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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Hommages à une assistante d'éducation et à deux sapeurs-pompiers volontaires
Surveillante tuée par un collégien (I)
M. François Bayrou, Premier ministre
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
Reconnaissance de la Palestine (I)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Conférence des Nations unies sur l'océan
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer
Compétence eau et assainissement, et agences de l'eau
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Reconnaissance de la Palestine (II)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. François Bayrou, Premier ministre
Surveillante tuée par un collégien (II)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Exonération de la taxe sur le foncier non bâti
Rapport du COR et recul de l'âge de départ à la retraite
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Accord avec les pays du Mercosur
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Participation de Taïwan à l'OMS
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Mise au point au sujet d'un vote
Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi
M. Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Discussion de l'article unique
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi)
Mme Anne Chain-Larché, auteure de la proposition de loi
M. Pierre Cuypers, auteur de la proposition de loi
M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales (Procédure accélérée)
M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure de la commission des finances
Ordre du jour du jeudi 12 juin 2025
SÉANCE
du mercredi 11 juin 2025
101e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Véronique Guillotin.
La séance est ouverte à 15 heures.
Hommages à une assistante d'éducation et à deux sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.) Nous avons appris avec effroi hier le décès d'une assistante d'éducation, poignardée par un élève du collège Françoise Dolto de Nogent, en Haute-Marne. Au nom du Sénat, je salue sa mémoire et exprime notre soutien à sa famille et ses proches. J'ai une pensée pour nos collègues de Haute-Marne, en particulier pour Anne-Marie Nédélec, maire honoraire de Nogent.
Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire.
C'est également avec une vive émotion que nous avons appris le décès de deux sapeurs-pompiers volontaires de l'Aisne, engagés sur un incendie à Laon. La disparition de ces deux pompiers, âgés de 23 et 22 ans, dans l'exercice de leurs fonctions rappelle le dévouement et l'engagement de tous ceux qui, au péril de leur vie, assurent la protection de nos concitoyens. Les questeurs et moi-même leur rendrons hommage demain, lors d'un déplacement dans l'Aisne. Au nom du Sénat, je salue leur mémoire et adresse notre profonde sympathie à leurs familles et leurs proches.
En leur mémoire à tous trois, je vous propose d'observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Surveillante tuée par un collégien (I)
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.) Hier, une jeune femme, surveillante au collège Françoise Dolto de Nogent, a été assassinée, poignardée par un adolescent de 14 ans. Elle s'appelait Mélanie, avait 31 ans et était maman d'un garçon de 4 ans. Je m'associe à l'hommage que vient de lui rendre le président Larcher en notre nom.
Hélas, ce meurtre n'est pas un cas isolé. On ne compte plus les victimes d'homicides par arme blanche commis par des adolescents ou des jeunes adultes : Élias, Lorène, Thomas, Sekou, Inès, Mélanie, Enzo... C'est bien un fait de société, une vague qui n'en finit pas de nous submerger.
Inconnu des services de police et de justice, l'auteur des faits est passé en quelques semaines d'une violence ordinaire entre adolescents au meurtre d'un adulte.
Monsieur le Premier ministre, nul ici ne dira qu'il est facile de résoudre le défi de la violence débridée qui touche une partie de notre jeunesse, pour laquelle le monde virtuel des jeux vidéo et d'internet se confond avec le monde réel, faisant sauter tous les verrous entre la violence imaginée et le passage à l'acte. Mais nous ne pouvons rester inactifs - vous avez d'ailleurs annoncé des mesures hier. Peut-on aller jusqu'à limiter, voire interdire, les réseaux sociaux aux plus jeunes ? Comment responsabiliser davantage les parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Le président du Sénat a dit à quel point l'événement d'hier nous avait tous remplis d'effroi.
La ministre d'État Élisabeth Borne s'est rendue à Nogent, auprès des éducateurs et des parents. C'est un collège de taille familiale dans une petite ville de 3 500 habitants : c'est dire si les clichés sur la concentration de ces violences dans certains milieux urbains et sociaux sont en l'occurrence inopérants.
Vous avez raison d'évoquer un débordement : les homicides commis par des mineurs ont été multipliés par trois à quatre au cours de la dernière décennie. On ne peut pas se contente de le déplorer, et nous devons suivre trois directions.
D'abord, il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. Hier, c'était précisément un contrôle de gendarmerie, comme nous en avons suscité 6 500 au cours des trois derniers mois, conduisant à la saisie de 200 couteaux et d'autant d'autres armes par destination. En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte.
Ensuite, nous devons traiter la question des auteurs - la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours, comme vous l'avez dit : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes.
Enfin, nous devons traiter la question des réseaux sociaux. Nous avons réussi à imposer aux sites pornographiques de vérifier l'âge de leurs consommateurs : ce n'est pas facile, et il y a une épreuve de force entre le Gouvernement et les sites. Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union européenne. Il l'a dit hier : si l'Union européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. Laurent Lafon. - Merci pour votre réponse. Une proposition de loi sénatoriale visant à protéger nos écoles a été votée à l'unanimité : elle ne prétend pas résoudre tous les problèmes, mais envoie un certain nombre de messages au personnel éducatif. Ce texte n'attend que son passage à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Michel Savin applaudit également.)
Vente d'armes à Israël
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le salon de l'armement du Bourget, qui s'ouvre la semaine prochaine, accueillera des ministres et des sociétés d'armement israéliens. M. Netanyahu l'a confirmé dès janvier, disant avoir reçu une assurance du président Macron.
De nombreuses associations ont porté devant les tribunaux des griefs légitimes contre leur présence. Notre pays ne peut servir de terrain de promotion pour des matériels militaires impliqués dans les atrocités commises à Gaza et dans les territoires occupés. Hier, le tribunal de Bobigny a rejeté leur demande, en vertu de la théorie de l'acte de Gouvernement : un juge ne peut interférer dans la conduite des affaires internationales de la France.
Comment le Gouvernement entend-il s'assurer que la France respecte ses engagements européens et internationaux en matière de commerce des armes avec des États en guerre ? Allez-vous autoriser l'importation de matériels militaires utilisés pour commettre les crimes en cours ?
La question se pose aussi de nos ventes d'armes à Israël. Vos dénégations, monsieur le ministre, se heurtent aux faits. La situation à Fos-sur-Mer met au jour la continuation d'exportation d'armes vers Israël : vous ne pouvez affirmer qu'elles ne participent pas aux massacres en cours. Comptez-vous, une fois pour toutes, respecter le droit international et cesser l'exportation d'armes vers Israël ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur des travées du groupe CRCE-K ; MM. Éric Kerrouche et Lucien Stanzione applaudissent également.)
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées . - L'organisation du salon du Bourget est, en effet, un acte de Gouvernement. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale poursuit les discussions, sous l'autorité du Premier ministre et en liaison avec les ministères des affaires étrangères et des armées.
Je m'élève contre la désinformation entretenue sur de prétendues ventes d'armes françaises à Israël. Je le répète : il n'y a aucune vente d'armes françaises à Israël. Il faut cesser cette désinformation !
Mme Mathilde Ollivier. - Et des pièces ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Israël est un des grands concurrents de nos industries de défense : il n'attend évidemment pas nos armes.
Certains composants du Dôme de fer, la défense sol-air israélienne, sont français. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Nous l'assumons, s'agissant d'un dispositif strictement défensif, protégeant les populations civiles israéliennes - j'espère que cette protection fait consensus au Sénat.
Mme Mathilde Ollivier. - Ce n'est pas à la hauteur !
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Enfin, des pièces détachées sont exportées à des fins de réexportation, souvent vers la France.
Mme Mathilde Ollivier. - Avec quelles garanties ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. - Je m'apprête à remettre dès à présent aux présidents des deux commissions parlementaires chargées de la défense la liste des composants livrés en 2024, document que le Gouvernement aurait dû transmettre au Parlement en septembre prochain. J'espère ainsi faire cesser cette désinformation qui nuit à l'intérêt du pays. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDPI et sur plusieurs travées du RDSE)
M. Guy Benarroche. - La mise en danger de notre pays dans une possible complicité est une faute historique. (Marques d'indignation à droite) Le Président de la République réussit l'exploit dramatique de reculer sur la reconnaissance de l'État palestinien et, en même temps, d'ignorer le droit international en matière de ventes d'armes utilisées dans des crimes de guerre. Des mandats ont été émis par la justice internationale, et les faits de crimes contre l'humanité, persécutions et actes inhumains sont établis ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; huées sur certaines travées à droite)
Reconnaissance de la Palestine (I)
M. Roger Karoutchi . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les conditions posées par la France pour reconnaître un État palestinien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël. Elle l'a démontré l'année dernière en mobilisant par deux fois ses moyens militaires pour aider Israël à parer des attaques balistiques iraniennes. Elle le démontre en étant en première ligne des efforts visant à empêcher l'Iran d'accéder à l'arme nucléaire.
La France est de longue date convaincue que la sécurité des Israéliens ne sera durablement assurée que par une solution politique reposant sur deux États vivant en paix. Il faut aussi que l'ensemble des États de la région consentent à normaliser leurs relations avec Israël et à lui apporter des garanties de sécurité.
Il y a deux ans, nous y étions presque : l'Arabie saoudite, les États-Unis et Israël s'apprêtaient à faire aboutir cette perspective. Mais par le massacre antisémite du 7 octobre, le Hamas l'a gravement fragilisée.
Soit nous nous résignons à cette fragilisation, prenant le risque que la région s'enfonce durablement dans l'instabilité.
Mme Silvana Silvani. - Ce n'est pas déjà le cas ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Soit nous prenons l'initiative de créer un mouvement, qui s'appuiera sur la reconnaissance de la France et d'autres pays, mais aussi sur des engagements fermes de l'Autorité palestinienne et des pays arabes de la région.
M. Pascal Savoldelli. - Il y a 149 États qui reconnaissent un État palestinien !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - L'objectif est de dépasser ce que le Hamas a provoqué et de réenclencher un mouvement conduisant à la solution politique, la seule soutenable. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Roger Karoutchi. - Si j'étais le Président de la République, je dirais « champion, mon frère ! » - à moins que je ne parle de brainwashers... (Rires à droite)
Vous-même, comme le chef de l'État, avez posé il y a quelques semaines quatre conditions : libération de tous les otages, éviction complète du Hamas, renouvellement de l'Autorité palestinienne, accord avec les États arabes. (On renchérit à droite.) Cette position me paraissait raisonnable, car équilibrée.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Et que demandez-vous à Israël ? Rien !
M. Roger Karoutchi. - Aujourd'hui, aucune de ces conditions n'est remplie. Et on nous dit que, le 18 juin, le chef de l'État pourrait reconnaître l'État de Palestine, sans qu'on sache dans quelles conditions et sans que les otages aient été libérés. (Protestations à gauche)
M. Bruno Sido. - Laissez-le parler !
M. Roger Karoutchi. - Le 18 juin 1940, le général de Gaulle a dit non à l'horreur nazie. Ne donnez pas le sentiment, le 18 juin 2025, que la France se soumet à l'horreur islamiste ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes UC et INDEP ; protestations sur certaines travées à gauche)
Conférence des Nations unies sur l'océan
M. Teva Rohfritsch . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je remercie le Président de la République et le Gouvernement d'avoir placé la Polynésie française au coeur du sommet mondial pour l'océan. Depuis 3 000 ans, le peuple polynésien a un lien viscéral avec Te moana nui a Hiva, l'océan Pacifique.
Nous regrettons toutefois que certaines annonces du président Brotherson aient été faites sans véritable concertation, notamment avec les pêcheurs et les élus marquisiens.
À Nice, le président de la Polynésie française s'est montré ravi de clamer au monde sa fierté de protéger l'océan et de participer, au nom de la France, à l'agenda 2030 des Nations unies, tandis que les chefs d'État de la région appelaient à plus de France, notamment en matière de santé, de recherche et de développement.
Mais le même jour, à New York, la représentante de Moetai Brotherson attaquait la France au C24. Et, hier, monsieur le ministre d'État, la députée indépendantiste a cherché à vous traîner dans la rhétorique de la décolonisation. De qui se moque-t-on ?
Notre action doit se concentrer sur le soutien à la jeunesse, pour qu'elle puisse continuer à vivre au Fenua dans le cadre stable et protégé qu'offre la République. Notre jeunesse a besoin de formations, d'innovations et d'emplois, pas de sempiternels débats sur la décolonisation. Ne vous laissez pas abuser par le double langage de ceux qui vous caressent dans le dos à Nice pour mieux vous tacler à Bakou ou à Genève !
N'est-il pas prioritaire de bâtir une économie bleue pour accompagner notre jeunesse vers l'excellence, la responsabilité et l'innovation ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur certaines travées des groupes INDEP et UC ; M. Laurent Somon applaudit également.)
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer . - Vous étiez à Nice, hier, avec le Président de la République et les chefs d'État et de Gouvernement du Pacifique. La contribution de la Polynésie française à la Conférence des Nations unies sur l'océan a été capitale et remarquée.
L'océan est nécessaire à la vie ; il est notre bien commun, et nous devons le préserver. Au service de cette vision, la Polynésie a joué son rôle, en coopération avec l'exécutif français. Il n'y a pas de place pour un double discours.
Chaque territoire ultramarin a son histoire. J'ai rappelé hier la position de la France : nous contestons la réinscription de la Polynésie française en 2013 sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU.
Je me rendrai sur place le mois prochain. Nous parlerons des prochains jeux du Pacifique, mais surtout d'économie bleue, de sécurité, de pêche et de changement climatique, sans oublier la santé et les attentes de la jeunesse. Nous avons tous la Polynésie au coeur : réaffirmons son lien puissant avec la France ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP et UC)
Compétence eau et assainissement, et agences de l'eau
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) J'étais rapporteur de la loi sur la compétence eau et assainissement, enfin adoptée après des années à batailler. Les communes auront le choix de transférer ou non la compétence à l'intercommunalité. Elles sont libres : c'est la marque du Sénat.
Seulement voilà : certaines agences de l'eau conditionnent leur aide au basculement de la compétence vers l'intercommunalité.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Scandaleux !
M. Alain Marc. - Ce procédé offusque nombre d'élus. Quant à nous, législateurs, nous nous sentons floués. Que comptez-vous faire pour que les agences de l'eau respectent la loi et son esprit ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et UC ; MM. Rachid Temal et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - Je vous remercie pour votre travail sur ce sujet.
Le Gouvernement a toujours défendu la même ligne : pérenniser les transferts achevés et la souplesse de gestion que le Parlement, en particulier le Sénat, a demandée à raison, pour que nos territoires disposent d'outils adaptés à leurs spécificités.
Le précédent Premier ministre entendait laisser les communes libres de transférer la gestion de la compétence à l'intercommunalité : j'ai confirmé cet engagement. Pour autant, il n'est pas question de défaire les mutualisations qui existent. L'intercommunalité permet aussi aux communes de participer à l'élaboration des projets sur l'eau.
L'eau ne se gère pas uniquement par commune, mais par bassin. Il y a six bassins hydrographiques en France, donc six agences de l'eau. (Murmures à droite et sur certaines travées au centre)
M. François Bonhomme. - Répondez à la question !
M. François Rebsamen, ministre. - Les agences de l'eau sont des établissements publics administratifs : elles doivent respecter la loi. Leur rôle est d'organiser les choses par bassin. Les communes seules auront bien du mal à le faire, sauf certaines situations. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat applaudit.)
M. Alain Marc. - Vous ne m'avez pas répondu. Je travaille avec Christine Lavarde sur le devenir des agences de l'eau. Il est inadmissible, dans un État de droit, que certaines ne respectent pas la loi ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains et du RDSE ; M. Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudit également.) Une mise au pas est peut-être nécessaire. Oui, certaines communes peuvent gérer la compétence seules. Mais les agences de l'État doivent respecter la loi ! Nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains et du RDSE ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Taxe Zucman
M. Philippe Grosvalet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La semaine dernière, monsieur le ministre, je vous interrogeais sur la proposition de loi visant à créer un impôt plancher pour ceux qui possèdent un patrimoine de plus de 100 millions d'euros, que nous examinerons demain.
Selon Gabriel Zucman, que vous avez qualifié de brillant économiste, ces immenses fortunes échappent à l'impôt sur le revenu. Vous avez dit craindre un exil fiscal - refrain balayé par les études scientifiques et la tribune de Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry de ce matin dans Le Monde. Ce serait pour ces immenses fortunes l'occasion de montrer leur fibre patriotique ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
Comment expliquer aux 40 millions de foyers fiscaux français que les 0,005 % des plus fortunés sont exonérés d'impôt ? Comment expliquer que vous mettrez en oeuvre la TVA dite sociale tout en vous privant d'un potentiel de 20 milliards d'euros de recettes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et des groupes SER et CRCE-K ; M. Franck Dhersin et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Quel est le défi de notre pays ? Produire plus. Notre PIB par habitant est 20 % plus faible que celui des pays voisins alors que le niveau de notre dépense publique est plus élevé. Pour produire, nous avons besoin des entreprises et des entrepreneurs... (Protestations sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Nous présenterons mi-juillet un projet pour les soutenir sans alourdir les impôts.
J'ai du respect pour Gabriel Zucman, mais sa taxe pousserait les entrepreneurs concernés à devoir vendre petit à petit des parts de leur entreprise... (On ironise sur les travées du GEST ; M. Yannick Jadot lève les bras.) Le risque principal est celui de la délocalisation. L'augmentation de l'ISF a fait fuir de nombreux patrimoines.
M. Mickaël Vallet. - Oh les beaux patriotes !
M. Éric Lombard, ministre. - Avec la libéralisation des règles et la concurrence fiscale entre pays, un tel exil serait certain ; l'investissement et les ressources fiscales en pâtiraient.
Pour faire contribuer ces patrimoines, nous étudions plutôt les niches fiscales sur lesquelles agir. Luttons contre la suroptimisation, plutôt que de priver par de telles mesures notre pays de l'avantage d'être le plus attractif en Europe depuis maintenant six ans. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; MM. Thierry Cozic et Hussein Bourgi protestent.)
Une voix à gauche. - Cela fait six ans qu'on l'attend !
M. Mickaël Vallet. - Vous allez faire passer un chapeau !
M. Philippe Grosvalet. - Au début du siècle dernier, mon groupe accueillait une figure illustre, Joseph Caillaux, ministre des finances et longtemps président de la commission des finances.
M. Emmanuel Capus. - Cela n'a rien à voir ! Rien !
M. Philippe Grosvalet. - Il lui fallut combattre cinq ans pour convaincre le Sénat du bien-fondé de l'impôt sur le revenu. La nuit porte conseil : n'attendons pas cinq années de plus ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST, ainsi que des groupes SER et CRCE-K ; Mmes Elisabeth Doineau et Nathalie Goulet applaudissent également.)
Reconnaissance de la Palestine (II)
Mme Gisèle Jourda . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La France coordonnera avec l'Arabie saoudite la conférence qui se tiendra aux Nations unies du 17 au 20 juin.
Selon des sources diplomatiques, le Royaume-Uni et la France n'insisteraient plus sur la reconnaissance d'un État palestinien mais sur les étapes pour parvenir à une telle reconnaissance, laquelle dépendra d'une série de mesures et de concessions de la part des Palestiniens.
Pas moins de 149 États ont pourtant reconnu la Palestine sans conditions.
Quelle position la France entend-elle finalement défendre ? Pourquoi tergiverser ? Pourquoi refuser de débattre de vos intentions avec la représentation parlementaire, comme l'Assemblée nationale et le Sénat vous l'ont maintes fois demandé ? L'autre chemin dont vous parlez n'est-il pas plutôt une impasse ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Il n'y a que deux chemins : l'état de guerre permanent, et la solution politique, plus difficile, que la France défend depuis toujours, et qui était sur le point d'aboutir avant que le Hamas se rende coupable du plus grand massacre antisémite depuis la Shoah.
Roger Karoutchi semblait défendre l'inaction (M. Roger Karoutchi s'en défend), mais si nous ne faisions rien, cette perspective serait définitivement écartée car elle est plus fragilisée que jamais depuis 1993 et les accords d'Oslo.
Alors que Gaza est quasiment détruite, ...
M. Fabien Gay. - Rasée !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - ... que la colonisation s'accélère en Cisjordanie, alors que les États-Unis se désinvestissent et que les pays arabes semblent résignés, à nous de reprendre l'initiative.
Nous voulons enclencher un mouvement qui engage l'autorité palestinienne et les pays arabes...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Et Israël ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - ... qui doivent dénoncer le 7 octobre et reconnaître le Hamas pour ce qu'il est, une organisation terroriste, et s'engager à concourir à la sécurité d'Israël et au redressement à venir de Gaza et de l'État de Palestine. (M. Fabien Gay proteste.) Sinon, la reconnaissance d'un pays comme la France sonnerait creux. C'est dans cet esprit que nous travaillons. (M. Fabien Gay marque son mécontentement ; MM. François Patriat et Bernard Fialaire applaudissent.)
Mme Gisèle Jourda. - Non, la reconnaissance de la France ne sonnerait pas creux. Nous sommes le pays des droits de l'homme. Des pays comme l'Espagne ont reconnu la Palestine sans condition. (Mme Raymonde Poncet Monge renchérit.) Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre position. Les problèmes n'ont pas commencé le 7 octobre ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Lorsque vous vous serez retourné, il n'y aura plus un seul Palestinien dans la bande de Gaza. Est-ce cela que vous voulez ? Moi non ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et du GEST ; M. Claude Malhuret applaudit également.)
Situation en Israël et à Gaza
M. Jean-Pierre Corbisez . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Depuis dix semaines, Gaza souffre d'un blocus alimentaire meurtrier. Certes, quelques maigres distributions sont organisées pour la forme par Israël et les États-Unis, qui tournent parfois au carnage. L'armée tire sur la population affamée.
M. Roger Karoutchi. - Le Hamas aussi !
M. Jean-Pierre Corbisez. - Gaza agonise : deux millions de vies au bord de la famine, plus de 52 000 personnes massacrées, dont 15 000 enfants. Le gouvernement Netanyahu poursuit son plan de conquête totale de la bande de Gaza pour achever la destruction de l'enclave et à terme déporter la population vers des pays tiers.
En 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a dénoncé la situation à Gaza comme un génocide imminent.
L'acte de piraterie contre le navire le Madleen (M. Bruno Sido ironise), la détention de son équipage alors qu'il était hors des eaux territoriales, constitue un crime supplémentaire commis par l'occupant israélien. Je salue l'initiative du Madleen : il faut élargir la solidarité pour briser le siège de Gaza.
Face à cette horreur, que fait la France ? Quand les otages français, dont une députée, seront-ils libérés ? (Protestations et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - Les otages ne sont pas en Israël !
M. Jean-Pierre Corbisez. - Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas exclu les exposants militaires israéliens du prochain salon du Bourget ? Les bavardages doivent cesser : la France doit porter une voix forte pour briser le siège de Gaza et mettre fin à ce génocide. L'histoire jugera les nations complices par leur silence ou leur inaction.
M. François Bayrou, Premier ministre . - C'est moi qui vous réponds, car je trouve inacceptable qu'un certain nombre de forces politiques utilisent, pour les trois ou quatre personnes détenues depuis deux jours en Israël, le mot « otages ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et sur quelques travées du RDPI)
Je vous rappelle simplement les faits : après l'arraisonnement de ce navire...
Mme Mathilde Ollivier. - Dans les eaux internationales !
Mme Cécile Cukierman. - C'est scandaleux !
M. François Bayrou, Premier ministre. - ... les six Français à bord se sont vus offrir le choix de revenir immédiatement en France, et certains l'ont refusé.
Si les vrais otages à Gaza s'étaient vu offrir le choix de revenir dans leur pays, ils l'auraient fait. Je trouve votre attitude inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Cécile Cukierman. - Vous réécrivez l'histoire ! (Mme Cécile Cukierman se lève et quitte l'hémicycle, suivie par les membres du groupe CRCE-K, sous les huées de la droite.)
Surveillante tuée par un collégien (II)
Mme Anne-Marie Nédélec . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Hier, madame la ministre, vous étiez avec nous à Nogent : à 8 h 15, dans cette tranquille petite commune de Haute-Marne dont j'ai été l'élue pendant près de trente-cinq ans, l'indicible s'est produit. Un collégien de 14 ans a poignardé à plusieurs reprises une assistante d'éducation sous les yeux des gendarmes lors d'un contrôle inopiné des sacs ; elle n'a pas survécu.
Mélanie était la maman d'un petit garçon de 4 ans, conseillère municipale appréciée dans son village.
Je vous remercie pour l'hommage rendu. Mes pensées vont à sa famille, à ses collègues, aux élèves dont beaucoup ont vécu l'agression en direct, mais aussi aux parents de l'agresseur - les deux familles se connaissent.
Ce n'est pas qu'une question de moyens : les forces de l'ordre étaient sur place, le collège ne compte que 320 élèves, l'équipe éducative est stable. L'agresseur est décrit comme un élève brillant, ne présentant pas de signaux faibles.
Nogent n'a pas connu un énième fait divers, mais un drame que ni le cadre scolaire ni le cadre familial ne laissaient prévoir.
On ne doit pas légiférer à chaud, dans l'émotion, dites-vous. Pourtant, comment faire pour protéger concrètement nos enfants de cette violence qui leur fait perdre le sens du réel ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Rémi Féraud applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je renouvelle mes condoléances à la famille de la jeune femme qui a perdu la vie hier. Je me suis rendue sur place ; nous avons exprimé notre soutien à la communauté éducative, bouleversée par ce drame.
Comment endiguer la violence chez les jeunes ? En premier lieu, en interdisant l'acquisition d'armes blanches par les mineurs et en prenant des mesures contre toute introduction d'armes dans les établissements - c'est le sens de l'instruction que nous avons signée en mars avec Bruno Retailleau. Plus de 6 000 opérations de contrôle ont été menées depuis. Systématiquement, lorsqu'une arme est saisie, un conseil de discipline est réuni et un signalement est fait au procureur.
Une sensibilisation à la dangerosité des armes est menée par les référents police-gendarmerie, en lien avec les actions de prévention dans le cadre de l'enseignement moral et civique.
Yannick Neuder et moi-même agissons pour améliorer la santé mentale des jeunes et pour repérer ceux en souffrance psychique. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)
J'ai décidé de généraliser la pause numérique dans les collèges dès la prochaine rentrée. Nous devons aussi agir pour interdire les réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans, comme l'a dit le Président de la République. Pour tout cela, nous avons besoin des familles et de tous les partenaires de l'école. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Olivia Richard applaudit également.)
Mme Anne-Marie Nédélec. - Ne confondons pas causes et conséquences. Pourquoi la santé mentale des jeunes s'est-elle autant dégradée ?
Je viens du pays du couteau ; des couteaux, il y en a partout, dans toutes les cuisines, dans tous les ateliers. Autrefois, on ne les utilisait pas comme ça ! Le problème, ce n'est pas le couteau !
Bien sûr, il faut renforcer les contrôles, la sévérité des peines. Mais peut-on livrer quotidiennement nos jeunes à des réseaux, à des sites qui diffusent en toute liberté, ou, pire, au nom de la liberté, des contenus d'une violence inouïe, poussant au meurtre ou au suicide ?
Nous n'avons plus le temps d'attendre un éventuel accord européen. Chacun doit prendre sa responsabilité (la voix de l'oratrice tremble sous l'effet de l'émotion) : l'État et les familles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Laurence Rossignol et M. Éric Jeansannetas applaudissent également.)
Politique environnementale
M. Pierre-Alain Roiron . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis Nice, Emmanuel Macron s'érige en grand défenseur des océans et vante son leadership. Pendant ce temps, en France, le réel tangue : réintroduction des pesticides interdits, suppression des zones à faibles émissions (ZFE), suspension brutale de MaPrimeRénov'.
Une voix à droite. - Très bien !
M. Pierre-Alain Roiron. - « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas » : l'engagement de Marseille en 2022 n'est plus qu'un souvenir dissipé par les courants budgétaires. Des millions de ménages modestes renonceront à rénover leur logement, des artisans déjà fragilisés verront leur carnet de commandes s'effondrer.
Pour les habitants des zones polluées, un air vicié, faute de politique de mobilité urbaine ; pour les agriculteurs, un brouillard réglementaire, où l'on autorise d'une main les pesticides qu'on interdit de l'autre...
Ce même Président de la République qui a dissous l'Assemblée il y a un an reproche à ses troupes les reculs qu'il a lui-même rendus possibles. Il fustige la destruction des politiques écologiques qu'il a laissé s'éroder. Il réclame un cap, alors qu'il a détruit la boussole. À l'international, on sermonne ; à domicile, on détricote.
Que ferez-vous pour que les plus modestes ne soient plus la variable d'ajustement de votre renoncement écologique, qui découle des 1 000 milliards d'euros de dette dont vous êtes comptables ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Non, le Gouvernement ne recule pas. (On ironise à gauche.)
M. Patrick Kanner. - La majorité, oui !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - Il s'adapte aux réalités, évalue et ajuste les politiques publiques, mais il avance, résolument, vers un modèle sobre en carbone, respectueux de la biodiversité, plus en phase avec les réalités économiques et sociales de notre pays.
Mme Laurence Rossignol. - Vraiment ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - Nous avons engagé des transformations dans tous les secteurs. Dans les mobilités, avec des investissements sans précédent dans les transports en commun, le soutien à la filière électrique, le plan Vélo. Dans les océans, en sanctuarisant les aires marines protégées, avec désormais 4 % de notre zone économique exclusive en zone de protection forte.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et les pesticides ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - Dans le bâtiment, l'effort est massif, mais doit être maîtrisé pour être soutenable et pérenne, d'où les ajustements opérés sur MaPrimeRénov'. S'adapter aux contraintes des Français, ce n'est pas renoncer, c'est viser l'efficacité.
L'écologie que nous défendons se veut positive, concrète, ambitieuse et partagée. C'est une écologie du quotidien qui ne veut pas faire peser le poids de la transition sur les plus vulnérables. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) C'est aussi une écologie compétitive, pour nos entreprises, nos chercheurs, nos territoires. La réduction de l'empreinte carbone est une opportunité pour consommer mieux, produire autrement, créer de l'emploi local.
En jeu, il y a la souveraineté, la santé, la prospérité de notre pays. Personne ne ferme les yeux. (« Ah ! » sur les travées du groupe SER)
Quelques voix à gauche. - Pas cette assemblée en tout cas !
M. Michaël Weber. - Nous voilà sauvés !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. - Nous ne nous résignerons pas. Nous voulons bâtir avec vous un avenir durable pour les Français. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Suspension de MaPrimeRénov'
Mme Dominique Estrosi Sassone . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur Lombard, Les Facéties du sapeur Camember est-il votre livre de chevet ? Creuser un trou pour en boucher un autre, comme vous le faites en suspendant MaPrimeRénov', c'est peut-être réaliser des économies budgétaires immédiates, mais c'est perdre bien plus demain en mettant à mal toute une filière.
M. Laurent Burgoa. - Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Cette « simple pause » pour lutter contre les fraudes et absorber les dossiers en souffrance est dévastatrice pour le soutien à la rénovation énergétique à moyen et long terme. Sans aide de l'État, nos concitoyens les plus modestes vont-ils se lancer dans des travaux ? Sans visibilité, les artisans vont-ils se former pour obtenir le label RGE ?
L'instabilité décourage tout le monde. Les stop and go sont catastrophiques. Les ménages sont perdus, les professionnels du bâtiment réduits à l'immobilisme, dépendants d'un ministère qui raisonne en Ubu roi : « je veux m'enrichir, je ne lâcherai pas un sou » !
Le Gouvernement a-t-il une stratégie économique et sociale au-delà du PLF ? Nos concitoyens et nos entreprises peuvent-ils compter sur sa parole ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, du GEST et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Marc Laménie et Mme Mireille Jouve applaudissent également.)
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement . - Vous avez eu des propos forts, à l'image d'un secteur qui s'interroge et qui attend des précisions sur notre trajectoire. Je sais que vous portez ces sujets depuis longtemps.
Oui, nous allons continuer à porter MaPrimeRénov', avec volonté et ambition. Le budget voté, de 3,6 milliards d'euros, sera même complété de quelques centaines de millions venant des certificats d'économie d'énergie (C2E) pour être au rendez-vous de cette dynamique.
On assiste à un emballement - trois fois plus de dossiers déposés que l'année dernière - d'où un retard dans l'instruction des dossiers, car nous n'avons pas trois fois plus de personnel.
Autre sujet, les nombreuses fraudes. La récente proposition de loi Cazenave nous donnera des outils pour nous y attaquer.
Nous avons aussi pris du retard avec le décalage de deux mois du vote du budget.
Tous les dossiers déposés d'ici au 1er juillet seront instruits. S'ils sont complets et non frauduleux, l'aide sera versée.
Nous rassemblons les acteurs du secteur et les parlementaires pour travailler sur ce ralentissement ; le 15 septembre, l'instruction des dossiers reprendra. Il s'agit d'être plus réguliers, plus rapides, de mieux lutter contre la fraude, pour être au rendez-vous de l'exigence. Nous ferons tout pour que les choses fonctionnent correctement dès la rentrée. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)
Exonération de la taxe sur le foncier non bâti
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Quelle ne fut pas la désagréable surprise de nombreux maires ruraux en découvrant la baisse de leurs ressources fiscales pour 2025 - parfois jusqu'à 6 % de la recette fiscale totale, alors même que les bases d'imposition ont été revalorisées de 1,7 % ! Beaucoup d'entre eux ont saisi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales ; des sénateurs nous ont alertés, dont Pierre-Antoine Levi, qui peut vous citer des exemples édifiants dans son département.
L'explication est simple : le Gouvernement a inscrit dans la loi de finances pour 2025 une exonération supplémentaire de 10 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), sans aucune compensation pour les collectivités, alors même que les ressources des plus petites communes rurales dépendent parfois à plus de 50 % de cette taxe. Jusqu'ici, toutes les exonérations avaient toujours été compensées, quel que soit le gouvernement.
Sans remettre en cause cette exonération utile à nos agriculteurs, il est urgent de réparer cette injustice qui frappe les collectivités rurales les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
M. André Reichardt. - Très bien !
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Plusieurs de vos collègues m'ont saisi de ce sujet.
La loi de finances pour 2025 comporte de nombreuses mesures en faveur des agriculteurs : annulation de la hausse sur le gazole non routier, renforcement de diverses déductions, pour épargne de précaution ou stocks de vaches, exonération des successions pour les viticulteurs, exonération de la TFPNB, portée de 20 à 30 %.
Cette dernière exonération faisait l'objet d'une compensation aux collectivités depuis 2006. En effet, elle n'a pas été ajustée pour tenir compte de l'augmentation à 30 %.
Cela ne correspond pas à la volonté du Gouvernement : je prends donc l'engagement de corriger cette erreur dans le projet de loi de finances 2026. La ministre des comptes publics sera à votre écoute pour préparer ce texte. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)
M. François Bonhomme. - Et 2025 ?
M. Bernard Delcros. - Merci de cette réponse qui ouvre des perspectives. C'est très important pour les petites communes rurales qui ont peu d'habitants et une grande superficie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
Rapport du COR et recul de l'âge de départ à la retraite
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai une pensée pour les jeunes pompiers de l'Aisne - et pour tous nos pompiers.
Dans son rapport à paraître demain, le Conseil d'orientation des retraites (COR) tire à nouveau la sonnette d'alarme. La réforme de 2023, que certains apprentis sorciers voudraient abroger, stabilisera tout juste le déficit entre 6 et 7 milliards d'euros jusqu'en 2030 ; si rien n'est fait, il s'envolera à 15 milliards d'euros en 2035 et 30 milliards en 2045.
Pour éviter la banqueroute, le COR propose plusieurs scenarii : baisser les pensions, au détriment du pouvoir d'achat des retraités ; augmenter les cotisations employeurs et salariés, au risque de fragiliser nos entreprises ; reculer l'âge de départ à la retraite - comme l'ont fait tous les autres pays européens avant nous.
Êtes-vous favorable au relèvement de l'âge de départ à la retraite au-delà de 64 ans ? À l'introduction d'une dose de capitalisation ? Explorez-vous d'autres pistes comme la lutte contre les fraudes et la stimulation de l'emploi des jeunes et des seniors ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Je m'abstiendrai de commentaires sur les projections qui ont circulé dans la presse. Le rapport du COR sera présenté aux partenaires sociaux demain.
Nous travaillons sur des données consolidées, des travaux publiés. C'est le cas du rapport de la Cour des comptes, qui pose un diagnostic incontesté et décrit une trajectoire déficitaire préoccupante.
La délégation paritaire permanente sur les retraites se réunit chaque semaine autour de ce rapport, de la lettre de mission du Premier ministre, d'une modélisation et enfin, de quatre objectifs partagés : le retour à l'équilibre, la correction d'injustices, la gouvernance, qui comprend la capitalisation, et l'effort partagé par tous.
Ce cadre est inchangé. Les négociations commencent cet après-midi même. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour trouver ensemble des voies de passage, des compromis. S'il y a accord, il sera soumis au Parlement, comme ce fut le cas la semaine dernière sur l'assurance chômage et l'emploi des seniors. (MM. François Patriat et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)
Mme Pascale Gruny. - Nous aussi, faisons confiance aux partenaires sociaux. Mais il y a urgence à agir, surtout pour les jeunes, qui craignent de ne pas avoir de retraite. Ils ont besoin de perspectives rassurantes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Avenir des CCAS
Mme Karine Daniel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En première ligne face à la précarité, les centres communaux d'action sociale (CCAS) sont des acteurs de proximité de notre solidarité républicaine.
Au détour d'une proposition de loi, vous aviez prévu de les rendre optionnels. Mais face à la mobilisation des élus, le Gouvernement semble reculer - c'est heureux.
Cela pose la question de la méthode d'un gouvernement qui dépose des amendements sur des propositions de loi sans concertation ni étude d'impact. C'est ainsi que, hier soir, vous avez voulu fragiliser les conseils citoyens et les caisses des écoles.
La mécanique est toujours la même : sous couvert de simplification, vous procédez à une recentralisation rampante et affaiblissez les structures de gouvernance locale partagée. Cela fragilise l'action publique et démobilise les acteurs locaux. Les atermoiements du Gouvernement sur MaPrimeRénov' en sont l'illustration.
Renoncez-vous à rendre les CCAS optionnels ? Êtes-vous prêts à construire avec les élus locaux, les associations et les citoyens, des politiques publiques sociales lisibles et partagées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet-Monge applaudit également.)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - Je vais rétablir la vérité : en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement. Par des lois de simplification, nous voulons laisser les communes choisir ce qu'elles veulent faire. Dans 32 000 communes, les CCAS sont facultatifs. Ce n'est pas pour autant que ces communes ne s'occupent pas du social !
Contrairement à ce que vous avez dit, aucun amendement n'a été déposé. Nous avions envisagé de laisser les communes choisir les modalités de leur action sociale, mais face à la mauvaise interprétation, à laquelle vous contribuez d'ailleurs, j'ai dit clairement les choses, hier, à l'Assemblée nationale. Oui, je veux rendre la liberté aux communes, vous ne le voulez pas ; nous avons donc décidé de ne pas donner suite.
Vous voulez en réalité contraindre les communes et non les libérer, contrairement à nous. (M. François Patriat renchérit ; applaudissements sur les travées du RDPI)
M. David Ros. - Mauvaise interprétation !
Mme Karine Daniel. - Quand autant de personnes comprennent mal un message, c'est qu'il y a un problème d'émission. À terme, la liberté laissée aux communes pose la question de l'égal accès des citoyennes et citoyens aux services publics sur tout le territoire. (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Salmon applaudit également.)
Accord avec les pays du Mercosur
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La semaine dernière, lors de sa visite d'État, le président brésilien Lula a exhorté la France à soutenir l'accord de décembre 2024 entre la Commission européenne et le Mercosur, qui serait selon lui la meilleure réponse au retour de l'unilatéralisme et du protectionnisme.
Certes, la guerre tarifaire lancée par Trump rebat les cartes du commerce mondial. Mais l'accord actuel est une menace pour notre modèle agricole et alimentaire. Face au différentiel de normes, aux capacités de production gigantesques de l'Amérique du Sud et à la faiblesse des contrôles, il exposerait nos producteurs à une concurrence déloyale et nos consommateurs à une alimentation dont nous ne voulons pas.
Le Sénat s'y est opposé à plusieurs reprises, en raison notamment de l'absence de clauses miroirs et de la méthode de ratification envisagée. Il y va de notre souveraineté alimentaire et du respect de la représentation nationale.
Un protocole additionnel avec des clauses miroirs et de sauvegarde est-il envisagé ? Comment agissez-vous pour que les règles de ratification ne changent pas en cours de route ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Face au regain de tension commerciale provoqué par la politique étasunienne, l'Europe doit se doter d'une politique commerciale plus ambitieuse. Mais en aucun cas, les agriculteurs français ne doivent en être la variable d'ajustement.
Comme le Sénat et l'Assemblée nationale, le Gouvernement reste opposé à cet accord en l'état. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé, à l'occasion de la visite du président Lula, qu'il risque d'être préjudiciable aux agriculteurs européens et à certaines filières françaises. L'Autriche et la Hongrie l'ont également dit publiquement ; d'autres pays n'en pensent pas moins.
Il reviendra aux États membres et au Parlement européen de se prononcer. Mais aujourd'hui, le compte n'y est pas.
Notre position pourrait évoluer avec un protocole additionnel intégrant des clauses de sauvegarde pour éviter de déstabiliser certaines filières et des clauses miroirs pour empêcher certains produits d'entrer sur notre territoire. Le Gouvernement oeuvre sans relâche en ce sens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Claude Anglars. - Il faut tenir bon ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Participation de Taïwan à l'OMS
Mme Else Joseph . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Malgré des demandes répétées, Taïwan reste exclue de nombreuses organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Interpol ou l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Ces décisions incompréhensibles ne reposent que sur la loi du plus fort.
Taïwan est un partenaire loyal et un pays prometteur. C'est une jeune démocratie avec des élections sincères, en pointe en matière de technologies, qui a brillamment surmonté la crise sanitaire et a su sortir élégamment du feuilleton anxiogène qui l'a vue naître. Mais cela ne suffit pas.
La France a des liens forts avec Taïwan. Le 14 janvier 2024, votre ministère a déclaré que Taïwan était un partenaire important de la France. Je demande l'application d'une déclaration que vous n'avez pas reniée, ainsi que d'une résolution votée ici même le 6 mai 2021.
Cessons les fausses pudeurs, les chantages et les mesquineries : Taïwan ne doit plus être exclue des instances internationales.
S'inquiéter pour Taïwan, c'est aussi se soucier de notre pays, de la liberté des mers et de l'équilibre du monde. C'est un enjeu de sécurité mondiale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Dans le respect de sa politique d'une seule Chine, la France soutient la participation de Taïwan aux travaux des organisations internationales, quand leurs statuts le permettent et qu'il y va de l'intérêt collectif de la communauté internationale.
Le mois dernier, le ministère de la santé a appelé au retour de Taïwan dans les travaux de l'OMS, en tant qu'observateur, comme nous le demandons chaque année. Le nombre d'États signataires de cette demande est passé de 14 en 2020 à 27 en 2024.
M. le président. - La semaine prochaine, à 14 heures, nous recevrons M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada d'Ukraine. Je compte sur votre présence lors de cette séance exceptionnelle.
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Audrey Linkenheld. - Lors du scrutin public n°303, M. Serge Mérillou souhaitait voter pour la proposition de loi Impact environnemental de l'industrie textile.
Acte en est donné.
Conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi . - Nous allons rectifier un oubli avec ce texte. Lors de l'adoption de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, un article réformant la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et des conseils intercommunaux de sécurité de prévention de la délinquance (CISPD) a été introduit. Avant cela, la composition de ces conseils relevait du pouvoir réglementaire ; le dernier décret en la matière datait du 4 décembre 2013. Désormais, elle dépend du législateur : c'est un progrès démocratique, qui s'inscrit dans la volonté de mieux prendre en compte la réalité vécue par les élus locaux.
Mais cela ne simplifie pas la composition future. Or le représentant du département, pourtant l'un des principaux bailleurs de ces conseils, a été omis dans la liste. Le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, Georges Siffredi, que je salue, l'a remarqué tout de suite ; il m'a prévenue. Son incompréhension est d'autant plus légitime que l'action sociale et la politique de prévention de la délinquance relèvent des compétences des départements. À ce titre, le département des Hauts-de-Seine a alloué un budget de 1,1 million d'euros au CLSPD du 92, en soutien à 215 actions.
Je remercie le rapporteur Louis Vogel pour son travail, ainsi que mes collègues de la commission des lois qui ont tous reconnu la nécessité de ce rétablissement.
Institués par décret en 2022 et héritiers des anciens conseils communaux de prévention de la délinquance et des contrats locaux de sécurité, les CLSPD visent à coordonner les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance en réunissant l'ensemble des acteurs concernés : élus, représentants de l'État, professionnels du secteur, associations. Leur rôle est essentiel, surtout pour prévenir les incivilités et les violences, de plus en plus fréquentes, malheureusement.
Ces conseils repèrent les signaux faibles. L'intervention des forces de l'ordre restera toujours nécessaire, mais la prévention l'est tout autant. J'ai en tête les événements survenus lors de la victoire du PSG en Ligue des champions et aussi le drame survenu hier à Nogent dans la Haute-Marne.
Ces conseils sont des outils pertinents ; il faut les utiliser davantage et bien sûr y intégrer le département, un acteur essentiel.
M. Louis Vogel, rapporteur de la commission des lois . - (M. Pierre Jean Rochette félicite l'orateur.) Je rejoins pleinement le constat d'Isabelle Florennes : les CLSPD et CISPD sont des instances précieuses pour nos territoires.
L'institution d'un CLSPD est obligatoire pour toutes les communes de plus de 5 000 habitants - on en compte 1 041 au total. L'instauration d'un CISPD est quant à elle facultative - on en dénombre 301.
Les maires et les présidents d'EPCI fixent la liste des membres. Sont membres de droit le préfet et le procureur de la République, ainsi que le président de l'EPCI pour le CISPD. Les conseils peuvent accueillir des membres facultatifs : représentants des services de l'État ou d'autres organismes, parlementaires, représentants d'associations.
Depuis la loi du 21 mars 2024, ces règles de composition sont fixées dans la loi ; mais les présidents de conseils départementaux ont été retirés de la liste des membres de droit. Ce texte y remédie.
C'est une très bonne chose. Cette mesure est cohérente avec la compétence en matière d'action sociale des départements. Aide sociale à l'enfance (ASE), prévention spécialisée, insertion, prévention des violences intrafamiliales (VIF) : les politiques du département concourent à la prévention de la délinquance.
Un exemple : la prostitution des mineurs, elle-même liée à la criminalité organisée. Pour endiguer ce phénomène croissant, le concours du département est essentiel.
La proposition de loi constitue donc une reconnaissance du rôle des départements et une invitation pour ceux qui ne l'ont pas encore fait à se saisir pleinement de cette compétence.
En outre, la mesure favorise le développement de partenariats. Utiliser les bonnes pratiques locales est important. J'ai reçu plusieurs contributions, des villes de Bordeaux, Vernon, Montpellier, ou des départements de la Seine-et-Marne et du Cher, entre autres.
Le département peut jouer un rôle utile en matière d'animation territoriale, en soutenant financièrement les politiques de sécurité des communes : certains d'entre eux financent ainsi des équipements de vidéoprotection dans les communes rurales qui n'en ont pas les moyens.
Intégrer les départements aux conseils est nécessaire : ils doivent être avertis des signaux faibles pour améliorer la prévention et la répression.
Cette proposition de loi illustre les difficultés du législateur lorsqu'il intègre dans la loi des mesures auparavant réglementaires. Nous sommes réunis pour examiner la composition d'une instance locale ! N'aurait-il pas mieux valu laisser cela dans le domaine du règlement ? Corriger un oubli devient plus difficile que lorsqu'un décret suffisait.
Cela dit, nous corrigeons l'erreur : je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Marie-Claude Lermytte applaudit également.)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - En 2023, près de 180 000 mineurs ont été mis en cause pour des vols, recels, coups et violences volontaires. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à l'être pour des actes plus violents. Pas moins de 51 % des mineurs concernés étaient âgés de moins de 16 ans. Les mineurs sont donc confrontés à la justice de plus en plus tôt.
La réponse sécuritaire, quoique indispensable, ne saurait suffire. La prévention de la délinquance exige la mobilisation de tous les acteurs : nous devons favoriser la coproduction de la sécurité au niveau local, dont le maire est le pivot, aux termes de la loi de 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Nous devons opérer un sursaut moral et politique pour redresser les figures d'autorité, notamment l'autorité parentale. La restauration de cette dernière est la pierre angulaire de la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui sera prochainement rendue publique. Nous souhaitons mieux repérer et mieux soutenir les parents défaillants. Or les départements jouent un rôle central dans ce domaine : compétents pour la protection maternelle et infantile, ils connaissent les familles et soutiennent les élèves. Dès lors, ils concourent au repérage des jeunes, lorsque ceux-ci commencent à glisser. Ce repérage est le mur porteur de notre projet. Mais pour être efficace, il doit intégrer tous les acteurs : le représentant de l'État et le procureur de la République, les forces de l'ordre, les chefs d'établissement, les acteurs associatifs. Seule une action concertée et interministérielle permet de déceler les signaux faibles de la délinquance et d'apporter une réponse individualisée. Sortons de la logique du silo.
Les départements concourent également, au titre de l'aide commune, au financement de nombreux dispositifs de prévention. Ils sont présents via les compagnies de gendarmerie départementale, ou les infirmières spécialisées dans les VIF. Cette action collective doit être animée par ceux qui, précisément, connaissent ces familles : les élus locaux. Leur rôle devra être conforté. C'est l'ambition de la stratégie nationale de lutte contre la délinquance et de la proposition de loi d'Isabelle Florennes, que je salue.
Le texte a pour objet de corriger une anomalie. Depuis la loi du 21 mars 2024, les départements n'ont plus de représentants de droit au sein des CISPD et des CLSPD. Or leur présence est nécessaire, essentielle même, compte tenu des compétences des départements : ASE, prévention spécialisée, lutte contre les VIF, notamment.
La proposition de loi est un soutien bienvenu à l'ambition qui est la nôtre de rassembler autour d'une même instance tous ceux qui concourent à la prévention de la délinquance chez les jeunes. C'est pourquoi le Gouvernement soutient ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - Cette proposition de loi a le mérite d'être claire : elle répond à une attente légitime des élus locaux pour une meilleure efficacité de l'action publique dans les territoires.
Dans ce calendrier parlementaire, ce texte est presque une anomalie, mais bienvenue.
Son sujet est simple : réintégrer la présence des départements dans les CLSPD et des CISPD, suivant une demande partagée par les élus de tous bords.
Les CLSPD sont des structures de pilotage et de coordination locale. Comme les auteurs de la proposition de loi l'ont rappelé, le conseil départemental joue un rôle important dans la prévention de la délinquance. Le code de l'action sociale et des familles donne pour mission au département de prévenir la marginalisation et de faciliter l'insertion et la promotion sociale des jeunes et des familles.
Les départements doivent donc retrouver leur place dans les CLSPD.
Reste que notre groupe s'interroge : comment pourront-ils exercer correctement ces compétences, au vu de leurs capacités financières ? Comment agir face à la prostitution des mineurs, par exemple, qui fait des ravages dans nos territoires ? En outre, l'ASE est en crise - nous y travaillerons au Sénat, et l'Assemblée nationale a rendu récemment un rapport sur le sujet, recommandant notamment de généraliser les délégués départementaux à la protection de l'enfance, en réarmant les préfectures en personnel expert en protection de l'enfance, et de mieux associer les professionnels de l'ASE et du secteur associatif aux instances locales de gouvernance.
Autre sujet : le narcotrafic. La commission d'enquête sur le sujet avait recommandé de dynamiser les instances locales de coordination. Les CLSPD sont un outil pertinent, notamment pour appréhender les phénomènes d'exploitation des mineurs. Notre groupe soutient le retour des départements à la table des discussions, tout en alertant sur leurs difficultés financières. Lors des derniers projets de loi de finances, notre groupe avait déposé des amendements visant à renforcer les moyens budgétaires des CLSPD. Nous voterons ce texte.
Mme Audrey Linkenheld . - Cette proposition de loi promeut un objectif simple : réintégrer les conseils départementaux au sein des CLSPD et des CISPD, qui font la preuve de leur intérêt depuis leur création il y a vingt-trois ans.
Les CLSPD prennent la température des territoires, permettent de voir si et où ça coince, afin d'éviter que la situation s'échauffe, avec le concours de l'autorité judiciaire, des forces de sécurité, et des acteurs sociaux et éducatifs.
Je ne referai pas le débat sur la justice des mineurs. Les CLSPD et CISPD relevaient du décret avant 2024. Depuis, le législateur est compétent ; il s'agissait de garantir la présence obligatoire aux réunions des membres de droit que sont les procureurs de la République.
Si nous partagions cette intention à l'époque, nous avions alerté nos collègues sur la rigidification de la composition. Nous y voilà ! En raison d'un oubli, nous sommes contraints de légiférer à nouveau, pour corriger une simple erreur matérielle : chacun convient que les départements sont des acteurs essentiels de la prévention de la délinquance, comme le prévoit le code de la sécurité intérieure.
Les départements peuvent identifier les signes et empêcher les dérapages. Les exclure nuirait à la cohérence des politiques publiques. Cette proposition de loi est donc bienvenue.
Ayant en tête les observations initiales des maires, notre groupe a déposé un amendement permettant de réintégrer les départements tout en conservant de la souplesse dans le fonctionnement de ces conseils. Nous sommes pragmatiques. Malgré le rejet de cette proposition en commission, nous retentons notre chance en séance. La participation départementale aux CLSPD est utile si elle s'inscrit dans une logique de coopération, et non de blocage. Plus de prévention partagée, c'est moins de délinquance, moins de dépenses sociales, donc des ressources financières disponibles pour d'autres priorités.
Nous sommes d'accord sur l'essentiel, c'est pourquoi le groupe SER votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDSE)
M. Joshua Hochart . - La sécurité ne cesse de se dégrader dans notre pays. En 2024, on recensait chaque jour 330 vols avec armes à feu, 600 cambriolages, trois homicides volontaires et plus d'un millier d'agressions.
Cette inflation ne semble pas faiblir. Dans mon département, le Nord, le constat d'échec du Gouvernement est alarmant, avec un accroissement de huit points des violences sexuelles en un an. Dernièrement, ma ville de Denain a été à la une de l'actualité. L'insécurité y est permanente, oeuvre de délinquants poussés à l'ultra-violence par le laxisme sécuritaire et judiciaire.
Il faut redonner aux collectivités les moyens d'agir.
Nous voterons cette proposition de loi, pour réparer une erreur. Les départements sont des acteurs centraux pour lutter contre la délinquance. Protection de l'enfance, insertion : ces compétences sont essentielles. Les départements gèrent chaque année plus de 8 milliards d'euros de crédits au titre de l'action sociale, 80 % d'entre eux financent des dispositifs de vidéoprotection sur leur territoire.
Les présidents de département ne doivent pas être de simples spectateurs, mais des acteurs à part entière de la stratégie de prévention. Ainsi, cette loi est un levier face à l'insécurité croissante.
Comme le dit Marine Le Pen depuis vingt ans, nos territoires sont gangrenés par une délinquance qui ne connaît pas les frontières de nos communes. Nous voterons ce texte, qui promeut la protection accrue des Français que nous défendons depuis toujours, mais nous demandons aux collectivités d'aller plus loin. Nous attendons surtout plus de moyens, et une plus grande fermeté de la justice.
Mme Marie-Claude Lermytte . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.) L'un des objectifs de la loi de mars 2024 consistait à mieux appréhender la réalité des mandats électifs locaux pour les acteurs judiciaires et étatiques. D'où la révision de la composition des CLSPD et CISPD.
Or les départements ont été oubliés. La proposition de loi d'Isabelle Florennes corrige cette erreur. C'est une initiative indispensable, au vu des compétences des conseils départementaux.
J'ai déposé un amendement visant à corriger une autre restriction introduite par la loi du 21 mars 2024 : le seuil de 5 000 habitants fixé pour la participation des communes tierces aux CLSPD. Mon amendement permettrait d'associer toutes les communes qui le souhaitent : cette participation resterait facultative.
Je me réjouis que la commission ait adopté ce texte sans modification et je salue le travail de Louis Vogel. Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je me suis demandé, comme le rapporteur - par ailleurs professeur de droit -, si la mesure dont nous discutons n'aurait pas pu relever du règlement, d'autant que l'on reproche souvent à la loi d'être trop bavarde. Mais nous allons légiférer, puisqu'il le faut.
Les CLSPD et CISPD incarnent la confiance en nos territoires. Ils réunissent tous ceux qui contribuent à la gestion sécuritaire du pays, selon des modalités adaptées. Car qui connaît le mieux les territoires, si ce n'est les élus locaux ? Qui, mieux que le maire, sait dans quelles rues, sur quelles places, se trouvent les fauteurs de troubles ? Les CLSPD et CISPD sont un bel exemple de réussite. Les violences récentes nous rappellent la nécessité de poursuivre les efforts pour la sécurité de tous.
Les départements jouent un rôle important dans la prévention de délinquance.
La prévention spécialisée, qui passe notamment par le financement des éducateurs de rue, est un maillon clé de la lutte contre la marginalisation et de l'amélioration de la connaissance des territoires.
La prise en compte de la jeunesse est d'autant plus cruciale que les auteurs de violences sont de plus en plus en jeunes, et que la prostitution des mineurs va croissant.
Les départements sont aussi compétents pour la sécurité des collèges, ou la lutte contre les violences faites aux femmes. Les représentants des départements sont souvent heureux de participer aux CISPD et CLSPD.
Il est naturel de soutenir cette proposition de loi qui rend une place de membre de droit au président du conseil départemental, mesure cohérente avec le renforcement des approches partenariales. Je salue le travail du rapporteur et de Mme Florennes qui, en déposant cette proposition de loi, rappelle que le Sénat reste présent aux côtés des collectivités territoriales, jusque dans les moindres détails.
Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Teva Rohfritsch . - Depuis plusieurs années, les violences et incivilités se développent en ville et dans les campagnes. En première ligne, les élus locaux assument un rôle essentiel, dans des conditions de plus en plus difficiles. La délinquance n'épargne aucun territoire. Ce combat commun exige la mobilisation de tous. Je salue l'initiative d'Isabelle Florennes. Depuis 2002, les CISPD et CLSPD jouent un rôle de coordination essentiel. Or, depuis mars 2024, un acteur clé en est écarté : le président du conseil départemental. Cette proposition de loi y remédie, restaurant ainsi l'équilibre de ces conseils.
Les travaux du rapporteur ont mis en lumière des exemples locaux qui illustrent le rôle majeur des départements en matière d'action sociale. Un exemple : la prostitution des mineurs en lien avec la criminalité organisée, qui progresse dans les territoires.
La proposition de loi reconnaît et encourage le rôle des départements et renforce la logique partenariale. Cette collaboration offre déjà des résultats : certains départements financent des dispositifs de vidéoprotection pour les communes rurales.
Replacer les départements autour de la table, c'est aussi favoriser le partage de l'information. Les départements repèrent les signaux faibles qui peuvent être déterminants pour les forces de sécurité, notamment en matière de lutte contre la radicalisation. On ne peut envisager une politique locale de sécurité sans prendre en compte tous les acteurs territoriaux. Le RDPI votera cette proposition de loi. (Mmes Anne-Sophie Patru, Isabelle Florennes et M. Louis Vogel applaudissent.)
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC) Cette proposition de loi est cohérente et fait consensus.
L'objectif de sécurité n'implique pas seulement une réponse répressive. Le modèle de solidarité républicaine plaide pour des solutions sociales. Tous les membres de la société doivent oeuvrer pour sortir les individus du cercle vicieux de la délinquance, en agissant sur les conditions socio-économiques qui la favorisent.
Le département y contribue, c'est pourquoi il est proposé de réintégrer le président du conseil départemental dans ces conseils. Comme le rapporteur l'a souligné, le département agit en matière d'ASE, de prévention spécialisée et de lutte contre les violences intrafamiliales.
Le législateur doit refaire ce qu'il a défait quelques mois plus tôt avec la loi de 2024 qui a conduit à une incohérence. Le représentant du département n'était plus membre de droit, alors que le code de la sécurité intérieure dispose qu'il oeuvre à la prévention de la délinquance.
Le RDSE votera unanimement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC ; M. Louis Vogel applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Patru . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Marc Ruel applaudit également.) La prévention de la délinquance est une mission essentielle qui appelle une approche concertée et inclusive. Les CLSPD et CISPD réunissent des acteurs locaux autour d'objectifs communs. Depuis leur création, ils ont évolué pour s'adapter aux besoins des territoires et aux nouvelles formes de délinquance.
La proposition de loi d'Isabelle Florennes rétablit les présidents des conseils départementaux comme membres de plein droit de ces conseils, mesure essentielle pour renforcer leur efficacité.
La composition de ces conseils a toujours été un sujet de débat. La mesure prévue par le texte est cohérente avec les compétences des départements : ASE, prévention spécialisée et lutte contre les violences intrafamiliales. Leur participation aux CLSPD est donc légitime.
Cette mesure favorise en outre les approches partenariales. Les départements peuvent ainsi orienter leur soutien logistique et financier vers les communes. L'intégration des départements aux CLSPD favorise enfin la circulation de l'information.
Le groupe UC votera évidemment cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDSE)
Mme Michelle Gréaume . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Cette proposition de loi rétablit les présidents des conseils départementaux parmi les membres de droit des CLSPD et CISPD qui oeuvrent à la prévention de la délinquance. Les maires, procureurs de la République et représentants de l'État en sont membres de droit. D'autres membres peuvent être désignés. Leur diversité concourt à une meilleure approche de la prévention de la délinquance.
Le groupe CRCE-Kanaky partage la volonté de réintroduire le département au sein de ces conseils. Leur retrait décidé en 2024 a été une erreur au regard de leurs compétences, notamment en matière d'action sociale, d'ASE, d'insertion, ou de lutte contre les violences intrafamiliales.
Mais les départements doivent être accompagnés dans leurs missions. En matière d'ASE, sans une lutte active contre la précarité, le combat contre la délinquance sera vain.
Par exemple, dans mon département du Nord, en 2024, 22 826 enfants étaient suivis par l'ASE dont 12 000 placements, soit autant que la Seine-Saint-Denis et le Pas-de-Calais réunis, et pourtant les moyens sont loin d'être au rendez-vous : alors que nous accueillons plus de 6 % des enfants placés en France, nous ne recevons que 3,6 millions d'euros sur les 115 millions d'euros mobilisés par l'État, au lieu des 7,2 millions d'euros auxquels nous pourrions prétendre.
Nous voterons ce texte, mais nous attendons des moyens importants pour que les départements mènent de réelles politiques sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°2 rectifié de Mme Lermytte et alii.
Mme Marie-Claude Lermytte. - Cet amendement supprime la restriction du seuil de 5 000 habitants pour la participation des communes tierces au CLSPD. Il faut garder de la souplesse et favoriser le partage des bonnes pratiques.
M. Louis Vogel, rapporteur. - Il n'y a aucune raison de limiter à certaines communes la possibilité de participer au CLSPD. Avis favorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - La démarche partenariale est parfaite. Avis favorable.
L'amendement n°2 est adopté.
M. le président. - Amendement n°1 de Mme Linkenheld et du groupe SER.
Mme Audrey Linkenheld. - Défendu.
M. Louis Vogel, rapporteur. - Avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Sagesse. Nous ne pouvons être favorables. Si le président du conseil départemental a un problème pour être présent, il sera suppléé. Sagesse, pour ne pas être désagréable. (Mme Audrey Linkenheld apprécie.)
L'amendement n°1 est adopté.
L'article unique, constituant l'ensemble de la proposition de loi, modifié, est adopté.
La séance, suspendue à 17 h 20, est reprise à 17 h 30.
Conférence des présidents
M. le président. - Les conclusions adoptées par la Conférence des Présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je considère ces conclusions comme adoptées.
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), présentée par Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
Mme Anne Chain-Larché, auteure de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à représenter des territoires durement frappés par des inondations. (M. Jean-Baptiste Lemoyne le confirme.)
Nous connaissons des épisodes de plus en plus fréquents, aux conséquences de plus en plus lourdes, en Seine-et-Marne, mais aussi dans le Var, les Bouches-du-Rhône, le Pas-de-Calais, les Landes ou le Gers. Ces catastrophes sont devenues structurelles. Elles bouleversent la vie de nos concitoyens, détruisent des infrastructures et paralysent la vie locale, mettant à rude épreuve nos territoires et laissant les élus locaux désemparés.
L'État vole souvent à leur secours en cas de sinistre. Mais il est temps de s'attaquer aux causes et non plus seulement aux conséquences.
La Gemapi a été une avancée, mais mal comprise et inégalement exercée. Elle peut être vécue comme une contrainte par certaines collectivités territoriales qui attendent plus de solidarité. Les élus se sentent souvent seuls face à des responsabilités techniques et juridiques lourdes. Ils demandent plus de clarté, de souplesse et de cohérence.
Il nous a semblé utile de faire évoluer la législation. Avec Pierre Cuypers, nous présentons donc une proposition de loi composée de quatre articles.
L'article 1er permet aux EPCI de déléguer aux départements, avec l'accord des communes membres, tout ou partie de la Gemapi. Il ouvre une nouvelle porte vers une meilleure coopération, une mobilisation plus efficace des moyens - une porte que les collectivités ne seront pas obligées d'ouvrir. Il n'y a ni contrainte ni obligation.
L'article 2, dont Pierre Cuypers vous parlera davantage, ajuste le périmètre de la gestion des eaux pluviales urbaines (Gepu) en y plaçant de manière explicite le ruissellement et l'érosion des sols dès lors qu'il y a un lien avec les inondations.
L'article 2 bis donne aux communes la possibilité de contractualiser avec les départements pour obtenir une assistance technique dans la lutte contre le ruissellement.
L'article 3 prévoit un rapport sur la taxe Gemapi qui envisage la création d'un fonds de péréquation à l'échelle des bassins versants : il faut donner plus de moyens aux territoires les plus touchés sans augmenter la pression fiscale.
Nous avons conscience que cette proposition de loi est une première étape. Je salue le travail des rapporteurs Hervé Reynaud et Laurent Somon. Nous devons bâtir une politique de prévention des inondations plus opérationnelle et mieux adaptée aux réalités locales. C'est l'objet de la mission d'information flash sur la gestion des milieux aquatiques (Gema) de Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux, qui devrait déboucher, à l'automne, sur un texte complémentaire.
Cette proposition de loi est un texte de liberté et de confiance envers les élus locaux, pour une politique ambitieuse.
M. Pierre Cuypers, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue le travail en commission et remercie Hervé Reynaud et Laurent Somon pour leur implication constante.
Je salue l'apport crucial de Mathieu Darnaud, rapporteur du texte créant la Gemapi.
Je salue Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, auteurs d'un précieux rapport d'information sur la prévention des inondations, qui a documenté les enjeux actuels.
Je remercie Rémy Pointereau dont la mission d'information flash sur la compétence Gema produira des recommandations riches.
Nous avons souhaité, ensemble, construire une réponse pragmatique et efficace face à une urgence territoriale évidente : les inondations par ruissellement qui frappent largement, bien au-delà des zones classiquement inondables, par des pluies intenses qui ne pénètrent plus les sols saturés, compactés ou imperméabilisés. Ce sont des coulées d'eau mêlées de boue qui descendent des pentes, inondent les caves, détruisent les habitations, créent des embâcles, emportent les cultures, bloquent les routes, détruisent les équipements publics d'eau et d'assainissement, détériorent nos monuments, dégradent le patrimoine. Ce sont des crues-éclairs, brutales, mais aussi à répétition, parfois plus destructrices que les crues fluviales elles-mêmes. En Seine-et-Marne, nous avons connu cela : coulées de boue de septembre et crue du Grand Morin d'octobre dernier. Nos territoires ruraux sont en première ligne, en grand danger. Les élus n'ont pas forcément le personnel adapté.
Cette proposition de loi ouvre des perspectives. L'article 2 clarifie le périmètre de la compétence Gemapi en y intégrant explicitement la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols dans les zonages des eaux pluviales, ce qui permettra aux intercommunalités d'agir de manière juridiquement sécurisée sur les zones sensibles : implantation de haies, bassins de rétention, fascines, fossés ou bandes enherbées - car des solutions existent.
L'article 2 bis permet à des communes de bénéficier pour cela de l'assistance technique des départements. C'est une mesure de bon sens fondée sur la réalité de terrain, qui ne crée pas de contrainte mais offre une possibilité aux maires.
Ce texte n'est pas une réforme d'affichage. Il n'ajoute pas de strate ni n'alourdit les dispositifs, mais il soutient et il sécurise. Ce n'est que du bon sens.
C'est une nouvelle pierre à poser ensemble pour mieux prévenir, protéger, préserver et armer nos territoires face aux phénomènes météorologiques qui vont s'intensifier.
M. Hervé Reynaud, rapporteur de la commission des lois . - Avec Laurent Somon, nous avons mené des travaux sur cette proposition de loi dans un esprit d'adaptation concrète.
Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin l'ont rappelé l'année dernière : les inondations sont le premier risque naturel et recouvrent une pluralité de phénomènes de fortes intensité et fréquence.
Depuis le 1er janvier 2018, les EPCI à fiscalité propre (ECPI-FP) assurent la compétence Gemapi, que la loi Maptam avait attribuée aux communes, avec transfert obligatoire aux EPCI auxquelles elles appartiennent - transfert fixé à cette date par la loi NOTRe. Toutefois, face aux difficultés de mise en oeuvre concrète des transferts de cette compétence, le législateur a introduit plusieurs ajustements : depuis la loi Fesneau-Ferrand de 2017, dont Mathieu Darnaud était rapporteur, les départements, les régions, les groupements et les autres personnes morales de droit public qui assuraient des missions relevant de la Gemapi à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à les exercer sous réserve de l'accord de l'EPCI sous la forme d'une convention de cinq ans renouvelables.
La Gemapi s'exerce aussi au niveau du bassin versant : des syndicats mixtes ont ainsi été constitués depuis longtemps à l'échelle pertinente.
Le financement de la compétence est assuré par une taxe facultative, plafonnée, assumée par les communes et les EPCI.
Cette proposition de loi vise à répondre aux fortes demandes des élus locaux, qui veulent bénéficier de nouvelles souplesses. Les réalités territoriales sont souvent complexes, les acteurs sont divers.
Deux articles de la proposition de loi entrent dans la compétence de la commission des lois, prévoyant une faculté de délégation de tout ou partie de la Gemapi des EPCI aux départements, pour une meilleure coordination et un appui logistique ; et, à titre subsidiaire, une clarification en matière de gestion des eaux pluviales et de ruissellement par l'introduction possible des mesures relatives au ruissellement dans le zonage communal ou intercommunal d'assainissement.
Près d'une décennie après sa création, la compétence Gemapi ne satisfait pas totalement les élus locaux. Les frontières sont parfois poreuses entre les compétences Gemapi et Gepu.
Tout en approuvant l'économie générale de la proposition de loi, nous en avons clarifié les dispositions. Nous avons aligné la procédure de délégation de la compétence Gemapi aux départements sur la délégation de droit commun.
À l'article 2, nous avons explicité le lien entre la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols.
Enfin, par un article additionnel, nous avons ajouté la lutte contre le ruissellement dans la liste des sujets sur lesquels le département peut aider les communes.
Avec cette proposition de loi modifiée, je vous propose de poser une nouvelle pierre à l'édifice des libertés locales, même si ces travaux ont vocation à être complétés, notamment par ceux de la délégation aux collectivités territoriales.
Madame la ministre, je regrette que le Gouvernement ne se soit pas saisi de ce texte pour accompagner les élus locaux, souvent démunis. Il faut des financements à hauteur des enjeux relevant de la sécurité publique, donc relevant de la solidarité nationale.
J'espère que le Gouvernement prendra réellement en compte les aspirations des collectivités territoriales. Écoutez la voix du Sénat !
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis de la commission des finances . - (M. Emmanuel Capus applaudit.) Fin mai, trois personnes ont perdu la vie dans des inondations dans le Var. Cela rappelle la récurrence de ces épisodes, comme dans le Pas-de-Calais et la Somme fin 2023 et début 2024. Je pense aussi à l'épisode tragique de 2001 dans mon département de la Somme, qui avait duré plusieurs mois.
L'EPCI exerce la compétence Gemapi depuis 2014, avec la création d'un nouvel impôt local facultatif, la taxe Gemapi. Bien que son produit croisse, elle n'est pas suffisante : dans les territoires exposés, elle atteint souvent le plafond de 40 euros par habitant. Le problème principal est sa répartition inégale sur le territoire.
La commission des finances s'est vu déléguer deux articles.
L'article 3 prévoit un rapport sur la mise en oeuvre de la taxe Gemapi et sur l'opportunité d'un fonds de péréquation. Certes, le Sénat est souvent méfiant à l'égard de telles dispositions, le dernier rapport de Sylvie Vermeillet ayant montré que 20 % seulement des rapports demandés étaient réalisés. Néanmoins, parce qu'il permet d'engager une réflexion partenariale avec le Gouvernement et surtout d'affirmer qu'il lui revient en priorité de prendre ses responsabilités en matière de solidarité nationale, nous avons adopté l'article 3 sans modification.
L'article 4 prévoyait que les recettes de la taxe Gemapi puissent financer les actions menées dans le cadre de la gestion des eaux pluviales en zone non urbaine et que les personnes à qui la Gemapi a été transférée puissent reverser la taxe en partie ou en totalité aux communes pour qu'elles gèrent les eaux pluviales. Cela me semble superflu : il est déjà possible de reverser ces financements aux communes dans le cadre d'une délégation.
La commission des finances a donc supprimé cet article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Cette proposition de loi s'inscrit dans la logique de la réflexion engagée au Parlement depuis plusieurs années sur la répartition de la compétence Gemapi entre les différents niveaux de collectivités territoriales.
C'est à la suite de la tempête Xynthia, qui avait entraîné la mort de 53 personnes, que nous avons voulu une gestion plus efficace des risques d'inondations.
Les inondations sont de plus en plus dramatiques, étant plus fréquentes, intenses et graves. Nous devons agir pour y répondre plus efficacement. Les images des catastrophes nourrissent un besoin de réactivité des pouvoirs publics.
Depuis la loi Fesneau-Ferrand du 31 décembre 2017, il existe déjà des possibilités de transferts et de délégations à des syndicats formés à l'échelle des bassins versants.
Il est aussi possible, pour un département déjà engagé dans ces actions, de les poursuivre en contractualisant avec les Gemapiens.
Aucune des deux chambres n'a remis en question ni ces modalités d'exercice de la compétence Gemapi ni l'échéance du 1er janvier 2018.
Parce que les inondations franchissent évidemment les limites administratives, la loi a déjà prévu des outils de coopération intercommunale en prévoyant le regroupement des Gemapiens au sein de syndicats spécialisés, dans le périmètre d'un bassin versant. Ces syndicats peuvent aussi prévoir des règles de partage des coûts pour plus de solidarité. Ces dispositifs sont souples et équilibrés.
Le Gouvernement comprend la volonté du groupe Les Républicains d'améliorer les outils juridiques, notamment pour mieux articuler cette compétence avec la Gepu. Cela permettra de prévenir les dégâts.
Les eaux pluviales urbaines posent aussi problème. Les Français partagent de plus en plus cette inquiétude. Sont en jeu le destin de familles, des territoires et la crédibilité de la puissance publique. C'est tout l'objet des articles 1, 2 et 2 bis.
Il est évident que le Gouvernement est ouvert à la discussion, notamment avec Rémy Pointereau, Hervé Gillé et Jean-Yves Roux, qui mènent actuellement une réflexion sur le sujet.
Nous ne pensons pas que la délégation de compétence aux départements simplifie les choses. La position du Gouvernement reste la même : l'EPCI à fiscalité propre est le bon échelon, et le bon périmètre est davantage le bassin versant que le département.
La flexibilité recherchée par la proposition de loi n'atteindra pas son but, n'entraînant pas d'économie d'échelle ni de lisibilité de la compétence. Le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur l'article 1er.
À l'article 2, nous partageons la volonté d'une prévention du ruissellement, mais la rédaction nécessite une adaptation. Nous proposerons un amendement rédactionnel, tout comme à l'article 2 bis.
La suppression de l'article 4 est une bonne chose. Celui-ci permettait à un EPCI à fiscalité propre ou à un syndicat de reverser une partie de la taxe Gemapi à une commune membre ; or une taxe doit nécessairement être affectée à la compétence pour laquelle elle a été créée.
Le Gouvernement est prudent sur cette proposition de loi. Pour légitime que soit l'intention, il convient de poursuivre l'accompagnement des territoires en optimisant les outils déjà à disposition, sans remettre en cause les équilibres de la loi Fesneau-Ferrand.
Le Gouvernement attend beaucoup des conférences de l'eau dans nos territoires menées par Agnès Pannier-Runacher et de la mission d'information évoquée précédemment. Nous pourrions alors parfaire le dispositif dans l'intérêt de tous.
Mme Audrey Linkenheld . - Le Nord, comme d'autres secteurs des Hauts-de-France, a été frappé par de violentes inondations aux conséquences dramatiques. La France entière est particulièrement vulnérable. Le changement climatique accroît encore ce risque, avec davantage de fréquence et d'intensité. C'est pourquoi il est indispensable de mieux structurer ces compétences.
Avec les lois NOTRe et Maptam, la Gemapi a été attribuée obligatoirement aux EPCI à fiscalité propre : il fallait introduire de la cohérence et de l'efficacité, et établir un lien étroit entre la politique de l'eau et les politiques d'aménagement.
Parce que les périmètres administratifs ne correspondent pas toujours aux bassins versants, des souplesses ont été prévues. À date, la compétence Gemapi est donc sécable administrativement et géographiquement. Les régions et départements déjà acteurs en matière de Gemapi peuvent continuer à l'être par convention ou par participation à l'un des 450 syndicats mixtes existants.
L'article 1er prévoit une faculté de délégation des EPCI vers les départements. Dans sa rédaction initiale, il suffisait d'une simple déclaration communautaire. La commission des lois a corrigé cette curiosité en associant mieux les maires par un alignement de la procédure sur le droit commun. Mais si l'on revient au droit commun, c'est-à-dire à une compétence sécable et à laquelle sont associés les départements, pourquoi légiférer à nouveau ? Nous ne souscrivons donc à aucune des rédactions proposées.
Nous sommes aussi réservés sur l'article 2. Intégrer la lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols dans le cadre des zonages en matière d'eau et d'assainissement a du sens - à tel point que le code général des collectivités territoriales le prévoit déjà ! La frontière entre la lutte contre le ruissellement et l'érosion, d'une part, et la prévention des inondations d'autre part est ténue, mais le bloc communal peut intervenir librement sur toute la chaîne. Le seul intérêt d'inclure directement le ruissellement dans la compétence serait d'ordre financier, pour que la taxe Gemapi finance d'autres actions. Mais les financements actuels ne sont déjà pas suffisants. L'article 2 ne serait qu'une solution de façade ; nous n'y sommes pas favorables.
Idem pour l'article 2 bis. Soit la lutte contre le ruissellement relève de la Gemapi et les départements peuvent déjà agir par la loi Fesneau-Ferrand, soit elle relève de l'aménagement du territoire et ils peuvent aussi déjà agir par la loi NOTRe.
Par souci de clarté et pour affirmer le besoin de solutions bien plus structurantes, le groupe SER ne votera pas cette proposition de loi.
M. Emmanuel Capus . - (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.) Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois... déclarait Donald Trump avant sa première élection. C'est pourtant bien plus qu'un concept. Un quart de nos concitoyens sont confrontés au risque inondation. Marie-Claude Lermytte et Dany Wattebled l'ont constaté dans le Nord lors de l'hiver 2023-2024.
L'augmentation de la fréquence de ces phénomènes a justifié la mise en place de politiques publiques, confiées aux EPCI à fiscalité propre.
Dix ans plus tard, les auteurs de la proposition de loi nous invitent à assouplir le régime existant. Sénateurs de Seine-et-Marne comme Louis Vogel, ils savent à quel point les inondations peuvent nuire aux réseaux de mobilités de 123 communes.
L'objectif est de déléguer tout ou partie de la compétence Gemapi au département. Le Sénat a la bonne habitude d'ouvrir des facultés sans contraindre, car les élus locaux sont les mieux placés pour résoudre les difficultés de leur territoire.
La Gemapi pose deux problèmes : premièrement, l'hydrographie n'obéit pas aux découpages administratifs ; deuxièmement, une compétence, pour être exercée, doit être financée.
La taxe Gemapi est parfois décrite comme facultative. Elle ne l'est pas pour les contribuables, mais pour les collectivités territoriales, libres de l'instituer ou non. Mais les territoires qui en ont le plus besoin ne sont pas nécessairement les plus peuplés. C'est pourquoi la question de la péréquation se pose.
Le caractère facultatif nous semble également problématique : il est difficile pour les élus de décider seuls de la mise en oeuvre de la taxe et de déterminer son montant.
Les effets du dérèglement climatique s'accroîtront. Nos territoires ne sont pas sur un pied d'égalité face aux inondations, aux sécheresses et aux incendies. Nous ne devons donc pas les laisser livrés à eux-mêmes.
Cette proposition de loi est bienvenue. Les Indépendants soutiennent la possibilité d'une assistance technique des départements aux collectivités territoriales pour lutter contre le ruissellement.
Mais il y a un éléphant dans la pièce : c'est toute l'architecture des collectivités territoriales qu'il faut revoir. Un projet de loi d'ensemble pour remettre en ordre la décentralisation est nécessaire.
Nous savons que des sujets plus urgents occupent le Gouvernement, mais combien de temps pourrons-nous fonctionner ainsi ?
Nous voterons cette proposition de loi en espérant du Gouvernement des réformes de fond, dont notre pays a le plus besoin. (M. Pierre Cuypers et Mme Anne Chain-Larché applaudissent.)
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Merci à Anne Chain-Larché et à Pierre Cuypers pour leur texte nécessaire, au vu des difficultés rencontrées par les élus locaux avec la Gemapi. Le transfert aux EPCI pour éviter le morcellement des responsabilités n'est pas toujours satisfaisant : je le vois sur le territoire de Terres de Camargue, les bassins versants font fi de toute considération administrative. Cette proposition de loi, enrichie en commission par les rapporteurs, mérite notre approbation. La recrudescence du risque inondation appelle des réponses souples et sur mesure.
L'article 1er instaure une faculté de transfert de Gemapi des EPCI vers les départements, pour mobiliser leur expertise technique et logistique.
L'article 2 clarifie la répartition des responsabilités en intégrant les eaux pluviales et le ruissellement dans le zonage d'assainissement. La commission a veillé à aligner le régime sur le droit commun et créé un article 2 bis étendant l'assistance des départements à ce risque. Ainsi, nous donnons les outils nécessaires aux élus locaux sans les contraindre.
Cependant, il faudra que la solidarité nationale s'exprime clairement. Le changement climatique démultiplie les risques.
Cette proposition de loi équilibrée traduit une philosophie de la solidarité, de la confiance et de l'intelligence collective. Votons-la. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Le Sénat s'est pleinement emparé de ce sujet avec la mission sur les violentes inondations de 2023-2024 de Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, ayant débouché sur une proposition de loi, et cette proposition de loi de Pierre Cuypers et Anne Chain-Larché.
Nous sommes de plus en plus soumis aux catastrophes naturelles, notamment les territoires d'outre-mer, chers au RDPI.
Le risque de crue et de submersion va croissant, avec une augmentation de la pluviométrie extrême - on l'a vu l'an dernier dans l'Yonne, avec les crues du Serein et de l'Armançon.
Le RDPI se réjouit de ce débat important sur la gouvernance, le financement et le périmètre de la Gemapi. Mais nous légiférons de façon parcellaire.
Certains articles apportent de la souplesse, mais des questions se posent. Nous attendons le rapport d'évaluation des lois NOTRe et Maptam de Jean-Yves Roux, Hervé Gillé et Rémy Pointereau.
Un débat a lieu chez les élus locaux et dans la population, comme en témoigne le Récid'eau qui s'est tenu à Auxerre à l'initiative de Yonne Median, où j'ai eu l'occasion d'échanger avec des élus.
L'article 1er étend une disposition de la loi Fesneau-Ferrand. Attention à ne pas faire du département l'unique collectivité chargée de cette compétence. On sait parfois quels sont les rapports de force politiques sur les territoires. Mieux vaut réfléchir par bassin versant. Je rends hommage aux syndicats qui oeuvrent de concert avec les EPCI.
Le financement est le deuxième sujet clé. J'en parlais avec le président du syndicat du bassin du Serein, Patrick Mercuzot : les capacités de financement des territoires en amont sont parfois très faibles, alors que les besoins sont importants.
L'article 3 prévoit un rapport sur la péréquation, évoquant le bassin versant. Faut-il retenir cette échelle-là ou prévoir une solidarité nationale ? La péréquation est de toute manière indispensable.
Nous avons déposé un amendement pour susciter le débat sur l'article 4.
Dernier point, le périmètre : l'article 2 inclut la lutte contre ruissellement dans la Gemapi ; il est vrai que la frontière est particulièrement poreuse, ce qui pose un problème dans la vie quotidienne des élus.
Le Parlement n'a pas fini d'en débattre, afin de rendre les six lettres de Gemapi toujours plus intelligibles, et surtout effectives.
Mme Maryse Carrère . - La compétence Gemapi incarne une ambition louable : doter nos territoires d'un cadre cohérent pour gérer le risque inondation.
Cette compétence a été confiée aux intercommunalités pour lutter contre l'émiettement. Mais cela a entraîné une solitude institutionnelle des élus locaux.
Notre pays est confronté à une grande diversité d'aléas. Si les causes sont avant tout météorologiques, les situations sont aggravées par les facteurs humains.
Cette proposition de loi procède d'un constat lucide : il faut des assouplissements pour répondre à la diversité des territoires.
Ouvrir la possibilité pour les intercommunalités de déléguer cette compétence aux départements est une avancée utile. La réalité impose parfois de recomposer intelligemment les niveaux d'action.
Dans de nombreux territoires, les départements disposent d'une ingénierie et d'une expérience éprouvées, ainsi que d'une connaissance fine des cours d'eau. Ils sont parfois les seuls à même de porter des projets complexes.
Pour autant, ce n'est pas toujours l'échelon le plus pertinent. Départements de France nous a alertés sur leur mauvaise santé financière ; je ne suis pas certaine que les départements apprécieraient de recevoir une nouvelle compétence déléguée.
En outre, la prévention des inondations appelle une approche par bassin versant. Ce ne sont pas toujours les communes les plus victimes qui doivent engager les travaux les plus coûteux. Cette tension est particulièrement nette dans les zones de montagne où les communes amont, souvent petites et peu dotées, doivent engager des travaux coûteux dont bénéficieront en aval des métropoles à fort potentiel fiscal. Il faut donc du temps et de la méthode pour construire un modèle plus juste.
La taxe Gemapi pourrait rapporter 3 milliards d'euros si le plafond de 40 euros par habitant était appliqué partout ; or celui-ci s'élève en moyenne à 8 euros.
Les intercommunalités urbaines ou littorales disposent des marges fiscales les plus importantes alors que ce ne sont pas celles qui en ont le plus besoin. Il faudrait donc ouvrir le débat sur une péréquation à l'échelle des bassins versants.
Sortons de la logique des ajustements successifs : la Gemapi, comme nombre d'autres compétences, pâtit d'un empilement opaque.
Une mission d'information relative à la compétence Gemapi est en cours, sous la houlette de Jean-Yves Roux, Rémy Pointereau et Hervé Gillé. Il aurait été judicieux d'attendre ses conclusions.
La position du RDSE est réservée. Chacun restera libre de son vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du GEST)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Entre novembre 2023 et juin 2024, 53 % des départements ont été touchés par des inondations. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, les dégâts sur les biens assurables s'élèvent à 640 millions d'euros. Plus d'un habitant sur quatre est exposé.
Nous devons faciliter le travail des collectivités, qui peinent à réparer les dégâts et à financer les travaux d'aménagement nécessaires.
En 2015, la loi NOTRe a imposé le transfert obligatoire de la compétence Gemapi aux EPCI pour assurer l'unité de la gouvernance. Mais sa mise en oeuvre se heurte à l'augmentation des risques, au manque de moyens financiers et à la fragmentation des acteurs.
L'article 1er rend possible le transfert de tout ou partie de la compétence Gemapi aux départements. Bien que facultative, cette délégation pourra s'avérer pertinente, mais pas partout - je pense notamment aux territoires de montagne.
L'article 2 clarifie les responsabilités, notamment en matière de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols. L'article 2 bis ajoute la lutte contre le ruissellement dans le champ de l'assistance technique.
L'article 3 prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement sur la taxe Gemapi. Vaste chantier ! La réflexion se poursuivra avec les conclusions de la mission d'information Roux-Pointereau-Gillé. Les territoires ruraux et de montagne, peu denses, disposent d'un potentiel fiscal limité, mais peuvent être très exposées aux risques : dans les Hautes-Alpes, 56 communes sur 162 ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite des intempéries de 2023 et 2024.
Face aux inondations à répétition, il faut déplafonner la taxe Gemapi. Pourquoi ne pas envisager sa régionalisation ? Les mesures prises autour des bassins versants protègent l'aval. Surtout, il faut une plus grande solidarité fiscale : les habitants des Hautes-Alpes payent seuls l'entretien de la Durance, qui alimente la ville de Marseille...
Parlons concret. La communauté de communes du Guillestrois et du Queyras, 8 000 habitants et quinze communes de montagne, comprend deux rivières. Côté Guil, 25 millions d'euros de travaux Gemapi ; côté Durance, 20 millions - sachant que le produit de la taxe Gemapi est de 800 000 euros, dont la moitié va au fonctionnement...
L'Union centriste votera sans enthousiasme ce texte. C'est une étape, certes modeste, vers la mère des réformes : que l'assiette de la taxe Gemapi soit la région, voire la nation.
Les propositions de loi se multiplient. À quand un grand texte ambitieux pour traiter toutes les situations en solidarité active ? La procrastination n'est jamais féconde : elle coûtera plus cher demain, si nous ne faisons rien. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Jean-Pierre Corbisez . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Il faudra bien un jour conjurer la décrue centennale des moyens accordés aux collectivités territoriales, qui rend inopérants les principes de proximité, de responsabilité et de justice territoriale.
Mme Audrey Linkenheld. - Bien dit !
M. Jean-Pierre Corbisez. - Ce texte renforce la subsidiarité et assouplit l'organisation de la compétence Gemapi.
Le ruissellement et l'érosion des sols, au coeur des désordres hydrauliques, ne relèvent d'aucune compétence clairement identifiée. Ce texte y remédie partiellement en redonnant aux communes des leviers d'intervention - qui devront être strictement liés à la prévention des inondations, a utilement précisé le rapporteur.
Les élus locaux portent cette compétence avec volontarisme, mais sans moyens, ingénierie, ni lisibilité. Il faut reconnaître la diversité des réalités locales. La possibilité d'une délégation de la compétence Gemapi aux départements est une avancée cohérente. Dans la lignée des travaux du Sénat, ce texte redonne une consistance politique à l'échelon départemental, quand certains rêvent de sa disparition.
La demande de rapport sur la péréquation de la taxe Gemapi vise à corriger les inégalités criantes entre territoires. La gestion hydraulique ne peut être pensée à l'échelle restreinte d'un EPCI : les dynamiques hydrauliques ignorent les découpages administratifs, elles obéissent à la géographie des bassins versants et au cycle de l'eau.
Le plus juste, le plus pertinent serait le recours à l'impôt national. L'aquataxe poursuit sa montée en puissance, avec une multiplication de son produit par onze entre 2017 et 2021. L'État ne peut éternellement déléguer sans assumer. La clarification au niveau local devra trouver son pendant à l'échelon national.
Dans le Pas-de-Calais, terre des gueules noires, nous savons ce que l'eau peut cacher : il faut encore pomper sans relâche les eaux d'exhaure des anciennes mines pour prévenir les inondations. L'État en assume la charge - c'est un symbole.
Ce texte en appelle d'autres. La protection des habitants passe par un renforcement des services publics : c'est pourquoi le groupe CRCE-Kanaky votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.
M. Grégory Blanc . - Ce texte pose la question de la résilience de nos territoires face à la dégradation du cycle de l'eau.
Il a deux mérites. Premièrement, il intègre le ruissellement à la réflexion sur le cycle de l'eau. C'est bien par l'addition de mesures complémentaires, entre gestion des zones humides et traitement de l'imperméabilisation, que l'on traitera le problème.
Deuxièmement, il aborde la question de la taxe Gemapi, levée principalement en aval alors que les problèmes viennent du non-traitement du ruissellement en amont. Faire contribuer l'amont pour protéger l'aval impose une vraie péréquation. L'article 3, qui demande un rapport, pose le problème, mais n'apporte pas de réponses solides.
Pour agir, il faut renforcer le poids des bassins et des agences de l'eau. Or les promoteurs du texte ont voté la réduction des crédits des agences de l'eau, garantes du principe de solidarité entre bassins versants. Comment avancer si l'on affaiblit les instruments qui permettent d'agir ? La ponction s'est élevée à 150 millions d'euros !
Nous avons besoin d'une approche systémique, d'une stratégie nationale de l'eau. L'absence de projet de loi structurant pour traiter les problèmes dans leur globalité, voilà le mal qui ronge notre vie publique. On bricole, on crée de l'instabilité juridique. Or le Pnacc 3 (plan national d'adaptation au changement climatique) chiffre à 143 milliards d'euros d'ici à 2050 l'impact des catastrophes climatiques.
Cette proposition de loi permet d'avancer, un peu, en attendant un texte structurant - si on s'en donne les moyens.
Les territoires concernés par le recul du trait de côte ou ceux qui entretiennent des digues le long des fleuves n'ont pas les moyens d'aider les communes à désartificialiser, à reconstituer des zones humides. L'article 4 permettait aux EPCI situés en amont, qui prélèvent peu la taxe, d'en transférer une part aux communes qui réalisent des travaux de traitement du ruissellement. C'était là la petite avancée du texte. Sans article 4, il n'y a plus de loi, sauf à transférer une nouvelle charge aux départements, qui n'en veulent pas. Dans ce cas, autant retirer le texte pour éviter l'encombrement législatif.
Mme Frédérique Espagnac . - Depuis sa création, la compétence Gemapi a fait couler beaucoup d'eau et d'encre.
Le produit de la taxe Gemapi est notoirement insuffisant. Si son potentiel est évalué à 2,9 milliards d'euros, le plafond est loin d'être atteint. Dans les Pyrénées-Atlantiques, la vallée d'Aspe a été frappée par un épisode pluvio-orageux intense qui a causé des inondations et endommagé la RN 134, mais la taxe ne suffit pas à financer les réparations.
Qui plus est, la répartition de l'effort fiscal est profondément inéquitable. Les communes de montagne, très exposées, mobilisent la taxe à son plafond, quand d'autres territoires ne l'activent pas ou peu.
Nous espérions que le texte affronte la question du financement de la Gemapi, or l'article 4, qui imposait de nouvelles missions à financer par la taxe, a été supprimé en commission.
Comment permettre à toutes les collectivités, quelles que soient leurs ressources, de faire face aux risques de crue ou d'inondation ? Ce texte n'y répond pas.
L'article 3 demande un énième rapport, alors que seuls 20 % sont remis. Et quand bien même, l'urgence impose une décision politique. Pourquoi ne pas avoir proposé un fonds de péréquation, afin de lancer le débat et forcer le Gouvernement à se positionner ?
Cela dit, je ne balaie pas ce texte d'un revers de main. Mais en simplifiant les procédures, en assouplissant le cadre juridique, ne risque-t-on pas d'en accentuer la complexité ? Supprimer des dispositifs sans proposer d'alternative robuste fragilise l'édifice.
Le groupe SER s'oppose à la délégation de la compétence Gemapi aux départements. Cessons de complexifier la répartition des compétences. Les élus demandent de la stabilité. C'est pourquoi nous voterons contre ce texte, vidé de sa substance, qui ne résout rien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La Gemapi a été créée par la loi Maptam, défendue par Anne-Marie Escoffier, ancienne sénatrice de l'Aveyron, alors ministre - ce n'est pas ce qu'elle a fait de mieux.
Sept ans après son transfert obligatoire aux intercommunalités, ses limites sont criantes : manque d'agilité dû à la complexité des procédures, difficultés de coordination, inégalité des ressources entre territoires. Les EPCI, en première ligne, sont démunis. La taxe Gemapi est inégalement répartie et insuffisante face aux besoins d'investissement et d'entretien. D'où une double tension, entre capacité d'action du bloc local et montée des risques, entre responsabilité juridique des élus et faiblesse des outils à leur disposition.
Cette proposition de loi attendue permet aux intercommunalités de déléguer toute ou partie de la compétence Gemapi aux départements, qui ont un savoir-faire historique en matière de gestion de l'eau. Ce partenariat renforcé permettrait de sortir d'une impasse technique.
Le texte clarifie l'articulation entre Gemapi et Gepu, et intègre explicitement les phénomènes de ruissellement et d'érosion des sols.
Le volet financier n'est pas oublié : la demande d'un rapport en vue d'introduire de la péréquation va dans le bon sens. L'équité devant le risque doit être garantie, avec la possibilité de reverser une part de la taxe aux communes qui assument la charge opérationnelle.
La mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales sera l'occasion de proposer une refonte du financement de la Gemapi, en renforçant la solidarité amont-aval.
Ce texte n'est pas une réforme de fond, mais une étape utile. Il répond aux alertes et aux demandes des élus : nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La loi Maptam a instauré la compétence Gemapi, par amendement et sans étude d'impact ; la loi NOTRe a rendu son transfert effectif, entraînant un flou juridique, des attentes contradictoires et une surcharge administrative.
Malgré tout, la réforme s'est progressivement mise en place, grâce au pragmatisme local. La loi Fesneau-Ferrand du 30 décembre 2017 a permis aux régions et aux départements déjà investis de poursuivre.
Cependant, le transfert opéré par l'État en janvier 2024 de la gestion des digues domaniales contre les inondations est perçu comme forcé et inadéquat. Les travaux atteignent 110 millions d'euros pour un des syndicats de mon département ! Les élus dénoncent un transfert ubuesque d'ouvrages dégradés. Normes irréalistes inadaptées aux digues anciennes, surcharge des bureaux d'études, impact financier insoutenable : c'est une impasse.
Je salue cette proposition de loi dont l'article 1er permet la délégation de tout ou partie de la compétence aux départements. Cela déchargerait les petites communes qui pourraient s'appuyer sur leurs ressources.
Jamais réévaluée depuis 2014, la taxe Gemapi ne reflète plus les réalités des territoires et les charges supportées. Elle est insuffisante dans certains secteurs, notamment en montagne. Impossible, vu la grande diversité des situations locales, d'établir des critères équitables.
Cette proposition de loi est l'occasion de repenser les modalités de financement de la Gemapi. Je ne doute pas que la mission d'information de Rémy Pointereau complétera ces éléments. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le littoral normand est en première ligne face aux effets du changement climatique : recul du trait de côte, érosion accélérée, submersion marine. Nous aurons des digues à renforcer, des plages et des habitations à protéger - soit plusieurs millions d'euros d'investissements, à la charge des collectivités.
L'article 4 a, hélas, été supprimé en commission des finances au motif que les recettes actuelles ne suffisent déjà pas à couvrir les missions Gemapi. Mais que propose-t-on à la place ? Rien. La solidarité territoriale reste théorique. On refuse aux collectivités les moyens d'agir.
Le comité interministériel de la mer, réuni le 26 mai à Saint-Nazaire sous l'égide du Premier ministre, a réaffirmé le principe selon lequel le littoral doit financer le littoral. En demandant toujours plus aux communes, sans péréquation, on creuse les inégalités territoriales.
Je soutiens la demande de rapport à l'article 3, mais il faudra surtout créer dans le projet de loi de finances un fonds dédié à l'adaptation du littoral, et au recul du trait de côte. Les départements littoraux comme celui de la Manche ont besoin de lisibilité pour envisager sereinement l'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
M. Michel Masset . - En l'état, je ne voterai pas ce texte. Dans mon intercommunalité, le Lot se jette dans la Garonne, nous sommes inondés deux à quatre fois par an. La compétence Gemapi nous a été imposée sans compensation financière, nous avons dû créer un service. On nous a donc autorisés à lever un impôt qui nous a rapporté 450 000 euros, sur un budget de 10 millions. On nous a demandé une étude du système d'endiguement : 500 000 euros. Puis une brèche de 100 mètres linéaires est apparue : 300 000 euros. Pour la communauté voisine, c'est 22 millions d'euros !
Nous sommes un département pauvre. Or un mariage entre pauvres fait rarement un couple riche.
Sans vision amont aval, sans péréquation sur l'ensemble du territoire, ce texte n'est pas acceptable en l'état - d'autant que quantité de textes sont en cours d'examen, ce qui est difficile à expliquer sur le terrain.
M. Hervé Gillé . - Je suis corapporteur de la mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales ; notre approche est beaucoup plus globale, tout en étant fine et technique.
Certains aléas normaux peuvent être pris en charge par un EPCI gémapien, d'autres nécessitent de faire appel à la solidarité. Les moyens doivent être levés à l'échelle du bassin ou du sous-bassin, bien mieux placé que le département.
Cette proposition de loi est à la croisée des logiques de bassins et des logiques de collectivités territoriales.
La gestion du pluvial dépend d'une stratégie définie à l'échelle de la collectivité, qui participe de la prévention des inondations. Il faudra clarifier ce qui ressort d'un syndicat d'eau et d'assainissement et ce qui peut ressortir d'une gestion gémapienne. Le texte ne traite pas ces aspects. Je voterai contre.
Mme Anne Chain-Larché . - C'est vrai, le texte n'est pas abouti. Le département n'est pas le bassin versant - mais l'EPCI non plus ! Alors que la Seine-et-Marne protège Paris, les frontières du département sont déjà trop étroites pour régler le problème dans sa totalité. Reste que les communes et syndicats de communes sont désemparés : il fallait envoyer un signal fort, face à l'immobilisme de l'État - et même du Sénat - en offrant aux territoires la possibilité de confier cette compétence au département.
Sur la taxe, la balle est dans le camp du Gouvernement. Son niveau peut varier de 0 à 40 euros selon les territoires. Nous plaidons pour une véritable solidarité, pour un impôt inondations sur le modèle de l'impôt sécheresse, afin de responsabiliser les territoires.
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°1 rectifié de Mme Romagny et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Il faut pouvoir déroger au calendrier annuel d'entretien des cours d'eau, afin de mener des mesures de prévention des inondations. En effet, impossible de procéder aux travaux aux dates préconisées, entre octobre et mars, car les berges sont immergées. Sans compter que les entreprises compétentes se font plus rares et allongent leurs délais d'intervention.
Hier, à ma question orale, la ministre m'a d'abord répondu en évoquant la taille des haies, avant de me dire que des adaptations étaient possibles. Mais que faire lorsque le préfet du département ne répond pas ?
Il faut de la souplesse réglementaire pour s'adapter aux conditions, tout en respectant la biodiversité ; d'où ma proposition de saisir le préfet et l'Office français de la biodiversité (OFB) un mois avant. Chez moi, des travaux de vannage sont près de céder au bout de deux ans sans travaux.
M. Hervé Reynaud, rapporteur. - De nombreuses collectivités peinent à entretenir leurs cours d'eau. Néanmoins, la rédaction de l'amendement aurait gagné à coller davantage aux réalités. Vous proposez de déroger « systématiquement » au calendrier, or il existe déjà des dérogations au cas par cas. L'amendement est donc satisfait. (Mme Anne-Sophie Romagny le conteste.) Au vu de la soudaineté des intempéries, saisir le préfet et l'OFB un mois avant n'est pas pertinent.
Je sais que notre collègue est tenace et ne s'est pas satisfaite de la réponse de la ministre Chappaz hier. C'est l'occasion ce soir de connaître l'avis du Gouvernement. Sagesse.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - Je vous confirme mon soutien à la facilitation des travaux d'entretien des cours d'eau et comprends votre souhait d'adapter les périodes d'intervention au cas par cas, en fonction de la situation pluviométrique et hydrologique.
Les dates qui figurent dans les arrêtés sont rarement obligatoires, une souplesse existe. Tous les syndicats de rivières peuvent demander au préfet des adaptations, notamment pour l'entretien des ripisylves. J'insiste néanmoins sur les périodes de nidification des espèces protégées : les adaptations devront rester limitées et encadrées. Votre amendement me semble satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Les dates sont une recommandation pour les particuliers, mais entreprises, collectivités et syndicats s'exposent à un risque d'amende et de sanctions pénales ! Quand le préfet ne répond pas, que fait-on ? Dans ma commune, un vannage datant de 1901 est sur le point de céder : toutes les populations en aval seront inondées.
J'entends qu'il faille protéger les oiseaux, mais faisons confiance aux élus locaux. Il est de leur responsabilité de protéger leur population. Nous prenons un risque inconsidéré.
M. Laurent Burgoa. - Je voterai cet amendement de bon sens.
Madame la ministre de la ville, il y a peu de cours d'eau dans les quartiers de la politique de la ville. Écoutez plutôt le bon sens des territoires que les administrations centrales déconnectées !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - La loi est conçue pour permettre aux élus locaux d'interpeller le préfet en vue de demander une adaptation ou une dérogation. Celui-ci doit vous répondre.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Ce n'est pas le cas !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - Dans ce cas, écrivez-nous. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains)
À la demande du groupe UC, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°309 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 260 |
Pour l'adoption | 241 |
Contre | 19 |
L'amendement n°1 rectifié est adopté et devient un article additionnel
Mme Anne-Sophie Romagny. - Merci !
L'article 2 est adopté, de même que les articles 2 bis et 3.
Article 4 (Supprimé)
M. le président. - Amendement n°2 de M. Grégory Blanc et alii.
M. Grégory Blanc. - Cet article a été supprimé en commission des finances au regard des enjeux de péréquation et de financement. L'ambition du texte est d'abord de prendre en compte le ruissellement. Or si l'on élargit la compétence Gemapi, il faut trouver des moyens, notamment là où la taxe est peu levée, afin de financer la prévention du ruissellement.
Il me semble que la loi ne permet pas de transférer si facilement une partie des financements aux communes. Si c'est déjà le cas, où sont les avancées de cette proposition de loi ? Autant la retirer.
M. le président. - Amendement identique n°3 de M. Lemoyne et du RDPI.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Cet amendement est pêché à bonne source. Pourquoi la commission des finances a-t-elle supprimé l'article ? Il prévoit qu'une partie du produit de la taxe Gemapi peut être transférée aux communes membres pour des travaux de lutte contre le ruissellement ou l'érosion des sols - sujets interstitiels dont les élus ont du mal à s'emparer. On entrait dans une logique de fonds de concours, l'intention était intéressante.
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. - Le problème est celui du financement. Plus on étend les items de la Gemapi, plus ses moyens seront insuffisants. Même si le dispositif est facultatif, il fera porter une responsabilité nouvelle aux intercommunalités. C'est d'ailleurs pourquoi le Sénat avait refusé de déplafonner la taxe Gemapi ; la perspective de voir cette taxe financer une nouvelle compétence a inquiété les élus locaux que nous avons auditionnés.
En amont, les communes sont souvent peu denses et disposent de peu de recettes, même avec une taxe au plafond ; en aval les recettes pourraient être plus importantes, mais les communes du littoral, qui ont des besoins considérables, ont peur que ces moyens soient tous utilisés à des travaux en amont, en montagne par exemple.
À l'article 1er, il s'agit bien d'une délégation de compétences au département, et non d'un transfert. Dans ce cas, la collectivité titulaire de la compétence Gemapi peut reverser tout ou partie de la taxe à une commune, à condition qu'il s'agisse de travaux Gemapi.
Dans le cadre d'un transfert de compétences, la taxe étant affectée, la collectivité qui a la compétence ne peut reverser tout ou partie de la taxe Gemapi aux communes, sauf en cas de délégation de maîtrise d'ouvrage ou de travaux d'intérêt communautaire.
Enfin, un EPCI et un département peuvent, par convention, créer un fonds de concours. Si celui-ci est abondé par la taxe Gemapi, il doit concerner des travaux de lutte contre les inondations.
Avis défavorable.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée. - Permettre à un EPCI de reverser une partie du produit de la taxe Gemapi à une commune pour lutter contre le ruissellement et l'érosion des sols nous semble périlleux : ne décorrélons pas la taxe de l'objet pour lequel elle a été créée.
En outre, le reversement du produit de la taxe que vous prévoyez ne fonctionne pas. D'une part, parce que seuls les EPCI compétents en matière de Gemapi peuvent percevoir la taxe, mais ni les syndicats mixtes ni les départements. D'autre part, un EPCI à fiscalité propre ne peut prélever que les montants de taxe Gemapi correspondant à ses charges propres.
D'où mon avis défavorable.
M. Hervé Gillé. - Entre budget annexe et budget général, une clarification s'impose : il me semble préférable de privilégier le budget annexe, plus transparent.
La DGFiP doit également clarifier les choses sur le pluvial : qu'est-ce qui relève d'une gestion classique et qu'est-ce qui relève d'une gestion stratégique, portant sur la prévention des inondations ?
Pour faire face à des aléas majeurs, la taxe Gemapi, même portée à son plafond, ne suffira pas. Il faudra donc envisager une nouvelle fiscalité de solidarité. La dernière brique, c'est le fonds Barnier, qui interviendrait sur les enjeux de solidarité les plus importants.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Mon amendement, d'appel, visait à obtenir des explications de la commission des finances sur la suppression de l'article 4.
Dans l'Yonne, on me le dit : les communes n'ont pas les moyens de réaliser les travaux de maîtrise du ruissellement des eaux pluviales et de l'érosion des sols. L'article 4 répondait à ce besoin, même si j'entends l'argument de la ministre sur l'objet de la taxe.
Mais il faudra traiter cette question, qui contribue à la prévention des inondations.
L'amendement n°3 est retiré.
M. Grégory Blanc. - Dans ce débat, il n'y a pas d'un côté les communes littorales et de l'autre celles de montagne. Il y a aussi en amont des territoires plus riches qu'en aval, et dans ces territoires plus riches, la taxe Gemapi n'est pas forcément levée - c'est le cas du Choletais. C'est une piste pour accompagner des communes, dans une logique de fonds de concours.
Soit tout est déjà prévu dans la loi et cette proposition de loi ne sert à rien, soit ce n'est pas le cas et il faut une loi de plus grande ampleur.
M. Laurent Somon, rapporteur pour avis. - Les auteurs de la proposition de loi n'ont pas souhaité obliger les collectivités à instaurer la taxe Gemapi au taux plafond, pour leur laisser de la liberté. Nous parlons d'une compétence obligatoire, financée par une taxe facultative.
Néanmoins, en effet, les inégalités territoriales posent un problème de financement et de péréquation. J'ai participé à l'élaboration de la péréquation horizontale entre départements : bon courage pour l'instaurer sur la Gemapi !
L'amendement n°2 n'est pas adopté. L'article 4 demeure supprimé.
Vote sur l'ensemble
M. Hervé Gillé . - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable aurait mérité d'être consultée pour avis, au titre de la gestion des milieux et de la prévention des inondations. Avec Pascal Martin, nous travaillons sur la gestion du risque. Jean-Yves Roux est également très investi sur ces sujets.
J'ai confiance : le rapport de la délégation des collectivités territoriales du Sénat sera transpartisan et nous aidera à avancer. Je vous donne rendez-vous pour en reparler.
Mme Anne Chain-Larché . - Ce n'est qu'un début, mais il faut un début à tout. Nous avions proposé à Rémy Pointereau d'élaborer un texte commun. Nous avons compris que la démarche n'était pas encore complètement aboutie, mais nous y souscrirons pleinement.
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°310 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l'adoption | 224 |
Contre | 82 |
La proposition de loi est adoptée.
(Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Annick Billon applaudit également.)
La séance est suspendue quelques instants.
Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues. La procédure accélérée a été engagée.
Discussion générale
M. Jean-François Husson, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il n'est pas si fréquent que le rapporteur général présente un texte qui rencontre un si large soutien. Cette proposition de loi a en effet été largement cosignée. J'en remercie chacun, tout comme le président de la commission des finances, qui en a demandé l'inscription à l'ordre du jour.
Le 27 mars 2024, notre mission d'information adoptait son rapport « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », qui mettait en lumière les difficultés croissantes des collectivités territoriales à s'assurer.
Sur les 700 élus locaux ayant répondu à notre consultation en ligne, 95 % ont subi une hausse de leurs primes d'assurance et 30 % une hausse de leurs franchises. Quelque 20 % d'entre eux ont vu leur contrat résilié unilatéralement, dont 41 % avaient reçu un préavis de moins de quatre mois et un quart des collectivités a été confronté à un appel d'offres infructueux.
La raison est bien identifiée : le marché de l'assurance des collectivités, après une guerre des prix fratricide, a été déserté et est désormais presque duopolistique, Groupama et Smacl Assurances se partageant le marché. Notre commission a saisi l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article L. 462-1 du code de commerce.
À cela s'est ajoutée la hausse de la sinistralité, avec tout d'abord des évènements climatiques extrêmes. Entre 1989 et 2019, les indemnisations se sont élevées à 74 milliards d'euros ; or selon certaines études, ce serait 143 milliards d'euros pour 2020-2050, soit le double.
Les collectivités sont aussi de plus en plus exposées aux émeutes. Les violences de 2023 ont engendré des dommages quatre fois plus importants que celles de 2005.
Nos constats ont été confirmés par le rapport d'Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, de septembre 2024.
Le Sénat a déjà permis des avancées, avec l'amendement que j'ai déposé dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique et qui vise à imposer un préavis d'au moins six mois avant toute résiliation unilatérale d'un contrat, ainsi qu'avec la proposition de loi Lavarde sur le régime d'indemnisation CatNat.
Le Gouvernement a, lui aussi, fait un premier pas, avec le Roquelaure de l'assurabilité des territoires et l'annonce d'un plan d'action. Mais les collectivités territoriales sont restées sur leur faim, car les mesures annoncées nécessitent soit une traduction réglementaire, soit la réunion d'un groupe de travail...
Cette proposition de loi traduit donc les recommandations de nature législative de notre mission d'information.
L'article 1er précise les compétences de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), afin qu'elle suive spécifiquement les collectivités.
L'article 2 prévoit que le comité consultatif des services financiers (CCSF) assure un suivi des tarifs des services d'assurance offerts aux personnes publiques, pour anticiper toute nouvelle guerre des prix.
L'article 3 élargit le recours au médiateur de l'assurance aux collectivités qui ne parviennent pas à s'assurer.
L'article 4 systématise les franchises dans les contrats d'assurance des collectivités, pour recentrer le contrat sur les risques principaux, tout en incitant les collectivités à réaliser des actions de prévention.
L'article 5 étend le champ de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des évènements climatiques ou géologiques (DSECG) à la couverture de leurs biens endommagés à la suite d'émeutes ou de mouvements populaires violents. L'idée est d'éviter de devoir recourir à un projet de loi d'urgence, comme en juillet 2023.
Enfin, l'article 6 instaure un régime d'assurance des émeutes et mouvements populaires, à l'image du régime CatNat. Il s'agirait d'une garantie obligatoire, présente dans tous les contrats d'assurance « dommages aux biens ». Un fonds, abondé par une surprime, interviendrait pour les dommages dépassant un certain seuil. J'entends que le Gouvernement travaille sur un régime d'assurance dédié aux émeutes, mais nous devons travailler ensemble.
Le Sénat rend une première copie. Charge au Gouvernement de s'en saisir pour apporter au plus vite des solutions concrètes aux collectivités.
Je termine en saluant le travail de notre rapporteure - avoir été maire est assurément un plus. Je remercie les membres de la commission des finances de leur soutien unanime. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure de la commission des finances . - Cette proposition de loi de Jean-François Husson donne une traduction législative à certaines des recommandations de son rapport.
L'article 1er confie une mission de suivi spécifique de l'assurabilité des collectivités territoriales à l'ACPR, tandis que l'article 2 charge le CCSF du suivi des tarifs assurantiels dans le secteur public. Le médiateur de l'assurance a jugé ces missions réalisables.
L'article 3 permet tout d'abord aux collectivités territoriales d'avoir recours à la médiation de l'assurance dans les litiges qui les opposent à leur assureur. Elles y avaient été autorisées à l'été 2024, mais le ministre avait limité cette possibilité aux seuls sinistres. Notre rédaction, qui inscrit ce dispositif dans le marbre de la loi, est plus solide et plus large, grâce à sa référence aux litiges - et non plus aux sinistres.
L'article 3 permet aussi aux collectivités de saisir le médiateur de l'assurance pour être accompagnées dans leur recherche d'un assureur. L'annonce par le Gouvernement de la création de Collectiv'Assur, une cellule d'accompagnement ad hoc, nous a amenés à élargir la rédaction de l'article 3. La commission vous proposera un amendement précisant que les EPCI à fiscalité propre ont également accès à la médiation de l'assurance et à Collectiv'Assur.
L'article 4 systématise les franchises pour encourager la prévention des petits risques. La commission vous proposera d'allonger le délai permettant aux assureurs de modifier les contrats de six à douze mois.
L'article 5, qui élargit le champ de la DSCEG au risque émeutes et mouvements populaires, favorisera l'indemnisation rapide des collectivités. La commission y souscrit sans réserve.
L'article 6 instaure un régime d'indemnisation du risque émeutes, inspiré du régime CatNat. La commission a précisé la définition de l'émeute, en reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette définition couvre bien les émeutes de 2023, mais pas les violences aveugles que nous avons connues récemment dans des contextes sportifs. La définition du mouvement populaire - rassemblement de personnes usant de la violence dans le but de troubler l'ordre public - est plus large. En revanche, nous excluons de la garantie : les actes de guerre étrangère ou civile, les actes de terrorisme, les attentats, les actions de commandos et les pillages opportunistes.
Afin de rendre effectif le caractère obligatoire de cette garantie, la commission a renforcé les prérogatives du Bureau central de tarification (BCT).
Les risques émeutes et mouvements populaires seraient couverts par une surprime, à l'instar du régime CatNat. Toutefois, le risque étant partagé entre l'assurance privée et la réassurance publique, la commission a considéré qu'il fallait partager aussi cette surprime.
Afin de respecter l'article 40 de la Constitution, les auteurs n'ont pas pu faire intervenir la Caisse centrale de réassurance, pourtant indispensable. Pour contourner cet obstacle, l'article 6 crée donc un fonds. D'autres modèles sont possibles, comme celui du régime CatNat. La commission est ouverte à la discussion. Reste à obtenir du Gouvernement qu'il intervienne dans la suite de la navette pour surmonter l'obstacle de l'article 40.
L'intervention du fonds avait initialement été limitée à 1 milliard d'euros, un plafond que la commission a rehaussé à 1,5 milliard d'euros.
Je vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, SER et du RDSE)
La séance est suspendue à 20 h 10.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 21 h 40.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - L'assurabilité des collectivités territoriales est aussi un objectif prioritaire pour le Premier ministre. C'est d'ailleurs l'un des premiers sujets que nous avons abordés lors de notre prise de fonctions. Le chef du Gouvernement a réitéré cet engagement devant les élus et les assureurs.
Nous avons ainsi annoncé une série de mesures lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires : les collectivités qui le souhaitent doivent pouvoir souscrire une assurance.
Le Sénat s'est aussi saisi du sujet, avec sagesse : je pense à votre excellent rapport, monsieur Husson, mais aussi au rapport Chrétien-Dagès.
Le plan d'action présenté au Roquelaure a été élaboré avec les associations d'élus et les assureurs, qui se sont engagés à prendre leur part de l'effort nécessaire au bon rétablissement du marché. Je n'ignore pas, monsieur le rapporteur général, votre rôle dans la préparation de cet événement.
Moins de deux mois plus tard, les engagements du Roquelaure sont tenus. La cellule Collectiv'Assur sera opérationnelle à la fin du mois. Un nouveau guide des bonnes pratiques, préparé en concertation avec les collectivités, les intermédiaires d'assurance et les assureurs, sera publié à la fin du mois également. J'ai demandé aux assureurs de le diffuser lors du congrès de l'AMF. La réforme du régime CatNat, particulièrement protectrice pour les communes de moins de 2 000 habitants, entrera en vigueur prochainement.
Mes services travaillent avec les assureurs et les réassureurs pour proposer une solution d'assurance en cas de dommages consécutifs aux émeutes dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. C'est un sujet majeur : nous devons explorer toutes les possibilités avant de présenter des solutions au Parlement. C'est ce que fait le groupe de travail dédié, via des échanges très riches. Nous étudions la possibilité d'étendre le dispositif dans les territoires ultramarins.
Le Gouvernement sera prêt à étudier toutes les modalités d'intervention, législatives ou réglementaires. Je comprends la frustration du législateur, qui n'a pas la main sur ces dernières mesures. Je note toutefois une large convergence de vues entre l'esprit de votre texte et les mesures gouvernementales prises jusqu'à présent.
Je vous remercie de nouveau, monsieur le rapporteur général et madame la rapporteure. Nous gagnerons à unir nos efforts : c'est dans cet esprit que nous voulons travailler dans les prochains mois, il y a encore quelques étapes à franchir, comme vous l'avez souligné, madame Ciuntu.
Sur l'article 1er, nous sommes en phase avec l'objectif d'un plus grand suivi du marché. Nous sommes toutefois réservés sur le fait de confier à l'ACPR cette mission, qui n'entre pas dans le cadre de ses attributions. En outre, l'institution n'a pas les moyens de l'assumer, et vous savez l'attention que nous portons à la stabilité de la dépense publique... Pourquoi ne pas la confier plutôt à France Assureurs ?
Nous partageons l'esprit de l'article 3. La cellule Collectiv'Assur sera opérationnelle dans les prochains jours, comme je l'ai indiqué. Confiants en la responsabilité des assureurs, nous préférons ne pas contraindre dès à présent son fonctionnement.
Concernant l'article 4, les franchises présentent de nombreuses vertus : elles responsabilisent l'assuré et, in fine, diminuent le coût de l'assurance. Le Gouvernement y est donc tout à fait favorable.
L'article 5 étend le champ de la DSECG aux dommages causés par les émeutes. Compte tenu des contraintes budgétaires, cela ne pourrait se faire qu'au détriment de l'indemnisation des événements climatiques ou géologiques extrêmes. Nous préférons un mécanisme d'assurance privée. Des travaux sont en cours sur ce point.
Nous partageons votre vision sur l'article 6. Pour que le dispositif fonctionne, si des assureurs sont forcés d'assurer le risque, il sera nécessaire d'accorder en contrepartie une nouvelle garantie de l'État à la Caisse centrale de réassurance (CCR). Sinon, nous entraverions la restauration du marché de l'assurance, avec le risque de ruiner les efforts menés jusqu'à présent. Le Gouvernement prévoit de présenter dans le prochain PLF une garantie d'État.
Je prends personnellement l'engagement de conclure ces travaux d'ici le PLF, en vous associant à toutes les discussions nécessaires. Certes, c'est une promesse, mais je la fais à la tribune de votre assemblée. Vous serez, comme moi, attentif à son respect.
M. Laurent Burgoa. - On y veillera.
M. Éric Lombard, ministre. - Les débats de ce soir seront très utiles à nos travaux, dans le cadre du Roquelaure.
Fixons-nous également un objectif de calendrier : nous voulons présenter un dispositif complet avant la loi de finances. Nous mettrons en oeuvre tous les moyens nécessaires pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; Mme Isabelle Briquet applaudit également.)
M. Emmanuel Capus . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Jean-François Husson applaudit également.) Cette proposition de loi est le fruit de plusieurs mois de travail. Cette réflexion était devenue nécessaire, car les élus nous faisaient part de leurs difficultés à s'assurer.
Depuis une dizaine d'années, nos collectivités font face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain en raison de la multiplication des aléas climatiques, sans oublier le mouvement des gilets jaunes et les émeutes de 2023.
De nombreux élus peinent à assurer leur collectivité. D'où la création de la mission d'information au sein de notre commission. Jean-François Husson a remis ses conclusions en seulement deux mois. Le texte d'aujourd'hui s'en inspire. Depuis, Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès ont remis leur rapport.
Enfin, point d'assurabilité des collectivités sans participation de l'assureur. Or le marché est peu attractif : les règles de la commande publique sont très contraignantes. En outre, les sinistres accroissent les coûts et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance dommages aux biens.
Les assureurs se sont en partie retirés du marché. Mais face à la détermination du Gouvernement et du Sénat, mieux valait coopérer. Ce fut le cas au Roquelaure de l'assurabilité des territoires. Aucune collectivité ne saurait se retrouver en situation involontaire de défaut d'assurance.
Le texte renforce l'implication de nombreuses structures publiques ou parapubliques dans les relations entre collectivités et assureurs. Il étend le bénéfice de la DSECG aux collectivités victimes d'émeutes et de mouvements populaires et la couverture des contrats d'assurance dommages aux biens aux dommages résultant de ces événements. Tous les contrats seront concernés, y compris les contrats concernant des véhicules terrestres.
La création de ce nouveau risque « émeutes et mouvements populaires » était nécessaire, mais nous devons y réfléchir. Il faudrait traiter les causes de ces phénomènes. Nous rendons ce risque assurable, tant mieux ! Mais la mutualisation veut dire que nous paierons collectivement. Mon groupe appelle une prise de conscience rapide. Les dégradations qui ont suivi la victoire du PSG doivent nous alerter. Il est intolérable de laisser une infime part de la population dégrader les biens publics ou privés.
Les sénateurs du groupe Les Indépendants voteront ce texte, qu'ils ont d'ailleurs largement cosigné. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. Christian Klinger . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Face à la multiplication des épisodes climatiques extrêmes et après les émeutes de 2023, les collectivités rencontrent des difficultés à s'assurer.
La mission d'information a mené une vingtaine d'auditions, effectué trois déplacements, et recueilli plus de 700 contributions en ligne. Il en ressort que 60 % des collectivités territoriales rencontrent des difficultés à s'assurer - taux qui monte à 90 % pour les communes de plus de 10 000 habitants -, tandis que les primes de 94 % des collectivités ont augmenté de 40 % ces quatre dernières années, et 27 % des collectivités territoriales ont subi une hausse de leurs franchises.
Pendant ce temps, la France, toujours à la pointe du progrès social, s'est distinguée avec brio en hébergeant trois des dix mouvements sociaux les plus ruineux pour les assurances depuis 2018...
Les causes du phénomène sont multiples : hausse des sinistres climatiques, judiciarisation croissante, durcissement des critères de souscription. Résultat : des contrats coûteux et des exclusions problématiques.
Ce texte, soutenu par près de 200 sénateurs, répond donc à une urgence républicaine. Le déséquilibre structurel de la tarification est un problème majeur.
Pour y remédier, le rôle de l'ACPR est renforcé, et un observatoire national des tarifs est créé. L'objectif est clair : permettre à chaque collectivité d'accéder à une offre d'assurances équitable en mettant fin aux pratiques tarifaires opaques.
Autre source de tensions : le montant des franchises. La libre négociation qui prévalait jusqu'à présent a conduit à des situations inégales. Nous souhaitons systématiser l'inscription d'une franchise négociable dans les contrats d'assurance pour les dommages aux biens, tout en centrant la couverture sur les sinistres les plus significatifs.
Le texte innove enfin en créant un fonds national de solidarité pour l'assurabilité des collectivités qui ne trouvent aucune solution d'assurance sur le marché, notamment après des émeutes. Ce mécanisme est essentiel pour faire en sorte que les collectivités, notamment les plus petites, ne soient pas pénalisées.
Ce texte est une réponse pragmatique et ambitieuse à une crise silencieuse qui fragilise nos collectivités. En l'adoptant, nous ferions le choix de la justice, de la transparence et de la solidarité territoriale, pour que chaque collectivité puisse continuer d'assurer les services publics.
Je vous l'assure, cette proposition de loi rassure ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du RDSE, du groupe INDEP et du RDPI)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Si nous devions retenir un texte illustrant parfaitement la mission de protection du Sénat envers les collectivités territoriales et les élus locaux, je choisirais cette proposition de loi, en raison de sa nature transpartisane, et parce qu'elle reprend les recommandations de la mission d'information sénatoriale sur le sujet.
Depuis quelques années, les collectivités territoriales font face à une multiplication des risques pesant sur les bâtiments publics. Les dégâts provoqués par les phénomènes météorologiques s'intensifient. Les dommages pourraient représenter 134 milliards d'euros entre 2020 et 2050, soit le double des trois dernières décennies. D'autre part, la recrudescence de mouvements sociaux violents engendre de nombreuses dégradations.
Selon l'Association des petites villes de France, plus de 1 500 communes peinent à s'assurer, comme la communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée ou la commune ardéchoise de Guilherand-Granges, restée sans assurance pendant cinq mois début 2024.
Pire : les collectivités subissent parfois des résiliations unilatérales, comme à Nyons, dans le sud de la Drôme, en 2023. La commune a alors choisi, après avoir écarté une offre de prime de 90 000 euros assortie de franchises importantes, une offre à 50 000 euros accompagnée de franchises à 5 000 euros, dont les tarifs se sont finalement révélés beaucoup plus élevés. In fine, la prime a été multipliée par trois. L'explosion des tarifs est due au duopole qui régit le marché, composé de Groupama et de Smalc Assurances.
Je n'oublie pas non plus l'arnaque dont la ville de Die a été victime. Selon France Bleu, devenue Ici, pendant un mois et demi, les automobiles de la commune circulaient sans assurance valide ! La mairie avait signé fin 2024 un contrat par l'intermédiaire d'un courtier qui n'avait pas les agréments nécessaires.
J'ai cosigné ce texte utile et adapté, qui renforce la concurrence et rééquilibre les relations contractuelles. Les collectivités pourront recourir à la médiation de l'assurance et seront davantage protégées.
L'article 4 rendra la franchise obligatoire.
Je souligne l'intérêt de l'article 6, qui instaure une garantie obligatoire contre les émeutes et mouvements populaires. Nous devons trouver la rédaction juridique la plus claire possible, afin d'éviter les contentieux. Je défendrai donc un amendement de clarification des notions d'émeutes et de mouvements populaires.
Ce texte est particulièrement attendu par les élus locaux. Il est utile et protecteur. Je me réjouis que les syndicats mixtes puissent entrer dans son champ d'application.
Le RDPI votera bien évidemment cette proposition de loi, en espérant son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, s'il le faut sur une semaine réservée au Gouvernement.
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Bernard Buis. - Il y a urgence. Les risques ont vocation à s'accentuer rapidement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains et INDEP)
M. Michel Masset . - (M. Pierre Jean Rochette applaudit.) Depuis trop longtemps, s'assurer est devenu un casse-tête, voire un cauchemar pour nos collectivités territoriales. Les maires nous le disent, avec colère et inquiétude.
Le marché de l'assurance devient difficile, les franchises s'alourdissent, les procédures se complexifient et les assureurs se dérobent. Près de 1 500 communes peinent à trouver un assureur ou paient le prix fort. Les résiliations brutales se multiplient, menaçant la prévoyance collective, socle du système assurantiel.
Les risques climatiques accentuent la pression - je pense plus particulièrement au retrait-gonflement des argiles (RGA).
Un point de méthode : chaque compétence transférée de l'État vers les collectivités, ou étendue, devrait être assurable. Nos maires, en première ligne sur tout, se retrouvent seuls et démunis.
Comment en est-on arrivé là ? Que faire pour améliorer les choses ?
Le marché dérégulé est le fruit d'une myopie collective. Il est temps que les collectivités ne soient plus à la merci des assureurs. Aussi, je suis favorable au renforcement des prérogatives du régulateur public et à la création d'un dispositif de suivi de l'évolution des tarifs des contrats.
Cette proposition de loi offre une vision équilibrée. Elle fixe un préavis de six mois en cas de résiliation unilatérale et renforce le médiateur de l'assurance.
Tous les risques doivent être assurés, y compris les mouvements populaires et les émeutes. La définition proposée par la commission des finances va dans le bon sens, mais doit être précisée pour sécuriser juridiquement nos collectivités. Il faudrait ajouter les cyberattaques visant les collectivités - on en dénombre dix-huit chaque mois, dont les conséquences sont lourdes : interruptions de services, destructions ou vols de données, pertes financières, atteintes à la réputation. J'avais d'ailleurs défendu lors de l'examen du PLF un renforcement des moyens de la transition numérique des collectivités. La prévention doit être renforcée. C'est notre rôle de législateur que d'anticiper. Aussi le RDSE défendra-t-il des amendements en ce sens.
Les mesures défendues par ce texte doivent être appliquées en urgence. Le RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Bernard Delcros . - (MM. Jean-François Husson et Bernard Buis applaudissent.) Les nombreuses saisines de maires qui nous parviennent font état d'une aggravation préoccupante de l'assurabilité des collectivités territoriales.
Les conclusions de nos travaux sont édifiantes : marchés publics infructueux en plus grand nombre ; hausse des cotisations de 147 % en cinq ans pour les dommages aux biens ; augmentation des franchises à 500 000 ou 1 million d'euros, voire jusqu'à 2,5 millions d'euros pour la commune de Rive-de-Gier dans la Loire ; introduction d'avenants en cours de contrat sur les tarifs ; exclusion de risques ou résiliation unilatérale.
En conséquence, les collectivités doivent se tourner vers des assureurs suisses, américains ou japonais - comme Saverne ou Dinan - ou se retrouvent sans couverture.
Le marché de l'assurance des collectivités est en crise et il est de notre responsabilité d'apporter des solutions.
La commission des finances a mis en place une mission d'information et, saisie par le président du Sénat, la délégation aux collectivités territoriales s'est emparée du sujet.
S'y ajoutent des initiatives gouvernementales, comme le Roquelaure de l'assurabilité, concrétisé par la charte d'engagement pour l'assurabilité des collectivités et par la circulaire du 2 mai qui mobilise les préfets sur ces enjeux.
Cette proposition de loi redonne des leviers de négociation aux collectivités territoriales, rend le marché plus lisible et plus équitable, introduit un suivi des pratiques commerciales, permet de mieux accompagner les collectivités en difficulté et crée une médiation.
Le groupe UC votera ce texte, mais, si à la suite de ces initiatives, les difficultés d'assurabilité perdurent, il faudra aller plus loin pour que les collectivités ne soient pas sans solution. Je pense en particulier aux petites communes qui n'ont pas de service juridique.
Assurer une collectivité, c'est assurer sa mairie, son école, sa bibliothèque, sa crèche, son église, parfois même sa gendarmerie. C'est permettre au maire de remplir ses missions de service public sans crainte qu'un sinistre ne le plonge dans une impasse financière.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos engagements. Mais si l'ensemble de ces mesures n'apportaient pas de garanties concrètes, nous devrions envisager un droit à l'assurance pour toutes les collectivités, sur le modèle du droit au compte des particuliers. Toute collectivité doit pouvoir être assurée à un tarif compatible avec ses capacités financières. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDPI et du GEST)
M. Pierre Barros . - Nous sommes tous d'accord : il est urgent de garantir à chaque collectivité territoriale la possibilité de s'assurer. Mais il ne suffit pas de donner cet intitulé à une proposition de loi pour que cela devienne réalité.
Mme Silvana Silvani. - Exactement !
M. Pierre Barros. - Je regrette que ce texte écarte la seule solution crédible : un opérateur public d'assurance pour les collectivités territoriales. Elle est même contrecarrée par un texte qui cherche à raviver la concurrence, alors que le marché s'est retiré et que seules les assurances mutualistes tiennent encore, sans doute par sens du service public. Les grands groupes se sont tournés vers des secteurs plus rentables, comme l'assurance vie. Résultat : le marché est duopolistique, avec Groupama et la Smacl Assurances. Et que fait le texte ? Il se contente de dérisquer les petits sinistres grâce à des franchises qui reconstituent des marges de rentabilité pour les compagnies d'assurance.
L'intégration du risque émeutes s'effectue par la création d'une nouvelle base de prime, donc par l'élargissement de l'assiette des cotisations. Le texte cherche plus à doper les marges des assureurs qu'à garantir l'accès à l'assurance des collectivités - un comble !
Le constat est sans appel : les collectivités sont de plus en plus démunies face aux assureurs. Il ne faut donc pas un choc concurrentiel, mais un socle universel de couverture.
La ville populaire de 10 000 habitants dont j'ai été maire a connu les émeutes de 2023 et une catastrophe naturelle un an plus tard. Beaucoup d'équipements publics comme les parkings, les stades, les cimetières ne sont pas couverts pour les dommages aux biens, mais seulement pour la responsabilité civile. Or le décret exclut une large part de ces biens.
M. Jean-François Husson. - Comme pour le régime CatNat !
M. Pierre Barros. - Entre ce que les assureurs ne prennent pas en charge et ce que l'État exclut par décret, de nombreux équipements restent à la charge de la collectivité. Voilà le vrai sujet, que ce texte n'aborde pas !
Enfin, le texte consacre une part disproportionnée de son dispositif à ce qu'il appelle « mouvement populaire » - terme problématique. Même s'il reprend le code de l'assurance, il entraîne une confusion, alors qu'un mouvement populaire n'est pas obligatoirement accompagné de dégradations ! (On renchérit sur les travées du groupe CRCE-K.) Nous avons déposé un amendement qui corrige la formulation dans ce texte et dans le code des assurances.
Au-delà du vocabulaire, ce point interroge. Le risque émeutes, c'est une sinistralité cinq fois moindre que celle des catastrophes naturelles.
Or nous entrons dans un monde où les aléas climatiques massifs rendent une grande partie des territoires inassurables : le directeur d'Axa parlait ainsi d'un monde inassurable à plus 4 degrés. Porter l'attention sur les mouvements populaires, c'est rater volontairement la cible.
Nous apprécions néanmoins la création d'un fonds prudentiel potentiellement confié à la Caisse centrale de réassurance. Mais soyons lucides : il reposerait sur une surprime payée par les collectivités. (M. Pascal Savoldelli ironise.) Grâce à cette petite avancée, nous ne voterons pas contre ce texte, mais nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
M. Grégory Blanc . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Jean Rochette et Mme Solanges Nadille applaudissent également.) De plus en plus de bâtiments ne peuvent être assurés, laissant les élus seuls face aux risques. Le choix réside souvent entre s'assurer avec des primes lourdes ou ne plus s'assurer.
Les difficultés actuelles sont surtout dues à la concurrence non régulée. Résultat : deux acteurs, Groupama et la Smacl Assurances, dominent le marché et les primes augmentent. Et cela, au moment même où notre système est sous tension, en raison du changement climatique et de la récurrence des émeutes dans une société qui se polarise : nos mondes ne se croisent plus, et, quand il y a des émeutes, on casse chez le voisin.
Apparaît une société à deux vitesses : ceux qui peuvent s'assurer et ceux qui ne peuvent plus. Il faut donc réguler. Cette proposition de loi fait suite aux travaux collectifs conduits sous l'égide de Jean-François Husson et Marie-Carole Ciuntu.
Ce travail utile posera une rustine sur des problèmes structurants qui ne manqueront pas de s'amplifier. Il est d'avance insuffisant, ne répondant qu'à l'urgence sans traiter les causes profondes.
Par rapport à 1900, la température moyenne a augmenté en France de 1,7 degré ; ce sera plus 2 degrés en 2030, sans doute plus 2,7 en 2050...
M. Pascal Savoldelli. - Ce ne sont pas des mouvements populaires, cela !
M. Grégory Blanc. - Conséquence : le coût des sinistres climatiques doublera dès 2050, pour atteindre 143 milliards d'euros.
La moitié des forêts françaises seront exposées aux incendies et 13 millions de personnes seront exposées au ruissellement. Les submersions marines coûteront 2 milliards d'euros en 2050.
Face à cela, notre système assurantiel se fissure. Ce texte apporte des réponses attendues : suivi spécifique de l'assurabilité des collectivités, observatoire des tarifs assurantiels, médiation, extension de la dotation de solidarité aux violences urbaines, couverture obligatoire contre les émeutes.
Le recours à la médiation ou la couverture obligatoire sont des avancées qui restent à la surface du problème.
Mais en réglant les problèmes d'aujourd'hui, pas ceux de demain, ce texte ne transforme pas l'assurance en pilier de la résilience territoriale. Il faut penser un cadre public de dernier recours et garantir une couverture minimale pour tous.
L'instauration d'une franchise n'est pas une mesure de responsabilisation, mais un transfert de charge qui accroît les déséquilibres. Nous défendrons un amendement sur ce point.
Idem pour l'article 6 : la surprime s'appliquerait aussi aux particuliers et ferait peser sur eux un poids qui devrait relever de la solidarité nationale. C'est un impôt déguisé !
L'extension du régime CatNat entraînera une hausse des cotisations. Nous devons reprendre nos travaux pour voir plus loin, plus juste. Nous voterons toutefois ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
Mme Isabelle Briquet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Notre système assurantiel, en crise, est dans l'incapacité de proposer des assurances à toutes les collectivités.
Le sujet n'est pas nouveau : depuis plusieurs années, les alertes se multiplient. Des élus locaux de terrain à leurs associations, en passant par les parlementaires, tous disent la même chose : il est de plus en plus difficile pour les collectivités de s'assurer. Le phénomène s'aggrave.
Le groupe SER a pris sa part dans les travaux de la mission d'information. Nous avons auditionné, documenté, débattu. Cette proposition de loi du rapporteur général est une étape pour sortir de la crise. (M. Jean-François Husson apprécie.)
Aujourd'hui, certaines collectivités renoncent à assurer leurs biens. D'autres basculent dans une auto-assurance forcée, différant des recrutements, gelant des investissements, renonçant à entretenir leur patrimoine.
À l'origine du problème, une défaillance structurelle du marché lui-même, en raison de la concentration et de l'opacité du secteur, sans oublier sa recherche permanente de profit, à l'opposé des valeurs du service public.
Deux opérateurs couvrent 40 % du marché, grâce à une politique tarifaire agressive de l'un d'eux. Résultat : la mise en concurrence qui devrait permettre de faire baisser les tarifs ne joue plus.
Les conséquences sont claires : les collectivités ne peuvent plus s'assurer, la volatilité tarifaire est renforcée et les assureurs ont un pouvoir unilatéral sur les clauses : en clair, ce n'est plus l'acheteur public qui fixe les conditions, c'est l'assureur qui dicte sa loi.
Les causes sont multiples. D'abord, la hausse de la sinistralité climatique : le coût moyen des catastrophes naturelles a doublé entre 2010 et 2020 ; en 2022, la facture atteint 10,6 milliards d'euros.
Ensuite, les mouvements sociaux, dont le coût est difficile à modéliser : les émeutes ont représenté 200 millions d'euros de dégâts - 27 % du total des dégradations.
Enfin, le manque de compétences assurantielles dans de nombreuses collectivités. Nombre d'entre elles devraient être accompagnées.
Résultat : un quart des collectivités n'obtient plus aucune réponse à ses appels d'offres.
Cette défaillance du marché engendre de l'insécurité budgétaire et juridique.
L'impact budgétaire est considérable. L'assurance, dépense jadis stable et marginale, est devenue une ligne incertaine, inflationniste, parfois ingérable. Les primes ont été multipliées par deux ou trois. À Poitiers, elles atteignaient 500 000 euros, soit une augmentation de 330 %. Au Palais-sur-Vienne, ma commune de 6 000 habitants, les franchises ont augmenté de 100 %. Ce sont autant de recrutements gelés et de subventions aux associations supprimées : un effet d'éviction, une forme de contrainte du marché sur les acteurs publics.
Cela crée aussi de l'insécurité juridique : si elle n'est pas assurée, une collectivité se retrouve dans une zone grise. Elle doit assumer seule la couverture des risques et la responsabilité de son exécutif peut être engagée.
Certes, la proposition de loi ne règle pas tout, mais elle constitue une première réponse. Elle prépare les bases d'un cadre plus protecteur.
L'article 1er renforce le rôle de l'ACPR pour mieux identifier les dérives. L'article 2 assure un meilleur suivi des contrats et prévient les dysfonctionnements.
Les articles 3 et 4 rééquilibrent les relations entre assureurs et collectivités. La systématisation des franchises ne doit cependant pas être un obstacle à l'assurabilité des biens.
Avec l'article 5, la DSECG pourra être mobilisée pour les émeutes.
L'article 6 introduit un mécanisme de mutualisation inspiré du régime CatNat, pour éviter de faire peser un trop grand poids sur les communes les plus exposées aux dégradations. Nous défendrons deux amendements pour l'améliorer.
Le groupe socialiste a pris la mesure du problème depuis longtemps. Nous saluons donc cette proposition de loi, empreinte d'un esprit transpartisan auquel nous sommes attachés. Il est heureux que le Gouvernement se soit saisi du sujet.
Nous serons particulièrement attentifs à la mise en oeuvre du plan d'action annoncé. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. Mme Solanges Nadille applaudit également.)
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs années, les collectivités territoriales font face à une crise silencieuse, mais profonde, celle de leur assurabilité : de nombreuses communes n'arrivent plus à se couvrir ou à des conditions intenables.
La mission d'information conduite par Jean-François Husson a mis en évidence un marché déséquilibré dominé par deux opérateurs. À cela s'ajoutent une sinistralité croissante, en raison du changement climatique et surtout des violences, après les émeutes de 2023, qui ont causé des dommages d'une ampleur inédite.
Cette proposition de loi poursuit trois objectifs : améliorer la transparence, rééquilibrer les relations contractuelles et sécuriser la couverture des risques majeurs.
Le texte renforce la transparence, avec des outils permettant de suivre les évolutions tarifaires et les pratiques commerciales.
Il rééquilibre les relations en élargissant les possibilités de médiation.
La systématisation des franchises introduit une logique de responsabilisation et de prévention.
L'innovation principale réside dans la création d'un régime d'indemnisation du risque émeutes, qui ne sera toutefois pleinement opérationnel que si le Gouvernement agit. Pour que la CCR puisse jouer son rôle, une garantie de l'État est nécessaire via le PLF 2026. Mais vous nous avez rassurés, monsieur le ministre.
Nous voterons donc ce texte avec conviction, car il incarne le rôle utile du Sénat et trace une voie pour rendre aux collectivités la possibilité d'assumer leurs responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Garantir une solution d'assurance à nos communes, tel est l'objet de cette proposition de loi.
Cette innovation est très attendue par les élus locaux.
Dans mon département des Alpes-Maritimes, nombre de collectivités peinent à s'assurer, à l'instar de Breil-sur-Roya, dévastée par des phénomènes climatiques extrêmes : sa cotisation a été multipliée par huit et 80 % des sinistres ne sont plus pris en charge - à tel point que le maire a été jusqu'à prendre un arrêté symbolique interdisant les catastrophes naturelles sur le territoire de sa commune !
Je salue le très bon rapport de l'AMF. Je me réjouis que le Sénat prenne ses responsabilités. Forte de ses travaux, notre chambre propose des solutions concrètes - cette proposition de loi en est l'illustration. Elle contient des mesures de bon sens. C'est une première étape pour simplifier les procédures et améliorer la couverture des biens et des personnes.
Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nos collectivités rencontrent des difficultés croissantes dans leurs relations avec les compagnies d'assurance. Cette situation est inacceptable et suscite des inquiétudes légitimes : sans assurance, une commune est paralysée.
Assurer une collectivité, ce n'est pas seulement signer un contrat, c'est garantir qu'un maire puisse décider et agir.
Ce texte renforce le principe essentiel de libre administration des collectivités territoriales en assurant une plus grande stabilité financière. C'est un texte sérieux, nécessaire, qui répond à une réalité que nous connaissons tous dans nos départements et en Mayenne en particulier - je salue donc ses auteurs.
Le désengagement des assureurs n'est pas nouveau, mais il s'est aggravé ces dernières années. L'enquête de 2024 est édifiante : 60 % des collectivités déclarent au moins un problème majeur avec leur assurance. Ce taux monte à 90 % pour celles qui comptent plus de 10 000 habitants.
Les assureurs évoquent les crises et les émeutes. En réalité, le marché est atrophié, verrouillé, dysfonctionnel. Dans les années 1990, le secteur a été déséquilibré par l'arrivée d'assureurs européens, qui sont venus casser les tarifs, puis se sont retirés. Nos communes sont pieds et poings liés face à deux compagnies qui tiennent l'essentiel du marché. Ce n'est pas aux collectivités d'assumer les conséquences d'un marché défaillant.
Face à cela, le texte apporte des réponses pragmatiques et bienvenues. Il apporte de la prévisibilité. Ce texte ne contraint pas, il protège. Garantir l'accès à l'assurance, c'est garantir la capacité d'action de nos communes.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Michel Masset applaudit également.)
Discussion des articles
L'article 1er est adopté.
L'article 2 est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°16 de Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Nous étendons le dispositif de médiation aux EPCI à fiscalité propre.
M. Éric Lombard, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°16 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°9 de M. Barros et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Les franchises visent à décourager les déclarations de faible montant, dont le traitement engendre des coûts de gestion - jusqu'ici, tout va bien. Ce mécanisme optimise la rentabilité économique des contrats.
Mais cette rationalité économique soulève de sérieuses interrogations dès lors qu'elle est appliquée de manière uniforme. Monsieur le ministre, vous avez dit que la franchise responsabilisait l'assuré ; mais les collectivités ne sont pas des assurés comme les autres ! Elles sont investies d'une mission d'intérêt général et soumises à des contraintes budgétaires. Les dépenses occasionnées par ces franchises viennent nécessairement en concurrence avec d'autres priorités essentielles : l'entretien du patrimoine, les services publics de proximité, les politiques sociale ou environnementale.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Avis défavorable : si la franchise est bien calibrée, elle peut responsabiliser les collectivités et améliorer l'indemnisation. Cela n'a pas été contesté lors des auditions.
M. Éric Lombard, ministre. - Même avis. La franchise est un bon outil dans l'assurance, car elle responsabilise l'assuré, qui, ce faisant, ne déclare pas tous les petits sinistres. La prime peut ainsi baisser.
M. Pascal Savoldelli. - Soyons clairs : il s'agit d'une franchise obligatoire. Le but de ce texte est donc d'affirmer que les collectivités ont une gestion irresponsable ? (M. Daniel Salmon le confirme.) Eh bien, votons !
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 de M. Grégory Blanc et du GEST.
M. Grégory Blanc. - Cet amendement vise à plafonner le montant des franchises, de façon à maintenir une équité entre les territoires et à assurer la soutenabilité financière pour les collectivités. Les plus petites d'entre elles risquent de sortir de l'assurance tant que le marché reste atrophié.
La franchise est consubstantielle au marché de l'assurance, dites-vous ? D'accord ! Mais alors, il faut mieux réguler : cet amendement prévoit que le Gouvernement prendra des mesures réglementaires pour fixer ce plafond.
Les phénomènes de yoyo sont trop faciles : de faibles franchises pour attirer le client pendant deux ou trois ans, avant de les augmenter ensuite. Les assureurs sont des entreprises lucratives, c'est normal ; mais il faut réguler.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Avis défavorable. Nous ne souhaitons pas de rigidification supplémentaire, et ne voulons donc pas plafonner le niveau des franchises. Laissons des marges de manoeuvre au Gouvernement.
M. Jean-François Husson. - Quelle élégance !
M. Éric Lombard, ministre. - Les catastrophes naturelles frappant les petites collectivités locales feront prochainement l'objet d'un décret et d'un arrêté fixant un plafond.
Nous ne sommes toutefois pas favorables à sa généralisation. Ce secteur, à la suite de tarifs sans doute trop bas, fait l'objet d'un duopole. Il faut donc faire revenir la concurrence. Le plafonnement de la franchise limite l'arrivée d'offres intéressantes.
Les collectivités sont protégées par le code des marchés publics : elles peuvent refuser une franchise trop élevée soit dans le contrat, soit dans un avenant. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Grégory Blanc. - Nous avons un désaccord idéologique : pour nous, la main invisible du marché ne suffira pas à multiplier le nombre d'acteurs en vue d'obtenir des prix plus ajustés.
Sans intervention de la puissance publique, nous ne parviendrons pas à réguler le marché et nous aurons des territoires à plusieurs vitesses dans notre pays, ce qui n'est pas acceptable.
Mme Isabelle Briquet. - Les franchises sont source de difficultés potentielles. Cet amendement a le mérite d'apporter une solution aux risques de dérives. Nous le voterons.
M. Jean-François Husson. - Je ne partage pas ce point de vue.
Je ne suis pas adepte des franchises, mais à l'entrée, elles ont le mérite d'éviter les déclarations intempestives. Or un assureur étudie la fréquence, le montant et l'origine des sinistres. Et la fréquence coûte beaucoup plus cher qu'on ne l'imagine. À la différence de l'État, les assureurs ne peuvent reporter à demain leur équilibre financier...
Dans mon département, les communes ont subi des hausses de tarifs de 30 à 250 %. Plafonner les franchises bloquerait le marché. Avec une première franchise à 2 millions d'euros et un plafond à 5 millions, les collectivités n'ont plus le choix.
Je pense pour ma part que les assureurs reviendront sur le marché, qui va se rééquilibrer. Il faut être à leurs côtés.
M. Pascal Savoldelli. - C'est un moment de clarification. Toute l'argumentation de M. Husson repose sur le marché, rien que le marché - c'est respectable.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de plafond pour les petites collectivités. C'est bien de le savoir en amont. Mais pourquoi seulement les petites collectivités ? Ce peut être une très petite collectivité qui fait face à une catastrophe naturelle énorme, ou une collectivité qui a une bonne capacité financière - dans ce cas le plafond peut être progressif. Évitons de créer des discriminations territoriales.
M. Marc Laménie. - Je salue le travail de la mission d'information. Cet article 4 concerne les franchises, qui ont augmenté pour 27 % des collectivités territoriales. Quelle interprétation faire de la notion de petits risques ?
Je me rallie aux avis de la rapporteure et du ministre, même si je respecte chaque amendement. Ces sujets sont complexes. Quelle que soit la nature des risques, il est très compliqué pour les petits villages de s'assurer.
M. Éric Lombard, ministre. - Le sénateur Savoldelli m'a piqué au vif. Je suis moi-même ancien assureur. L'assurance, c'est d'abord la mutualisation. La base du métier est de veiller à ce que les primes couvrent d'abord les sinistres, puis, dans des proportions diverses, les frais de gestion et dégagent un revenu qui revient aux mutualistes ou aux actionnaires. Ce qui est pris d'un côté se retrouve de l'autre.
La franchise protège l'ensemble des assurés, même si on a voulu, par solidarité, fixer un plafond pour les petites collectivités.
Le marché est dominé par deux mutuelles : Groupama et la Smacl Assurances, qui a été reprise par la Maif. Il serait bon que des sociétés anonymes d'assurance y entrent pour que la concurrence bénéficie aux assurés.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°17 de Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Il s'agit de repousser de six à douze mois la publication du décret pour laisser aux assureurs le temps de vérifier l'intégralité des contrats.
M. Éric Lombard, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°17 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Après l'article 4
M. le président. - Amendement n°8 rectifié ter de M. Bilhac et alii.
M. Michel Masset. - Nombre de collectivités, notamment les plus petites, n'arrivent pas à s'assurer contre le risque statutaire - ce qui est pourtant nécessaire pour remplacer les agents absents. Intégrons l'assurance statutaire dans l'offre proposée aux collectivités.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié ter de M. Bilhac et alii.
M. Michel Masset. - Le problème assurantiel des collectivités concerne essentiellement les dommages aux biens.
Cet amendement supprime la possibilité d'allotissement et la remplace par une assurance unique englobant les trois risques : responsabilité civile, flotte automobile et dommages aux biens.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Ces amendements visent à empêcher les assureurs de sélectionner les risques. Ils peuvent dès lors être tentés de se retirer du marché. Gare aux effets pervers ! Avis défavorable.
M. Éric Lombard, ministre. - Avis défavorable. Lors de la concertation avec les assureurs, les courtiers et les collectivités territoriales, nous avons identifié l'allotissement comme une bonne pratique, car il permet à davantage d'assureurs de répondre aux appels d'offres des collectivités. Les assureurs de spécialité, sinon, seraient exclus. À l'inverse, un risque exceptionnel dans le marché peut entraîner l'absence des généralistes. C'est donc une façon de protéger la capacité d'assurance des collectivités.
L'amendement n°8 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7 rectifié ter.
Article 5
M. le président. - Amendement n°10 rectifié de MM. Barros et Savoldelli.
M. Pierre Barros. - Nous intégrons au périmètre de la DSECG des équipements exclus de l'indemnisation, tels que les cimetières, les parkings municipaux ou les stades.
Il y a une zone grise assurantielle, les collectivités étant à la fois exclues de la garantie dommages aux biens et non couvertes par la solidarité nationale.
Nous supprimons aussi le seuil d'éligibilité, fixé par décret à 1 % du budget de fonctionnement, qui introduit une inégalité entre collectivités.
Cet amendement ne crée aucune charge nouvelle au sens de l'article 40, mais réoriente la répartition des crédits existants.
Jadis, un terrain de football était en herbe ; désormais, un terrain en synthétique coûte 1 million d'euros. En cas de coulée de boue, par exemple, la remise en état est très coûteuse. Il faut intégrer ces équipements dans la DSECG en élargissant encore celle-ci.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Nous avons souhaité nous en tenir à l'élargissement au risque émeute. Avis défavorable.
M. Éric Lombard, ministre. - En élargissant le champ de la DSECG à d'autres risques que le risque émeutes, on modifie l'équilibre même de la couverture assurantielle. Les infrastructures que vous citez - stades, parkings - ont vocation à être couvertes par l'assurance privée.
La DSECG, outil de solidarité nationale, n'a pas vocation à se substituer au marché de l'assurance. Ne faisons pas peser sur l'assureur public les mauvais risques ! Avis défavorable.
L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Actuellement, le principe d'indemnisation repose sur la reconstruction à l'identique ou à neuf.
Il est temps de faire évoluer cette logique pour privilégier des reconstructions plus résilientes, adaptées au changement climatique.
Comment peut-on à la fois encourager la reconstruction à l'identique et promouvoir la transition écologique ? La première perpétue la vulnérabilité structurelle face à des risques désormais récurrents.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Retrait. On peut déjà financer des travaux d'amélioration à condition qu'ils ne soient pas plus coûteux que la reconstruction à l'identique. Le Gouvernement travaille à une réforme pour développer la reconstruction favorisant la résilience. Le ministre peut-il nous éclairer sur l'avancement des travaux ?
M. Éric Lombard, ministre. - Nous menons un travail de fond au niveau interministériel, avec les assureurs et les opérateurs, afin que les bâtiments endommagés soient reconstruits en prenant mieux en compte l'adaptation au changement climatique ; mais il faut laisser le temps à ces discussions très techniques de se dérouler. En effet, le coût de la reconstruction peut se révéler bien plus élevé que le coût qui a servi de base au tarif initial. Tel quel, l'amendement pèserait sur la DSCEG et restreindrait la capacité de l'État à aider les collectivités territoriales.
L'amendement n°15 rectifié est retiré.
L'article 5 est adopté.
Article 6
M. le président. - Amendement n°11 rectifié de M. Barros et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Aucun groupe politique ne votera contre cette proposition de loi, mais aucun amendement ne recueillera d'avis favorable. C'est un choix !
Nous proposons de substituer à la notion de « mouvements populaires » celle de « dégradations volontaires en réunion ». Les mouvements populaires sont au coeur de toute démocratie vivante, et ne sauraient être assimilés à des actes de violence ou des comportements délictueux. La dégradation des biens relève du code pénal.
Je me souviens d'un parti dénommé Union pour un mouvement populaire ; voudriez-vous l'associer aux dégradations urbaines ?
M. Jean-François Husson. - Il fallait oser !
M. Pascal Savoldelli. - Les mots ont du sens, monsieur Husson ! (Sourires) Comment pouvez-vous adosser la notion de mouvement populaire à celle de dégradation volontaire ? Cette discussion est très sérieuse, et laissera des traces.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Avec la multiplication des cyberattaques, le problème n'est pas « si » mais « quand » votre collectivité sera visée. Les conséquences financières sont souvent lourdes.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Monsieur Savoldelli, les mots ont du sens, mais le droit est exigeant. Nous reprenons les termes techniques du code des assurances. Cela n'a aucune incidence sur la perception des mouvements populaires. Évitons de faire référence à des notions de droit pénal, ce qui restreindrait le champ de l'indemnisation. Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié, par nécessité juridique.
Avis défavorable également à l'amendement n°14 rectifié. Les collectivités peuvent déjà s'assurer contre les cyberattaques.
M. Éric Lombard, ministre. - J'ai de la sympathie pour les propos de Pascal Savoldelli, mais nous faisons ici du droit de l'assurance. Depuis 1930, la jurisprudence consacre le terme de mouvements populaires ; le code des assurances aussi. Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié.
Même avis sur l'amendement n°14 rectifié. J'étais assureur quand les cyberattaques sont apparues. On ne savait pas tarifer le risque ni protéger les entreprises. Désormais, c'est un risque commun. Qu'il soit assuré est une protection pour l'ensemble des opérateurs, notamment les hôpitaux, qui ont tardé à se protéger.
L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14 rectifié.
M. le président. - Amendement n° 5 de M. Grégory Blanc et du GEST.
M. Grégory Blanc. - C'est un amendement de bon sens. Les dégradations liées aux émeutes doivent relever de la solidarité nationale, pas des contrats d'assurance habitation des particuliers ! Appelons un chat un chat : ce que vous proposez n'est ni plus ni moins qu'un impôt supplémentaire pour les personnes qui ont une résidence. Ce n'est pas aux habitants de payer, mais à la solidarité nationale, en ayant un vrai débat sur qui paie quoi.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Retrait. C'est le principe de la mutualisation maximale. On ne peut exclure les entreprises ou les particuliers, qui ont intérêt à bénéficier de cette assurance. D'autant que la surprime est vraiment très modérée.
M. Éric Lombard, ministre. - Même avis. Les collectivités territoriales sont les premières victimes des émeutes et doivent être les premières bénéficiaires de la garantie. Mais entreprises et particuliers peuvent aussi être victimes. Or plus la base de tarification est large, plus la hausse est modeste.
Les travaux techniques sont en cours. Attendons leur achèvement avant de prendre une position définitive.
M. Grégory Blanc. - Je maintiens mon amendement, encore plus après ces propos. Plus l'assiette est large, plus on a de rentrées, dites-vous ? Notre désaccord idéologique est total. Demain, nous débattrons de la taxe Zucman : on peut aussi s'attaquer à ceux qui possèdent davantage, cela s'appelle la solidarité nationale ! Il faut une imposition proportionnée aux revenus des uns et des autres. Supprimons ce prélèvement sur les assurances habitation.
Il serait impossible aux assureurs de distinguer ce que paient les particuliers et les entreprises ? Il faut raison garder...
M. Pascal Savoldelli. - Nous voterons cet amendement.
Pas de solidarité nationale pour les locataires - ils paieront donc. À la fin, les collectivités territoriales vont prendre cher ! M. le ministre a la sincérité de nous dire : ce n'est pas fini, il y aura aussi les entreprises.
Cette proposition de loi est un cheval de Troie, c'est la proposition de loi des assureurs privés pour fermer toute porte à des opérateurs publics ! C'est un texte très politique.
M. Jean-François Husson. - L'opérateur public existe : c'est la Smacl Assurances. Lorsque nous nous sommes rendus dans le Val-de-Marne, une directrice générale des services d'une ville importante affirmait que les assureurs cherchaient avant tout à servir leurs actionnaires. Nous avons expliqué que la Smacl, mutualiste, ne sert pas de dividendes.
M. Pascal Savoldelli. - Aucun rapport.
M. Jean-François Husson. - Vous demandez des opérateurs publics ? Les assureurs privés se détourneraient des mauvais risques, qu'ils abandonneraient aux assureurs publics. C'est l'antisélection.
La mutualisation des risques sur la totalité des assurés est bénéfique. C'est ce que le Sénat a fait en mutualisant le risque de la garantie assurance emprunteur, quel que soit l'état de santé : tout le monde paie la même cotisation.
M. Pascal Savoldelli. - Cela n'a rien à voir avec l'amendement.
M. Éric Lombard, ministre. - Le rapporteur général a tout dit !
L'assurance, même mutualiste, n'a rien à voir avec l'impôt, puisqu'elle est proportionnelle aux risques, pas aux revenus ni au patrimoine.
M. Grégory Blanc. - Et la sécurité sociale ? C'est une assurance !
M. Éric Lombard, ministre. - Il faudra une extension de la garantie de l'État pour que la réassurance publique des dommages liés aux émeutes fonctionne.
Les choses sont peut-être plus complexes, si vous me permettez à mon tour de vous taquiner.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 de M. Buis et du RDPI.
M. Bernard Buis. - En première ligne face à des événements violents et imprévus, les collectivités ont besoin de sécurité juridique. Les notions d'émeute et de mouvement populaire doivent être précisément définies, afin d'éviter contentieux et divergences d'interprétation. Nous proposons de reprendre les critères posés par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Nous ajoutons aussi la notion de dommages.
M. le président. - Amendement n°1 de Mme Briquet et du groupe SER.
Mme Isabelle Briquet. - Nous souhaitons préciser les notions d'émeute et de mouvement populaire - même si cette dernière nous chagrine. La notion d'intentionnalité mériterait d'être retenue.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Ces amendements sont satisfaits. N'alourdissons pas le texte. Retrait ?
M. Éric Lombard, ministre. - Ce sont des amendements de clarification. Mais des discussions techniques sont en cours : sagesse.
M. Bernard Buis. - Je suis assez sceptique sur vos arguments, madame la rapporteure. Il faut clarifier les choses.
L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1.
M. le président. - Amendement n°18 de Mme Ciuntu, au nom de la commission des finances.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Cet amendement exclut les attentats et renvoie au Gareat (gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme) plutôt qu'au code pénal.
M. Éric Lombard, ministre. - L'articulation avec le Gareat est bienvenue. Mais des discussions techniques sont en cours : sagesse.
L'amendement n°18 est adopté.
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Briquet et du groupe SER.
Mme Isabelle Briquet. - Il s'agit de reverser l'intégralité de la surprime au fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaires. Pourquoi améliorer encore la rentabilité des sociétés d'assurance ?
M. le président. - Amendement identique n°6 de M. Grégory Blanc et du GEST.
M. Grégory Blanc. - Face à une sinistralité croissante, cette proposition de loi est une rustine pour cinq ou six ans ; ensuite, il faudra remettre l'ouvrage sur le métier.
Allons-nous vers une société du vivre-ensemble ou une société polarisée ? Je penche plutôt pour la deuxième option. La sinistralité va donc augmenter et il faut nous assurer.
Comment ? Vous dites qu'il faut s'appuyer sur le système assurantiel et que chacun doit cotiser au pot commun. Mais il y a d'autres façons de couvrir les risques. Il faut changer de paradigme et nous rapprocher de notre système de protection sociale, qui tient compte de la capacité contributive, avec des mutuelles en complément. On y viendra, pour les risques environnementaux comme pour les risques d'émeutes.
M. le président. - Amendement identique n°12 de M. Barros et du groupe CRCE-K.
M. Pierre Barros. - Ce texte vise à refermer progressivement la voie d'une solution publique pour assurer les collectivités, au profit de la concurrence. Il s'agit de rendre le marché plus attractif pour les acteurs privés : stimulation législative de l'offre par la création d'une obligation de couverture du risque émeute ; augmentation des franchises ; part de la surprime offerte aux assureurs.
Il s'agit de refonder le marché, et non simplement de l'encadrer. Ce pari a sa cohérence, mais ce n'est pas le nôtre. Nous appelons des réponses solidaires : toute ressource issue d'une cotisation collective doit être intégralement affectée à un fonds mutualisé.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure. - Avis défavorable, car contraire à la position de la commission. Dès lors que le régime organise un partage du risque, il est logique de partager la surprime, à l'instar du régime CatNat ou d'autres régimes.
Sinon, les assureurs se rémunéreront en augmentant les primes des assurés les plus exposés aux risques, en dégradant la couverture, voire en abandonnant les zones les plus risquées. Nous voulons prévenir ces comportements d'antisélection.
M. Éric Lombard, ministre. - Je ne saurais mieux dire.
Les amendements identiques nos2, 6 et 12 ne sont pas adoptés.
L'article 6, modifié, est adopté.
Après l'article 6
M. le président. - Amendement n° 13 rectifié de M. Masset et alii.
M. Michel Masset. - Tout à l'heure, nous évoquions la reconstruction à l'identique. Cette fois, nous proposons que le bien ne soit plus systématiquement reconstruit au même endroit. Mais je connais par avance le sort réservé à cet amendement, c'est pourquoi je le retire.
L'amendement n°13 rectifié est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. Pascal Savoldelli . - Nous nous abstiendrons, non par soutien ou neutralité, mais pour envoyer un signal politique.
Cette proposition de loi affiche une promesse, mais elle vise en réalité à retarder la création, inéluctable, d'un opérateur public. C'est un tour de passe-passe : le texte prétend sécuriser les collectivités, mais avec des franchises plus lourdes et en réorganisant en catimini les conditions de la rentabilité des assureurs. On cherche ainsi à réanimer un marché sinistré, en dopant artificiellement les marges.
Soyons clairs : ni le Roquelaure ni cette proposition de loi ne traitent le problème à la bonne échelle. La garantie repose intégralement sur les victimes du retrait du marché : les collectivités, mais aussi les citoyens et les entreprises - nous venons de l'apprendre.
S'il n'y avait pas dans ce texte l'amorce d'un fonds prudentiel, nous aurions voté contre. Mais il peut devenir l'embryon d'une solution plus solidaire ; d'où notre abstention, vigilante et offensive.
Nous n'en resterons pas là !
M. Daniel Salmon . - Cette proposition de loi est un constat d'échec : nous n'avons pas su lutter contre le réchauffement climatique ni éviter que la violence s'installe dans la société. Voyez les dégâts ! Plutôt que de traiter les problèmes à la source, nous traitons les symptômes.
Cela dit, les collectivités locales pâtissent de ces difficultés ; nous voterons donc la proposition de loi. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là ! (M. Jean-Claude Anglars s'impatiente.)
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°311 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 303 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance demain, jeudi 12 juin 2025 à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 55.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 12 juin 2025
Séance publique
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures, à l'issue de l'espace réservé au groupe SER et au plus tard de 16 heures à 20 heures
Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : M. François Bonhomme, M. Bernard Buis
1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître la responsabilité de l'État et à indemniser les victimes du chlordécone (texte de la commission, n°687, 2024-2025)
2. Proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Mme Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues (n°421, 2024-2025)
3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches (n°380, 2024-2025)
4. Proposition de loi visant à mieux protéger les écosystèmes marins, présentée par Mme Mathilde Ollivier et plusieurs de ses collègues (n°492, 2024-2025)