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Table des matières



Questions d'actualité

Crise agricole (I)

M. Pierre Médevielle

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire

Crise agricole (II)

Mme Maryse Carrère

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre

Crise agricole (III)

M. Jean-Jacques Michau

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire

Crise agricole (IV)

Mme Cécile Cukierman

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre

Incendie criminel d'un collège à Dijon

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur

Label RGE dans le secteur du bâtiment

M. Grégory Blanc

M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement

PLF pour 2026 (I)

M. Mathieu Darnaud

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre

Santé mentale en outre-mer

Mme Solanges Nadille

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées

PLF pour 2026 (II)

M. Laurent Somon

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics

Fonction publique dans les outre-mer

M. Victorin Lurel

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État

PLF pour 2026 (III)

Mme Christine Lavarde

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

Programmation pluriannuelle de l'énergie

M. Patrick Chauvet

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique

PLF pour 2026 (IV)

Mme Sophie Primas

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics

Aide sociale à l'enfance

Mme Marion Canalès

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées

PLF pour 2026 (V)

M. Cédric Vial

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics

Accord UE-Mercosur

M. Jean-François Rapin

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Pierre Jean Rochette, auteur de la proposition de loi

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Bruno Belin

M. Bernard Buis

Mme Audrey Linkenheld

M. Ian Brossat

M. Guy Benarroche

M. Michel Masset

Mme Isabelle Florennes

M. Stéphane Le Rudulier

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Article 3

Après l'article 3

Article 4

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

Vote sur l'ensemble

M. Marc Laménie

Sécurisation des marchés publics numériques

Discussion générale

M. Dany Wattebled, auteur de la proposition de loi

Mme Olivia Richard, rapporteure de la commission des lois

Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État

M. David Margueritte

M. Bernard Buis

M. Christophe Chaillou

M. Alexandre Basquin

M. Guy Benarroche

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Simon Uzenat

Discussion de l'article unique

Déclaration du Gouvernement sur la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées

Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer

M. Étienne Blanc

Mme Audrey Linkenheld

Mme Isabelle Florennes

M. Pierre Médevielle

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jérémy Bacchi

M. Raphaël Daubet

M. Guy Benarroche

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale

Ordre du jour du jeudi 18 décembre 2025




SÉANCE

du mercredi 17 décembre 2025

42e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance est ouverte à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun veillera au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.

Crise agricole (I)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Bernard Fialaire, Jean-François Longeot et Marc-Philippe Daubresse applaudissent également.) Info, infox, intox : tout ou presque a été dit sur la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), une des maladies les plus graves en santé animale. Sur le terrain, la situation est explosive. Dans le Sud-Ouest, mais aussi, désormais, ailleurs, les éleveurs sont sur le pied de guerre.

Pris de vitesse par le virus, nous avons perdu la bataille des médias, faute d'une communication et d'une pédagogie suffisantes. Si le dépeuplement complet d'un troupeau est un choc terrible, tout le monde s'insurge contre les abattages avec des prétextes plus ou moins farfelus. Ne pensez-vous pas que la communication de votre ministère a été insuffisante ? Comment comptez-vous reprendre la main ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Solanges Nadille et M. Guislain Cambier applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire .  - Hier, le Premier ministre et moi-même avons tenu deux réunions de crise. Au moment stratégique où nous sommes, la priorité est de déployer massivement la vaccination, meilleur rempart contre la maladie.

Vous êtes, je crois, vétérinaire.

Voix diverses. - Pharmacien !

M. le président.  - Le vétérinaire est derrière vous ! (Rires et applaudissements)

Mme Annie Genevard, ministre.  - Monsieur le président du Sénat, je vous sais très attentif à mes propos.

Massive, la vaccination sera aussi rapide, grâce à une coordination au niveau départemental. Nous disposons de vaccins en nombre : 900 000 pour 750 000 bovins. J'ai demandé que les 1 000 exploitations de l'Ariège soient couvertes avant la fin du mois.

Nous mobilisons une force vétérinaire puissante, augmentée de vétérinaires retraités, libéraux et de l'armée. Des contrôles renforcés seront mis en oeuvre, car ce qui propage la maladie, ce n'est pas le défaut d'information -  elle a été massive  - , mais le manque de discipline individuelle et collective dans le respect des consignes de limitation de mouvements.

Enfin, nous mettons en place une aide spécifique pour les petits élevages en zone réglementée : allègements sociaux, fiscaux et fonds de soutien de plus de 10 millions d'euros. Nul ne sera laissé au bord du chemin.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Annie Genevard, ministre.  - J'en suis persuadée, nous vaincrons cette terrible crise sanitaire, comme nous avons vaincu d'autres épizooties, dont le monde de l'élevage s'est toujours relevé avec courage. Oui, ce virus sera éradiqué. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

M. Pierre Médevielle.  - Les éleveurs touchés ont besoin, en effet, de compassion et de soutien financier, mais ils veulent surtout parler d'avenir. C'est dans cet esprit qu'ils vous ont invitée à revenir en Occitanie pour dialoguer avec eux.

Il est regrettable que la crise n'ait pas été traitée dans sa dimension humaine, ce qui a entraîné des débordements.

Aidons nos éleveurs à franchir ce cap difficile. Ils ont besoin de clarté et d'accompagnement. Nous n'avons pas le droit de les décevoir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC et du RDSE)

Crise agricole (II)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Une fois encore, le monde agricole subit une crise profonde. Ariège, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées : l'Occitanie est au coeur d'un vaste mouvement de colère. Les éleveurs crient leur détresse face à la crise de la DNC, avec le Mercosur en toile de fond.

La souveraineté alimentaire n'est pas qu'un concept. Sans exploitants, pas d'agriculture, donc de souveraineté !

Les réponses d'urgence ne font pas une stratégie durable. Attendre que les agriculteurs soient aux abois pour voler à leur secours, laisser des exploitations disparaître pour importer des produits moins-disants, tout cela n'est plus possible. Apprendre le suicide d'un exploitant qu'on a laissé dans une impasse morale et financière est intolérable, de même qu'il n'est pas tenable de laisser les vétérinaires en première ligne.

La gestion de la crise de la DNC est un échec. Faute d'anticipation, l'abattage systématique tombe comme un couperet. Résultat : des barrages et une révolte contagieuse.

Un travail de recherche est nécessaire sur des alternatives à l'abattage total. Il faut écouter les exploitants au plus près du terrain et expérimenter localement de nouveaux protocoles.

Comment le Gouvernement entend-il nous armer pour l'anticipation et la gestion des crises à venir ? Nous attendons un message fort pour les éleveurs. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - Face aux crises de demain, un combat politique et intellectuel sera nécessaire pour faire primer la science ; je sais le consensus au Sénat sur ce sujet.

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Sous l'effet du réchauffement climatique, de nouvelles pathologies se feront jour, pour les humains comme pour les animaux, d'élevage et de compagnie. La place centrale de la science devra être réaffirmée.

Dans le Sud-Ouest, nous agissons tant dans les zones touchées par l'épidémie que dans les zones indemnes, pour protéger notre bétail et nos éleveurs.

La priorité, c'est la vaccination. Les doses sont là, et je remercie les armées pour leur concours décisif en matière logistique.

Il faut aussi des bras. Puisque M. le président du Sénat nous a rappelé qu'il était derrière nous, j'appelle à ce que nous soyons tous derrière nos vétérinaires, victimes de menaces inacceptables. (Applaudissements) Vétérinaires retraités, élèves vétérinaires, vétérinaires des armées : la profession se mobilise de façon admirable, au service de politiques départementales de vaccination menées par les préfets, en liaison avec les chambres d'agriculture, les groupements de défense sanitaire et les syndicats. L'objectif est de faire du sur-mesure. En Ariège, la vaccination des troupeaux des 1 000 exploitations avant le 31 décembre est cruciale ; un préfet coordinateur a été nommé à cette fin.

Il faut aussi veiller au respect des interdictions de transport de bétail. Si le virus se propage, c'est que, hélas, elles ont été parfois contournées. Nous appelons à la responsabilité. Il n'est pas possible de subir des drames parce qu'une infime minorité ne respecte pas les règles.

Cette vaccination aura des effets économiques, notamment à l'exportation. Il est essentiel de discuter avec Rome et Madrid, mais aussi Bruxelles, pour assurer une visibilité sur le statut à l'export des animaux vaccinés. En plus de la ministre de l'agriculture, les ministres de l'Europe et du commerce extérieur se mobilisent dans cet objectif.

Quant aux mesures d'accompagnement, les aides exonérées d'impôt et de charges ne suffisant pas, nous avons débloqué un premier fonds d'urgence, de 10 millions d'euros. Je souhaite qu'il soit le plus territorialisé possible et bénéficie notamment aux petits élevages. La réactivité de l'aide sera décisive pour la pérennité des exploitations, le moral des éleveurs et la qualité de leur relation avec l'État.

D'autres mesures sont à venir, en particulier pour la reconstitution des cheptels - je pense aux mesures qui concernent les génisses. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

Crise agricole (III)

M. Jean-Jacques Michau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En préambule, j'affirme mon soutien indéfectible aux éleveurs frappés par la DNC, à l'instar des 200 élus rassemblés avant-hier à Foix. Tous, nous avons été choqués par les face-à-face entre forces de l'ordre et éleveurs éprouvés et à bout.

Vous êtes venue à Toulouse, madame la ministre, mais la réunion n'a pas satisfait la profession et la mobilisation s'est renforcée.

Vous avez annoncé une cellule de dialogue scientifique : les propositions des chambres d'agriculture et des syndicats y seront-elles étudiées, sans remise en cause de l'expertise scientifique ? Vous avez annoncé aussi l'intensification de la vaccination, une demande forte des éleveurs ; je salue la mobilisation des vétérinaires.

Dans quel délai les aides aux éleveurs dont les troupeaux ont été abattus seront-elles versées ? Comment comptez-vous aider aussi ceux qui ne pourront commercialiser ou exporter leur bétail ? Quelle politique structurée prévoyez-vous face aux crises futures ? Et quelles réponses apportez-vous à la détresse profonde du monde paysan face à l'accord avec le Mercosur et l'avenir de la PAC ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire .  - L'Ariège est fortement éprouvée par la DNC. Les deux premiers éleveurs touchés ont déjà perçu un acompte : je tiens à ce que les premières aides soient versées dans les jours qui suivent la perte du troupeau.

Venant d'une région d'élevage, je mesure le drame que représente la perte d'un cheptel pour l'éleveur, sa famille et la communauté villageoise. L'indemnisation ne l'efface pas, mais elle sera au rendez-vous, pour la perte des bovins, les pertes d'exploitation et les coûts de désinfection.

Quant à la cellule de dialogue scientifique que j'ai proposée à Toulouse, il s'agit de faire un pas de côté en mettant autour de la table des représentants du monde de l'élevage, des personnalités choisies par la présidente et le préfet de région et des experts en santé animale. Le protocole ariégeois y sera discuté, avec comme perspective la sécurité sanitaire de nos élevages. J'attends beaucoup de ce dialogue entre scientifiques et professionnels. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Crise agricole (IV)

Mme Cécile Cukierman .  - Alors que le monde agricole exprime une colère profonde et légitime depuis des mois, voici que nos campagnes font face à une urgence sanitaire majeure. Nos agriculteurs voient leurs revenus s'effondrer et les élevages sont frappés par des crises sanitaires à répétition, entraînant abattages massifs et, souvent, tardivement indemnisés.

La détresse du monde agricole est le fruit de choix politiques, qui ont affaibli les outils publics de prévention et de gestion des risques sanitaires. La pénurie de vétérinaires agricoles aggrave la situation. La prévention recule, les soins sont retardés, la surveillance se dégrade. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir des exploitations, mais aussi la sécurité sanitaire des aliments, donc la santé publique.

La PAC est au coeur de l'impasse, car elle subventionne la surface et le capital, favorisant la concentration et l'élimination des fermes paysannes au lieu de garantir une agriculture vivante et pourvoyeuse d'emplois sur nos territoires.

La PAC post-2027 s'annonce encore plus inquiétante. Budget menacé, mise en concurrence accrue, renationalisation : l'agriculture risque de servir de variable d'ajustement.

La signature du traité avec le Mercosur accélérerait la disparition de l'élevage paysan et l'affaiblissement de notre souveraineté.

Combien de crises sanitaires avant un changement de cap ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Très bien !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - Vous me permettrez de ne pas répéter les éléments de réponse que j'ai donnés dans mes deux premières interventions.

Heureusement que nous avons augmenté le nombre de vétérinaires formés depuis huit ou neuf ans. Nous allons continuer, jusqu'à en former, en 2030, 75 % de plus qu'en 2017. Mais l'enjeu est aussi leur répartition géographique : nous devrons en discuter avec l'Ordre des vétérinaires, notamment en vue de disposer de vétérinaires mobiles.

L'avenir de notre agriculture met en jeu notre modèle de société, les relations entre producteurs et consommateurs, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et, bien sûr, notre souveraineté, dont la dimension alimentaire est capitale.

Le Sénat s'est fortement mobilisé sur le traité avec le Mercosur. Si la Commission européenne décide de passer en force en fin de semaine, la France votera contre. (Applaudissements sur diverses travées)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Les négociations sur la future PAC commencent maintenant. Dans toute négociation, réussir les débuts est un atout précieux. En l'occurrence, la France annonce deux principes qui ne varieront pas.

D'abord, la politique agricole doit rester commune. Il ne peut donc pas y avoir de différenciation par pays. L'éventualité d'adaptations nationales peut paraître sympathique, mais nous en connaissons les effets : concurrence déloyale et confusion entre soutien à la production agricole et accompagnement des ruralités.

Ensuite, nous avons aussi indiqué à la Commission européenne que pas un centime ne devrait manquer pour la future PAC. Cette politique est au coeur de la relation entre la France et les institutions européennes. La construction européenne se fonde sur des grands marqueurs, comme Ariane ou l'euro, mais aussi la PAC. (Applaudissements sur des travées du RDPI)

Incendie criminel d'un collège à Dijon

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le collège Champollion, dans le quartier des Grésilles à Dijon, a été la cible d'un incendie criminel. Je salue la venue sur place des ministres de l'intérieur et de l'éducation nationale, ainsi que leur engagement ferme pour la reprise rapide des cours et la sécurisation de l'établissement.

Le ministre de l'intérieur a parlé d'acte d'intimidation. De fait, les premiers éléments suggèrent un lien avec le narcobanditisme, objet de nombreuses opérations de démantèlement des forces de l'ordre.

Le collège a déjà subi des tirs de mortier, la médiathèque et l'école primaire voisine ont elles aussi subi des violences.

La communauté éducative reste soudée.

Je sais que le Gouvernement fera son possible pour que les élèves puissent réintégrer l'établissement au plus vite.

Mais le narcotrafic maintient la population sous le joug de la peur. Hier, à Marseille, le Président de la République a redit que l'État serait le plus fort et gagnerait cette bataille contre le narcobanditisme.

Quels moyens sont mis en oeuvre pour soutenir la population de ces quartiers, les premières victimes ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - En effet, le ministre de l'éducation nationale et moi-même nous sommes rendus à Dijon. J'ai une pensée pour l'ensemble des élus présents.

Cet acte relève de représailles, à la suite des nombreuses opérations menées avec succès par les policiers dans le quartier des Grésilles : les sept principaux chefs ont été arrêtés, et il n'y a plus de points de deal.

Le collège doit reprendre son activité le plus tôt possible.

Nous devons éviter que le trafic ne se réimplante. D'où une action de terrain, nécessaire. Je salue aussi le travail de la police municipale de Dijon. Cela facilite la dispersion.

Nous utiliserons tous les outils à notre disposition, notamment ceux issus de la loi Narcotrafic, qui donne des pouvoirs de police administrative supplémentaires aux préfets, notamment. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)

Label RGE dans le secteur du bâtiment

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pierre-Alain Roiron applaudit également.) Les artisans du bâtiment manifestent devant la préfecture, à Angers comme partout en France.

M. François Patriat.  - Ils feraient mieux de travailler.

M. Grégory Blanc.  - Tous demandent le maintien de normes environnementales très ambitieuses, mais du bon sens dans leur application. La simplification, ce n'est pas moins de normes ; c'est moins de paperasse. Par ailleurs, il faut plus de contrôles sur site, pour s'assurer que l'argent public est bien employé.

Les parcours de rénovation sont fracturés, alors que nous avons besoin de stabilité. Il faut cesser le stop and go sur MaPrimeRénov' - je pense en particulier à l'exclusion des monogestes. Le secteur du bâtiment a perdu 40 000 emplois en deux ans.

Sous sa forme actuelle, la qualification « reconnu garant de l'environnement » (RGE) est un facteur de fraudes et un frein pour les TPE et la massification. Les discussions avec le ministère sur le sujet sont bloquées. Quand prendrez-vous un décret pour réformer ce dispositif, afin qu'il soit tout aussi ambitieux écologiquement, mais plus simple ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement .  - Nombre d'entrepreneurs et artisans manifestent aujourd'hui leurs inquiétudes face à la baisse des chantiers et aux difficultés liées à la paperasse. Oui, il faut simplifier les démarches. En particulier, nous devons ouvrir plus largement les enjeux autour du RGE, afin de faciliter l'amélioration de l'habitat, notamment sur le plan thermique.

Le Gouvernement mobilise 4,6 milliards d'euros pour l'Agence nationale de l'habitat. MaPrimeRénov' est non seulement maintenue, mais voit ses objectifs rehaussés - autour de 120 000 rénovations. Vous avez raison, le stop and go est délétère.

Pour que cet effort se concrétise et pour aider nos artisans, il est essentiel qu'un budget soit voté. (M. François Patriat applaudit.)

M. Grégory Blanc.  - Il faut un budget, mais il faut un budget pour MaPrimeRénov' ! Réintégrons les monogestes, relevons nos ambitions en matière de rénovation. C'est ainsi que nous serons au rendez-vous de la neutralité carbone. Seules 10 % des entreprises du bâtiment ont le label RGE : il est urgent de l'ouvrir davantage. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Rémi Cardon applaudit également.)

PLF pour 2026 (I)

M. Mathieu Darnaud .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier Ministre, vous avez souhaité que le Parlement et le Sénat soient au coeur de la fabrique du budget. Jugez-vous acceptables les propos...

Une voix à droite. - ... scandaleux !

M. Mathieu Darnaud.  - ... du ministre de l'économie, pointant le Sénat comme responsable de la dégradation des finances publiques ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Je le dis avec gravité : durant plusieurs mois, nous nous sommes attachés ici à fabriquer un budget responsable qui soit au rendez-vous de la trajectoire (vives protestations à gauche et sur quelques travées du RDPI), qui permette de réduire, de supprimer 8 milliards d'euros d'impôts supplémentaires (mêmes mouvements), car le budget ne peut être construit en faisant les poches des Français, des entreprises et des collectivités.

Une voix à gauche. - Et les riches ?

M. Mathieu Darnaud.  - Si le budget est dégradé, c'est à cause de l'amendement du Gouvernement qui porte le déficit à 5,3 points de PIB.

M. Rachid Temal.  - C'est vous !

M. Mathieu Darnaud.  - Plutôt que de vous ériger en censeur, comme le ministre de l'économie, allez-vous mettre sur la table de nouvelles sources d'économies ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - Votre question me permet de faire un point d'étape sur la suite des opérations pour donner un budget à la France d'ici à la fin de l'année. Le Gouvernement respecte et respectera toujours le Parlement. (On ironise à droite.)

Le respecter, c'est faire en sorte que les parlementaires soient responsables de ce qu'ils ont voté. (Mme Florence Blatrix Contat s'en amuse et applaudit.)

Ensuite, il y a une réalité, notre déficit. Avant moi, François Bayrou et Michel Barnier s'y sont attelés.

M. Rachid Temal.  - Sans succès.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Je leur rends hommage. Certains instruments fiscaux dénoncés aujourd'hui étaient dans les copies de mes prédécesseurs ; il a fallu les accepter même si je n'étais pas d'accord.

À quelques encablures de la CMP, la situation est difficile, car les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sont éloignées. (On le confirme à gauche.) La CMP est toutefois l'outil qui, sans le Gouvernement, permet de faire converger les choses. Je suis un défenseur du bicamérisme et, souvent dans notre histoire, des positions qui pouvaient apparaître très éloignées avant la CMP ont réussi à converger en son sein.

Néanmoins, la situation est compliquée, parce que les positions sont très difficilement identifiables. Au sein de cet hémicycle, c'est plus clair, mais à l'Assemblée nationale... Je rends hommage à Jean-François Husson et à Philippe Juvin, les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, et à la ministre des comptes publics Amélie de Montchalin, dont la tâche est difficile. Le Gouvernement s'est tenu à la disposition de tous. (M. Jacques Grosperrin s'exclame.)

Parfois, les positions sont difficiles au sein même des groupes et des partis politiques.

M. Rachid Temal.  - Pas Les Républicains, par hasard ?

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Les socialistes aussi. Je ne le dis pas avec malice.

M. Patrick Kanner.  - Oh non !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Cette fragmentation de la vie politique se retrouve dans le budget.

M. Olivier Paccaud.  - Le budget d'Olivier Faure !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - C'est le budget du Gouvernement tel qu'amendé par le Parlement. Nous sommes entre gens responsables, ici : il n'y a pas de groupe LFI ni RN.

M. Loïc Hervé.  - Encore heureux !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Et nous nous battrons pour que cela dure. La CMP devra donc travailler sur deux copies, celle, initiale, du Gouvernement et celle du Sénat. L'Assemblée nationale n'a examiné que les recettes. Il y a une désynchronisation avec le Sénat, qui a regardé l'intégralité du PLF.

Reste qu'il nous faut un budget avant la fin de l'année. Je l'ai dit ce matin aux ministres : d'ici à vendredi, nous devons nous plier en six pour accompagner les parlementaires sur des voies de compromis. (M. Olivier Paccaud ironise.) Il faudra plus de clarté et plus de dialogue. Je ne divulguerai rien, mais je suis frappé de voir le peu de dialogue entre certains. La CMP se tient dans 48 heures ! Je demande depuis plusieurs jours une CMP à blanc, mais nous avons eu peu de succès sur tous les bancs à l'Assemblée nationale.

M. Mathieu Darnaud.  - Ici, nous sommes au Sénat !

Mme Frédérique Puissat.  - Ici, vous en avez eu !

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - Certes, mais le bicamérisme, ce sont deux chambres.

Le vote démarrera mardi matin par le Sénat, ensuite à l'Assemblée nationale. Je ne cherche pas de soutien, mais un peu de bienveillance et éviter le désordre. Les municipales ont lieu en mars, le monde économique est inquiet ; nous devrons donc y arriver avec le souci de l'intérêt général. Puisqu'il vous reste du temps de parole, quels sont les éléments de fond que le groupe Les Républicains peut mettre sur la table qui permettent aux autres groupes de cet hémicycle et de l'Assemblée nationale d'avancer ? (On s'amuse à gauche.)

Chacun doit faire un pas au service de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER ; MM. Bernard Fialaire et Marc Laménie applaudissent également.)

M. Mathieu Darnaud.  - J'aurais du mal à résumer en 30 secondes ce que nous avons mis six mois à bâtir.

Chers collègues de gauche, comme le disait Pierre Mendès France, gouverner, c'est choisir.

Mme Monique Lubin.  - Exactement !

M. Mathieu Darnaud.  - Il faut faire un choix entre ceux qui veulent la taxe et la surtaxe (exclamations sur les travées du groupe SER) et ceux qui veulent faire des économies...

M. Patrick Kanner.  - En faveur des plus aisés !

M. Mathieu Darnaud.  - ... pour donner un budget à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

Santé mentale en outre-mer

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il y a quinze jours, en Guadeloupe, un psychiatre a perdu la vie au Gosier, tué par un patient au sein d'un centre médico-psychologique (CMP). Ce drame absolu n'est pas un fait divers : c'est le symptôme d'un système de santé mentale à bout de souffle.

Dimanche dernier, une ancienne députée, ancienne coordinatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes en outre-mer, ainsi qu'une citoyenne, ont été sauvagement agressées au Moule. Il faut protéger ceux qui soignent comme ceux qui sont soignés.

L'établissement public de santé mentale (EPSM) de Guadeloupe prend en charge 20 % de patients de plus qu'en 2019. Mais les moyens ne suivent pas. Dans nos outre-mer, près de quatre jeunes sur dix souffrent de dépression, un sur deux en Guyane.

Le plus grave, c'est le silence. Seuls 30 % des jeunes osent consulter, par peur de la stigmatisation, mais aussi parce que l'offre de soins est illisible, fragmentée et inaccessible. C'est le parcours du combattant, au lieu de la main tendue.

L'ARS ne peut se contenter d'une gestion comptable. Quand doterez-vous l'EPSM de moyens humains et financiers suffisant ? Quelles mesures d'urgence allez-vous déployer pour que la santé mentale des jeunes ultramarins cesse d'être une fatalité et que nos soignants puissent exercer sans risquer leur vie ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du GEST ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Je m'associe à votre hommage au psychiatre assassiné et j'assure Justine Bénin de mon plein soutien.

Ces événements montrent que les enjeux de santé mentale sont prégnants. D'où le renouvellement de la santé mentale comme grande cause nationale en 2026. (M. François Bonhomme ironise.)

Face à l'augmentation des troubles psychiatriques, les financements pour la santé mentale augmentent aussi. Quelque huit régions ont bénéficié d'un rattrapage financier, dont la Guadeloupe. Au total, 12 millions d'euros ont été alloués aux outre-mer.

Les EPSM ont besoin de moyens supplémentaires. Mais le défi, c'est le recrutement : nous faisons face à des pénuries durables, pour lesquelles l'État se mobilise via des dispositifs d'attractivité.

En ce qui concerne la prise en charge des plus jeunes, nous renforçons les maisons des adolescents, les équipes mobiles en pédopsychiatrie, l'intervention des professionnels de santé mentale en milieu scolaire et les repérages précoces. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)

PLF pour 2026 (II)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Revenons sur les propos de M. Lescure, ministre de l'économie - et non des finances, dont le pilotage semble assuré par Mme de Montchalin.

Lundi, il a dit, en bon français : « Houston, we have a problem ». En bon Picard, je le confirme : Yes, we have a problem, monsieur le ministre ! (Rires à droite) Ce problème, c'est le mépris persistant à l'égard du Parlement et, plus encore, du Sénat. Il doit cesser.

Un exemple : l'amendement de la commission des finances tirant les conséquences de la gestion du plan France 2030, marquée depuis deux exercices par des surestimations manifestes. Vous avez vous-même proposé en fin de gestion l'annulation successive de 1,2 milliard, puis 1,6 milliard d'euros. Sur la base des éléments transmis au Sénat par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), nous avons donc proposé de sincériser les crédits à hauteur de 1 milliard d'euros.

Les informations erronées, pour ne pas dire fallacieuses, diffusées par certains services relevant du Premier ministre ne sont pas acceptables. Elles constituent une forme de mépris institutionnel à l'égard du Parlement, sans oublier le manque de transparence dans la gestion de ces fonds et l'absence ou l'insuffisance de publication des documents de contrôle.

Pourriez-vous rappeler que c'est le Parlement qui décide et le Gouvernement qui exécute ? (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur des travées du groupe UC)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - On peut être en désaccord sans être dans le mépris.... (Exclamations ironiques à droite) Les amendements sont effectivement des amendements de sincérité, et non de manipulation.

Permettez-moi de rappeler quelques faits, car il y a eu beaucoup de désinformation. Le Gouvernement a proposé des amendements de coordination tirant les conséquences de l'adoption du PLFSS - je le dis sous le contrôle du président Alain Milon et de la rapporteure générale Élisabeth Doineau -, qui prévoit des transferts entre État et sécurité sociale...

Mme Frédérique Puissat.  - Exactement !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - ... pour 4,6 milliards d'euros.

M. Max Brisson.  - Ce n'est pas la question !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Sans esprit de polémique, je rappelle que le Sénat avait proposé, dans sa version du PLFSS, des transferts de 5,7 milliards d'euros. C'est l'un des compromis transpartisans qui ont émergé à l'Assemblée nationale entre le groupe centriste, le groupe LIOT, les écologistes et le rapporteur général Thibault Bazin, membre des Républicains.

Nous avons fait les comptes : le déficit à 5,3 % du PIB est la conséquence de vos votes sur la première partie du texte. (On le conteste à droite.)

M. Max Brisson.  - Et France 2030 ? Répondez à la question !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - J'ai sincérisé la copie de France 2030 avec le ministre Lescure pour nous assurer que tous les engagements seraient tenus, mais qu'il n'y aurait pas d'excédent de trésorerie dans les différents budgets. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Laurent Somon.  - Que de lobbying sur cet amendement ! On ne compte pas le nombre de parlementaires sollicités pour s'opposer à cette diminution de crédits, parfois de manière insistante. Tous l'ont été sur la base d'informations erronées et de contre-vérités, voire de raccourcis grossiers - à l'exception du rapporteur général et du rapporteur spécial, que je connais bien... (Sourires)

Ces méthodes d'un autre temps traduisent un mépris du Parlement. J'espère que nous n'aurons plus à les subir. Fondons notre travail sur la transparence et la confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Guislain Cambier applaudit également.)

Fonction publique dans les outre-mer

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 27 juin 2024, vos prédécesseurs ont publié un décret modifiant le régime des congés maladie des fonctionnaires et contractuels de la fonction publique, dont la déclinaison outre-mer est une véritable catastrophe.

En excluant la prime de vie chère du régime indemnitaire, vous créez un énorme préjudice financier, et peut-être des drames humains, pour des milliers de fonctionnaires, qui perdront de 67 % à 100 % de leurs primes, avec application rétroactive et une saisie sur salaire à compter du 1er janvier 2026. Ces personnes atteintes de pathologies graves et lourdes, dont des cancers, très prévalents dans nos territoires, subiront de plein fouet l'obsédant problème de la vie chère.

C'est un outil cynique de régulation budgétaire. Désamorcez cette bombe sociale en excluant du régime indemnitaire la prime de vie chère, au même titre que l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement (SFT). J'ai dit ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Depuis l'accord signé en octobre 2023 par six des sept organisations syndicales représentatives, traduit par un décret de juin 2024, nous avons apporté des garanties supplémentaires pour les congés maladie de longue durée, dont les bénéficiaires étaient exposés à des risques de récupération en cas d'indus. Cet accord a permis le maintien de 33 % de la majoration la première année, 66 % la deuxième et la troisième.

Pour la fonction publique d'État, des travaux ont été mis en place sur la protection sociale complémentaire (PSC), ministère par ministère. Cela permet d'apporter des solutions pour les arrêts maladie de courte durée.

Je salue le vote conforme de l'Assemblée nationale et du Sénat pour l'extension de la PSC en matière de prévoyance à la fonction publique territoriale en outre-mer. Mme Moutchou et moi-même sommes à votre disposition.

M. Victorin Lurel.  - J'ai dit, mais vous n'avez pas entendu : l'accord a été signé par des centrales nationales qui ont totalement ignoré les outre-mer. La fronde sociale couve et va s'intensifier. Faites venir une délégation des syndicalistes ultramarins dans votre bureau. Les écailles vous tomberont des yeux et vous vivrez une épiphanie... (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

PLF pour 2026 (III)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Lundi, dans cet hémicycle, le ministre de l'économie a dit : « C'est inacceptable, nous devons sortir de cette ornière ». Dit autrement : la majorité du Sénat est irresponsable. (Protestations amusées sur les travées du groupe SER)

Pour mon groupe, être responsable, c'est réformer plutôt que taxer, c'est arbitrer entre des politiques publiques. En un mot, c'est gouverner.

Alors oui, les sénateurs irresponsables de la majorité sénatoriale vous ont proposé des pistes de réforme : sur les agences de l'État, sur la fonction publique, sur la fiscalité énergétique, sur le logement, sur les collectivités locales, une indexation différenciée du barème de l'impôt sur le revenu, une mesure sur les retraités les plus aisés. Ces sénateurs irresponsables ont fait preuve de courage et de créativité. (Exclamations sur les travées du groupe SER ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est l'art de la politique selon Vauban.

Monsieur le ministre, quelle est votre définition d'un homme politique responsable ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - (Huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Yannick Jadot.  - On croirait les insoumis !

M. Roland Lescure, ministre.  - J'ai eu l'impression, un instant, de me retrouver à l'Assemblée nationale... (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et sur plusieurs travées du RDSE ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Assumez !

M. Roland Lescure, ministre.  - Merci de me permettre de répondre aux interpellations relatives à mon intervention de lundi soir.

Cela fait huit ans que je suis élu ou membre du Gouvernement.

M. Fabien Genet.  - C'est le problème !

M. Roland Lescure, ministre.  - J'ai toujours répondu aux interpellations avec respect, franchise, sincérité et conviction. (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP) Si vous avez entendu que je traitais quiconque d'irresponsable (« oui » sur les travées du groupe Les Républicains), c'est soit que je me suis mal exprimé, soit que nous avons un dialogue de sourds, ce que je regrette.

Une voix à droite.  - Trop tard !

M. Roland Lescure, ministre.  - Ce que j'ai dit lundi, c'est que si l'on souhaite un budget qui puisse être voté par les deux chambres, il faut que tout le monde fasse des efforts.

M. Olivier Paccaud.  - Les socialistes aussi. (Protestations sur les travées du groupe SER)

M. Rachid Temal.  - Ils en font !

M. Roland Lescure, ministre.  - On peut se renvoyer sans cesse la balle - mais si l'on aboutit à un budget affichant un déficit à 5,3 % du PIB, ce sera effectivement irresponsable.

M. Stéphane Sautarel.  - C'est de votre faute !

M. Max Brisson.  - C'est vous, le Gouvernement !

M. Roland Lescure, ministre.  - Si l'on additionne le PLFSS voté à l'Assemblée nationale et le PLF issu du Sénat, le déficit est à 5,3 %. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Husson proteste avec véhémence.)

Je vous réponds sur la base de faits, de chiffres. Le budget présenté par le Gouvernement additionné au PLFSS nous mettait à 5 % de déficit. Nous sommes actuellement à 5,3 %. Il va falloir faire des efforts. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Christine Lavarde.  - Nous, nous continuerons à être responsables en refusant de sacrifier l'avenir pour satisfaire le présent. (Mme Audrey Linkenheld ironise.) Je vous invite à l'être en utilisant le 49.3, c'est la seule solution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet et M. Guislain Cambier applaudissent également.)

Programmation pluriannuelle de l'énergie

M. Patrick Chauvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) J'associe Vincent Delahaye à ma question.

La France n'a toujours pas de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). C'est insensé. Nous ne savons pas où nous allons. Nos documents énergétiques sont obsolètes ; nombre d'appels d'offres sont en attente, notamment sur l'éolien en mer ; le monde de l'énergie renouvelable est en partie bloqué. La PPE a failli être adoptée en catimini en mai dernier, puis fin juillet.

Où en est-on ? Pourquoi la PPE est-elle encore en attente ? Est-elle prête ? Les propositions du Sénat seront-elles prises en compte ? Lesquelles ? Ou bien la PPE est-elle encore en cours d'élaboration ? Si oui, dans quel sens ? Avec qui négociez-vous ?

Lors des dernières questions d'actualité, un collègue sénateur vous a remercié pour « l'attention que vous lui portez au quotidien ». Ni moi ni Daniel Gremillet ne pouvons en dire autant. Ces attentions sont-elles en lien avec la PPE ? Pourquoi tant de mystère ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique .  - C'est mon jour... (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

La PPE est en cours de finalisation. RTE vient de publier une actualisation de ses projections de demande d'électricité, en les revoyant nettement à la baisse. Nous réajustons donc nos prévisions pour adapter la PPE à ces nouveaux éléments.

Tous les parlementaires font l'objet de ma plus grande attention. Depuis que le Premier ministre m'a chargé de la réflexion sur le sujet, j'ai échangé avec Daniel Gremillet ; sa proposition de loi poursuit son chemin, mais ce n'est plus le même objet depuis l'examen à l'Assemblée. J'ai consulté tous les groupes politiques pour comprendre les positions. Je ferai des propositions au Premier ministre dans les jours qui viennent, et nous aurons l'occasion d'échanger.

Nous nous retrouvons tous, je pense, autour de la nécessité pour la France d'avoir une énergie décarbonée, souveraine - car 60 % de notre énergie est importée et carbonée - et forte, qui nous permette de réindustrialiser. (M. François Patriat applaudit.)

M. Patrick Chauvet.  - Je vous encourage au dialogue et à la concertation.

M. Roland Lescure, ministre.  - Avec grand plaisir.

M. Patrick Chauvet.  - Souhaitons que l'énergie ne soit pas une énième victime collatérale du marasme politique actuel ni ne fasse l'objet de marchandages étrangers à l'intérêt de la nation. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

PLF pour 2026 (IV)

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, je souhaite revenir sur les propos tenus ce lundi au Sénat par votre ministre de l'économie. (Protestations sur les travées du groupe SER)

Dressons le bilan, à date, entre la copie du Gouvernement et celle du Sénat. Votre bilan, monsieur le Premier ministre, c'est d'avoir tout cédé à la gauche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; « Ah ! » à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Si seulement !

Mme Sophie Primas.  - Fin du prélèvement forfaitaire unique, suspension de la réforme des retraites, recul du gel budgétaire, etc.

Le bilan du Sénat ? Suppression de 8 milliards d'euros de hausses d'impôts et de taxes ; effort des collectivités territoriales ramené à 2 milliards d'euros ; fin du Dilico pour les communes.

M. Olivier Paccaud.  - Tant mieux !

Mme Sophie Primas.  - Notre groupe a proposé 6 milliards d'euros d'économies, dont 4 milliards ont été adoptés.

Sur le logement, nous avons créé le statut du bailleur privé ; ...

Mme Frédérique Puissat.  - Très bien !

Mme Sophie Primas.  - ... rendu 400 millions d'euros de marges d'investissement aux bailleurs sociaux ; exclu l'investissement locatif de l'IFI pour inciter les classes moyennes à investir dans la pierre ; étendu le bail réel solidaire pour permettre l'accession à la propriété.

Des mesures utiles, concrètes, au service du quotidien des Français, de la production française et de la TVA.

Monsieur le Premier ministre, à la veille de la CMP, allez-vous considérer le travail responsable et constructif du Sénat plutôt que de le laisser dénigrer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Je ne suis pas celle à convaincre de l'utilité du Sénat ni de ses très bonnes idées. Je le rappelle : le Gouvernement n'est pas présent dans la CMP. (M. Mathieu Darnaud ironise.) Ce sont ses membres qu'il faut convaincre que ces mesures peuvent être embarquées dans le compromis, et que chacun, des Républicains jusqu'aux socialistes, peut faire un pas pour aboutir à un déficit à 5 %.

La question, c'est : l'ordre ou le désordre ? Le Premier ministre a choisi la stabilité. Nous avions une alternative : dialoguer avec le Parti socialiste et les forces de gauche républicaines (« ah ! » sur les travées du groupe SER) ou dialoguer avec le Rassemblement national.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - C'est ce que vous préférez ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Nous avons choisi de ne pas travailler avec ce dernier (« très bien ! » ; applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST et du RDSE ; M. Ludovic Haye applaudit également) mais, en conscience, avec les premiers.

Ce faisant, nous restons fidèles à des valeurs que nous avons en partage. Le gaullisme n'a jamais été complaisant avec l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Laissez le général de Gaulle tranquille !

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - L'alternative au compromis, c'est l'absence de budget. Or sans budget, pas de stabilité, pas de France forte dans un monde qui s'arme, pas de réponse aux crises.

M. Max Brisson.  - 49.3 ! 49.3 ! 49.3 ! (On renchérit à droite.)

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Monsieur le sénateur, le 49.3 n'est pas un outil que l'on peut utiliser au Sénat, jusqu'à nouvel ordre. Seul le Premier ministre peut l'enclencher. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDPI)

Mme Sophie Primas.  - Nous choisissons l'ordre, mais ne renierons pas l'essentiel. Nous vous demandons que les conclusions de la CMP soient votées à l'Assemblée nationale, quitte à utiliser le 49.3. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre.  - La balle est dans votre camp !

Aide sociale à l'enfance

Mme Marion Canalès .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Vingt mille enfants de moins de 5 ans bénéficient chaque année d'une première mesure de protection. Plus de 600 enfants de 0 à 2 ans sont accueillis après avoir subi des violences sexuelles : deux bébés par jour, c'est effroyable. Les violences et négligences graves ont des conséquences irréversibles sur le développement des tout-petits - mais la protection de l'enfance peut être efficace, à condition d'intervenir suffisamment tôt.

C'est ce que permet le programme Pégase, expérimenté dans six régions et treize départements. Enfin une bonne nouvelle ! Mais l'arrêté de généralisation auquel travaille le ministère prépare un parcours low cost.

Il n'est pas envisageable de vider le programme Pégase de sa substance. Pouvez-vous nous assurer que cette expérimentation, qui a fait ses preuves, sera généralisée avec la même qualité, les mêmes moyens et la même exigence ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Je remercie les 130 000 professionnels qui oeuvrent pour les enfants confiés à la protection de l'enfance.

Nous ne sommes pas encore à la hauteur des enjeux : 400 000 enfants subissent des délais d'attente trop importants avant d'être placés, ainsi que des retards et des difficultés de scolarisation. Nous devons faire face à de nombreux défis pour répondre aux problématiques de santé, notamment mentale, de proxénétisme...

Je redis l'engagement total de la ministre Rist et du Gouvernement pour avancer avec détermination sur la protection de l'enfance.

Mme Laurence Rossignol.  - Déjà une minute de lieux communs...

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le projet de loi de finances 2026 alloue 55 millions d'euros supplémentaires à cette priorité.

Mme Annie Le Houerou.  - Et Pégase ?

M. Rachid Temal.  - Généralisation ou pas ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Dès 2026, le parcours coordonné de soins pour les enfants sera mis en place, notamment en santé mentale. L'objectif est bien d'en garantir la qualité.

Pour autant, il faut aussi des efforts plus structurels : l'ensemble de la politique de protection de l'enfance doit être retravaillé. Les ministres Rist et Darmanin ont annoncé un projet de loi de refondation...

M. Rachid Temal.  - Généralisation de Pégase ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - ... visant à replacer le parcours de vie de l'enfant au coeur du système. Mme Rist réunira début 2026 un comité de pilotage qui associera les parlementaires et vous-même, madame la sénatrice.

Mme Marion Canalès.  - Je ne vous demandais pas un grand exposé sur la protection de l'enfance ! Ma question était simple : allez-vous généraliser le programme Pégase, qui a fait ses preuves, avec les mêmes exigences qu'à son lancement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mmes Michelle Gréaume et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

PLF pour 2026 (V)

M. Cédric Vial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Premier ministre avait fixé deux priorités : donner un budget à la France et faire des économies. Or nous nous dirigeons vers une loi spéciale, et il n'y aura pas d'économies. Les lourdes concessions consenties au Parti socialiste, dont l'abandon de la réforme des retraites, l'ont été sans contrepartie en termes d'économies.

Mme Frédérique Puissat.  - Absolument !

M. Cédric Vial.  - Votre position n'est-elle pas la seule chose que vous ayez réussi à sauver ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Le temps presse, il nous reste 48 heures avant la CMP. Chacun conviendra qu'un pays va mieux quand il a à la fois un budget et un gouvernement. Les citoyens, les entreprises, les familles ne peuvent se projeter sans.

Le Premier ministre nous a demandé quel était notre objectif : jouer les présidentielles de 2027 ou travailler pour les Français. Si nous sommes là, c'est que nous voulons travailler pour les Français, maintenant.

Le PLFSS voté hier contient plus d'économies que les trois précédents, imposés par 49.3 : 4,6 milliards d'euros, contre 4,3 milliards en 2025, 3,5 milliards en 2023, 1,7 milliard en 2022... Revenons aux faits, contre la désinformation.

Pour réussir la CMP dans des délais très contraints, il faut qu'il y ait des échanges entre sénateurs et députés, entre les partis (M. Olivier Rietmann s'exclame), une méthode.

Dans les communes, dans les départements, dans les entreprises, les Français savent trouver des accords. Pourquoi n'y parviendrions-nous pas ? Nous avons su trouver une majorité sur le PLFSS, dans une Assemblée nationale fragmentée, des Républicains jusqu'aux écologistes. (M. Mathieu Darnaud proteste.) Pour le budget, pour nos armées, pour la justice, pour l'intérieur, pour l'agriculture, nous pouvons et devons faire de même. (MM. Marc Laménie, Henri Cabanel et Bernard Fialaire applaudissent.)

M. Cédric Vial.  - Nous aurions aimé entendre le mot « pardon ». (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER) Pardon pour la dissolution inexplicable, pour le chaos qu'elle a entraîné. Pardon d'avoir noyé le pays sous le flot de la dette et du déficit. Pardon pour les propos inexcusables de M. Lescure. (Exclamations sur les travées du groupe SER ; MM. Victorin Lurel et Yannick Jadot lèvent les bras.)

Mme Laurence Rossignol.  - Les Républicains sont de petites choses fragiles...

M. Cédric Vial.  - Pardon pour les prélèvements préjudiciables sur le dos des collectivités, qui assument pourtant leurs responsabilités. Pardon pour les tergiversations indéfendables sur la politique énergétique. Pardon pour votre inconstance irresponsable sur la jeunesse, l'audiovisuel ou l'éducation.

Mme Laurence Rossignol.  - Nous ne sommes pas à la messe !

M. Cédric Vial.  - Pardon pour votre naïveté coupable en matière d'immigration ou de sécurité. Pardon pour votre incurie dans l'accompagnement des enfants en situation de handicap. (Exclamations moqueuses sur les travées du groupe SER) Pardon pour la situation inextricable dans laquelle vous avez plongé notre pays !

M. le président.  - Il faut conclure. (Rires sur les travées du groupe SER)

M. Cédric Vial.  - Mais vous n'assumez rien et ne changerez donc rien. Le Sénat n'y pourra rien. C'est aux Français que je dis : pardon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Kanner.  - C'est le Grand Pardon !

Accord UE-Mercosur

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La colère gronde chez les agriculteurs français et européens. Ils l'exprimeront demain devant le Conseil européen. Les principaux irritants sont : la crise de la dermatose, les inquiétudes sur la future PAC, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour les engrais, et enfin la signature imminente de l'accord UE-Mercosur, que la Commission européenne veut imposer.

Hier, le Sénat a émis un signal fort en enjoignant au Gouvernement de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, car nous jugeons la méthode de la Commission antidémocratique et dangereuse. Nous avons retenu des propos du ministre Forissier que le Gouvernement ne le souhaitait pas. C'est pourtant un élément du rapport de force et la garantie du respect des procédures. Les deux assemblées vous ont envoyé le même message. Pourquoi refuser d'y répondre, et risquer, en sus de la fronde des agriculteurs, une fronde du Parlement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Premier ministre comme la ministre de l'agriculture l'ont dit très clairement : la France considère que les conditions ne sont en aucun cas réunies pour un vote sur l'accord UE-Mercosur. Si la Commission passait en force, la France voterait non et s'opposerait avec fermeté.

Mme Kristina Pluchet.  - Ça ne suffit pas !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - C'est une question de justice et de considération envers un monde agricole en crise, mais aussi un enjeu de souveraineté alimentaire, qui est une composante essentielle de la souveraineté européenne.

Nous n'avons pas retenu l'option de la saisine de la Cour de justice, car elle n'est pas suspensive de la procédure en cours. Mais nous sommes mobilisés, Président de la République, Premier ministre et Gouvernement, pour obtenir des concessions de la part de la Commission européenne au service de nos agriculteurs. Certaines ont été obtenues.

Mme Kristina Pluchet.  - Pipeau.

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Nous avons enregistré des succès.

Mme Kristina Pluchet.  - Rien de concret.

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Ainsi de la clause de sauvegarde, adoptée hier de manière transpartisane au Parlement européen. Ainsi des mesures miroirs, des limites maximales de résidus, sur lesquelles nous attendons que la Commission prenne des engagements fermes.

Mme Kristina Pluchet.  - Inapplicables !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Ainsi des dispositifs de contrôle, dont le commissaire a annoncé le renforcement.

Mme Kristina Pluchet.  - Impossible !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Nous attendons le résultat concret.

Il y a aussi des conquêtes que nous irons chercher avec les dents, comme la future PAC, qui doit être sanctuarisée dans ses moyens.

Dans ces combats, la France n'est pas seule. La Hongrie, la Pologne, l'Autriche et même la présidente du Conseil italien s'allient à nous pour défendre nos agriculteurs. (M. Bernard Fialaire applaudit.)

M. Jean-François Rapin.  - Tout cela, je le sais déjà.

Refuser la saisine de la Cour de justice au motif qu'elle ne serait pas suspensive est une erreur. C'est une arme offensive !

Quant à la présidente du Conseil italien, elle a seulement dit qu'un report pouvait s'imposer, mais jamais qu'elle s'opposerait à l'accord.

Le Parlement, à la quasi-unanimité, demande la saisine de la Cour de justice : saisissez-la, nom d'un chien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 30.

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 40.

Dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assouplir les contraintes à l'usage de dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation et à sécuriser l'action des forces de l'ordre, présentée par M. Pierre Jean Rochette et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe INDEP.

Discussion générale

M. Pierre Jean Rochette, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Une voiture, un téléphone et une arme : c'est le parfait kit de base du criminel en 2025. Ce sont autant de pistes à exploiter pour les forces de l'ordre, mais encore faut-il leur en donner les moyens.

Cela a été fait pour le bornage téléphonique, acte banal, mais essentiel à la résolution de nombreuses enquêtes. Il est indispensable de doter les forces de l'ordre d'un outil opérationnel pour traquer les déplacements des criminels - les dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi) répondraient à ce besoin.

Ces dispositifs, des algorithmes de lecture automatique des plaques d'immatriculation, ne sont que 650 en France : c'est trop peu. Ils sont utilisés par les douanes, la police nationale et la gendarmerie, et revêtent un intérêt tout particulier lorsque la nature de l'infraction nécessite la plus grande réactivité - attaques terroristes, alertes enlèvement, tentatives de viol - ou concerne des flux importants.

Ces dispositifs limitent l'engagement humain et la prise de risque. Au Royaume-Uni, les Lapi sont à l'origine de 80 % des interventions policières. Aux États-Unis, ils enregistrent 50 millions de plaques d'immatriculation par jour. En France, ils ne sont pas utilisés à plein potentiel, en raison d'un usage limité à un nombre trop restreint d'infractions, de délais de conservation trop courts et d'un manque de matériel.

Ce texte entend libérer le potentiel de cette technologie par un assouplissement raisonnable et réaliste de la réglementation.

Le code de la sécurité fixe une liste exhaustive d'infractions pour lesquelles le recours aux dispositifs Lapi est autorisé. Plutôt qu'une liste incomplète vite obsolète, j'avais initialement proposé un seuil de gravité à partir duquel l'usage des Lapi serait autorisé. L'élargissement de la liste exhaustive proposé par le rapporteur constitue un bon compromis. Dans tous les cas, ces dispositifs n'ont pas vocation à être utilisés pour de petites infractions du quotidien.

La France se distingue dans l'Union européenne par un délai de conservation des données particulièrement court : quinze jours, portés à un mois en cas de rapprochement positif. Or cela va à l'encontre de leur usage pour des infractions graves, par nature difficiles à combattre. Les enquêteurs le disent : un délai court permet de résoudre des enquêtes de courte durée, tandis que des affaires complexes nécessitent des délais plus longs. L'allongement du délai à un mois, pouvant aller jusqu'à deux mois en cas de rapprochement positif serait une avancée.

Le modèle belge est intéressant : le délai initial d'un mois peut être prolongé jusqu'à un an en cas de rapprochement positif, sous réserve de la validation par un juge. Ce mécanisme donne de vraies latitudes aux enquêteurs tout en préservant la vie privée. C'est cet équilibre qui doit être recherché. C'est d'ailleurs ce principe qui est appliqué en France pour l'accès aux données téléphoniques.

La technologie Lapi n'a d'intérêt que si elle est accompagnée d'un maillage fin de caméras de bonne qualité. Or, actuellement, le parc étatique n'est composé que de 650 dispositifs contre 5 000 en Belgique, 18 fois plus petite que la France, et 13 000 au Royaume-Uni, deux fois plus petit ! S'y ajoute la vétusté du matériel : de nombreuses caméras vieilles de dix ans affichent un taux de déchet d'images atteignant 40 %.

L'article 3 prévoit le conventionnement des communes avec les forces de l'ordre pour installer des Lapi. Cela va dans le bon sens, mais passe à côté du gisement précieux que sont les péages. Je proposerai d'étendre le conventionnement aux sociétés d'autoroutes.

Le texte adopté en commission permet des avancées considérables, conciliant vie privée et intérêt de l'enquête.

Je remercie l'excellent rapporteur Christophe-André Frassa (exclamations sur diverses travées) pour nos échanges constructifs. Le compromis équilibré que nous avons trouvé envoie un signal positif quant aux débats de ces prochaines années sur la conciliation entre développement technologique et libertés publiques. Aujourd'hui, nous débattons des Lapi. Demain, ce sera de l'intelligence artificielle. Enfin, je remercie le ministre de l'intérieur et son cabinet pour leur implication et l'engagement de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que du RDPI)

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois .  - Certains connaissent bien le dispositif Lapi, algorithme de lecture automatique des plaques d'immatriculation, puisque les collectivités territoriales l'utilisent depuis longtemps pour contrôler le stationnement payant. Il peut être mis en oeuvre par les forces de sécurité intérieure pour préserver l'ordre public, lors de grands rassemblements, ou contre le terrorisme, ainsi que pour faciliter la constatation, le rassemblement de preuves et la recherche d'auteurs d'infractions limitativement énumérées.

Mes échanges avec les forces de l'ordre ont mis en lumière la grande utilité opérationnelle de cet outil dans les enquêtes.

La proposition de loi de l'excellent Pierre Jean Rochette (exclamations et sourires sur les travées du groupe INDEP) a pour objectif d'accroître l'utilisation des dispositifs Lapi par les forces de sécurité intérieure.

L'article 1er, dans sa version initiale, élargissait leur utilisation à la lutte contre l'ensemble des crimes et des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, soit plus de 2 300 délits. Si la commission s'est montrée favorable à l'élargissement du champ infractionnel, elle l'a circonscrit, pour éviter toute atteinte au respect de la vie privée. L'usage des Lapi ne lui a pas paru utile pour des infractions telles que la dénonciation calomnieuse ou le harcèlement scolaire. La commission a limité l'élargissement aux seules infractions pour lesquelles les Lapi seront utiles, comme le vol aggravé, l'évasion ou l'aide à l'entrée ou au séjour irréguliers. Nous présenterons un amendement pour inclure dans cette liste les infractions d'escroquerie et de soustraction d'enfant.

L'article 2 double la durée de conservation des données, de quinze jours à un mois. En cas de correspondance avec un fichier existant, la durée serait portée à deux mois. La commission a adopté cet article sans modification, considérant les durées proportionnées. Cet allongement est justifié par de réelles contraintes opérationnelles.

De nombreuses garanties existent : la consultation des données est par exemple interdite s'il n'y a pas de correspondance avec un fichier. Le dispositif proposé respecte la vie privée tout en facilitant les investigations.

L'article 3 rendait initialement le dispositif Lapi obligatoire, à partir de 2028, pour toutes les caméras de vidéoprotection. Nous avons préféré un conventionnement facultatif entre les forces de sécurité intérieure et les autorités publiques compétentes. Les clauses types de ces conventions seraient fixées par décret en Conseil d'État. La commission a pris acte du fait que les acteurs concernés n'étaient pas favorables à l'intégration obligatoire de dispositifs Lapi à l'ensemble des caméras du territoire - comme celles des zones piétonnes des grandes villes. Cette obligation aurait en outre coûté cher à ces collectivités.

La commission a préféré préserver le principe de libre administration des collectivités territoriales, avec un système facultatif permettant le cofinancement des dispositifs Lapi intégrés.

Nous avons abouti à un texte équilibré, qui renforcera l'efficacité de l'action des forces de sécurité intérieure tout en respectant les libertés locales et les exigences constitutionnelles de protection de la vie privée. Sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur .  - Cette proposition de loi donne aux forces de sécurité plus de moyens d'agir. Les dispositifs Lapi sont autorisés depuis une quinzaine d'années contre la criminalité organisée, le vol de véhicules et les infractions au code de la route. Ils facilitent le travail d'analyse et de recoupement, limitant l'engagement direct des forces de sécurité.

Ce texte s'inscrit au carrefour de plusieurs enjeux majeurs : la sécurité routière, la tranquillité publique et la lutte contre les incivilités au volant, tout en veillant au respect de nos libertés publiques.

Je veux souligner la qualité de la co-construction législative qui a présidé à l'élaboration de ce texte. Le Sénat a anticipé les besoins du terrain, en y apportant des réponses concrètes. Je salue l'excellent travail mené par la commission des lois.

Le Gouvernement a eu à coeur de travailler en bonne intelligence avec la chambre haute, dans le respect de l'initiative parlementaire. Ce texte concilie les objectifs initiaux des auteurs de la proposition de loi et les préoccupations du Gouvernement, notamment en matière de respect des principes constitutionnels. La commission a renforcé la robustesse du dispositif législatif. Voilà une illustration parfaite d'une action publique concertée et efficace au service de l'intérêt général.

La vidéoverbalisation est un outil moderne au service de la sécurité routière et de la tranquillité publique. Depuis quelques années, les pouvoirs publics ont entrepris d'élargir ses possibilités.

Ainsi, dès 2018, la liste des infractions routières constatées sans interception a été étendue, afin de diversifier les moyens de lutter contre les accidents tout en soulageant les forces de l'ordre de tâches chronophages. Cela a été bénéfique à la tranquillité publique, puisque lutter contre les incivilités, c'est améliorer la qualité de vie de tous.

Les dispositifs Lapi facilitent l'identification des véhicules, améliorant les capacités d'action et d'investigation des forces de l'ordre. Mieux identifier pour mieux sanctionner : telle est la promesse de cet outil.

M. Bruno Belin.  - Très bien !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Cela favorisera aussi la prévention, car la certitude d'être identifié découragera les comportements illicites.

Les élus locaux attendent depuis longtemps un cadre juridique clair sur ces technologies. Actuellement, les polices municipales ne sont pas autorisées à collecter les plaques d'immatriculation filmées par les caméras, contrairement à la police nationale, la gendarmerie et les douanes.

Le projet de loi qui vous sera soumis prochainement dotera les polices municipales et les gardes champêtres d'outils efficaces pour constater les infractions, en cohérence avec le droit en vigueur.

Les collectivités territoriales peuvent contribuer au financement de caméras Lapi, mais uniquement par le biais de conventions signées avec le ministère de l'intérieur. Cela a pu engendrer insécurité juridique et frustrations sur le terrain. Votre proposition de loi répond utilement à ces préoccupations légitimes en offrant un cadre légal explicite et sécurisé.

Certains pourraient s'étonner de l'essor de ces dispositifs, mais la technologie Lapi est déjà bien ancrée en France : ce n'est pas un saut dans l'inconnu ! On dénombre 484 dispositifs Lapi fixes sur le territoire national, qui repèrent les véhicules volés, surveillent les grands axes, les ports et aéroports, appuient des enquêtes judiciaires. Le maillage technologique existe déjà. Votre proposition de loi optimise et sécurise son emploi.

Certains s'interrogent : jusqu'où aller dans l'usage de la vidéosurveillance automatisée ? Où placer le curseur entre efficacité policière et respect de la vie privée ? Notre ligne de conduite est claire : nous croyons à une utilisation équilibrée des technologies dans le strict respect des droits fondamentaux. Votre proposition de loi y pourvoit. Exit toute tentation d'utiliser ce dispositif pour surveiller indûment les citoyens ou traquer la moindre infraction. (Mme Audrey Linkenheld s'impatiente.)

Le texte initial sanctuarisait l'absence d'usage du Lapi pour les petites infractions, le réservant aux crimes et délits punis de cinq ans d'emprisonnement et plus. La commission des lois a préféré une énumération précise des infractions concernées. Sont notamment visés le terrorisme, le crime organisé, le vol avec violence, l'évasion de détenus dangereux, l'aide à l'immigration clandestine et la contrebande organisée. Nous évitons toute surveillance abusive du grand public.

Les données seront toujours exploitées sous le contrôle de l'autorité judiciaire. En outre, la Cnil sera impliquée. Un arrêté du ministre de l'intérieur fixera des normes techniques à la vidéoprotection, ce qui constituera un gage de protection de la vie privée. De plus, un décret en Conseil d'État encadrera les conventions passées entre collectivités et forces de l'ordre et définira une convention-type.

L'objectif est de concilier efficacité policière, respect des libertés publiques et rationalité de l'action. Nous ne tombons ni dans l'angélisme naïf ni dans une approche sécuritaire aveugle qui négligerait les libertés.

Les technologies ne sont qu'un outil au service de la loi. C'est au législateur d'en définir les conditions d'emploi. Le Gouvernement est favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La technologie Lapi fait partie du quotidien : elle renforce les contrôles aux frontières, facilite le travail des douanes et des enquêteurs. Elle existe depuis plus de quinze ans et son apport est reconnu par tous ceux qui s'en servent. Or, paradoxe bien français, alors que ces technologies se répandent dans de nombreux secteurs, celles qui devraient être au service de notre sécurité restent limitées par un cadre juridique trop étroit. Pendant ce temps, les organisations criminelles évoluent. La route est devenue leur premier outil logistique. Il faut adapter notre droit à la réalité. Le texte de l'excellent Pierre Jean Rochette (M. Pierre Jean Rochette apprécie) répond à cet enjeu sans ajouter de complexité, mais en apportant, au contraire, cohérence et bon sens. Il nous invite à mettre enfin nos dispositifs de sécurité au niveau des menaces actuelles. Nos forces de sécurité disposent trop souvent de moyens insuffisants. Parfois, un véhicule suspect n'apparaît dans une enquête qu'après plusieurs semaines d'investigation ; or, les données ont déjà disparu. Ce décalage nuit à la manifestation de la vérité.

Cette proposition de loi clarifie le périmètre d'utilisation du Lapi, concentré sur les infractions où la mobilité joue un rôle clé. C'est le choix de l'efficacité et de la responsabilité.

Ensuite, le délai de conservation est allongé pour correspondre à la réalité des enquêtes. En effet, les connexions entre lieux, véhicules et individus n'apparaissent pas toujours immédiatement. Les garde-fous demeurent, solides et vérifiables.

Enfin, le texte prévoit un cadre de coopération avec les collectivités territoriales qui respecte leurs libertés. L'objectif est de rendre possible ce qui ne l'est pas suffisamment aujourd'hui.

Il est de notre responsabilité d'écouter ceux qui sont sur le terrain. Le Lapi est un instrument concret de sécurité publique, qui renforce l'expertise humaine et contribue à protéger nos libertés. La sécurité n'est pas un obstacle à la liberté, bien au contraire : elle en est la condition.

L'adoption de ce texte contribuera à mieux protéger les citoyens. Le groupe Les Indépendants le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) La sécurité est la première préoccupation de nos concitoyens. Tout ce qui y concourt doit être envisagé.

Voilà quelques jours, nous débattions de la mission « Sécurités » du PLF, dont je suis le rapporteur spécial. Les forces de l'ordre sont demandeuses de tous moyens de mener à bien leurs investigations.

Le dispositif Lapi a fait ses preuves. La question des libertés publiques est importante : la Cnil et le défenseur des droits peuvent y veiller.

Cet outil n'est ni intrusif ni invasif, mais informatif et dissuasif. Toutes les communes qui ont mis en place la vidéoprotection savent combien c'est efficace pour renforcer la sécurité.

J'apporte donc un soutien total à ce texte.

Des dispositifs similaires existent déjà dans les gares et sur les autoroutes. Le texte doit donc permettre de conventionner avec ceux qui les gèrent pour qu'ils puissent transmettre des informations.

Ce dispositif pourrait apporter des améliorations notables lors des alertes enlèvements, par exemple.

Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Bernard Buis .  - Notre groupe votera cette proposition de loi de notre excellent collègue Pierre Jean Rochette et de ses collègues (exclamations sur les travées du groupe INDEP), qui apporte des réponses adaptées. Le travail en commission a abouti à une rédaction équilibrée.

Le Lapi est un outil efficace pour retracer les déplacements d'un véhicule. Mais seules les douanes, la police et la gendarmerie nationales sont habilitées à y recourir dans certains cas précis.

Force est de constater que notre droit ne permet pas l'utilisation du Lapi contre des infractions de droit commun. Comment l'expliquer à nos concitoyens, de plus en plus nombreux à ne pas accorder leur confiance à la justice ?

La proposition de loi est équilibrée. Là où le texte initial envisageait un élargissement à tous les crimes et délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement, la commission a resserré le périmètre à trois types d'infractions bien identifiés. Ce texte préserve notre État de droit. Il n'est nullement liberticide.

Selon Jean de La Fontaine, « L'adversaire d'une vraie liberté est un désir excessif de sécurité. » Je ne vois aucun désir excessif dans la rédaction de la commission. L'allongement des délais de conservation des données est justifié par des contraintes opérationnelles. Il n'y a aucun excès non plus dans les conventionnements prévus, ni dans le fait qu'un décret en Conseil d'État fixe les conventions types, mais de la cohérence.

Le projet de loi sur les polices municipales et les gardes champêtres, examiné en mars prochain, abordera aussi la question du Lapi. En attendant, je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Utilisés pour contrôler le stationnement payant, les dispositifs Lapi peuvent être utilisés pour la prévention ou la répression d'infractions lourdes. Cette proposition de loi veut lever les points bloquants liés à leur usage. Le groupe socialiste n'est pas opposé à ces outils déjà déployés, qui montrent leur efficacité contre la criminalité organisée, le narcotrafic et le terrorisme, notamment. Ce cadre posé depuis de nombreuses années a évolué au gré des progrès technologiques et de l'émergence de nouvelles menaces tout en tenant compte de la protection des droits et libertés.

La généralisation des Lapi pose des questions de proportionnalité, de libertés publiques et de responsabilité des collectivités.

Dans sa version initiale, la proposition de loi allait très loin : près de 2 300 infractions étaient concernées. Une telle extension serait disproportionnée et contraire à la directive européenne Police-Justice, qui prévoit que les données personnelles sont collectées à des fins précises. En revanche, elle excluait des infractions qui auraient dû y figurer. C'est pourquoi nous souscrivons à la version proposée par la commission.

Dans cet esprit d'efficacité raisonnée, le groupe socialiste n'est pas non plus défavorable à l'allongement des délais de conservation. Le Conseil constitutionnel avait validé le dispositif en 2006 en désignant la brièveté des délais comme une garantie du respect de la vie privée. Notre groupe veillera donc à ce que les dispositions prévues n'ouvrent pas la porte à une conservation massive des données.

Nous sommes aussi vigilants sur l'intégration des Lapi à tous les systèmes de vidéoprotection de notre pays. Ni la police, ni la gendarmerie, ni les collectivités locales n'en sont demandeuses. En outre, cela conduirait à des situations absurdes, comme l'installation de Lapi dans des zones piétonnes, et aurait un coût certain, alors que les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ont été revus à la baisse.

Le rapporteur a proposé des ajustements validés en commission : nous les saluons. Mieux vaut des conventions volontaires pour encadrer les partages de données.

Il faudra que le décret, comme l'arrêté technique, soit soumis à l'avis préalable de la Cnil.

Nous voterons le texte si sa version finale évolue bien dans le sens que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDSE et du groupe INDEP)

M. Ian Brossat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER) Le dispositif Lapi sert à réprimer les infractions au code de la route, mais aussi les actes de terrorisme, les infractions criminelles, les vols ou la contrebande. La plaque d'immatriculation, comme les occupants des véhicules, sont photographiés.

L'utilisation de ce dispositif, depuis 2007, favorise le bon déroulement des enquêtes judiciaires, ce que nous ne remettons pas en question. La sécurité de nos concitoyens est primordiale. Pour autant, voilà un dispositif de surveillance algorithmique qui se généralise. Comment s'assurer que son usage reste proportionné ? Je regrette l'absence d'étude d'impact ou d'avis détaillé du Conseil d'État. Comment savoir si ce texte est équilibré ? Comment légiférer dans de telles conditions ?

Nous ne pouvons adopter des mesures aussi intrusives à la légère. Certes, nous saluons le travail du rapporteur, mais nous manquons de recul.

En juin 2024, la Cnil a rappelé qu'une vigilance particulière devait entourer la mise en oeuvre de ces dispositifs en raison des risques potentiels qu'ils comportent vis-à-vis des libertés individuelles et de la vie privée. Où est cette vigilance particulière quand on légifère à l'aveugle ?

Tant la Cnil que le Conseil d'État peuvent être saisis pour rendre des avis sur des propositions de loi. Pourquoi ne pas l'avoir fait ici ? Il s'agit de protéger nos concitoyens.

Parce que ces craintes n'ont pas été écartées, la majorité de notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Assouplir, simplifier, sécuriser : voilà qui devrait emporter notre assentiment. Mais le diable se cache dans les détails.

Le Lapi, en place depuis une dizaine d'années, est un outil de lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et le vol de véhicules. Le code de la sécurité intérieure prévoit toutefois que ce dispositif de surveillance peut être utilisé de manière plus étendue sur décision de l'autorité administrative. La proposition de loi l'étend encore plus.

Nous n'apprécions pas les lois cliquet qui transforment des mesures exceptionnelles en dispositions de droit commun. Le Conseil national des barreaux nous l'a dit : alors que le Lapi était réservé à des infractions particulièrement graves, cette proposition de loi modifie l'équilibre. Elle serait en outre contraire au droit européen.

Toujours la même argumentation simpliste : si l'on n'a rien à se reprocher, on ne doit pas s'inquiéter. C'est faux ! Quid des atteintes à la vie privée et du respect des libertés fondamentales ?

Sur un sujet aussi sensible que celui de la protection des données personnelles, nous doutons de la sincérité des débats, d'autant que nous ne disposons ni d'étude d'impact ni d'avis du Conseil d'État. S'il faut allonger le délai de conservation des données, c'est donc que les réformes successives de la police judiciaire (PJ) n'ont pas été aussi efficaces qu'on nous l'a dit... La Cnil appelle à une vigilance particulière sur la mise en oeuvre des Lapi.

Certes, la commission a circonscrit le champ du texte aux seules infractions pertinentes -  l'aide à l'entrée des séjours irréguliers devrait en être exclue. La commission a modifié les articles 1er et 3, à juste titre.

Nous regrettons que les dispositifs de surveillance de masse, qui sont l'alpha et l'oméga de notre arsenal législatif, soient ainsi étendus sans mesurer les risques pour les droits et les libertés. (Mme Marie-Pierre Vedrenne le conteste.) Le GEST votera contre ce texte.

M. Michel Masset .  - Comme souvent en matière de sécurité, il est question de mesure, car l'efficacité policière n'exonère pas le législateur du respect du principe de proportionnalité. Il ne s'agit pas de choisir entre sécurité et liberté, mais de les articuler.

La pertinence des Lapi, en prévention comme en répression, est établie. Cela dit, l'efficacité ne saurait justifier un assouplissement sans limites du cadre juridique : nous parlons de données sensibles, liées aux déplacements des personnes et à leur vie privée.

La version initiale du texte n'étant pas équilibrée, le travail de recentrage de la commission était nécessaire.

À l'article 1er, elle a étendu le champ infractionnel au vol aggravé et à l'évasion, pour concilier sécurité publique et respect de vie privée.

Nous nous interrogeons toutefois sur l'intégration de l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers dans le champ du texte. Bien sûr, nous voulons lutter contre les réseaux de passeurs, mais le Lapi ne doit pas devenir un instrument des politiques migratoires. C'est un point de vigilance.

L'article 2, qui allonge le délai de conservation des données, suscite des interrogations légitimes, mais il est vrai que le délai actuel peut être un frein aux enquêtes.

Nous soutenons le choix pragmatique de la commission à l'article 3, qui a préservé le principe de libre administration des collectivités locales, en rejetant l'obligation d'intégrer les dispositifs Lapi dans leurs systèmes de vidéoprotection, au profit d'un conventionnement facultatif.

La rédaction de l'article 1er pourrait empêcher un vote favorable unanime du RDSE : chacun définira sa position à l'issue de l'examen du texte. (MM. Pierre Jean Rochette et Hussein Bourgi applaudissent.)

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) À chaque fois qu'il s'agit d'accorder de nouveaux moyens techniques aux forces de l'ordre, se pose le dilemme entre libertés individuelles et protection des citoyens. (Mme Marie-Pierre Vedrenne opine.) Un tel débat est sain en démocratie.

En 1995, lors de l'adoption de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, l'installation des caméras de vidéoprotection dans l'espace public a donné lieu à de vifs débats -  parfois excessifs. Trente ans plus tard, nous ne sommes pas tombés en dictature. La vidéoprotection fait partie de notre quotidien, et personne ne s'en plaint. Mieux, les Français en demandent davantage.

Qui menace notre vie privée ? La puissance publique et ses mesures sécuritaires ? Ou les sociétés non européennes leaders dans les technologies ? Les applications d'aide à la conduite, par exemple, stockent des millions de données sur nos déplacements et dressent notre profil de voyageur-consommateur. La plus connue d'entre elles est la propriété d'un groupe fondé en 1998 dans la Silicon Valley... Ces entreprises menacent davantage nos libertés individuelles que les mesures adoptées par les pouvoirs publics.

La délinquance évolue. Comment réprimer les go fast, pour lesquels les contrôles routiers sont impuissants ?

Pierre Jean Rochette nous propose d'élargir le dispositif Lapi. Je remercie notre rapporteur pour ses apports judicieux. En limitant le champ du Lapi, il a tenu compte des préoccupations de la Cnil

L'extension du Lapi facilitera le travail des forces de l'ordre. Elle facilitera la reconstitution de trajets dans les enquêtes judiciaires. Espérons qu'elle aura aussi un effet dissuasif sur les rodéos urbains. L'extension encadrée du Lapi aura des effets positifs sur la sécurité de nos concitoyens. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Stéphane Le Rudulier - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.) Cette proposition de loi ne parle pas que de technique. Elle parle de la sécurité des Français et de notre capacité collective à regarder le réel en face.

Ne repoussons pas plus longtemps le débat sur l'utilisation des technologies par les forces de l'ordre. Il faut un cadre juridique clair, cohérent, exigeant et protecteur.

Le débat a débuté lors des JOP, avec l'IA et la vidéosurveillance algorithmique. Les JOP ont servi de laboratoire. Très bien ! Mais nous ne pouvons plus nous réfugier derrière l'exceptionnel, car la délinquance, elle, innove, s'adapte et utilise toutes les technologies disponibles. Nous ne pouvons plus empiler des régimes dérogatoires, bricoler des cadres temporaires et multiplier des expérimentations sans lendemain. Cela ne serait pas à la hauteur des enjeux.

Anticipons l'avenir, plutôt que de le subir. Le policier augmenté de demain sera mieux protégé, plus efficace et plus encadré, donc plus légitime.

Oui, l'intelligence artificielle progresse à une vitesse fulgurante. Ces technologies, qui ont fait leurs preuves, doivent-elles être taboues ? Bien sûr que non.

Le maintien de l'ordre a toujours été une conciliation inconfortable, mais nécessaire, entre sécurité et libertés. Refuser ce débat au nom de fantasmes orwelliens, c'est caricaturer notre démocratie.

Nous ouvrons ici un débat rationnel et exigeant, en sortant de la peur et de l'idéologie. La sécurité des Français mérite bien mieux que des postures ; elle mérite du courage et de la lucidité.

Je salue l'auteur de ce texte et le rapporteur qui a peaufiné la copie. Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Discussion des articles

Article 1er

Mme la présidente.  - Amendement n°7 de M. Frassa, au nom de la commission des lois.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Cet amendement vise à mettre en oeuvre les Lapi contre les infractions d'escroquerie et de soustraction de mineurs.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Avis favorable. Le Gouvernement est favorable à un texte proportionné, qui dote les forces de sécurité de moyens efficaces, tout en préservant les libertés publiques.

Mme Audrey Linkenheld.  - En commission, le rapporteur nous avait renvoyés à la séance. Mais il est aussi laconique en séance... Pourquoi l'ajout de ces deux infractions ? Cela paraît évident pour la soustraction de mineurs, moins pour les escroqueries. Notre groupe est réservé, faute de détails.

L'amendement n°7 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Les Lapi sont déjà utilisés dans les zones frontalières, ainsi que sur les grands axes routiers à des fins de prévention du terrorisme. Le rapporteur les a élargis à l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers. Le GEST redoute qu'ils soient utilisés pour traquer les personnes qui viennent en aide aux migrants. Alors que chaque année nous déplorons des décès lors de la traversée de la Manche ou des Alpes, cela ne ferait qu'aggraver la situation, sans résoudre le problème des passeurs.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. La disposition que vous souhaitez supprimer serait particulièrement utile pour punir une infraction particulièrement grave, surtout lorsque celle-ci est commise en bande organisée. Il ne s'agit pas de traquer les personnes faisant preuve d'humanité !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Il s'agit bien de lutter contre les réseaux de passeurs : les Lapi peuvent être très utiles en ce cas.

M. Guy Benarroche.  - Je ne remets pas en cause votre intention : nous voulons tous lutter contre les passeurs. Mais rien ne garantit que ces dispositifs ne seront pas mal utilisés, peut-être par ceux qui arriveront au pouvoir, dans un ou deux ans...

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié ter de M. Rochette et alii.

M. Pierre Jean Rochette.  - Nous portons le délai de conservation des données à un an en cas de rapprochement positif et après validation par un magistrat. C'est ce qui se fait en Belgique ou encore pour les fadettes. Des délais trop courts laissent trop de chances aux criminels.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - M. Rochette a rectifié son amendement depuis son examen en commission. À l'origine, l'avis était défavorable, faute d'un encadrement suffisant. Toutefois, compte tenu de la rectification de l'amendement, et à titre personnel...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Quel miracle !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - ... je donnerai un avis de sagesse, car la piste belge est intéressante.

Mme Audrey Linkenheld.  - Mais c'est le même amendement !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Non, l'amendement que nous avons examiné ce matin portait le délai à quatre mois, en s'appuyant sur l'expérimentation en cours. L'avis de la commission était défavorable, car l'expérimentation commence à peine.

Comme dirait l'autre : j'm'énerve pas, j'explique... (Sourires)

L'amendement a été entièrement réécrit et se cale désormais sur l'exemple belge : les données sont conservées pendant un an, mais pour y avoir accès au-delà d'un mois, il faut l'autorisation du juge.

M. Pierre Jean Rochette.  - Très clair !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Avis favorable. (Mme Audrey Linkenheld s'en offusque.) L'augmentation des durées de conservation est un élément fondamental. L'objectif est d'encadrer le dispositif.

Mme Audrey Linkenheld.  - Il y aurait de quoi s'énerver, mais je vais m'expliquer : cette proposition de loi comporte trois articles, courts. J'ai participé à un grand nombre d'auditions et échangé avec l'auteur et le rapporteur. Nous avons été nombreux à rappeler le nécessaire équilibre entre liberté et sécurité.

Le groupe SER a indiqué qu'il était prêt à voter ce texte à condition, notamment, que l'article 2 soit préservé, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2006 : la brièveté des délais de conservation garantit l'absence de surveillance généralisée et le respect de la vie privée. Mais avec cette rectification, on passe à un an ! Cela n'a plus rien à voir avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Nous ne voterons pas cet amendement, ni l'article si l'amendement était adopté, et cela pourrait remettre en cause notre vote sur la proposition de loi.

L'amendement n°4 rectifié ter est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.

L'amendement n°5 rectifié bis n'a plus d'objet.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis de M. Rochette et alii.

M. Pierre Jean Rochette.  - Les concessionnaires d'autoroutes doivent pouvoir conventionner avec les forces de l'ordre. En Belgique, il y a 5 000 Lapi, contre 650 en France. Ces conventions nous permettraient de rattraper notre retard.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Votre intention est satisfaite par l'article 3, dans la rédaction de la commission, qui prévoit que les autorités publiques compétentes peuvent conclure des conventions avec les forces de l'ordre pour mettre à disposition les données collectées par un dispositif Lapi. Or une circulaire de 1996 précise que la notion d'autorité publique compétente englobe les concessionnaires d'autoroutes. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Pierre Jean Rochette.  - Mon objectif est que ces données, qui existent déjà, remontent directement au système de traitement central Lapi (STCL) via des capteurs.

Attention à ne pas dénaturer le texte faute d'avoir prévu cette possibilité. Si on me garantit que c'est déjà prévu, je retirerai mon amendement.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - C'est prévu ! Retrait ?

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 de M. Frassa, au nom de la commission des lois.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Rédactionnel.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Ces éléments sont déjà couverts : avis défavorable.

M. Guy Benarroche.  - J'aimerais comprendre : soit c'est rédactionnel, soit cela introduit une nouvelle notion déjà satisfaite... Un amendement rédactionnel ne peut pas être satisfait !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - L'amendement est rédactionnel, mais néanmoins satisfait. D'où notre avis défavorable.

L'amendement n°8 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 de Mme Linkenheld et du groupe SER.

Mme Audrey Linkenheld.  - À ce stade, l'avis de la Cnil ne porterait que sur l'arrêté du ministre de l'intérieur relatif aux normes techniques. Nous proposons qu'elle donne également son avis sur le décret en Conseil d'État qui encadrera les conventions.

La Cnil a déjà rendu des avis sur le STCL. Or il s'agit d'une proposition de loi, donc sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État ni de la Cnil...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Il semble en effet opportun de demander l'avis préalable de la Cnil sur le décret en Conseil d'État. Avis favorable.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Avis défavorable. (M. Christophe-André Frassa et Mme Audrey Linkenheld protestent.)

M. Pierre Jean Rochette.  - La Cnil a été associée de bout en bout. Je voterai cet amendement.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Après l'article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié de M. Bourgi et alii.

M. Hussein Bourgi.  - Depuis la dépénalisation du stationnement payant en 2018, des dispositifs Lapi peuvent être utilisés pour des infractions au stationnement payant ou au code de la route. Depuis la Lom de 2019, les collectivités peuvent utiliser ces dispositifs pour verbaliser le non-respect des règles de circulation.

Nous intégrons le stationnement très gênant dans le champ du Lapi. Actuellement, cette contravention de quatrième classe nécessite la présence d'un agent assermenté.

La dépénalisation de cette infraction permettrait d'augmenter le nombre de constats dans les centres-villes, de renforcer la fluidité et la sécurité de la circulation pour les piétons et cyclistes gênés par des stationnements abusifs, et d'optimiser les moyens humains.

M. le rapporteur a affirmé ce matin que mon amendement était satisfait. Une publication en ligne de la Cnil en date du 5 juin 2025 dit le contraire...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - L'article L. 233-1-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) autorise la police et la gendarmerie nationales à utiliser des Lapi pour la répression des infractions au code de la route, parmi lesquelles le stationnement très gênant. Vous anticipez peut-être sur le prochain projet de loi Polices municipales et gardes champêtres. Votre amendement est satisfait. Retrait ? À défaut, avis défavorable.

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Retrait, sinon avis défavorable, pour les mêmes raisons. Nous aurons ces débats lors du prochain projet de loi Polices municipales.

M. Hussein Bourgi.  - Il y a un paradoxe : vous me dites qu'il est satisfait, mais me renvoyez à un prochain projet de loi...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela n'a pas de sens !

M. Hussein Bourgi.  - Monsieur le rapporteur, je n'ai pas dit que la police et la gendarmerie ne pouvaient pas réprimer ! Mais leurs agents doivent être physiquement présents pour constater l'infraction. Vos réponses ne sont ni satisfaisantes ni respectueuses de notre travail.

Mme Audrey Linkenheld.  - On voit que le sujet est plus complexe qu'il n'en a l'air. Mon collègue vise ces voitures Lapi qui tournent partout dans nos villes, mais qui ne peuvent que sanctionner le non-paiement du stationnement, non le fait d'être mal garé, « GCUM » comme on dit...

Ce sujet de police municipale, et non de police nationale, ne peut pas être satisfait dans ce texte, qui ne traite que des caméras installées par les forces de l'ordre...

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

Article 4

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois .  - Madame la ministre, vous nous avez dit que vous souteniez la démarche de Pierre Jean Rochette. Le Gouvernement lève-t-il le gage ? Il n'y en aurait semble-t-il pas besoin, puisque nous sommes à moyens constants...

M. Hussein Bourgi.  - C'est Noël !

Mme Marie-Pierre Vedrenne, ministre déléguée.  - Si seulement... Malheureusement, avis défavorable. (On le déplore sur plusieurs travées.) Le texte fonctionne à moyens constants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Il aurait fallu le dire au début...

M. Christophe-André Frassa, rapporteur.  - Si nous sommes à moyens constants, nous pouvons donc voter contre l'article 4 : il n'y aurait plus besoin de gage...

L'article 4 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Marc Laménie .  - Je remercie Pierre Jean Rochette, la commission des lois, le rapporteur, la présidente et tous mes collègues mobilisés pour les sécurités. Bruno Belin, rapporteur spécial, l'a rappelé il y a quelques jours : de nombreuses dispositions du PLF 2026 concernent la police, la gendarmerie, mais aussi les douanes - les collègues des départements frontaliers connaissent leur importance. Je pense aussi aux polices municipales. Bravo pour le nombre d'auditions. Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Laurent Somon applaudit également.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°129 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 254
Pour l'adoption 232
Contre   22

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Sécurisation des marchés publics numériques

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la sécurisation des marchés publics numériques, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe INDEP.

Discussion générale

M. Dany Wattebled, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; M. Simon Uzenat applaudit également.) Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de la commission d'enquête sur la commande publique, dont j'étais rapporteur, sous la présidence de Simon Uzenat. Grâce à 51 auditions, trois déplacements, 134 structures rencontrées, nous avons dressé un panorama complet, parfois dérangeant, mais instructif.

La commande publique est un des moteurs de l'économie française : 400 milliards d'euros par an, 14 % du PIB, 80 % des marchés portés par les collectivités. Mais les élus et les entreprises peinent à naviguer au milieu de procédures lourdes, complexes et anxiogènes par crainte du contentieux pénal. L'empilement des obligations donne l'impression d'une machine administrative qui s'éloigne du terrain.

La commande publique numérique est en croissance. C'est un enjeu de souveraineté, de sécurité, de liberté pour nos politiques publiques.

Le président Europe de Microsoft n'a pas pu nous garantir que les données des citoyens français ne seraient jamais transmises à une puissance étrangère sans l'accord des autorités françaises. C'est le résultat du droit extraterritorial américain, le Cloud Act et le Foreign Intelligence Surveillance Act (Fisa).

Nous avons longuement travaillé sur le Health Data Hub. La ministre de la santé Agnès Buzyn nous avait dit sans détour que c'était Microsoft ou rien, selon une note de son cabinet validée par la Direction interministérielle du numérique (Dinum), avec l'aval de la Cnil.

Résultat : 80 millions d'euros d'engagés et 60 millions de données françaises transférées outre-Atlantique ; cherchez l'erreur. On nous a dit que ce choix, provisoire, était contraint par l'urgence ; six mois plus tard, l'urgence est devenue une habitude, le provisoire une dépendance et la dépendance, une doctrine - en contradiction avec le discours au sommet de l'État sur la souveraineté numérique.

Même chose pour l'éducation nationale, sans avis conforme de la Dinum, pour 152 millions d'euros sur quatre ans. La DGSI, elle, a renouvelé pour trois ans son contrat avec Palantir Technologies, société fondée en 2003 avec l'aide d'un fonds d'investissement dépendant de la CIA. C'est le comble !

De l'aveu de son président, l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) ne conseille pas suffisamment ses clients en matière de souveraineté numérique, et des progrès doivent encore être accomplis. C'est le moins que l'on puisse dire !

On compte 460 millions d'euros de licences Microsoft pour les ministères et 300 millions pour les collectivités territoriales, soit 1 milliard d'euros qui n'ira ni à des entreprises européennes, ni à des solutions souveraines ; autant d'argent qui finance notre dépendance aux technologies étrangères. Inversement, pendant vingt ans, Elon Musk a profité de la commande publique américaine.

Nos entreprises n'ont pas besoin de subventions compassionnelles, mais de commandes publiques courageuses.

Nous avons des outils, mais ne les utilisons pas. Nous persistons à confier nos données publiques à des sociétés étrangères. La commission d'enquête a établi que cela fait peser un risque juridique, mais aussi un risque stratégique majeur. Sa recommandation 24 qui inspire cette proposition de loi en découle : il faut sécuriser les acheteurs et faire de la commande publique un levier pour nos opérateurs.

Il reste du travail : directive européenne, Small Business Act, structuration des filières, montée en puissance du cloud de confiance -, mais ce texte est une première étape essentielle. Je salue le travail de la rapporteure Olivia Richard (Mme Dominique Vérien renchérit.) ; son amendement consolide l'équilibre du texte et en assure la conformité au droit français et européen.

L'article 31 de la loi Sren demeure inapplicable, faute de décret. Madame la ministre, je vous demande solennellement d'y remédier dans les plus brefs délais, afin que les acheteurs publics disposent du cadre clair et opérationnel voté par le Parlement.

Nous sommes en guerre économique : chaque jour compte - d'où mon amendement sur l'entrée en vigueur du dispositif l'année suivant l'adoption de la loi, en raison de la multiplication des cyberattaques et des risques d'ingérences étrangères ciblant des collectivités territoriales.

Le marché français du cloud souverain est à même de répondre aux besoins des grandes collectivités. Ce texte est une évolution de bon sens : nécessité fait loi. Adoptez-le avec conviction, pour que la commande publique soit au service de notre souveraineté numérique. (Applaudissements)

Mme Olivia Richard, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Cette proposition de loi renforce la sécurité et la confidentialité des données publiques hébergées à distance, dans des nuages. C'est le fruit du travail de la commission d'enquête de Dany Wattebled et Simon Uzenat, auquel a participé Catherine Morin-Desailly. Si le risque de cyberattaques est bien identifié, on minimise le risque de détournement de données du fait de législations extraterritoriales

Les données hébergées en nuage sont en effet soumises à des règles de communication sur lesquelles nous n'avons pas la main - Cloud Act et Fisa aux États-Unis, législations indienne ou chinoise - y compris lorsque les données sont hébergées sur des serveurs à l'étranger.

Devant les crises géopolitiques actuelles, la lucidité et le pragmatisme doivent primer. Il faut souligner l'action du ministère de l'Europe et des affaires étrangères qui a lancé une stratégie numérique exemplaire depuis plusieurs années pour sécuriser les services aux Français établis hors de France, grâce au recours à un nuage interne. Preuve que la souveraineté numérique est atteignable ! Les autres administrations ont des résultats plus hétérogènes.

L'article 31 de la loi Sren impose aux opérateurs de l'État et de l'administration d'héberger leurs données dans un cloud souverain, français ou européen. Les travaux de la commission d'enquête ont démontré que ces exigences de protection ne sont que partiellement appliquées. Les clouds souverains représentent 63 % des marchés des administrations : c'est encore insuffisant. Nous n'avons aucune donnée sur les collectivités territoriales, qui détiennent des données sensibles, alors même qu'elles font l'objet de nombreuses cyberattaques.

Cette proposition de loi renforce substantiellement le niveau de protection des données publiques. La commission des lois souscrit aux objectifs du texte, qu'elle a toutefois modifié pour le rendre plus cohérent au regard du cadre juridique existant et pour faciliter sa mise en oeuvre dans les collectivités territoriales.

La proposition de loi rend obligatoire l'hébergement souverain des seules données sensibles au sens de la loi Sren, afin de rester conforme au droit européen et aux règles de l'OMC, selon lesquels toute préférence doit être justifiée et proportionnée : écarter systématiquement les opérateurs étrangers aurait fait courir un risque de contentieux.

Nous avons levé les contraintes opérationnelles pesant sur les collectivités territoriales, qui n'ont ni les ressources humaines ni les leviers financiers pour faire face à ces mises aux normes. La Cour des comptes estime ainsi que le recours à une offre certifiée SecNumCloud, c'est-à-dire souveraine et hautement sécurisée, suppose des tarifs jusqu'à 40 % supérieurs aux offres traditionnelles.

En conséquence, la commission a exclu du champ les petites communes de moins de 30 000 habitants et les communautés de communes - en cohérence avec le projet de transposition de la directive NIS 2, en cours d'examen par l'Assemblée nationale.

Elle a en outre prévu une dérogation pour les collectivités qui auraient engagé un projet et ne pourraient l'abandonner sans surcoûts importants. Nous voulons tenir compte de l'état de préparation des acheteurs. Laissons aux entreprises européennes et françaises le temps de baisser leurs coûts.

Le marché du cloud européen est en plein essor. Les coûts seront réduits à terme.

La commission a retenu une entrée en vigueur le 1er janvier 2028. Pourquoi un tel délai ? Le texte doit être examiné à l'Assemblée nationale ; les collectivités vont faire face à des échéances électorales avant de cartographier les données sensibles qu'elles détiennent ; ce délai doit leur permettre d'agir avec précision et non précipitation ; l'important est que la sécurisation soit effective.

L'amendement de M. Wattebled propose une entrée en vigueur un an après la promulgation, ce qui permet de lever les doutes sur la durée de la navette ; je salue cette proposition de compromis.

Cette proposition de loi prend la mesure des défis auxquels nous faisons face, avec un dispositif pragmatique et ambitieux - et précurseur en Europe. Je salue Dany Wattebled qui a provoqué cette prise de conscience au sein de notre institution. (Applaudissements)

M. Pierre Jean Rochette.  - C'est sûr !

Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique .  - La commande publique numérique est au coeur de mon engagement pour la souveraineté numérique ; celle-ci repose en effet sur une offre nationale compétitive, la réduction de nos dépendances et la volonté de faire respecter nos règles et nos valeurs. Nous voulons faire du cloud un levier de compétitivité pour nos entreprises, tout en développant une offre de confiance garantissant le respect de notre droit, de nos exigences de sécurité et de nos valeurs.

Nous ne partons pas d'une feuille blanche. La stratégie cloud se décline en trois piliers : cloud de confiance, doctrine « cloud au centre », soutien à l'offre nationale de cloud dans France 2030.

Nous avons levé les freins à la concurrence en structurant la filière, par la création d'un comité stratégique de filière cloud en 2022 et par l'adoption de la loi Sren en 2023. Le cloud peut renforcer notre souveraineté numérique à condition d'être maîtrisé, sécurisé et encadré.

Le cloud est un levier structurant de la transformation publique, mais cette transition nécessite de sécuriser les données sensibles. Nous avons travaillé à la mise en place de la labellisation SecNumCloud avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), qui garantit un très haut niveau de sécurité, notamment face au risque d'ingérences. Des offres de plus en plus nombreuses sont qualifiées et utilisées par les administrations.

La protection des données numérique ne peut se réduire à la seule question des lois extraterritoriales. Il faut aussi prendre en compte la question de la cybersécurité.

La revue nationale stratégique 2025 a érigé la notion de cyber-résilience de la nation au rang de priorité stratégique ; c'est l'objet du projet de loi Résilience adopté par le Sénat. Le Gouvernement présentera prochainement sa stratégie nationale de cybersécurité à l'horizon 2030.

Je salue les travaux de MM. Wattebled et Uzenat, qui s'inscrivent dans la continuité de ceux de Mme Havet, et remercie la rapporteure Olivia Richard.

Je peux témoigner de l'engagement du Gouvernement pour faire évoluer le cadre applicable aux marchés publics numériques : lors du sommet franco-allemand à Berlin dédié à la souveraineté numérique, nous avons lancé un groupe de travail sur la souveraineté numérique européenne, jalon d'une préférence européenne ; en 2026 la directive-cadre européenne sur les marchés publics sera revue ; cette proposition de loi concilie modernisation, souveraineté et sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et SER)

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Quand l'État ou une collectivité passe un marché public numérique, ce n'est pas un choix technique, mais géopolitique : il n'y a plus de neutralité numérique dans le contexte international. Les technologies numériques, instrumentalisées par des puissances extra-européennes, peuvent constituer autant de vulnérabilités. C'est ce qu'a mis en lumière le rapport de votre commission d'enquête : il est impératif de reprendre la main sur les achats publics à la lumière du nouveau contexte international. Je salue le travail réalisé en commission pour rendre ce texte plus opérationnel.

La proposition de loi étend aux collectivités les mêmes exigences que l'État s'applique à lui-même. Les travaux en commission ont sécurisé son articulation avec le droit européen.

Ce qui compte, au-delà du vote, c'est l'application des lois. Trop souvent, les rapports d'évaluation pointent un écart entre les deux - faute de prise en compte de la réalité technique et opérationnelle. Nous en débattrons à nouveau durant la navette.

Ce texte répond à un impératif de souveraineté. Le Gouvernement y sera favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI ; MSimon Uzenat applaudit également.)

M. David Margueritte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'enjeu de ce texte est majeur, pour la souveraineté de notre pays et pour la sécurité des données publiques. Ses objectifs légitimes présentent une acuité particulière dans le contexte actuel ; les administrations et les collectivités recourent de plus en plus à des solutions d'hébergement en nuage, proposées par des prestataires extra-européens, compte tenu de la concentration du secteur entre les mains d'Amazon, de Microsoft et de Google.

Cette dépendance comporte un risque d'accès à des données sensibles par des autorités étrangères qui bénéficient de lois extraterritoriales.

La réponse du président de Microsoft devant la commission d'enquête suffit à elle seule à justifier la proposition de loi. Le groupe Les Républicains y sera donc favorable. Qu'il s'agisse des données de santé ou de l'enseignement supérieur, le risque est évident pour les acheteurs publics.

Le contexte tendu justifie la protection des données. C'est un enjeu de souveraineté, mais aussi économique. La France ne part pas de zéro. Ces travaux s'inscrivent dans la continuité des actions entreprises depuis 2021, comme la doctrine « cloud au centre ».

Notre soutien est aussi justifié par les modifications opérées par la commission des lois. En effet, une application uniforme du texte poserait des difficultés juridiques, opérationnelles, mais aussi constitutionnelles. Ont donc été exclues de l'application du texte les collectivités de moins de 30 000 habitants, pour trois raisons : elles manquent de moyens humains et d'expertise technique ; le coût serait renchéri de 25 % à 40 % pour elles ; le risque d'interception de leurs données est moindre.

Attendre 2028 laisse le temps à l'offre de cloud française et européenne de se développer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; Mme Dominique Vérien applaudit également.)

M. Bernard Buis .  - Cette nouvelle proposition de loi fait suite aux recommandations de la commission d'enquête sur la commande publique. Nadège Havet avait signé un rapport au Premier ministre pour une commande publique sociale et environnementale.

Cette démarche s'inscrit dans une dynamique de renforcement de la souveraineté. Dans un contexte politique incertain, la protection des données françaises fait consensus.

Au groupe Les Indépendants, le président Malhuret avait abordé l'exploitation des données essentielles par des puissances étrangères, notamment via TikTok. (M. Pierre Jean Rochette le confirme.)

La rédaction initiale aurait pu soulever des difficultés juridiques, notamment au regard du droit européen. La notion de données publiques n'était en outre pas suffisamment définie. Une portée trop extensive aurait rendu le dispositif inopérant.

Le rapport de la commission d'enquête souligne la forte exposition tant de l'État que des collectivités aux risques cyber.

Seule une clause de non-exposition des données aux puissances étrangères aurait pu y remédier. Mme la rapporteure a apporté des modifications utiles, comme l'exclusion des communes de moins de 30 000 habitants et des communautés de communes, ainsi qu'une dérogation pour les collectivités déjà engagées dans un projet.

Nous voterons ce texte, ainsi que l'amendement défendu par M. Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Dominique Vérien et MM. Simon Uzenat et Laurent Somon applaudissent également.)

M. Christophe Chaillou .  - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP) Cette proposition de loi transpartisane est la traduction du travail de la commission d'enquête, qui a rappelé la vulnérabilité de nos données face aux législations extraterritoriales. Les données sont des ressources stratégiques, un attribut de puissance à protéger face aux ingérences comme le Cloud Act américain.

Nous construisons depuis plusieurs années des solutions : loi Sren ou projet de loi Résilience.

Avec 400 milliards d'euros par an, la commande publique est un levier essentiel pour l'État et les collectivités ; le numérique y a une place particulière. Il est nécessaire d'orienter les investissements vers des solutions qui protègent nos données et de développer un écosystème européen numérique fiable et pérenne.

Je salue l'engagement de Mme la rapporteure, qui a su trouver le chemin menant à des solutions opérationnelles. Nous souscrivons à ses modifications.

Ce texte est urgent et nécessaire : le groupe SER le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, INDEP et UC)

M. Alexandre Basquin .  - Cette proposition de loi marque une avancée sur l'hébergement et la protection des données. Notre groupe la votera sans réserve. (Mme Olivia Richard s'en félicite.)

Permettez-moi donc d'utiliser mon temps de parole pour évoquer le big data, en technocritique assumé. Les données personnelles sont devenues le pétrole de l'industrie numérique. Grâce à leur monétisation, les géants du numérique atteignent des valorisations boursières qui dépassent le PIB de certains États. Moissonnées et captées à l'aide de robots et d'algorithmes puissants, elles se retrouvent dans des mains que nous ne connaissons pas.

Les données hébergées sur des serveurs de Microsoft pourraient être accessibles sur simple demande du gouvernement américain. Je souscris donc aux solutions proposées par Dany Wattebled.

Les courtiers en données numériques, ou data brokers, achètent et revendent nos données personnelles, notamment à des gouvernements. Ainsi la société américaine Clearview AI détient-elle une base de données de trois milliards de visages, pillés sur les réseaux sociaux, mais aussi sur des sites publics. Axciom, elle, s'enorgueillit de détenir des données sur 2,5 milliards de personnes. C'est extrêmement dangereux : notre vie privée ne l'est absolument plus.

Selon Eric Schmidt, ancien président de Google, l'identité sera la plus précieuse des marchandises pour le citoyen de demain. C'est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi pour interdire le courtage en données. C'est un combat éthique que j'espère collectif.

Permettez-moi enfin de dénoncer une certaine hypocrisie gouvernementale, lorsque l'éducation nationale confie ses données à Microsoft, à l'étranger, ou la DGSI à Palantir, pourtant fondé par le libertarien Peter Thiel. C'est effarant !

Il faut être plus offensif et ferme sur la question des données, pour sortir de la mainmise des géants numériques. Il y va de notre pacte social et républicain. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans un monde où les questions de souveraineté se font de plus en plus pressantes, où la guerre hybride, la cyberguerre et la désinformation nous menacent de plus en plus, cette proposition de loi met en lumière notre vulnérabilité.

Les lois extraterritoriales, notamment, font peser de nombreux risques sur la souveraineté numérique de la France : perte de contrôle des données sensibles, risque d'utilisation à des fins de renseignement économique, dépendance accrue vis-à-vis d'acteurs étrangers, vulnérabilité face aux changements de politique étrangère.

La mise en place du label de l'Anssi ne suffit à l'évidence pas. En témoigne le renouvellement pour quatre ans des licences Microsoft en mars 2025 par le ministère de l'éducation nationale pour 75 millions d'euros, sans même avoir saisi la Dinum.

L'article unique de la proposition de loi exclut les prestataires étrangers pour l'hébergement de données publiques. Le principe est clair et nous regrettons les modifications apportées par la commission.

La rapporteure a certes rappelé le risque d'inconventionnalité et d'inconstitutionnalité d'une telle préférence européenne, qui ne peut s'entendre qu'en cas de motif impérieux d'intérêt général. Mais ce motif me semble caractérisé ici.

Je regrette donc la frilosité de la commission qui vide le texte d'une partie de son efficacité. En se fondant sur une obligation existante dont la commission d'enquête a souligné qu'elle était mal appliquée, en substituant une obligation de « veiller à » à une obligation claire qui aurait pu permettre l'annulation contentieuse de marchés publics qui l'auraient ignorée, l'amendement de la rapporteure restreint l'intérêt de la proposition de loi.

Je partage les réserves sur les collectivités territoriales, qui portent l'essentiel de la commande publique. Le coût est toutefois un facteur limitant, en raison des surcoûts des offres SecNumCloud.

Je crains que les modifications de la commission ne soient qu'un pas de côté. Malgré tout, nous voterons ce texte en espérant qu'il soit amélioré au cours de la navette. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - Avant d'aborder le fond du texte, je salue l'initiative de Dany Wattebled : cette proposition de loi fait consensus et a été modifiée dans un sens opportun à nos yeux grâce au travail de la rapporteure. Notre souveraineté et la protection des données sensibles sont un sujet essentiel.

La commission d'enquête a découvert de fortes vulnérabilités dans l'hébergement des données publiques qui peuvent, pour des motifs de sécurité ou d'intérêt général, être transférées vers les pays hébergeurs des clouds - essentiellement la Chine, l'Inde et les États-Unis. En raison du Fisa et du Cloud Act, Washington peut même contraindre ces sociétés à lui transmettre les données même si elles ne sont pas stockées aux États-Unis.

Selon la Cour des comptes, trois fournisseurs de cloud américains -  Amazon, Microsoft et Google  - captent 70 % des services. La part de l'Europe a chuté, passant de 27 % en 2017 à 16 % en 2021.

L'article 31 de la loi Sren prévoit que les données sensibles sont confiées à des prestataires vérifiant un haut niveau de sécurité - dispositif que cette proposition de loi étend aux collectivités territoriales. Grâce à une entrée en vigueur différée, les acteurs auront le temps de s'adapter.

Nous espérons que les données publiques ne seront plus exposées à des puissances étrangères. Le RDSE votera ce texte, sur un enjeu fondamental. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du GEST et des groupes INDEP, UC et SER)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En 2013, pour la commission des affaires européennes, je rédigeais un rapport intitulé L'Union européenne, colonie du monde numérique. Treize ans plus tard, ce que je prédisais est devenu réalité : Internet est devenu un terrain d'affrontement, les cyberattaques sont toujours plus nombreuses et les données numériques sont devenues un actif majeur.

Malgré nos recommandations, l'hébergement ou le traitement de nos données continue à être confié à des acteurs extraeuropéens, au comportement prédateur et faisant de gros profits. Trois grands acteurs américains détiennent 70 % du marché de l'hébergement, alors que des lois extraterritoriales permettent de transférer les données à leur gouvernement.

La raison est toujours la même : nous n'aurions pas d'entreprises capables. Pourtant, ces acteurs existent : vous les rencontrez chaque année au forum InCyber de Lille, à Vivatech, aux universités d'Hexatrust. N'est-ce pas, madame la ministre ? Nous y allons ensemble ! Ces entreprises témoignent de la vitalité de l'innovation française et de l'excellence de nos écoles d'ingénieurs.

Lors de la commission d'enquête, nous avons auditionné des entreprises qui nous ont toutes déclaré qu'il était difficile d'accéder à la commande publique.

En l'absence de pilotage à la tête de l'État, la Dinum n'en a souvent fait qu'à sa tête. Le plus grand scandale est d'avoir confié à Microsoft, sans appel d'offres préalable, la plateforme des données de santé françaises - ironie du calendrier - au moment même où la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le 16 juillet 2020, invalidait pour la deuxième fois l'accord de transfert des données des Européens vers les États-Unis.

Rapport après rapport, je n'ai cessé de plaider en faveur d'une stratégie globale et offensive et d'une politique industrielle volontariste. La reprise en main de notre destin numérique exige de se passer des États-Unis et de la Chine. La commande publique représente 2 000 milliards d'euros par an, ce n'est pas rien ! Il faudrait un Small Business Act européen et un Buy European Act.

Il faut assumer le choix de notre système d'IA. L'Union européenne a fini par dessiller les yeux et a inscrit à son programme de travail de 2026 des travaux sur ce sujet.

Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de ma réflexion en tant que présidente de la commission spéciale réunie pour l'examen de la loi Sren. Madame la ministre, nous avions finalisé ce texte ensemble dans le cadre de la navette à l'époque. (Mme Anne Le Hénanff le confirme.)

Cette proposition de loi conforte son article 31 et l'enrichit grâce au travail d'Olivia Richard. Elle en étend l'obligation aux collectivités territoriales de plus de 30 000 habitants. Se prémunir des cyberattaques, c'est protéger des infrastructures physiques, mais aussi nos données.

Il est primordial de sensibiliser les élus et de renforcer la cybervigilance des citoyens ; mais il faut laisser du temps aux entreprises et aux différentes entités pour s'organiser.

Le groupe UC votera le texte issu des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et SER)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Notre pays doit mesurer les vulnérabilités qui menacent sa souveraineté. La maîtrise de nos infrastructures numériques critiques est une condition de notre indépendance.

L'immense majorité du stockage en nuage en Europe repose sur quelques acteurs qui peuvent se trouver contraints, par application extraterritoriale de lois étrangères, de remettre des données, souvent exploitées à des fins d'intelligence économique. Mêmes hébergées en Europe, sous label SecNumCloud, nos données les plus critiques ne sont pas à l'abri. Qui pourrait l'accepter ?

Dans un contexte de durcissement des tensions, de cyberattaques, de guerre cognitive, la donnée publique est un actif à haute valeur ajoutée, cible privilégiée des acteurs malveillants.

La loi Sren et la doctrine « cloud au centre » ont posé les premiers jalons, mais il reste des zones grises - que comble ce texte.

Ainsi, les prestataires garantiront un hébergement intracommunautaire et une protection contre l'application de normes extraterritoriales étrangères. La mesure est proportionnée et recentrée ; les plus petites communes ne seront pas concernées. L'application est prévue en 2028, voire 2027 avec l'amendement Wattebled. C'est un compromis équilibré pour laisser le temps au marché de se structurer.

La souveraineté ne se décrète pas mais se construit, technologiquement, avec nos ingénieurs et nos industriels européens. En fixant des règles claires, nous consolidons un écosystème émergent.

L'absence de cloud souverain fut une erreur stratégique. Nous ne raterons pas le second train. La construction d'un EuroStack est une impérieuse nécessité pour l'Europe, et l'adoption du cloud dans nos administrations est une opportunité pour structurer une offre cohérente, concurrentielle et de confiance.

La souveraineté numérique n'est pas une nébuleuse insaisissable, elle est à construire dans le nuage. Faisons de la commande publique un levier stratégique au service de nos entreprises comme de notre souveraineté. C'est aussi un gage de meilleure gestion de nos deniers publics, dans une approche circulaire.

Il faudra aller plus loin, intégrer cette dimension dans les critères de notation des offres, encadrer les dérogations.

Voter ce texte, c'est dire à nos concitoyens que leurs données publiques sensibles seront protégées tout autant que leurs libertés ; à nos partenaires européens, que la France assume son rôle moteur dans la construction d'une autonomie numérique commune ; aux entreprises européennes, que leurs efforts pour développer des solutions fiables seront soutenus.

Pour une Europe numérique plus forte, pour une France qui maîtrise son destin technologique, pour une démocratie qui protège sa liberté, sa liberté chérie, je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupeSER, INDEP et UC)

M. Simon Uzenat .  - (Applaudissements sur les travées des groupeSER et INDEP) Cette démarche, qui fait suite de notre commission d'enquête, est profondément transpartisane. Nous sommes réunis pour dire stop à l'impuissance face aux législations extraterritoriales, stop au décrochage dû à nos incohérences au plus haut niveau de l'État. Les menaces des législations extraterritoriales étaient identifiées dès 2021, or les actes n'ont pas suivi.

Notre souveraineté en matière de données est un enjeu économique mais aussi démocratique. La réélection de Donald Trump a été un électrochoc salutaire. Le temps n'est plus aux prétextes mais aux solutions. Ce compromis en fait partie.

Avec l'IA générative et le pilotage par la donnée, nous devons assumer que toutes nos données publiques sont par nature sensibles. Nous avions proposé une hiérarchisation selon le type de données : de l'immunité aux législations extraterritoriales jusqu'au recours aux solutions SecNumCloud. Continuons à avancer sur ce chemin.

Les opérateurs économiques français et européens sont prêts, ils n'attendent que des marchés et de la visibilité. L'expansion de AWS tient surtout au marché avec la CIA, pour 600 millions de dollars... Sur le coût ou sur la sécurité, nos opérateurs sont compétitifs. Nous devons être au rendez-vous, avec les services de l'État et les centrales d'achat.

Nous attendons avec impatience la révision des directives Marchés publics et plaidons pour l'instauration d'un principe général de préférence européenne. Ce texte est une étape, mais nous ne devons plus perdre de temps, pour notre souveraineté économique et démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupeSER et INDEP, ainsi que sur plusieurs autres travées)

Discussion de l'article unique

Mme la présidente.  - Amendement n°3 de Mme Richard au nom de la commission des lois.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Coordination avec l'article 27 de la loi Sren qui définit la notion de service d'informatique en nuage.

Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée.  - Même si je comprends la volonté d'harmonisation, l'article 31-1 donne une définition opérationnelle, dans le cadre de SecNumCloud, pour la partie qui concerne l'Anssi. Votre amendement aurait de vrais effets de bord, y compris pour la sécurité juridique de la filière cloud. Retrait ?

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Merci de vos explications.

L'amendement n°3 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter de M. Wattebled et alii.

M. Dany Wattebled.  - Nous fixons l'entrée en vigueur de ce texte à un an après la promulgation de la loi.

Mme Olivia Richard, rapporteure.  - Merci à l'auteur de la proposition de loi pour ce compromis, qui permet de tenir compte de la navette parlementaire et des aléas en prévoyant une entrée en vigueur glissante. Avis favorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Fixer une date glissante créerait une incertitude pour les collectivités qui doivent engager des travaux lourds. Le délai d'un an sera-t-il suffisant pour toutes les collectivités ? Avis défavorable, mais il faudra y travailler dans la navette.

Je vous remercie pour cette proposition de loi qui illustre la volonté transpartisane d'avancer dans la sécurisation des données sensibles hébergées par les collectivités, mais aussi, cet amendement le montre, de tenir compte des différents niveaux de maturité selon les collectivités.

M. Dany Wattebled.  - Le texte ne vise que les collectivités de plus de 30 000 habitants, qui ont les moyens techniques de répondre en un an. Idem pour l'État, les régions et les départements.

Si c'est comme pour la loi Sren, on risque d'attendre le décret pendant des années ! Nous sommes en guerre commerciale, en guerre économique : chaque jour compte. Mettons cet argent dans nos PME. Si nous voulons la « start-up nation », commençons par leur donner à manger du marché, et non des subventions !

M. Simon Uzenat.  - Nous n'avons plus le temps d'attendre. En France et en Europe, nous déplorons les effets dont nous chérissons les causes. (Mme Muriel Jourda le confirme.) Les opérateurs économiques nous l'ont dit avec force : ils sont prêts ! Si nous avions vraiment joué le jeu des marchés publics, ils seraient encore plus forts et apparaîtraient comme des solutions évidentes.

Mais que dire aux élus locaux, aux acheteurs publics, quand ils voient les services de l'État recourir aux solutions américaines, sans se soucier de la législation extraterritoriale ? « On vend ce qu'on nous demande », nous a dit le président de l'Ugap. Quand on n'a jamais connu que l'environnement des Gafam, on redoute le changement. Pire, les services de l'État renouvellent les marchés... Vous reproduisez un système qui mène l'écosystème français et européen à sa perte !

Nous devons sonner le clairon : il n'est plus temps d'attendre. Avec le soutien de l'État et des centrales d'achat, les élus locaux s'engageront dans ce mouvement. Espérons que ce sillon atteindra Bruxelles, pour que le principe général de préférence européenne devienne la règle.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Les délais vont courir, car la navette prend du temps, la promulgation aussi.

Les choses bougent à Bruxelles, notamment sur la directive Marchés publics. Le commissaire Stéphane Séjourné et le président de l'Autorité de la concurrence, Benoît Coeuré, nous l'ont confirmé en audition.

La loi Sren a permis de réduire les délais pour sortir des solutions extra-européennes, pour un renouvellement plus rapide. Soyons pragmatiques.

Il y a urgence à migrer vers des solutions les plus autonomes possible. Avançons. Je voterai cet amendement.

L'amendement n°1 rectifié ter est adopté.

L'article unique constituant la proposition de loi, modifié, est adopté.

(Applaudissements)

M. Dany Wattebled.  - Merci à tous mes collègues pour le travail en commission et pour ce vote unanime. Ce projet de loi va renforcer notre souveraineté numérique et faire travailler nos start-up. C'est le plus important. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 19 h 50.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 21 h 30.

Déclaration du Gouvernement sur la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée.

M. Sébastien Lecornu, Premier ministre .  - (Mme Solanges Nadille applaudit.) Je suis accompagné de neuf membres du Gouvernement mobilisés contre le narcotrafic. Ce fléau constitue un défi de société. Il concerne l'ensemble des services de l'État et touche tous les Français. Nous devons tous mener ce combat collectif.

Ce débat devant la représentation nationale doit nous permettre d'interroger les actions menées. Nous le devons à nos concitoyens victimes du narcotrafic et à leurs familles qui vivent dans la peur. L'assassinat de Mehdi Kessaci nous l'a rappelé durement. C'est aussi l'occasion d'envoyer un message aux réseaux criminels : nous ne les lâcherons pas.

Le phénomène du narcotrafic a muté. La consommation explose : 3,7 millions de Français ont déjà consommé de la cocaïne. Son marché dépasse le cannabis en valeur, malgré 900 000 consommateurs quotidiens. Les drogues de synthèse sont en forte hausse. Le trafic de drogue est estimé à 6,8 milliards d'euros en 2025, soit trois fois plus qu'en 2010 ; il touche l'ensemble du territoire, des petites communes rurales aux centres urbains. Il menace la tranquillité publique et la santé, en particulier des jeunes, avec une consommation toujours plus importante, à un âge toujours plus précoce.

Le narcotrafic est de plus en plus connecté à des filières et des réseaux criminels internationaux. Au sein de ces réseaux sont mobilisés des trafiquants de plus en plus jeunes à qui l'on demande de mener des actions de plus en plus violentes.

C'est une guerre de mouvement. Nous devons nous adapter. Il faut une rupture : soit la dépénalisation, soit la mobilisation générale. Nous optons pour la seconde. Combattre différemment, c'est ne plus tolérer la drogue dans la société ; il faut envoyer un message politique fort.

Ne plus tolérer la drogue, c'est d'abord le dire. C'est le sens de la politique de prévention du Gouvernement. La drogue n'est pas tolérable, car elle est dangereuse. Il faut une prise de conscience, car, s'il y a moins de demande, il y aura moins d'offre.

Nous devons combattre le narcotrafic au même niveau que le terrorisme, pourquoi pas, en s'inspirant du cadre juridique qui y est appliqué.

Cette mobilisation doit concerner l'ensemble des services de l'État, et, plus largement, toute la société.

Le Sénat a déjà agi avec la loi du 13 juin dernier. Beaucoup de mesures sont d'application immédiate, mais vingt textes réglementaires seront publiés dans les prochaines semaines. Puisque c'est une guerre de mouvement, le Gouvernement présentera au premier semestre 2026 de nouvelles mesures législatives, alignant les réductions de peine des narcotrafiquants sur celles des terroristes.

Ce combat politique a aussi un volet budgétaire : le PLF 2026 prévoit 700 enquêteurs supplémentaires dans la police judiciaire et le recrutement de plus de 850 agents pénitentiaires.

Nous voulons responsabiliser les consommateurs. Comme le Président de la République l'a annoncé, nous durcirons les sanctions.

La lutte contre le narcotrafic est un combat sociétal. Les réponses du Gouvernement doivent aussi être sociales et éducatives pour une prévention efficace. Le combat contre le narcotrafic doit être mené autour des établissements scolaires, en lien avec les polices municipales. La moyenne d'âge des trafiquants mis en cause est de 21 ans. Trop de jeunes sont aspirés dans la toxicomanie et la délinquance. L'Éducation nationale est mobilisée.

Le combat est sanitaire. La santé des jeunes générations est trop importante pour l'avenir de la nation pour ne pas agir !

Le combat est économique. Le coût social des drogues est estimé à 7,7 milliards d'euros dans le monde du travail.

Le combat est financier. La lutte contre le blanchiment doit être une priorité. Nous créerons une procédure administrative de saisie des biens somptuaires sur le modèle de la lutte antiterroriste.

Le combat est diplomatique. Agir seul serait inefficace. Nous devons a minima agir entre pays européens en harmonisant nos règles, en coordonnant mieux nos services d'enquête, en protégeant mieux nos frontières. Cela veut dire intercepter les bateaux sur les routes de la drogue, dans nos eaux territoriales - la marine nationale a saisi 83 tonnes de drogue en 2025, un record outre-mer !

Le combat doit engager l'ensemble de la société française. C'est pourquoi j'appelle le Parlement à envoyer un message très clair de mobilisation par son vote. La réponse doit venir de l'ensemble de la société, acteurs publics comme privés. Les collectivités, les entreprises, les associations ont un rôle à jouer, tout comme les parents. L'Éducation nationale ne peut pas tout : nous comptons sur leur responsabilité.

Les consommateurs doivent être responsabilisés : l'État les accompagnera et les aidera.

Il serait dramatique de ne rien faire. Que le débat ait lieu ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDSE)

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - Il y a moins d'un an, le Sénat adoptait à une très grande majorité la proposition de loi transpartisane visant à sortir la France du piège du narcotrafic. La discussion avait été respectueuse et constructive. Vous aviez clairement signifié que la lutte contre le narcotrafic n'était pas une question de gauche ou de droite, mais de vie ou de mort.

L'an dernier, 367 homicides ou tentatives entre délinquants ont été dénombrés, sur fond de trafic de stupéfiants. Quelque 110 personnes ont été tuées et 341 blessées. Dans le même temps, les saisies de cocaïne et de drogues de synthèse explosent et le nombre de points de deal a fortement baissé ; il faut en féliciter les forces de sécurité intérieure puisque le nombre de mis en cause a augmenté de 7 % entre 2023 et 2024. Cette hausse se poursuit en 2025. Quelque 40 % des 500 000 amendes forfaitaires délictuelles (AFD) délivrées concernent l'usage de stupéfiants.

Un tel constat nous oblige. Nos forces de sécurité intérieures se mobilisent sur la voie publique, en renseignement, en judiciaire et en police administrative, pour démanteler les trafics.

L'État se mobilise résolument depuis plus de dix ans. En 2015, sous François Hollande, le gouvernement avait expérimenté une technique innovante d'échanges de renseignements accélérés - les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross), désormais généralisées à l'ensemble du territoire. En 2018, l'Office anti-stupéfiants (Ofast) était créé, dans une logique de décloisonnement voulue par le Président de la République, et désigné chef de file de la lutte anti-stupéfiants.

Ensuite, plusieurs stratégies se sont succédé, dont la stratégie de pilonnage des points de deal, puis sont venues les opérations, Place nette, par Gérald Darmanin, et Villes de sécurité renforcée, par Bruno Retailleau. Nous continuons de les faire vivre, sans coup de menton ni rupture dans l'action du Gouvernement. Mieux encore, nous voulons intensifier notre action.

Nous aurons une action résolue contre les consommateurs, puisque la consommation de drogue est à l'origine du trafic. Il faut être extrêmement sévère et répressif. L'amende forfaitaire délictuelle, qui fonctionne très bien - elle est recouvrée à près de 56 % - sera portée à 500 euros. Nous améliorerons son recouvrement. Nous réfléchissons également aux actions à mener sur le permis de conduire.

La loi de juin dernier a créé un état-major installé à la direction nationale de la police judiciaire, qui réunit 14 services et échange en permanence. Vous avez doté les préfets de moyens de police administrative - interdictions de paraître, injonctions aux bailleurs -, qui fonctionnent bien : il y a ainsi eu plus de 1 500 interdictions de paraître.

La lutte contre le narcotrafic demande des moyens : le PLF renforce la filière judiciaire, en créant 700 emplois dont 300 dédiés à la lutte contre la criminalité organisée. Ces effectifs sont très attendus. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC et du RDSE ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice .  - J'ai plaisir à évoquer la loi contre le narcotrafic, issue du Sénat - je salue Étienne Blanc et Jérôme Durain fraternellement, ainsi que François-Noël Buffet qui nous a accompagnés dans ce travail.

Le nouveau régime carcéral créé par cette loi a été validé par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel : les 66 recours contre l'État ont échoué et nous avons mis en place deux prisons de haute sécurité, à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, pour y incarcérer, dans le respect des droits de l'homme et de l'État de droit, des personnes coupées de leurs réseaux de criminalité organisée.

Je salue le courage de tous les agents publics, singulièrement du ministère de la justice - quinze magistrats ont reçu des menaces de mort, plusieurs ont été mis sous protection. La tête du procureur général de Douai a été mise à prix : je salue son courage. Plusieurs agents pénitentiaires et greffiers sont sous protection.

Ce régime carcéral inspiré de l'Italie fonctionne bien. Ces personnes, les plus dangereuses de notre pays, commandaient assassinats, trafics et blanchiment depuis nos prisons.

Cette loi a créé le parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco). Les décrets d'application ont été publiés en quatre mois. Une circulaire créera des juges d'application des peines spécialisés. La procureure nationale en sera Mme Vanessa Perrée, actuelle chef de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Elle prendra ses fonctions le 5 janvier. Le Pnaco comptera une trentaine de magistrats et pourra s'appuyer sur les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs).

L'action internationale est primordiale, notamment contre le blanchiment. Nous avons obtenu des Émirats arabes unis 14 extraditions depuis le 1er janvier, alors qu'elles étaient bloquées depuis quatre ans, et ils ont réalisé, voilà 48 heures, les premières saisies et confiscations, de plus d'une trentaine d'appartements à Dubaï, dans un seul dossier. De sa prison, un narcotrafiquant marseillais gérait ainsi le blanchiment de son argent... Cette coopération est un très bon signe, étant donné l'importance de Dubaï pour les narcotrafiquants. Il faut une telle coopération avec le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, mais aussi la Thaïlande et d'autres pays d'Asie du Sud-Est.

Je remercie le Sénat de son soutien constant. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Étienne Blanc.  - Très bien.

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Les drogues sont un lent et invasif poison pour la santé. Parler de narcotrafic sans parler de prévention n'aurait pas de sens. Quelque 450 000 adultes ont consommé de la cocaïne dans l'année ; 750 000 de l'ecstasy ou de la MDMA ; 5 millions du cannabis, soit 50 % de plus qu'en 2017.

Cette banalisation a des conséquences concrètes : les passages aux urgences ont explosé - ceux liés à la cocaïne ont été multipliés par trois depuis 2012. La drogue a des conséquences sur nos familles. Elle enferme dans un engrenage qui ronge peu à peu les liens.

Le Gouvernement agit, en mettant la prévention et l'accès aux soins au coeur de la bataille.

Le premier pilier est la prise de conscience des risques : la consommation de cannabis multiple par deux la survenue des psychoses. Les risques sur la santé mentale, cardiovasculaire ou cognitive sont avérés dès la première prise. En 2026, nous mènerons une grande campagne nationale de prévention, qui combinera marketing social et actions de terrain.

Le second pilier est l'amélioration de l'offre : consultations jeunes consommateurs (CJC), centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud), centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa)... L'offre existe, mais manque de lisibilité et d'efficacité. Nous évaluons les parcours de prise en charge et l'articulation ville-hôpital pour y remédier.

Le troisième pilier est la meilleure intégration des stupéfiants dans la prévention, d'abord auprès des enfants et adolescents. Nous généralisons le dispositif Unplugged. Testé en France et en Europe, il a démontré son efficacité. Chaque contact avec un professionnel de santé doit être l'occasion d'interroger le patient sur ses habitudes et d'opérer des changements. Je souhaite aussi que nous réfléchissions à développer des métiers de santé publique entièrement dédiés à la prévention.

Le quatrième pilier est le renforcement de nos dispositifs de veille et d'alerte.

La lutte contre les drogues est au coeur des enjeux économiques, sécuritaires, démocratiques et sanitaires. Elle s'inscrit dans nos priorités pour 2026 : protéger la santé de nos enfants, renforcer la santé mentale, garantir un meilleur accès aux soins. Vous pouvez compter sur mon engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

Mme Alice Rufo, ministre déléguée auprès de la ministre des armées et des anciens combattants .  - La loi de programmation militaire (LPM) commence à produire des résultats, en particulier outre-mer, en renforçant les capacités de nos armées - singulièrement de la marine - dans la lutte contre le narcotrafic.

Le troisième patrouilleur outre-mer de nouvelle génération a été livré à La Réunion ; il porte le nom d'un Compagnon de la Libération né à Saint-Louis et dispose d'un rayon d'action accru. Tous les patrouilleurs seront livrés d'ici à 2027. Le renouvellement des moyens aériens est également engagé, avec la livraison d'un premier Falcon 50 à Tahiti en avril, et la notification en septembre d'une tranche optionnelle de cinq avions Albatros, portant la flotte à douze appareils.

Ces premiers résultats doivent être poursuivis : début 2025, plus de 83 tonnes de stupéfiants ont été saisies, soit deux fois plus que l'année précédente. Cette hausse tient évidemment à l'augmentation des flux de cocaïne vers l'Europe, mais aussi au renforcement du renseignement, à l'expertise de notre marine nationale, dont je salue le caractère dual, et aux évolutions législatives qui ont accru nos capacités opérationnelles.

Nous pouvons ainsi affaiblir les filières criminelles, renforcer la souveraineté de la France sur ses espaces maritimes et développer une coopération internationale accrue, notamment dans le Pacifique Sud et l'océan Indien, comme nous l'avons fait avec le South Pacific Defence Ministers' Meeting (SPDMM). La France dispose d'une expertise maritime qui lui permet d'exercer un véritable leadership régional et international. (MM. Marc Laménie et Ludovic Haye applaudissent.)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités .  - Le monde du travail n'est pas épargné. Bien au contraire, les conduites addictives au travail constituent un enjeu croissant de santé, de sécurité et de maintien en emploi. Les médecins du travail évaluent à 7 % la proportion de salariés addicts au cannabis ; c'est deux fois plus qu'il y a 15 ans.

La prise de drogues renforce les risques : baisse d'attention, accidents, tensions entre collègues, désorganisation du travail, risque de décrochage professionnel. La drogue détruit socialement les gens et peut les conduire à la rue. Le coût social des drogues est évalué à 7,7 milliards d'euros, mais le coût humain est encore plus élevé.

Le 5e plan Santé au travail, publié le 1er janvier, renforcera l'accompagnement des employeurs et mobilisera davantage les services de prévention pour sensibiliser les salariés. Il améliorera la prise en charge des salariés consommateurs de stupéfiants. Il y a un lien entre drogue et santé mentale : soit la drogue est une fausse solution, soit elle est un facteur aggravant.

Nous renforcerons notre action grâce à la charte de l'Alliance pour la santé mentale.

La prévention suppose aussi un contrôle ferme des employeurs. Si les postes le justifient, ils peuvent déjà organiser des dépistages inopinés et s'y soustraire peut mener jusqu'au licenciement. Dans le cadre du plan Santé au travail, nous souhaitons inscrire dans le code du travail l'interdiction absolue de travailler sous l'emprise de psychotropes.

Il faut protéger particulièrement les jeunes, qui souffrent de difficultés sociales et économiques et sont des cibles faciles pour les narcotrafiquants. Le PLF renforce les moyens alloués aux établissements d'insertion professionnelle des jeunes en décrochage. Après neuf mois de prise en charge, 70 % d'entre eux trouvent un travail.

Les priorités sont claires : protéger les salariés des risques liés à la consommation de drogue, mieux accompagner les employeurs, lutter contre les risques de décrochage social.

La lutte contre le narcotrafic est notre affaire à tous et le monde du travail et des solidarités se mobilisera au service de cette grande cause. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale .  - L'école n'est pas à l'abri du narcotrafic. Ce ne sont plus des faits isolés, mais une logique d'emprise structurée qui resserre ses liens et finit par mettre l'école sous pression.

Deux chiffres, tirés de « Faits établissement » : les signalements liés à la détention et la consommation de stupéfiants ont augmenté de 16 % en trois ans et ceux pour trafic dans ou aux abords d'un établissement de 56 %. Tous les territoires sont touchés ; trois quarts des cas sont hors éducation prioritaire.

Les conséquences en sont un climat dégradé, une réussite en chute libre, un absentéisme élevé et une école à la fois bouclier et refuge, comme un sanctuaire assiégé.

Je me suis rendu au collège Champollion dans le quartier des Grésilles à Dijon, partiellement incendié dans la nuit de vendredi à samedi. Ce quartier est marqué par le combat de la police contre le narcotrafic. Dès lundi matin, l'équipe était sur site, unie, debout. Je lui rends hommage : grâce à elle, l'école tient, pour refuser la fatalité.

Nous voulons une politique de prévention claire dans l'enceinte de l'école. Prévenir, c'est extraire les élèves de l'influence insidieuse des narcotrafiquants et les accueillir en sécurité dans nos murs. C'est aussi instruire. Comme l'a dit l'une des professeurs de Champollion, les élèves doivent être assis sur des chaises de classe pour ne pas finir sur des chaises de guetteur. Prévenir, c'est aussi lutter contre les conduites addictives, grâce à notre réseau de 8 000 infirmières et 9 000 psychologues, renforcés de 300 ETP dans le PLF 2026.

L'école s'engage pour que ces enfants ne soient pas un jour la proie des narcotrafiquants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Muriel Jourda et MM. Marc Laménie et Mathieu Darnaud applaudissent également.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France est submergée par le narcotrafic et la criminalité organisée ; tous les territoires de la République sont concernés. Ce phénomène menace la santé publique et la sécurité de nos compatriotes. Avec la loi du 13 juin 2025, la France s'est dotée d'un état-major interministériel et du Pnaco. Face à la mondialisation des trafics, la guerre contre les trafiquants appelle une action internationale sans relâche. Afin d'éradiquer le mal à la racine, mon ministère multiplie les accords sécuritaires avec les pays de transit et de rebond. Nous renforçons nos effectifs, au sein de mon ministère, mais aussi des autres ministères que nous accueillons dans nos postes diplomatiques.

Nous orientons l'aide au développement pour financier des projets de cultures de substitution, sécuriser les ports ou lutter contre le blanchiment.

Nous avons initié à Bruxelles la création d'un régime de sanctions dédié pour interdire l'accès au territoire européen et geler les actifs de criminels réfugiés à l'étranger.

Lors de mon déplacement en Amérique Latine et dans les Caraïbes avec le Président de la République, j'ai rappelé que c'est sur cette région que porte notre premier axe d'effort, car c'est là qu'est produite la cocaïne qui déferle dans nos rues. La production explose en Colombie, au Pérou, en Bolivie. Elle transite par l'Équateur, le Brésil, le Panama, le Venezuela, le Plateau des Guyanes et les Caraïbes.

Notre deuxième axe d'effort porte sur l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. C'est au Maghreb qu'est produit l'essentiel du cannabis importé en France et de nombreux narcotrafiquants y sont réfugiés. L'enjeu est d'obtenir des extraditions, des judiciarisations sur place et des saisies d'actifs. Le Maroc est aussi un pays de rebond pour la cocaïne.

Notre troisième axe d'effort porte sur les pays des Balkans occidentaux. La coalition, créée sous les auspices de la communauté politique européenne, les amènera à prendre des mesures.

Nous ferons du narcotrafic une priorité de la présidence française du G7. Nous défendrons des initiatives en matière de renseignement ou de lutte contre le trafic en mer et les flux financiers illicites.

La lutte contre le narcotrafic s'inscrit dans la durée. Ce combat nécessite des moyens indispensables intégrés au PLF pour 2026.

Soyez assurés de la pleine mobilisation de mon ministère. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics .  - Face à la menace grave du narcotrafic et de la criminalité organisée sur notre pacte républicain, la réponse de l'État doit être totale, sans angle mort.

L'argent est le carburant du narcotrafic. Le couper, c'est couper le moteur. C'est pourquoi nous renforçons la lutte contre le blanchiment, par une coopération renforcée au sein de l'état-major contre la criminalité organisée et une mobilisation totale de mes services.

Les résultats sont là : les déclarations de soupçon ont augmenté de 90 % depuis 2020 et devraient encore croître grâce à la loi de juin dernier. Mais nous devons aller plus loin, notamment dans le secteur non financier, pour que chaque euro blanchi soit toujours un risque, jamais une opportunité.

Les moyens de Tracfin ont été renforcés et continueront de l'être. La nouvelle procédure de gel administratif des avoirs des narcotrafiquants entrera en vigueur en janvier. Ainsi, l'argent sera immobilisé avant de pouvoir disparaître.

Nous adaptons nos méthodes et nos moyens. Nous renforçons massivement nos capacités de contrôle dans les ports et les aéroports avec une attention accrue sur les outre-mer. Cette modernisation a un coût - 5 millions d'euros pour un scanner fixe -, mais le coût de l'inaction serait bien plus élevé.

Je remercie les douaniers, qui ont saisi 29 tonnes de cocaïne en 2025, soit 2 milliards d'euros qui n'entrent pas dans les circuits de blanchiment.

La corruption est une attaque directe contre la République. Afin de renforcer la probité de nos agents publics, nous devons leur donner les capacités de sortir de l'engrenage, de se signaler. Le plan pluriannuel de lutte contre la corruption 2025-2029 doit être mis en oeuvre dans toutes les administrations à risque.

La lutte contre le narcotrafic est une priorité pour les Français. Les administrations de Bercy y prennent toute leur part. Face au narcotrafic, la République ne cède pas, elle se défend. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC)

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer .  - La lutte contre le narcotrafic commence sur une piste d'aéroport à Cayenne, sur une vedette en mer des Caraïbes, sur une côte des Antilles, loin de l'Hexagone. Ce que nos forces interceptent là-bas n'avait pas vocation à y rester.

Le rapport d'information de MM. Lurel, Bas et Mme Jacques décrit sans détour la place centrale du narcotrafic. Il appelle à un choc régalien et à faire de la diplomatie des outre-mer un levier stratégique contre les réseaux internationaux. Les faits confirment cette analyse. Les outre-mer sont traversées par les grandes routes mondiales de la drogue, en Caraïbes ou dans le Pacifique. Ce qui est bloqué en Guyane n'arrivera pas à Marseille, Lyon ou Paris.

En 2025, 35,2 tonnes de cocaïne ont été saisies contre 28,3 tonnes l'an dernier et quelques tonnes seulement il y a dix ans. Cette progression dit l'ampleur du phénomène, mais aussi l'intensité de l'action de l'État.

Les outre-mer sont des zones d'interception, mais aussi des territoires exposés durement frappés : consommation d'ice en Polynésie ; trafics locaux ; taux d'homicides aux Antilles cinq fois supérieur à la moyenne nationale. Pour une réponse ferme, des moyens ont été engagés, dont des aéronefs et des contrôles systématiques du transport aérien en Guyane. Frapper les flux ne suffira pas. Il faut démanteler les réseaux, assécher les financements et empêcher l'enracinement des organisations criminelles. Le renforcement de la Jirs de Fort-de-France, l'action de l'Ofast et de la police judiciaire vont dans ce sens.

Les outre-mer sont aux avant-postes. Elles encaissent les chocs en premier et protègent le territoire national. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et du RDPI)

M. Étienne Blanc .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC) Personne ne vous croirait si vous disiez que la concordance des dates entre le débat de ce soir et le déplacement du Président de la République, hier à Marseille, relève du pur hasard. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'en amuse.) Personne ne vous croirait non plus si vous prétendiez que cet échange ne relève pas d'une vaste opération de communication de l'exécutif, alors que la France est submergée par la vague du narcotrafic qui déferle en métropole comme en outre-mer, dans les zones urbaines comme rurales.

M. Guy Benarroche.  - Bravo !

M. Étienne Blanc.  - C'est bien au Sénat qu'en application de l'article 51-2 de la Constitution, fut décidée la mise en oeuvre de la commission d'enquête sur le narcotrafic. C'est bien le Parlement et non le Gouvernement, monsieur le Premier ministre, qui aura réveillé les consciences sur ce sujet crucial. Les Républicains considéraient qu'il était temps d'ouvrir les yeux sur une activité criminelle considérable.

J'ai remis ce rapport avec mon excellent collègue Jérôme Durain au président Larcher le 7 mai 2024. Trois chiffres résument notre constat. Le premier est le chiffre d'affaires du commerce des drogues : en 2023, on l'estimait à 6 milliards d'euros ; fin 2025, il atteindrait 8 milliards d'euros, soit 80 % du budget du garde des sceaux. Le deuxième est le nombre de délinquants qui en vivent : 250 000, pour 255 000 policiers et gendarmes. Le troisième est le plus effrayant : en 2023, la France a déploré 451 victimes d'homicides ou de tentatives liées au narcotrafic.

Le mérite de notre rapport est d'avoir montré dans le détail le fonctionnement de cette entreprise criminelle, pointé les lacunes de l'État et fait des recommandations. Le président du Sénat nous a demandé d'en tirer une proposition de loi, qui a été adoptée à l'unanimité du Sénat et promulguée en juin dernier.

Pourquoi a-t-il fallu attendre ce travail sénatorial pour considérer le narcotrafic comme un péril pour la nation ? Ces dernières années, les gouvernements successifs furent d'une passivité désolante. Monsieur le Premier ministre, vous voulez l'effacer ce soir en venant accompagné de neuf ministres ! Comme si le nombre voulait démontrer la force d'une volonté politique, dont je doute. Mais nous n'allons pas bouder notre plaisir et sommes heureux d'accueillir ce conseil des ministres délocalisé ! (Sourires)

Il faut perdre cette insupportable habitude politique qui fait de tout sujet sur lequel le Gouvernement a communiqué un problème réglé. Si des mesures concrètes naissent de notre débat, il aura été utile. Sinon, il n'en restera que du vent.

Monsieur le ministre de l'intérieur, qui êtes en charge des élections municipales, que mettez-vous en oeuvre pour écarter les candidatures de proches des réseaux de narcotrafiquants, qui ont compris que ce sont les maires qui décident de l'installation de caméras, attribuent les logements sociaux et ont autorité sur la police municipale ? Donner à des narcotrafiquants le moindre pouvoir dans ces domaines serait dangereux. Comment écarterez-vous ce risque, alors que vos fichiers ont été pillés cette nuit par des personnes dont, sans doute, les narcotrafiquants sont proches ?

Madame la ministre de la santé, pourquoi si peu de campagnes contre les drogues alors qu'il y en a contre le tabac ou l'alcool ?

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je tenais une réunion sur le narcotrafic à Clermont-Ferrand. L'adjoint à la sécurité a révélé que la directrice d'une école primaire lui avait appris que, dans la cour de récréation, des enfants inséraient des feuilles de platane dans des petites enveloppes pour jouer au deal de cannabis. Que ferez-vous concrètement et quand, en tant qu'éducateur de la jeunesse de notre pays ? Un grand nombre de lycéens nous ont dit qu'ils n'avaient jamais entendu parler de drogue dans leur cursus scolaire.

Madame la ministre de l'outre-mer, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint-Martin sont devenues des zones de rebond. Les stocks de cocaïne, considérables, sont protégés par les armes, avant d'être acheminés par bateau. Les forces navales que nous avons auditionnées ont besoin de frégates, de vedettes, d'hélicoptères pour surveiller les Caraïbes infestées par la drogue. Que ferez-vous pour répondre aux cris de détresse des élus d'outre-mer ? Ils n'ont qu'un mot à la bouche : « Ne nous abandonnez pas ! »

Monsieur le ministre des affaires étrangères, les entreprises criminelles sont de puissantes multinationales. Agirez-vous seul, avec l'Europe ou nos alliés pour faire céder ces pays refuges - Émirats arabes unis, Maroc, Algérie et tant d'autres - sur les extraditions, la confiscation des avoirs criminels et les échanges de renseignements ?

Dans un contexte de perte d'influence de la France, nous attendons vos réponses avec impatience, mais aussi avec inquiétude.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez accompagné sans ambiguïté nos travaux. Comment pouvez-vous nous expliquer que les décrets d'application sur le nouveau statut de repenti, sur les infiltrés, sur les indicateurs, sur l'anonymisation des procédures ne soient pas encore signés ? On nous les annonce dans trois, quatre, voire six mois...

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - C'est la loi ! C'est vous qui avez fixé la date dans la loi !

M. Étienne Blanc.  - Curieuse contradiction : d'un côté, vous saluez les mérites de la loi, et de l'autre, vous procrastinez.

Madame la ministre des comptes publics, vous avez été constante dans votre discours sur la faiblesse de nos finances publiques. Sur les 7 à 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires du narcotrafic, l'État n'a saisi que 117 millions d'euros en 2023 : 6 à 7 milliards d'euros se sont donc évaporés dans la nature, sous les yeux d'un Gouvernement impuissant et impécunieux. Vous avez des moyens considérables pour doter la marine, la douane, la police, la gendarmerie, des moyens qui leur manquent cruellement.

Nous pourrions continuer la litanie des manques et incohérences... Mais ce sujet ne saurait tolérer plus longtemps les atermoiements de l'exécutif et ces insupportables campagnes de communication, comme hier à Marseille. Déclarer qu'on va porter l'amende forfaitaire délictuelle à 500 euros, alors qu'on en recouvre moins de la moitié...

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux et M. Laurent Nunez, ministre.  - C'est faux !

M. Étienne Blanc.  - Ces campagnes de communication nous lassent. Le Président de la République aurait été bien mieux inspiré de nous dire comment saisir les 50 % qui manquent...

M. Laurent Nunez, ministre.  - Je l'expliquerai après.

M. Étienne Blanc.  - Agitation médiatique, poudre aux yeux : on ne peut pas traiter aussi légèrement de sujets aussi graves.

Nous avons écrit que la France était au bord du gouffre. Ces mots n'étaient pas excessifs. En terminant nos travaux, nous avons pris connaissance d'une déclaration de magistrats mexicains, dans laquelle ils disaient que la France n'était pas un narco-État, mais que certains signes inquiétaient : meurtres, violence, corruption. Au Mexique, les choses avaient commencé ainsi, mais ils avaient réagi trop tard...

Le Gouvernement doit armer la France contre une guerre terrible. Il faut le faire pour la France, mais aussi pour cette jeunesse perdue -  qui chouffe, qui deale, qui charbonne, qui menace, qui rançonne, qui assassine... Les 600 pages que nous avons rédigées expliquent pourquoi et comment nous en sommes arrivés là, mais nous n'avons pas pu entrer dans le détail de ces drames humains qui s'étalent dans notre presse quotidienne régionale. Je pense à ce gosse de 15 ans, enlevé par une bande rivale, attaché au fond d'une cave, lardé d'une cinquantaine de coups de couteau, brûlé vif au chalumeau, avant que son corps démembré ne soit rendu aux siens. La vidéo de son martyr a circulé sur les réseaux sociaux pour intimider. Voilà la réalité du narcotrafic.

De grâce, moins de mots, moins de communication, moins d'esbroufe : menez cette bataille pour la sécurité des Français, et surtout pour tenter de sauver cette jeunesse perdue. (Applaudissements)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Chaque jour, le piège du narcotrafic se referme un peu plus, menaçant notre sécurité, notre cohésion sociale et à terme, peut-être, notre État de droit. L'assassinat de Mehdi Kessaci nous l'a rappelé tragiquement.

La question du narcotrafic se pose à nouveau au Parlement, quelques mois après le vote d'une proposition de loi transpartisane coconstruite après une longue commission d'enquête sénatoriale.

Sur la demande du groupe socialiste, le Gouvernement nous sollicite... Nous serons au rendez-vous. Nous l'avons montré avec Jérôme Durain, président de la commission d'enquête et corapporteur de la proposition de loi. La commission d'enquête a fourni un diagnostic documenté et complet, qui a permis de dépasser les impressions et les postures, pour établir des constats solides.

Le narcotrafic n'est plus un phénomène périphérique : désormais inscrit dans le quotidien de millions de nos concitoyens, il se diffuse territorialement, s'ubérise, utilise les réseaux sociaux et les plateformes cryptées. Les menaces liées au narcotrafic sont sécuritaires, sanitaires, sociales, économiques et même démocratiques. Lorsqu'un territoire bascule, lorsque la loi du plus fort remplace celle de la République, lorsque l'État recule, toute la confiance se fissure.

Alors que faire ? Renforcer encore le cadre juridique ? Nous n'avons pas de raison de nous y opposer. Mais mettons déjà en oeuvre le cadre actuel : appliquez la loi votée il y a six mois.

Des progrès ont été réalisés : création du Pnaco, amélioration des saisies-confiscations, nouveaux pouvoirs des préfets, création de quartiers pénitentiaires, actions internationales présentées en novembre, tout cela va dans le bon sens. Mais seulement 14 % des 37 décrets d'application de la loi ont été publiés : il faut aller plus vite !

Nous avons aussi des propositions : ainsi de la proposition de loi visant à encadrer l'utilisation de véhicules surpuissants par les jeunes détenteurs du permis ou de la proposition de loi de Laurence Rossignol sur le proxénétisme, tant réseaux de proxénétisme et de drogue sont imbriqués.

Notre ligne est claire : oui à la réduction de l'asymétrie entre narcotrafic et forces de police, mais à condition de ne pas déséquilibrer le rapport entre sécurité et liberté. Notre boussole est celle du Conseil constitutionnel : l'efficacité ne saurait justifier un affaiblissement de l'État de droit.

Oui, la priorité est de faire plus de prévention. La lutte contre le narcotrafic ne se résume pas à la lutte contre les narcotrafiquants. Nous devons aussi nous intéresser aux produits et à ceux qui les consomment. Mais il ne suffit pas de les réprimer davantage ou de vouloir les responsabiliser à tout prix. Comme l'a dit la commission d'enquête Blanc-Durain : il faut gagner la bataille culturelle.

Des enfants de plus en plus jeunes sont recrutés comme guetteurs, vendeurs ou pire, en raison d'un cumul de vulnérabilités -  décrochage scolaire, précarité sociale, problèmes de santé mentale... Nous avons besoin de campagnes de prévention plus percutantes. L'État fait beaucoup moins contre la drogue que contre le tabac et l'alcool. Évitons de moraliser -  je pense à l'annonce du Président de la République...  - et adaptons le discours au public visé, qu'il consomme à titre récréatif ou qu'il soit en proie à des difficultés personnelles ou professionnelles.

Dire cela, ce n'est pas lancer le débat sur la dépénalisation - qui viendra probablement un jour -, c'est accepter d'échanger sans tabou.

Nous avons besoin de prévention, de réduction des risques, de prise en charge médicale. Les haltes soins addictions (HSA), sauvés dans le PLFSS, devront être étendues. Je regrette que le Gouvernement ne les ait pas citées.

Prévenir, c'est aussi investir dans l'éducation, l'insertion, le logement, l'emploi, la mobilité. Il nous faut une politique globale structurée, articulée autour du sanitaire, du social du sociétal, et associant nos collectivités.

Je salue la présence ce soir de tous les ministres concernés.

Puisque le modèle a fonctionné pour le volet répressif - l'acte 1 de notre lutte commune contre le narcotrafic -, nous vous proposons de l'appliquer pour l'acte 2, sur le volet prévention. Le Sénat s'honorerait à lancer rapidement la commission d'enquête sur la prévention et l'accompagnement. Il faudra inclure dans la prévention les produits stupéfiants connus, mais aussi les autres, comme le protoxyde d'azote dont la consommation explose - la récente proposition de loi de Marion Canalès en demande l'interdiction. Donnons-nous les moyens de combattre ce fléau, pour éviter que ne se reproduisent de tragiques accidents, comme celui de Mathis à Lille.

Nous plaidons pour un renforcement des moyens. Mais nos amendements pour mieux doter la police et la justice ont été rejetés. Dans le PLFSS, nous avons aussi demandé que soient soutenus la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), les associations, les centres sociaux, les clubs de sport, les éducateurs.

Pour que le piège du narcotrafic ne se referme pas, le groupe SER répond positivement aux questions posées par le Gouvernement. Nous souscrivons à une grande partie des solutions esquissées - ce qui ne veut pas dire que nous serons d'accord sur tout -, sans perdre de vue le double impératif de vivre en sécurité et en liberté. (Applaudissements)

Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées des groupeUC et INDEP et du RDSE) Je rends hommage à nos policiers, gendarmes, douaniers et magistrats, qui sont en première ligne face au narcotrafic. Submersion, ce mot décrit bien ce que nous subissons. Le narcotrafic n'est plus cantonné aux grandes métropoles : il a gagné les villes moyennes, les petites communes et même les zones les plus rurales. La valeur du trafic a bondi de 189 % en treize ans, pour atteindre 6,8 milliards d'euros.

Alors que la commission d'enquête et la proposition de loi sont une success story du Sénat, nos travaux législatifs sont décousus et les structures travaillent trop en silo. La politique des petits pas législatifs - un mikado de cinq textes parcellaires sur le blanchiment en moins de six mois - ne fonctionne pas.

Arrêtons de dire qu'il faut frapper au portefeuille, quand nous ne recouvrons que 2 % des avoirs criminels ! Comment être efficace quand la plateforme d'identification n'a pas toutes les licences nécessaires et que les services ne peuvent même pas échanger leurs données ? Et l'on vient d'apprendre que le ministère de l'intérieur a fait l'objet d'un piratage... Comment être opérationnel quand certains décrets ne sont toujours pas publiés ? Il faut renforcer et réarmer nos procédures de saisie et de confiscation. L'enquête patrimoniale doit être menée pendant l'enquête, mais aussi après le jugement. Ainsi de ce trafiquant qui achète de l'immobilier à Dubaï en cryptomonnaie grâce à son portable, depuis sa cellule aux Baumettes... Car oui, 100 % des dossiers de criminalité organisée comportent désormais l'usage de cryptomonnaies.

Le blanchiment est un autre volet de la lutte contre la criminalité organisée. Je salue le travail de Mme Goulet, qui regrette de ne pouvoir être présente ce soir. La proposition de loi adoptée le mois dernier vise à lutter contre les sociétés éphémères, cheval de Troie de la criminalité organisée : 20 à 25 milliards d'euros de fraudes à la TVA par an ! On nous dit qu'il ne faut pas entraver la liberté de commerce ; résultat : des milliers d'entreprises - kebabs, barbiers... - n'ont pour seule vocation que le blanchiment, le carrousel de TVA ou la fraude aux Urssaf.

Blanchir est devenu un métier, un service. Nous avons besoin de bâtir une politique d'ensemble avec les services, pas avec des experts ou pseudo-experts qui oublient le terrain. La délinquance financière est devenue un levier stratégique du crime organisé.

Cette guerre contre le narcotrafic passe aussi par davantage de fermeté dans nos prisons - trop longtemps, nous avons fermé les yeux sur les objets introduits en détention - et par une lutte sans complaisance contre la corruption, où qu'elle se niche. Je salue la création des deux prisons de haute sécurité.

Les maires, en première ligne, ont besoin d'une feuille de route : droit de préemption, formation des policiers municipaux à la détection des commerces éphémères, notamment.

Adoptez une position plus volontariste, pour étendre ce travail sur le narcotrafic à l'ensemble de la criminalité organisée, notamment le blanchiment. L'augmentation des moyens alloués à la douane - plus 3,6 % par rapport à 2025 - doit être poursuivie et amplifiée.

Le groupe UC propose la création d'un groupe de suivi des textes à la suite des deux commissions d'enquête sénatoriales, Blanc-Durain et Goulet-Daubet. (Applaudissements)

M. Pierre Médevielle .  - « La drogue est une gangrène », disait Jacques Chirac en 2003. Vingt ans plus tard, force est de constater que cette gangrène a fortement progressé. Le narcotrafic n'est pas une délinquance parmi d'autres : il est l'axe central d'une criminalité organisée, structurée, financiarisée et violente, qui conteste par la force l'autorité même de l'État.

Longtemps cantonné à certains quartiers ou à quelques grandes métropoles, il s'étend désormais aux villes moyennes, aux zones périurbaines, aux territoires ruraux, jusque dans les collèges, les lycées et les vestiaires des stades. Pour certains, les coups de feu ne sont pas plus qu'un bruit de fond.

Je veux saluer l'implication des pouvoirs publics : forces de sécurité intérieure, douanes, Ofast, magistrats spécialisés. Les saisies atteignent des niveaux inédits. La marine nationale a saisi plus de 83 tonnes de drogue en 2025, pour une valeur estimée à 3,6 milliards d'euros, soit une hausse de 70 % par rapport à 2024. Mais ces résultats traduisent surtout l'ampleur d'un trafic industrialisé. Les milliers de points de deal, la rapidité de reconstitution des réseaux montrent l'existence d'une véritable économie parallèle, qui s'appuie sur les nouvelles technologies, les cryptomonnaies, les messageries cryptées. Les réseaux sont spécialisés, fonctionnant selon un taylorisme criminel.

Malgré les progrès réalisés par les services d'enquête, nos agents doivent disposer de moyens accrus. Les réseaux survivent aux arrestations et parfois même à l'incarcération de leurs chefs. Monsieur le garde des sceaux, vous avez pris le problème à bras-le-corps.

Derrière ces chiffres, il y a des drames humains. La drogue fait des victimes parmi ceux qui la vendent, parmi ceux qui la consomment, mais aussi parmi ceux qui n'ont rien demandé. Je pense à cette étudiante fauchée par une balle perdue, à celles et ceux qui vivent sous la menace, à ceux qui refusent la loi du silence et en paient le prix.

Les produits sont importés, les méthodes aussi. La violence des cartels latino-américains gagne l'Europe : armes de guerre, règlements de comptes en pleine rue, tout jeunes tueurs à gages.

Alors que les ports sont des points névralgiques de la lutte contre les trafics, Le Havre a besoin de moyens supplémentaires. La corruption devient un levier stratégique. Le narcotrafic ne prospère pas sans blanchiment massif ; tant que l'argent du crime circulera plus vite que nous ne le saisissons, les réseaux conserveront un avantage décisif.

Il y a enfin la question des consommateurs - l'éléphant dans la pièce. Sans eux, pas de trafic de drogue. Responsabilité pénale, prévention et soins ne sont pas incompatibles. L'expérience néerlandaise est un échec. Derrière un rail de cocaïne en boîte de nuit, il y a des chambres de torture et des exécutions. Les consommateurs portent une très lourde responsabilité. Un kilo de cocaïne s'achète 1 000 euros en Amérique latine et se revend jusqu'à 60 000 euros en Europe. En 2023, plus de 1 million de Français ont consommé au moins une fois de la cocaïne ; c'est deux fois plus qu'en 2017.

Nous ne connaissons pas encore les ravages observés ailleurs, notamment avec le fentanyl aux États-Unis, mais les signaux faibles sont là : il faut agir vite et fermement. Ce n'est pas la justice qui est défaillante, mais ses moyens : nous avons besoin de places de prison sécurisées.

Face à une économie criminelle mondialisée, la réponse doit être globale - pénale, financière, technologique. La lutte contre le narcotrafic exige des moyens et du courage. Les Indépendants soutiendront l'initiative du Gouvernement. C'est une bataille de longue haleine, que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre. (Applaudissements)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il y a encore quelques années, le narcotrafic était perçu comme un phénomène périphérique, cantonné à certains quartiers des grandes métropoles. Cette illusion s'est dissipée. Il n'est plus une menace diffuse : il est omniprésent et touche notre sécurité, notre jeunesse, notre santé publique et l'intégrité même de l'action publique. Alors que la République est directement défiée, le Gouvernement a choisi de répondre sans détourner le regard.

Comme l'a montré la commission d'enquête sénatoriale, nous faisons face à un double phénomène préoccupant : l'émergence de nouveaux produits dévastateurs à bas coût et la banalisation des drogues dites dures, au premier rang desquelles la cocaïne. Derrière les chiffres des saisies records, une réalité brutale : près de 1,1 million de Français ont consommé de la cocaïne en 2023...

Il faut assumer une vérité dérangeante : le consommateur est un maillon du système. Il finance la violence, alimente la corruption et rend possible l'enrôlement des plus jeunes. La réponse doit donc être ferme. Les amendes forfaitaires délictuelles constituent un outil pertinent - quand elles sont recouvrées. La proposition du Président de la République d'en augmenter le montant vise à mettre fin à la banalisation de la consommation. Mais la répression seule ne suffit pas : c'est aussi un enjeu de santé publique, de prévention et de prise en charge des addictions.

Cette économie criminelle prospère grâce à l'enrôlement des jeunes. Proposer 150 à 200 euros par jour à un adolescent rend le recrutement tragiquement simple. En 2023, 19 % des mis en cause pour trafic de stupéfiants étaient mineurs. Il faut protéger davantage nos jeunes et les éloigner durablement de ces logiques de domination fondées sur l'ultraviolence, les fusillades, les assassinats ciblés et les rackets. Je pense à la famille Kessaci.

Cette violence frappe l'ensemble du territoire, avec une acuité particulière en outre-mer. La marine y accomplit un travail remarquable, mais ses capacités doivent être renforcées. Aux Antilles, le narcotrafic pénètre profondément le tissu social ; en Guyane, le phénomène des mules touche toutes les strates de la société. Le dispositif « 100 % contrôle » a permis de ralentir le trafic, mais il mobilise fortement les forces de l'ordre. D'autres solutions existent, comme des scanners corporels, une demande de notre collègue Marie-Laure Phinéra-Horth qui mérite une réponse rapide.

Face à cette menace, nous avons choisi d'agir. La loi sur le narcotrafic renforce les pouvoirs de l'État : fermetures administratives, allongement des gardes à vue, lutte contre le blanchiment. Le travail des services de police et de renseignement est remarquable, mais il faut aller plus loin et taper plus fort. La création du Pnaco marque un changement de paradigme. La lutte doit aussi se poursuivre en détention : l'isolement des grands narcotrafiquants dans des quartiers hautement sécurisés est indispensable pour empêcher la poursuite des activités depuis la prison.

La situation est alarmante, mais il n'y a pas de fatalité. Il nous faut renforcer notre cadre juridique, nos dispositifs de prévention et nos moyens face à une menace en constante évolution. Ce combat est une question de sécurité, mais aussi de souveraineté. Forces de l'ordre, magistrats, agents pénitentiaires, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et élu locaux doivent être protégés. La République ne doit pas céder. Le RDPI réaffirme son soutien résolu à l'action du Gouvernement. (Applaudissements)

M. Jérémy Bacchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Notre groupe a fait le choix de la responsabilité en votant la proposition de loi Narcotrafic, parce que les trafics s'étendent, que les réseaux criminels se structurent, se professionnalisent, se financiarisent, et que l'emprise mafieuse gagne de nombreux territoires - Marseille, mais aussi d'autres villes. Un cap a été franchi avec l'assassinat de Mehdi Kessaci. La menace va crescendo.

Nous avons voté ce texte en acceptant qu'il fasse l'impasse sur certains sujets majeurs, pour trouver un compromis politique. Mais si l'on refuse de les traiter, cette loi sera insuffisante. La lutte contre le narcotrafic ne peut être uniquement répressive ni se limiter à l'aval : elle doit être globale, cohérente et déterminée.

Le narcotrafic est avant tout une économie criminelle et mondialisée, qui ne prospère que parce que ses profits peuvent être investis, et recyclés. Sans blanchiment, pas de trafic à grande échelle. Or ce blanchiment s'opère à travers des circuits financiers identifiables - en tablant sur la négligence, la complaisance, voire la complicité de certains acteurs. Lorsque les banques ferment les yeux, préfèrent la rentabilité au respect de la loi, elles deviennent des maillons de la chaîne criminelle.

On ne peut afficher une fermeté absolue contre les trafiquants et être indulgents envers ceux qui font circuler l'argent sale. Il nous faut renforcer la justice financière, les moyens d'enquête spécialisés, les contrôles bancaires et les sanctions, pour que le blanchiment devienne un risque réel, dissuasif, systématiquement poursuivi.

Le trafic de drogue est par nature transnational : les drogues consommées ici sont produites ailleurs et les profits blanchis au-delà de nos frontières. La France ne peut prétendre lutter efficacement sans une stratégie internationale ambitieuse, fondée sur une coopération judiciaire et policière renforcée et sur des exigences politiques claires vis-à-vis des États producteurs ou complaisants. La lutte contre le narcotrafic doit devenir un enjeu diplomatique.

J'en viens à la prévention sanitaire et à la santé publique. La consommation progresse, les dépendances s'aggravent, les usagers sont de plus en plus jeunes. Pourtant, la réponse sanitaire demeure sous-dimensionnée. Les structures de soins sont saturées, les dispositifs de prévention manquent de moyens. On ne réduira pas durablement l'emprise des trafiquants sans une politique de santé publique ambitieuse et dotée de moyens. Or, dans le budget pour 2026, les moyens de la santé diminuent. L'expérimentation des haltes de soins addictions n'est pas pérennisée, malgré des évaluations convergentes soulignant leur efficacité. Dans le même temps, les crédits de la Mildeca baissent, les moyens des associations sont réduits et 4 000 postes d'enseignants sont supprimés alors même que l'on affirme vouloir renforcer la prévention. La sécurité est un droit fondamental, la santé l'est tout autant : les opposer serait une erreur politique et stratégique.

Enfin, je veux insister sur la protection de l'enfance. Les 350 000 mineurs et jeunes majeurs qui relèvent de l'aide sociale à l'enfance constituent des cibles privilégiées des réseaux mafieux, qu'il s'agisse de trafic de stupéfiants ou de prostitution. Ces enfants sont recrutés, exploités, parfois sous la contrainte, dans les foyers censés les protéger. C'est un échec collectif. Comment parler de fermeté tout en laissant prospérer un vivier de main-d'oeuvre pour ces mafias ? La protection de l'enfance est une condition centrale de l'efficacité de notre action.

Partout où l'État recule, les mafias progressent ; partout où les services publics s'affaiblissent, les trafiquants s'installent. Nous avons pris nos responsabilités en votant ce texte. Il faut désormais aller au bout, assumer une approche globale, avec de vrais moyens, en traitant enfin le blanchiment, la santé publique et la protection de l'enfance. À défaut, le piège du narcotrafic continuera de se refermer. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, UC et du GEST)

M. Raphaël Daubet .  - La loi de 2025 sur le narcotrafic a renforcé les capacités d'enquête, clarifié les compétences juridictionnelles et consolidé l'arsenal pénal. Nous attendons les décrets d'application.

Dans la foulée, la commission d'enquête que j'ai présidée, avec Nathalie Goulet pour rapporteure, a dirigé les regards sur le blanchiment. Le narcotrafic est une économie intégrée, structurée, avec pour seule finalité de « faire du fric ». Nous avons étudié le devenir de l'argent issu des activités criminelles organisées. La diversification est incroyable, mais tous ces trafics ont un point commun : le blanchiment est un passage obligé.

Première conséquence : le crime financier vient ouvrir une brèche dans l'économie légale, où se stabilise l'écrasante majorité des profits criminels. Il y a une interpénétration croissante entre économie licite et économie criminelle, le blanchiment se fait par normalisation ; des entreprises légales servent à recycler des fonds illicites. C'est là que le risque démocratique apparaît et que l'État de droit recule.

Deuxième conséquence : la corruption devient un risque systémique. Elle permet aux entreprises criminelles de s'installer dans l'économie et même dans les marchés publics, comme le constatent la Cour des comptes ou l'IGPN. Résultat, une corruption diffuse, à bas bruit, qui fragilise l'intégrité de l'action publique. Nous proposons une approche par les risques, permettant d'identifier les territoires, secteurs et fonctions concernés. Nous préconisons de renforcer les peines et les obligations de prévention. Le Gouvernement a adopté un plan de lutte anticorruption de 36 mesures, je m'en réjouis. Pourvu que les moyens suivent.

Troisième conséquence : tant que les trafiquants pourront jouir de leur patrimoine, ils prendront des risques et considéreront la prison comme un accident du travail qui ne les empêche pas de s'enrichir.

La lutte contre le blanchiment souffre d'un défaut structurel : un empilement de dispositifs sans cohérence d'ensemble. Sur le plan préventif, il y a les obligations déclaratives auprès de Tracfin, dont l'efficacité varie selon les professions assujetties. Sur le plan répressif, l'arsenal est puissant, mais sa mise en oeuvre entravée par le cloisonnement des services, la fragmentation des données, le déficit d'enquêteurs spécialisés - la réforme de la police judiciaire de 2023 a aggravé les choses. En cause également, notre retard technologique : le blanchiment exploite les cryptoactifs, les mécanismes d'opacification, les montages juridiques complexes, or les outils de l'État sont obsolètes. Enfin, la coopération internationale est un défi, car les réseaux criminels n'ont pas de frontière. Je salue les bonnes nouvelles qui arrivent des Émirats arabes unis.

La loi de 2025 est pensée en aval, mais le blanchiment se joue en amont, dans les zones grises du droit économique. La proposition de loi que nous avons portée avec Mme Goulet vise à combler cet angle mort.

M. Michel Canévet.  - Excellent !

M. Raphaël Daubet.  - Il faudra aller plus loin encore dans une logique de prévention des schémas de blanchiment.

La lutte contre le narcotrafic ne se gagnera pas uniquement sur le terrain pénal, mais quand le crime cessera d'être rentable. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Guy Benarroche .  - Ce point d'étape fait suite à la commission d'enquête que nous avions demandée avec mes collègues des Bouches-du-Rhône, Marie-Arlette Carlotti et Jérémy Bacchi. Si le narcotrafic touche tout notre territoire, Marseille est un laboratoire avancé de la criminalité organisée.

Notre assemblée a mené des travaux de qualité. La loi Narcotrafic a traduit les 35 recommandations du rapport de MM. Blanc et Durain : viser le haut du spectre, taper au portefeuille, lutter contre le blanchiment, créer un statut de repenti, instituer un Pnaco. Nous avions soutenu ces grandes mesures, mais alerté sur la nécessité d'y attacher des moyens.

Je ne ferai offense à personne en disant que la Jirs que le Pnaco remplace n'a que très peu fonctionné, faute de moyens. La loi Narcotrafic est là, mais sa mise en oeuvre patine. La réforme précipitée de la police judiciaire n'a pas aidé ; nous plaidons pour une revalorisation de la filière de l'investigation financière.

Commencez déjà par publier les décrets ! Seuls cinq l'ont été, sur trente-deux... Hâtez-vous, notamment sur le statut du repenti. C'est le moment, action !

La question de la criminalisation du blanchiment se pose. La coordination des tribunaux judiciaires et des tribunaux de commerce doit être améliorée, et les contrôles de traçabilité renforcés.

Il y a aussi tout ce qui n'est pas dans le texte. Rien sur l'urgence d'en faire une grande cause nationale. Rien sur la prévention à l'égard des consommateurs et des personnes en grande précarité, cibles privilégiées des narcotrafiquants. Rien sur les mesures d'information pour éviter d'entrer dans la consommation ou dans le trafic. Rien sur le parcours de soins, la prise en charge des addictions.

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Et ce que fait Mme Rist ?

M. Guy Benarroche.  - Rien sur l'intérêt de la dépénalisation, aucune mesure de santé publique. Rien sur la politique de la ville, sur la lutte contre la précarité, le logement, l'insertion par l'école et le travail. Rien sur l'accompagnement social des victimes et de leurs familles - c'est pourtant une demande des familles, que nous avons fait auditionner, mais notre amendement s'est heurté à l'article 40, faute d'engagement du Gouvernement. Alors, engagez-vous, monsieur le Premier ministre !

Le Président annonce un relèvement du montant des amendes forfaitaires délictuelles, qui sont au mieux inefficaces...

Mme Amélie de Montchalin, ministre.  - Oh là...

M. Guy Benarroche.  - Faute de moyens pour la justice, l'accès au juge est entravé, au mépris du droit de la défense et de l'individualisation des peines.

Le Président fustige la consommation « festive », oubliant que la consommation ne crée pas l'offre. La cocaïne gagne toutes les professions, tous les endroits -  pas que chez certains jeunes.

Il annonce 500 policiers supplémentaires, chiffre que personne ne peut vérifier. Les maires demandent à connaître le nombre réel de policiers nationaux sur leur territoire.

Il se vante d'avoir diminué par deux les points de deal, comme un préfet de la Belle époque se féliciterait d'avoir réduit les accidents de calèche en contrôlant les attelages... Or les modalités de distribution ont changé, les système « Ubershit » se répandent sur tout le territoire !

Le Premier ministre parle du narcotrafic et de la criminalité organisée comme d'une menace pour notre pacte républicain -  or la spirale infernale commence par l'abandon du pacte républicain : égalité des chances, services publics, hôpitaux, accès aux soins et à la prévention, aide sociale à l'enfance, policiers de proximité, politique de la ville, rénovation urbaine, logement, tout cela concourt à la prévention. Au-delà, nous plaidons pour un accompagnement rapide des familles menacées ou endeuillées, rôle que certaines associations s'efforcent de jouer, dont celle de mon ami Amine Kessaci.

Le recrutement du crime organisé se nourrit de la précarité, qui se nourrit du décrochage scolaire. Il faut alerter dans les écoles, dès le primaire, sur l'enrôlement insidieux des réseaux, les dangers physiques, les risques pénaux. Une attention doit être portée à la prévention sanitaire. Enfin, notre groupe proposera une convention citoyenne...

M. Michel Canévet.  - N'importe quoi.

M. Guy Benarroche.  - ... et un cycle de réunions associant magistrats, policiers et douaniers.

Remettre l'humain et les habitants au coeur de la réflexion, écouter le terrain, les associations, les victimes et leurs proches.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Guy Benarroche.  - Il faut penser une prévention globale et réparer enfin le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - C'est fini, vous avez beaucoup débordé.

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je rappelle que ce sont les parlementaires eux-mêmes qui ont fixé les dates des décrets d'application dans la loi, ce qui est inhabituel. Certains décrets ne peuvent être publiés car vous avez prévu un avis préalable de la Cnil, ce qui prend cinq à six mois.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Bref, ce n'est pas de votre faute...

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux.  - Il est donc un peu malvenu de reprocher au Gouvernement les délais qui en découlent.

Pour ce qui est du ministère de la justice, nous n'attendons plus qu'un seul décret, sur le statut du repenti. Convenez que six mois pour organiser, avec le ministère de l'intérieur et le service interministériel d'assistance technique (Siat), toute une filière permettant l'anonymisation des repentis, leur mise à l'abri, parfois à l'étranger, leur logement, leur changement d'identité, voire d'apparence, c'est peu. L'Italie a mis cinq fois plus de temps pour créer son statut du repenti. On peut faire vite, mais si un repenti se fait éliminer par l'organisation criminelle, vous serez les premiers à me reprocher d'être allé trop vite !

Sur le régime carcéral, nous avons été très rapides. Monsieur Blanc, vous auriez pu souligner ce point positif, qui corrige un oubli de votre texte initial.

Vous avez été élu local : vous savez bien que jusqu'ici, on ne judiciarisait pas la possession d'un joint. L'AFD est une amende pénale, ce qui signifie une inscription au casier judiciaire -  ce qui interdit notamment de passer le concours de l'ENM  - mais aussi la possibilité de contrôles de police : on peut trouver à cette occasion des armes blanches, des quantités de drogue ou des irrégularités administratives. Ces amendes sont très bien recouvertes, contrairement à ce que vous dites. Une disposition du PLF établit le lien entre l'AFD, la DGFiP et les commissaires de justice.

Je regrette que la présidente de la commission des lois ne nous ait pas suivis, lors de l'examen du texte Narcotrafic, sur les mesures de simplification des procédures en matière de criminalité organisée. Chacun sait qu'une grande partie des difficultés que nous rencontrons provient des manoeuvres dilatoires visant à faire sortir la personne de détention provisoire pour vice de forme. Certains avocats pénalistes en font leur principale stratégie : tout est bon pour éviter le procès.

Le nombre de détenus pour criminalité organisée a augmenté de 42 % en deux ans, à 19 500. Plus de 5 000 procès sont en attente d'audiencement.

Cela tient à la paupérisation du ministère de la justice que nous avons trouvée en arrivant : en 2016, M. Urvoas parlait même de clochardisation. En 2012, et encore en 2017, le ministère comptait huit fois moins de procureurs et de magistrats que l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou l'Italie.

La simplification du processus pénal est cruciale : la forme ne doit pas l'emporter sur le fond. Je proposerai d'avancer sur ce point dans la loi Sure. Les droits de la défense doivent être respectés, mais les chambres d'instruction ne doivent pas être embolisées pour des questions de pure forme. J'espère être suivi par le Sénat.

M. Laurent Nunez, ministre de l'intérieur .  - Il faut beaucoup d'humilité sur ces sujets. Le taux de recouvrement de l'amende forfaitaire délictuelle, c'est 53 %. On pourrait monter à 62 %, si les policiers avaient accès aux adresses postales, comme les contrôleurs dans les transports. Une autre piste, évoquée par le garde des sceaux, est de mobiliser les commissaires des finances publiques. Sous François Hollande, on appliquait l'amende douanière : à Saint-Ouen, nous avions éradiqué des points de deal rien qu'en notifiant des amendes aux acheteurs. Je suis confiant.

Oui, il faut une campagne de communication offensive, le Premier ministre l'a annoncée dans son discours.

À Marseille, monsieur Benarroche, la division par deux des points de deal est une réalité. On est passé de 160, il y a trois ans, à 80. Le phénomène Ubershit ne nous a pas échappé. Lorsque j'étais préfet de police, nous avions créé des groupes dédiés, à la demande du ministre Darmanin, et démantelé de nombreux réseaux.

À Marseille, nous avons toujours maintenu les effectifs ou les avons fait progresser, notamment ceux de la police judiciaire.

Monsieur Blanc, je le dis avec modestie et humilité : comme haut fonctionnaire, j'ai un peu d'expérience sur ces sujets, depuis 2012 et même avant. Je ne les ai pas découverts avec votre travail, même si votre rapport est évidemment un plus. Nous apprenons du passé. Vous avez vu le film BAC Nord, qui montre l'absence de coordination entre services. Le ministre de l'intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve, envoie un jeune préfet de police expérimenter une méthode qui sera ensuite généralisée sur tout le territoire. Sous le quinquennat Macron, on crée l'Ofast, on évite le fonctionnement en silo. Cela fait dix ans qu'on travaille sur le trafic de stupéfiants, avec humilité, car l'organisation est plus structurée, il faut s'adapter en permanence. Mais on ne peut pas dire que rien n'a été fait pendant dix ans. (M. Guy Benarroche proteste.) Ce n'est pas vrai.

La loi Narcotrafic donne des outils exceptionnels, je le reconnais volontiers. Le Président de la République a voulu caler le dispositif de lutte contre le narcotrafic au même niveau que la lutte contre le terrorisme, ce sera très bénéfique. Tout ce qui a été fait par les gouvernements successifs a été positif. Nous essayons de faire toujours mieux et toujours plus.

M. Edouard Geffray, ministre de l'éducation nationale .  - La politique de prévention doit être ambitieuse et adaptée. Il faut commencer tôt et viser juste, car le regard de l'enfant a une dimension presque prescriptive sur le comportement de son environnement.

Nous avons toujours abordé cette question à l'aune de la santé publique. Il faut désormais faire comprendre aux jeunes que la consommation de drogue finance un circuit criminel.

L'école, c'est un bloc. Les tentacules des narcotrafiquants ne s'y accrocheront pas si l'on fait tous bloc autour de l'école -  parents, élus, associations compris. Si nous ne laissons rien passer, nous aurons fait des progrès en termes de prévention et d'éloignement de la pression du narcotrafic.

La déclaration du Gouvernement sur la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°130 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 342
Contre 0

La déclaration du Gouvernement est aprouvée.

Prochaine séance demain, jeudi 18 décembre 2025 à 10 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 18 décembre 2025

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures À l'issue de l'espace réservé au groupe UC et au plus tard de 16 heures à 20 heures

Présidence : Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Xavier Iacovelli, vice-président

1Proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues (Procédure accélérée) (Texte de la commission, n°202, 2025-2026)

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à simplifier la sortie de l'indivision successorale (Texte de la commission, n°195, 2025-2026)

3. Proposition de loi visant à garantir la continuité des revenus des artistes auteurs, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues (n°107 rect., 2024-2025)

4. Proposition de loi visant à mieux concerter, informer et protéger les riverains de parcelles agricoles exposés aux pesticides de synthèse, présentée par M. Guillaume Gontard et plusieurs de ses collègues (n°107, 2025-2026)