radical. L'objectif des mouvements qui se réclament de cette idéologie est éminemment politique et subversif. En arguant notamment de la liberté religieuse, il s'agit de faire prévaloir, comme le décrivait notre ancien collègue Philippe Bas, la loi du groupe sur celle de la Nation.

Faisant état du développement d'un islamisme par le bas, le rapport intitulé Frères musulmans et islamisme politique en France, rendu public par le ministère de l'intérieur en mai dernier, ne dit pas autre chose en décrivant un projet qui vise à oeuvrer au long cours en vue d'obtenir progressivement des modifications des règles locales ou nationales, au premier chef le régime juridique de la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes.

Si le cadre juridique de la laïcité est plutôt bien établi, surtout en ce qui concerne les services publics, force est de constater qu'il est mal compris et mal appliqué. Les acteurs de terrain, maires et chefs d'entreprise, se trouvent souvent démunis face aux revendications communautaristes. En effet, les groupes de pression n'hésitent pas à instrumentaliser, au soutien de leurs revendications, la liberté de manifester ses convictions religieuses, protégée par l'article 10 de la Déclaration de 1789, comme le principe de non-discrimination qui est consacré par le droit européen.

Dans la sphère professionnelle, l'interdiction de toute « discrimination indirecte », tirée d'une directive du 27 novembre 2000 - qui désigne toute règle générale, fût-elle neutre, entraînant un désavantage pour un groupe religieux -, constitue à cet égard un solvant redoutable pour la conception française de la neutralité.

Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne admet des restrictions au port de signes religieux dans une entreprise privée, mais à la seule condition qu'elles répondent à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante ». Cette notion exigeante laisse beaucoup de place à l'appréciation du juge ; c'est autant d'insécurité pour l'employeur qui s'engagerait dans cette voie.

Sous l'influence du droit européen, la jurisprudence de la Cour de cassation tend à évoluer de manière préoccupante. Dans un arrêt du 19 janvier 2022, la chambre sociale a jugé légale la sanction infligée à un salarié qui avait refusé, au prétexte de ses convictions religieuses, de rejoindre son site d'affectation. Les juges se sont positionnés non pas sur le terrain du manquement aux obligations contractuelles, mais sur celui de la non-discrimination. Autrement dit, l'employeur ne pourrait plus se contenter de constater l'inexécution par le salarié des obligations qui résultent de son contrat. Il lui appartiendrait ainsi de prouver que les mesures prises à l'encontre du salarié répondent à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » et qu'elles sont strictement proportionnées.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les chefs d'entreprise et les cadres, peu au fait de cette casuistique subtile, préfèrent des accommodements, qui sont souvent tout sauf raisonnables, à des poursuites pour discrimination.

La sphère publique n'est pas épargnée par la confusion des esprits, voire par les situations de clientélisme communautaire. La modification du règlement des piscines municipales de la ville de Grenoble pour y autoriser le port du burkini a ainsi permis au juge des référés du Conseil d'État de rappeler, dans une ordonnance du 21 juin 2022, les limites à la faculté des personnes publiques d'accorder des adaptations à raison des croyances religieuses des usagers.

Si cela n'est pas toujours aisé à mesurer, tout indique que le phénomène communautariste gagne du terrain et que la République recule d'autant.

L'école demeure une cible privilégiée des mouvements islamistes et des autres groupes de pression. Le développement du port de l'abaya et la controverse qui a suivi le rappel de son interdiction à la rentrée scolaire 2023 en sont un exemple. Les résultats des enquêtes menées auprès des enseignants sont édifiants : interrogés par l'Institut français d'opinion publique (Ifop) en 2023, 64 % des professeurs de l'enseignement public jugeaient que les contestations du principe de laïcité tendaient à augmenter, contre 42 % en 2018. En outre, 53 % rapportaient des contestations de leurs enseignements, contre 38 % en 2018, et 48 % déclaraient s'autocensurer devant les élèves alors qu'ils étaient 37 % cinq ans plus tôt.

Ces constats touchent aussi bien l'hôpital - voyez le rapport Pelloux, publié en 2022 - que le sport. Sur ce sujet, un rapport d'information de l'Assemblée nationale, paru en mars dernier, mettait en garde sur le fait que « dans certains territoires, la cote d'alerte est dépassée ». Le même constat a d'ailleurs mené le Sénat à adopter, en février dernier, la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, qui doit désormais être examinée par l'Assemblée nationale.

Le même phénomène s'observe dans l'entreprise : l'édition 2024 du Baromètre du fait religieux en entreprise, de l'Institut Montaigne, indique que 70 % des salariés interrogés déclaraient avoir connaissance de situations marquées par le fait religieux dans leur entreprise, soit le niveau le plus élevé constaté depuis le lancement de l'étude en 2013. Il est également relevé une hausse des comportements négatifs à l'égard des femmes et des situations de discrimination et de stigmatisation, en particulier envers les salariés de confession juive.

De manière préoccupante, les manifestations du communautarisme tendent à se banaliser, y compris lorsque ces comportements sont constitutifs d'une discrimination illégale.

D'après une autre enquête menée auprès de salariés et publiée en mars dernier, 28 % des personnes interrogées jugent acceptable de refuser de serrer la main d'une personne de l'autre sexe, contre 25 % en 2021, proportion qui s'élève à 58 % pour les répondants âgés de 18 à 24 ans. Il en va de même du refus de servir certains clients à raison de leur religion, regardé comme acceptable par 19 % des salariés, contre 18 % en 2021, dont 40 % des 18-24 ans.

Cinq ans après, force est de constater que la mobilisation, tardive mais réelle, des pouvoirs publics contre le repli communautaire et le séparatisme islamiste n'a pas permis d'endiguer ces deux phénomènes. Nos collègues Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien ont dressé, en mars 2024, un bilan sévère de la loi du 24 août 2021, qu'elles décrivaient comme essentiellement technique et à la portée juridique parfois douteuse. Pouvait-il en être autrement, eu égard au contenu de cette loi, qui mêlait surtout des dispositions de droit mou et des réglementations tatillonnes ? Il me semble que le fait de jouer sur la procédure, en alourdissant la charge administrative qui pèse sur l'ensemble des associations ou des cultes, ne fera pas reculer le communautarisme.

La présente proposition de loi constitutionnelle emprunte une autre voie : elle vise à consacrer, à l'article 1er de la Constitution, une règle simple et claire, à laquelle tout chef d'entreprise, tout maire, tout médecin et tout professeur pourra se référer. Elle proclame, au sommet de la hiérarchie des normes, l'absence de droit à l'adaptation du service ou des règles applicables à un individu ou à un groupe à raison de son origine et de ses croyances et, ce qui en constitue le pendant, l'absence d'obligation, pour l'employeur comme pour la collectivité publique, de procéder à de telles adaptations.

En outre, elle constitutionnalise l'impossibilité pour toute personne d'exciper de son origine ou de ses croyances pour se soustraire au respect des règles, qu'il s'agisse de celles qui régissent la vie de la Nation comme de celles qui sont propres aux services publics ou aux entreprises.

Le texte consacre des principes dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en reprenant largement des termes qui figurent dans les décisions Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du 15 juin 1999 et Traité établissant une Constitution pour l'Europe du 19 novembre 2004. Le Conseil constitutionnel y a jugé que les dispositions de l'article 1er de la Constitution « interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».

Notez que le présent texte n'entend pas simplement « rehausser » la jurisprudence. En effet, il ne limite pas son application aux seules relations entre collectivités publiques et particuliers : il s'étend aux règles et interactions collectives dans le secteur privé. Les notions de « règle commune » ou de « règles applicables » intègrent les lois et règlements de la République, mais aussi les règlements intérieurs des services publics, des entreprises et des associations. Ces considérations permettent, à elles seules, d'écarter l'argument tiré de l'absence de portée réelle du texte, dès lors qu'il se bornerait à rappeler des principes dégagés par la jurisprudence.

À supposer même que ce soit le cas, il est pleinement dans l'office du constituant d'inscrire au sommet de la hiérarchie des normes les principes nécessaires à notre temps. Tel est précisément l'objet de ce texte qui, comme l'exposait son auteur, Philippe Bas, assure « une reformulation pour notre temps de principes qui sont au fondement de la République ».

Cette proposition de loi constitutionnelle est un acte politique majeur, dont la portée ne doit pas être sous-estimée. Alors que nos règles juridiques, mal comprises et mal appliquées, sont impuissantes à endiguer la progression du communautarisme, elle apparaît comme une initiative salutaire.

Notez qu'elle s'écarte sur un point du texte que nous avions adopté en 2020 : elle substitue la notion de « règle commune » à celle de « règles applicables ». Cette modification a pour objet de répondre à l'objection que j'évoquais précédemment, à savoir que la référence à la « règle commune » serait susceptible de remettre en cause les régimes particuliers qui ont cours dans certaines parties du territoire - à l'instar du régime des cultes en Alsace-Moselle ou dans certaines collectivités d'outre-mer -, ou la faculté d'accorder des adaptations ou des dérogations à raison des convictions religieuses, comme les autorisations d'absence pour certaines fêtes.

Disons-le d'emblée, cet argument est, pour reprendre les mots du professeur Anne Levade, spécieux et juridiquement erroné.

D'une part, la « règle commune » peut comporter des exceptions et des régimes particuliers. La formulation retenue n'interdit d'ailleurs aucunement d'accorder un aménagement ou une adaptation du service pour tenir compte des convictions religieuses de l'agent public, de l'usager ou du salarié. Elle interdit seulement à ces derniers d'exciper de leurs croyances ou de leur origine pour s'exonérer du respect des règles applicables à leur situation.

D'autre part, en ce qui concerne la sphère publique, la proposition de loi constitutionnelle n'ajoute pas à la jurisprudence constitutionnelle, qu'elle conforte et explicite. Le Conseil constitutionnel a toujours refusé la remise en cause, sur le fondement des principes d'égalité et de laïcité, des régimes particuliers en vigueur dans certaines parties du territoire de la République. Ainsi, le présent texte ne pourrait aucunement être interprété comme revenant sur ce point.

Quant à la référence aux « règles applicables », elle ne paraît pas satisfaisante et a d'ailleurs été critiquée par les constitutionnalistes que j'ai interrogés. En effet, il n'est pas précisé à qui les règles en cause sont applicables, pas plus que la nature de celles-ci. En outre, cette formulation pourrait même laisser croire qu'il s'agit des règles applicables aux individus et aux groupes concernés à raison de leur origine ou de leurs croyances : une telle interprétation aboutirait à l'inverse de l'effet recherché.

Dans ces conditions, je vous propose, par mon amendement, de revenir à l'expression que le Sénat avait adoptée en 2020, celle de « règle commune ». Cette formulation me paraît à la fois plus claire, plus concise et plus conforme à l'ambition du texte.

Si, comme je le souhaite, cette initiative devait prospérer, il appartiendrait au peuple français, par la voie du référendum, de proclamer son attachement aux principes qui fondent notre République et son refus du communautarisme. Nous pourrions alors rappeler à nos compatriotes l'avertissement de Robert Badinter, dont nous avons célébré l'entrée au Panthéon la semaine dernière : « Le communautarisme, c'est la mort de la République [...] Si nous devions avoir des communautés qui négocient leur adhésion ou leur participation, ce serait fini. Ce serait un autre type de République. »

Au bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter la proposition de loi constitutionnelle, pourvu qu'elle soit rectifiée par mon amendement.

M. Éric Kerrouche. - La situation est encore plus byzantine que nous ne l'imaginions : premièrement, nous discutons d'une proposition de loi constitutionnelle dont l'auteur est désormais membre du Conseil constitutionnel ; deuxièmement, vous souhaitez rétablir le texte dans la version déjà adoptée par le Sénat en 2020, dès lors que vous suggérez de remplacer les « règles applicables » par les « règles communes ».

Sur le fond, ce texte est présenté comme une réponse à la montée du communautarisme, en particulier le communautarisme islamiste. Les indicateurs retenus pour justifier votre démarche ne décrivent qu'une partie de la réalité, que je ne conteste pas par ailleurs. Ainsi, vous auriez pu également vous référer aux travaux de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui contrebalancent les chiffres que vous avez juxtaposés pour faire croire qu'ils décrivent précisément la réalité.

Notre opinion n'a pas changé sur ce texte, malgré la modification rédactionnelle que vous proposez : comme en 2020, nous considérons qu'il n'est pas utile, qu'il est toujours mal rédigé et qu'il présente un risque constitutionnel. Nous déplorons le fait qu'il reprenne des dispositions qui figurent dans des textes présentés par le Rassemblement national : la proposition loi constitutionnelle sur le rétablissement de la maîtrise souveraine de la politique migratoire et la protection de la nationalité française, déposée en 2018, et la proposition de loi constitutionnelle Citoyenneté-Identité-Immigration, déposée en 2024.

Surtout, nous contestons sa finalité, car il n'apporte rien sur le plan juridique. Le principe selon lequel la loi s'applique à tous, sans distinction d'origine et de religion, est au frontispice de notre République. Ainsi, il est à la fois proclamé à l'article 1er de la Constitution et à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le Conseil constitutionnel, de son côté, a réaffirmé en 1999 et en 2004 que la République ne reconnaît que le peuple français et que nul ne peut invoquer ses croyances religieuses pour se soustraire aux règles communes. La rédaction que vous proposez est dangereuse tant d'un point de vue intrinsèque qu'extrinsèque, car elle laisse une trop grande marge d'interprétation et pourrait même donner lieu à une lecture a contrario.

Bref, à vouloir trop spécifier, on perd de vue la généralité qui est l'essence même d'un texte constitutionnel. Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi constitutionnelle.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je remercie le rapporteur d'avoir mis les bons mots sur la situation actuelle de la France, car cela fait des années qu'on ne dit pas les choses telles qu'elles devraient l'être. Ce n'est pas un hasard si notre ancien collègue Philippe Bas a travaillé sur ce sujet : les coups de boutoir portés à la République depuis un certain nombre d'années remettent en cause l'unité et la cohésion dans notre pays. Aussi, il serait bon de préciser dans notre Constitution qu'il y a des règles communes à respecter et que la religion doit relever du domaine privé.

Malheureusement, l'entrisme islamiste fracture sévèrement notre pays ; cette question sera d'ailleurs un enjeu majeur des élections municipales à venir . Faisons en sorte que nos jeunes concitoyens deviennent des adultes éclairés et protégeons la liberté de conscience et l'égalité entre les hommes et les femmes. Du reste, veillons à ce que des contre-sociétés fonctionnant sur des règles religieuses primant celles de la République ne prospèrent pas.

Nous sommes citoyens avant d'être croyants, et non l'inverse. Force est de constater que notre pays n'a pas su entraver la montée du communautarisme. Il est donc urgent de clarifier les choses en rappelant, dans la Constitution, que nous vivons dans une République une, indivisible et laïque, sur la base de règles communes.

M. François Bonhomme. - Ce texte affirme un principe de base sur lequel tout l'édifice républicain est assis. J'entends les réserves d'ordre juridique qui ont été formulées, il n'empêche que la notion de « règle commune » est plus concise et compréhensible. Surtout, elle s'inscrit dans un contexte qu'il ne faut pas nier : le communautarisme islamiste est ciblé en particulier en raison d'éléments de fond, récurrents et structurels. Par conséquent, il nous appartient de changer le droit pour protéger les individus qui en subissent les conséquences.

À la rentrée 2023, le port de l'abaya s'est progressivement répandu dans l'un des lycées de mon département. Les autorités scolaires ont rapidement été débordées, en dépit des médiations. La situation a fini par dégénérer, réseaux sociaux aidant, et a conduit à la mise sous protection policière d'un professeur d'espagnol qui avait fait une simple remarque. Il a fallu attendre qu'une instruction du ministre de l'éducation nationale clarifie enfin les choses en désignant l'abaya comme un vêtement à caractère religieux, au sens de la loi de 2004.

On pourrait multiplier les exemples de dérives des mouvements fondamentalistes, qui essaient de tirer profit des interstices juridiques. La notion de « règle commune » remet la République à l'endroit et conforte ses fondements qui sont mis à mal depuis plusieurs années.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Monsieur Kerrouche, nous ne rétablissons pas mot pour mot le texte dans sa version adoptée en 2020 ; vous aurez d'ailleurs remarqué qu'il ne comporte plus qu'un article unique, quand la proposition de loi constitutionnelle comportait un second article relatif aux partis politiques.

Je m'adresse à vous en tant que constituants, mes chers collègues, et non en tant que simples législateurs : la notion de « règles applicables », qui a été introduite en réponse aux débats qui ont eu lieu il y a cinq ans, m'a semblé trop fragile sur le plan constitutionnel et susceptible de produire des effets inverses à ceux qui étaient recherchés.

Par ailleurs, nous ne nous focalisons pas sur certaines catégories de personnes en particulier. Nous souhaitons seulement couper court à un communautarisme que la loi du 24 août 2021 n'a pas su endiguer, en inscrivant au sommet de la hiérarchie des normes des règles communes applicables à la fois aux services publics, à la sphère privée, aux entreprises et au monde associatif. J'entends vos remarques, monsieur Kerrouche, mais épargnez-nous, s'il vous plaît, vos procès d'intention.

M. Éric Kerrouche. - Je ne pense pas que quiconque, ici, soit favorable au communautarisme et remette en cause le principe de laïcité.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - On le souhaite !

M. Éric Kerrouche. - C'est une affirmation de notre part, monsieur le rapporteur, il n'y a pas à en douter.

Encore une fois, ce texte n'a aucune utilité juridique et va créer de l'insécurité, contrairement à ce que vous prétendez. Nous ne sommes pas dupes de l'exercice d'équilibriste de haut vol auquel vous vous livrez, en nous annonçant qu'il ne s'agit pas de la version originale du texte. Sur le fond, nous continuons de penser que la précision que vous souhaitez apporter est superfétatoire et dangereuse dans ses conséquences. En outre, la Constitution et les lois sur la laïcité nous donnent déjà toutes les armes utiles pour lutter contre les dérives que vous dénoncez.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement COM-1 tend à supprimer l'article unique. L'argumentation selon laquelle le texte serait à la fois « en contradiction avec d'autres dispositions constitutionnelles » et « redondant avec le principe d'égalité » me laisse perplexe. Je ne vois aucune contrariété avec les autres dispositions constitutionnelles. Comme je l'indique dans mon rapport, il s'agit au contraire de conforter des garanties posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lorsqu'il a précisé la portée des dispositions de l'article 1er de la Constitution.

J'entends davantage l'objection tirée d'une redondance avec les dispositions actuelles de l'article 1er. Toutefois, comme je l'évoquais, le texte ne se borne pas à préciser leur portée : il étend celle-ci au-delà de la seule sphère publique, dans les interactions collectives de la sphère privée. Quoi qu'il en soit, et comme j'ai pu le rappeler, le constituant est pleinement dans son rôle lorsqu'il rappelle, dans la Constitution, les principes qui sont nécessaires à notre temps.

Ceux qui sont confrontés, au quotidien, aux revendications communautaristes - les maires, les chefs d'entreprise, les enseignants, nos concitoyens - disposent-ils vraiment d'une base juridique claire et explicite pour y répondre ? La progression du communautarisme suggère que ce n'est pas le cas. Voilà pourquoi nous voulons leur donner des repères simples.

Pour l'ensemble de ces raisons, j'émets un avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - L'amendement COM-2 tend à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en octobre 2020, en retenant la référence à la « règle commune » plutôt qu'aux « règles applicables ».

La notion de « règle commune » est en effet mieux établie et ne soulève pas de réelle difficulté d'interprétation. Contrairement à ce qui a pu être avancé lors de l'examen de la précédente proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République, elle ne paraît pas susceptible de mener à la remise en cause de certains régimes particuliers - à l'instar du régime des cultes en Alsace-Moselle ou de ceux qui sont en vigueur dans certaines collectivités d'outre-mer.

La notion de « règles applicables », qui avait pour objet de répondre à cette objection - au demeurant infondée -, pourrait toutefois en soulever d'autres : la nature de ces règles et leur applicabilité ne sont pas définies ; de surcroît, la formulation pourrait même laisser accroire qu'il s'agit des règles applicables aux individus et aux groupes concernés à raison de leur origine ou de leurs croyances.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. BENARROCHE

1

Suppression de l'article

Rejeté

M. FRASSA, rapporteur

2

Référence à "la règle commune"

Adopté

Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local - Examen, en deuxième lecture, du rapport et du texte de la commission

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local, qui nous nous intéresse tout particulièrement.

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. -Plus d'un an et demi après l'adoption de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local à l'unanimité par le Sénat, et après plusieurs faux espoirs - nous étions supposés, je le rappelle, examiner ce texte au mois de septembre dernier - nous nous réjouissons de son inscription à l'ordre du jour en deuxième lecture.

La situation pour les élus locaux apparaît en effet plus préoccupante que jamais. Comme nous l'avions souligné l'an passé, les conditions d'exercice des mandats locaux n'ont cessé de se dégrader au fil du temps. En effet, le rythme des démissions s'est encore accéléré, notamment parmi les maires, qui sont plus de 2 000 à avoir démissionné depuis 2020.

Face à ce constat, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui porte des mesures ambitieuses, articulées autour de trois axes principaux.

Le premier axe vise l'amélioration du régime indemnitaire des élus locaux pour reconnaître leur engagement à sa juste valeur ; le deuxième axe concerne l'amélioration des conditions d'exercice du mandat local ; enfin, le troisième axe vise à sécuriser la sortie de mandat.

Face au profond malaise ressenti par les élus locaux, il est impératif que ce texte transpartisan, très attendu et portant des mesures de nature à réellement renforcer l'attractivité des mandats locaux, entre en vigueur au plus vite, avant le renouvellement général des conseils municipaux de mars 2026.

Le texte adopté par le Sénat a subi de larges modifications au cours de la première lecture à l'Assemblée nationale, puisque pas moins de 236 amendements ont été adoptés.

Certaines mesures du texte issu des travaux du Sénat ont suscité une large adhésion parmi les députés et ont été adoptées conformes par l'Assemblée nationale, tandis que d'autres ont été enrichies, ce dont nous pouvons nous féliciter.

A contrario, d'autres mesures, pourtant indispensables pour faire face à la crise des vocations électorales que nous traversons, ont été largement revues à la baisse par l'Assemblée nationale, voire supprimées.

Pour cette deuxième lecture, nous avons donc retenu la méthode de travail suivante : nous nous sommes attachés à préserver l'équilibre ainsi que l'esprit initial de la proposition de loi. À cet effet, nous vous proposons donc, d'une part, de rétablir les dispositifs adoptés par le Sénat lorsque ceux-ci présentent un caractère plus ambitieux que ceux prévus par les députés, tout en faisant preuve d'un esprit de compromis ; et, d'autre part, de maintenir certains apports bienvenus introduits par l'Assemblée nationale, de nature à renforcer l'attractivité des mandats locaux ou à garantir l'opérationnalité ou la sécurité juridique des dispositifs introduits par le Sénat.

J'en viens maintenant au premier axe de la proposition de loi, relatif à l'amélioration du régime indemnitaire des élus locaux.

Nous nous félicitons de l'introduction par les députés de certaines mesures bienvenues, que nous vous proposons par conséquent de conserver, telles que l'extension à tous les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre du dispositif de modulation des indemnités de fonction selon l'assiduité des élus - article 2 bis - ou encore la possibilité de transférer la gestion des régimes de retraite facultatifs par rente des élus locaux à la Caisse des dépôts et consignations - article 3 bis.

De même, concernant la retraite des élus locaux, la majoration de la durée d'assurance d'un trimestre par mandat complet pour les titulaires de fonctions exécutives était très attendue et a fait l'objet d'un accord des deux chambres sur le principe, ce dont nous nous réjouissons. Dans un souci d'exemplarité de la représentation nationale, il a paru nécessaire de restreindre le champ d'application de cette mesure, et d'en exclure les parlementaires qui seraient par ailleurs élus locaux. Nous vous proposons donc un amendement en ce sens.

Nous regrettons en revanche certaines modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Ainsi, s'agissant de l'augmentation des indemnités de fonction maximales des maires et de leurs adjoints - article 1er et article 2 -, le Sénat avait choisi d'augmenter uniformément les plafonds indemnitaires de 10 % pour toutes les communes. Ce dispositif a été limité par les députés, qui ont prévu une hausse dégressive des indemnités de fonction, circonscrite aux communes de moins de 20 000 habitants - allant de 10 % pour les communes de moins de 500 habitants à seulement 4 % pour les communes entre 10 000 habitants et 20 000 habitants.

Si nous regrettons le caractère dégressif de la revalorisation indemnitaire prévue par les députés, ainsi que sa limitation aux seuls maires et adjoints au maire des communes de moins de 20 000 habitants, nous vous proposons malgré tout d'adopter ces mesures sans modification, compte tenu de la dégradation budgétaire intervenue depuis la première lecture, qui impose de limiter les coûts pesant sur les communes.

Nous souhaitons en revanche vous proposer de rétablir le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour les exécutifs locaux - article 2 -, sauf délibération contraire de l'organe délibérant, comme c'est actuellement le cas pour les maires. Ce dispositif, qui avait été supprimé par l'Assemblée nationale, nous semble en effet essentiel pour éviter, en début de mandat, de longs débats qui conduisent bien trop souvent les élus à renoncer aux indemnités de fonction auxquelles ils ont droit.

Nous présentons également des amendements visant à supprimer les articles introduits par les députés et susceptibles de réduire les indemnités perçues par les élus locaux, à l'instar de l'article 1er bis, qui tend à élargir l'écrêtement des indemnités..

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Le deuxième axe de la proposition de loi est consacré à l'amélioration des conditions d'exercice du mandat et comporte plus précisément des dispositions relatives aux conditions matérielles d'exercice du mandat au quotidien ; celles qui sont destinées à faciliter la conciliation du mandat avec l'activité professionnelle ; enfin, d'autres mesures visant à favoriser la conciliation du mandat avec la vie personnelle.

Concernant d'abord l'amélioration des conditions matérielles d'exercice du mandat - qui répond à une forte demande des élus locaux -, nous avons accueilli favorablement un certain nombre de modifications ou d'ajouts introduits par l'Assemblée nationale, laissant entrevoir une convergence entre les deux chambres.

Les députés ont ainsi accepté le principe d'un remboursement obligatoire par la collectivité des frais de transport engagés par les élus locaux - article 5 -, assorti d'une compensation par l'État pour les communes de moins de 3 500 habitants, n'y apportant que des précisions rédactionnelles ; aussi, nous ne vous proposons qu'un amendement rédactionnel à ce sujet.

De même, les députés ont enrichi le dispositif prévu par l'article 6 bis, qui tend à aligner les droits et les garanties des conseillers d'arrondissement sur ceux des conseillers municipaux, et ont modifié à la marge l'article 7, qui ouvre la possibilité de recourir à la visioconférence pour les réunions des commissions du conseil municipal. Ce dispositif a du reste été complété par un article additionnel qui ouvrirait cette même faculté pour les réunions des bureaux des EPCI - article 7 ter. Ces évolutions étant positives, nous vous proposons donc d'adopter sans modification l'ensemble de ces articles.

Nous vous proposons en revanche de supprimer l'article 6 bis A, relatif au recrutement de collaborateurs de cabinet pour les présidents de l'assemblée de Corse et de Martinique. Cet article soulève en effet des questions dépassant le cadre de cette proposition de loi, qui seront plus opportunément traitées à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à clarifier et à sécuriser le rôle des collaborateurs de cabinet en collectivité territoriale, déposée par Cédric Vial et Jérôme Durain le 18 juillet 2025.

J'en viens désormais aux mesures visant à faciliter la conciliation du mandat avec la vie professionnelle, un aspect important pour tous les élus locaux.

Là encore, certains articles n'ont fait l'objet que de modifications mineures ou bienvenues de la part des députés :nous vous proposons donc de les adopter sans modification ou avec quelques ajustements à la marge. Cela concerne par exemple l'article 9, qui améliore le régime des autorisations d'absence dont bénéficie l'élu salarié pour se consacrer à son mandat ; l'article 11 bis, qui permet la prise en compte des mandats électifs locaux pour les affectations et mutations dans la fonction publique de l'État ; ou encore l'article 14, qui traite de la formation des élus locaux et des candidats à un mandat électif local, dont le dispositif nous a paru plus sécurisé.

La plupart des autres dispositions ont toutefois subi d'importantes modifications à l'Assemblée nationale, faisant apparaître des divergences assez nettes avec le Sénat. Nous vous proposons par conséquent un nombre significatif d'amendements de suppression ou visant à rétablir le texte du Sénat.

À l'article 8 par exemple, les députés ont réduit la durée maximale d'absence dont peut bénéficier un salarié candidat à une élection locale et allongé à trois jours le délai pour prévenir l'employeur. La version sénatoriale prévoyait d'harmoniser à vingt le nombre maximum de jours au titre du congé électif, afin de correspondre à la durée de la campagne électorale, et de maintenir à 24 heures le délai de prévenance. Nous vous proposons de revenir à cette rédaction, qui nous semble plus équilibrée pour tous les candidats à une élection locale.

L'article 8 bis a été inséré par les députés afin que les élus commerçants ou artisans indépendants, qui recourent à la location-gérance pour mieux exercer leur mandat, bénéficient d'un abattement fiscal dédié. Si nous comprenons la finalité de cet article, ce dispositif pose des problèmes juridiques insurmontables et sera manifestement inapplicable en pratique : nous vous proposons donc de le supprimer. Pourquoi d'ailleurs évoquer ces catégories et non pas d'autres ?

À l'article 11, qui porte sur la prise en compte du mandat électif local par les employeurs, nous vous présentons un amendement visant à rétablir la rédaction du Sénat, qui paraissait davantage susceptible d'atteindre l'objectif poursuivi et qui s'appliquait également aux fonctionnaires, contrairement au dispositif adopté par les députés.

En ce qui concerne le statut de l'élu étudiant prévu à l'article 12, l'Assemblée nationale a souhaité étendre les aménagements spécifiques de scolarité à tout candidat à un mandat local, et non plus aux seuls étudiants effectivement élus. Elle a par ailleurs restreint le dispositif de remboursement des frais de déplacement des élus communaux étudiants, en le limitant aux seules séances plénières du conseil municipal. Là aussi, ces évolutions nous semblent malvenues et nous vous proposons de revenir à la version du Sénat, qui est plus équilibrée.

En outre, si nous vous proposons de maintenir les ajustements introduits par l'Assemblée à l'article 13, permettant une meilleure prise en charge des frais engagés par les élus locaux en situation de handicap, nous vous soumettons deux amendements de suppression des articles 13 bis et 13 ter.

En effet, l'article 13 bis, s'il constitue une déclaration symbolique à laquelle nul ne peut s'opposer, n'ouvre aucunement la voie à de véritables avancées pour les élus en situation de handicap, et paraît redondant avec les grands engagements inscrits dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005, dite loi Handicap. De la même manière, le réseau de sous-préfets référents à l'inclusion des élus locaux en situation de handicap qu'entend créer l'article 13 ter semble peu utile, étant rappelé qu'il existe depuis 2022 un réseau de sous-préfets référents handicap, qui prend en charge ces sujets.

Ainsi, sur la question cruciale de l'accessibilité des mandats locaux à l'ensemble des citoyens, nous vous proposons d'adopter une ligne simple, mais claire : maintenir dans le texte les seules dispositions ayant un effet réel, concret et utile pour les personnes en situation de handicap qui s'engagent dans la vie politique locale.

Enfin, nous vous proposerons de rétablir la durée du congé de formation des élus locaux - article 15 - adoptée par le Sénat, qui permettra aux élus de suivre, s'ils le souhaitent, des formations plus longues et plus techniques, et de recentrer la session d'information de début de mandat - article 15 bis - sur les fondamentaux de ce dernier.

J'en termine avec les mesures destinées à faciliter la conciliation entre le mandat et la vie personnelle.

Si les députés ont adopté conforme l'article 16 bis ouvrant à l'ensemble des élus le bénéfice du chèque emploi-service universel (Cesu), tel n'a pas été le cas de l'article 16 relatif au régime de prise en charge des frais de garde, qui constitue pourtant un enjeu essentiel pour le fonctionnement des assemblées locales. Ils ont ainsi supprimé l'obligation de compensation par l'État des remboursements de frais de garde versés par les communes de moins de 10 000 habitants ; en contrepartie, cette faculté a été réservée aux seules communes d'outre-mer au sein d'un nouvel article 16 bis AA. Cette évolution ne nous semble pas favorable et nous vous proposons de revenir à la version initiale de l'article 16 - qui ouvre ce droit à l'ensemble des communes du territoire - et de supprimer en conséquence le nouvel article.

L'article 17 traite notamment des conditions dans lesquelles les élus locaux peuvent poursuivre l'exercice de leur mandat lorsqu'ils sont placés en congé maladie, maternité, paternité ou d'adoption. Vous vous rappelez que certains élus ont dû rembourser leurs indemnités journalières de sécurité sociale pour un problème de « Cerfa » mal rempli par le médecin. S'agissant des élues placées en congé maternité, les députés ont supprimé la mention de l'avis par lequel le médecin pourrait s'opposer à l'exercice de leur mandat.

Au vu de ces évolutions et de la perspective qui est la nôtre, nous vous proposons de confirmer cette suppression, et même de l'étendre au cas de l'élu placé en congé maladie. L'Assemblée nationale a par ailleurs apporté quelques clarifications bienvenues, qui permettent de sécuriser l'interprétation du texte par les caisses de sécurité sociale, et nous vous proposons de les voter conformes.

Enfin, l'article 17 bis a été introduit par l'Assemblée nationale et prévoit que la conseillère municipale placée en congé maternité peut donner mandat à l'un de ses collègues pour voter en son nom à plus de trois séances consécutives du conseil municipal. Nous considérons que cet amendement est déjà satisfait par le droit en vigueur et vous proposons donc de supprimer cet article additionnel.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Au sujet des mesures visant à améliorer les conditions d'exercice du mandat, je termine par les dispositions tendant à sécuriser l'engagement des élus et à les accompagner dans le respect de leurs obligations déontologiques.

Les articles 18 à 18 bis traitent d'un sujet important : celui de la prise illégale d'intérêts, non seulement pour les élus locaux, mais aussi, plus largement, pour les décideurs publics. Ils portent ainsi, par coordination, sur les conflits d'intérêts.

Chacun d'entre nous se souvient des intenses débats qui ont eu lieu, en première lecture, sur la prise illégale d'intérêts. Entre cette lecture et l'examen du texte par l'Assemblée nationale, un intéressant rapport de Christian Vigouroux sur la responsabilité - notamment pénale - des décideurs publics a été publié : les députés s'en sont largement inspirés pour amender le texte issu de nos travaux.

Nous ne sommes toutefois pas convaincus que la rédaction retenue réponde réellement aux problèmes constatés sur le terrain. Outre l'enjeu de l'exclusion des intérêts publics, qui fait l'objet d'un consensus entre les deux chambres, nous vous proposerons un amendement visant à opérer trois modifications de fond.

D'abord, nous souhaitons supprimer la mention selon laquelle la prise illégale d'intérêts ne pourrait pas être constituée en cas d'urgence, car, de deux choses l'une : soit l'urgence correspond à un intérêt public et cette précision est superfétatoire ; soit elle recouvre un intérêt privé et cette immunité n'est pas souhaitable.

Ensuite, nous avons rétabli les dispositions, supprimées par l'Assemblée nationale, qui permettent de mieux cerner le lien affectif susceptible de constituer un intérêt au sens du code pénal.

Enfin et surtout, les travaux conduits en vue de la deuxième lecture ont montré que l'emploi du verbe « compromettre », quelle que soit sa forme, ne permettrait pas de viser les cas d'atteinte effective à l'impartialité, l'objectivité ou l'indépendance du décideur public : nous vous proposons donc de retenir le terme « altérer ».

L'article 18 bis A a été inséré par les députés pour mieux encadrer les cas de conflits d'intérêts qui mettent en cause la validité des délibérations des assemblées locales. Nous comprenons évidemment l'objectif, mais nous n'avons pu que remarquer que les rédactions adoptées n'étaient pas maîtrisées. Elles constituent même un remède pire que le mal, car elles créent des effets de bord qui viendront compliquer l'exercice de leur mandat par les élus locaux : nous vous proposons donc de supprimer, au sein de cet article 18 bis A, toutes les dispositions litigieuses.

En matière de protection fonctionnelle, ensuite, nous vous proposons de rétablir les nettes avancées adoptées par le Sénat en première lecture. À l'article 19, notre amendement vise ainsi à rétablir l'automaticité de l'octroi de la protection fonctionnelle au bénéfice de l'ensemble des élus, qu'ils soient chargés ou non de fonctions exécutives : nous continuons de considérer que cette extension est justifiée au regard du risque croissant d'agressions physiques et verbales auquel sont confrontés tous les élus, qu'ils soient membres de la majorité ou non.

L'article 22 permettait de mieux encadrer les demandes que les établissements bancaires peuvent adresser aux élus locaux, qui sont des « personnalités politiquement exposées » au sens de la réglementation sur la lutte contre le blanchiment et font, de ce fait, l'objet d'une vigilance toute particulière. Nous avions voulu rappeler l'évidence, à savoir que de telles demandes doivent être proportionnées au profil de risque du client. Cet article a été supprimé par les députés sans raison valable et nous vous en proposons le rétablissement.

L'article 23, qui inscrivait au sein de la charte de l'élu local l'engagement des élus à respecter les principes, les lois et les symboles de la République, a également été supprimé à l'Assemblée. Nous vous proposons de rétablir ces dispositions, ainsi que celle prévoyant l'engagement public des maires et des présidents d'exécutifs locaux, lors de la première réunion de l'organe délibérant qu'ils président, à respecter cette charte. À des fins de clarté et de cohérence du texte, nous vous proposons toutefois de réintroduire ces dispositions par un amendement à l'article 5 bis, et non plus à l'article 23.

L'Assemblée nationale a également supprimé l'article 24 bis adopté au Sénat et portant sur le pré-remplissage, par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), de la déclaration d'intérêts que doivent envoyer de nombreux élus locaux à cette autorité. Il est vrai que la Haute Autorité ne dispose pas des éléments permettant de la remplir. En revanche, l'administration dispose de tous les éléments relatifs au patrimoine des élus concernés et nous vous proposons donc de rétablir l'article 24 bis, en prévoyant le pré-remplissage de la déclaration non pas d'intérêts, mais de patrimoine.

J'en viens au dernier axe de la proposition de loi, qui entend sécuriser la sortie de mandat des élus locaux.

Nous nous félicitons de l'adoption conforme des articles 27 bis et 28, ainsi que des modifications apportées par les députés au dispositif prévoyant l'éligibilité de l'ensemble des élus locaux à la démarche de validation des acquis de l'expérience (VAE) à la fin du mandat - article 25 -, que nous vous proposons d'adopter, sous réserve d'un amendement rédactionnel.

Nous vous proposons en revanche de rétablir les rédactions adoptées par le Sénat aux articles 26 et 27.

Concernant l'article 26, nous estimons en effet nécessaire de réintroduire les dispositions adoptées par le Sénat, relatives au transfert de la gestion du fonds d'allocation des élus en fin de mandat (FAEFM) à l'opérateur France Travail et au « contrat de sécurisation de l'engagement », qui permettront aux élus locaux bénéficiaires de l'allocation différentielle de fin de mandat (ADFM) de disposer d'un accompagnement étroit de la part de France Travail à l'issue de leur mandat, pour les suivre dans leur reconversion, avec la réalisation d'une évaluation des compétences, des périodes de formation, etc.

À l'article 27, notre assemblée avait introduit plusieurs mesures visant à sécuriser la situation des élus qui subiraient une perte d'emploi à l'issue de leur mandat, notamment en intégrant les indemnités de fonction et les temps d'absence dans le calcul des allocations d'aide au retour à l'emploi (ARE), ainsi qu'en prenant en compte la durée de suspension de leur contrat de travail pour la détermination de certains droits liés à l'ancienneté. L'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions pour les remplacer par la création d'une nouvelle allocation forfaitaire mensuelle, aux conditions d'éligibilité extrêmement restrictives.

Si la couverture des élus locaux privés d'emploi à l'issue de leur mandat grâce à une allocation mensuelle nous semble pertinente, nous vous proposons, dans l'attente de l'élaboration d'un dispositif réellement satisfaisant d'ici la séance publique, de rétablir la version de l'article 27 adoptée au Sénat en première lecture.

Nous vous présenterons enfin un certain nombre d'amendements tendant à supprimer les nombreuses demandes de rapport introduites par l'Assemblée nationale, en accord avec la jurisprudence constante de notre commission en la matière.

Mes chers collègues, nous vous proposons, au travers de nos amendements, de retourner à l'esprit initial ayant présidé à l'élaboration de la proposition de loi, tout en conservant les apports introduits par l'Assemblée nationale.

Le texte que nous vous proposons d'adopter comporte des mesures ambitieuses qui, j'en suis convaincue, sauront répondre aux attentes exprimées par les élus locaux.

Sous réserve de l'adoption des amendements que nous vous proposons, nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter ce texte, dont l'intitulé a été modifié par l'Assemblée nationale, mais que nous vous proposons d'intituler à nouveau, conformément à l'ambition des mesures qu'elle porte : « proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. »

Mme Cécile Cukierman. - Je salue le travail des rapporteurs, qui a été effectué dans des conditions assez particulières. Ce texte est essentiel pour la démocratie dans laquelle nous vivons, car l'accompagnement des élus locaux que prévoit la proposition de loi vise à permettre à tous les citoyens de remplir cette fonction. Il ne s'agit pas d'accorder des privilèges, mais au contraire de s'assurer de l'absence d'inégalités et d'offrir la possibilité à tous - et non pas à quelques-uns - de jouer ce rôle.

Je crois que nous avons plus que jamais besoin d'affirmer auprès de nos concitoyens que les entraves à l'engagement local doivent être limitées autant que possible, qu'il s'agisse de l'exercice du mandat lui-même ou de la période postérieure, avec les enjeux professionnels qui y sont liés.

L'essentiel consiste désormais à avancer rapidement : si nous souhaitons que ces mesures puissent entrer en application pour le renouvellement des conseils municipaux, le temps est compté.

Nous voterons donc en faveur de ce texte, en nous limitant au dépôt de quelques amendements. Il importe que le Sénat soit au rendez-vous dans ce dossier, non pas pour choyer nos électeurs, comme cela a pu être écrit, mais pour préserver la démocratie.

M. Pierre-Alain Roiron. - Nous arrivons enfin au terme du parcours législatif de ce texte, seize mois après son adoption à l'unanimité par le Sénat en première lecture. Il nous revient parfois enrichi, parfois remanié, parfois affaibli, mais toujours guidé par la même exigence, celle de mieux reconnaître le travail effectué, de mieux protéger les élus et de mieux accompagner leur engagement.

Dans cet esprit, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) a déposé des amendements visant à renforcer la cohérence du texte. Ces ajustements tendent à conforter les droits des élus qui exercent une activité professionnelle, à simplifier les conditions d'accès au congé électif et à réaffirmer la place essentielle de la formation tout au long du mandat, en sécurisant les financements.

Au-delà des mesures techniques, ce texte représente un jalon important pour celles et ceux qui font vivre notre démocratie locale au quotidien, souvent dans la discrétion et toujours avec abnégation, à un moment où l'engagement public est fragilisé et mérite plus que jamais d'être soutenu. C'est pourquoi nous voterons en faveur de ce texte, comme nous l'avions fait lors de la première lecture.

M. Michel Masset. - Le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) votera en faveur de ce texte, qui facilite l'exercice du mandat d'élu local. Élu d'un territoire dans lequel 80 % des communes rurales comptent moins de 500 habitants, je rappelle que les maires ne s'engagent pas pour percevoir des indemnités ; pour autant, il faut permettre aux élus de concilier leur mandat et l'exercice de leur activité professionnelle, tout en apportant des garanties pour les fins de mandat.

Il conviendra d'aborder la question des moyens dans un autre texte et de soigner la communication à ce sujet compte tenu du contexte que nous connaissons, afin de ne pas prêter le flanc à la critique selon laquelle les élus voient leurs indemnités augmenter de nouveau, sans justification.

M. Hussein Bourgi. - Je souscris aux propos précédents. Depuis quelques jours, des articles de presse fleurissent sur le thème des élus qui souhaiteraient s'octroyer un trimestre de retraite supplémentaire du fait de leur mandat. Je le dis ici, mais je le répéterai à l'identique à l'extérieur : j'assume tout ce que nous faisons ici pour les élus locaux, dont le statut est une véritable Arlésienne. Depuis de nombreuses années, nous avons fait campagne - sur tous les bancs - pour revaloriser celui-ci et nous nous accordons régulièrement, lors des assemblées générales des maires dans nos départements, sur le caractère insatisfaisant de la situation.

Si nous sommes conscients de ces réalités, je vous invite collectivement à ne pas faiblir lorsqu'il faudra expliquer ces mesures à nos concitoyens, et surtout à ne pas baisser la tête face au populisme ambiant, alimenté par un certain nombre de journalistes. Lorsque certains d'entre eux écrivent ce genre de choses, ils contribuent à alimenter le complotisme et le populisme : si les parlementaires que nous sommes ne prenons pas la défense des élus locaux - en particulier ceux des petites communes de la ruralité et des zones de montagne -, qui le fera ?

Si ce message fait largement consensus parmi nous, nous sommes parfois gênés ou ne répondons pas à certains articles de presse, alors que nous devons réagir et tenir la dragée haute à celles et ceux qui vilipendent les élus en les assimilant à une caste à part qui s'octroierait des privilèges. Je m'inscris en faux contre ces affirmations et je les combattrai.

M. François Bonhomme. - Le parcours de ce texte a été un véritable chemin de croix, et ce depuis les premiers rapports qui se sont penchés sur cette question majeure de l'engagement des élus locaux. Je suis heureux que ces travaux aboutissent à une volonté d'aplanir les obstacles à l'engagement local, les mesures portées semblent être à la hauteur des difficultés rencontrées par les élus locaux sur le terrain, que la population pressent, mais méconnaît : un mandat local exige en effet de la disponibilité et des compétences, tout en générant une charge mentale qui n'est qu'insuffisamment évoquée. Ce constat vaut particulièrement pour les élus communaux, placés en première ligne.

S'agissant de la délicate question des indemnités, une campagne de presse en cours ne cherche aucunement à apporter des clés de compréhension et entretient une confusion vis-à-vis des 550 000 élus que compte le pays, dont la majorité n'est que peu ou pas indemnisée. Les indemnités permettent justement d'éviter une charge mentale supplémentaire et ne doivent pas être considérées comme le facteur d'engagement initial : à l'inverse, les citoyens s'engagent dans un premier temps, puis découvrent les complications qui peuvent découler de l'exercice d'un mandat.

Tout ce qui contribuera à alléger cette charge mentale est donc bienvenu. Il convient désormais de le faire comprendre aux citoyens, afin d'éviter un défaut de candidats dans certaines communes lors des prochaines élections.

M. Jean-Michel Arnaud. - Dans un contexte politique difficile qui implique de rechercher des majorités texte par texte, nous parvenons malgré tout à converger sur un certain nombre de sujets, qu'il s'agisse des compétences eau et assainissement ou encore de l'extension du scrutin de listes paritaires aux communes de moins de 1 000 habitants.

Avec ce texte, nous avons l'opportunité d'envoyer des signaux aux élus des communes les plus rurales, en proposant un statut qui facilitera l'accès aux responsabilités locales pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Il faut agir en ce sens alors que l'attractivité de la fonction d'élu local s'affadit, reflétant un désengagement plus général qui affecte de nombreuses causes.

S'il a le mérite de prendre ce problème à bras-le-corps, ce texte est loin d'être idéal : la revalorisation des indemnités prévue ne dépasse pas quelques dizaines d'euros en milieu rural, ce qui couvre à peine les effets de l'inflation enregistrée ces dernières années. Il me semble donc qu'il sera possible de tenir un discours d'accompagnement de cette proposition de loi, en défendant et en expliquant les mesures face aux populismes.

En outre, je regrette que le texte ne comporte pas d'avancées substantielles pour les indépendants et les agriculteurs.

Pour autant, le travail accompli est considérable, les ajouts pertinents de l'Assemblée nationale ayant été intégrés et les dispositifs fragiles ou superfétatoires mis de côté. Je tiens à saluer la forte implication de Françoise Gatel dans ce dossier, ainsi que le président du Sénat, qui en a fait une priorité dans l'ordre du jour des travaux de notre assemblée.

J'espère que le débat de la semaine prochaine sera suivi d'un très large vote en faveur de cette proposition de loi, afin qu'une commission mixte paritaire puisse faire aboutir ce texte d'importance majeure.

M. David Margueritte. - Je suis prêt à faire bloc aux côtés de notre collègue Hussein Bourgi face aux nombreuses attaques dirigées contre les élus depuis les réseaux sociaux, la revalorisation des indemnités prévue étant somme toute assez minime.

S'agissant de l'article 18 et de la prise illégale d'intérêts, les dispositions prévues sont-elles de nature à nous prémunir du spectacle assez ridicule que nous observons dans nos collectivités, à savoir l'obligation de sortir en permanence des réunions des commissions permanentes des départements et des régions ?

Le fonctionnement devient en effet problématique dans la mesure où de très nombreuses aides individuelles y sont votées, tandis que certains fonctionnaires de préfecture procèdent à un contrôle de légalité un peu zélé : tel a été le cas en Normandie. Compte tenu du volume considérable de dossiers individuels étudiés dans une commission permanente, il devient en effet nécessaire de sortir sans arrêt dès qu'il est question de développement économique ou d'agriculture, ce qui entraîne parfois des problèmes de quorum. Cet article 18 constitue donc un levier pour alléger le fonctionnement normal d'une collectivité territoriale qui entend délibérer démocratiquement, en respectant le quorum.

M. Marc-Philippe Daubresse. - J'abonde en ce sens et tiens à rappeler « l'affaire de Plougastel » à ceux qui l'auraient oubliée : le maire de la commune, agriculteur, ne s'était pas retiré lors d'une délibération alors qu'il mettait gracieusement à disposition des captages d'eau privés venant de son exploitation et de celle de l'un de ses adjoints ; il avait ensuite écopé d'une amende.

En l'état actuel du droit, il pourrait se voir infliger une peine d'inéligibilité de cinq années pour avoir, par convention, mis gracieusement des captages d'eau à disposition de sa commune en période de sécheresse : il y a matière à s'interroger !

Mme Muriel Jourda, présidente. - Je rappelle que la « règle de l'entonnoir » s'applique en deuxième lecture : sont donc irrecevables les amendements qui porteraient sur des dispositions déjà adoptées conformes par les deux assemblées, ou qui seraient sans relation directe avec une disposition qui reste en discussion.

EXAMEN DES ARTICLES

Avant l'article 1er

L'amendement COM-5 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 1er

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Nous sommes défavorables aux amendements COM-17 et COM-19, car nous estimons que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale constitue un bon compromis, dans le contexte budgétaire actuel.

Les amendements COM-17 et COM-19 ne sont pas adoptés.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 1er bis A (nouveau)

L'article 1er bis A est adopté sans modification.

Article 1er bis (nouveau)

L'amendement de suppression COM-34 est adopté.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 1er ter (nouveau)

L'amendement de suppression COM-35 est adopté.

L'article 1er ter est supprimé.

Article 2

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement COM-36 vise à rétablir le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour l'ensemble des exécutifs locaux.

L'amendement COM-36 est adopté. Les amendements COM-18 et COM-20 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2 bis (nouveau)

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 3

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-37 prévoit d'exclure les parlementaires du gain de trimestres de retraite dû au titre d'un mandat local.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - J'ai été interrogé par des journalistes sur ce sujet précis. Si le code général des collectivités territoriales (CGCT) permet que certains parlementaires puissent être conseillers municipaux délégués dans la mesure où ils s'occupent des affaires liées à des attributions de la commune exercées au nom de l'État, une généralisation abusive a été faite sur cette base à propos du régime de retraite : je rappelle donc que tous les parlementaires ne sont pas conseillers municipaux délégués et que ce texte ne concerne que le statut des élus locaux.

Il n'est donc en aucune façon question de modifier la situation des parlementaires, qui dépendent d'un régime de retraite particulier. Nous vous proposons donc d'exclure du bénéfice de ce trimestre supplémentaire le peu de parlementaires qui cumuleraient leur rôle avec celui de conseiller délégué, afin de réaffirmer que notre démarche consiste à s'occuper du statut des élus locaux, et non pas de procéder à un quelconque rattrapage pour les parlementaires : il n'a jamais été question d'un tel objectif.

L'amendement COM-37 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis

L'article 3 bis est adopté sans modification.

Article 4

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-38 vise à circonscrire le contenu du rapport visant à évaluer les coûts liés aux attributions exercées par les maires au nom de l'État pesant sur les communes, afin d'accélérer la mise en place d'une compensation au bénéfice de ces dernières.

L'amendement COM-38 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Les amendements identiques de coordination COM-24 rectifié et COM-39 sont adoptés.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5 bis

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement COM-40 vise à rétablir les dispositions de l'article 23 de la proposition de loi dans sa version initiale, supprimée à l'Assemblée nationale. Par souci de cohérence légistique, nous réintroduisons ces dispositions à l'article 5 bis et non à l'article 23.

L'amendement COM-40 est adopté.

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6 (supprimé)

L'article 6 demeure supprimé.

Article 6 bis A (nouveau)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement COM-41 vise à supprimer l'article 6 bis A introduit par l'Assemblée nationale. Nous proposons de renvoyer la discussion relative aux collaborateurs de cabinet à l'examen de la proposition de loi relative déposée sur le sujet le 18 juillet 2025 par notre collègue Cédric Vial.

L'amendement COM-41 est adopté.

L'article 6 bis A est supprimé.

Article 6 bis

L'article 6 bis est adopté sans modification.

Article 7

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-13 prévoit l'obligation, pour les commissions facultatives créées par le conseil municipal, de se réunir au moins une fois par semestre en présentiel. Nous émettons un avis défavorable, car nous sommes opposés à des obligations de ce type.

L'amendement COM-13 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté sans modification.

Article 7 bis (nouveau) (supprimé)

L'article 7 bis demeure supprimé.

Article 7 ter (nouveau)

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-42 vise à corriger un effet de bord de la loi visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, en précisant que l'élection des membres du bureau des EPCI reste régie par l'article L. 2122-7 du CGCT.

L'amendement COM-42 est adopté.

L'article 7 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8 A (supprimé)

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements identiques COM-16 et COM-28 rectifié bis.

Mme Catherine Di Folco. - Pour quel motif ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Cet article 8 A a été supprimé par l'Assemblée nationale et entraîne des difficultés, notamment dans les grandes collectivités : le cumul entre une fonction élective dans une intercommunalité et l'exercice d'un emploi salarié dans l'une des communes membres de cette même intercommunalité nous semble problématique. Nous vous proposons donc de ne pas rétablir l'article.

Mme Catherine Di Folco. - À l'instar de plusieurs collègues, j'ai été saisie par un certain nombre d'élus qui regrettent de ne pas voir ce dispositif réintroduit, notamment dans les petites communes et communautés de communes, car il y pose moins de difficultés.

Les amendements identiques COM-16 et COM-28 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'article 8 A demeure supprimé.

Article 8 B (nouveau) (supprimé)

L'article 8 B demeure supprimé.

Article 8

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements identiques COM-7 rectifié et COM-43 visent à rétablir le dispositif adopté par le Sénat en première lecture concernant le congé électif dont peuvent bénéficier les salariés pour mener campagne. Nous émettons un avis favorable sur l'amendement COM-7 rectifié, qui est identique à l'amendement COM-43 des rapporteurs

Les amendements identiques COM-7 rectifié et COM-43 sont adoptés.

L'article 8 est ainsi rédigé.

Article 8 bis (nouveau)

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-44 vise à écarter la mesure adoptée par l'Assemblée nationale concernant les élus locaux qui sont commerçants ou artisans, qui est juridiquement fragile et dont la mise en oeuvre s'avérerait complexe.

L'amendement COM-44 est adopté.

L'article 8 bis est supprimé.

Article 9

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement COM-45 prévoit de rétablir l'extension des autorisations d'absence aux missions effectuées par les élus municipaux dans le cadre d'un mandat spécial.

L'amendement COM-45 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 9

L'amendement COM-8 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 9 bis

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-46 modifie la rédaction de l'article 9 bis à des fins de cohérence légistique.

L'amendement COM-46 est adopté.

L'article 9 bis est ainsi rédigé.

Article 10

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-47 précise notamment que les travailleurs indépendants et les membres de professions libérales non-salariées peuvent conclure des conventions avec les collectivités territoriales en vue de l'attribution du label « employeur partenaire de la démocratie locale ».

L'amendement COM-47 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-48 vise à rétablir des mesures que nous avions adoptées en première lecture afin de permettre une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et l'exercice du mandat électif local. Il concerne l'entretien professionnel des salariés et des fonctionnaires.

L'amendement  COM-48 est adopté.

L'article 11 est ainsi rédigé.

Article 11 bis

L'article 11 bis est adopté sans modification.

Article 12

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement  COM-49 tend à rétablir la rédaction proposée initialement par le Sénat sur le statut de l'élu étudiant.

L'amendement COM-49 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12 bis (nouveau)

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-50 tend à supprimer l'article 12 bis car son objectif - faire obstacle aux sanctions financières pour les étudiants boursiers en cas d'absences liées à l'exercice de leur mandat - est satisfait par le dispositif prévu à l'article 12.

L'amendement COM-50 est adopté.

L'article 12 bis est supprimé.

Article 13

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-51 est rédactionnel.

L'amendement COM-51 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13 bis (nouveau)

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Parmi les mesures qui concernent les élus en situation de handicap, nous souhaitons conserver uniquement celles qui ont un effet concret - et non seulement symbolique. C'est pourquoi l'amendement  COM-52 tend à supprimer l'article 13 bis.

L'amendement COM-52 est adopté.

L'article 13 bis est supprimé.

Article 13 ter (nouveau)

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Par l'amendement  COM-53, nous proposons de supprimer les dispositions de l'article 13 ter, car un réseau de sous-préfets référents handicap existe déjà depuis 2022. Les référents de ce réseau sont pleinement compétents pour accompagner les candidats ou les titulaires d'un mandat local en situation de handicap.

L'amendement COM-53 est adopté.

L'article 13 ter est supprimé.

Article 14

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Nous émettons un avis défavorable sur l'amendement  COM-9, considérant qu'il comporte une fragilité juridique susceptible d'entraîner une rupture d'égalité entre les salariés du secteur privé et les fonctionnaires.

L'amendement COM-9 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 14 bis (supprimé)

L'article 14 bis demeure supprimé.

Article 15

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-26 étant satisfait, nous émettons un avis défavorable.

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-54 est un amendement de coordination.

L'amendement COM-54 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15 bis

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Par l'amendement  COM-55, nous proposons de recentrer la session d'information dont bénéficiera chaque élu local en début de mandat sur les « fondamentaux du mandat ».

L'amendement COM-55 est adopté.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Nous préférons éviter toute forme de liste de formations proposées, car elle serait toujours incomplète. C'est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur l'amendement  COM-14.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Pour les mêmes raisons, avis défavorable sur l'amendement  COM-15.

L'amendement COM-15 n'est pas adopté.

L'article 15 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-56 vise à rétablir l'extension aux communes de moins de 10 000 habitations de la compensation par l'État des remboursements des frais de garde, qui avait été supprimée par l'Assemblée nationale.

L'amendement COM-56 est adopté.

L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16 bis AA (nouveau)

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - L'amendement  COM-57 vise à supprimer cet article, car il est satisfait par le rétablissement de l'article 16 dans sa version adoptée par le Sénat en première lecture.

L'amendement COM-57 est adopté.

L'article 16 bis AA est supprimé.

Article 16 bis A (nouveau) (supprimé)

L'article 16 bis A demeure supprimé.

Article 17

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement  COM-58 vise à permettre à l'élu placé en congé maladie de continuer l'exercice de son mandat, indépendamment de l'avis de son praticien.

L'amendement COM-58 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 17 bis (nouveau)

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement  COM-59 vise à supprimer l'article 17 bis, car il est satisfait.

L'amendement COM-59 est adopté.

L'article 17 bis est supprimé.

Article 18

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement  COM-60 vise à ajuster le dispositif de réforme de la prise illégale d'intérêts, notamment pour revenir sur certaines modifications issues des travaux de l'Assemblée nationale. Pour éviter toute ambiguïté quant à l'articulation entre le code pénal et le CGCT, cet amendement tend ainsi à supprimer toute référence au second. Il revient également sur l'exception à la prise illégale d'intérêts en cas d'urgence. Enfin, il rétablit, tout en améliorant sa rédaction, la précision des liens affectifs. Ainsi, dans le dispositif de caractérisation de la prise illégale d'intérêts, le verbe « altérer » nous paraît préférable à celui de « compromettre », afin de viser les seuls cas où l'altération de l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de l'élu est effective.

L'amendement COM-60 est adopté.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement  COM-1 soulève des difficultés tant sur le fond que sur la forme. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18 bis A (nouveau)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Notre amendement  COM-61 tend à supprimer certaines mesures d'assouplissement du régime des déports liés à des conflits d'intérêts introduites par l'Assemblée nationale, dont la rédaction nous paraît fragile. Avis défavorable sur l'amendement  COM-4.

L'amendement COM-61 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-4 devient sans objet.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - La rédaction des amendements  COM-2 et COM-3 soulève les mêmes difficultés que les dispositions que nous venons de supprimer. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-3.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18 bis

L'article 18 bis est adopté sans modification.

Article 19

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement  COM-62 vise à rétablir le caractère automatique de l'octroi de la protection fonctionnelle aux élus qui ne sont pas chargés de fonctions exécutives. Nous étions en effet très attachés à cette disposition lors de l'examen en première lecture de ce texte.

L'amendement COM-62 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19 bis (nouveau) (supprimé)

L'article 19 bis demeure supprimé.

Article 20

L'article 20 est adopté sans modification.

Article 21

L'article 21 est adopté sans modification.

Article 22 (supprimé)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - L'amendement  COM-63 que nous vous proposons tend à rétablir l'article 22 dans sa rédaction adoptée au Sénat, supprimé par l'Assemblée nationale. Pour mémoire, ce dispositif vise à poser dans la loi le principe selon lequel les établissements bancaires doivent adapter la fréquence et l'intensité des mesures de contrôle en fonction du profil de risque de leurs clients.

L'amendement COM-63 est adopté.

L'article 22 est ainsi rétabli.

Article 23 (supprimé)

L'article 23 demeure supprimé.

Article 24 bis (supprimé)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Par l'amendement COM-64, nous proposons de rétablir l'article supprimé par l'Assemblée nationale mais en prévoyant non plus le pré-remplissage des déclarations d'intérêts comme en première lecture mais des déclarations de situation patrimoniale par la HATVP.

L'amendement COM-64 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-32 rectifié ter devient sans objet.

L'article 24 bis est ainsi rétabli.

Après l'article 24 bis (supprimé)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - En raison des difficultés qu'il impliquerait, nous émettons un avis défavorable sur l'amendement  COM-30 rectifié.

L'amendement COM-30 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement COM-78 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 25

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement  COM-65 est rédactionnel.

L'amendement COM-65 est adopté.

L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 25

L'amendement COM-11 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 26

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-66 rétablit le transfert à France Travail de la gestion du fonds d'allocation des élus en fin de mandat (FAEFM) et le contrat de sécurisation de l'engagement.

L'amendement COM-66 est adopté.

L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 27

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Les amendements identiques COM-10 rectifié et COM-67 concernent le rétablissement des mesures visant à sécuriser la situation des élus privés d'emploi à l'issue de leur mandat. Nous émettons un avis favorable sur l'amendement COM-10 rectifié, qui est identique à l'amendement COM-67 des rapporteurs.

Les amendements identiques COM-10 rectifié et COM-67 sont adoptés.

L'article 27 est ainsi rédigé.

Article 27 bis A (nouveau) (supprimé)

L'article 27 bis A demeure supprimé.

Article 29 (supprimé)

L'article 29 demeure supprimé.

Article 30 (nouveau)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Il s'agit, par l'amendement  COM-68 et les suivants, de demander la suppression de nombreuses demandes de rapports introduites par l'Assemblée nationale.

L'amendement COM-68 est adopté.

L'article 30 est supprimé.

Article 31 (nouveau)

L'article 31 est adopté sans modification.

Article 32 (nouveau)

L'amendement  COM-69 est adopté.

L'article 32 est supprimé.

Article 33 (nouveau)

L'amendement COM-70 est adopté.

L'article 33 est supprimé.

Article 34 (nouveau)

L'amendement  COM-71 est adopté.

L'article 34 est supprimé.

Article 35 (nouveau)

L'amendement  COM-72 est adopté.

L'article 35 est supprimé.

Article 36 (nouveau)

L'amendement  COM-73 est adopté.

L'article 36 est supprimé.

Article 37 (nouveau)

L'amendement  COM-74 est adopté.

L'article 37 est supprimé.

Article 38 (nouveau)

L'amendement  COM-75 est adopté.

L'article 38 est supprimé.

Article 39 (nouveau)

L'article 39 est adopté sans modification.

Article 40 (nouveau)

L'amendement COM-76 est adopté.

L'article 40 est supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. - Par l'amendement COM-77, nous vous proposons de rétablir l'intitulé initialement proposé par le Sénat.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

TITRE IER : AMÉLIORER LE RÉGIME INDEMNITAIRE DES ÉLUS POUR RECONNAÎTRE LEUR ENGAGEMENT À SA JUSTE VALEUR

Article(s) additionnel(s) avant Article 1er

M. UZENAT

5

Rapport sur la création d'un statut d'agent civique territorial

Irrecevable art. 44 bis, al. 5 et 6 RS (entonnoir)

Article 1er

Mme BELLAMY

17

Augmentation des indemnités de fonction maximales des maires

Rejeté

Mme BELLUROT

19

Augmentation des indemnités de fonction maximales des maires

Rejeté

Article 1er bis (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

34

Amendement de suppression

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

35

Amendement de suppression

Adopté

Article 2

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

36

Rétablissement du principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour les exécutifs locaux et modification de la définition de l'enveloppe indemnitaire globale

Adopté

Mme BELLUROT

18

Suppression du principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour les exécutifs communautaires

Rejeté

Mme BELLUROT

20

Augmentation des indemnités de fonction des adjoints au maire

Rejeté

Article 3

Mme BELLUROT

23

Garantir l'effectivité de la majoration de durée d'assurance acquise au titre des mandats locaux. 

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

37

Exclusion des parlementaires du gain de trimestres de retraite du au titre d'un mandat local

Adopté

Article 4

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

38

Précision du contenu du rapport d'évaluation des coûts pesant sur les communes liées aux attributions exercées par les maires au nom de l'État 

Adopté

TITRE II : FACILITER L'ENGAGEMENT DES ÉLUS LOCAUX ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU MANDAT

Chapitre Ier : Améliorer les conditions matérielles d'exercice du mandat au quotidien

Article 5

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

39

Amendement de coordination entre les articles 5 et 13

Adopté

Mme BELLUROT

24 rect.

Amendement de coordination entre les articles 5 et 13

Adopté

Article 5 bis

M. ROIRON

6

Modifier le nom de la section afin de l'intituler "dispositions relatives au mandat de l'élu local"

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

40

Intégrer les dispositions de l'article 23 - respect des principes, lois et symboles de la République

Adopté

Article 6 bis A (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

41

Amendement de suppression

Adopté

Article 7

Mme LERMYTTE

13

Obligation pour les commissions facultatives créées par le conseil municipal de se réunir au moins une fois par semestre en présentiel. 

Rejeté

Article 7 ter (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

42

Amendement de coordination visant à répondre à une erreur de la loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité

Adopté

Chapitre II : Faciliter la conciliation du mandat avec l'exercice d'une activité professionnelle

Article 8 A (Supprimé)

Mme BELLAMY

16

Lever l'incompatibilité entre l'exercice d'un mandat communautaire et un emploi salarié au sein d'une des communes membres de l'EPCI

Rejeté

M. Vincent LOUAULT

28 rect. bis

Lever l'incompatibilité entre l'exercice d'un mandat communautaire et un emploi salarié au sein d'une des communes membres de l'EPCI

Rejeté

Article 8

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

43

Extension de la durée maximale du congé électif à 20 jours pour les candidats à une élection locale et maintien à 24 heures du délai de prévenance

Adopté

M. ROIRON

7 rect.

Extension de la durée maximale du congé électif à 20 jours pour les candidats à une élection locale et maintien à 24 heures du délai de prévenance

Adopté

Article 8 bis (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

44

Amendement de suppression

Adopté

Article 9

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

45

Rétablissement de l'extension du champ des autorisations d'absence aux missions accomplies dans le cadre d'un mandat spécial

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 9

M. ROIRON

8

Extension aux élus locaux du statut de salarié protégé

Irrecevable art. 44 bis, al. 5 et 6 RS (entonnoir)

Article 9 bis

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

46

Créer un renvoi au sein du code du travail vers les dispositions du CGCT relatives aux temps d'absence des salariés élus locaux. 

Adopté

Article 10

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

47

Précisions relatives à l'attribution et aux droits ouverts par le label "employeur partenaire de la démocratie locale"

Adopté

Article 11

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

48

Mention des mesures de conciliation entre la vie professionnelle et le mandat électif local au cours de l'entretien professionnel des salariés et des fonctionnaires 

Adopté

Article 12

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

49

Aménagements de scolarité réservés aux étudiants titulaires d'un mandat et extension des activités ouvrant droit à remboursement des frais de déplacement des élus municipaux étudiants

Adopté

Article 12 bis (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

50

Amendement de suppression

Adopté

Article 13

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

51

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 13 bis (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

52

Amendement de suppression

Adopté

Article 13 ter (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

53

Amendement de suppression 

Adopté

Article 14

M. ROIRON

9

Mobilisation du compte personnel de formation pour financer des formations liées à l'exercice d'un mandat électif local

Rejeté

Article 15

Mme BELLUROT

26

Prise en charge des frais de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique pour les élus en situation de handicap exerçant leur droit à la formation

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

54

Allongement à 24 jours de la durée du congé de formation des élus locaux

Adopté

Article 15 bis

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

55

Ciblage de la session d'information à destination des élus locaux en début de mandat sur les fondamentaux du mandat

Adopté

Mme LERMYTTE

14

Ajout d'un module de sensibilisation à la gestion des conflits et à la prévention des comportements agressifs à la session d'information sur les fonctions d'élu local de début de mandat

Rejeté

Mme LERMYTTE

15

Ajout d'un module de sensibilisation aux gestes de premiers secours

Rejeté

Chapitre III : Faciliter la conciliation entre l'exercice du mandat et la vie personnelle de l'élu

Article 16

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

56

Rétablissement de l'extension aux communes de moins de 10 000 habitants de la compensation par l'État des remboursements de frais de garde

Adopté

Article 16 bis AA (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

57

Amendement de suppression

Adopté

Article 17

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

58

Possibilité pour l'élu placé en congé maladie de continuer son mandat indépendamment de l'avis de son médecin et quelques coordinations. 

Adopté

Article 17 bis (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

59

Suppression d'une modification non nécessaire concernant la faculté pour une élue municipale en congé maternité de donner pouvoir de voter en son nom

Adopté

Chapitre IV : Sécuriser l'engagement des élus et les accompagner dans le respect de leurs obligations déontologiques

Article 18

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

60

Ajustements du dispositif de réforme de la prise illégale d'intérêts

Adopté

M. LEFÈVRE

1

Précision selon laquelle l'exercice par un élu d'une fonction au sein d'une société publique locale ou une société d'économie mixte constitue un intérêt public

Rejeté

Article 18 bis A (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

61

Suppression de certaines mesures d'assouplissement du régime des conflits d'intérêts

Adopté

M. LEFÈVRE

4

Absence de conflit d'intérêt lorsqu'un élu d'une collectivité délibère au sujet d'une entreprise publique locale au sein de laquelle il représente une autre collectivité 

Rejeté

M. LEFÈVRE

2

Assouplissement du régime des déports dans le cadre des délibérations des collectivités territoriales concernant les sociétés publiques locales et sociétés d'économie mixte locales 

Rejeté

M. LEFÈVRE

3

Assouplissement du régime des déports dans le cadre des délibérations des collectivités territoriales concernant les sociétés publiques locales et sociétés d'économie mixte locales 

Rejeté

Article 19

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

62

Rétablissement du caractère automatique de la protection fonctionnelle pour les élus non chargés de fonctions exécutives

Adopté

Article 22 (Supprimé)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

63

Rétablissement de l'article 22

Adopté

Article 24 bis (Supprimé)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

64

Pré-remplissage de la déclaration de patrimoine 

Adopté

M. Vincent LOUAULT

32 rect. ter

Pré-remplissage de la déclaration d'intérêt

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 24 bis (Supprimé)

M. ROCHETTE

30 rect.

Pré-remplissage de la déclaration d'intérêts

Rejeté

M. BOURGI

78

Possibilité pour les parlementaires de se voir déléguer des attributions en dehors de celles assurées par la commune au nom de l'État. 

Irrecevable art. 44 bis, al. 5 et 6 RS (entonnoir)

TITRE III : SÉCURISER LA FIN DE MANDAT DES ÉLUS LOCAUX

Article 25

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

65

Amendement rédactionnel et de coordination

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 25

Mme CANALÈS

11

Création d'une voie d'accès à la catégorie B de la fonction publique territoriale en vue de l'exercice du métier de secrétaire de mairie pour les élus locaux à l'issue de leur mandat

Irrecevable art. 44 bis, al. 5 et 6 RS (entonnoir)

Article 26

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

66

Transfert à France Travail de la gestion du fonds d'allocation des élus en fin de mandat et rétablissement du contrat de sécurisation de l'engagement

Adopté

Article 27

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

67

Rétablissement des mesures visant à sécuriser la situation des élus privés d'emploi à l'issue de leur mandat

Adopté

M. ROIRON

10 rect.

Rétablissement des mesures visant à sécuriser la situation des élus privés d'emploi à l'issue de leur mandat

Adopté

TITRE IV : Dispositions finales

Article 30 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

68

Amendement de suppression

Adopté

Article 32 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

69

Amendement de suppression

Adopté

Article 33 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

70

Amendement de suppression

Adopté

Article 34 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

71

Amendement de suppression

Adopté

Article 35 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

72

Amendement de suppression

Adopté

Article 36 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

73

Amendement de suppression

Adopté

Article 37 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

74

Amendement de suppression

Adopté

Article 38 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

75

Amendement de suppression

Adopté

Article 40 (nouveau)

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

76

Amendement de suppression

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme EUSTACHE-BRINIO, Mme PATRU, M. KERROUCHE rapporteurs

77

Rétablissement de l'intitulé initial de la proposition de loi

Adopté

Proposition de loi visant à se libérer de l'obligation alimentaire à l'égard d'un parent défaillant - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous accueillons notre collègue Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi visant à se libérer de l'obligation alimentaire à l'égard d'un parent défaillant.

M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi. - Chacun, me semble-t-il, reconnaît le sens et la légitimité de ma proposition de loi. Elle touche à une question profondément humaine : celle de la justice et de la dignité de l'enfant devenu adulte face à un parent qui a failli à ses devoirs. Ces devoirs sont imposés par l'article 371-1 du code civil, mais ils relèvent aussi de la présence, de l'affection et de la protection d'un parent envers son enfant.

Je veux revenir sur la genèse de ce texte et sur les avancées que je souhaite vous proposer pour le rendre plus juste, plus clair et plus solide juridiquement.

Depuis le début de mon premier mandat, j'ai fait de la protection de l'enfance une priorité politique. En novembre dernier, j'ai été interpellé sur la situation de personnes contraintes par la loi de subvenir aux besoins de leurs géniteurs, alors même qu'elles ont subi des violences, des négligences graves ou un abandon dans leur enfance.

Cette obligation, prévue à l'article 205 du code civil, n'est pas nouvelle. Elle date de 1804, au moment de la création du code civil, sous l'impulsion de Napoléon Bonaparte. Cependant, la vision de la famille des grands juristes qui ont rédigé ce code - Portalis, Tronchet ou Maleville - n'est pas tout à fait celle que nous partageons en 2025 ! Leur conception était, disons-le, paternaliste, hiérarchique, fondée sur l'autorité du père et la dépendance des enfants. Ce texte a donc 221 ans et, s'il a permis de structurer durablement notre droit de la famille, il est aussi le reflet d'une époque révolue.

Notre société a profondément évolué. Les liens familiaux ne reposent plus sur la seule autorité, mais sur le respect, la responsabilité et la réciprocité.

C'est sur cette réciprocité que se fonde cette proposition de loi. Dès lors, maintenir une obligation alimentaire dans des situations où le géniteur a gravement failli à ses devoirs parentaux relève, au-delà de l'injustice, d'une non-réciprocité insupportable.

Il est vrai que le droit actuel permet déjà, en théorie, de s'exonérer de cette obligation. Les personnes concernées peuvent saisir le juge aux affaires familiales (JAF) pour en demander la suppression. Le juge apprécie alors la réalité des défaillances parentales. Nous savons aussi combien la justice familiale est saturée : les juges aux affaires familiales croulent sous des milliers de dossiers et les délais sont extrêmement longs.

Ainsi, des enfants devenus adultes continuent parfois à payer pendant plusieurs années, voire jusqu'à la fin des jours du géniteur qu'ils n'ont jamais connu ou, pire, qui les a maltraités, violentés ou négligés - et je ne parle même pas des ayants droit qui sont parfois assujettis à cette obligation alimentaire...

C'est précisément pour répondre à cette situation que cette proposition de loi vise à créer une procédure simplifiée. Elle permettra à tout majeur, entre 18 et 30 ans, de s'exonérer de cette obligation alimentaire par un acte notarié. Cet acte sera ensuite notifié aux parents qui pourront, s'ils le souhaitent, le contester dans un délai de six mois à partir de la date de notification. En cas de contestation, ce dossier sera alors transmis au juge aux affaires familiales, qui appréciera les faits et décidera si le manquement grave à l'autorité parentale, tel que le définit l'article 371-1 du code civil, justifie l'exonération de cette obligation. L'enfant n'est plus condamné à des années d'attente pour faire reconnaître une situation qui l'oblige à subvenir aux besoins d'un parent qui l'a fait souffrir.

Depuis le dépôt de cette proposition de loi il y a neuf mois, j'ai entendu les observations formulées par nombre d'entre vous, par votre rapporteur, mais aussi par des juristes, des acteurs sociaux, des notaires et surtout par les victimes elles-mêmes, que nous avons auditionnées à plusieurs reprises. Nous avons recueilli plus de 900 témoignages, tous aussi forts et bouleversants les uns que les autres, que je mets à la disposition de la commission.

Ces échanges ont été précieux et ont permis d'identifier trois difficultés principales au dispositif initial : la question du renversement de la charge de la preuve, le flou juridique entourant les notions de défaillance parentale et de bienveillance, dont la définition manquait de précision juridique, et, enfin, le délai d'âge accordé à l'enfant pour s'exonérer de l'obligation alimentaire, fixé entre 18 et 30 ans.

J'ai donc proposé à votre rapporteur les modifications suivantes, que la commission pourra reprendre, ou que je proposerai directement en séance.

Premièrement, je propose l'évolution du dispositif par la substitution d'un allégement de la charge de la preuve au renversement prévu dans la version initiale du texte, en demandant à l'enfant qui souhaite s'exonérer de l'obligation alimentaire de le faire par un acte notarié, qui devra cette fois-ci être motivé.

Deuxièmement, je souhaite préciser la définition de la défaillance parentale. Nous l'avions en effet indiquée dans l'exposé des motifs, mais pas dans le dispositif de l'article. Celui-ci sera donc désormais apprécié au regard de l'article 371-1 du code civil, c'est-à-dire à travers les manquements graves aux obligations d'autorité parentale : protection, éducation, respect et développement de l'enfant. Ainsi, nous sortons du flou juridique et ancrons le texte dans le droit existant.

Troisièmement, j'ouvre la possibilité, en plus du parent concerné, au président du conseil départemental de former opposition à cet acte notarié dans un délai de six mois à compter de sa notification. En cas de contestation, le juge aux affaires familiales appréciera la situation avec une charge de la preuve allégée au bénéfice de l'enfant devenu adulte, et le président du conseil départemental pourra s'appuyer, avant de contester, sur les motivations qui figureront dans l'acte notarié.

Quatrièmement, je souhaite supprimer l'article 3 relatif à la perte des droits successoraux, car il faisait craindre une forme de double peine pour les victimes. Je tiens toutefois à préciser que, dans la grande majorité des cas, les enfants victimes qui souhaitent s'exonérer de cette obligation alimentaire ne le font pas pour des raisons strictement financières, mais par la volonté de rompre définitivement tout lien avec un parent dont ils ont été victimes. L'article 3 avait été réintroduit après une suppression initiale, à la demande des victimes, pour bien montrer qu'il ne s'agissait pas d'un effet d'aubaine. Je comprends aussi que l'on ne peut refuser une succession lorsqu'elle n'est pas encore ouverte.

Cinquièmement, pour répondre à une demande forte d'égalité, et en accord avec la Chancellerie, je souhaite ajouter une dérogation à l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles, qui traite notamment de l'obligation alimentaire. Cela garantit une réelle efficacité du dispositif, notamment pour ceux qui n'osent pas entreprendre ces démarches dès leur majorité ou jusqu'à leurs 30 ans, et permet donc effectivement à toutes les personnes de plus de 30 ans de pouvoir bénéficier de cette dérogation.

Vous l'aurez compris, cette proposition de loi ne vise pas à rompre les liens entre générations, mais à les rétablir sur des bases plus justes, celles du respect mutuel, de la responsabilité parentale et de la réciprocité des devoirs.

Par ce texte, nous affirmons et réaffirmons que la filiation ne peut justifier l'injustice et que la République doit protéger ceux qui ont été victimes dans leur enfance, même quand ils sont devenus adultes.

Ce dispositif demeure révocable. En cas d'évolution des relations entre l'enfant et son parent, l'enfant devenu adulte conserve la possibilité de subvenir volontairement aux besoins de ses parents, sans que la loi l'y oblige. En modernisant ce texte de 1804, nous faisons entrer notre droit dans le XXIe siècle sans rien renier de ses valeurs fondatrices.

M. Xavier Iacovelli sort à la fin de son intervention.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Notre commission se réunit souvent pour examiner des textes qui oeuvrent à protéger les victimes de violences intrafamiliales. Il s'agit d'un objectif crucial, que nous partageons tous ; il est impossible d'y être insensible.

Cette tâche qui nous incombe est d'autant plus importante qu'elle est délicate ; délicate, puisque ce qui nous semblerait de prime abord justifié n'est pas nécessairement fondé, efficace, voire juste au regard du droit.

Il nous revient donc de veiller sans cesse, pour ces textes peut-être plus encore que pour les autres, à ce que les grands principes du droit ne soient pas méconnus.

La proposition de loi vise à permettre à tout majeur de moins de trente ans de se décharger de son obligation alimentaire à l'égard d'un parent défaillant. Il s'agit là d'éviter à un enfant violenté ou abandonné par un parent de devoir un jour subvenir aux besoins de ce dernier, notamment en payant le lourd coût de l'établissement d'hébergement pour personne âgée dépendante (Ehpad).

Sur le principe et à première vue, je n'avais pas d'a priori négatif, d'autant que ce texte me semblait s'inscrire dans la continuité de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, que j'ai eu l'honneur de rapporter pour notre commission. Cette loi a instauré une décharge automatique de l'obligation alimentaire des descendants en cas de condamnation d'un parent pour un crime commis sur l'autre parent.

J'ai donc entamé mes travaux sur la présente proposition de loi avec un esprit d'écoute, sans position préétablie.

Toutefois, à l'exception de l'auteur du texte et du collectif Les liens en sang, qui soutient cette initiative, absolument toutes les personnes que j'ai entendues ont vivement critiqué le dispositif pour des raisons juridiques, qui me paraissent insurmontables.

Les représentants des avocats, des notaires, des magistrats de la jeunesse et de la famille et de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) s'accordent sur le fait que cette proposition de loi méconnaît plusieurs grands principes du droit français, et présente donc le risque d'entraîner de graves effets de bord.

Je souligne la qualité des auditions que nous avons menées et auxquelles Hussein Bourgi a assisté.

Je me concentrerai sur les trois arguments principaux qui ont été avancés par tous ces professionnels du droit.

Le premier concerne la logique même du dispositif, qui permettrait à un enfant de se décharger unilatéralement, par l'adoption d'un acte notarié - et donc en l'absence de tout contrôle juridictionnel -, de l'obligation alimentaire qui le lie à un parent défaillant.

Il s'agit là d'une rupture considérable. L'obligation alimentaire constitue un devoir par nature réciproque, dans la mesure où il manifeste la solidarité familiale que garantit notre droit civil. Le caractère unilatéral de cet acte notarié rompt donc avec la logique même de cette obligation. Pour vous en convaincre : les représentants des juges aux affaires familiales sont allés jusqu'à considérer qu'« un parallèle pourrait être fait avec la répudiation, qui est jugée contraire à l'ordre public français ».

Si notre droit prévoit déjà des cas de décharge de l'obligation alimentaire, aucun n'est unilatéral. À l'exception d'un cas particulier s'appliquant aux petits-enfants, qui sont déchargés de l'obligation alimentaire lorsqu'est sollicitée une aide sociale à l'hébergement (ASH), tous les cas de décharge reposent sur la caractérisation d'une faute lourde du parent, qu'il s'agisse de manquements graves à ses devoirs parentaux, constatés par le juge aux affaires familiales (JAF), de la condamnation pour un crime au sein du cadre familial ou du placement durable de l'enfant auprès des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Le deuxième argument sur les modalités d'adoption de cet acte notarié. Je me concentrerai sur les deux modalités principales, qui interagissent entre elles.

En premier lieu, cet acte est dépourvu de motivation, mais pas de mobile : le dispositif fait explicitement référence à « un parent défaillant », qui n'aurait pas « rempli ses devoirs parentaux » ni « fait preuve de bienveillance ». Les éléments de caractérisation de la défaillance parentale sont d'une grande imprécision juridique, voire tout à fait inconnus en droit français. Au-delà, ces éléments sont cumulatifs, ce qui accentue les difficultés de prouver l'absence de défaillance.

En second lieu, cet acte produirait ses effets juridiques soit en l'absence de contestation du parent dans un délai de six mois, ce qui soulève des interrogations compte tenu de la situation de vulnérabilité dans laquelle pourraient être des parents hébergés en Ehpad, soit à l'issue d'un procès perdu par le parent. Le dispositif prévoit à cet égard qu'en cas de contestation, il reviendrait au parent de prouver qu'il a rempli ses devoirs parentaux et qu'il a été bienveillant, et ce alors que la demande d'acte notarié repose, quant à elle, sur une allégation non motivée de « défaillance », ce qui est différent. Cette inversion de la charge de la preuve représente une grave méconnaissance du droit français. Elle l'est d'autant plus qu'il sera incroyablement difficile au parent d'apporter la preuve qu'il a été bienveillant. Comment, en effet, établir devant un juge que l'on a été bienveillant ? Nous ouvririons là une boîte de Pandore.

Le troisième argument qui a été avancé concerne la conséquence qu'emporte l'adoption de cet acte sur les droits successoraux de l'enfant. Le dispositif prévoit en effet qu'il « entraîne de plein droit la perte des droits successoraux de l'enfant à l'égard du parent concerné ».

Là encore, tous les professionnels du droit que j'ai entendus ont avancé que cette disposition viole un principe structurant du droit des successions : la prohibition des pactes sur succession future. Derrière cette belle formule se cache une règle simple : il est interdit, en droit français, de renoncer à une succession non encore ouverte.

Il a par ailleurs été souligné que l'obligation alimentaire n'est en rien la contrepartie des droits de succession. J'en veux pour preuve qu'aucun des cas actuels de décharge de l'obligation alimentaire ne prévoit une telle conséquence sur les droits de succession.

J'ajouterai même, comme les personnes que j'ai entendues, qu'il s'agirait d'une double peine pour l'enfant maltraité que de perdre, de surcroît, ses droits successoraux.

Enfin, et surtout, le ministère de la justice, les magistrats de la jeunesse et de la famille, les avocats et les notaires m'ont convaincue que le droit actuel permet déjà de décharger un enfant victime d'un parent défaillant de son obligation alimentaire.

Plusieurs cas de figure ont été avancés par le collectif Les liens en sang et l'auteur du texte, que je remercie pour la qualité de nos échanges. Il s'agit de cas terribles, affreux, d'abandon de famille, de viols incestueux, de violences insupportables. Tous nous avons reçu des témoignages relatant ces abominations.

J'ai donc voulu m'assurer, tout au long de mes travaux, qu'il n'y avait pas, dans notre droit, une inconcevable lacune. Et j'ai été rassurée de constater que les procédures juridictionnelles existantes permettent déjà de décharger ces enfants de leur obligation alimentaire, même à titre préventif, donc avant même que le conseil départemental ne se tourne devant les débiteurs alimentaires pour financer l'hébergement de leur ascendant en Ehpad. Elles exigent certes d'engager une procédure judiciaire. Cependant, celle-là seule permet de garantir le respect des principes structurants de notre droit, lorsque d'aussi graves accusations sont portées.

Je vous proposerai donc de rejeter la proposition de loi, non seulement en raison de ces nombreux arguments de droit, que mon rôle de rapporteur m'imposait de vous présenter, mais également en opportunité, puisque je ne soutiens pas la volonté de l'auteur du texte de mettre à mal le principe de la solidarité familiale en ouvrant une procédure extrajudiciaire et inconditionnelle de décharge de l'obligation alimentaire qui ferait reposer cette dernière sur la solidarité nationale.

Les blessures de l'enfance laissent des cicatrices qui marquent à tout jamais. C'est une raison de plus pour insister sur l'aide à la parentalité et l'éducation que nous offrons à nos enfants.

Mme Dominique Vérien. - L'idée initiale était de mieux protéger les enfants maltraités. Ce dispositif vise à éviter un passage devant la justice, qui présente des garanties, en allant directement chez le notaire. Cela représente un risque notable, notamment du fait de la borne d'âge, entre 18 et 30 ans. Aussi, ce mécanisme reviendrait à créer un conflit, et donc vraisemblablement du contentieux, sans savoir s'il existera réellement plus tard. Peu de jeunes de 18 ans ont à prendre leurs parents en charge au sein d'un Ehpad, et un jeune de 18 ans est parfois révolté contre ses parents. N'ouvrons pas une pareille brèche ; ce dispositif pourrait être instrumentalisé. Sait-on seulement ce qu'est être un bon parent à l'âge de 18 ans ? On comprend la bienveillance de ses parents le jour où l'on élève soi-même des enfants.

Ainsi, je comprends parfaitement le rejet du texte proposé par Marie Mercier.

Plutôt que de modifier le droit, soyons plus attentifs à l'intérêt des enfants. J'attends beaucoup du rapport de la mission conjointe de contrôle sur la protection de l'enfance et des mesures correctives qui seront proposées.

Bref, protégeons les enfants de leurs parents maltraitants, mais ne créons pas une nouvelle bizarrerie législative.

Mme Salama Ramia. - Je ne souhaite pas paraphraser l'intervention de Xavier Iacovelli, mais souligner un point essentiel.

J'ai entendu les inquiétudes du rapporteur Marie Mercier sur les fragilités juridiques du texte. Ses remarques ont été prises en considération, et ont conduit aux évolutions souhaitées par Xavier Iacovelli : je pense à la consolidation de l'article 1er, avec une référence plus précise aux obligations parentales, et la suppression de l'article 3, qui soulevait de réelles interrogations en matière de droits successoraux.

Ces ajustements répondent à une grande partie des insécurités juridiques relevées collectivement. Ils témoignent d'une volonté de compromis, pour protéger les enfants victimes, qui souhaitent se libérer plus simplement d'une obligation alimentaire injuste, et pour garantir l'impératif de sécurité juridique qui nous oblige en tant que législateurs.

Notre groupe restera animé par un esprit de responsabilité et de dialogue, pour trouver d'ici à l'examen du texte en séance une version plus équilibrée, qui apporte à la fois une réponse à la souffrance des victimes et soit conforme aux exigences de notre droit.

M. Francis Szpiner. - Je remercie Marie Mercier pour son rapport très clair. Ce texte fait partie des propositions de loi qui encombrent le législateur parce qu'elles ne servent à rien et n'apportent rien.

J'ai écouté l'auteur de la proposition de loi... Les bras m'en tombent ! Le système actuel respecte notre droit. En votant ce texte, nous irions créer un contentieux qui n'existe pas, sur un sujet marginal. Imaginez l'enfant qui se rendra chez le notaire, avec les moyens de le payer, pour faire une déclaration unilatérale dans laquelle il dénoncera de mauvais traitements de la part de ses parents, qui ne pourront pas se défendre... C'est une usine à gaz qui n'apporte strictement rien aux enfants, qui met à bas les principes les plus élémentaires du droit !

J'entends certains dire que la jurisprudence sur les manquements graves n'est pas claire... Lisez-la ! Les juges s'appuient sur le code civil ; tout est très clair. Il n'y a que les ignorants qui ne savent pas comment la jurisprudence définit les manquements graves.

Nous perdons notre temps, nous allons consacrer une séance publique pour expliquer des choses qui n'ont aucun intérêt. Ce texte ne réglera aucun problème et rendra la situation encore plus complexe.

Je souhaite le rejet de cette proposition de loi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Xavier Iacovelli a montré qu'il se préoccupait des droits des enfants de manière permanente - je précise que la majorité sénatoriale a refusé la création d'une délégation aux droits de l'enfant ; une telle délégation eût été intéressante.

Je confesse que nous n'étions pas complètement au point sur le droit existant en matière d'obligations alimentaires et sur les progrès réalisés, assez récents, sur la manière de s'en dégager. Francis Szpiner et Marie Mercier l'ont rappelé : il est possible de se dégager d'une obligation alimentaire, de droit, mais aussi à la suite d'une décision judiciaire prise par un JAF.

La notion de manquements graves est parfaitement définie. Ce n'est pas le problème.

Plusieurs points du texte nous interpellent. Je n'ai pas connaissance de l'existence d'une obligation juridique dont on puisse se départir par simple déclaration notariée, de manière unilatérale...

M. Francis Szpiner. - Le pacte civil de solidarité !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je m'interroge aussi concernant les bornes d'âge.

Bref, les procédures existent, et elles sont plutôt bien faites.

J'en viens à la contestation possible par le parent. Il dispose d'un délai de six mois. Je me suis donc projetée dans la situation. Le parent doit apporter la preuve de sa bienveillance : comment prouver sa bienveillance, comment prouver que l'on a été une mère formidable, d'autant que chaque enfant a toujours quelque chose à reprocher à ses parents ?

Nous sommes perplexes face à l'utilité de ce dispositif, qui constitue un nid à contentieux terrible ; et les évolutions du texte proposées par son auteur ne résolvent rien.

M. Hussein Bourgi. - Je souscris aux propos du rapporteur Marie Mercier. J'ai pu participer à toutes les auditions. Je le souhaitais, car - je le confesse - l'une des personnes à l'origine de ce texte est une élue municipale de Palavas-les-Flots, membre du collectif Les liens en sang. Elle m'a parlé de son histoire personnelle : j'ai été saisi par son histoire et son parcours. Elle m'a dit avoir contacté Xavier Iacovelli, qui avait déposé une proposition de loi.

J'ai vite compris qu'il existait des solutions au problème soulevé et qu'il n'était pas nécessaire de voter une loi. Marie Mercier a parfaitement rapporté ce que les professionnels du droit nous ont dit : un tel texte viendra révolutionner le droit de la famille tel que défini depuis 1804.

Par exemple, il n'est pas possible de récuser une succession qui n'est pas encore ouverte. Autre exemple : un notaire, aussi respectable soit-il, obéit à la demande de celui qui le paie ; il n'y aura pas de contradictoire. Ainsi, ma position a évolué. Il nous reviendra de dire dans l'hémicycle que nous entendons la souffrance de ces jeunes et de ces enfants, et peut-être qu'une circulaire de la Chancellerie aux tribunaux serait utile pour que les contentieux soient traités dans des délais suffisamment courts. C'est moins une question d'imperfection juridique qu'un problème de diligence dans le traitement judiciaire des dossiers.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Sans avoir été parent soi-même, il est difficile de juger les siens. L'enfant se souvient souvent de ce qu'il n'a pas eu, et non de ce qu'il a eu.

Xavier Iacovelli a évoqué des modifications possibles, mais il n'a pas déposé d'amendement à ce stade.

Xavier Iacovelli parlait de « victimes invisibles ». Pourtant, nous n'avons pas trouvé de lacune dans le cadre juridique actuel. La décharge de l'obligation alimentaire revêt une gravité certaine ; il est essentiel d'y établir des conditions strictes, comme le fait le droit en vigueur. La bienveillance est en outre très difficile à définir, comme l'expliquait Marie-Pierre de La Gontrie : partir au conseil municipal sans faire la lecture du soir, est-ce une défaillance ?

Concernant les successions, que se passerait-il si l'enfant décède avant le parent, après avoir refusé la succession ? Le parent hériterait de l'enfant décédé qui aurait refusé la succession. Tout cela n'est pas raisonnable.

Nous devons inciter les victimes à saisir le juge aux affaires familiales et faire confiance au droit existant.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre indicatif de la proposition de loi inclut les dispositions relatives à l'obligation alimentaire des ascendants, descendants et de leurs alliés.

Il est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à supprimer la limite d'âge pour adopter l'acte notarié.

La limite d'âge est conçue comme un garde-fou, pour limiter tout effet d'aubaine : il s'agit d'éviter que des enfants ne soient tentés de se décharger unilatéralement de leur obligation alimentaire essentiellement pour éviter de payer les frais liés au vieillissement, voire à la dépendance du parent en cause.

L'hypothèse suivante a même été avancée : un parent bienveillant pourrait laisser son enfant se décharger de son obligation alimentaire, pour que le coût de l'Ehpad, par exemple, soit supporté par la collectivité nationale et non par ce dernier. Voyez jusqu'où cela pourrait aller !

Cela étant dit, ce garde-fou n'est pas suffisant pour prémunir le texte des difficultés juridiques majeures exposées ci-dessus. En outre, je ne partage pas l'objectif des auteurs de l'amendement, qui souhaitent faciliter les décharges unilatérales de l'obligation alimentaire.

Compte tenu du gentlemen's agreement applicable en la matière, qui interdit à la commission d'amender un texte sans l'accord de son auteur, j'émets un avis défavorable à cet amendement, qui accentuerait par ailleurs les défauts d'un dispositif que je vous suggère de rejeter.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 3, dans la mesure où il contreviendrait à la prohibition des pactes sur succession future. De plus, il engendrerait pour l'enfant une double peine.

La présente proposition de loi étant inscrite au sein d'une niche parlementaire pour laquelle s'applique le gentlemen's agreement, j'émets un avis défavorable à cet amendement, qui de surcroît vise à favoriser le recours à ce dispositif, et vous invite à rejeter cet article 2.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme Mélanie VOGEL

1

Suppression de la limite d'âge pour adopter l'acte notarié

Rejeté

Article 3

Mme Mélanie VOGEL

2

Suppression de la perte des droits successoraux

Rejeté

La réunion, suspendue à 12 h 30, est reprise à 18 h 05.

Proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en oeuvre de l'accord du 12 juillet 2025 - Examen des amendements

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en oeuvre de l'accord du 12 juillet 2025.

Nous commençons par l'examen d'une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique.

EXAMEN DE LA MOTION

Question préalable 

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - La motion n° 2, présentée par M. Robert Wienie Xowie, Mme Cécile Cukierman, M. Ian Brossat et les membres du groupe groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), vise à opposer la question préalable à la proposition de loi organique. Avis défavorable : il nous semble important que la Haute Assemblée puisse se prononcer sur ce texte.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 2 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques n°s  3 et 9 visent à supprimer l'article 1er. Ils sont évidemment contraires à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques de suppression n°s 3 et 9.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  4.

Article 2

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques de suppression n°s  5 et 10.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  6.

Article 3

La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n°  11.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  7.

Intitulé de la proposition de loi organique

Mme Corinne Narassiguin, rapporteure. - Les amendements nos  8 et  1 visent à modifier l'intitulé la proposition de loi organique. Nous vous proposons d'émettre un avis défavorable à l'amendement n° 8, et un avis favorable à l'amendement n° 1. Celui-ci tend à modifier la fin de l'intitulé de la proposition de loi organique pour substituer à la formule « pour permettre la mise en oeuvre de l'accord du 12 juillet 2025 » celle de « afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en oeuvre ». Cette modification nous paraît conforme avec l'objet du texte. Le report des élections provinciales vise en effet à offrir davantage de temps pour permettre aux négociations de se poursuivre et aboutir ainsi au consensus le plus large possible.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.

La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Motion

M. XOWIE

2

Motion tendant à opposer la question préalable

Défavorable

Article 1er

M. XOWIE

3

Suppression de l'article 1er

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

9

Suppression de l'article 1er

Défavorable

M. XOWIE

4

Maintien de la date prévue en l'état du droit pour les élections provinciales

Défavorable

Article 2

M. XOWIE

5

Suppression de l'article 2

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

10

Suppression de l'article 2

Défavorable

M. XOWIE

6

Maintien du calendrier prévu en l'état du droit pour le renouvellement des instances internes du Congrès

Défavorable

Article 3

Mme Mélanie VOGEL

11

Suppression de l'article 3

Défavorable

M. XOWIE

7

Suppression du régime dérogatoire d'entrée en vigueur

Défavorable

Intitulé de la proposition de loi organique

M. XOWIE

8

Modification de l'intitulé

Défavorable

M. KANNER

1

Modification de l'intitulé

Favorable

La réunion est close à 18 h 10.