Définition pénale du viol et des agressions sexuelles (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.
Discussion générale
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Le cheminement parlementaire qui s'achève sur cette proposition de loi importante honore l'Assemblée nationale et le Sénat. Je mesure la portée de l'acte législatif : il s'agit d'inscrire la notion de consentement dans la définition pénale du viol. C'est un texte de civilisation, d'humanité et d'espoir.
La justice française s'est construite par de tels moments où la loi s'élève pour faire cesser l'intolérable. Cette proposition de loi brise un tabou et nomme ce que des victimes ont vécu dans l'incompréhension et la solitude.
À la faveur de drames récents, la société française a ouvert les yeux sur l'ampleur et la banalité de certaines violences. Le courage de Gisèle Pelicot, la mobilisation des associations, la parole libérée invitent la représentation nationale à légiférer.
Ce texte est le fruit d'un travail parlementaire exemplaire, transpartisan et rigoureux. Je salue les deux rapporteurs, qui ont mené ce combat sans esprit partisan, ainsi que la commission des lois et la délégation sénatoriale aux droits des femmes.
Le viol est aujourd'hui défini par quatre critères : violence, contrainte, menace, surprise. La notion de consentement est absente de cette définition - certaines associations étaient d'ailleurs défavorables à son introduction. Cette proposition de loi fait du consentement la pierre angulaire de la liberté sexuelle. Il devra être libre, spécifique, préalable et révocable. Il ne pourra être déduit du silence ou de l'absence de résistance.
C'est un changement de paradigme décisif : jusqu'ici, la victime devait prouver qu'elle avait suffisamment résisté ; désormais, la volonté ou non d'obtenir l'accord éclairé de la personne aidera la justice.
Il faut rassurer les professionnels du droit, magistrats et enquêteurs : ce texte ne contractualise pas la sexualité ni ne remet en cause la présomption d'innocence. Il s'agira d'apprécier au cas par cas la réalité du consentement, en tenant compte du contexte - le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur l'amendement substituant la notion de « contexte » à celle de « circonstances particulières ».
Au-delà de la répression, je crois, comme la ministre Bergé, que cette proposition de loi a une vocation éducative pour la société. Il s'agit d'irriguer notre culture commune et nos moeurs de l'idée qu'aucun acte sexuel ne peut être imposé et que le consentement ne se présume pas, mais se recherche et se respecte. Il faut éduquer, en particulier les hommes. Nous devons nous interroger sur ce que nous voulons transmettre à nos enfants au sujet de la liberté, du désir, du respect de l'autre, de la beauté de l'amour et de la sexualité.
Pleinement en accord avec le cadre issu de la convention d'Istanbul, ce texte s'inscrit aussi dans la diplomatie féministe voulue par le Président de la République. Il prolonge notre engagement pour la protection des mineurs contre l'inceste, la prostitution des enfants et toutes les formes de violences sexuelles. Il permet à la France de défendre sur la scène internationale une définition exigeante du consentement.
Garde des sceaux, je sais la nécessaire prudence qu'impose toute modification du droit pénal. Il appartient désormais aux magistrats et aux enquêteurs de faire vivre ce texte et au Parlement de l'évaluer.
Je salue la détermination des parlementaires et la vigilance du Conseil d'État, ainsi que le travail des éducateurs, soignants et professionnels du droit qui, chaque jour, accompagnent les victimes, préviennent les violences et font vivre la justice.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous écrirez ce soir une page importante de notre histoire pénale. La liberté sexuelle est un droit fondamental ; le respect de l'autre, la condition de la civilisation ; et la présomption d'innocence, une garantie indispensable. Faisons triompher la liberté sur la violence, la justice sur le silence. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Le consentement est au coeur de notre combat contre les violences sexuelles. Il est à la fois une évidence et un concept souvent déformé ou caricaturé. De fait, il dérange, parce qu'il est lié à une réalité occultée : dans neuf cas sur dix, la victime connaît son agresseur - ce n'est pas un inconnu tapi dans l'ombre, mais un mari, ex-conjoint, parent, ami ou collègue.
Cette proximité nourrit des doutes insupportables : pourquoi n'a-t-elle pas crié, ne s'est-elle pas débattue, n'a-t-elle rien dit plus tôt ? Au-delà de la brutalité physique, la sidération, la honte et les abus d'autorité sont autant de chaînes qui paralysent, parfois pour longtemps.
L'absence de cri ou de résistance n'établit pas un consentement. Ne pas dire non, ce n'est pas dire oui.
Nous vivons un moment charnière dont le procès de Mazan est le symbole et Gisèle Pelicot, le visage. Droguée par son mari pendant dix ans, elle a été considérée comme une « poupée de chiffon » par ses agresseurs, cinquante et un hommes aux visages terriblement ordinaires. L'horreur a un visage familier. À leur procès, ces hommes se sont présentés masqués : avaient-ils honte d'eux-mêmes ou d'avoir été interpellés ?
Ce procès nous oblige : il doit y avoir un avant et un après. Nous devons aux victimes de nous hisser au niveau du courage de Gisèle Pelicot et de toutes les femmes qui, parfois, portent plainte et, parfois, renoncent par peur de l'épreuve d'une procédure judiciaire.
En 2021, nous avons clarifié les choses : avant 15 ans, il ne peut y avoir de consentement ; c'est toujours non - un interdit absolu.
Avec ce texte, nous affirmons que consentir, c'est dire oui, explicitement et librement, sans contrainte ni ambiguïté. Ne laissons pas caricaturer cette exigence en bureaucratisation du désir ou prétendu contrat avant chaque relation sexuelle. Il s'agit de protéger, de reconnaître, de rendre justice.
Le viol est un crime qui brise et anéantit. Ce texte, auquel le Président de la République s'était formellement engagé, marque une avancée majeure. Je remercie tous les parlementaires qui se sont engagés avec force, à commencer par les députées Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, ainsi que les rapporteures Elsa Schalck et Dominique Vérien, votre délégation aux droits des femmes, qui a organisé un colloque sur le consentement, et votre commission des lois, qui a publié un rapport sur la récidive du viol.
Éclairés par le Conseil d'État, ces travaux aboutissent à une rédaction qui encadre et sécurise : le consentement doit être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable. Libre, parce qu'une femme qui craint de perdre son emploi ou une jeune fille face à son entraîneur est dans une position qui la contraint. Éclairé, car comment consentir quand on est droguée, ivre ou sous l'emprise d'un mari violent ? Spécifique, parce que consentir à un acte n'est pas consentir à tous les actes et que nul n'a le droit de disposer du corps d'autrui. Préalable et révocable : dire oui ne vaut pas pour toujours. Le consentement devra être apprécié dans son contexte. En mettant la lumière sur les stratégies de coercition, nous voulons dénoncer ceux qui profitent de la vulnérabilité des autres.
Le combat contre toutes les formes de violence appelle une réponse globale et structurée. Nous avons lancé un groupe de travail réunissant l'ensemble des forces politiques représentées au Parlement afin de préparer une loi-cadre sur les violences sexuelles et intrafamiliales. Pour éradiquer ces fléaux, l'unité républicaine est souhaitable et possible. Nous devons opérer collectivement un changement culturel. La culture du viol doit être combattue sans cesse, quand un agresseur est excusé, qu'un non est interprété comme un peut-être ou qu'on insinue qu'« elle l'a bien cherché ». Nous devons éradiquer les mécanismes de domination, éduquer, refuser la complaisance et le déni.
Ce texte est un pas décisif vers une véritable culture du consentement. Il ne changera pas tout, mais marquera un tournant. Le corps des femmes leur appartient. L'important n'est pas ce que l'agresseur croit, mais ce que la victime veut. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Elsa Schalck, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Il n'est point d'acte sexuel licite s'il n'est consenti, or céder à la menace, à la violence ou la pression n'est pas consentir. Se taire ou se laisser faire, non plus - ni se résigner lorsqu'un refus, réitéré des dizaines de fois, n'est pas entendu. C'est trop souvent être dans un état de sidération qui ne permet pas de se défendre.
Avec cette proposition de loi des députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, dont je salue la présence dans nos tribunes, il s'agit d'introduire une référence explicite à la notion de consentement dans la définition des agressions sexuelles au sens large, viol compris. Les acquis de notre droit et de la jurisprudence sont conservés - les quatre pivots que sont la violence, la menace, la contrainte et la surprise. Ces orientations font consensus.
Ce texte a une portée interprétative. Il inscrit dans le code pénal les principes dégagés par la Cour de cassation, qui reconnaît la centralité du consentement depuis l'arrêt Dubas de 1857.
Enrichie par les députés à la lumière d'un avis particulièrement précis du Conseil d'État, la proposition de loi transmise au Sénat était extrêmement aboutie. La commission s'est bornée à deux modifications : unifier le périmètre matériel du viol quel que soit l'âge de la victime, pour que les mineurs ne soient pas dans une situation moins favorable que les majeurs ; préciser les conditions d'appréciation du consentement en substituant à la notion de « circonstances environnantes », issue de la Convention d'Istanbul mais inconnue en droit français, celle de « contexte », pour éviter des difficultés de mise en oeuvre et des effets de bord préjudiciables aux victimes.
Notre rédaction constitue un point d'équilibre. Le droit pénal ne doit être modifié que d'une main tremblante. Si nous commettons une erreur de droit, les victimes en feront les frais. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je souscris aux propos d'Elsa Schalck. On ne doit toucher à la loi pénale que d'une main tremblante, en en mesurant les effets. Les conséquences d'une censure prononcée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité sont dévastatrices pour les victimes.
La commission a donc émis un avis défavorable ou une demande de retrait sur les amendements de portée juridique incertaine, sans nier l'importance des sujets soulevés - soumission chimique et prostitution des mineurs de moins de 15 ans, notamment. Il n'est pas raisonnable de modifier la loi pénale sans avoir mené l'ensemble des travaux requis.
Mme Laurence Rossignol. - Ils sont menés depuis longtemps...
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Un travail législatif préparatoire nous permet de peser tous les arguments avec sérieux pour rester les gardiens de l'intérêt général. La présente proposition de loi est le fruit d'un rapport sur lequel Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin ont travaillé pendant plus d'un an et, malgré cela, son examen a conduit à des modifications substantielles pour en garantir la solidité. Je souhaite que le Gouvernement s'engage à laisser au Parlement le temps de mener un travail spécifique, en particulier sur la soumission chimique.
De même, nous avons émis un avis défavorable sur les amendements possiblement contraires à des principes constitutionnels, notamment visant à ériger en éléments constitutifs du viol des situations aujourd'hui constitutives de circonstances aggravantes. Ce cumul serait contraire au principe de légalité des délits et des peines. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Rossignol le contestent.) Enfin, nous avons réservé un sort identique aux amendements précisant, de bonne foi mais à l'excès, la définition du viol et des autres agressions sexuelles.
Mme Laurence Rossignol. - Bref, à tous les amendements de l'opposition...
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La loi pénale étant d'interprétation stricte, tout ajout est de nature à limiter les marges de manoeuvre du juge, donc à dégrader l'effectivité de la répression.
Nous avons émis un avis défavorable sur les amendements qui, ...
Mme Laurence Rossignol. - Dites « tous les amendements », on gagnera du temps !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - ... sans être dépourvus de lien indirect avec le texte, en dépassent largement le cadre. Je pense aux amendements remettant en cause l'équilibre de la loi du 21 avril 2021 sur les critères du viol entre majeurs et mineurs ou modifiant en profondeur le régime de la prostitution. Ces débats peuvent être rouverts, mais sur le fondement d'une évaluation du droit en vigueur.
Ce texte marque un moment charnière dans la lutte contre les violences sexuelles. Par son caractère interprétatif, il nous oblige à une forme de modestie : le législateur ne peut pas tout et les grands bouleversements ne passent pas forcément par des textes. Pour mieux réprimer les agressions sexuelles, il faut des moyens supplémentaires pour les enquêtes et des formations pour les policiers, les gendarmes et les magistrats. Surtout, il faut inciter les victimes à porter plainte sans tarder en les persuadant qu'elles seront entendues et protégées.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'incidence de la loi sur la réalité ne se mesure pas à la longueur ou à la complexité des textes. Alors que 230 000 femmes se déclarent victimes d'agressions sexuelles chaque année et que seules quelques milliers de condamnations sont prononcées, les marges de progrès sont immenses.
Mme la présidente. - Je vous demande de conclure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - C'est donc avec rigueur et la gravité que le sujet nous impose que nous avons conforté ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
La séance est suspendue à 20 h 05.
Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quelque 90 % des femmes violées ne déposent pas plainte ; 80 % des plaintes font l'objet d'un non-lieu ou d'un classement sans suite ; 1 % des violeurs sont condamnés. Ces chiffres doivent nous obséder, pour trouver la meilleure façon d'amener les femmes à déposer plainte, les parquets à poursuivre et les juridictions de jugement à condamner.
Ce texte le permettra-t-il ? Nous ne le savons pas. Nous l'espérons. Peut-être sera-t-il historique, peut-être sera-t-il inefficace.
Regardons attentivement les modifications législatives proposées. La notion de consentement est entrée dans le débat public avant le procès Pelicot, car elle a enthousiasmé des personnalités de premier plan. Or les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. Aujourd'hui, le viol est caractérisé s'il y a violence, contrainte, menace ou surprise ; la jurisprudence est désormais très solide, il ne faudrait pas que la modification législative l'affaiblisse - c'est notre objectif premier.
Le travail de fabrication de la loi a été remarquable : mission d'information, proposition de loi, avis du Conseil d'État. La construction est très intelligente : d'abord, consentement ; puis, jamais de consentement possible si violence, contrainte, menace ou surprise. Sous-entendu : vous ne pourrez pas plaider le consentement.
Faire exister la notion de consentement auprès des autorités policières et des autorités de poursuite est un pas important.
Je ne partage pas l'idée qu'inscrire dans la loi la notion de consentement concentre le propos sur la victime. C'est déjà le cas : dans tous les procès pour viol, on interroge le comportement de la victime.
L'important, pour le groupe socialiste, est que la jurisprudence ne soit pas affaiblie et que la notion de consentement soit articulée dans la loi, même si nous ne croyons pas à la valeur performative de la loi : un violeur ne lit pas le code pénal avant de commettre son infraction.
C'est une loi interprétative, donc applicable à des faits antérieurs. Ce qui ne nous empêche pas de prévoir des dispositions non interprétatives, applicables ultérieurement - Laurence Rossignol y reviendra.
Pour toutes ces raisons, il convient d'être favorable à ce texte, sans illusion extrême, avec un optimisme résolu. Tous les sujets ne seront pas traités. Simplement, nous espérons que les poursuites pour viol seront plus efficaces. D'où notre demande d'évaluation a posteriori de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Buis applaudissent également.)
Mme Corinne Bourcier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Il y a des crimes que l'on crie et d'autres que l'on tait, par peur, par honte, par sidération. Or notre droit pénal ne nomme pas ce qui est au coeur de cette violence : l'absence de consentement. Le chemin vers sa reconnaissance a été long. Ce n'est que dans les années 1990 que la jurisprudence pénale considère que le mariage ne justifie pas qu'un conjoint impose à l'autre des rapports sexuels non consentis, ce n'est qu'en 2010 que la loi a supprimé ce qui restait de cette présomption de consentement liée au mariage. Cela en dit long sur les résistances autour de l'idée que l'acte sexuel, même au sein du couple, doit être librement consenti.
Depuis 1980, la définition du viol repose sur la coercition : violence, contrainte, menace ou surprise. Mais cela ne correspond pas à la réalité des violences sexuelles.
Le viol est un crime sans aveu. Dans certains cas, l'auteur ne menace pas, ne frappe ni ne crie ; il abuse d'une confiance, profite d'un moment d'inconscience, exploite une vulnérabilité ; il s'appuie sur la sidération, bien connue des professionnels, qui paralyse la victime et efface parfois même la mémoire du traumatisme. Quand l'ADN est retrouvé, l'auteur dit simplement : « elle était d'accord ». Or la preuve de l'inverse est souvent impossible à établir. Le doute s'installe, et avec lui le non-lieu, le classement sans suite, le silence.
En 2023, 270 000 personnes ont été victimes de viol, tentative de viol ou agression sexuelle mais seulement 6 % ont porté plainte ; dans 94 % des cas, l'affaire est classée sans suite. Ce n'est pas une anomalie, mais un dysfonctionnement systémique.
Rétablissons une évidence : un acte sexuel n'est licite que s'il est consenti. Ce texte définit le consentement, qui doit être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il ne se présume pas, ne peut être déduit du seul silence. Il ne peut être donné par une personne inconsciente, vulnérable ou sidérée.
Ce n'est pas une révolution juridique, mais de clarté. Le Conseil d'État l'a rappelé : cette réforme n'instaure aucune présomption de culpabilité, ne modifie pas l'équilibre du droit pénal, mais renforce la lisibilité et la cohérence du système. Elle invite enquêteurs et magistrats à interroger l'existence du consentement plutôt que de rechercher les traces visibles de contraintes.
Ce texte a également une vertu pédagogique : il dit à chacun que l'on ne touche pas quelqu'un sans avoir obtenu son accord explicite. Il aligne notre droit sur celui de quinze pays européens qui ont déjà reconnu l'absence de consentement comme le coeur du viol.
Le groupe Les Indépendants le votera avec conviction, mais il faudra aller plus loin. La justice doit avoir les moyens de juger vite, bien et avec humanité. On le sait, le temps judiciaire devient souvent une nouvelle violence. Nous serons attentifs au respect de la loi de programmation de la justice. Nous avons la responsabilité d'accompagner les victimes. La République leur doit protection. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe SER)
Mme Catherine Belrhiti . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Quelle société voulons-nous ? Les moyens que nous nous donnons le montrent. Plus de 122 000 victimes de violences sexuelles en 2024, 7 % de plus qu'en 2023, 11 % de plus qu'en 2016. Combien de dégâts psychologiques ?
Cette loi pédagogique permettra la libération de la parole et augmentera la répression, alors que le taux de dépôt de plainte n'est que de 2 à 6 %, et le taux de condamnation de 10 % à 15 %.
Qu'est-ce que la notion de consentement ? Lors du procès des viols de Mazan, l'un des auteurs a déclaré : « son mari avait dit oui, je pensais qu'elle était d'accord ». Le consentement doit être au coeur de l'éducation à la sexualité, pour déconstruire l'idée selon laquelle « si on ne dit rien, c'est qu'on veut bien ».
Avant 2021, le viol était défini comme tout acte de pénétration sexuelle commis par violence, contrainte, menace ou surprise. Le non-consentement est déduit, mais non central. Depuis la loi du 21 avril 2021, qui qualifie de viol toute relation sexuelle entre un mineur de 15 ans et un majeur, dès lors que la différence d'âge est d'au moins cinq ans, il y a présomption d'absence de consentement - c'est un premier pas.
D'autres pays écrivent dans la loi que le viol est un acte sexuel commis sans le consentement libre. Ce n'est pas simplement une absence de refus, c'est un oui actif. Le silence ne vaut pas consentement. Consentir, ce n'est pas céder - c'est choisir, c'est avoir confiance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe SER)
M. Bernard Buis . - En 2022, sur 230 000 victimes, huit sur dix n'ont pas porté plainte ; lorsqu'elles le font, nombre d'affaires sont classées sans suite, fautes de preuves suffisantes.
Le temps est venu de redéfinir les notions de viol et d'agression sexuelle dans notre code pénal. D'où cette proposition de loi qui introduit la notion de consentement. Celui-ci doit être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il ne peut être déduit du seul silence ou absence de réaction, mais apprécié au regard du contexte.
Dans l'affaire des viols de Mazan, certains accusés ont argué du consentement supposé de Mme Pelicot.
Le temps est venu de modifier notre code pénal. Je voterai ce texte.
De nombreux juristes sont sceptiques, voire opposés. Aux critiques, je rétorque que la présomption d'innocence n'est pas remise en cause, car la charge de la preuve appartiendra toujours à l'accusation. Il n'y a pas de présomption de défaut du consentement, qui impliquerait une vérification formelle ou une contractualisation entre les personnes, mais la rédaction invite les magistrats à vérifier, au-delà de la matérialité des faits, la conscience d'avoir agi contre ou sans le consentement de l'autre.
Certains estiment qu'introduire la notion de consentement centrerait l'enquête et les débats sur le comportement de la plaignante. C'est déjà le cas, et les investigations provoquent des traumatismes secondaires. Ce texte invite les enquêteurs et les magistrats à s'intéresser davantage au comportement du mis en cause.
Le consentement figure déjà dans le code pénal ; l'ajouter sera source de sécurité juridique. Notre système juridique prévoit une interprétation stricte de la loi pénale. En ajoutant cette notion, nous permettons une meilleure appréhension des faits.
Je suis convaincu que la rédaction proposée permettra de prendre en compte, enfin, l'état de sidération. Selon le Dr Muriel Salmona, 70 % des victimes de viol ont connu un état de sidération.
Les générations futures vivront-elles dans une société où le consentement sera un principe consensuel, connu de tous ?
Loin de toute pression extérieure, je voterai ce texte, car j'ai été convaincu par les arguments juridiques. Cela dit, la loi ne changera pas tout. En écho à la pièce de Musset de 1834, On ne badine pas avec l'amour, je dirais, en 2025, ne badinons plus avec le consentement !
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) À mesure que la parole des victimes de violences sexuelles se libère, les attentes se font plus fortes. Ce courage, cette volonté nous obligent. Ainsi de l'inceste, longtemps absent du code pénal : il a fallu attendre la loi du 8 février 2010 pour que le terme y figure enfin et celle du 21 avril 2021 pour qu'il soit retenu comme une infraction autonome.
Cette proposition de loi ne crée pas de nouvelle infraction. Le droit pénal français définit le viol à partir de quatre éléments : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Il n'a jamais cité explicitement l'absence de consentement. Ici, nous énonçons une évidence : un acte sexuel ne peut être licite qu'à condition d'un consentement libre, éclairé, spécifique et révocable. Ce n'est pas une révolution, c'est une clarification nécessaire.
Le Conseil d'État l'a dit, la jurisprudence actuelle permet de réprimer la quasi-totalité des situations visées. Ce texte n'est cependant pas inutile. Il dit ce que la société attend : que le consentement n'est jamais présumé, jamais déduit du silence, jamais ignoré.
Le procès des viols de Mazan a tourné autour du consentement de Gisèle Pelicot : présumé si la victime ne dit pas explicitement non, si le mari a donné son accord... L'un des accusés a déclaré qu'il aurait aimé qu'on lui explique, plus jeune, ce qu'était le consentement.
Ce texte est une étape vers un droit pénal plus lisible, plus en phase avec notre société. Nos rapporteurs ont apporté quelques correctifs pour rassurer des magistrats ou avocats inquiets : on ne touche au droit pénal que d'une main tremblante !
Le RDSE votera unanimement cette proposition de loi, même si elle ne résoudra pas tout : ni les classements sans suite ni le défaut de dépôt de plainte. Les inquiétudes exprimées ne sauraient justifier l'immobilisme. À nous de l'accompagner par une formation plus poussée des magistrats, policiers, gendarmes, professionnels de santé et travailleurs sociaux, une meilleure écoute des victimes, un effort soutenu pour améliorer le traitement judiciaire - et une éducation au consentement dès le plus jeune âge.
Pourquoi ne pas avoir intégré cette réforme à un projet de loi global sur les violences sexuelles ? C'est votre ambition, madame la ministre.
Le Parlement a adopté plusieurs lois importantes : loi du 14 juin 2024 sur l'ordonnance de protection immédiate, loi du 19 mars 2024 visant à protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales, proposition de loi de Maryse Carrère renforçant la protection judiciaire de l'enfant.
J'ai déposé plusieurs amendements issus du rapport sur la soumission chimique que j'ai rendu avec Sandrine Josso le 12 mai dernier. Ces sujets sont interconnectés et appellent une réponse globale et des moyens à la hauteur. Plutôt que des mesures éparses, nous avons besoin d'une loi-cadre ambitieuse et d'une mobilisation collective pour mettre fin au déni et à l'impunité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
Mme Olivia Richard . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions) « Qui veut une petite tasse de thé ? » C'est en ces termes qu'une vidéo pédagogique explique le consentement aux jeunes - partagez-la autour de vous. Le sexe, c'est comme le thé. Il faut demander à l'autre s'il en a envie et tenir compte de la réponse, même si on a très soif. On peut refuser de boire une tasse de thé qu'on avait demandée, changer d'avis si le goût ne nous plaît pas, n'en boire qu'une et ne plus jamais en vouloir ; dans tous les cas, on ne peut vouloir boire du thé si l'on est inconscient.
Qui ne dit mot consent ? On retrouve l'expression « le silence dit oui » chez Platon : vingt-cinq siècles que l'on considère que l'absence de protestation équivaut à un consentement ! (Mme Dominique Vérien rit.) Qui ne dit mot ne consent pas, seul un oui veut dire oui.
Depuis #MeToo, j'entends beaucoup de personnes effrayées du changement de société qui se profile. « Je n'ose plus faire un compliment à une femme », « On va devoir passer un contrat avant de coucher avec quelqu'un maintenant »... Que le consentement puisse être révoqué pendant le rapport sexuel inquiète beaucoup. Que ces messieurs se rassurent, il ne s'agit pas de sanctionner une performance insuffisante (rires), mais de signifier que dire oui, ce n'est pas dire oui à tout ni à chaque fois. C'est peut-être fatigant, mais il faut que l'autre soit d'accord à chaque fois - et qu'il en ait envie, accessoirement.
Épouser quelqu'un n'en fait pas une personne sexuellement disponible en permanence : un quart des plaintes pour viol concernent des époux ou ex-époux.
Avoir provoqué une excitation sexuelle chez quelqu'un, parfois involontairement, n'oblige nullement à le satisfaire. C'est le fameux : « tu ne peux pas me laisser comme ça ! » (Rires) Les lycéennes doivent savoir que oui, elles peuvent laisser le garçon « comme ça », refuser de faire ce qu'elles n'ont pas envie de faire.
Cette proposition de loi est importante, elle explicite et consolide des acquis jurisprudentiels. Elle sera d'application immédiate et permettra une uniformisation du traitement judiciaire. L'accompagnement et le suivi judiciaire des victimes de violences sexuelles est une roulette russe. Il est urgent de former toute la chaîne judiciaire.
Cette proposition de loi a le mérite d'expliquer clairement qu'un viol est un acte sexuel non consenti. L'important n'est pas si la victime s'est défendue ou si elle a allumé un mec. Ce qui compte, c'est de s'interroger sur ce que l'autre veut, entre personnes placées sur un pied d'égalité.
Le lieu le plus dangereux, pour les femmes, pour les personnes vulnérables, n'est pas la rue, mais le foyer. Toutes les catégories sexuelles sont concernées par les violences sexuelles - les homos, les LGBTQI+, les enfants. Le viol n'est pas affaire de désir mais de pouvoir et de contrôle. Il y a une intention criminelle de faire plier l'autre à sa volonté. C'est un acte de prédation, jamais un malentendu.
Concernant les enfants, cette proposition de loi sera l'occasion d'un débat. Je salue l'engagement de la ministre dans la lutte contre le système prostitutionnel. Malgré la loi Billon, aucune poursuite n'a été engagée lorsque le rapport sexuel fait l'objet de rémunération. La plupart du temps, les clients de mineurs de 15 ans font l'objet d'une contravention - il faut les poursuivre pour viol.
Je salue le travail des députées Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton. Il est temps de refondre les infractions sexuelles du code pénal, qui deviennent totalement illisibles.
Elsa Schalck et Dominique Vérien n'ont eu que dix jours pour mener leurs travaux. Le train de sénatrice est plus rapide que le train de sénateur... (Sourires) Le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, SER, INDEP, du GEST et du RDPI)
Mme Silvana Silvani . - Viols et agressions sexuelles sont un fléau lié à la société patriarcale. Si les grandes affaires Bobigny ou Mazan ont fait avancer les choses, le bilan reste très en deçà de ce qu'on peut attendre du pays des droits de l'homme, qui n'est pas celui des droits de la femme.
Chaque année, 230 000 femmes victimes de violences sexuelles, 6 % de plaintes, 0,6 % de condamnations, 94 % de classements sans suite. Pourquoi un tel bilan ? Pas parce que la définition du viol n'inclue pas la notion de consentement, mais faute de moyens. Il manque 2,5 milliards d'euros chaque année pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, pour faciliter l'accès aux soins et mettre en place des structures spécialisées ouvertes 24 heures sur 24. La formation des professionnels dans l'éducation, la santé, la police et la justice fait défaut. Il faut améliorer le parcours judiciaire avec des brigades et juridictions spécialisées. Or les pouvoirs publics ne bougent pas.
Protéger les victimes ne doit pas avoir de prix. Si modifier la loi est peu coûteux, c'est peu efficace. Avant de la modifier, faisons déjà appliquer la loi ! J'ai quelques réserves sur l'introduction de la notion de consentement dans le code pénal.
Le débat au sein du mouvement féministe est riche, mais le terme ne fait pas consensus. Je partage certaines craintes. Dans l'affaire Pelicot, certains accusés ont parlé de « viol involontaire » : ils ne savaient pas que l'acte imposé n'était pas consenti. Une femme endormie serait consentante... Ne risque-t-on pas de donner raison au violeur en légitimant son ignorance ? Le procès ne risque-t-il pas de tourner autour de l'attitude de la victime plutôt que du comportement du violeur ?
Comme l'a plaidé Gisèle Halimi au procès de Bobigny, les victimes se retrouvent contraintes de prouver qu'elles n'ont pas consenti.
Des photos de Gisèle Pelicot nue, prises à son insu, ont été utilisées pour lui attribuer des penchants exhibitionnistes.
En insérant la notion de consentement dans la loi, ne risque-t-on pas d'insister plus sur le comportement de la victime que sur celui de l'agresseur ? Toutes ces questions restent sans réponse. L'absence d'étude d'impact est regrettable. Sans moyens supplémentaires, rien ne changera. Craignant de trop nombreux effets de bord, le groupe CRCE-Kanaky, très majoritairement, ne pourra pas voter ce texte.
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je vous prie d'excuser Mélanie Vogel, qui devait faire cette intervention.
Le 29 mars 2017, la Cour de cassation a confirmé un non-lieu dans une affaire de viol, estimant que l'homme a pu se méprendre sur le consentement de la victime - le doute a profité à l'accusé. S'il n'y a pas de non clair, ce serait un oui ? Une relation sexuelle serait donc permise par défaut, un homme aurait le droit de se tromper sur son droit de disposer du corps de l'autre. Il pourrait violer sans être condamné, s'il prétend avoir mal compris.
C'est pourquoi ce texte est urgent et attendu.
Quand une personne est droguée, sidérée, inconsciente, comment prétendre qu'elle aurait dit oui ? Quand une personne consent à la relation, mais pas à toutes les pratiques, comment distinguer l'acte sexuel du viol ?
Ce texte, qui répond à ces angles morts du droit, juridiquement solide, est le fruit d'un travail parlementaire de dix-huit mois et du travail d'organisations féministes, de victimes, d'avocates et de magistrates. Le Conseil d'État et la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) l'ont approuvé.
La définition pénale du viol apporte un triple bénéfice. D'abord symbolique, car on sort de la culture du viol pour aller vers celle du consentement. Le corps des femmes est l'objet le plus contrôlé, fantasmé et approprié. Avec ce texte, on sort de l'objectivation.
Un bénéfice pénal, ensuite, car ce texte est un outil supplémentaire aux mains des juges, pour en finir avec l'impunité. Alors que toutes les deux minutes trente une femme est victime d'un viol ou d'une tentative, seule une sur dix-sept porte plainte et 90 % des affaires sont classées sans suite. L'auteur a-t-il activement recherché le consentement ? Ce changement de focale donne aux victimes une chance d'être reconnues.
Un bénéfice sociétal, enfin, car le droit a un effet performatif. Il dit ce qui est acceptable et l'ancre dans les habitudes. Si ne pas s'assurer d'un consentement est puni par la loi, les comportements changeront, dans une société où seulement 59 % des 18-24 ans identifient un acte sexuel non consenti comme un viol.
Si l'on supprimait les quatre critères du viol, si l'on inversait la charge de la preuve, si l'on instaurait une présomption de culpabilité, on aurait pu être contre. Mais tel n'est pas le cas.
Pour lutter contre les viols, briser l'impunité, protéger les victimes, inscrire le meilleur de la jurisprudence dans la loi, afin que les femmes n'aient plus peur de porter plainte, il n'y a qu'un chemin : voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe UC ; M Bernard Buis applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol . - Ce texte serait éducatif : grâce à l'introduction du consentement dans le code pénal, les hommes comprendraient enfin qu'un acte sexuel ne peut être imposé... Mais les hommes qui violent savent très bien qu'ils violent et qu'ils abusent des privilèges de leur position dominante, de leur pouvoir économique, de leur force physique ; ils ne violent pas par inadvertance, négligence ou ignorance.
Consentir, selon Larousse, c'est accepter que quelque chose se fasse. C'est différent de vouloir. Ce terme s'inscrit dans les représentations les plus archaïques de la sexualité : les hommes proposent, pénètrent, les femmes se donnent, concèdent. C'est pourquoi le Sénat est si mobilisé dans la lutte contre les représentations véhiculées par l'industrie pornographique.
Le mot consentement est méséducatif. Comme le dit la philosophe Manon Garcia, en définissant le viol par le non-consentement, on accrédite l'idée que le consentement serait l'affaire des femmes. Marianne Frison Roche ajoute : « en Occident, la liberté est dans le ?non?, le consentement est dans le ?oui?. Par la volonté, je domine ; par le consentement, je me soumets. »
Parler de consentement, c'est perpétuer une représentation des sexualités qui n'est pas fondée sur l'égalité. Si le législateur voulait vraiment l'égalité, il parlerait de volonté : un acte sexuel serait la rencontre de deux volontés, de deux désirs.
Cette modification du code pénal, qui se fera malgré moi, mériterait d'être davantage encadrée. Il y a une autonomie du droit pénal certes, mais le juge risque de raisonner en fonction de ce qu'il connaît : le consentement en droit des contrats.
Quid d'un acte sexuel obtenu par un supérieur hiérarchique en échange d'un non-licenciement ?
La justice n'est pas exempte des stéréotypes, d'où nos amendements, pour renforcer et sécuriser le texte pour les femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous sommes à un tournant de la société. Depuis trop longtemps, le viol est un fléau silencieux, qui détruit des vies et brise des familles. Les chiffres sont terribles : plus de 230 000 victimes chaque année, mais moins de 8 000 condamnations, un intolérable gouffre entre réalité et justice.
Nous devons faire évoluer notre droit et donner un signal clair : la société n'acceptera plus l'ambiguïté ni le doute envers les victimes. C'est le sens de ce texte qui propose une avancée juridique et morale.
Les quatre piliers constitutifs du viol, hérités du XIXe siècle, ont certes permis de condamner, mais parfois laissé des victimes sans réponse ; la sidération, de l'emprise, le choc n'étaient pas pris en compte, le silence, l'absence de réaction, trop souvent interprétés comme un consentement.
Ce texte change la donne : sans consentement, pas d'acte sexuel possible. Le consentement doit être apprécié selon le contexte et non déduit du silence ou de l'absence de réaction. C'est une protection pour les plus vulnérables, pour ceux qui n'ont pu dire non, crier ou fuir.
Mais le droit pénal n'est pas le terrain de l'émotion : il est le rempart de la justice, la garantie de l'équilibre. Nous devons protéger la présomption d'innocence. Il ne s'agit pas de basculer dans l'arbitraire.
Nos deux rapporteures ont fait un travail remarquable en sécurisant le texte, en précisant la notion de consentement, en remplaçant les termes « circonstances environnantes » par celui de « contexte », en élargissant la définition du viol aux pratiques bucco-annales.
La commission a supprimé les articles superflus, en gardant l'essentiel. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.)
Ce texte est non pas une fin mais un début ; il faudra aller plus loin, donner plus de moyens à la justice, mieux accompagner les victimes, accélérer les procédures. Il faudra surtout faire évoluer les mentalités pour que la honte change de camp, pour que la victime soit crue, respectée et protégée.
Le groupe Les Républicains votera ce texte avec vigilance et exigence, conscient que chaque mot, chaque virgule engage la vie de milliers de femmes, d'hommes et d'enfants.
Notre devoir est de protéger les plus faibles sans céder à la facilité, sans renoncer à l'équilibre du droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°17 de Mme Vogel et alii.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Cet amendement rétablit la formulation adoptée par l'Assemblée nationale en remplaçant la notion de contexte par celle de circonstances environnantes.
Le terme contexte renvoie au cadre immédiat et au lieu ; il ne permet pas de prendre en compte la complexité des situations. À l'inverse, celui de circonstances permet au juge un examen plus large, en prenant en compte un faisceau d'indices antérieurs.
Nous reprenons ainsi une préconisation de la délégation aux droits des femmes, conforme à la convention d'Istanbul.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - La notion de circonstances environnantes est issue de la convention du Conseil de l'Europe. Mais rien ne nous oblige à reprendre cette notion mot à mot.
Cette notion pose en effet plusieurs difficultés : elle est d'abord redondante, car les circonstances sont toujours environnantes ; ensuite, elle est inconnue en droit pénal français ; enfin, elle est très extensive, de sorte que l'environnement de la victime - son passé, ses relations - pourra être évalué, au risque d'accentuer la pression sur la victime.
Restons-en au terme contexte : avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Je salue l'engagement de Mélanie Vogel sur la lutte pour les droits des femmes et contre les violences qui leur sont faites.
Nous préférons nous en remettre à l'avis du Conseil d'État : sagesse.
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - Compte tenu des nombreuses défaillances du système judiciaire, il faut préciser exactement de quoi le consentement ne peut pas être déduit.
Prenons l'exemple d'un bailleur qui demanderait à sa locataire des services sexuels en échange d'un loyer gratuit. On me dit que cela serait déjà prévu dans la contrainte morale... Mais les condamnations n'ont pas été bien nombreuses...
Je propose donc que le consentement ne puisse pas être déduit de l'échange ou de la promesse d'une rémunération ou d'un avantage.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - En l'état du texte, le consentement ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime, conformément à l'avis du Conseil d'État.
Nous partageons son analyse : il serait superfétatoire, voire juridiquement risqué, de trop préciser.
Le texte permet d'appréhender des situations où une personne se livrant à la prostitution reviendrait sur son consentement, car le consentement est toujours spécifique et révocable. Le proxénétisme pourrait ainsi être regardé comme constitutif d'une contrainte qui, connue de l'auteur des faits, serait susceptible de qualifier un viol.
Demande de retrait, sinon avis défavorable à cet amendement qui limite le pouvoir d'appréciation du juge et pourrait donc se retourner contre les victimes.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Madame Rossignol, je salue votre engagement sur la lutte contre le système prostitutionnel ; nous poursuivons la dynamique engagée par votre loi de 2016.
Selon le Conseil d'État, un rapport sexuel tarifé n'empêche pas de retenir la qualification de viol.
Restons-en à la position du Conseil d'État : demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Vous parlez de prostitution ; Mme Rossignol a évoqué un échange de services, en citant l'exemple d'une étudiante à qui l'on propose un logement en échange de faveurs sexuelles.
Nous proposons de considérer, en nous inspirant de la définition du contrat en droit civil, que ce n'est pas parce qu'il y a un avantage à la clef qu'il y a accord. Ce point mérite d'être précisé, car il s'agit de situations bien réelles.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Les critères « libre » et « éclairé » répondent aux situations que vous avez évoquées. Le consentement n'est pas libre s'il y a pression ; il n'est pas éclairé en cas de vulnérabilité.
Plutôt que d'ajouter des précisions superfétatoires qui risquent d'être défavorables aux victimes, restons-en aux mots proposés par le Conseil d'État.
Mme Laurence Rossignol. - Je ne suis pas novice, j'ai bien compris : vous n'accepterez aucun de mes amendements. Inutile de me demander de les retirer, je ne le ferai pas. Il est pénible de voir des textes arriver tout bouclés en séance et d'entendre les rapporteurs refuser systématiquement les amendements de l'opposition, avec toujours les mêmes arguments : « superfétatoire », « déjà garanti », « alourdirait » ...
C'est parce que la justice ne fonctionne pas bien que nous avons besoin de préciser.
Les avocats présents dans l'hémicycle savent très bien qu'ils pourront retourner les arguments de la victime. Je parle des mille et une situations dans lesquelles les inégalités homme-femme mettent d'emblée les femmes en position de vulnérabilité.
M. Francis Szpiner. - La notion de contrainte a été étendue par les magistrats de la Cour de cassation à l'emprise, ce qui n'allait pas de soi.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est de la jurisprudence !
M. Francis Szpiner. - Oui, parce que les magistrats peuvent interpréter. À force de lister des situations précises, vous risquez d'en oublier. Les avocats de la défense vous rétorqueront : « Vous ne l'avez pas prévu dans le texte. »
Il n'y a pas de consentement libre, même en droit civil, lorsqu'on vous propose un objet illicite ou immoral.
Mme Laurence Rossignol. - Il y a des vices du consentement.
M. Francis Szpiner. - La situation que vous évoquez est un vice du consentement.
Une formulation plus générale permettra une répression plus efficace. Voilà pourquoi je voterai contre cet amendement. (On approuve à droite.)
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7 de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - Voilà quelques semaines, nous débattions de votre proposition de loi, madame la ministre, relative au contrôle coercitif. Un de mes amendements, qui prévoyait que l'obligation de relations sexuelles ne se déduit pas de la communauté de vie prévue à l'article 215 du code civil, a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 : il relevait du code pénal et non du code civil, mais la majorité déclarait être d'accord sur le fond...
Le devoir conjugal n'existe pas et ne saurait être déduit du consentement donné au moment du mariage. Il n'y a donc pas d'obligation de relations sexuelles entre époux.
Mais ce nouvel amendement a de nouveau été rejeté en commission. Pourquoi ? Dites-moi comment rédiger cet amendement pour qu'il soit adopté. Mieux encore, donnez un avis favorable.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Avis défavorable.
Nous n'accepterions jamais les amendements de l'opposition ? Pourtant, lors de l'examen du texte sur le contrôle coercitif, nous avons adopté vos amendements sur les circonstances aggravantes du viol...
Mme Laurence Rossignol. - C'était ceux du ministre Darmanin !
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Vous les souteniez.
Votre amendement, qui limiterait l'appréciation du juge, pourrait être défavorable aux victimes. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie lève les yeux au ciel.) Cela ne préjuge en rien du consentement spécifique aux relations sexuelles. Le juge peut déjà qualifier un viol au sein d'un couple. Ce viol conjugal peut exister entre partenaires d'un Pacs et entre concubins.
Nous sommes sur un texte interprétatif, ne modifions pas les dispositions du code civil.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Madame la rapporteure, je n'ai rien compris à votre raisonnement.
Considérez-vous que le devoir conjugal existe ou non ? Vos refus réitérés d'acter son inexistence dans un code, civil ou pénal, laissent à penser que vous considérez qu'il existe. (Mme Muriel Jourda le conteste.) Ne confondez pas viol conjugal et devoir conjugal.
Il s'agit de dispositions interprétatives et non de loi interprétative - je l'ai dit lors de la discussion générale. Votre argument ne tient donc pas.
Au fond, le Sénat ne veut pas inscrire dans la loi que le devoir conjugal n'existe pas.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Cela n'a rien à voir.
M. Francis Szpiner. - Relisez l'article 215 du code civil ; il traite de la communauté de vie et non du devoir conjugal. Ce sont les magistrats qui ont instauré le devoir conjugal par construction prétorienne. Aussi, il faudrait compléter l'article 215 en disant que la communauté de vie n'implique pas de devoir conjugal...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela revient au même.
M. Francis Szpiner. - ... et étendre cette disposition aux partenaires d'un Pacs, ainsi qu'aux concubins.
Cela ne me gêne pas, parce que je suis pour la suppression de cette disposition dans le cadre d'une refonte de l'article 215 du code civil, reconnaissant que la jurisprudence de la Cour de cassation est une erreur.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est pas brillant...
Mme Laurence Rossignol. - J'ai déposé un amendement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Assumez !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Vous aussi !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Soyons clairs : les amendements ont été jugés irrecevables, ils n'ont pas été rejetés. Ce n'est ni le Gouvernement ni les rapporteurs qui décident de la recevabilité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Mais on ne parle pas de vous !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - L'ambiguïté que vous évoquez n'est pas dans le code pénal, mais dans le code civil ; or nous modifions le code pénal. La notion de viol conjugal existe en droit : le code pénal n'est donc pas ambigu.
Que devons-nous faire pour qu'il soit clair que la France refuse tout devoir conjugal ? Ouvrons le débat, mais il excède celui que nous avons ce soir.
Mme Laurence Rossignol. - Mais quand j'amende le code civil, on me dit que mon amendement est irrecevable !
Monsieur Szpiner, j'ai déjà eu l'occasion de déposer l'amendement que vous évoquez, mot pour mot : l'obligation de relations sexuelles ne se déduit pas de la communauté de vie. Il est prêt, mais il n'arrive pas à franchir la porte qui va de la commission à la séance publique... J'espère qu'il sera repris dans la loi intégrale préparée par la ministre.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, si vous êtes gênés d'être soupçonnés de ne pas y être favorables, et puisque nous ne légiférons plus qu'à coups de propositions de loi, déposez-en une qui reprend mon amendement, nous la soutiendrons !
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°8 de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - Lorsqu'on précise le code pénal, on ne limite pas l'office du juge. (M. Francis Szpiner le conteste.) Si c'était vrai, la justice fonctionnerait parfaitement et des femmes ne se plaindraient pas de la justice !
Dans l'industrie pornographique, avec la glamourisation du BDSM (Bondage et discipline, sado-masochisme), prospèrent des contrats de soumission, par lesquels une femme s'engage à se livrer à toutes les activités sexuelles prévues dans le contrat. La cour d'appel de Nancy a jugé qu'un tel contrat valait consentement. L'affaire est en train de remonter devant la Cour européenne des droits de l'homme, mais cela fait des années que le contentieux dure.
Ces amendements aident à une plus grande rapidité de la justice. Si vous voulez aider les juges, votez cet amendement.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Plus nous détaillons le code pénal, plus il y a un risque de se dire que si ce n'est pas dans la liste, c'est permis... D'où la nécessité d'avoir une loi interprétative. Dans l'affaire de Nancy, l'accusé était poursuivi pour harcèlement sexuel et violence. Le juge ne s'est pas déterminé à l'aune de ce contrat de soumission.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous voilà rassurées...
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Déposons une proposition de loi transpartisane supprimant du code civil ce concept de « devoir conjugal », qui n'existe pas, mais tel qu'interprété par le juge. Il s'agit du code civil : on ne sait pas l'intégrer dans une loi traitant uniquement du code pénal. Nous ne sommes pas contre le principe, mais nos règles font que votre proposition n'est pas acceptable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ça ne l'est jamais !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Le mot « révocable » résout le problème : quand bien même il y aurait eu un contrat, on peut récuser le consentement à tout moment. (Mme Laurence Rossignol manifeste son incompréhension.) Le Conseil d'État l'a très clairement précisé : la rédaction d'un contrat préalable ne permet pas de présumer l'existence d'un consentement propre à écarter la qualification d'agression ou de viol.
Mme Laurence Rossignol. - Écrivez-le dans la loi !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Le mot « révocable » le dit clairement. Avis défavorable.
Mme Laurence Rossignol. - Il y a un malentendu. « Révocable » signifie que la personne peut arrêter de fournir les relations sexuelles prévues au contrat. Peut-on poursuivre pour viol les relations sexuelles ayant eu lieu avant ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Oui.
Mme Laurence Rossignol. - Vous parlez du moment de la révocation du contrat, moi je parle de ce qui se passe avant. Ce n'est pas parce que le contrat est révoqué que les relations sexuelles avant révocation sont criminalisées.
Mme Annick Billon. - Ce débat m'intéresse beaucoup. Lorsque nous avons travaillé sur la pornographie, nous avons été profondément marqués, choqués par les témoignages à huis clos sur l'affaire French Bukkake. L'amendement de Mme Rossignol mérite toute notre attention, car nous voulons à tout prix éviter ces contrats.
Dans les contrats de l'industrie pornographique, il y a toujours une personne vulnérable, qui ne peut renoncer au contrat, car elle a besoin d'argent. Cet amendement me semble extrêmement intéressant.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9 de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - « Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est obtenu dans le cadre d'une relation médicale ou thérapeutique ».
De grâce, n'allez pas m'opposer vos arguments sur l'exhaustivité. Comme les juges se réfèrent aux travaux parlementaires, nous pouvons toujours dire que ce que nous ajoutons n'est pas exhaustif. Le juge pourrait s'en servir.
La victime d'un médecin peut saisir l'Ordre et obtenir la suspension du médecin, sur le fondement du code de déontologie. En revanche, de nombreuses personnes ne relevant d'aucun ordre sont en capacité de faire valoir le consentement. La semaine passée, Le Monde a publié une enquête sur les victimes des psychothérapeutes et autres. Ces derniers arguent du consentement de la victime.
Pour les médecins, l'existence de l'Ordre règle la question ; pour les autres, c'est très trouble.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - C'est un principe constitutionnel : un acte sexuel dans le cadre d'une relation médicale ou thérapeutique est une circonstance aggravante du code pénal. Conséquence : 20 ans.
La jurisprudence de la Cour de cassation est alors très claire : ce qui constitue une circonstance aggravante ne peut être retenu pour prouver l'absence de consentement, qui est lui un élément constitutif de l'infraction elle-même. Ce serait contraire au principe de légalité des délits et des peines.
Avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Laurence Rossignol. - Je fais confiance à votre argumentation. Je m'empresserai de la vérifier.
Une remarque, néanmoins : j'adore quand les sénateurs de la majorité sénatoriale nous disent que ce n'est pas constitutionnel. Nous avons vécu ces derniers mois tant de propositions de loi de la majorité sénatoriale dans lesquelles, face à des mesures anticonstitutionnelles, on nous disait qu'il fallait laisser le Conseil constitutionnel décider. Alors faites comme d'habitude, et laissez-le décider !
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - On n'alourdirait pas trop le code pénal ni n'enserrerait le juge dans de trop grandes listes si l'on ajoutait que la contrainte, qui peut être morale, peut être aussi économique. La contrainte économique ne se déduit pas de la contrainte morale. En raison des inégalités entre les femmes et les hommes, précisons ce point.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Une telle évolution serait porteuse d'un risque constitutionnel. (Mme Laurence Rossignol soupire.) Un élément constitutif de l'infraction ne peut être une circonstance aggravante de la même infraction.
Soit la victime fait l'objet d'un chantage économique, ce qui est constitutif d'une contrainte et prouve donc l'absence de consentement, soit la victime est dans une situation de dépendance économique qui fonde l'aggravation de la peine encourue. Vous créeriez un troisième cas hybride.
Protégez les victimes, qui paieraient le prix d'un rejet du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.
Mme Laurence Rossignol. - Ça ne vous dérange pas quand il s'agit du droit des immigrés...
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - Cet amendement vise à introduire l'hypothèse du contrôle coercitif dans la caractérisation du viol et de l'agression sexuelle. Le contrôle coercitif ou l'emprise n'étant pas prévus par la loi, il reste des impasses.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Vous priverez les magistrats de leur liberté d'appréciation. Il est difficile de caractériser le contrôle coercitif lui-même. De plus, la rédaction de l'alinéa soulève plusieurs difficultés juridiques, déjà soulevées lors de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Vous souhaitez faire entrer le terme de « contrôle coercitif » dans la législation, terme actuellement inconnu dans le droit en vigueur. Avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Le 3 avril dernier, à l'unanimité, le Sénat a adopté la proposition de loi dont je suis à l'origine. Nous voulons aller au bout de l'examen de ce texte, de manière générale, sur ce qu'est le contrôle coercitif, afin de prendre en compte toutes les formes de violence. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.
Mme Silvana Silvani. - Nous voulons inclure dans la définition pénale de l'agression sexuelle et du viol l'état de sidération. Consacré par la jurisprudence récente de la Cour de cassation, il est désormais rattaché à la surprise. Cela assurera une sécurité juridique supplémentaire à cette consécration jurisprudentielle, facilitant la caractérisation de l'infraction sexuelle.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Cette proposition de loi prend en compte les cas de sidération, avec le silence et l'absence de réaction de la victime. Votre amendement n'est pas opportun : il réduit la liberté d'appréciation du juge. Cette rédaction pose aussi des problèmes juridiques : la surprise n'engendre pas systématiquement un état de sidération, elle recouvre des réalités beaucoup plus larges.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Silvana Silvani. - J'insiste. Nous cherchons à compléter, nuancer et améliorer ce qui vous semble être très précis - le consentement - mais qui ne l'est pas tant que cela...
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12 de Mme Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement vise à supprimer la clause Roméo et Juliette : aujourd'hui, une relation entre une jeune femme de 14 ans et un jeune homme de presque 19 ans n'est pas considérée comme un viol, alors que c'est une enfant et un jeune adulte.
Mme Annick Billon. - Ça peut être un viol...
Mme Laurence Rossignol. - Oui, il faut préciser : ce n'est pas un viol en l'absence de violence, contrainte, menace, surprise.
M. le président. - Amendement n°5 de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - Cet amendement vise à lutter contre la prostitution des mineurs : l'achat de services sexuels auprès d'une mineure de moins de 18 ans doit être considéré comme un viol.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié de Mme Rossignol et du groupe SER.
Mme Laurence Rossignol. - Amendement de coordination.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de Mme Billon.
Mme Annick Billon. - C'est un amendement d'appel : la prostitution des mineurs progresse. En 2024, on compte 1 500 victimes de proxénétisme, dont 659 mineurs.
Ces enfants sont confrontés à des réseaux et à des clients profitant d'une interprétation erronée du code pénal, malgré la loi du 21 avril 2021 que j'ai portée : un enfant de moins de 15 ans ne peut jamais consentir à un acte sexuel.
Madame la ministre, il est urgent de clarifier l'interprétation du droit. Comptez-vous écrire cela noir sur blanc dans une circulaire ?
M. le président. - Amendement n°16 rectifié de Mme Olivia Richard.
Mme Olivia Richard. - On parle d'exploitation sexuelle des mineurs et donc de traite. Hier, le Parlement européen a adopté un projet de directive sur la lutte contre les abus sexuels et l'exploitation sexuelle des mineurs. Comprenons de quoi l'on parle, et cassons les clichés : près de 87 % des victimes sont de nationalité française. L'ensemble du territoire est touché. On parle de proxénétisme de proximité, avec de petites structures faisant aussi du trafic de drogue. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont touchées. Il y a aussi de la prostitution logée et digitalisée, dans des Airbnb : les gamines sont trimballées dans toute la France et en Europe. C'est totalement invisible et très violent.
On met des années à sortir de ce qui s'appelle des viols d'abattage. Personne n'est indemne. La réponse pénale n'est pas à la hauteur.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La clause Roméo et Juliette a été ajoutée par l'Assemblée nationale en 2021 pour ne pas criminaliser systématiquement des relations entre un mineur et un jeune majeur. Le Conseil d'État a élaboré cette clause à l'aune de l'exemple d'une relation entre une mineure de 14 ans et d'un autre de 17,5 ans, laquelle se poursuivrait au-delà de la majorité du second. Compte tenu de ces dispositions, celui-ci serait poursuivi pour viol à sa majorité.
Or les mineurs ne peuvent ester en justice : c'est aux parents de porter plainte. Imaginez si le jeune majeur ne plaît pas aux parents...
Mme Laurence Rossignol. - L'esprit de mai 68 souffle ici !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Préservons les amours adolescentes d'une criminalisation automatique. Avis défavorable.
L'amendement n°5 soulève plusieurs difficultés juridiques : sur le principe, il criminaliserait le recours à la prostitution d'un mineur de plus de 15 ans de manière détournée, en l'assimilant au crime de viol. Nous risquerions la censure du Conseil constitutionnel, qui ne tolère l'existence d'une présomption de culpabilité en matière répressive qu'à titre exceptionnel. Cela tasserait les peines encourues pour des faits similaires. Cette rédaction criminaliserait aussi la relation sexuelle tarifée entre deux mineurs, car aucune condition d'âge n'est prévue. Avis défavorable.
L'amendement n°6 opère une coordination ; par cohérence, avis défavorable.
Les amendements nos15 rectifié et 16 rectifié traitent d'un problème signalé par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof).
Certains parquets engagent les poursuites sur le mauvais fondement pénal. Ils poursuivent pour recours à la prostitution avec une circonstance aggravante au lieu de poursuivre pour viol. Il faut non pas modifier la loi, mais veiller à sa bonne application.
Je me fais le relais de la demande de circulaire, pour préciser les dispositions relatives à la prostitution des mineurs.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Travaillons sur la très mal nommée clause Roméo et Juliette dans le cadre du groupe sur les VSS. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.) Ce n'est pas lié à la question du consentement et du viol dont nous débattons actuellement.
La loi n'empêche pas d'engager des poursuites à l'encontre de ceux qui se servent de mineurs de moins de 15 ans pour des rapports tarifés - nous assistons à une explosion du recours aux adolescentes et adolescents, sous l'effet des plateformes notamment, qui font d'eux des proies encore plus vulnérables. Avec Catherine Vautrin, nous publierons bientôt un décret à ce sujet. Notre priorité est de garantir l'application de la loi de 2016 et la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel.
Avis défavorable à tous les amendements.
Mme Laurence Rossignol. - Je regrette que mon amendement n°5 ne fasse pas l'objet d'un avis favorable du Sénat.
Vous avez dit que le Conseil constitutionnel exigeait des circonstances exceptionnelles ? La prostitution des mineures prend une ampleur telle qu'elle doit être traitée de façon exceptionnelle. C'est une catastrophe sanitaire et générationnelle. Je suis prête à défendre cette position devant le Conseil constitutionnel.
Le recrutement des mineures les plus vulnérables se fait dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Un éducateur peut-il faire la différence entre ceux qui sont victimes de viol et les autres en raison de leur âge ? L'enfant ne comprend pas le mot de proxénète, mais il comprend très bien celui de viol. Il faut lui parler de viol.
Mme Olivia Richard. - Il faut sortir les mineurs de la prostitution. S'agissant d'un mineur de 15 ans, il s'agit d'un viol, que l'acte soit ou non tarifé. Il faut appliquer la loi Billon ! Il y va de l'autorité de la chose votée.
Mme Annick Billon. - La loi de 2021 dit que toute relation entre un mineur et un adulte est un crime. Vous prétendez que la loi n'empêche pas les poursuites, madame la ministre. Aussi, nous voulons que les qualifications soient les bonnes. Certaines juridictions ne retiennent pas les qualifications de viol. Je retire mon amendement n°15 rectifié, mais je veux des garanties sur la circulaire.
L'amendement n°15 rectifié est retiré.
M. Francis Szpiner. - En dessous de 15 ans, on ne peut pas consentir ; j'ai été l'avocat de l'association La voix de l'enfant. Mme Rossignol a soulevé un débat important, mais sa réponse n'est pas la bonne. Souvenez-vous de nos débats sur l'âge de la majorité sexuelle. Je me méfie de la criminalisation et de la lourdeur de la procédure criminelle, car vous allez engorger les tribunaux ; en revanche, je défends l'aggravation de la peine.
Mme Laurence Rossignol. - On ne peut aggraver les peines de personnes qui ne sont pas poursuivies !
M. Francis Szpiner. - Je suis pour une répression des clients, car elle sera plus pédagogique. La criminalisation engorgera le système. Si on correctionnalise, ce sera pire.
L'augmentation de la prostitution des mineures est considérable. Il faut l'aborder sous l'angle de la clientèle et non pas de la qualification de viol. Mais il faut une circulaire qui soit très claire sur les moins de 15 ans.
Mme Olivia Richard. - Je retire l'amendement n°16 rectifié.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je le reprends !
M. le président. - Ce sera l'amendement n°16 rectifié bis.
L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos5, 6 rectifié et 16 rectifié bis.
L'article 1er est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°1 de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Nous avons élaboré un rapport sur la soumission chimique faisant 50 recommandations. La vulnérabilité chimique, qui doit être reconnue comme une circonstance aggravante du viol, doit être distinguée de la soumission chimique. La vulnérabilité se caractérise par la consommation volontaire de substances qui altèrent l'état de conscience.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Nous vous félicitons pour votre travail sur la soumission chimique, sujet sensible et complexe. L'article 222-30-1 du code pénal réprime, depuis la loi de 2018, le fait d'administrer à une personne à son insu des produits toxiques.
Dans le cas que vous soulevez, la personne est droguée ou ivre de son propre fait. Notre droit permet déjà l'aggravation du quantum de peines lorsque la personne est ivre ou sous stupéfiants.
Ensuite, votre amendement est satisfait par le droit en vigueur.
Autre élément : l'ivresse et l'emprise de stupéfiants ne sont pas des réalités biologiques ; tout dépend de la personne ; le juge apprécie l'ivresse manifeste.
La loi pénale est d'interprétation stricte. Aussi, votre amendement ne protégerait pas les victimes, car il soulèverait de nombreux débats sur l'ivresse ou non de la victime.
Enfin, un risque constitutionnel pèse sur ce dispositif, dans la mesure où le même fait pourrait être incriminé sur deux fondements différents.
Le Gouvernement peut-il s'engager sur un texte spécifique portant sur cette question importante ou sur l'intégration de ces mesures au projet de loi-cadre ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Madame Guillotin, je salue le travail que vous avez mené avec Sandrine Josso. À Nancy, chez vous, j'ai rencontré des personnes engagées sur cette question. Notre objectif est de reprendre une grande partie de vos préconisations. Le Gouvernement émet d'ailleurs un avis de sagesse sur votre amendement.
Nous considérons qu'il faut une approche globale de la soumission chimique : former les professionnels, soutenir les associations, renforcer les moyens du CRAVS - nous y travaillons avec Yannick Neuder. Nous devons également renforcer nos outils juridiques.
Votre travail est versé aux réflexions du groupe de travail sur la loi-cadre et il ne restera pas lettre morte.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je dois vous faire part de ma stupéfaction. Ce rapport a été demandé par le Gouvernement à notre collègue, membre de la majorité sénatoriale, et à Sandrine Josso, dont tout le monde sait ce qu'elle a subi. Elles ont mené un travail très sérieux. Et le Sénat s'apprêterait à rejeter la première préconisation de leur rapport ? Ce serait un acte politique grave compte tenu de la situation qui concerne cet hémicycle, à ce jour non réglée. En avez-vous conscience ?
Mme Véronique Guillotin. - Le sujet de la soumission chimique doit absolument être traité : Mme Josso et moi-même ne lâcherons rien. Je vous fais confiance, madame la ministre, et retire mon amendement comme je m'y étais engagée. J'espère ne pas me tromper.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je le reprends.
M. le président. - Il devient l'amendement n°1 rectifié.
L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Nous proposons la levée du secret médical en cas de soumission chimique, lorsque la victime ne souhaite pas déposer plainte.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Sans préjudice du travail législatif probablement nécessaire sur ce sujet, votre amendement s'articule difficilement avec l'article 226-14 du code pénal, qui réprime le placement ou le maintien d'une personne dans un état de sujétion. Il faudrait en retravailler la rédaction pour viser spécifiquement la soumission chimique. En outre, le dispositif que vous proposez laisse entendre que c'est le médecin qui aurait lui-même administré une substance à l'insu de la personne concernée... Enfin, le renvoi à l'article 222-30-1 du code pénal pose problème : le médecin peut constater que la victime a été droguée, mais ne peut pas savoir à quelles fins. Retrait ?
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Même avis.
Mme Véronique Guillotin. - Je le retire, mais ne suis pas pleinement d'accord avec les arguments avancés. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise.) Il faudra y revenir dans le groupe de travail sur la loi-cadre.
L'amendement n°2 est retiré.
M. le président. - Amendement n°10 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La proposition de loi prévoyait initialement deux évaluations. C'était pertinent, car nous ne savons pas quelles seront les conséquences de l'introduction de la notion de consentement. Je propose de rétablir une évaluation. Puisqu'on m'a opposé en commission la jurisprudence du Sénat sur les demandes de rapport au Gouvernement, je propose un rapport du Parlement. Le prévoir dans la loi aurait une visée pédagogique. Grâce à ce rapport, nous pourrons évaluer les effets du dispositif, notamment en termes de poursuites, et l'affiner au mieux.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Nous sommes évidemment favorables à l'évaluation du dispositif, mais cet amendement est un neutron législatif. En outre, sa portée exacte n'est pas claire : vise-t-il les deux chambres, un rapport commun ? Ce travail relève de nos prérogatives constitutionnelles de contrôle.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Par principe, s'agissant d'un rapport du Parlement, sagesse.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Yan Chantrel . - Je salue les deux députées à l'initiative de ce texte. Mettons notre situation en perspective avec les pays à système juridique comparable ayant introduit la notion de consentement dans le droit, comme le Canada, où j'ai vécu. On y remet moins en question la parole des victimes, celles-ci sont mieux protégées et le viol mieux condamné. Ce texte aura aussi une portée éducative, notamment pour les personnes chargées de collecter les plaintes. Je le voterai avec conviction pour une meilleure éducation à la vie affective et sexuelle. Passons d'une culture du viol à une culture du consentement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Nous regrettons que nos propositions complémentaires n'aient obtenu aucun succès sur un sujet où, pourtant, on aurait pu croire que le clivage gauche-droite s'effacerait quelque peu. Pour autant, nous soutenons ce texte par volontarisme. Nous ne savons pas quels seront ses effets, mais donnons-lui la chance de faire ses preuves, en espérant que les procédures nouvelles seront couronnées de succès.
Mme Silvana Silvani . - Je m'interrogeais en discussion générale ; je m'interroge toujours. Nous n'avons pas parlé de l'accueil ni du traitement des plaintes. Nous sommes très en deçà du réel. La question du consentement est importante, mais celle des moyens l'est aussi, de même que celle de l'injonction à prendre en compte les plaintes. Nous sommes loin du compte.
Je ne suis pas juriste, mais pourquoi le viol est-il la seule infraction pour laquelle on s'interroge sur le consentement de la victime ? J'ai écouté des victimes, des collectifs, des juristes. Il n'y a pas consensus et tous les avis sont respectables. Or tous les points de vue n'ont pas été pris en considération.
M. le président. - Votre temps de parole est épuisé.
M. Guillaume Gontard . - Ce texte est l'aboutissement victorieux d'un long travail militant et parlementaire. Je pense aux auteures du texte et à notre collègue Mélanie Vogel. Inscrire la notion de consentement dans la loi est un progrès juridique, mais aura aussi un effet symbolique, culturel et éducatif, pour passer de la culture du viol à celle du consentement. Il faudra évaluer ce texte, comme tous les textes, mais il marque certainement une avancée.
Mme Véronique Guillotin . - La notion de consentement va être inscrite dans la loi, de manière consensuelle. C'est un progrès important, même si cela ne résoudra pas tout. J'ai de petits regrets et souhaite en particulier qu'on aille plus loin sur les deux questions soulevées par mes amendements. Je fais confiance au travail du Gouvernement et de notre assemblée.
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°326 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l'adoption | 323 |
Contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Je salue ce vote très clair et remercie à nouveau les députées Garin et Riotton. Notre travail se poursuit en vue de la loi intégrale contre les violences sexuelles et intrafamiliales. (Applaudissements au banc des commissions ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)