Rapport n° 828 (2020-2021) de Mme Anne-Catherine LOISIER , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 15 septembre 2021

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N° 828

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 septembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à protéger la rémunération des agriculteurs ,

Par Mme Anne-Catherine LOISIER,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Thierry Meignen, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4134 , 4266 et T.A. 639

Sénat :

718 et 829 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Le 21 septembre 2021, la commission des affaires économiques a modifié et adopté la proposition de loi n° 718 du député M. Grégory BESSON-MOREAU , transmise au Sénat le 25 juin 2021, visant à protéger la rémunération des agriculteurs .

Composée de 16 articles , elle entend redonner aux agriculteurs des marges de manoeuvre dans la négociation des prix qui leur sont payés pour la vente de leurs produits. Les deux ambitions principales de ce texte sont d'assurer une plus grande prise en compte des coûts de production que les agriculteurs supportent et de « sanctuariser », lors des négociations commerciales en aval, la part des matières premières agricoles qui composent les produits alimentaires.

Si la commission partage ces objectifs, elle doute que cette proposition de loi permette, en l'état, de corriger les défauts de la loi Egalim et d'améliorer le revenu des agriculteurs, si ce n'est à la marge. En effet :

• elle ne traite en aucune manière le sujet des charges supportées par les agriculteurs, qui amputent considérablement leurs revenus et de façon croissante ;

• elle ne concerne qu'une faible part, environ 20 %, du revenu agricole concerné, puisqu'elle ne concerne ni leurs ventes à l'export, ni la partie de leur revenu relative aux subventions, ni leurs ventes aux grossistes. En outre, elle ne s'applique pas, en l'état, aux produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD), qui représentent environ un tiers des rayons des grandes surfaces. Dès lors, il serait illusoire de voir dans ce texte, tel qu'il a été transmis au Sénat, un pas significatif vers une amélioration du revenu des agriculteurs ;

• elle entraînera un accroissement de l'intensité des négociations sur les éléments non agricoles du tarif du fournisseur, au détriment des capacités d'investissement, d'innovation, de recherche et de développement du maillon intermédiaire, qui représente le principal débouché des agriculteurs français.

En outre, cette proposition de loi dite « Egalim 2 » repose en partie sur les mêmes mécanismes que ceux de la loi Egalim 1 qui ont prouvé depuis trois ans leur inefficacité, conformément aux alertes exprimées par le Sénat en 2018 lors de son examen parlementaire.

Par ailleurs, la commission déplore l'excessive complexité des dispositifs créés et le fort déséquilibre que cette proposition de loi instaure entre fournisseurs et distributeurs. Elle partage donc les mêmes réserves que celles qu'elle avait émises à propos d'Egalim 1. Elle a cependant, dans un esprit constructif, essayé de tirer le meilleur parti de ce texte au profit des agriculteurs.

À l'initiative de la rapporteure Mme Anne-Catherine LOISIER (Côte d'Or - Union centriste), la commission a corrigé plusieurs effets de bord et manques, considérant notamment que l'amélioration du revenu agricole doit passer par un rééquilibrage des relations entre fournisseurs et distributeurs. Elle a simplifié le dispositif de transparence de la part des matières premières agricoles, soumis pour la première fois les produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD) à un ensemble d'obligations et encadré l'application de pénalités logistiques entre distributeurs et fournisseurs. Elle a également renforcé les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles.

Sans ces apports du Sénat, il semble donc de plus en plus évident que le pays aura connu un quinquennat blanc en matière de soutien structurel au revenu des agriculteurs.

I. UNE FAIBLESSE INTOLÉRABLE DU REVENU AGRICOLE, VÉRITABLE ANGLE MORT DU QUINQUENNAT

La question du revenu des agriculteurs est au coeur des préoccupations de la commission 1 ( * ) et constitue, au-delà de ses aspects économiques, un enjeu de justice sociale et de dignité. Les agriculteurs nourrissent le pays et il est inadmissible que certains d'entre eux ne puissent se verser l'équivalent d'un SMIC, voire se couchent plus pauvres qu'ils ne se sont éveillés.

Dans aucun autre secteur ne peuvent être rencontrés des hommes et des femmes travaillant plus de douze heures par jour, dans des conditions souvent difficiles, sans dimanche et bien souvent sans vacances, et n'ayant pourtant aucune prise sur le prix qu'ils tirent de la vente de leur production.

Ce constat est élaboré de longue date ; pour autant, et en dépit des appels répétés du Sénat à traiter les différentes causes de cette situation (alourdissement des charges, concurrence déloyale de certains produits importés, faible soutien à la montée en gamme des productions, etc.), les initiatives majeures de ces dernières années ont échoué à inverser la tendance.

La loi Egalim, en effet, qui ambitionnait d'améliorer le revenu des agriculteurs en relevant le seuil de revente à perte pour les produits alimentaires, en encadrant les promotions, en inversant la construction du prix de vente des produits agricoles et en prévoyant qu'il soit tenu compte des coûts de production en agriculture dans les différents contrats, s'apparente à un coup d'épée dans l'eau ; l'ensemble des professionnels agricoles rencontrés par la commission ont ainsi déploré ne pas avoir vu leur situation financière s'améliorer. Lors de son examen parlementaire, le Sénat mettait déjà en garde contre une loi créant de grandes espérances pour un faible résultat, tant elle s'appuyait sur le voeu pieux - et simpliste - qu'une hausse des prix de certains produits dans les rayons allait « ruisseler » jusqu'à l'amont, c'est-à-dire jusqu'à l'agriculteur.

Il est désormais manifeste que les bénéficiaires de la loi Egalim ne sont pas les agriculteurs.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI, EN L'ÉTAT, NE PEUT AMÉLIORER QU'À LA MARGE LA SITUATION

A. UNE ARCHITECTURE TRÈS COMPLEXE, QUI AMBITIONNE DE SANCTUARISER LA MATIÈRE PREMIÈRE AGRICOLE TOUT AU LONG DE LA CHAÎNE DE VALEUR

L'architecture générale de cette proposition repose sur deux leviers principaux, en amont et en aval :

• en amont , la contractualisation écrite obligatoire lors de la vente de produits agricoles doit permettre de disposer d'un support tangible et contrôlable et donc de faciliter la prise en compte d'indicateurs de référence pour déterminer le prix payé, notamment des indicateurs de coût de production. La clause de révision automatique des prix doit permettre à l'agriculteur de répercuter dans le prix de vente une partie de la hausse éventuelle de ses coûts. En cas de litige sur la conclusion ou l'exécution de ces contrats, un comité de règlement des différends, situé entre la médiation et le juge, serait créé ;

• en aval , la part que représentent les matières premières agricoles 2 ( * ) dans le tarif de l'industriel deviendrait non négociable. L'objectif sous-jacent est de sanctuariser ces matières agricoles tout au long de la chaîne de valeur, afin que la négociation entre industriel et distributeur ne porte plus que sur les autres éléments du tarif et que l'agriculteur ne soit plus la victime collatérale de l'âpreté de ces négociations.

L'articulation entre l'amont et l'aval repose par ailleurs sur la mise en place dans le contrat industriel-distributeur d'une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du prix de la matière première agricole. Ainsi, si ce prix augmente en amont, et que la clause entre l'agriculteur et son acheteur est activée, elle devrait l'être aussi en aval entre l'industriel et le distributeur.

Pour assurer la non-négociabilité des matières premières agricoles, le texte prévoit trois options pouvant être choisies par le fournisseur afin d'afficher dans ses CGV leur part dans le volume de ses produits et dans son tarif. Un tiers indépendant est par ailleurs prévu pour attester de l'exactitude de ces informations ;

• en contrepartie de l'effort de transparence , le texte prévoit un principe protecteur de non-discrimination tarifaire pour les produits alimentaires soumis à transparence (c'est-à-dire ceux composés de matières premières agricoles qui représentent chacune plus de 25 % de son volume). Autrement dit, le distributeur ne pourra plus exiger de baisse de tarif de la part de l'industriel sans proposer de réelle contrepartie (notamment sous la forme de services commerciaux). Afin de s'assurer du détail de ces contreparties, la proposition de loi instaure une obligation de transparence et de détail sur chacun de ces services et sur leur prix ;

Dans le détail, l'article 1 er inverse ce qui relève aujourd'hui de la règle et de l'exception en matière de contractualisation écrite : il rend obligatoire la conclusion de contrats écrits, sauf exceptions définies par un accord interprofessionnel étendu ou par décret. Cet article précise que la proposition de contrat émanant du producteur agricole représente le socle de la négociation, qu'elle contient différents types d'indicateurs de référence (coût de production, prix de marché, origine, qualité, etc.) et que les parties doivent s'accorder sur une clause de révision automatique des prix, à la hausse ou à la baisse, en cas de variation du prix de la matière.

L'article 1 er bis autorise les parties à mettre en place dans le contrat un tunnel dans lequel le prix peut fluctuer à la hausse ou à la baisse. Il prévoit, en outre, qu'un décret définit les conditions d'une expérimentation de l'utilisation obligatoire d'un modèle de rédaction de la clause définissant ledit tunnel.

L'article 2 contraint les fournisseurs à indiquer, dans leurs conditions générales de vente, la part que représentent les matières premières agricoles dans le volume et le tarif de leurs produits alimentaires lorsque cette part excède 25 % du volume. S'il le souhaite, le distributeur peut mandater un tiers indépendant pour attester de l'exactitude des informations. Par dérogation, l'article 2 autorise les fournisseurs à n'afficher que la part agrégée de ces matières premières ou à ne rien afficher et à prévoir qu'un tiers indépendant atteste que la négociation commerciale n'a pas porté sur la part des matières premières agricoles. Il interdit que la négociation porte sur cette part des matières premières agricoles.

Par ailleurs, il prévoit la mise en place d'une convention écrite spécifique aux produits alimentaires concernés, signée par le fournisseur et le distributeur à l'issue des négociations, qui comprendra entre autres une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût des matières premières agricoles. Enfin, il raccourcit la période des négociations commerciales de trois à deux mois.

L'article 2 bis A instaure un dispositif de « ligne à ligne », c'est-à-dire l'obligation pour les fournisseurs et distributeurs d'indiquer précisément chacune des obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés (en termes de services commerciaux, par exemple), ainsi que leur prix unitaire.

L'article 2 bis B précise que les contrats de produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD) doivent intégrer une clause relative aux engagements sur les volumes prévisionnels.

L'article 2 bis D interdit, pour les produits alimentaires concernés par l'article 2, le fait de pratiquer des modalités de vente (tarif, délais de paiement, etc.) discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles prévues par la convention écrite « alimentaire » créée à l'article 2.

L'article 2 bis prévoit l'expérimentation d'un « rémunérascore », affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs agricoles.

L'article 3 élargit le champ de la médiation des relations commerciales agricoles à la conclusion des contrats écrits de vente de produits agricoles. Il crée également un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, de cinq membres, pouvant être saisi en cas d'échec de la médiation ou lorsque le délai qui lui est imparti est dépassé, et doté de pouvoirs d'injonction, d'astreinte et de mesures conservatoires.

L'article 3 bis crée une nouvelle pratique commerciale trompeuse au sein du code de la consommation, consistant à faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires alors que les ingrédients primaires ne sont pas d'origine française.

L'article 6 définit les dates d'entrée en vigueur des différents articles. Il prévoit notamment que la contractualisation écrite obligatoire débute à compter d'une date fixée par décret, pour chaque filière, et au plus tard le 1 er janvier 2023, et que la transparence de la part des matières premières agricoles dans les négociations commerciales s'applique au 1 er janvier 2022.

B. ENVIRON 20 % DU REVENU DES AGRICULTEURS SERAIT TOUCHÉ PAR CETTE PROPOSITION DE LOI

La grande faiblesse de cette proposition de loi tient à son champ d'application. Les recettes perçues par les agriculteurs ne se résument pas à celles issues de la vente de produits agricoles à destination des rayons de la grande distribution. En effet, la consommation alimentaire au sens strict ne représente que 37 % de l'excédent brut d'exploitation de la branche agricole. Or cette proposition de loi ne concerne que cette part du revenu des agriculteurs, c'est-à-dire environ un tiers.

La part effectivement concernée est même en réalité inférieure, une fois intégré le fait que la consommation alimentaire en restauration (environ 20 %) n'est pas concernée par le schéma principal de ce texte et que les produits alimentaires vendus en grandes et moyennes surfaces (GMS) sous MDD ne le sont pas non plus, alors qu'ils représentent environ 30 % 3 ( * ) des volumes vendus en GMS.

Au total, seulement 21 % des recettes agricoles sont concernées par cette proposition de loi. Sa capacité à participer à un redressement général du revenu agricole s'en trouve limitée.

Les coopératives n'étant pas directement intégrées dans le périmètre de l'article 1 er relatif à la contractualisation écrite, et compte tenu du fait qu'elles absorbent environ 30 % de la production agricole, le pourcentage de revenu finalement touché par ce texte s'établit plutôt autour de 15 %.

C. UN DISPOSITIF DE TRANSPARENCE EXCESSIVEMENT COMPLEXE ET QUI RENFORCE LE DÉSÉQUILIBRE LORS DES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES

Le mécanisme de transparence prévu à l'article 2 est, en outre, particulièrement complexe. En l'état, les fournisseurs devront recenser la part en volume des matières premières agricoles dans leurs produits alimentaires puis, lorsqu'elle dépasse 25 %, afficher cette part en volume et surtout, en pourcentage du tarif qu'ils demandent aux distributeurs.

L'intervention d'un tiers indépendant, qui n'aidera pas à la simplicité du dispositif, ne sera en outre pas automatique et dépendra de l'option choisie par le fournisseur et, dans le cas de l'option n° 1, du choix fait par le distributeur.

En parallèle, fournisseurs et distributeurs devront négocier la clause de révision automatique des prix qui pourrait, en l'état du texte, ne pas inclure les mêmes indicateurs de référence que ceux du contrat « amont » dont le fournisseur est titulaire... En sus, le texte raccourcit la période de négociation commerciale de trois à deux mois, alors même qu'il alourdit les obligations à respecter et les démarches à suivre.

Au demeurant, la proposition de loi contraint les fournisseurs à dévoiler aux distributeurs, dont l'intérêt est logiquement de parvenir à des tarifs fournisseur les plus bas possible, la construction de leur tarif et donc, automatiquement, leur marge brute. Certes, le texte prévoit que les fournisseurs puissent choisir deux autres options, qui ne conduisent pas à un tel dévoilement, mais il est très plausible que le schéma aujourd'hui retenu, à savoir une règle (l'option n° 1) et deux dérogations (les options n° 2 et n° 3), fasse courir le risque aux industriels, notamment les PME, le risque de se voir imposer par leur cocontractant le choix de l'option n° 1 (la règle), au détriment des deux autres.

Compte tenu des résultats des négociations commerciales de ces dernières années, qui ont toutes débouché sur une déflation des produits alimentaires, la commission considère que le dévoilement des marges par l'industriel ne pourra que conduire à une accentuation de cette dynamique destructrice de valeur, au détriment, in fine , du revenu agricole. Elle pointe notamment le fait qu'une fois informés de la part des matières premières agricoles dans le tarif de leurs différents fournisseurs, les distributeurs pourront exiger d'eux qu'ils s'alignent, dans leurs achats, sur celui qui acquiert les produits agricoles au prix le plus bas, ce qui renforcerait la guerre des prix et diminuerait le prix payé aux agriculteurs.

Par ailleurs, la non-négociabilité de la part de la matière première agricole ne s'appliquant qu'aux produits dont elle représente plus de 25 % du volume, conduira, sans aucun doute, à renforcer l'âpreté des négociations sur les autres produits, ceux qui n'y sont pas soumis. Une forme de péréquation s'opérera, d'autant plus forte que ces autres produits alimentaires ne bénéficient pas du principe de non-discrimination (art. 2 bis D), bien qu'ils aient un impact sur la rémunération des agriculteurs.

En l'état de la proposition de loi, en effet, une soupe de potiron est soumise au principe de transparence et à la non-négociabilité de la part liée au potiron dans le tarif du fournisseur (puisque le potiron représente plus de 25 % du volume). En outre, elle bénéficie du principe de non-discrimination et, en tant que produit de grande consommation, du « ligne à ligne ». En revanche, une soupe de cinq légumes, dont chaque légume représente 15 % du volume, n'entre pas dans le périmètre de cet article 2 et est donc exclue du bénéfice de la non-discrimination. La commission s'alarme donc d'un mécanisme qui incite directement le distributeur à négocier une forte baisse de tarif sur cette soupe aux cinq légumes afin de compenser le fait qu'il n'a pas pu obtenir la baisse désirée sur la soupe de potiron.

En dépit de ses intentions, le texte contient donc, en l'état, les germes d'une potentielle aggravation de la guerre des prix qui peut s'avérer préjudiciable aux agriculteurs.

D. UN TEXTE QUI SOULÈVE DES PRÉOCCUPATIONS JURIDIQUES

Plusieurs dispositions du texte sont sujettes à caution d'un point de vue juridique :

• la définition du « socle de la négociation » (article 1 er ), qui s'appliquera à la proposition de contrat écrit formulée par le producteur agricole, sera vraisemblablement explicitée par le juge, compte tenu des opinions divergentes que la rapporteure a collectées en ce qui concerne le contenu de ce concept ;

• le « tunnel de prix » (1 er bis ), qui pourrait s'apparenter à une entrave à la libre négociation des prix au regard du droit européen ;

• la non-négociabilité de la part que représente la matière première agricole dans le tarif du fournisseur (article 2), qui pourrait également être perçue comme portant une atteinte disproportionnée à la libre-négociabilité des prix.

Au-delà, la composition et l'étendue des pouvoirs du comité de règlement des différends commerciaux agricoles (article 3) soulèvent des préoccupations liées à l'indépendance et à l'impartialité des membres d'un organisme qui disposerait des pouvoirs ordinairement confiés à une autorité indépendante.

Aucun de ces risques n'est certain, mais tous mériteront que les ambiguïtés juridiques soient levées par le Gouvernement.

III. LA COMMISSION A CHERCHÉ À SIMPLIFIER LE DISPOSITIF ET À RÉÉQUILIBRER LE RAPPORT DE FORCE AU COURS DES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES

En dépit de ses doutes sur la portée de ce texte, la commission n'a pas souhaité rejeter la proposition de loi et ignorer cette nouvelle tentative d'améliorer la rémunération des agriculteurs. Elle s'est toutefois fixé comme mission d'en corriger les nombreux et potentiellement lourds effets de bord et de rééquilibrer le rapport de force dans la négociation.

Concernant la généralisation de la contractualisation écrite, la commission a validé le principe tout en encadrant les possibilités de dérogation et en s'assurant que des modalités d'application spécifiques pour les petits producteurs agricoles puissent être édictées.

A. UNE SIMPLIFICATION DU DISPOSITIF DE TRANSPARENCE, EN PASSANT DE TROIS À DEUX OPTIONS D'AFFICHAGE DANS LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE VENTE (CGV)

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement qui réécrit entièrement l'article 2 de la proposition de loi et qui :

• ne conserve que deux options au lieu de trois pour l'affichage de la part des matières premières agricoles dans les CGV. Ces options sont au libre choix du fournisseur. La première option correspond à l'affichage de la part agrégée de toutes les matières premières agricoles ; la seconde correspond à la certification par un tiers indépendant de la part de l'évolution tarifaire proposée par le fournisseur qui résulte d'une variation du coût des matières premières agricoles. Cette part de la variation est non-négociable ;

• modifie le périmètre du « ligne à ligne » en l'appliquant aux produits alimentaires (et non à tous les produits de grande consommation). Ainsi, elle évite des situations ubuesques dans lesquelles un produit aurait pu ne pas être soumis à transparence (une ratatouille composée de nombreux ingrédients, par exemple) tout en bénéficiant du principe de « ligne à ligne » ;

• rehausse de deux à trois mois la durée des négociations commerciales, pour que les opérateurs économiques aient le temps de s'engager dans ces nouvelles démarches ;

• compte tenu de la complexité de ce dispositif pour certaines entreprises, prévoit qu'un décret puisse définir des modalités d'application spécifiques aux petites entreprises.

La commission a également simplifié l'obligation de publication de la synthèse des indicateurs pesant sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges (art. 1 er ter ).

B. UN RÉÉQUILIBRAGE DU RAPPORT DE FORCE AU SEIN DES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES

En adoptant l'amendement de la rapporteure réécrivant l'article 2, la commission a souhaité ne pas contraindre les fournisseurs à dévoiler entièrement leurs marges aux distributeurs, afin d'éviter une accentuation du déséquilibre, source de déflation des prix depuis de nombreuses années.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure qui vise à élargir le principe de non-discrimination tarifaire (art. 2 bis D) à tous les produits alimentaires (et non uniquement à ceux soumis à transparence). Ce faisant, un plus grand nombre de produits alimentaires sont susceptibles d'échapper au cycle déflationniste destructeur de valeur. Elle évite ainsi qu'un produit non soumis à transparence ne bénéficie de la non-discrimination et du « ligne à ligne ».

La commission a par ailleurs adopté un renforcement inédit de l'encadrement des pénalités logistiques (art. 2 bis C). Désormais, seules les situations ayant entraîné une rupture de stock pourront justifier l'application de pénalités logistiques (sauf dérogation, pour d'autres cas dûment justifiés).

Ces pénalités devront être proportionnées au préjudice subi. En outre, le distributeur devra apporter la preuve du manquement et tenir compte des circonstances indépendantes de la volonté du fournisseur (par exemple si ce dernier procède à un rappel de produits en raison de difficultés dont il n'est pas à l'origine). Enfin, il est prévu que, par souci de réciprocité, les fournisseurs puissent également infliger des pénalités logistiques au distributeur.

C. UN ENCADREMENT AMBITIEUX DES PRODUITS ALIMENTAIRES VENDUS SOUS MARQUE DE DISTRIBUTEUR, POUR AMÉLIORER LA SITUATION DE L'AMONT AGRICOLE

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement qui renforce le cadre des produits vendus sous marque de distributeur (MDD), aujourd'hui point de fuite de la réglementation (art. 2 bis B). Cet amendement prévoit notamment que le contrat comporte une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole. La commission souhaite ainsi associer l'ensemble des produits alimentaires vendus en grandes et moyennes surfaces (GMS) à la recherche d'une plus juste rémunération de l'amont agricole, alors que 30 % d'entre eux y échappent aujourd'hui.

Par ailleurs, toujours dans l'objectif de parvenir à une rémunération plus juste du travail des agriculteurs, l'amendement adopté apporte un ensemble de garanties aux fabricants de MDD, afin que le rééquilibrage du rapport de force entre ces derniers et les distributeurs permette par ricochet un desserrement de l'étau qui pèse parfois, en amont, sur le monde agricole :

• il exige du distributeur qu'il s'engage, dans le contrat, sur un volume prévisionnel de produits qu'il acquerra. En cas de non-respect de ce volume, le distributeur devra justifier l'écart ;

• il instaure une clause de répartition entre le distributeur et le fournisseur des différents coûts liés à la conception et à la production du produit, y compris les coûts additionnels survenant au cours de l'exécution du contrat ;

• il prévoit que le contrat établira un système d'alerte et d'échanges d'informations périodiques entre le distributeur et le fabricant afin d'optimiser les conditions d'approvisionnement et de limiter les risques de ruptures ;

• il interdit que les dépenses liées aux opérations promotionnelles de mises en avant d'un produit vendu sous MDD ne soient mises à la charge du fabricant.

D. UNE AMÉLIORATION DE L'ÉTIQUETAGE DE L'ORIGINE DES PRODUITS ALIMENTAIRES

La commission a procédé à la suppression des dispositions de la proposition de loi qui étaient contraires au droit européen en matière d'étiquetage des produits alimentaires (art. 3 bis et art. 4). Considérant que l'arsenal législatif en matière de pratiques trompeuses sur l'étiquetage est suffisamment étoffé, elle a souhaité que l'accent soit mis sur le renforcement des contrôles en la matière, parent pauvre de l'information du consommateur et, partant, frein à la compétitivité des produits agricoles français.

La commission a donc exigé du Gouvernement un effort accru de transparence en matière de contrôles, afin qu'il précise le nombre de contrôles effectués dans l'année, les résultats de ces enquêtes, l'identité des entreprises sanctionnées et les affichages trompeurs incriminés ayant justifié une sanction, le montant et les motifs de ces sanctions ainsi que les mesures prises pour mieux lutter contre ces pratiques trompeuses. L'objectif de la commission est que se dégage progressivement un ensemble de lignes directrices permettant de clarifier ce qui relève d'une pratique trompeuse ou non.

Parallèlement, la commission a également inscrit dans le droit français l'obligation, lorsque l'origine du produit alimentaire diffère de l'origine de son ingrédient principal, de faire savoir au consommateur que cette différence existe (soit en affichant également l'origine de l'ingrédient, soit en spécifiant que les deux origines sont différentes).

E. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DU MÉDIATEUR DES RELATIONS COMMERCIALES AGRICOLES

La commission a considéré que les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles étaient insuffisants en l'état, alors même que son rôle est reconnu par tous les acteurs, et a donc pris le parti de les augmenter, à l'initiative de la rapporteure :

• elle a décidé de lui confier des pouvoirs d'arbitre, sous réserve que les deux parties au contrat lui en fassent la demande ;

• elle a prévu qu'il puisse rendre publics les refus des parties de communiquer des éléments nécessaires à la médiation, afin d'inciter les acteurs à rechercher de bonne foi une solution consensuelle ;

• elle a réintégré la possibilité pour une partie, en cas d'échec de la médiation ou de délai trop long, de saisir le juge compétent pour qu'il statue sur le litige selon la procédure accélérée au fond ; s'agissant du comité de règlement des différends, la commission a souhaité articuler au mieux le médiateur et ce comité, et a précisé que ce dernier statue sur la base des recommandations du médiateur (qui a, à ce moment de la procédure, une bonne connaissance et compréhension des enjeux du litige) ;

• elle a supprimé la présence d'un membre de la grande distribution parmi le comité, puisqu'il ne statue que sur les contrats « amont », entre vendeur et acheteur de produits agricoles ;

• elle a supprimé la possibilité que le médiateur puisse saisir lui-même le comité. En effet, la médiation ne fonctionne que tant qu'il existe une relation de confiance entre les deux parties et le médiateur. En l'état, l'article 3 faisait donc courir le risque que les parties ne voient plus le médiateur comme un tiers indépendant chargé de parvenir à une solution consensuelle, mais comme disposant d'une possible capacité de sanction en transférant le dossier au comité (doté, lui, de pouvoirs coercitifs) ;

• enfin, elle a renforcé les garanties d'indépendance et d'impartialité des membres du comité.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Généralisation des contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles et révision automatique des prix

Cet article inverse la logique à l'oeuvre en matière de vente de produits agricoles en faisant de la contractualisation écrite la règle, sauf dérogations définies par le pouvoir réglementaire ou par accord interprofessionnel étendu. Ce faisant, cet article entend faciliter la construction du prix « en marche avant » en permettant une plus grande prise en compte de différents indicateurs de référence (coût de production, prix de marché, origine, qualité, etc.), supposés permettre l'atteinte d'une plus juste rémunération du producteur.

La commission souscrit à l'esprit général de cet article 1 er , en dépit de quelques réserves liées à sa bonne application sur le terrain, et a adopté, outre quatre amendements rédactionnels et de coordination juridique, trois amendements de la rapporteure afin d'introduire la possibilité que certains producteurs agricoles soient exonérés de son application lorsque leur chiffre d'affaire est inférieur à un seuil, de mieux encadrer les possibilités de dérogation à la contractualisation écrite et de préciser les modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration et la publication des indicateurs de référence.

I. La situation actuelle - Une contractualisation facultative en agriculture, renforcée par la loi « Egalim » en 2018 pour favoriser la construction du prix « en cascade », et rendue obligatoire dans deux filières

La contractualisation dans le secteur primaire, c'est-à-dire la conclusion de contrats écrits pluriannuels entre un producteur de produits agricoles et un premier acheteur (industriel, organisme stockeur, etc.) comprenant diverses clauses liées par exemple au prix ou aux quantités livrées, est supposée offrir une visibilité utile aux deux parties au contrat, en sécurisant les débouchés (pour l'agriculteur) et l'approvisionnement (pour l'acheteur). En matière agricole, cette contractualisation est particulièrement utile dans un contexte caractérisé par une forte fluctuation des marchés mondiaux et une variabilité importante des prix qui en résultent.

En cela, elle s'oppose aux autres procédés de vente comme l'accord verbal (gré à gré), qui, s'ils apportent une certaine souplesse dans les relations commerciales, ne permettent pas de sécuriser la production et la rémunération de l'agriculteur et freinent la planification des investissements nécessaires à la pérennité de son exploitation.

a) La contractualisation écrite est facultative mais doit respecter un ensemble précis de dispositions destinées à rééquilibrer la relation entre l'agriculteur et son premier acheteur

La contractualisation écrite dans le secteur agricole est aujourd'hui facultative, conformément aux dispositions de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Si la contractualisation écrite est globalement peu développée dans les filières viande bovines 4 ( * ) , ovines et caprines, elle l'est bien davantage dans les filières volailles, oeufs et lapin, pommes de terre industrielles et légumes transformés. Dans la filière chanvre, elle conditionne l'accès à certaines aides de la politique agricole commune.

Dans l'hypothèse où un contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu, ce même article L. 631-24 précise les conditions qu'il doit alors remplir.

La conclusion d'un contrat de vente écrit doit tout d'abord être précédée d'une proposition du producteur agricole, sauf si ce dernier exige qu'elle soit d'abord formulée par l'acheteur (et sous réserve que la contractualisation n'ait pas été rendue obligatoire, auquel cas cette exception disparaît, cf. infra ). Il est à noter que cette disposition date de la loi Egalim 5 ( * ) de 2018, qui a inversé le mécanisme existant jusqu'alors afin de donner l'initiative de la proposition à l'agriculteur plutôt qu'à l'acheteur et de favoriser la construction du prix « en marche avant », supposée plus protectrice de sa rémunération.

Par ailleurs, lorsque l'agriculteur est membre d'une organisation de producteur (OP) ou que celle-ci est membre d'une association d'organisations de producteurs (AOP), la conclusion d'un contrat écrit par l'agriculteur est subordonnée au respect des stipulations de l'accord-cadre écrit avec l'acheteur par l'OP ou l'OAP. Au total, 586 OP et 32 AOP sont reconnues au 7 juillet 2021.

Dans tous les cas, la proposition de contrat ou d'accord-cadre est alors le socle unique de la négociation commerciale, c'est-à-dire qu'elle devra obligatoirement porter sur des éléments prévus dans la proposition de contrat.

Le III de l'article L. 631-24 du CRPM liste par ailleurs les clauses devant obligatoirement figurer dans la proposition de contrat ou d'accord-cadre. Celles-ci ont trait :

• au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix. Dans ce cas, ces critères doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l'acheteur et à l'évolution de ces prix ainsi qu'un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits ou au respect d'un cahier des charges ;

Les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture

Trois types d'indicateurs de référence doivent être pris en compte dans les critères et modalités de détermination et de révision du prix du contrat :

- les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, comme par exemple l'indice IPAMPA dans la filière du lait de vache (indice de prix d'achat des moyens de production agricoles, c'est-à-dire l'évolution du prix du panier de charges spécifique à la production laitière), le coût matière première, la marge brute industrie, la marge brute détail grandes et moyennes surfaces commerciales (tous trois calculés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges) 6 ( * ) ;

- les indicateurs relatifs aux prix de marché des produits agricoles et alimentaires, comme par exemple les prix mensuels pour le lait de vache (recensés par FranceAgriMer), le prix export, le prix consommateur ;

- les indicateurs « autres », relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l'origine et à la traçabilité des produits, comme par exemple l'indice de volume fabrications, l'indice du volume export, l'indice du volume GMS.

Ces différents types d'indicateurs sont diversement combinés. En viande bovine label rouge, par exemple, le formule de prix repose souvent à 80 % sur le coût de production d'une vache conventionnelle et à 20 % sur le prix de marché (cotation) auquel sont ajoutés 22 centimes d'euros pour le surcoût « label rouge ».

Ces indicateurs de référence sont généralement élaborés et diffusés par les interprofessions 7 ( * ) , mais le choix des indicateurs utilisés relève in fine des parties concernées qui ne sont pas tenues d'utiliser ceux élaborés et/ou publiés par les interprofessions.

• à la quantité, à l'origine et à la qualité des produits concernés qui peuvent ou doivent être livrés ;

• aux modalités de collecte ou de livraison des produits ;

• aux modalités relatives aux procédures et délais de paiement ;

• à la durée du contrat ou de l'accord-cadre ;

• aux règles applicables en cas de force majeure ;

• au délai de préavis et à l'indemnité éventuellement applicables dans les différents cas de résiliation du contrat.

Dans le cas d'un accord-cadre, outre ces critères, la proposition doit également préciser la quantité totale, l'origine et la qualité des produits agricoles à livrer, la répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l'OP ou de l'AOP, les modalités de gestion des écarts entre le volume ou la quantité à livrer et le volume ou la quantité effectivement livrés, et d'autres dispositions relatives à la transparence et aux relations entre l'acheteur et l'OP ou l'AOP.

En application de l'article L. 441-8 du code de commerce, ces contrats doivent également comporter une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse. Cette clause est toutefois, dans les faits, peu activée. D'une part, il n'existe aucune obligation de résultat quant à l'issue de la renégociation ; d'autre part, une telle démarche s'avère longue et complexe, dans un secteur où le prix des matières premières et ceux de l'énergie fluctuent régulièrement et impactent fréquemment les coûts de production.

Les dispositions relatives à la contractualisation écrite antérieures à la loi Egalim de 2018

L'article L. 631-24 du CRPM, qui représente l'essentiel du régime de contractualisation écrite en agriculture, a été créé par l'article 12 de la loi de 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche 8 ( * ) , puis modifié à plusieurs reprises depuis, une fois en 2012 9 ( * ) , deux fois en 2014 10 ( * ) , une fois en 2015 11 ( * ) , une fois en 2017 12 ( * ) puis par l'article 1 er de loi Egalim de 2018, dont les dispositions sont entrées en vigueur au 1 er février 2019.

Avant cette loi, lorsque la cession des produits agricoles était subordonnée à la proposition de contrats écrits, cette dernière devait émaner de l'acheteur en direction du producteur, plaçant potentiellement l'agriculteur dans la situation de devoir choisir entre accepter les termes définis par l'acheteur ou renoncer à la vente, compte tenu du rapport de force qui lui est souvent défavorable.

Par ailleurs, les critères de détermination du prix mentionnés dans le contrat ou dans la proposition de contrat devaient simplement « faire référence à un ou plusieurs indices publics de coût de production en agriculture qui reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires ». Ces indices pouvaient alors être définis par toute structure leur conférant un caractère public, et pouvaient être régionaux, nationaux ou européens.

Il était également prévu que les contrats fassent référence à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l'acheteur, ce dernier devant alors les communiquer aux producteurs sur une base mensuelle.

b) La contractualisation écrite a été rendue obligatoire dans un nombre restreint de filières

Aux termes de l'article L. 631-24-2 du CRPM, la conclusion de contrats de vente et accords-cadres écrits peut être rendue obligatoire par extension d'un accord interprofessionnel ou, en l'absence d'accord étendu, par un décret en Conseil d'État. Ce dernier précise alors les produits ou catégories de produits concernés en priorisant les produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine.

La contractualisation écrite pluriannuelle a ainsi été rendue obligatoire dans le secteur du lait de vache depuis 2011 13 ( * ) et dans le segment « label rouge » de la viande bovine 14 ( * ) . Elle le deviendra également dans le secteur du lait cru de chèvre le 1 er janvier 2022 15 ( * ) , par extension d'un accord interprofessionnel conclu en mars de la même année.

Par ailleurs, elle n'est plus obligatoire dans la filière fruits et légumes frais depuis 2019 16 ( * ) , les acteurs ayant estimé qu'une telle obligation ne permettait pas de prendre en compte les caractéristiques spécifiques de ce secteur 17 ( * ) .

Des travaux sont, enfin, en cours pour rendre obligatoire la contractualisation écrite pluriannuelle dans le secteur du lait de brebis (par décret).

L'accord interprofessionnel ou le décret peuvent par ailleurs définir un seuil de chiffre d'affaires en-dessous duquel l'obligation de contractualisation ne s'applique pas. Dans les faits, le seuil retenu est fixé à 700 000 euros annuels pour la filière lait de vache (aucun seuil n'a été fixé pour la filière viande bovine sous label rouge) et la filière lait de chèvre cru, et devrait être situé au même niveau pour la filière lait de brebis.

L'article précise également que lorsque le contrat ou l'accord-cadre ne comporte pas de prix déterminé, l'acheteur communique au producteur et à l'OP ou à l'AOP, avant le premier jour de la livraison, le prix qui sera payé.

Lorsque la contractualisation a été rendue obligatoire, la durée minimale du contrat de vente, déterminée par le décret ou l'accord interprofessionnel, ne peut dépasser cinq ans 18 ( * ) . Dans l'hypothèse où il s'agit d'une nouvelle production, engagée depuis moins de cinq ans, le décret et l'accord peuvent prévoir que la durée minimale du contrat est majorée de deux ans. En outre, un tel contrat ne peut alors être résilié par l'acheteur avant le terme de la période minimale (sauf inexécution ou cas de force majeure).

II. Le dispositif envisagé - L'obligation de la contractualisation écrite en agriculture et le renforcement du contenu des contrats par une clause de révision automatique des prix

L'article 1 er de la présente proposition de loi inverse la logique à l'oeuvre en matière de contractualisation écrite, en rendant obligatoire le fait de conclure des contrats écrits de vente et dérogatoire le fait de ne pas le faire. Son ambition est de faciliter et de favoriser la construction du prix « en cascade », plus protecteur de la rémunération de l'agriculteur, qu'il entend réaliser d'une part par ce mécanisme et d'autre part en renforçant la prise en compte, dans la détermination du prix, des coûts de production supportés par le producteur et de l'évolution du prix des matières premières agricoles.

Il prévoit tout d'abord que « tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est conclu sous forme écrite » et est régi par les dispositions de l'article L. 631-24, que cet article 1 er modifie par ailleurs.

Il reprend les dispositions en vigueur visant à exclure de cet article L. 631-24 les ventes directes aux consommateurs, les cessions réalisées au bénéfice d'organisations caritatives et les cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d'intérêt national définis à l'article L. 761-1 du code de commerce ou sur d'autres marchés physiques de gros de produits agricoles.

Il maintient également la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer un seuil de chiffre d'affaires en-dessous duquel les entreprises ne sont pas concernées par les dispositions de cet article.

Toujours dans l'objectif de « sanctuariser » les coûts de production supportés par l'agriculteur, cet article 1 er étoffe le contenu de la clause du contrat écrit relative au prix et aux critères et modalités de détermination de ce prix. Cette clause devra en effet désormais comporter, outre les éléments aujourd'hui en vigueur, des éléments relatifs « aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse de ce prix, selon une formule librement déterminée par les parties ».

Cet article modifie également la durée des contrats de vente et accords-cadres, en leur fixant un plancher de trois ans (le droit en vigueur fixe, à l'inverse, un plafond à la durée minimale du contrat, qui ne peut dépasser cinq ans sauf exception). Par extension d'un accord interprofessionnel, la durée minimale des contrats pourra être augmentée à cinq ans 19 ( * ) . Elle pourra par ailleurs être augmentée de deux ans si le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans, sans qu'il ne soit précisé si ces deux années supplémentaires s'ajoutent au plancher de trois ans ou à celui de cinq ans suite à un accord interprofessionnel étendu (auquel cas, la durée minimale serait de sept ans pour un producteur nouvellement engagé).

De la même façon, cet article 1 er reprend les dispositions aujourd'hui en vigueur à l'article L. 631-24-2 du CRPM relatives à la résiliation par l'acheteur d'un contrat le liant à un « nouveau » producteur et à la cession par le producteur d'un contrat à un producteur engagé depuis moins de cinq ans dans la production. Il maintient également l'exclusion des dispositions de durée des produits soumis à accises ainsi que les raisins, moûts et vins dont ils résultent.

Par ailleurs, la proposition de loi réécrit l'article L. 631-24-2 du CRPM, pour tenir compte de l'inversion du mécanisme. Alors que cet article était consacré à la possibilité de rendre obligatoire ce qui relevait jusqu'alors de la faculté, il regroupera désormais les dispositions qui autorisent un contrat de vente ou un accord-cadre à ne pas être conclu sous forme écrite. Cette option sera activable par extension d'un accord interprofessionnel ou, en l'absence d'accord étendu, en vertu d'un décret en Conseil d'État. Par parallélisme, si un contrat est tout de même conclu sous forme écrite dans une filière pour laquelle la contractualisation a été rendue facultative, ce contrat sera régi par l'article L. 631-24, sauf pour ce qui concerne la durée.

Pour les produits ou catégories de produits agricoles pour lesquels il n'existe pas d'interprofession représentative, la demande de dérogation, motivée et accompagnée de toutes données utiles à l'appréciation de sa pertinence, peut être formulée par une organisation professionnelle représentant des producteurs.

Enfin, cet article 1 er reprend les dispositions permettant à un producteur, dans le cas où la conclusion d'un contrat écrit a été rendue facultative, d'exiger tout de même d'un acheteur une offre de contrat écrit.

En résumé, cet article inverse ce qui relève de la règle et de l'exception en matière de contractualisation écrite, modifie la durée minimale des contrats et ajoute une clause de révision automatique des prix.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, plusieurs amendements identiques ont été adoptés prévoyant que la clause du contrat écrit relative aux critères et modalités de détermination du prix devra faire figurer la pondération des différents indicateurs retenus dans son élaboration. Un autre amendement a été adopté prévoyant que la clause relative à la quantité des produits devant être livrés s'appliquera à la totalité desdites quantités.

Un amendement a également été adopté autorisant le pouvoir réglementaire, en l'absence d'un accord interprofessionnel étendu, à augmenter la durée minimale des contrats de vente et accords-cadres de trois à cinq ans.

Par ailleurs, un amendement a été adopté afin de préciser que les critères et modalités de détermination et de révision du prix sont définis en prenant pour socles les indicateurs (de coût de production, de prix de marché, d'origine, etc.), et non plus seulement en « prenant en compte » ces derniers.

Les députés ont également adopté un amendement prévoyant une publication des indicateurs de référence, et non plus une diffusion, par les organisations interprofessionnelles.

Trois amendements ont été adoptés afin d'inscrire à l'article L. 631-24 du CRPM que les contrats, accords-cadres et propositions de contrat et d'accord-cadre ne peuvent pas comporter de clauses ayant pour effet une modification automatique du prix liée à l'environnement concurrentiel. Il s'agit d'interdire les clauses qui auraient pour effet de modifier le prix ou la formule de prix convenue en fonction d'un autre contrat qui serait conclu par ailleurs entre l'acheteur et un autre fournisseur (par exemple lorsque le prix inscrit dans le contrat entre le producteur X et l'acheteur Y peut être revu à la baisse automatiquement car l'acheteur Y a conclu par la suite pour une même production un autre contrat avec le producteur Z qui prévoit un prix plus bas).

Une telle pratique pourrait en effet être considérée comme privant d'effet la prise en compte des indicateurs mentionnés pour la révision ou la détermination du prix du contrat puisque le prix effectivement payé ne résulterait plus de cette prise en compte.

Enfin, quatorze amendements ont été adoptés afin d'étendre le régime de sanctions prévu à l'article L. 631-25 du CRPM aux manquements à cette interdiction.

En séance, outre deux amendements rédactionnels, les députés ont adopté :

• un amendement interdisant l'application de pénalités au producteur ne respectant pas les volumes prévus au contrat en cas de survenue d'un aléa climatique exceptionnel. Lesdits aléas font en fait référence aux calamités agricoles, définies à l'article L.  361-5 du CRPM ;

• deux amendements qui renforcent la prise en compte des indicateurs de référence dans les critères de détermination du prix, en reformulant l'avant-dernier alinéa du III de l'article L. 631-24 et en prévoyant une forme de double-étage. Premièrement, la proposition de contrat constitue le socle de la négociation entre les parties et elle prend en compte des indicateurs relatifs aux coûts de production et à leur évolution. Deuxièmement, les parties définissent librement ces critères et modalités de révision et de détermination du prix et y intègrent, outre ces indicateurs issus du socle de la négociation, les autres indicateurs (prix de marché, qualité, origine, etc.) ;

• un amendement qui prévoit que si les organisations interprofessionnelles n'ont pas élaboré et publié d'indicateur de référence, les instituts techniques agricoles soient compétents en la matière ;

• un amendement qui prévoit que si un contrat écrit conclu dans une filière où la contractualisation a été rendue facultative prévoit une durée inférieure à trois ans, il peut ne pas comporter de clause de révision automatique du prix.

IV. La position de la commission - souscrire au principe de contractualisation écrite généralisée tout en encadrant davantage les possibilités de dérogation

La commission partage le constat que l'absence de contractualisation écrite nuit à la transparence des relations commerciales entre un producteur et son acheteur et à la possibilité d'élaborer des dispositifs permettant de tendre vers une meilleure rémunération de l'agriculteur. Elle souscrit par conséquent à l'objectif d'une généralisation de la contractualisation écrite obligatoire, sauf exception. La bonne prise en compte de différents indicateurs susceptibles de participer à l'atteinte d'une plus juste rémunération, au premier rang desquels les indicateurs de coût de production, dépend en effet de l'existence d'un tel document écrit, traçable et vérifiable.

La commission émet toutefois quelques réserves au sujet de deux risques principaux. D'une part, il conviendra de veiller que cette généralisation ne s'accompagne pas d'un alourdissement des tâches administratives pour l'agriculteur. En cela, le rôle des interprofessions et fédérations sera décisif, notamment pour accompagner et conseiller les producteurs agricoles et pour concevoir des modèles de contrats. D'autre part, le risque n'est pas nul qu'en dépit des bonnes intentions affichées par cet article 1 er , il conduise certains acheteurs à privilégier des produits agricoles importés, soumis à un nombre plus faible d'obligations légales.

Interrogées à ce sujet, plusieurs fédérations de producteurs ont néanmoins indiqué à la rapporteure que le risque restait faible compte tenu de l'importance croissante, aux yeux des consommateurs, que les produits agricoles soient d'origine française.

La commission, tout en validant donc le coeur de cet article 1 er , l'a complété en adoptant :

• un amendement COM-128 de la rapporteure qui précise que le décret pouvant fixer un seuil de chiffre d'affaires en dessous duquel l'article 1 er n'est pas applicable aux entreprises concerne tant les producteurs agricoles que les acheteurs ;

• un amendement COM-130 de la rapporteure et six amendements identiques COM-17 de Mme Noël, COM-24 de Mme Létard, COM-49 de M. de Nicolay, COM-73 de M. Menonville, COM-98 de Mme Delattre et COM-30 de Mme Billon de la rapporteure, qui encadrent la façon dont il est recouru aux instituts techniques agricoles pour suppléer les interprofessions dans l'élaboration et la publication des indicateurs de référence. L'institut pourra être sollicité, passé un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, par un membre d'une interprofession et disposera alors de deux mois pour se substituer à cette dernière ;

• un amendement COM-133 qui encadre les modalités d'édiction du décret autorisant une filière à ne pas contractualiser. Le décret devra désormais être pris après avis des organisations interprofessionnelles compétentes, ce dernier devant par ailleurs être rendu public. Il s'agit en effet d'associer plus étroitement les parties prenantes au choix, important, de permettre à certaines productions de déroger à la loi. Par ailleurs, cet amendement prévoit que l'accord interprofessionnel étendu (ou le décret) qui lève l'obligation de contractualisation peut également prévoir des conditions spécifiques d'application de la contractualisation adaptées à la taille des entreprises ;

• un amendement COM-129 de la rapporteure modifié par le sous-amendement COM-148 du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires visant à intégrer les crises sanitaires exceptionnelles (comme la peste porcine ou la grippe aviaire) parmi les situations dans lesquelles il ne peut être infligé de pénalités aux agriculteurs pour retard de livraison ;

• huit amendements COM-12 de M. Duffourg, COM-18 de Mme Noël, COM-25 de Mme Létard, COM-50 de M. de Nicolay, COM-67 de M. Canévet, COM-74 de M. Menonville, COM-99 de Mme Delattre et COM-121 de M. Labbé, qui précisent que toute imposition d'une renégociation automatique du prix du contrat en fonction de l'environnement concurrentiel est interdite ;

• un amendement rédactionnel COM-131 et deux amendements COM-132 et COM-134 de coordination juridique, à l'initiative de la rapporteure.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er bis

Expérimentation d'un tunnel de prix dans les contrats écrits de vente
de produits agricoles

Cet article vise à expérimenter, sur cinq ans maximum, la mise en place, au sein des contrats écrits de vente de produits agricoles, de bornes minimales et maximales entre lesquelles le prix de vente pourrait librement fluctuer, créant de ce fait un « tunnel de prix ». L'expérimentation devrait concerner prioritairement la filière bovine.

La commission, nonobstant quelques réserves quant au caractère facultatif de ce « tunnel de prix » et à sa capacité à satisfaire les deux parties, a souhaité que l'expérimentation, demandée par plusieurs acteurs agricoles, puisse avoir lieu et a adopté cet article après l'avoir modifié pour intégrer un dispositif de sanction applicable aux situations dans lesquelles une des deux parties manquerait à ses obligations et refuserait de mettre en place ce tunnel de prix alors que l'expérimentation est obligatoire dans sa filière.

I. La situation actuelle - Une prise en compte parcellaire de l'évolution des coûts de production des agriculteurs dans les contrats de vente de produits agricoles

Aux termes du 1° du III de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime 20 ( * ) , lorsqu'un contrat ou un accord-cadre écrit est envisagé pour la vente de produits agricoles, il doit comporter a minima un ensemble de clauses parmi lesquelles une clause relative « au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix ».

Si les critères et modalités de détermination du prix en question doivent prendre en compte un ensemble d'indicateurs (de coûts de production, de prix de marché, d'autres éléments, etc.), cet article reste silencieux quant au fonctionnement concret du volet « révision » de cette clause. Rien ne précise, en effet, qu'elle doit, elle aussi, s'appuyer sur les indicateurs de coûts de production supportés par l'agriculteur (évolution du prix des intrants, de l'énergie, du prix du matériel agricole, etc.).

Par ailleurs, l'article L. 441-8 du code de commerce, créé par la loi relative à la consommation de 2014 et modifié par ordonnance 21 ( * ) en 2019 sur le fondement de la loi Egalim, prévoit une clause de renégociation du prix de certains contrats de vente de produits agricoles 22 ( * ) « dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires et, le cas échéant, des coûts de l'énergie ». Cette clause doit permettre de prendre en compte ces fluctuations, à la hausse comme à la baisse.

La clause doit préciser les conditions et seuils de déclenchement de la renégociation et prendre notamment en compte les indicateurs de l'article L. 631-24 du CRPM (coût de production, prix de marché, autres éléments). Une fois décidée, la renégociation doit avoir lieu de bonne foi, dans un délai maximal d'un mois, et elle doit tendre à « une répartition équitable entre les parties de l'accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant de ces fluctuations ». Elle doit notamment tenir compte de l'impact de ces fluctuations sur l'ensemble des acteurs de la chaîne d'approvisionnement.

Le fait de ne pas prévoir une telle clause est passible d'une amende administrative pouvant atteindre 375 000 euros pour une personne morale.

Si la renégociation du prix n'aboutit pas à un accord dans le délai imparti, les parties peuvent alors saisir le médiateur des relations commerciales agricoles 23 ( * ) . Sa saisine est par ailleurs un préalable obligatoire à toute saisine du juge en la matière.

L'efficacité de cette clause reste limitée. D'une part, elle n'emporte aucune obligation de résultat en matière de renégociation, si bien que la prise en compte des fluctuations du prix des matières premières agricoles ou de l'énergie ne peut être formellement garantie. Autrement dit, la persistance du rapport de force entre l'agriculteur et son acheteur, souvent défavorable au premier, peut avoir pour conséquence une prise en compte minime des fluctuations des coûts de production.

D'autre part, l'activation de la clause peut également entraîner la renégociation des autres critères et modalités de détermination du prix, au-delà de la simple prise en compte de l'évolution du prix des matières premières. Cette perspective peut représenter un frein à l'activation de cette clause, le producteur pouvant craindre qu'une telle renégociation « globale » lui soit défavorable.

Il en résulte, de la part des différents acteurs entendus par la rapporteure, une insuffisante prise en compte de l'évolution (surtout à la hausse) des coûts de production supportés par les agriculteurs, en dépit des efforts répétés du législateur de construire un tel mécanisme.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - La fixation, à titre expérimental, de bornes minimales et maximales entre lesquelles le prix du contrat pourra fluctuer pour tenir compte de l'évolution des coûts de production

En séance publique, les députés ont adopté sept amendements identiques visant à instaurer à titre expérimental un dispositif de « tunnel de prix » pour les contrats écrits de vente de produits agricoles.

Il est en effet prévu que dans la clause de prix des contrats 24 ( * ) , « les parties [pourront] convenir de bornes minimales et maximales entre lesquelles les critères et les modalités de détermination ou de révision du prix, intégrant notamment un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, [produiront] leurs effets ». Il s'agit donc d'un dispositif facultatif, et non obligatoire comme l'est la clause de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, du prix, créée par l'article 1 er de la proposition de loi.

Par ailleurs, l'article 1 er bis prévoit qu'un décret, de l'élaboration duquel les parties prenantes seront informées, définit, pour un ou plusieurs produits agricoles, les conditions d'une expérimentation de l'utilisation obligatoire d'un modèle de rédaction de ladite clause. Les premiers échanges à ce sujet semblent indiquer que la filière bovine serait prioritairement concernée par cette expérimentation.

Cette expérimentation, d'une durée maximale de cinq ans, a pour objectif d'évaluer les effets de l'utilisation de la clause de prix sur l'évolution dudit prix de vente des produits concernés et sur la concurrence.

L'article 1 er bis prévoit par ailleurs la remise au Parlement par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation six mois avant le terme de l'expérimentation.

III. La position de la commission - accepter le principe de l'expérimentation d'un « tunnel de prix »

La commission souscrit à l'objectif d'apporter une sécurisation supplémentaire, tant au producteur agricole qu'à son premier acheteur, en matière de fluctuation des prix.

Elle valide également le principe d'une expérimentation, qui devra notamment permettre de clarifier les suites à donner lors du franchissement éventuel, par le prix, des bornes minimales et maximales fixées.

Elle souligne toutefois que, au-delà du cas de la filière bovine qui expérimentera vraisemblablement en priorité ce nouveau dispositif, la possibilité d'introduire un « tunnel de prix » revêtira pour les acteurs un caractère facultatif (contrairement à la clause de révision automatique des prix, prévue à l'article 1 er ). Ce faisant, le risque existe que l'acheteur, souvent en position de force par rapport au producteur agricole, propose de fixer les bornes à un niveau asymétrique, de telle sorte par exemple que le prix puisse davantage diminuer qu'augmenter. Il n'est donc pas certain que le « tunnel de prix » soit, in fine , un dispositif consensuel susceptible de convenir aux deux parties. En cela, sa plus-value en termes de sécurisation des prix ne paraît pas évidente par rapport à la clause automatique de révision des prix prévue à l'article 1 er .

La commission a adopté trois amendements identiques COM-40 de M. Duplomb, COM-84 de M. Menonville et COM-107 de Mme Schillinger qui créent un dispositif de sanction applicable lorsqu'un vendeur ou un acheteur de produit agricole relevant d'une filière concernée par l'expérimentation manque à ses obligations et s'oppose à l'utilisation du tunnel de prix.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er ter

Publication trimestrielle des indicateurs de référence par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

Cet article charge l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de publier, trimestriellement, une synthèse des indicateurs de référence choisis par les filières.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure prévoyant que cette obligation ne s'appliquera qu'aux indicateurs de coût de production en agriculture, les plus utiles pour mesurer la construction « en marche avant » du prix des produits agricoles, et non aux deux autres catégories d'indicateurs (prix de marché et « autres »). Cet amendement précise également que seuls les indicateurs de coût de production rendus publics doivent faire l'objet de ladite publication.

I. La situation actuelle - Une diffusion des indicateurs de référence par les organisations interprofessionnelles

Aux termes de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, « dans le cadre de leurs missions [...], les organisations interprofessionnelles élaborent et diffusent des indicateurs, qui servent d'indicateurs de référence ». Elles peuvent, le cas échéant, s'appuyer sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) des produits alimentaires 25 ( * ) , placé auprès du ministre chargé de l'alimentation et de celui chargé de la consommation.

Sans que cela soit précisé spécifiquement, il ressort de la lecture du neuvième alinéa du III de l'article L. 631-24 que les indicateurs en question, dont l'élaboration et la diffusion incombe aux interprofessions, correspondent aux trois types d'indicateurs que les critères et modalités de détermination du prix, présents dans le contrat écrit de vente de produits agricoles, doivent prendre en compte : indicateurs de coûts de production, indicateurs de prix de marché, indicateurs « autres » (quantité, composition, qualité, origine, traçabilité des produits, etc.).

Dans les faits, lorsque de tels indicateurs ont été élaborés, ils sont généralement accessibles sur les sites internet des interprofessions. À titre d'exemple, l'interprofession du lait publie chaque mois sur son site 26 ( * ) un tableau de bord d'indicateurs, validés par la Commission européenne, parmi lesquels figure notamment un indicateur de marge laitière (« MILC ») ou un indicateur de prix d'achat des moyens de production agricole (IPAMPA).

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale - une publication synthétique, trimestrielle, des indicateurs par l'Observatoire

En séance publique, les députés ont adopté un amendement créant cet article 1 er ter qui prévoit que l'OFPM publie, chaque trimestre, un support synthétique reprenant l'ensemble des indicateurs mentionnés au III de l'article L. 631-24 du CRPM, à l'article L. 631-24-1 et au II de l'article L. 631-24-3 du même code (indicateurs prévus dans le cadre de la relation entre une coopérative et ses membres).

Ce nouvel article entend tirer les conséquences de l'obligation de contractualisation écrite en matière de vente de produits agricoles, prévue à l'article 1 er , compte tenu de l'augmentation du nombre d'indicateurs publiés qui en est attendue.

Le secret des affaires impose que la publication de cette synthèse se borne aux indicateurs de référence, c'est-à-dire sans préciser dans quel contrat ils ont été utilisés, ni selon quelles modalités.

III. La position de la commission - rendre plus réaliste la portée de l'obligation pesant sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

La commission souscrit à l'objectif d'une publication synthétique et régulière des indicateurs de référence, pour plus de transparence et de lisibilité.

Elle a toutefois circonscrit la portée de l'obligation aux seuls indicateurs de coût de production en adoptant un amendement COM-135 de la rapporteure, considérant que les autres indicateurs (prix de marché et « autres ») revêtent un caractère moins structurant en matière de rémunération des producteurs agricoles et qu'il ne paraissait dès lors pas nécessaire de mobiliser sur ce sujet les équipes, peu nombreuses, de l'Observatoire.

Par cet amendement, elle a également précisé que seuls les indicateurs rendus publics devaient faire l'objet de cette publication.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2

Transparence et non-négociabilité des matières premières agricoles entrant dans la composition des produits alimentaires

Cet article vise à accroître, entre fournisseurs et distributeurs, la transparence quant à la façon dont le prix payé en amont pour les matières premières agricoles est pris en compte lors des négociations commerciales.

Pour ce faire, il prévoit que le fournisseur affiche dans ses conditions générales de vente la part des matières premières agricoles dans le volume du produit alimentaire concerné ainsi que leur part dans son tarif fournisseur. Par dérogation, il pourra n'afficher que la part agrégée, ou ne rien afficher dans ses conditions générales de vente mais prévoir l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester que la négociation commerciale n'a pas porté sur la part liée aux matières premières agricoles.

Dans tous les cas, cet article instaure une interdiction que la négociation commerciale porte sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d'achat des matières premières agricoles. En cela, il entend « sanctuariser » cette part et la soustraire aux négociations souvent déflationnistes.

Par ailleurs, cet article 2 prévoit la signature, pour les produits alimentaires et à l'issue des négociations commerciales, d'une convention écrite qui retrace les obligations réciproques auxquelles le fournisseur et le distributeur se sont engagés. Cette convention devra également comporter une clause automatique de révision de la part des prix du contrat qui résulte du coût de la matière première agricole.

Cet article raccourcit à deux mois au lieu de trois, enfin, la durée des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, pour la partie relative aux produits alimentaires.

La commission souscrit à l'objectif d'une plus grande transparence mais refuse de valider un dispositif octroyant à un cocontractant, en l'espèce le distributeur, une visibilité démesurément grande sur les marges de son cocontractant, le fournisseur. L'article 2, sans que son efficacité ne puisse être garantie, contraindrait en effet les fournisseurs à dévoiler leurs marges de façon disproportionnée, alors que le même but peut être poursuivi par des moyens plus respectueux du secret des affaires.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement qui réécrit globalement cet article 2 et qui prévoit :

- que le fournisseur ait le choix entre afficher dans ses CGV la part agrégée que représentent l'ensemble des matières premières agricoles dans son tarif ou ne rien afficher et mandater un tiers indépendant pour qu'il atteste, dans le cas d'une évolution tarifaire, de la part de cette évolution qui résulte de la fluctuation en amont du prix des matières premières agricoles. La négociation ne pourra, par ailleurs, pas porter sur la part agrégée des matières premières agricoles, ni sur la part de l'évolution tarifaire liée aux prix agricoles ;

- que la clause de révision automatique de la part du prix liée aux matières premières agricoles inclue obligatoirement les indicateurs liés aux coûts de production en agriculture ;

- que le distributeur doive motiver par écrit, lorsqu'il souhaite ouvrir à la négociation les conditions générales de vente réceptionnées, les raisons de son choix ;

- que la durée des négociations commerciales soit à nouveau portée à trois mois ;

- que le « ligne à ligne », prévu à l'article 2 bis A, soit directement intégré à cet article 2, tout en étant circonscrit aux seuls produits alimentaires ;

- qu'un décret pourra prévoir des conditions d'application spécifiques aux petites entreprises.

La commission a également adopté deux sous-amendements à l'amendement de la rapporteure qui suppriment l'obligation d'afficher sur la facture les indicateurs utilisés.

I. La situation actuelle - Une insuffisante prise en compte de la variation du prix des matières premières agricoles dans les négociations commerciales entre fournisseur et acheteur, qui se répercute sur le revenu des agriculteurs

La négociation commerciale formelle entre un fournisseur et un acheteur (généralement renommés « industriel » et « distributeur », sans que ces termes ne recouvrent l'intégralité des situations) est régie par les dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce, telles qu'elles résultent désormais de l'ordonnance du 24 avril 2019 27 ( * ) , et plus particulièrement par son chapitre 1 er28 ( * ) , relatif à la « transparence dans la relation commerciale ».

Elle repose sur l'articulation de deux documents écrits, l'un transmis par le fournisseur à l'acheteur en amont de la période de négociation, l'autre élaboré à l'issue du cycle de négociation.

En amont de la négociation, les fournisseurs envoient leurs conditions générales de vente (CGV) aux acheteurs 29 ( * ) , qui comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix. Pour les produits de grande consommation (PGC 30 ( * ) ), ces CGV doivent être communiquées au distributeur au plus tard trois mois avant le 1 er mars 31 ( * ) .

Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale. Ce sont donc ces tarifs proposés chaque année par les industriels qui font l'objet des négociations avec la grande distribution, jusque fin février de chaque année, en vue de la vente de ces produits aux consommateurs.

Dans les faits, selon une logique classique de négociation désormais bien documentée, l'acheteur demande généralement dès le début de la négociation une diminution brute du tarif fournisseur, arguant de la nécessité de rester compétitif vis-à-vis de ses concurrents, la négociation s'entamant ensuite sur cette nouvelle base. Au total, les produits alimentaires sont ainsi frappés de déflation continue depuis 2013, en dépit du discours officiel tenu par le Gouvernement sur les vertus de la loi Egalim. La création de l'Observatoire de la formation des prix et des marges via cette même loi a d'ailleurs permis d'attester officiellement cette diminution constante et sa persistance post-Egalim, conformément aux prédictions et mises en garde que le Sénat formulait durant l'examen de ladite loi.

Le deuxième document écrit intervient à l'issue de la négociation et avant le 1 er mars, fournisseur et distributeur devant conclure une convention écrite 32 ( * ) qui mentionne les obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés. Elle fixe un certain nombre d'obligations comme :

• les conditions de l'opération de vente des produits et services (réduction de prix, par exemple) ;

• les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits et services, que le distributeur rend au fournisseur (rayonnage, placement en tête de gondole, inscription dans le catalogue de Noël, etc.) en précisant l'objet, la date, les modalités d'exécution et, notamment, la rémunération globale afférente à l'ensemble de ces obligations. Ce sont ces services de coopération commerciale qui sont par ailleurs utilisés par le distributeur pour justifier une baisse du tarif fournisseur ;

• les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur.

Lorsqu'elle porte sur des PGC, la convention écrite comporte alors un certain nombre d'éléments supplémentaires :

• elle mentionne le barème des prix unitaires tel qu'il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses CGV ;

• elle fixe le chiffre d'affaires prévisionnel, qui constitue avec les différentes obligations susmentionnées (services de coopération commerciale, etc.) le plan d'affaires de la relation commerciale ;

Tout manquement à ces dispositions est passible d'une amende administrative pouvant atteindre 375 000 euros pour une personne morale.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les contrats de marque de distributeur (MDD) dans le domaine alimentaire, l'encadrement de la relation commerciale est assez ténu, le contrat conclu entre le distributeur et le fournisseur devant simplement mentionner le prix et les critères et modalités de détermination du prix d'achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires 33 ( * ) .

Si la construction du prix « en cascade », supposée sécuriser la rémunération des agriculteurs, implique la possibilité de répercuter en aval les fluctuations du prix des matières premières agricoles supportées par les industriels, force est de constater que de tels mécanismes restent donc assez peu développés dans le droit en vigueur. Les éléments s'en rapprochant sont :

• le fait que pour les produits agricoles ou alimentaires, lorsque les indicateurs de coût de production, de prix de marché, etc., existent, il doit y être fait référence au sein des CGV et des différentes conventions et les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination des prix doivent y être explicitées 34 ( * ) . Ce dispositif, à la formulation vague, est aujourd'hui insuffisant à deux titres. D'une part, dans les faits, la plupart des fournisseurs n'indiquent pas le pourcentage de prise en compte de l'indicateur dans le calcul du prix pour éviter de dévoiler la construction de leur tarif, n'y étant pas obligés par la loi, et se contentent donc, souvent, de simplement mentionner les indicateurs dans leurs CGV et contrats 35 ( * ) . D'autre part, il leur est uniquement imposé de mentionner les indicateurs de référence, sans qu'il s'agisse nécessairement des indicateurs utilisés dans le contrat de vente amont ;

• le fait qu'aux termes de l'article L. 631-24-1 du CRPM, « lorsque l'acheteur revend des produits agricoles ou des produits alimentaires [...], le contrat de vente prend en compte les indicateurs figurant dans le contrat d'achat conclu pour l'acquisition de ces produits » ;

• lorsque la convention est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, le fait qu'elle fixe les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d'un ou de plusieurs indicateurs disponibles reflétant l'évolution du prix des facteurs de production ; mais il ne s'agit que d'une faculté 36 ( * ) ;

• la clause de renégociation du prix en cas de fluctuation du prix des matières premières agricoles et alimentaires ou de l'énergie, prévue à l'article L. 441-8 du code de commerce ( cf. commentaire de l'article 1 er bis ). Cette clause est néanmoins rarement activée, compte tenu notamment du fait qu'elle permet de renégocier l'ensemble des critères de détermination du prix, et non uniquement « d'acter » la hausse du prix des matières premières et leur prise en compte dans un nouveau tarif.

II. Le dispositif envisagé - Une sanctuarisation et une transparence de la part des matières premières agricoles dans le tarif fournisseur, supposées les soustraire à la négociation commerciale et préserver ainsi la rémunération de l'agriculteur

L'article 2 de la proposition de loi prévoit de créer un nouvel article L. 441-1-1 au sein du code de commerce afin de compléter le contenu des CGV relatives aux produits alimentaires, qui mentionneraient désormais :

• les matières premières agricoles entrant dans la composition du produit, ou dans celle des produits entrant dans la composition de ce produit ;

• le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d'achat de ces matières premières agricoles ;

• et les modalités de prise en compte de ce prix d'achat dans l'élaboration du tarif proposé.

Par ailleurs, le prix d'achat de la matière première agricole serait présenté de manière agrégée par matière première agricole.

En outre, cet article 2 crée une nouvelle convention écrite fournisseur-acheteur, spécifique aux produits alimentaires, dans laquelle les parties mentionneraient les obligations réciproques auxquelles elles se sont engagées à l'issue de la négociation commerciale.

Il est également prévu l'interdiction que la négociation porte sur les éléments « alimentaires » des CGV susmentionnées, outil central du mécanisme de cette proposition de loi.

Cette nouvelle convention « produits alimentaires » doit par ailleurs reprendre les éléments relatifs à la détermination du prix, tels qu'ils figurent dans les CGV, et les modalités de prise en compte du prix d'achat des matières premières agricoles dans l'élaboration du prix du contrat.

Toujours dans l'optique d'une construction « en marche avant » du prix, et par parallélisme avec l'article 1 er , l'article 2 prévoit ensuite que la convention comporte une clause de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de la part des prix du contrat qui résulte du coût de la matière première agricole, en fonction de la variation du coût de cette matière première agricole. Les parties déterminent librement, selon la durée du cycle de production, la formule de révision et les indicateurs à utiliser.

Comme pour la convention écrite « PGC » (résultant de l'article L. 441-4 du code de commerce), cette nouvelle convention sera conclue pour une durée d'un, deux ou trois ans, et au plus tard trois mois après l'envoi des CGV de l'industriel au distributeur.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale - L'introduction d'un tiers de confiance chargé de certifier la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur

En commission, outre quatre amendements rédactionnels, les députés ont adopté deux amendements identiques, sous-amendés par le rapporteur, afin de réécrire le mécanisme d'affichage du prix des matières premières agricoles au sein des CGV prévu par le nouvel article L. 441-1-1 du code de commerce.

Il est ainsi désormais prévu que les CGV présentent, pour chaque matière première agricole et pour chaque produit transformé composé de plus de 50 % de matières premières agricoles (par exemple, une pizza), sa part dans la composition du produit alimentaire sous la forme d'un pourcentage du volume et d'un pourcentage du tarif du fournisseur. Cette obligation ne serait toutefois applicable qu'aux matières premières agricoles et aux produits transformés qui entrent dans la composition du produit pour plus de 10 % de son volume.

Par ailleurs, si le fournisseur ne souhaite pas indiquer dans ses CGV la part de chaque matière première agricole, considérant que cela fournirait trop d'informations au distributeur quant au niveau de sa marge et des autres éléments négociables, deux autres options lui sont ouvertes :

• il peut choisir de présenter uniquement la part agrégée des matières premières agricoles et produits transformés, sous la forme d'un pourcentage du volume et d'un pourcentage du tarif du fournisseur. Concrètement, cela signifierait que le fournisseur de pizza ne serait plus tenu d'indiquer la part que représente chaque ingrédient de la pizza en termes de volume et de tarif, mais uniquement : « les matières premières agricoles représentent 65 % du volume de ce produit, et équivalent à 50 % du tarif proposé au distributeur » (les autres 50 % correspondant mécaniquement à d'autres coûts de production (carton, foncier, salaires, etc.) et à sa marge) ;

• il peut prévoir l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester que la négociation commerciale n'a pas porté sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d'achat des matières premières agricoles et des produits transformés. Concrètement, l'industriel n'afficherait pas dans ses CGV la part des matières premières agricoles, mais il mandaterait un tiers indépendant (le commissaire aux comptes, par exemple) pour qu'il certifie que cette part n'a pas été affectée par la négociation, toujours dans l'optique que l'agriculteur ne subisse pas, par ricochet, les effets de la négociation si cette dernière avait porté sur les produits agricoles.

Un exemple d'application du dispositif envisagé : le yaourt à la fraise

Dans le cas d'un yaourt à la fraise vendu par un fournisseur à un acheteur au tarif de 3 €, les matières premières agricoles entrant dans sa composition sont le lait et les fraises. Si chacun de ces deux ingrédients entre dans la composition du produit final pour plus de 25 % du volume, les CGV du fournisseur devront indiquer : « Le lait entrant dans la fabrication de ce yaourt représente 30 % du volume du produit. Le prix payé pour ce lait explique 40 % du tarif proposé. Les fraises entrant dans la fabrication de ce yaourt représentent 35 % du volume du produit. Le prix payé pour ces fraises explique 35 % du tarif proposé ».

S'il ne souhaite pas indiquer à l'acheteur le détail du volume et du prix des matières premières agricoles, le fournisseur pourra indiquer : « Le lait et les fraises représentent 65 % du volume du produit. La part agrégée de ces deux matières premières agricoles dans le tarif proposé est de 75 % ».

S'il choisit l'option n° 3, qui consiste à ne rien indiquer dans les CGV et à prévoir l'intervention d'un tiers indépendant chargé d'attester que la négociation n'a pas porté sur la part « matière première agricole » du tarif fournisseur, ledit tiers attestera par exemple que dans la hausse de tarif demandée par l'industriel (par exemple + 3 %), le prix du lait et des fraises représente + 1 %. À l'issue de la négociation, le tarif négocié ne pourra donc être inférieur à + 1 %.

Ces amendements identiques ont également réécrit l'interdiction de négociation des matières premières agricoles. Désormais, « la négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d'achat des matières premières agricoles et des produits transformés [...] ».

Un amendement du rapporteur a également été adopté prévoyant que les CGV indiquent si un contrat de vente écrit ( cf. article 1 er ) portant sur les matières premières agricoles en question est déjà conclu pour la durée de la convention « produits alimentaires ». Les députés ont également prévu un dispositif de sanction en cas de manquement à ces dispositions d'affichage dans les CGV.

Un amendement a été adopté prévoyant que lorsqu'elle est conclue avec un distributeur, la nouvelle convention écrite « produits alimentaires » est conclue dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire celles prévues à l'article L. 441-4 du code de commerce. Autrement dit, dans ce cas de figure, il ne s'agit pas d'un nouveau document propre aux produits alimentaires, mais d'un ensemble de règles spécifiquement applicables à ces produits au sein de la convention écrite « PGC ».

Par deux amendements identiques, les députés ont également précisé le régime applicable aux trois options d'affichage ouvertes au fournisseur :

• si le fournisseur affiche dans ses CGV le détail de la part des matières premières agricoles dans son tarif (option n° 1), alors la convention écrite reprendra ces éléments et mentionnera ladite part, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu ;

• si le fournisseur n'affiche dans ses CGV que la part agrégée des matières premières agricoles (option n° 2), il devra mandater un tiers indépendant pour attester l'exactitude de cette part agrégée. La mission dudit tiers indépendant consiste alors exclusivement à réceptionner les informations transmises, à attester de leur exactitude et à transmettre cette attestation à l'acheteur. Il est précisé que le tiers est astreint au secret professionnel pour les faits, les actes et les renseignements dont il a pu avoir connaissance à raison de ses fonctions ;

• si le fournisseur fait le choix de ne « rien » afficher dans ses CGV (option n° 3), et de remettre ces informations au tiers indépendant, il accompagne sa transmission des pièces qui justifient l'exactitude des informations transmises. Outre les missions vues supra , le tiers indépendant doit alors certifier que le prix convenu à l'issue de la négociation respecte bien la non-négociabilité des matières premières agricoles. En tout état de cause, le contrat ne peut être légalement conclu en l'absence de cette certification. Interrogé par la rapporteure, le Gouvernement a par ailleurs indiqué que si l'acheteur estime que le tiers a commis une faute dans l'exercice de sa mission qui lui a causé un préjudice consistant, par exemple, en une perte de chance de conclure le contrat, il pourra chercher à engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

Un amendement du rapporteur a également été adopté prévoyant que la convention n'est plus conclue trois mois après l'envoi des CGV, mais au plus tard le 1 er mars, et que le fournisseur communique ses CGV au plus tard le 1 er janvier précédent. Le délai de négociation des PGC, aujourd'hui fixé à trois mois en vertu de l'article L. 441-4 du code de commerce, passerait donc à deux mois.

Un autre amendement du rapporteur a également été adopté, octroyant au distributeur « un délai raisonnable à compter de la réception des conditions générales de vente pour motiver explicitement et de manière détaillée par écrit le refus de ces dernières ou notifier leur acceptation ou, le cas échéant, les dispositions des conditions générales de vente qu'il souhaite soumettre à la négociation ».

Enfin, un amendement du rapporteur a été adopté afin de préciser que l'ensemble de ces dispositions ne sont pas applicables à certains produits alimentaires ou catégories de produits dont la liste est définie par décret en raison des spécificités de leur filière de production.

En séance publique, outre quatre amendements rédactionnels, les députés ont adopté quatre amendements visant à :

• préciser que le présent article n'est applicable ni aux grossistes, ni à certains produits alimentaires ou catégories de produits dont la liste est définie par décret en raison des spécificités de leur filière de production. Les fruits et légumes frais vendus en l'état au consommateur ainsi que la filière viticole devraient être prioritairement concernés par cette dérogation ;

• préciser que l'affichage dans les CGV de la part des matières premières agricoles dans le tarif fournisseur n'est applicable qu'aux matières qui représentent plus de 25 % du volume du produit alimentaire (et non plus 10 %) et qu'un décret peut fixer, pour certains produits ou certaines catégories de produits, un taux inférieur. Les viandes pourraient faire l'objet de ce seuil abaissé pour prendre en compte le fait qu'il est rare qu'elles représentent plus de 25 % du volume des produits transformés ;

• préciser que dans le cas de l'option n° 1 (lorsque le fournisseur affiche chaque matière première agricole dans ses CGV), l'acheteur qui souhaite vérifier l'exactitude de ces informations peut, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour qu'il l'atteste ;

• prévoir que le distributeur ne dispose plus d'un « délai raisonnable », mais d'un délai d'un mois, à compter de la réception des CGV, pour motiver le refus de ces dernières.

IV. La position de la commission - poursuivre l'objectif de transparence et de sanctuarisation de la matière première agricole tout en évitant un déséquilibre disproportionné dans la relation commerciale entre fournisseur et distributeur

Si la commission souscrit à l'objectif d'accroître la transparence des négociations commerciales et d'assurer une meilleure prise en compte de l'évolution du prix des matières premières agricoles dans le but de desserrer l'étau qui pèse in fine sur les agriculteurs, comme elle l'a rappelé dans de nombreux travaux précédents, elle considère toutefois que le dispositif proposé dans cet article 2 est inutilement complexe, s'apparente à une « usine à gaz » unanimement regrettée par tous les acteurs entendus, et conduit à dévoiler aux distributeurs des informations cruciales sur les marges des fournisseurs, sans certitude que l'agriculteur bénéficie de cette évolution.

Interrogé sur les risques que cet article fait peser sur les fournisseurs, qui seraient contraints d'aborder la négociation commerciale avec un désavantage marqué, alors même que le rapport de force leur est déjà souvent défavorable, le Gouvernement s'est contenté d'indiquer à la rapporteure que la présence des trois options leur permettra de choisir le mode de dévoilement qui leur convient le mieux.

Or cette possibilité est loin d'être satisfaisante.

Si le fournisseur choisit l'option n° 3, il est exact qu'il est autorisé à ne pas afficher dans ses CGV la part des matières premières agricoles qui entrent dans son tarif, le tiers indépendant attestant simplement, ex post , que la négociation n'a pas porté sur ladite part des matières premières agricoles ; mais dans ce cas, le distributeur peut déduire de la certification du tiers indépendant qu'il existe encore, pour les prochaines négociations, une part du tarif de son fournisseur qu'il pourra négocier durement à la baisse. Ce faisant, l'intervention du tiers indépendant permet de sanctuariser, sur une année donnée, le prix des matières premières agricoles. Mais elle donne également au distributeur une information clé : il pourra exiger du fournisseur, les années ultérieures, d'écraser encore davantage sa marge. En pacifiant les négociations à un moment T, le tiers indépendant dans l'option n° 3 ouvre la voie à un renforcement de la férocité des négociations des années à venir, tant que la part des matières premières agricoles n'est pas « touchée ».

L'équilibre atteint par cet article 2 entre transparence et secret des affaires n'est donc pas satisfaisant, l'atteinte portée au second étant largement disproportionnée, sans gage d'efficacité.

Par ailleurs, cet article présente d'autres écueils. D'une part, il envisage un raccourcissement de la durée des négociations commerciales, de trois à deux mois, alors même qu'il accroît le nombre de procédures et d'étapes à respecter durant cette période (CGV plus complexes à analyser, recours à un tiers indépendant, impossibilité de conclure le contrat sans la certification dudit tiers, etc.).

D'autre part, il laisse libre le choix des indicateurs de référence à prendre en compte dans la clause de révision automatique des prix. Or le risque est élevé que lors de la détermination de cette clause, le bénéficiaire du rapport de force impose la prise en compte d'indicateurs de plus faible portée, comme les indicateurs de qualité, de traçabilité, en laissant de côté l'indicateur lié aux coûts de production, pourtant le plus important pour assurer la rémunération de l'agriculteur. Un fournisseur pourrait donc être lié en amont par une clause de révision automatique du prix agricole, elle-même appuyée sur les indicateurs de coût de production, tout en étant lié en aval par une clause qui n'intègre pas les mêmes indicateurs, nuisant à la bonne prise en compte tout au long de la chaîne d'approvisionnement du prix de la matière première agricole.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-136 qui réécrit globalement l'article et qui :

• ne retient que deux possibilités d'affichage de la part des matières premières agricoles dans le tarif fournisseur, au lieu de trois, qu'il met par ailleurs sur le même plan. La première est celle de l'affichage de la part agrégée, sans condition de taux ; la seconde, qui ne peut être choisie qu'en cas d'évolution du tarif fournisseur d'une année à l'autre, prévoit l'intervention d'un tiers indépendant pour certifier la part de cette évolution qui résulte de la fluctuation du prix des matières premières agricoles, cette part de l'évolution tarifaire ne pouvant faire l'objet de négociation. Concrètement, si un fournisseur de soda propose une hausse du tarif de 3 %, et qu'un tiers indépendant atteste qu'un tiers de cette hausse résulte du fait que le prix du sucre a augmenté, la négociation ne pourra pas porter sur ce tiers (soit 1 % dans l'exemple). Elle pourra porter sur les 2 % restants ou, comme dans toute négociation, sur les autres éléments que les parties souhaitent discuter (recherche et développement, coûts de marketing, etc.) ;

• précise que la clause de révision automatique de la part du prix liée aux matières premières agricoles inclut obligatoirement les indicateurs liés aux coûts de production en agriculture, lorsque le fournisseur a lui-même acquis les produits agricoles via un contrat écrit ;

• réinstaure une période de trois mois pour la négociation commerciale, et non deux ;

• contraint le distributeur à motiver par écrit son souhait d'ouvrir à la négociation les conditions générales de vente réceptionnées, alors qu'il n'était jusqu'à présent tenu de le faire que dans les cas où il refusait des CGV ;

• intègre le dispositif du « ligne à ligne » directement dans cet article 2, alors qu'il faisait l'objet d'un article séparé, le 2 bis A. L'amendement modifie à cette occasion le champ d'application du « ligne à ligne », en le circonscrivant aux seuls produits alimentaires ;

• prévoit qu'un décret pourra fixer des conditions d'application de cet article 2 spécifiques aux petites entreprises.

• procède à des ajustements rédactionnels et à des coordinations juridiques.

La commission a par ailleurs adopté deux sous-amendements COM-147 de Mme Estrosi Sassone et COM-146 de Mme Muller-Bronn qui suppriment le fait que la facture doive faire apparaître les indicateurs utilisés et leur impact sur le prix net facturé. La facture n'est en effet pas le document idoine pour le suivi de la prise en compte du prix des matières premières agricoles, par opposition à la convention écrite ; en outre, les logiciels de facturation ne sont pas conçus pour ce type de procédés.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis A

Affichage détaillé des obligations réciproques au sein des conventions écrites entre fournisseur et distributeur ou prestataire de services

Cet article vise à instaurer une obligation pour les distributeurs et fournisseurs d'indiquer précisément, dans la convention écrite signée à l'issue des négociations commerciales, chacune des obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés, ainsi que leur prix unitaire. Ce faisant, il entend mettre fin à certaines pratiques de distributeurs qui proposent un ensemble flou de services commerciaux, peu détaillés, en contrepartie de baisses importantes du tarif du fournisseur. Désormais, chaque contrepartie devra être clairement mentionnée et valorisée.

La commission ayant transféré, en modifiant son périmètre, le contenu de cet article 2 bis A au sein de l'article 2 via l'adoption d'un amendement de la rapporteure, elle a adopté un amendement de suppression de cet article.

I. La situation actuelle - Un ensemble parfois peu précis d'obligations réciproques à l'issue des négociations commerciales, à l'origine de pressions déflationnistes

Aux termes de l'article L. 441-3 du code de commerce, « une convention écrite conclue entre le fournisseur 37 ( * ) [...] et le distributeur ou le prestataire de services mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale ». Cette convention doit être établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre et des contrats d'application.

Les obligations que la convention doit fixer, aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, recouvrent plusieurs catégories :

• les conditions de l'opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix, et le cas échéant les types de situations dans lesquelles et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l'opération de vente sont susceptibles d'être appliquées ;

• les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur, que le distributeur ou le prestataire de service lui rend, ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. Y figurent par exemple la mise en avant des produits dans le magasin, l'inscription du produit en première page du catalogue sur telle semaine, le fait de passer un message en magasin, de produire des données statistiques de vente du produit sur telle périodicité ;

• les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services.

Ces obligations, additionnées au chiffre d'affaires prévisionnel fixé par la convention écrite, forment le plan d'affaires de la relation commerciale.

Les services commerciaux mentionnés supra portent généralement sur trois grandes catégories : l'assortiment (tel produit à telle place), l'innovation (la façon de mettre en avant ou de faire goûter tel produit, etc.) ; le développement commercial ou plan d'affaires (comment augmenter les ventes).

Or ces services payants, jusqu'à maintenant négociés globalement, sont recensés dans les conventions écrites avec un degré de précision sur les actions conduites qui varie beaucoup d'une enseigne à une autre. Les négociations de ces services sont souvent réalisées selon une somme globale, sans savoir dans le détail à quoi correspond exactement, service par service, cette somme. Dans les faits, il s'agit donc d'un outil majeur de négociation de la grande distribution face aux industriels, les premiers proposant aux seconds un ensemble parfois « nébuleux » de services en contrepartie de baisses de tarifs.

L'ensemble des industriels interrogés par la rapporteure ont déploré manquer de visibilité sur les prestations qu'ils achètent réellement sous forme de services commerciaux.

Le droit actuel permet certes de contrôler les abus et disproportions au titre du déséquilibre significatif et au titre de l'obtention d'avantage sans contrepartie, ou avec une contrepartie disproportionnée 38 ( * ) . Mais l'action de la DGCCRF en matière de pratiques restrictives de concurrence sanctionne les pratiques abusives suite à l'exécution de la convention, sans contrôle ex ante . En outre, peu d'industriels signalent les situations dans lesquelles il leur semble que l'enveloppe globale de services commerciaux est surfacturée, par crainte notamment de représailles.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - Contraindre les parties à la négociation à indiquer précisément, ligne par ligne, les obligations auxquelles elles se sont engagées ainsi que leur prix unitaire

En séance publique, les députés ont adopté sept amendements identiques créant ce nouvel article 2 bis A qui entend préciser le premier alinéa de l'article L. 441-3 du code de commerce relatif à la mention des obligations réciproques au sein de la convention écrite.

Le dispositif de ces amendements précise que la convention écrite mentionne non plus « les obligations réciproques » auxquelles les parties se sont engagées, mais « chacune des obligations réciproques et leur prix unitaire ». Il s'agit donc d'instaurer un recensement « ligne-à-ligne » des services proposés par les distributeurs, dans l'objectif de faciliter la transparence et d'en contrôler plus efficacement toute éventuelle disproportion. Rédigé de cette façon, l'article 2 bis A instaure donc le « ligne à ligne » sur l'ensemble du champ couvert par une convention écrite au sens de l'article L. 441-3, et non uniquement pour les produits alimentaires.

Ce faisant, les députés ambitionnent d'inscrire dans la loi la proposition n° 34 du rapport 39 ( * ) de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, dont le rapporteur était l'auteur et le rapporteur de la présente proposition de loi : « rendre obligatoire que chaque service délivré à un industriel fasse l'objet d'une facturation distincte indiquant clairement l'objet de la rémunération ».

Il convient par ailleurs de noter que si cette disposition a pour effet de rendre non conforme tout contrat qui ne présenterait pas ce formalisme, elle n'impose en revanche rien, par elle-même, en matière de niveau de tarification.

III. La position de la commission - supprimer l'article compte tenu de son transfert au sein de l'article 2

La commission est favorable à ce dispositif, qui apporte une transparence bienvenue en matière de prestations commerciales proposées par les distributeurs en contrepartie des baisses de tarif qu'ils exigent.

Par souci de clarté, le contenu de cet article 2 bis A a été transféré, via l'amendement COM-136 ( cf. supra ) de la rapporteure, au sein de l'article 2, tout en étant circonscrit aux seuls produits alimentaires.

Cet article 2 bis A étant devenu sans objet puisque son contenu a été déplacé, la commission a adopté un amendement COM-137 de la rapporteure le supprimant.

La commission a supprimé l'article.

Article 2 bis B

Encadrement des volumes prévisionnels au sein des contrats de marques de distributeur

Cet article vise à faire figurer, au sein des contrats de produits alimentaires vendus sous marque de distributeur (MDD), une clause relative aux engagements du distributeur sur les volumes prévisionnels qu'il entend faire produire.

La commission salue ce premier pas vers un encadrement des MDD, qui sont aujourd'hui soumises à une régulation bien moindre que les marques nationales en dépit de leur part croissante dans les rayons alimentaires et de leur importance pour les agriculteurs. Elle regrette toutefois que l'occasion n'ait pas été saisie pour proposer un encadrement plus ambitieux et davantage sécurisant pour la rémunération des agriculteurs.

Sur proposition de la rapporteure, elle a adopté un amendement qui introduit dans les contrats MDD une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du prix des matières premières agricoles. Cet amendement prévoit également que le non-respect des volumes prévisionnels par le distributeur doive être dûment justifié. Il interdit la facturation au fournisseur de dépenses liées à la promotion du produit et contraint les parties à se répartir les coûts de conception et de production du produit dès le stade du contrat.

I. La situation actuelle - Un faible encadrement des contrats relatifs aux marques de distributeur, par comparaison à celui applicable aux « marques nationales »

Un produit vendu sous marque de distributeur (MDD) est un « produit dont les caractéristiques ont été définies par l'entreprise ou le groupe d'entreprise qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu 40 ( * ) ». Par opposition aux marques nationales (Coca-Cola, Yoplait, Nutella, etc.), qui appartiennent à l'industriel qui les produit et pour lesquelles le distributeur agit comme le prestataire d'un service de vente, les MDD correspondent à des prestations réalisées par le fournisseur vis-à-vis du distributeur, à partir d'un cahier des charges que ce dernier a défini et qui reflète l'expression de ses besoins particuliers.

Plus précisément, la commission d'examen des pratiques commerciales 41 ( * ) (CEPC) indique que la notion de MDD peut recouvrir deux types de produits :

• un produit « dont les caractéristiques sont définies par l'acheteur qui en assure la commercialisation sous sa responsabilité mais qui sont peu différentes de celles des produits vendus sous la marque du fournisseur ». Le cahier des charges est alors plus souple ;

• un produit qui répond à une demande sur-mesure de l'acheteur, et qui suppose donc « un cahier des charges techniques complet, incluant le design et peut être, dans certains cas, le résultat de recherches particulières, voire faire l'objet de brevets (fabrication, process...) ».

Souvent proposées à un tarif plus bas que les marques nationales, notamment afin de fidéliser les consommateurs et de différencier l'enseigne, les MDD occupent une part croissante des rayons alimentaires de la grande distribution, évolution encore accélérée par les effets de bord de la loi Egalim de 2018, largement anticipés par le Sénat lors de son examen puis dénoncés lors de leur apparition concrète 42 ( * ) .

La loi Egalim a entraîné une augmentation de la part des produits
vendus sous MDD dans les rayons de la grande distribution

L'augmentation de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires a eu plusieurs conséquences, dont un accroissement de la différence de prix entre les produits vendus sous MDD et les produits des grands groupes. Ce faisant, il est devenu particulièrement intéressant, pour les enseignes de la grande distribution et compte tenu de la plus forte marge qu'elles réalisent généralement sur les MDD, d'augmenter la part relative des produits vendus sous MDD dans leurs rayons.

Ainsi que l'indique le rapport du Sénat de 2019 ( cf. supra ), « retrouvant une forte compétitivité par rapport à leurs concurrents, les produits sous MDD gagnent, pour la première fois depuis 2012, des parts de marché après 7 années de baisse selon l'institut Nielsen ».

Le rapport précise également que  « cette revalorisation des produits MDD aux yeux des consommateurs peut, durablement, modifier les stratégies des distributeurs qui vont rechercher à accroître leur différenciation non plus sur des produits de grandes marques par une baisse de prix ou des promotions mais en jouant sur la profondeur de gamme des produits MDD ».

Le rapport alerte donc sur une tendance, que les auditions régulières réalisées sur ce sujet par la commission des affaires économiques du Sénat permettent de confirmer depuis : « cette différenciation pourrait aboutir à ce que la guerre des prix à l'achat se déplace sur ces produits ».

D'après la CEPC 43 ( * ) , à partir de données transmises par les panélistes Nielsen et IRI, les MDD représentaient en 2019 un total de 36,05 milliards d'euros de vente, contre 35,47 milliards d'euros en 2015, et leur part de marché variait entre 26 % des ventes en hypermarché et supermarché et près de 75 % dans les supermarchés à dominante marques propres (SDMP). Par ailleurs, 70 % environ des ventes réalisées sous MDD sont produites par des TPE, PME et ETI françaises.

Malgré l'importance croissante des MDD, leur encadrement par la loi reste particulièrement lâche, notamment au regard de celui qui s'applique aux marques nationales, dont la négociation est enserrée dans un ensemble de règles de forme et de fond.

L'article L. 441-7 du code de commerce prévoit par exemple qu'un contrat de MDD alimentaire « mentionne le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d'achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires ».

L'article L. 441-8 du code de commerce précise quant à lui que la clause de renégociation des prix des contrats de vente de produits agricoles et alimentaires doit également figurer dans les contrats de MDD de plus de trois mois.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 443-4 du code de commerce, les contrats de MDD sont soumis à l'obligation de faire référence, lorsqu'ils existent, aux indicateurs de référence 44 ( * ) (coût de production, prix de marché, autres éléments) et d'expliciter les conditions dans lesquelles il en est tenu compte pour la détermination des prix.

Contrairement aux contrats régis par le chapitre 1 er du titre IV du livre IV du code de commerce, les contrats de MDD, notamment alimentaires, ne sont donc soumis à aucune règle spécifique concernant :

• les volumes (prévisionnels et fermes) à produire. Certains fournisseurs ont ainsi souligné que l'absence de volumes prévisionnels pouvait constituer un frein pour certaines entreprises, notamment pour les PME, qui hésitent à engager des frais pour se positionner sur ces marchés en l'absence de cette information. D'autres ont également déploré des cas de réduction drastique de volumes à produire, postérieurement à la réalisation d'investissements pour répondre à la demande d'enseignes qui, devant le niveau de ventes décevant des produits, ont subitement changé d'avis ;

• les modalités de révision automatique des prix en cas d'évolution du prix des matières premières agricoles et la prise en compte d'indicateurs de référence en matière de coût de production ou de prix de marché (au-delà du simple fait d'y « faire référence ») ;

• l'encadrement du déroulement de l'appel d'offres et la pluriannualité éventuelle des contrats ;

• la répartition de certains coûts ;

• la durée minimale de préavis contractuel.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'obligation d'engagement en matière de volume prévisionnel dans les appels d'offres et les contrats de produits vendus sous MDD

En séance, les députés ont adopté six amendements identiques, prévoyant que l'appel d'offres portant sur une MDD et le contrat écrit qui en résulte comportent « une clause relative aux engagements sur les volumes ».

Les députés ont également adopté un sous-amendement circonscrivant la portée de ces dispositions aux seuls volumes prévisionnels.

III. La position de la commission - mettre fin à une inégalité de traitement et créer pour la première fois un encadrement véritable des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur afin, notamment, que l'ensemble du secteur agisse en faveur d'une plus juste rémunération des agriculteurs

La commission partage pleinement l'objectif de mieux encadrer la relation commerciale relative aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD), et notamment les produits alimentaires.

Si la philosophie d'une marque MDD n'est pas la même que celle d'une marque nationale, le fournisseur agissant dans le premier cas sous la qualité de prestataire de service pour le distributeur, ce qui rendrait contre-productive la simple transposition du régime juridique « marques nationales » aux MDD, il importe toutefois de ne pas laisser perdurer une situation où un secteur important de l'alimentaire (cf. supra ) est exempté d'un grand nombre de régulations qui visent à accroître la transparence des relations commerciales et, in fine , la rémunération des agriculteurs.

La commission salue l'initiative des députés, qui ont souhaité prévoir que les contrats de MDD intègrent des clauses relatives aux volumes prévisionnels, mais regrette que l'occasion n'ait pas été saisie d'encadrer véritablement, pour la première fois, ce secteur. Si la commission des affaires économiques a, de longue date, émis de forts doutes sur l'efficacité des dispositifs Egalim pour améliorer le niveau de vie du monde agricole, elle considère qu'il n'est ni juste ni utile de maintenir un « deux poids deux mesures » aussi important entre les marques nationales et les marques MDD. Ce constat est renforcé par la part croissante que les MDD représentent dans les rayons alimentaires.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-138 qui :

• intègre, au sein des contrats, une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du prix des matières premières agricoles supportée par le fournisseur. La formule de révision reste librement déterminée par les parties et devra tenir compte des indicateurs de coût de production en agriculture. Par ailleurs, si le distributeur souhaite s'assurer de la réalité de cette variation dans les coûts du fournisseur, il pourra à ses frais mandater un tiers indépendant chargé d'attester de cette évolution ;

• prévoit que le non-respect par le distributeur des volumes prévisionnels qu'il s'est engagé à faire produire doive être dûment justifié. Il importe en effet d'accorder plus de visibilité aux fournisseurs, qui engagent des investissements parfois significatifs pour répondre au cahier des charges du distributeur, et qui font parfois face à des décisions soudaines de révision à la baisse des quantités finalement achetées par le distributeur. La commission n'a toutefois pas souhaité prévoir un volume ferme dès le stade du contrat, compte tenu des difficultés de prévision pour les contrats, nombreux, conclus pour une longue période ;

• interdit le fait de facturer au fournisseur certaines dépenses liées aux opérations commerciales de mise en avant du produit, compte tenu du fait que le produit vendu sous MDD est un produit de fidélisation de la clientèle à l'enseigne, et non au fournisseur ;

• intègre dès le stade du contrat une clause de répartition entre distributeur et fournisseur des coûts liés à la conception et à la production du produit, y compris de répartition des coûts additionnels survenant en cours de contrat.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis C

Interdiction de la déduction d'office des factures, par le distributeur, de pénalités liées à l'absence de livraison d'un produit indiqué comme indisponible

Cet article vise à interdire la déduction d'office du montant de la facture établie par le fournisseur des pénalités ou rabais correspondant à l'absence de livraison de produits préalablement indiqués par le fournisseur comme étant indisponibles.

La commission partage l'objectif d'une plus forte réglementation des pénalités dites « logistiques », devenues dans nombre de cas un centre de profit à part entière, déconnecté fréquemment de l'ampleur des préjudices réellement subis par les distributeurs.

La commission a adopté un amendement visant à créer un cadre réglementaire ambitieux des pénalités logistiques, qui prévoit :

- le caractère proportionné des pénalités au regard du préjudice subi ;

- l'interdiction du refus ou du retour de marchandises ;

- la possibilité pour le fournisseur de présenter ses observations écrites avant application de la pénalité ;

- l'interdiction des déductions d'office de la facture des pénalités correspondant au non-respect d'un engagement contractuel lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible ;

- la limitation des pénalités aux seules situations ayant entraîné une rupture de stock, sauf dérogation ;

- la prise en compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties, et l'interdiction de toute pénalité logistique en cas de force majeure ;

- un principe de réciprocité, les fournisseurs devant être autorisés également à imposer des pénalités logistiques aux distributeurs en cas d'inexécution d'un engagement contractuel ayant entraîné un préjudice démontré.

I. La situation actuelle - Une déduction d'office du montant de la facture, par certains acheteurs, de pénalités liées à la non-livraison de produits

Compte tenu du rapport de force entre distributeurs et fournisseurs et des volumes et montants en jeu, l'application de pénalités dites « logistiques » par les acheteurs à leurs fournisseurs est soumise à un encadrement législatif à la fois souple et précis.

Jusqu'à la loi ASAP 45 ( * ) de décembre 2020, et depuis l'ordonnance du 24 avril 2019 sur la refonte du titre IV du livre IV du code de commerce 46 ( * ) , cet encadrement reposait sur trois leviers principaux, codifiés à l'article L. 442-1 du code de commerce :

• l'interdiction d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;

• l'interdiction de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

• l'interdiction de rompre brutalement , même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

Avant la publication de l'ordonnance de 2019 mentionnée supra , les pratiques restrictives de concurrence étaient mentionnées de façon bien plus détaillée, à l'ancien article L. 442-6 du code de commerce.

Face à l'augmentation des pénalités logistiques, notamment celles consistant, de la part du distributeur, à les déduire d'office du montant de la facture qu'il doit par ailleurs au fournisseur, les députés ont adopté en première lecture du projet de loi ASAP un amendement de M. Besson-Moreau visant à traduire concrètement la recommandation n° 29 du rapport de la commission d'enquête 47 ( * ) sur les pratiques de la grande distribution, et qui complète les trois piliers en vigueur depuis 2019. L'article ainsi créé correspond désormais à l'article 139 de la loi ASAP.

Désormais, engage également la responsabilité de son auteur le fait « 3° d'imposer des pénalités disproportionnées, au regard de l'inexécution d'engagements contractuels, ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ». Ce faisant, le législateur a choisi de revenir partiellement sur la classification opérée par l'ordonnance de 2019, et de faire figurer directement dans la loi le détail de certaines pratiques interdites.

Pour autant, certaines pratiques restrictives de concurrence persistent en matière de pénalités logistiques. À de nombreuses reprises, au cours des auditions menées par la rapporteure, les professionnels comme les différents pouvoirs publics ont déploré que lesdites pénalités soient désormais devenues « un véritable centre de profit » pour la grande distribution, qui les appliquerait sans grande transparence ni dialogue.

A notamment été pointée du doigt la pratique consistant à appliquer des pénalités (ou à ne s'acquitter que d'une partie de la facture due) en toute connaissance de leur illégalité, afin qu'elles génèrent une trésorerie supplémentaire avant, éventuellement, leur remboursement au fournisseur lorsque leur non-conformité est démontrée.

À titre d'exemple, lorsque le fournisseur leur indique l'indisponibilité d'un produit, certaines enseignes de la grande distribution déduiraient d'office du montant qu'elles doivent par ailleurs au fournisseur le montant de pénalités liées à cette indisponibilité, quitte à procéder à la régularisation du paiement plusieurs mois - parfois jusqu'à dix-huit - après.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'interdiction de la déduction d'office du montant de la facture des pénalités liées à l'indisponibilité d'un produit signalé comme tel

En séance, un amendement du rapporteur a été adopté engageant la responsabilité de son auteur le fait de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant à l'absence de livraison de produits préalablement indiqués par le fournisseur comme étant indisponibles.

Cet article 2 bis C n'interdit donc pas l'application de pénalités pour ce motif (la non-disponibilité d'un produit entraîne en effet un préjudice au distributeur, dont il est légitime qu'il souhaite obtenir réparation), mais uniquement la pratique de la déduction d'office sans que le fournisseur n'ait été mis en mesure de contester la pénalité.

III. La position de la commission - renforcer significativement l'encadrement des pénalités logistiques, devenues parfois un véritable « centre de profit »

L'application par les distributeurs de pénalités logistiques s'apparente de plus en plus fréquemment à un véritable « centre de profit », les éloignant de leur objectif initial qui est de sanctionner et réparer un préjudice subi du fait de l'inexécution d'un engagement contractuel.

Alors que se multiplient les cas de pénalités dénuées de tout fondement, ou vaguement motivées par des motifs abstraits ou exagérés, il apparaît urgent de consacrer dans la loi un encadrement plus étoffé de ces pratiques. Si le bien-fondé de leur existence n'est pas remis en question, elles n'ont pas à être imposées dans le seul but d'améliorer la rentabilité de telle ou telle partie.

À l'initiative de M. Duplomb, la commission a adopté un amendement COM-41 qui crée cet encadrement en :

• inscrivant la nécessité du caractère proportionné des pénalités au regard du préjudice subi ;

• interdisant le refus ou le retour de marchandises ;

• rendant obligatoire que le fournisseur soit en mesure de présenter ses observations écrites avant application de la pénalité ;

• interdisant la déduction d'office de la facture des pénalités correspondant au non-respect d'un engagement contractuel lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible ;

• limitant les pénalités aux seules situations ayant entraîné une rupture de stock, sauf dérogation ;

• prévoyant la prise en compte des circonstances indépendantes de la volonté des parties, et en interdisant toute pénalité logistique en cas de force majeure ;

• en mettant en place un principe de réciprocité, les fournisseurs devant être autorisés également à imposer des pénalités logistiques aux distributeurs en cas d'inexécution d'un engagement contractuel ayant entraîné un préjudice démontré.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis D

Interdiction de la discrimination tarifaire sans contrepartie pour certains produits alimentaires

Cet article vise à interdire, pour les produits alimentaires, toute pratique discrimination en matière tarifaire. Ce faisant, les délais de paiement et les conditions et modalités de vente définis par un fournisseur ne pourront différer, selon le distributeur, qu'en raison de contreparties dûment justifiées.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel de la rapporteure.

I. La situation actuelle - À l'issue des négociations commerciales, des baisses de tarif fournisseur parfois consenties sans réelle contrepartie

Les conditions générales de vente transmises par un fournisseur à un acheteur constituent « le socle unique de la négociation commerciale 48 ( * ) », c'est-à-dire que cette dernière s'engage à partir du tarif fournisseur figurant dans ces CGV. Traditionnellement, le distributeur cherche à le diminuer, tandis que l'industriel tente de le défendre.

Depuis la loi de modernisation de l'économie 49 ( * ) , les négociations commerciales sont régies par le principe de libre discrimination tarifaire, les parties n'ayant plus à justifier systématiquement et dans le détail les différences obtenues ou accordées par des contreparties réelles. Ce faisant, un fournisseur X peut proposer un tarif T pour un certain produit à un acheteur Y, et un tarif T' à un acheteur Z, pour le même produit, s'il souhaite par exemple avantager cet acheteur.

Inversement, il est fréquent qu'un distributeur exige, dès le début de la négociation (voire même avant l'envoi des CGV, informellement), une diminution du tarif fournisseur sans même proposer de réelles contreparties sérieuses, du simple fait du rapport de force (le fournisseur hésitant à signaler la situation aux autorités administratives compétentes), ou en proposant un ensemble de contreparties très peu détaillées, dont la valeur intrinsèque est difficilement quantifiable. Il en résulte alors, pour le même produit, plusieurs tarifs différents selon les exigences et les négociations des différents distributeurs.

Il ressort des auditions menées par la rapporteure avec les fournisseurs et avec les pouvoirs publics que ces pratiques semblent légions. Plusieurs professionnels lui ont ainsi fait part de négociations dans lesquelles aucun véritable échange ne débutait tant que le fournisseur n'appliquait pas une première réduction « sèche » de tarif exigée par le distributeur (avant même, donc, toute négociation sur les contreparties), l'objectif de ce dernier étant, bien entendu, de s'approvisionner à un prix inférieur à celui acquitté par son concurrent.

Si l'article L. 442-1 du code de commerce interdit le fait d'obtenir de l'autre partie un avantage sans contrepartie, ou disproportionné au regard de la contrepartie, force est de constater que, sauf contrôle de la DGCCRF, son effectivité dépend de la volonté des fournisseurs de signaler ces demandes unilatérales lorsqu'elles ont lieu - ce qui est rarement le cas, compte tenu des craintes de représailles commerciales. En outre, la notion d' « avantage disproportionné » reste floue. Dans les faits, les contreparties proposées par le distributeur pour justifier la demande de baisse de tarif, si elles sont classées par nature de service (support promotionnel, mise en avant du produit, etc.), restent souvent trop peu détaillées (dates et lieux exacts de l'opération promotionnelle, dans quel type de circuit de distribution elle aura lieu, dans quelle strate, dans quel format de prospectus et à quelle date, etc.).

Ce faisant, le fournisseur n'est pas en mesure d'identifier précisément la valeur des différents services en échange desquels il concède une baisse de son tarif (l'empêchant, au demeurant, de comparer facilement les prix des différents services selon le distributeur qui les propose). En outre, la valeur intrinsèque des services proposés est parfois décorrélée de toute logique économique. Un même service peut par exemple être proposé 2 % plus cher d'une année à l'autre, simplement pour permettre au distributeur de compenser d'éventuels moindres profits enregistrés sur un autre poste.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - La sécurisation du tarif fournisseur par l'interdiction de discrimination entre distributeurs

En séance, les députés ont adopté six amendements identiques complétant l'article L. 442-1 du code de commerce et prévoyant que, s'agissant des produits alimentaires, engageait désormais la responsabilité de son auteur le fait de pratiquer, à l'égard de l'autre partie, ou d'obtenir d'elle, des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention mentionnée au nouvel article L. 443-5 du code de commerce 50 ( * ) en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage de la concurrence.

Un sous-amendement du rapporteur a par ailleurs été adopté afin de circonscrire le champ d'application de cette interdiction aux produits alimentaires qui satisfont aux conditions prévues au I de l'article L. 441-1-1 du code de commerce (créé par l'article 2 du présent texte), c'est-à-dire ceux qui comportent une matière première agricole représentant plus de 25 % du volume du produit et ceux transformés dont plus de 50 % du volume est composé de matière première agricole.

De fait, cet article introduit une interdiction par principe de la discrimination par le fournisseur de ses différents acheteurs, en ce qui concerne le prix convenu. Autrement dit, les CGV transmises devront contenir le même tarif, indépendamment du distributeur destinataire, et seules des contreparties réelles accordées durant la négociation pourront justifier que le prix final convenu s'en écarte. A prestation égale et à tarification égale de la prestation, le prix prévu dans la convention écrite post-négociation devra donc être le même pour tous les distributeurs.

Cela signifie que si, à l'issue de la négociation, un fournisseur X et un acheteur Y s'accordent sur un tarif T formalisé dans une convention pour un produit, ce même fournisseur X ne peut pas s'accorder avec un acheteur Z sur un tarif T' différent de T pour le même produit sauf à ce que la différence entre T et T' soit justifiée par une contrepartie réelle (de nouvelles prestations que Z propose mais pas Y, les mêmes prestations mais à des tarifs différents, etc.). Cette nouvelle disposition vise donc à mettre fin à la libre discrimination tarifaire pour certains produits alimentaires, telle qu'elle existe depuis 2008. D'une certaine façon, cet article 2 bis D réinstaure un dispositif issu de la loi Galland 51 ( * ) (mais sans modifier le mode de calcul du seuil de revente à perte, qui avait été en 1996 à l'origine d'une poussée inflationniste).

Selon le Gouvernement, cet article participe à la protection du tarif du fournisseur dans la mesure où l'acheteur sera moins enclin, dans la négociation et même avant l'envoi des CGV, à négocier à la baisse le tarif proposé puisque l'éventuelle baisse obtenue bénéficiera également aux autres acheteurs concurrents, le tarif proposé par le fournisseur devant être le même pour tous les distributeurs.

Bien entendu, les acheteurs restent libres de négocier à la baisse le tarif du fournisseur, mais les avantages ainsi obtenus devront bénéficier d'une contrepartie réelle (notamment sous forme de services commerciaux). Théoriquement, la seule façon pour un distributeur de s'approvisionner à un prix inférieur à ses concurrents sera donc de proposer de nouveaux services (ou plus chers) en contrepartie de la baisse de tarif exigée.

En cela, cet article est articulé avec l'article 2 bis A, qui prévoit que les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale, au premier rang desquelles les services commerciaux, devront être mentionnés, « ligne à ligne », dans la convention écrite prévue à l'article L. 441-3 du code de commerce.

La combinaison des deux articles est donc supposée permettre de rééquilibrer le rapport de force fournisseur-distributeur dans la négociation, en :

• désincitant le distributeur à exiger une baisse du tarif fournisseur sans réelle contrepartie, puisqu'elle bénéficiera également à ses concurrents (et qu'il ne pourra donc arguer de prix moins chers que le concurrent). Il devra donc proposer des services en contrepartie ;

• facilitant le contrôle du sérieux et de la proportion des contreparties obtenues par le fournisseur en échange d'une baisse de son tarif, grâce au « ligne à ligne ». Le distributeur ne pourra donc plus, normalement, proposer des contreparties floues ou trop peu détaillées.

III. La position de la commission - valider le principe de rendre au fournisseur la maîtrise de son tarif et élargir le champ d'application de la non-discrimination à tous les produits alimentaires

La commission approuve l'objectif de protéger le tarif du fournisseur et d'encadrer davantage la façon dont il peut être négocié. Elle voit dans cette mesure un outil utile de lutte contre la déflation, synonyme souvent de destruction de valeur pour la chaîne agricole et alimentaire.

Sur proposition de la rapporteure, elle a adopté un amendement COM-139 et trois amendements identiques COM-37 de M. Duplomb , COM-89 de M. Menonville et COM-60 de M. Kern, qui visent à élargir le champ du principe de non-discrimination à tous les produits alimentaires, et non uniquement à ceux soumis à la transparence de la part des matières premières agricoles.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis E

Révision du calcul du seuil de revente à perte pour certains alcools

Cet article vise à exclure du calcul du seuil de revente à perte, pour les alcools, la part liée aux droits de consommation et à la cotisation « alcool », compte tenu de la forte inflation constatée sur ces produits depuis l'application du relèvement du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires adopté dans la loi Egalim.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a précisé cet article pour exiger du Gouvernement que le rapport qu'il remettra au Parlement avant octobre 2022 sur les effets de la loi Egalim en matière de prix de vente détaille précisément l'usage qui a été fait du surcroît de ventes enregistré par les distributeurs, afin de vérifier dans quelle mesure le relèvement du SRP s'est traduit par une amélioration du revenu des agriculteurs.

I. La situation actuelle - Un relèvement du seuil de revente à perte particulièrement inflationniste pour les alcools en raison de son mode de calcul

La revente à perte est interdite en France depuis la loi de finances rectificative pour 1963 52 ( * ) , un commerçant ne pouvant revendre un produit (ou annoncer sa revente) à un prix inférieur au prix d'achat effectif, sous peine d'une amende de 75 000 € pouvant être portée à la moitié des dépenses de publicité engagées pour promouvoir cette vente. Ce prix d'achat effectif est considéré comme le seuil de revente à perte.

Objet de plusieurs modifications successives, la définition du seuil de revente à perte est désormais inscrite à l'article L. 442-5 du code de commerce : « le prix d'achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d'achat, minoré du montant de l'ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport ».

Les « autres avantages financiers consentis par le vendeur » correspondent aux remises différées accordées par le fournisseur au distributeur en contrepartie de services de coopération commerciale (placement en tête de gondole, dans le catalogue, production de statistiques de vente, etc.).

L'interdiction de la vente à perte ne s'applique toutefois pas dans certains cas, comme les ventes motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale, les produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué ou encore les produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques.

Dans l'objectif d'améliorer la marge des distributeurs et dans l'espoir que ce surcroît de profit incite les enseignes à augmenter le prix versé aux industriels et aux producteurs, l'ordonnance du 12 décembre 2018 53 ( * ) prise sur le fondement de l'article 15 de la loi Egalim a affecté d'un coefficient de 1,10 le prix d'achat effectif des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur. Les dispositions de cette ordonnance relatives au relèvement du SRP ont par ailleurs été inscrites directement dans la loi par le législateur, à l'article 125 de la loi ASAP 54 ( * ) de décembre 2020.

Dans les faits, le relèvement du seuil de revente à perte a entraîné, après huit années de baisse des prix, le retour d'une légère inflation sur les produits vendus en grande surface.

Dans le cas spécifique de la filière des vins et spiritueux, l'augmentation du SRP aurait entraîné une diminution des ventes de l'ordre de 7 à 8 %. L'effet inflationniste de la mesure est en effet particulièrement marqué sur ces produits, compte tenu du fait qu'elle s'applique sur un prix d'achat effectif qui inclue les droits de consommation et les contributions de sécurité sociale, ces taxes pouvant représenter 55 % du prix de vente d'une bouteille à 40 degrés.

L'ambiguïté liée à l'inclusion de ces taxes dans la définition du prix d'achat effectif était déjà soulevée par la commission des affaires économiques du Sénat en 2019, dans son rapport 55 ( * ) sur le bilan d'Egalim un an après son adoption.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'exclusion des droits d'accise et de la cotisation « alcool » du calcul du seuil de revente à perte

En séance, les députés ont adopté un amendement qui modifie le mode de calcul du seuil de revente à perte pour les alcools :

• il modifie le I de l'article 125 de la loi ASAP afin d'exclure « les produits assujettis aux droits de consommation mentionnés au I de l'article 403 du code général des impôts », c'est-à-dire les alcools, de l'application du relèvement du SRP ;

• il complète ce I pour modifier la définition du seuil de revente à perte pour ces produits. Il prévoit en effet que le prix d'achat effectif est majoré d'un montant égal au produit d'un coefficient 0,1 par le prix d'achat effectif minoré du montant des droits de consommation et du montant de la cotisation « alcool ».

Évolution du mode de calcul du SRP+10 pour les alcools

III. La position de la commission - Souscrire à l'objectif de cet article tout en demandant des comptes sur l'usage qui a été fait des recettes issues du relèvement du seuil de revente à perte

Les effets de bord du relèvement du seuil de revente à perte depuis la loi Egalim ont été anticipés, documentés et constatés à plusieurs reprises par la commission des affaires économiques 56 ( * ) . Parmi ceux-ci figure, en effet, le flou entourant la définition du seuil de revente à perte pour les alcools. La commission valide donc les dispositions relatives à l'alcool.

Par ailleurs, alors que l'ensemble des acteurs du monde agricole entendus par la rapporteure ont déploré que le relèvement du SRP en 2019 n'ait pas « ruisselé » jusqu'à eux, en dépit d'un surcroît de ventes estimé en valeur entre 500 millions et un milliard d'euros, cette dernière a estimé nécessaire que le Gouvernement rende des comptes sur l'usage qui a été fait de cette « cagnotte » par les distributeurs et les fournisseurs. La commission a donc adopté, à son initiative, l'amendement COM-140 qui précise que le rapport devant être remis avant octobre 2022 par le Gouvernement au Parlement sur les effets de la loi « Egalim » en termes de prix devra détailler précisément cet usage, et la répartition de cette manne financière entre revalorisation des prix convenus avec les fournisseurs, hausse de la marge, augmentation des remises fidélité, etc.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2 bis

Expérimentation d'un affichage informant le consommateur sur la rémunération des producteurs

Cet article vise à expérimenter, sur cinq ans, la mise en place d'un affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles.

La commission a adopté un amendement encadrant la durée de l'expérimentation.

I. La situation actuelle - Une demande croissante, par les consommateurs, d'informations relatives à la rémunération des agriculteurs

Les informations dont dispose le consommateur au moment de l'acte d'achat sont de plus en plus nombreuses depuis quelques années.

Outre les informations légales (prix, volume, composition, etc.), il dispose en effet, de plus en plus souvent, de données relatives à la qualité nutritionnelle des produits (« Nutriscore »), à leurs conditions de fabrication (labels du commerce équitable) ou à leur impact environnemental.

Ces démarches relèvent généralement de la libre volonté des fabricants. Il convient de noter que si l'affichage environnemental a été prévu sur une base volontaire au sein de la loi dite « AGEC 57 ( * ) », le législateur a choisi de le rendre, à moyen terme et à l'issue d'une expérimentation, obligatoire pour certains produits définis par décret, à l'article 1 er de la loi « Climat-résilience ».

Devant l'exigence croissante, exprimée par la société civile, d'une rémunération juste des agriculteurs, certaines initiatives comme « C'est qui le patron ? » ont émergé en optant à la fois pour un prix payé plus élevé aux producteurs agricoles, et pour un affichage plus transparent dudit prix.

II. Le dispositif adopté à l'Assemblée nationale - L'expérimentation d'un affichage en rayons sur les conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles

En commission, les députés ont adopté un amendement, sous-amendé par le rapporteur, visant à instaurer une expérimentation de cinq ans d'un « affichage destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricoles ».

Construit dans l'ensemble sur le même modèle que l'affichage environnemental prévu à l'article 1 er de la loi « Climat-résilience », l'amendement précise que cet affichage s'effectuera par voie de marquage, d'étiquetage, ou par tout autre procédé approprié, y compris par voie électronique. Il devra faire notamment ressortir, de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l'impact en termes de rémunération des producteurs des prix auxquels sont achetés leurs produits.

La méthodologie à utiliser et les modalités d'affichage seront définies, pour chaque catégorie de produits agricoles et alimentaires, par décret et leur pertinence sera évaluée lors de cette expérimentation.

III. La position de la commission - permettre la mise en oeuvre de cette expérimentation tout en encadrant sa durée maximale

Bien que les intentions du Gouvernement restent floues à ce stade quant aux modalités de mise en oeuvre de cet affichage des conditions de rémunération, la commission a souhaité valider l'esprit de cette initiative.

Elle a adopté un amendement COM-141 de la rapporteure qui précise que la durée de l'expérimentation n'est pas de cinq ans, mais d'une durée maximale de cinq ans.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3

Création d'un comité de règlement des différends commerciaux agricoles

Cet article vise à élargir le champ de la médiation des relations commerciales agricoles à la conclusion des contrats écrits de vente de produits agricoles (et non uniquement à leur exécution) et à mettre en place un comité de règlement des différends commerciaux agricoles pouvant intervenir en cas d'échec de la médiation, préalablement à la saisine du juge, et disposant de pouvoirs d'injonction, d'astreinte et de mesures conservatoires.

La commission a adopté un amendement de la rapporteure qui renforce parallèlement des pouvoirs du médiateur, tiers de confiance de plus en plus connu et sollicité par les acteurs, et qui renforce les garanties d'indépendance et d'impartialité des membres du comité.

I. La situation actuelle - Un médiateur des relations commerciales agricoles récent, qui oeuvre à l'attente d'un règlement consensuel des litiges entre vendeurs et acheteurs de produits agricoles

La loi Egalim a renforcé les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles et a réduit la durée de la médiation à un mois.

L'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime dispose que tout litige entre professionnels relatif à « l'exécution d'un contrat ou d'un accord-cadre » ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit faire l'objet, nécessairement avant la saisine du juge, d'une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si le contrat prévoit explicitement un autre dispositif de médiation ou sauf recours à l'arbitrage.

Le médiateur connaît donc des litiges à l'amont comme à l'aval de la chaîne agroalimentaire.

La durée de médiation est plafonnée à un mois, renouvelable une fois avec l'accord des parties.

Toutefois, en pratique, certaines médiations peuvent être beaucoup plus longues : par exemple, dans la filière laitière, compte tenu de la situation de dépendance des organisations de producteurs vis-à-vis de leur laiterie, les producteurs ne souhaitent pas toujours que la médiation soit rompue, même en cas de désaccord maintenu.

La médiation est encadrée par les règles relevant du chapitre I er du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile.

Le médiateur peut recommander la modification des contrats dont il estime qu'ils présentent un caractère abusif ou manifestement déséquilibré. Il a faculté, aux termes de l'article L. 631-27, de saisir le ministre chargé de l'économie de toute clause des contrats ou accords-cadres ou de toute pratique liée à ces contrats ou accords-cadres qu'il estime présenter un caractère abusif ou manifestement déséquilibré afin que le ministre puisse, le cas échéant, introduire une action devant la juridiction compétente.

En cas d'échec de la médiation, les parties au litige peuvent saisir le président du tribunal compétent pour qu'il statue sur le litige selon une procédure accélérée au fond, en s'appuyant sur les recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles.

II. Le dispositif envisagé - La création d'un comité de règlement des différends commerciaux agricoles compétent pour connaître des litiges relatifs à la conclusion et l'exécution des contrats « amont »

L'article 3 de la proposition de loi vient modifier la procédure applicable en cas de litige entre les parties à un contrat portant sur la vente de produits agricoles ou alimentaires prévue à l'article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime.

D'une part, il étend le champ de la médiation aux litiges concernant la conclusion du contrat (et non uniquement l'exécution de celui-ci).

D'autre part, il crée un comité de règlement des différends commerciaux agricoles qui interviendra en cas d'échec de la médiation et préalablement à toute saisine du juge.

Ce comité de règlement des différends commerciaux agricoles pourra être saisi, en cas d'échec de la médiation, par toute partie au litige ou par le médiateur des relations commerciales agricoles dans un délai d'un mois suivant le constat de cet échec.

L'article 3 crée quatre nouveaux articles au sein du code rural et de la pêche maritime pour créer ce comité de règlement des différends commerciaux agricoles.

L'article L. 631-28-1 ainsi créé précise la compétence générale du comité ainsi que sa composition.

Il rappelle la compétence du comité de règlement des différends commerciaux agricoles pour connaître des litiges relatifs à la conclusion et à l'exécution des contrats ou accords-cadres et précise que ce comité établit et rend publiques des lignes directrices qui précisent les modalités d'application des articles du code rural et de la pêche maritime relatifs à la contractualisation entre un producteur agricole et son acheteur.

Il établit également sa composition. L'article 3 dispose que le comité de règlement des différends commerciaux agricoles est composé de trois membres, nommés pour une durée de cinq ans par décret par le ministre chargé de l'agriculture, à savoir :

• un membre ou un ancien membre du Conseil d'État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires. Ce membre présidera le comité ;

• une personnalité choisie en raison de sa compétence en matière d'économie agricole ;

• une personnalité exerçant ou ayant exercé son activité dans le secteur de la production, la transformation ou de la distribution des produits agricoles.

À ces membres titulaires s'ajoutent trois membres suppléants, désignés selon les mêmes règles. En cas de vacance ou d'empêchement, la présidence est exercée par le suppléant du président titulaire.

Deux mesures encadrent la parité des membres du comité : d'une part, l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes parmi les membres titulaires ne peut être supérieur à un ; de même, l'écart entre le nombre de femmes et d'hommes parmi les membres titulaires et suppléants ne peut être supérieur à un.

Le mandat de membre du comité n'est renouvelable qu'une seule fois. Les membres ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de soixante-dix ans.

L'article L. 631-28-2 encadre les conditions régissant l'instruction et la procédure devant le comité.

L'instruction, menée par un rapporteur, et la procédure respectent le principe du contradictoire. Chaque partie peut y être assistée par la personne de son choix.

La délibération après lecture du rapport par le rapporteur déclenche le débat devant le comité, qui a lieu en séance publique, dès lors que tous les membres du comité, titulaires ou suppléants, sont présents. La délibération a lieu en dehors de la présence du rapporteur.

Le huis clos peut être demandé si une des parties le demande : il est alors de droit. Le président, si la protection du secret des affaires l'exige, peut décider que la séance se poursuive hors la présence du public.

Le comité rend sa décision dans un délai d'un mois, ou deux mois si la production des documents est demandée par l'une ou l'autre des parties, délai lui-même prorogeable sous réserve de l'accord de la partie ayant saisi le comité.

L'article L. 631-28-3 fixe les pouvoirs dudit comité.

Pour tous les litiges, la décision du comité est motivée et rend compte des conditions à remplir pour assurer la conformité du contrat à la réglementation en vigueur. Elle est notifiée aux parties.

Le comité dispose d'un pouvoir d'injonction , éventuellement assortie d'une astreinte dans la limite de 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen par jour de retard à compter de la date que le comité fixe, pour contraindre les parties à conclure un contrat à certaines conditions ou à modifier ou à renégocier le contrat pour le mettre en conformité avec la législation en vigueur.

Le cas échéant, l'astreinte est prononcée en prenant pour base le chiffre d'affaires sur la base des comptes de l'entreprise relatifs au dernier exercice clos et dure jusqu'à la conclusion du contrat ou jusqu'à ce qu'une partie décide de mettre fin à la négociation du contrat, ce qu'elle notifie alors au président du comité, ou, pour les litiges relatifs à l'exécution, jusqu'à ce que le contrat soit résilié, dans le respect du délai de préavis.

Enfin, le comité peut, après avoir entendu les parties, prendre les mesures conservatoires qu'il estime nécessaires, dès lors qu'il est porté une atteinte grave et immédiate aux intérêts de l'une des parties au litige et qu'elles restent strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence. Ces mesures conservatoires sont appliquées, lors d'un litige relatif à la conclusion d'un contrat, jusqu'à cette conclusion ou la rupture des négociations par l'une des parties et, lors d'un litige relatif à l'exécution ou à la renégociation, jusqu'à la modification ou la fin de la relation contractuelle.

Si les injonctions, les astreintes ou les mesures conservatoires ne sont pas respectées, le comité peut infliger une sanction administrative jusqu'à 75 000 € par producteur ou par acheteur, dans les conditions fixées à l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime.

L'article L. 631-28-4 du code rural et de la pêche maritime fixe les conditions de recours des décisions du comité de règlement des différends commerciaux agricoles.

Ces décisions et mesures conservatoires sont susceptibles de recours en annulation ou réformation devant la cour d'appel de Paris. Le recours n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel de Paris peut en revanche ordonner un sursis à exécution de la décision du comité, dès lors qu'elle est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est survenu, après sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.

Le président du comité peut former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel et présenter ses observations devant la Cour de cassation.

Enfin, l'article 3 abroge l'article L. 631-29 du code rural et de la pêche maritime , lequel prévoyait que des accords interprofessionnels mentionnés ou, le cas échéant, le décret rendant obligatoire la contractualisation peuvent préciser les clauses du contrat pour lesquelles un recours à l'arbitrage est recommandé en cas de litiges.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté plusieurs amendements afin :

• de permettre aux filières dont la liste est définie par décret, pour lesquelles des modes alternatifs de règlement des différends ont été mis en place, d'être exonérées de l'application de l'article ;

• d'exclure du champ de compétence du comité de règlement des différends les litiges relatifs à la clause de renégociation des prix en cas d'échec de la médiation, le litige relevant alors de l'office du juge compétent ;

• de revoir la composition du comité de règlement des différends commerciaux agricoles en fixant à cinq le nombre de membres (un pour la production, un pour la transformation, un pour la distribution), tout en supprimant la limite d'âge fixée à 70 ans ;

• d'apporter des précisions rédactionnelles.

En séance publique, l'article a été modifié par un amendement afin de doter le comité de règlement des différends commerciaux agricoles d'un secrétariat pouvant faire appel à des rapporteurs extérieurs mis à la disposition par l'État. Les agents mis à la disposition du comité respectent les conditions d'impartialité et ne reçoivent aucune instruction. Ils sont tenus au secret professionnel.

IV. La position de la commission - Conserver le comité mais renforcer en parallèle les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles

La commission émet de sérieux doutes quant à l'utilité et à l'efficacité de ce nouveau comité.

Premièrement, toute partie au contrat pourra, si elle le souhaite, rompre unilatéralement le contrat afin de cesser la procédure devant ce comité, affaiblissant de fait sa capacité à imposer une solution. L'originalité de ce comité, qui le distingue du médiateur, réside en effet dans la possibilité qui lui serait confiée de pouvoir imposer ses décisions (injonction, astreinte, etc.). Or toute partie réticente à les appliquer pourra s'y soustraire en mettant fin à la relation contractuelle qui la lie au vendeur ou à l'acheteur du produit agricole.

Deuxièmement, ce comité affaiblit la médiation des relations commerciales agricoles, peu de temps après qu'elle ait été créée, alors même qu'elle est reconnue par l'ensemble des acteurs comme un moyen pertinent de parvenir à des solutions consensuelles. En outre, sa place dans les relations commerciales agricoles est appelée à croître du fait de la généralisation de la contractualisation écrite prévue à l'article 1 er .

Troisièmement, en offrant la possibilité au médiateur de saisir lui-même le comité, cet article 3 transforme indirectement la nature de la médiation. De tiers de confiance à la neutralité établie, le médiateur deviendrait un potentiel « gendarme » susceptible de sanctionner des échanges qu'il jugerait trop longs par la saisine du comité.

Quatrièmement, la création de ce comité soulève des préoccupations juridiques quant aux garanties d'indépendance et d'impartialité de ses membres, alors même qu'ils disposeront de pouvoirs potentiellement significatifs (injonctions, astreintes, mesures conservatoires).

Autrement dit, la commission ne perçoit pas les apports de la création de ce comité, qui pourrait conduire, du reste, à rallonger les délais de négociation avant saisine du juge.

Privilégiant le fait de renforcer la médiation, dont il apparaît de plus en plus clairement qu'elle a su s'imposer comme un mode de règlement des litiges consensuel et apprécié des parties, la commission a adopté l'amendement COM-145 de la rapporteure qui :

• permet aux parties à un contrat de désigner le médiateur comme arbitre, si elles le souhaitent ;

• donne au médiateur la possibilité de rendre publics les refus des parties de communiquer les éléments nécessaires à la médiation des litiges ;

• permet aux parties, en cas d'échec de la médiation ou à l'issue du délai qui lui est imparti, de saisir directement juge selon la procédure accélérée au fond ;

• exige du comité qu'il statue sur la base des recommandations du médiateur ;

• remplace le membre du comité représentant la grande distribution par un deuxième membre représentant l'amont agricole ;

• précise que les membres du comité exercent leur fonction en toute impartialité.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3 bis

Tromperie du consommateur lorsque figure un symbole représentatif de la France sur un produit alimentaire dont les ingrédients primaires n'ont pas une origine française

Cet article vise à considérer comme une pratique commerciale trompeuse le fait d'afficher un drapeau français ou tout autre symbole équivalent sur une denrée alimentaire dont l'ingrédient principal n'a pas une origine française.

Considérant les risques de non-conformité au droit européen trop importants, et rappelant que le cadre juridique vient d'être renforcé en la matière lors du projet de loi Climat et résilience, la commission a choisi de ne pas modifier, une nouvelle fois, l'arsenal juridique mais de renforcer considérablement les contrôles en matière de tromperie sur l'origine des produits alimentaires, en forçant le Gouvernement à rendre compte annuellement de ses actions en la matière.

I. La situation actuelle - le droit européen encadre strictement les règles relatives à l'affichage de l'origine des produits alimentaires

L'encadrement des pratiques commerciales déloyales et trompeuses est régi par le droit européen, plus précisément par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, transposée dans le code de la consommation.

Au regard de ce cadre, les pratiques commerciales sont considérées comme déloyales lorsqu'elles sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elles altèrent le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service, aux termes de l'article L. 121-1 du code de la consommation.

Parmi les pratiques commerciales déloyales figurent les pratiques commerciales trompeuses, dès lors qu'elles contiennent des informations fausses ou mensongères ou si ces informations, bien que correctes dans les faits, peuvent induire le consommateur moyen en erreur et sont susceptibles de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

Les pratiques commerciales trompeuses sont définies à l'article L. 121-2 du code de la consommation comme des pratiques commises dans l'une des circonstances suivantes :

1. lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2. lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service, le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation, la portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services, l'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel, le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3. lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.

Aux termes de l'article L. 121-3 du même code, sont également trompeuses les pratiques commerciales qui omettent, dissimulent ou fournissent de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle.

Enfin, l'article L. 121-4 du code liste spécifiquement des pratiques interdites en toutes circonstances. Cette « liste noire » est une transposition de l'annexe I de la directive 2005/29/CE.

L'article L. 132-2 du code de la consommation précise, de son côté, le régime de sanctions applicables. Les pratiques commerciales trompeuses sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.

II. Le dispositif envisagé - considérer comme une pratique commerciale trompeuse le fait de laisser entendre, par un signe distinctif, qu'un produit alimentaire est français alors que l'ingrédient principal qui le compose ne l'est pas

En commission, les députés ont un adopté un amendement qui allonge la liste des pratiques commerciales considérées comme trompeuses en toutes circonstances, figurant à l'article L. 121-4 du code de la consommation, en ajoutant le fait de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur un produit alimentaire lorsque l'ingrédient primaire de ce produit n'est pas lui-même d'origine française.

En pratique, l'ingrédient primaire étant considéré dans le droit européen comme « le ou les ingrédients d'une denrée alimentaire qui constituent plus de 50 % de celle-ci ou qui sont habituellement associés à la dénomination de cette denrée par les consommateurs et pour lesquels, dans la plupart des cas, une indication quantitative est requise », l'article interdit tout affichage laissant entendre que le produit alimentaire est d'origine française si l'ingrédient principal de la denrée n'est pas lui-même d'origine française.

III. La position de la commission - tout en souscrivant à la philosophie de l'article, la commission estime que le renforcement de l'arsenal juridique porte, en lui, trop de risques pour les opérateurs, notamment au regard du droit européen et lui préfère une action résolue et ferme des autorités de contrôles pour mieux lutter contre les pratiques trompeuses en matière de l'étiquetage de l'origine du produit

La consommation de produits alimentaires français est plébiscitée par les ménages. C'est pourquoi de nombreuses entreprises mettent en avant des drapeaux français ou des symboles rappelant au consommateur que le produit est local. Cet affichage permet, en pratique, de valoriser des produits « transformés en France » ou composés principalement de matières premières françaises.

Bien entendu, le flou autour de ce qui a un lien suffisamment fort avec une production française entretient des pratiques qui peuvent poser des difficultés : un miel chinois conditionné en France peut-il par exemple afficher clairement des rubans tricolores, laissant entendre au consommateur qu'il consomme un produit français, alors même que le droit européen autorise à ne mentionner que l'origine du miel est « hors UE », sans autres précisions ?

Il va de la crédibilité du dispositif juridique actuel de mieux circonscrire l'utilisation des affichages « origine France ».

Toutefois, le droit actuel prévoit déjà un cadre précis luttant contre les affichages trompeurs en matière d'origine.

À partir du moment où le professionnel choisit d'apposer sur un produit une mention sur l'origine française, elle doit pouvoir être justifiée.

L'article 6 de la directive susmentionnée, transposée à l'article L. 121-2 du code de la consommation, précise qu'est considérée comme une pratique trompeuse toute pratique commerciale mensongère ou induisant en erreur le consommateur en ce qui concerne plusieurs caractéristiques principales du produit, notamment « son origine géographique ou commerciale » et « le mode de fabrication ».

Bien entendu, rien n'interdit à un produit qui ne comporte pas un ingrédient primaire français de faire figurer un symbole français pour mettre en avant le fait que la transformation a lieu en France. Toutefois, si le produit n'a aucune origine française, et que l'affichage se prévaut d'une telle origine, une telle pratique est considérée comme trompeuse.

Cette rédaction a été consolidée lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, l'article L. 121-2 du code de la consommation prévoyant désormais qu'une pratique commerciale est considérée comme trompeuse dès lors qu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur son origine « notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions "fabriqué en France" ou "origine France" ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits ».

L'esprit de l'article 3 bis semble donc déjà satisfait par le droit existant.

À l'inverse, adopter une logique prescriptive préventive, interdisant l'utilisation de tout signe représentatif de la France sur une denrée alimentaire dont l'ingrédient primaire n'est pas français, semble s'opposer au droit européen.

Le règlement (UE) n° 1169/2011 relatif à l'information du consommateur sur les denrées alimentaires ne permet pas de s'opposer à ce qu'un opérateur revendique l'origine française de son produit, notamment sous la forme d'un drapeau français, dès lors que cela est vrai au regard des règles de l'Union. Or les règles de l'Union européenne n'imposent pas que les ingrédients primaires soient d'origine française.

En outre, si l'article L. 121-4 du code de la consommation liste spécifiquement des pratiques interdites en toutes circonstances, formant une « liste noire » des pratiques commerciales à prohiber, il s'agit, en réalité, d'une transposition à l'identique de l'annexe I de la directive 2005/29/CE. Dès lors, l'article 3 bis de la proposition de loi suggère d'aller plus loin que cette liste noire en l'enrichissant.

Or le 5. de l'article 5 de cette directive précise que « cette liste unique s'applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu'au travers d'une révision de la présente directive. » En outre, l'article 4 de la même directive dispose que : « les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la [...] directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur. »

De surcroît, certaines entreprises souhaitent légitimement valoriser la transformation réalisée en France, notamment sur des produits dont l'ingrédient primaire ne peut être d'origine française (comme le chocolat ou le café), ou pour mieux le valoriser à l'export. Ces valorisations, qui ne posent pas de difficultés, doivent être maintenues.

En outre, aller plus loin expose le législateur à une rédaction créant de l'insécurité juridique : en l'espèce, il apparaît difficile d'identifier en amont ce qui s'apparente à un « symbole représentatif de la France ».

Pour la rapporteure, la solution, en la matière, est avant tout dans un renforcement des contrôles, plus que dans un renforcement de l'arsenal juridique, d'autant que ce dernier est très contraint par le droit européen. À défaut, l'article serait inapplicable.

C'est pourquoi elle a proposé à la commission, qui l'a accepté, d'appeler le Gouvernement à renforcer structurellement les contrôles relatifs aux pratiques trompeuses relatives à l'origine des produits alimentaires, notamment pour sanctionner les étiquetages qui laisseraient entendre clairement que le produit est français alors que les ingrédients qui le composent ne le sont pas.

Pour mieux contrôler ces actions de contrôle, la commission a donc adopté l'amendement COM-142 de la rapporteure qui vise à réécrire l'article et à prévoir que le Gouvernement présente chaque année, au Parlement, le bilan des contrôles annuels menés en la matière, les mesures qui ont été prises ainsi que les sanctions appliquées.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4

Obligation de la mention d'origine pour les produits alimentaires lorsqu'il existe un lien avéré entre leurs propriétés et cette origine et indication de l'origine de l'ingrédient primaire lorsque celle-ci diffère de celle indiquée pour le produit

Cet article vise à rendre obligatoire l'affichage de l'origine des ingrédients composant une denrée alimentaire, dès lors qu'il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et l'origine des ingrédients.

Au regard des risques juridiques liés à l'inconventionnalité de la mesure, la commission a rédigé différemment l'article pour renforcer sa robustesse, conformément à ce que le Sénat avait proposé et adopté lors de l'examen de la loi Climat et résilience.

I. La situation actuelle - un affichage de l'origine des ingrédients d'une denrée alimentaire strictement encadré par le droit européen, qui contraint les initiatives nationales voulant aller plus loin pour préserver le marché unique

L'indication de l'origine des produits alimentaires est une caractéristique essentielle permettant aux consommateurs à la fois de réduire l'empreinte environnementale de leur alimentation, en renforçant la localisation de celle-ci, mais également de mieux valoriser des démarches rémunératrices des producteurs.

L'article 26 du règlement INCO 58 ( * ) dispose que l'indication du pays d'origine est obligatoire « dans les cas où son omission serait susceptible d'induire en erreur les consommateurs sur le pays d'origine ou le lieu de provenance réel de la denrée alimentaire, en particulier si les informations jointes à la denrée ou l'étiquette dans son ensemble peuvent laisser penser que la denrée a un pays d'origine ou un lieu de provenance différent ».

En la matière, le droit européen issu du ce règlement est d'harmonisation maximale.

En parallèle, dans plusieurs règlements spécifiques, la réglementation européenne rend obligatoire l'étiquetage du pays d'origine pour certaines catégories de produits spécifiques (viande crue bovine, viandes crues des espèces porcine, ovine, caprine et les volailles, fruits et légumes, vin, oeufs et huile d'olive, miel et poissons).

En outre, l'article 39 du règlement INCO prévoit que les États membres peuvent introduire des mentions obligatoires complémentaires dès lors qu'il existe une des raisons suivantes :

• protection de la santé publique ;

• protection des consommateurs ;

• répression des tromperies ;

• une protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d'origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale.

Il ajoute que les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l'indication obligatoire du pays d'origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance . Lorsqu'ils communiquent ces mesures à la Commission, les États membres apportent la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information.

Transposé en droit, l'article L. 412-1 du code de la consommation prévoit qu'un décret en Conseil d'État statue sur « les modes de présentation ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises elles-mêmes, les emballages, les factures, les documents commerciaux ou documents de promotion » , notamment pour l'origine des matières premières composant le produit.

L'article L. 412-4 du code de la consommation dispose spécifiquement que « sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine est obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. »

À cet égard, le cinquième alinéa dispose que « la liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l'Union européenne l'obligation prévue au présent article . »

Cet alinéa permet à la Commission européenne de valider, en amont, toute surtransposition. Dès lors, toute imposition spécifique fixée dans le droit national peut être cassée, comme le rappelle une récente « affaire » sur l'affichage de l'origine du lait.

En effet, la France avait obtenu, en 2016, une expérimentation sur l'étiquetage de l'origine du lait. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne, interrogée par le Conseil d'État, a rappelé que cet étiquetage de l'origine ne pouvait être imposé par un État membre que si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information, ce qui est bien sûr le cas, et s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés d'une denrée alimentaire et son origine. C'est pourquoi, à défaut de la démonstration d'un tel lien entre l'origine et les propriétés du lait français, le Conseil d'État a annulé le décret autorisant une telle expérimentation.

Depuis, l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire, notamment le lait, est dans une impasse.

II. Le dispositif envisagé - établir obligatoirement l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire d'une denrée alimentaire s'il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine, sauf dérogations

L'article 4 de la proposition de loi initiale propose une modification de l'article L. 412-4 du code de la consommation :

• le premier alinéa applique la plus récente jurisprudence dans le droit français, en rendant obligatoire l'indication du pays d'origine pour les denrées alimentaires « pour lesquelles il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine » et que cet affichage, dans le cas des produits constitués de plusieurs ingrédients, se fait dans le respect des règles fixées par le droit de l'Union européenne ;

• le cinquième alinéa prévoit une mesure de coordination juridique ;

• les sixième et septième alinéas disposent qu'un décret peut préciser que certains produits ne sont pas soumis à cette obligation.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté plusieurs amendements visant à :

• préciser que les propriétés appréciées pour établir le lien avéré doivent être regardées « notamment en termes de protection de la santé publique et de protection des consommateurs » ;

• rappeler que l'origine doit être indiquée pour « le ou les » ingrédients primaires ;

• apporter une précision rédactionnelle au dernier alinéa.

En séance publique, ils n'ont pas adopté d'amendement sur cet article.

IV. La position de la commission - renforcer l'obligation d'afficher l'origine de l'ingrédient primaire dans les denrées alimentaires, dans le strict respect du droit européen

Il importe de faire bouger les lignes en matière d'étiquetage de l'origine des produits alimentaires : la présidence française de l'Union européenne en janvier 2022 doit être une étape importante dans l'évolution du droit européen en la matière.

La proposition de loi actuelle entend simplement transcrire dans le droit français la jurisprudence européenne, à savoir que le fait de rendre obligatoire l'affichage de l'origine n'est possible qu'à la condition que deux critères soient réunis : si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information, et s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés d'une denrée alimentaire et son origine.

L'architecture proposée rend obligatoire, dès lors qu'il existe un tel lien avéré, l'affichage de l'origine, sauf pour les produits qui en sont dispensés par décret. En d'autres termes, l'article renverse la logique de l'article L. 412-4 actuel, lequel prévoit qu'un décret fixe la liste des produits soumis à l'obligation d'indication de l'origine. Avec la proposition de loi, l'obligation d'indication devient le principe avec une possibilité de sortir certains produits du dispositif par décret.

Cette architecture pourrait toutefois poser des difficultés pratiques - comment, par exemple, lister l'ensemble des produits pour lesquels il n'existe pas de lien avéré ou comment gérer le contentieux relatif à des produits pour lesquels il existerait un doute sur l'existence d'un tel lien avéré, les entreprises ne sachant pas, dans ce cas, s'ils doivent afficher ou non l'origine - et, sans doute, de compatibilité avec le droit européen.

En effet, l'esprit du règlement INCO semble être de rendre possible de contraindre l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire, sous condition, et non de le rendre obligatoire par principe. L'imposition doit plutôt avoir lieu au cas par cas, au travers d'une liste positive, sans présumer de façon générale par principe qu'il existe un lien avéré entre un produit et son origine. C'est d'ailleurs ce que rappelle la décision du Conseil d'État ayant censuré le 10 mars 2021 l'expérimentation de l'affichage de l'origine du lait en estimant que les mesures nationales en présence devaient être « justifiées », cette justification des mesures étant sans doute entendue comme des mesures prises au cas par cas, et non une mesure générale d'obligation assortie de mesures dérogatoires par produits.

Par conséquent, la solution juridique proposée semble vouloir transcrire un droit européen déjà applicable (qui ne nécessite donc pas de transcription), tout en voulant aller au-delà de la transcription du droit européen, ce qui prend donc le risque d'être inconventionnel et donc non applicable en l'état. Dès lors, l'adoption de l'article en l'état ne semble pas pertinente.

Toutefois, la rapporteure rappelle que, le règlement INCO ayant été légèrement modifié en 2020, il est utile, par transparence et souci de lisibilité, de transcrire ces modifications dans le droit national en inscrivant que lorsque le pays d'origine ou le lieu de provenance de la denrée alimentaire est indiqué et qu'il n'est pas celui de son ingrédient primaire, le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire en question est également indiqué, ou, à tout le moins, le pays d'origine ou le lieu de provenance de l'ingrédient primaire est indiqué comme étant autre que celui de la denrée alimentaire.

Lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, le Sénat a voulu faire bouger les lignes en la matière en adoptant un article (il s'agissait de l'article 66 ter A du texte issu des travaux du Sénat), à l'initiative de la rapporteure Anne-Catherine Loisier, visant à rendre obligatoire l'affichage de l'origine de l'ingrédient primaire lorsqu'elle est différente de celle de la denrée alimentaire, ou à tout le moins d'une mention indiquant cette divergence, au travers d'un affichage visible, lisible et apparent.

La commission a donc accepté de modifier l'article pour reprendre plutôt la rédaction que le Sénat avait adoptée dans la loi Climat et résilience, plus solide juridiquement, en adoptant l'amendement COM-143 de la rapporteure.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 4 bis

Indication de l'origine des viandes vendues par les établissements
de restauration à emporter proposant seulement des repas à emporter (« dark kitchen »
)

Cet article vise à étendre l'obligation de l'affichage de l'origine des viandes dans tous les établissements de restauration.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. La situation actuelle - une obligation d'affichage de l'origine des viandes dans les établissements de restauration

Depuis l'adoption de loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, l'article L. 412-9 du code de la consommation rend obligatoire l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance des plats contenant un ou plusieurs morceaux de viande bovine, hachée ou non, porcine, ovine et de volailles dans les établissements proposant des repas à consommer sur place ou dans les établissements proposant des repas à consommer sur place et à emporter ou à livrer.

Les modalités d'application de cet article sont fixées dans un décret, qui n'a pas encore été publié.

II. Le dispositif envisagé - étendre cette obligation aux restaurants ne faisant que de la vente à emporter

L'article 4 bis , adopté par les députés au stade de la commission, étend cette obligation aux restaurants proposant seulement des repas à emporter ou à livrer.

III. La position de la commission - une extension légitime de l'obligation aux établissements à emporter sans salle

L'article, pourtant adopté début 2020, n'est toujours pas en vigueur en raison d'un vice de forme.

La réglementation européenne dispose en effet que les États membres doivent informer la Commission de tout projet de règle technique avant son adoption. Dès lors que le projet a été notifié, une période d'instruction de trois mois démarre, durant laquelle la mesure proposée ne peut entrer en vigueur. À défaut, ces mesures sont réputées inopposables devant les juridictions nationales.

Si le Gouvernement a bien notifié ces mesures à la Commission européenne le 7 juin 2020, la Commission a estimé que la loi avait été promulguée avant l'expiration du délai d'instruction et que, partant, les dispositions devenaient inopposables en cas de contentieux.

En parallèle, le Gouvernement avait demandé au Conseil constitutionnel le déclassement de cette disposition au titre de l'article 37 de la Constitution dans la mesure où il estimait que cette mesure présentait un caractère réglementaire. En pratique, le déclassement permettait de prendre un décret, qu'il aurait été possible de notifier tout en respectant la durée de trois mois d'instruction requise par la Commission européenne. Toutefois, le Conseil constitutionnel a démenti l'analyse du Gouvernement estimant que ces mesures relevaient « des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales » et qu'elles avaient donc un caractère législatif (décision n° 2021-295 du 24 juin 2021).

Dès lors, pour que la mesure entre en vigueur, il convient, en raison d'un élément déclencheur, de notifier de nouveau ces mesures à la Commission européenne en respectant le délai d'instruction. Sans présager de l'analyse de fond de la Commission, les mesures pourraient, dès lors, entrer en vigueur.

Au-delà de ce problème de forme, qui rendra inopérant l'article 4 bis de cette loi, la commission soutient l'idée de l'article.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5

Encadrement de la publicité relative aux opérations de dégagement

Cet article vise à encadrer les pratiques publicitaires liées aux opérations de dégagement de produits alimentaires.

La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure.

I. La situation actuelle - un encadrement possible des promotions de dégagement par arrêté

Si des opérations promotionnelles sur les produits alimentaires périssables sont susceptibles de désorganiser les marchés, « par leur ampleur ou leur fréquence », l'article L. 443-1 du code de commerce dispose qu'un arrêté interministériel ou à défaut préfectoral peut encadrer la périodicité et la durée de ces opérations.

Les ministres chargés de l'agriculture et de l'économie ont, sur ce fondement, pris, dans le passé, dans un contexte de crise porcine, des arrêtés, d'une durée d'un an, pour encadrer les opérations promotionnelles de la viande porcine fraîche.

Par exemple, aux termes de l'arrêté du 27 novembre 2017, en dehors des périodes des fêtes de début d'année et de la sortie de l'été où les opérations sont utiles pour désengorger le marché, aucune opération promotionnelle mettant en avant des prix inférieurs à 40 % du prix moyen hors promotion du mois précédent ne pouvait être proposée.

II. Le dispositif envisagé - une autorisation administrative requise pour réaliser des publicités en dehors des magasins sur les opérations de dégagement

Reprenant une proposition du rapport de Serge Papin remis au ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, l'article 5 de la proposition de loi crée une nouvelle sous-section au sein du code de la consommation, composée d'un article L. 122-24 qui soumet à l'autorisation de l'autorité administrative, après avis de l'organisation interprofessionnelle compétente, la pratique publicitaire en dehors des magasins relative à une opération de dégagement de produits alimentaires. L'alinéa suivant définit une opération de dégagement comme « une opération promotionnelle visant à écouler une surproduction de produits alimentaires . »

La liste des produits concernés par cette disposition sera déterminée par décret.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté deux amendements visant à :

• prévoir que l'avis de l'organisation interprofessionnelle était réputé favorable en l'absence de réponse dans un délai fixé par décret ;

• préciser que la publicité était réputée autorisée en l'absence de réponse de l'administration dans un délai fixé par décret.

IV. La position de la commission

Estimant que les garanties proposées, notamment la consultation des interprofessions, étaient satisfaisantes pour lutter contre un problème de destruction de la valeur des produits agricoles tout en permettant, lors de surproduction, d'écouler les produits concernés, la commission a adopté l'article après l'avoir modifié par l'amendement COM-144 de la rapporteure, de nature rédactionnelle.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 6

Date d'entrée en vigueur des articles de la proposition de loi

Cet article fixe les dates d'entrée en vigueur des différents articles de la proposition de loi. La contractualisation écrite serait applicable au plus tard le 1 er janvier 2023, tandis que les dispositions relatives à la transparence de la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur seraient applicables à compter du 1 er janvier 2022.

La commission a adopté cet article sans modification, privilégiant sur ce sujet un débat en séance publique.

I. Le dispositif envisagé - Des dates d'entrée en vigueur homogènes, au 1er  janvier 2022

La version initiale de l'article 6 prévoyait des dates d'entrée en vigueur similaires pour les différents articles :

• l'article 1 s'appliquait aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2022 ;

• l'article 2, également, s'appliquait aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2022 ;

• les dispositions de l'article 3 ne pouvaient être applicables aux médiations en cours à la date de la publication de la loi ;

• les dispositions de l'article 4 et de l'article 5 étaient applicables à compter du 1 er janvier 2022

II. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

En commission, les députés ont adopté un amendement :

• prévoyant que l'article 1 er ne s'appliquerait qu'à compter d'une date fixée par décret pour chaque filière, et au plus tard le 1 er janvier 2023 ;

• que les contrats et accords-cadres en cours à la date d'entrée en vigueur de l'article 1 er devraient être mis en conformité lors de leur prochain renouvellement, et au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la loi.

Ils ont également adopté un amendement qui repousse l'entrée en vigueur de l'article 4 au 1 er juillet 2022 (et non plus au 1 er janvier 2022), ainsi qu'un amendement rédactionnel.

III. La position de la commission - ne pas modifier cet article et réserver le débat sur les dates d'entrée en vigueur pour la séance publique

La commission a adopté l'article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 septembre 2021, la commission a examiné le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi n° 718 (2020-2021) visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je suis très heureuse de vous retrouver, que ce soit en réel ou en virtuel...

Nous accueillerons tout à l'heure un nouveau collègue dans notre commission : M. Thierry Meignen, sénateur de la Seine-Saint-Denis, qui a succédé à M. Philippe Dallier. Il remplace M. Jean-Baptiste Blanc, qui a rejoint la commission des finances, où il sera le rapporteur spécial du logement.

Nous examinons ce matin le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger la rémunération des agriculteurs - surnommée « Egalim 2 », dont le passage en séance publique est prévu à partir du mardi 21 septembre en fin d'après-midi. Merci à notre rapporteure d'avoir travaillé pendant l'été - comme d'ailleurs Anne Chain-Larché sur un autre texte.

En attendant cette présentation, je dois vous informer que le Bureau du Sénat devrait nous imposer très prochainement le passage à un examen dématérialisé des textes législatifs grâce à l'application Demeter. Outre l'économie de papier générée par la réduction des tirages, particulièrement significative pour certains gros textes comme la loi Climat, l'application permet un suivi fluide des amendements avec une interface simple d'utilisation.

Chaque sénateur devra donc désormais être en possession de sa tablette ou ordinateur pour les réunions de commission dont l'ordre du jour est de nature législative. Le service de la commission se tient à votre disposition pour accompagner le passage à la dématérialisation et une rapide formation pourra vous être proposée.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Nous abordons ce matin un sujet qui est au coeur de nombreux travaux de notre commission depuis plusieurs années : la rémunération des agriculteurs. Celle-ci, au-delà de ses aspects économiques, constitue un enjeu de justice sociale et de dignité. Les agriculteurs nourrissent le pays : ils sont indispensables à la Nation. Il est inadmissible que certains d'entre eux ne puissent se verser un revenu décent. Dans aucun autre secteur vous ne rencontrerez des hommes et des femmes travaillant plus de douze heures par jour, dans des conditions souvent difficiles, sans dimanche, sans vacances, sans aucune prise sur la rémunération qu'ils tirent de la vente de leur production.

La faiblesse des recettes était mentionnée comme l'une des premières causes de la détresse de certains agriculteurs, dans le rapport de nos collègues Françoise Férat et Henri Cabanel. Bien entendu, il ne faut pas généraliser : un certain nombre de professionnels s'en sortent bien. Mais l'insuffisante valorisation du travail agricole est un sujet majeur dans de trop nombreuses exploitations. Nous le savons depuis longtemps, mais, en dépit des appels répétés du Sénat à traiter les différentes causes de cette situation - prix, mais aussi alourdissement des charges, concurrence déloyale de certains produits importés -, les initiatives majeures de ces dernières années ont échoué à inverser la tendance.

Nous l'avions prédit lors de l'examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim 1 », et nous le constatons depuis février 2019 : il n'y a pas de ruissellement du seuil de revente à perte (SRP) vers les différentes filières. Il ne suffit pas de faire confiance aux acteurs en aval pour protéger l'amont, il faut agir structurellement ; nous l'avons suffisamment répété au Gouvernement !

Cette proposition de loi renforçant certains dispositifs de la loi Egalim 1, on pouvait douter de son efficacité. L'examen du texte et les auditions le confirment.

Pour résumer, la vente de produits agricoles devra désormais passer par des contrats écrits, qui ne sont pas obligatoires aujourd'hui ; le prix sera déterminé en tenant compte d'indicateurs de référence et pourra fluctuer selon une clause de révision automatique, ce qui est plutôt positif. En aval, l'industriel devra afficher la part des matières premières agricoles dans son tarif fournisseur, lorsque ces matières représentent plus de 25 % du volume du produit, cette part devenant non négociable, et le prix du contrat pourra lui aussi fluctuer selon une clause de révision automatique du prix. Ce faisant, la proposition de loi ambitionne de renforcer la construction du prix « en marche avant » en sanctuarisant les matières premières agricoles tout au long de la chaîne de valeur.

Compte tenu de l'effort de transparence demandé, il est prévu que les produits dont la construction du prix est dévoilée dans les conditions générales de vente bénéficient parallèlement d'un principe de non-discrimination tarifaire, c'est-à-dire qu'aucune baisse de tarif ne pourra être exigée par la distribution sauf à proposer en échange des contreparties réelles. Pour vérifier ces dernières, un dispositif de « ligne à ligne » doit permettre de détailler plus précisément quels sont les services commerciaux proposés en échange.

D'autres articles ont été introduits en séance à l'Assemblée nationale, qui concernent le mode de calcul du seuil de revente à perte pour les alcools, l'expérimentation d'un « rémunérascore » ou l'utilisation des symboles représentatifs de la France sur des produits dont l'ingrédient principal n'en est pas originaire.

Cette proposition de loi présente à mes yeux quatre inconvénients majeurs.

Elle ne touche que 20 % du revenu agricole, à savoir la part liée aux grandes et moyennes surfaces (GMS), mais en excluant les marques de distributeurs (MDD) ! En outre, elle ne dit rien quant aux charges croissantes - et onéreuses - supportées par les agriculteurs.

Elle tend à proposer un schéma d'une très grande complexité, qui ne détendra pas les relations, ouvrira de nouveaux contentieux et, in fine , affaiblira la compétitivité des produits français.

Elle pourrait déséquilibrer complètement la négociation commerciale : bien qu'animée de bonnes intentions à l'égard des agriculteurs, elle conduit les industriels à dévoiler toutes leurs marges à la grande distribution, qui elle, ne dit rien de son utilisation des recettes issues du SRP ...

Elle risque de fragiliser la médiation des relations commerciales, qui est pourtant une initiative utile et consensuelle.

Sans rejeter une initiative qui présente des propositions intéressantes, je me suis appliquée à en corriger les nombreux effets de bord et déséquilibres, à la simplifier, à améliorer l'étiquetage des produits, à renforcer la médiation - voie privilégiée par les acteurs - à créer une ambitieuse réglementation des MDD et une transparence répartie sur l'ensemble de la chaîne.

Je vous proposerai ainsi d'encadrer davantage la possibilité pour le pouvoir réglementaire d'exempter des filières ou des produits de la contractualisation écrite. Bien entendu, cette dernière ne s'appliquera pas à chacune d'entre elles ; plusieurs présentent en effet des spécificités qui rendent la contractualisation inutile - je pense par exemple aux fruits et légumes frais, aux céréales ou aux produits de la vigne.

Je vous soumettrai ensuite un amendement qui réécrit entièrement l'article 2 afin de simplifier les options de transparence imposées à l'industriel pour les rendre plus applicables et équilibrées. Cette nouvelle rédaction harmonise et rend plus compréhensible le périmètre d'application de cet article. Elle revient sur le raccourcissement de la période des négociations commerciales. Elle s'assure que la clause de révision automatique prenne bien en compte les indicateurs de coût de production et ouvre la possibilité d'assouplir ces obligations pour les petites entreprises. Enfin, elle harmonise le périmètre de cet article, du « ligne à ligne » créé à l'article suivant et du principe de non-discrimination.

De façon générale, il m'a paru essentiel de rééquilibrer le rapport de force entre fournisseurs et distributeurs. C'est notamment dans cette optique, et pour que l'ensemble du secteur alimentaire participe à la recherche d'une rémunération plus juste de l'amont agricole, que je vous proposerai un encadrement plus ambitieux des produits vendus sous MDD et une plus grande transparence du SRP.

J'ai également souhaité renforcer les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles, en lui permettant notamment d'être nommé arbitre par les parties si et seulement si elles le demandent.

Je vous soumettrai aussi des amendements qui corrigent les articles contraires au droit européen - ils ont fait beaucoup parler d'eux - concernant l'affichage de l'origine des denrées. Nous devrions nous demander quel est notre rôle de législateur : voter ce que certains voudraient voir dans la loi, même si c'est inapplicable, ou proposer des améliorations applicables pour contrôler les pratiques abusives ou trompeuses ?

Nous aurons également l'occasion de discuter d'une demande d'informations supplémentaires sur ce qu'est devenue la cagnotte du SRP+ 10.

Je suis convaincue qu'à l'issue des travaux de cette commission, puis du Sénat, ce texte aura acquis une réelle portée opérationnelle.

M. Daniel Gremillet . - Ce texte me met mal à l'aise. Si je m'exprime en tant que président du groupe de suivi de la loi Egalim, le principal problème est l'absence de prise en compte des MDD, qui ne sont pas traitées de la même manière que les marques qui appartiennent aux territoires. Mais à titre personnel, ma crainte est que la loi Egalim 2 ne soit, comme le dispositif Egalim 1, une belle désillusion.

Je n'ai présenté aucun amendement sur ce texte très complexe, qui coûtera très cher et mettra en difficulté de nombreuses petites et moyennes entreprises, sans pour autant apporter des solutions aux producteurs - lesquels ont aussi intérêt à ce que des entreprises subsistent sur le territoire.

Ce texte donne toutes les clés à la distribution, au détriment de l'intérêt des consommateurs, y compris concernant la sécurité alimentaire. Il y a beaucoup de sujets non traités. Je propose que le groupe de suivi surveille aussi son application.

Mme Sophie Primas , présidente . - Bien entendu.

M. Daniel Gremillet . - J'espère me tromper, mais la règle des 25 % risque d'inciter les producteurs à remplacer des matières agricoles par d'autres matières - l'économie est ainsi. Je ne suis pas sûr que ce texte rende service aux agriculteurs. Comme vous, j'ai été saisi par des organisations. Le texte est déconnecté : « si j'ai un contrat, j'ai droit à un volume et à un prix » ; oui, mais à condition que le client soit là ! S'il a disparu, l'agriculteur est en difficulté.

Ne nous racontons pas d'histoires : le revenu des agriculteurs, c'est la différence entre une colonne « charges » et une colonne « recettes ». Les prix ont connu récemment une embellie, mais l'argent ne fait que passer chez les agriculteurs, car les charges augmentent aussi. On le constate dans le temps long : lorsque le prix de vente monte, celui de l'alimentation du bétail aussi...

La montée en gamme se traduit par une perte pour les agriculteurs : les chiffres le montrent. La décision d'alimenter la méthanisation avec de plus en plus de coproduits comme les pulpes a fait s'envoler les prix. À cause de cela, il faudra importer ! La situation est très complexe. Les travaux de notre comité de suivi nous appellent à la plus grande prudence.

M. Laurent Duplomb . - Merci, madame la rapporteure, de nous avoir associés à vos travaux. Comme Daniel Gremillet, je pensais initialement que ce texte ne servirait à rien. Mais j'ai écouté notre présidente, qui plaide sans relâche pour que le Sénat apporte toujours sa note d'expertise, au lieu de s'opposer catégoriquement.

Le ruissellement du SRP+ 10 prévu par Egalim 1 n'a pas fonctionné. La seule amélioration a été une progression du prix du lait de 11 à 12 euros la tonne. La belle affaire ! Pendant ce temps, les autres produits ont connu une déflation de 0,3 %, tandis que le chiffre d'affaires de l'alimentation - c'est dire l'argent dépensé par les Français pour se nourrir - a progressé de 2 % par an. Egalim a donc capté non pas 800 millions ou 1 milliard d'euros dans la poche du consommateur, mais plutôt 2 milliards. Le ruissellement n'a pas fonctionné et les producteurs n'en ont pas vu la couleur. La grande distribution devra s'expliquer : où sont-ils passés ? Pour ne pas alourdir le panier de la ménagère, la grande distribution a forcé certains autres fournisseurs à faire des efforts sur les prix de la droguerie, par exemple. Mais des entreprises en ont profité, et ce ne sont ni les producteurs, ni les transformateurs.

N'oublions pas non plus le titre II d'Egalim, et son alourdissement non évalué des charges des agriculteurs, comme la fin des rabais sur les phytosanitaires et la séparation du conseil et de la vente, qui ruinent leurs revenus.

Le Gouvernement a compris qu'Egalim 1 avait été un échec total. En cette année présidentielle, pour se refaire la cerise devant l'électorat agricole, il devait annoncer une deuxième loi ayant pour but de revaloriser le revenu agricole. Mais elle ne prend en compte qu'une très faible partie de ce dernier, qui, comme l'a dit Daniel Gremillet, est une différence entre les produits et les charges. La loi ne dit rien sur la restauration hors foyer - elle constitue pourtant 30 % du revenu - ; rien sur les MDD ; rien sur les charges - on aurait pu améliorer les exonérations sur les énergies - ; rien sur les normes ; rien sur la politique agricole commune (PAC), laquelle, quoique bien négociée, a diminué... - ; rien sur notre capacité exportatrice, alors que 25 % du revenu agricole provient des exportations.

L'agriculture a été jetée dans la mondialisation et ne peut plus être aidée pour résister à la concurrence. Cette loi ne règle pas le problème de la compétitivité ; au contraire, elle crée beaucoup de contraintes pour les entreprises.

Egalim 1 a laissé les fournisseurs de la grande distribution tout nus. Il n'y a pas eu de ruissellement, mais au contraire une profusion de MDD grâce à l'appel d'air créé. Egalim 2 leur demande maintenant de radiographier l'intérieur de leur corps en publiant leurs coûts de production. Qui accepterait cela ?

Il faut donc apporter des modifications. Pour éviter la radiographie, il faut supprimer la liste détaillée, et surtout imposer le principe du tiers de confiance, dont la certification exempterait l'entreprise de publication de ses données.

Il faut supprimer le taux de 25 % de volume des matières premières agricoles. Quand la présidente m'en a parlé, je n'ai pas tout de suite compris pourquoi : cette limite conduirait la grande distribution à privilégier les produits qui se situent en dessous.

Il faut que nous soumettions les MDD aux mêmes contraintes que les autres marques.

Les coopératives ne doivent pas être la variable d'ajustement. À l'article 1 er , je proposerai en séance un amendement sur la proportionnalité des indicateurs.

L'idée du « rémunérascore » ne me semblait pas très bonne, mais on pourrait s'en saisir pour pointer du doigt les matières premières importées.

Je suis déçu que Daniel Gremillet n'ait pas signé mon amendement sur les pénalités... Dans le domaine de la logistique ou du retrait-rappel, le comportement de la grande distribution s'apparente à des pratiques mafieuses : le fournisseur n'a pas droit à la parole et la pénalité est déduite sur sa facture de manière totalement arbitraire. Il faut une émission de facture. Un retrait-rappel de baguettes de pain fabriquées par une entreprise auvergnate a eu lieu pour 15 000 euros ; la pénalité a été de 130 000 euros ! Cela ne peut pas continuer. Il faut encadrer ces pratiques.

M. Franck Montaugé . - Merci à Mme la rapporteure. Mon groupe n'a pas déposé d'amendement au stade de la commission : nous voulions auparavant connaître ses propositions. J'ai été déçu par le texte ; je suis convaincu, comme beaucoup, qu'il provoquera des désillusions. Le noeud du problème est toujours au même endroit : l'article 1 er , même amendé, ne permettra pas de couvrir les charges et les revenus des agriculteurs.

Tous les dix à quinze ans, nous votons une loi sur l'économie. La loi de modernisation de l'économie (LME) pose indiscutablement un problème à l'agriculture. Nous avons besoin d'un grand débat sur ces questions, dans lequel l'agriculture mériterait une place particulière, au nom de la souveraineté alimentaire. La dégradation du solde commercial agricole est très inquiétante. Sans exception agricole, comme il existe déjà une exception culturelle, nous ne nous en sortirons pas.

Nous nous opposerons à trois amendements de la rapporteure : l'amendement COM-135 qui réduit les indicateurs aux coûts de production ; l'amendement COM-141, qui réduit le « rémunérascore » aux coûts de production ; l'amendement COM-145, qui mettrait le médiateur dans une position difficile.

Nous nous abstiendrons sur la réécriture de l'article 2 et sur la suppression du drapeau bleu, blanc, rouge.

M. Joël Labbé . - Egalim 1, nous n'y croyions pas - et ça n'a pas marché. Il est temps d'arrêter avec la théorie du ruissellement. Egalim 2 est nécessaire. Pour certains, c'est un mieux ; pour d'autres, c'est un tout petit mieux, même si c'est loin d'être un texte abouti.

En réalité, c'est le modèle global d'une agriculture mondialisée et dérégulée par choix politique qui pose problème. Les régulations existantes, qui fonctionnaient bien, comme sur la betterave ou le lait, ont été supprimées. Malheureusement, nous persistons dans ce modèle, puisque nous continuons à signer des accords de libre-échange qui organisent une concurrence déloyale pour les agriculteurs. Il convient de supprimer le seuil de 25 %. Chaque fois que la grande distribution peut profiter de quelque chose, elle le fait !

J'en viens maintenant à la relocalisation de l'alimentation. Je ne suis pas dogmatique, il y aura toujours des échanges internationaux, on continuera à exporter et à importer. Nous devons, avec une volonté politique extrêmement forte, faire en sorte que l'alimentation, dans sa plus grande partie, soit produite sur le territoire. Cela suppose de mettre en place une révolution agraire. Surtout, évitons la spécialisation - on voit bien les effets négatifs qu'elle a en Bretagne. Revenons plutôt au mixte de polyculture-élevage dans les territoires, d'une manière non pas fermée, mais organisée et intelligente, et pas seulement sur les fermes.

La grande distribution est montrée du doigt : elle reste le grand vainqueur et ce sont toujours les agriculteurs qui paient. La situation est gravissime d'un point de vue sociétal ; il est temps qu'on se le dise véritablement. Il nous faudrait mettre en place des filières de relative proximité - abattoirs, ateliers de découpe et légumeries de proximité -, grâce à l'accompagnement des politiques à l'échelon national et dans les territoires. C'est vraiment cela que nos concitoyens attendent !

Mme Sophie Primas , présidente . - Pas forcément...

M. Joël Labbé . - Si, madame la présidente !

Mme Sophie Primas , présidente . - S'il est question de mettre en place une infrastructure sur le territoire, j'en doute.

M. Joël Labbé . - Les gens sont totalement conditionnés par ce système - tout est fait pour cela. Les filières d'approvisionnement des magasins de producteurs fonctionnent là où il y en a. Quand on regarde en amont, les producteurs touchent une part véritable de leur rémunération, qui n'est pas ponctionnée par la grande distribution. Celle-ci est malfaisante, dans ce domaine en particulier, comme dans d'autres. À l'instar de Franck Montaugé, je pense que l'alimentation et les droits fondamentaux ne devraient pas être écartés des discussions économiques mondiales.

On essaie de se convaincre que cette proposition de loi est mieux que rien ; elle a tout de même été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, ce qui est rare. Malgré tout, ce n'est pas satisfaisant.

Je provoquerai le débat sur la relocalisation d'une part de plus en plus importante de notre alimentation. Je crois en cette relocalisation - et je ne suis pas le seul. Une révolution pacifique est nécessaire sur les territoires, en jouant sur les leviers de la demande de la restauration hors foyer. Nous pourrons faire avancer les choses dans l'intérêt de nos producteurs, à condition d'être volontaristes. Du fait du renouvellement de génération, on aura besoin davantage de producteurs. Les emplois agricoles sont nobles, remettons-les d'actualité.

M. Franck Menonville . - Je veux féliciter le travail estival mené par le groupe de suivi de la loi Egalim 1 et par notre rapporteure.

Quelle est la raison d'être de cette proposition de loi ? La loi Egalim 1 n'a pas porté ses fruits - malheureusement. Nous aurions tous souhaité qu'il en soit autrement, mais trois années d'application n'ont pas permis d'inverser la tendance : la déflation des prix agricoles s'est poursuivie.

Il faut s'attaquer à des textes lourds, notamment à la loi de modernisation de l'économie, laquelle a totalement déséquilibré les rapports économiques entre la grande distribution et les autres acteurs économiques. Tant qu'on ne se donnera pas les moyens de ce rééquilibrage, nous ne ferons que de la retouche.

Cette proposition de loi présente néanmoins quelques éléments positifs. Les contrats pluriannuels, accompagnés d'indicateurs, donnent de la lisibilité à l'ensemble des acteurs économiques, aussi bien aux producteurs qu'aux transformateurs. Le principe de non-discrimination est particulièrement important.

La non-négociabilité des matières premières, quant à elle, est une idée louable, mais nous devons être vigilants afin qu'elle ne soit pas le maillon suivant de la variable d'ajustement, notamment dans le domaine de la transformation et de l'agroalimentaire. Donner des moyens de négociation supplémentaires aux filières est une bonne chose, mais sans un rééquilibrage de la grande distribution, la variable d'ajustement sera le maillon intermédiaire de la transformation. C'est absolument essentiel pour les agriculteurs, pour l'emploi et pour la dynamique économique de notre pays.

Il faut également veiller à l'introduction des MDD. Contraindre la non-négociabilité des matières premières françaises pourrait être un appel d'air pour des produits d'importation. Je crains qu'on ne laisse progressivement des parts plus importantes aux importations...

Agir sur le seuil de 25 % est très important. Nous devons aussi examiner la question des spécificités des coopératives ; ces dernières construisent le prix d'une manière bien différente des entreprises privées, avec des compléments de prix et des mécanismes durables.

La loi du 1 er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite « loi Galland », était bien plus protectrice ; elle a été suivie de la LME, qui a assuré un effet de balancier. Je pense qu'il faut revenir à un niveau médian si nous voulons rééquilibrer les rapports commerciaux. Je ne crois pas beaucoup à l'économie administrée, mais je prône l'équilibre des rapports de force.

M. Fabien Gay . - Je remercie Anne-Catherine Loisier pour son rapport. Il faudra bien, au bout de la mandature, que nous ayons un débat sur la façon dont nous fonctionnons les uns et les autres, ainsi que sur nos relations avec le Gouvernement, qui nous impose son rythme. Alors que nous avons achevé la première session extraordinaire à la fin du mois du juillet, nous reprenons déjà nos travaux. Les conditions dans lesquelles vous avez travaillé et avez conduit des auditions ne sont pas acceptables. Pour les groupes, la situation est insupportable. C'est pourquoi nous n'avons pas, à ce stade, déposé d'amendements.

Sur la question du revenu et du prix, il faut rester humble : personne n'a la solution. Nous avons tous dénoncé, avec des différences de logique politique, le fait que la loi Egalim 1 ne fonctionnait pas - et la future loi Egalim 2 ne sera pas plus opérante !

Le problème est global ; il est question des charges, de la politique agricole commune, de l'encadrement du prix du foncier et de l'aide à l'installation aux jeunes agriculteurs et agricultrices. Se pose aussi la question des produits importés et des traités de libre-échange. Si nous augmentons le revenu des producteurs, les ménages seront contraints d'acheter leurs produits 10 % à 20 % plus cher, alors que nous traversons une crise sociale inédite. Tant que nous ne prenons pas les problèmes dans leur globalité, nous ne pourrons pas inverser la tendance.

Le prix plancher n'est pas forcément la solution. Si nous décidions d'y recourir, demain, les grandes centrales de distribution se contenteront de s'aligner sur ce prix. Si nous ne considérons pas qu'un minimum du prix rémunérateur doive revenir au producteur - ce pourrait être le prix plancher -, nous n'arriverons à rien !

Encore une fois, personne n'a la solution. Les six articles initiaux de cette proposition de loi ne sont que cosmétiques. Nous ne voterons pas contre le texte, car il est un moindre mal, mais nous défendrons un certain nombre d'amendements pour alimenter le débat. En réalité, nous ne réglerons pas le problème tant que l'on ne mettra pas toutes les questions sur la table. C'est là un débat de société extrêmement important.

J'ai eu un échange avec Julien Denormandie sur la question de la relocalisation et des produits importés. Ce qui préoccupe aujourd'hui, c'est le maintien des traités de libre-échange en contrepartie de « clauses-miroirs » ; et vu la façon dont les macronistes tiennent à ce sujet, on s'engage pour quinze ans de débats !

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous travaillons effectivement dans des conditions et un calendrier difficiles pour tous. J'ajoute que les droits de tirage qui pèsent désormais sur le service de notre commission sont très nombreux : enseignement agricole, méthanisation, ubérisation des métiers, paupérisation, influences étrangères dans les universités et covid-19.

M. Fabien Gay . - Je prends cela pour un appel à faire un rapport, madame la présidente !

Mme Sylviane Noël . - Je tiens à saluer à mon tour l'important travail mené par notre rapporteure, qui contribuera à enrichir et à améliorer cette proposition de loi.

J'ai toujours pensé que la loi Egalim s'apparentait à un chèque en blanc donné par les consommateurs à la grande distribution et à un chèque en bois reçu par les agriculteurs. Force est de constater que ce texte traite beaucoup des relations en amont entre agriculteurs et transformateurs. Je déplore toutefois qu'elle ne traite pas du point le plus dur, à savoir les négociations entre les industriels et les distributeurs, qui présentent des lacunes. Je pense à certaines pratiques qui concernent la grande distribution, notamment aux déréférencements abusifs, aux pénalités de tout ordre, aux négociations en déflation et aux centrales internationales de services. Ces dernières ont déjà été pointées du doigt pour s'adonner à la vente de services quasi virtuels, dans le seul objectif d'obtenir des contreparties financières de certains groupes internationaux et de détruire de la valeur.

Le groupe de suivi de la loi Egalim n'est, hélas ! pas prêt de s'éteindre. Plus que jamais, il doit poursuivre ses travaux, pour apporter à l'avenir de vraies réponses.

Mme Patricia Schillinger . - Je salue également le travail de notre rapporteure ; il est certain qu'il n'était pas aisé de le mener dans de pareilles conditions.

Mes collègues et moi-même sommes en désaccord avec certaines propositions. Surtout, nous ne sommes pas favorables à la réécriture de l'article 2. Nous aurons d'autres débats en séance publique, chacun sera libre d'argumenter... L'essentiel est que nous puissions avancer sur le sujet de la rémunération de nos chers agriculteurs - ils en ont vraiment besoin. La loi Egalim 1 était un outil incomplet ; je suis donc satisfaite du vote unanime de l'Assemblée nationale, qui témoigne d'un engagement certain.

M. Olivier Rietmann . - Je veux remercier notre rapporteure pour son travail. Beaucoup d'auditions ont été organisées ; les propos que nous avons entendus étaient tous intéressants, même si nous avons parfois trépigné face à certaines positions.

Je partage entièrement ce qu'a dit Daniel Gremillet . Avant d'être élu sénateur, je faisais déjà partie de ceux qui considéraient que la loi Egalim serait une montagne accouchant d'une souris.

Mme Sophie Primas , présidente . - C'est l'influence de Michel Raison !

M. Olivier Rietmann . - Aujourd'hui, on se rend compte que cette loi est un échec : le revenu des agriculteurs n'en a pas profité, et les marques de distributeurs constituent un moyen de pression sur les transformateurs et les fournisseurs, car la grande distribution conditionne la mise sur le marché de produits de marques à une certaine quantité de MDD. Cela lui permet d'exonérer des contraintes une grande quantité de produits agricoles.

La considération apportée au monde agricole me fait penser à une danse : un pas en avant, un pas en arrière et on tourne en rond !

On propose des lois qui ont la prétention d'améliorer le revenu des agriculteurs. Mais, dans le même temps, on adopte des textes qui ont pour effet d'augmenter les charges des agriculteurs et de réduire leur revenu. Hier, j'ai discuté avec un producteur d'aliments pour le bétail ; nous avons totalement laissé de côté les productions de soja et de colza en France, m'a-t-il dit. De ce fait, notre pays se trouve de plus en plus dépendant des importations en provenance des pays américains. Les prix explosent - le colza se vend parfois à 600 euros la tonne - et on augmente de façon draconienne les charges des agriculteurs. Or si les charges explosent, on ne peut pas, in fine , parvenir à augmenter le revenu, bien au contraire. Nous devons donc trouver une certaine harmonisation dans la volonté d'accroître la rémunération des agriculteurs.

Nous devons travailler sur le revenu des agriculteurs, je le reconnais. Mais de quel revenu parle-t-on ? À partir de quel moment peut-on considérer qu'un agriculteur gagne suffisamment sa vie, en tenant compte du travail considérable qu'il doit réaliser sur son exploitation ?

Le cours des bovins mâles a connu une période difficile. En mars dernier, le Premier ministre et le ministre de l'agriculture ont annoncé l'allocation d'une enveloppe de 60 millions d'euros destinée à aider les éleveurs concernés, notamment en vue de l'exportation. Mais le revenu sur l'année reste un critère qui paralyse la déclaration de demande de cette aide : un éleveur de bovins mâles dont le revenu annuel est supérieur à 11 000 euros ne peut recevoir aucune aide. Si l'on considère qu'un agriculteur rémunéré 900 euros par mois gagne suffisamment sa vie et, à ce titre, n'a pas le droit d'être aidé, je me demande pourquoi on fait des lois pour augmenter le revenu des agriculteurs !

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Je partage vos analyses. Dans la méthode, je me suis efforcée d'associer le plus possible l'ensemble de mes collègues aux réflexions et à la construction de cette proposition de loi.

Aujourd'hui, nous avons un devoir de transparence : nous le savons tous, ce texte ne concerne qu'une faible partie du revenu des agriculteurs - 20 % environ -, notamment parce qu'il écarte la question des MDD.

Compte tenu de l'expérience de la loi Egalim, nous devons faire en sorte que le présent texte ne produise pas d'effets collatéraux négatifs et éviter d'abandonner en chemin les MDD, alors que ces produits sont une alternative à la contractualisation - l'échappatoire pour la distribution, ce sera plus de MDD. Il est des effets collatéraux qui peuvent être préjudiciables à l'ensemble de nos activités et à nos entreprises ; c'est l'angle par lequel nous abordons cette proposition de loi. Efforçons-nous de corriger les déséquilibres existants.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous en venons à l'examen des 135 amendements qui ont été déposés sur le texte de la proposition de loi.

Je dois vous signaler, au préalable, que 9 amendements ont été déclarés irrecevables en application de l'article 40 de la Constitution. Il s'agit des amendements COM-13 , COM-21 , COM-28 , COM-33 , COM-53 , COM-77 , COM-102 , COM-123 et COM-71 .

Article 1 er

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'article 1 er , qui concerne la contractualisation écrite, inverse ce qui relevait jusque-là de la règle et de l'exception.

En effet, aujourd'hui, il n'est pas prévu d'obligation de recourir à des contrats écrits pour vendre des produits agricoles. Nombre de transactions se font de gré à gré, dans la cour de la ferme, sans qu'il soit procédé à la rédaction d'un contrat-type. Si une interprofession ou le ministre le souhaitent, ils peuvent néanmoins, par accord interprofessionnel étendu ou par décret, décider que la contractualisation écrite est obligatoire dans telle ou telle filière. C'est par exemple le cas dans la filière du lait de vache et, depuis quelques jours, dans la filière du lait de chèvre cru.

L'article 1 er entend inverser ce système et poser comme règle que la vente de produits agricoles est forcément réalisée via des contrats écrits. Puis, un accord interprofessionnel étendu ou un décret peut venir exempter telle ou telle filière. Ce sera par exemple le cas pour les fruits et les légumes.

La contractualisation écrite permet de s'assurer et de vérifier que les prix payés à l'agriculteur ont tenu compte des indicateurs de référence, dont l'indicateur des coûts de production. L'article 1 er prévoit ainsi que la proposition de contrat établie par l'agriculteur sera le socle de la négociation ; le contrat devra obligatoirement contenir une clause de révision automatique du prix, à la hausse ou à la baisse. C'est en quelque sorte le premier étage de la fusée de la sanctuarisation des coûts de production.

Bien entendu, la loi ne peut pas contraindre à couvrir intégralement les coûts de production - cela reviendrait à fixer un prix plancher, ce qui est interdit. L'idée est plutôt que les parties définissent une formule qui permette d'absorber une partie de la hausse éventuelle des coûts de production.

J'en viens maintenant à l'examen des amendements.

L'amendement COM-83 rectifié bis vise à modifier la date d'entrée en vigueur de la généralisation de la contractualisation écrite en la fixant au 1 er juillet 2022. Même si nous aurons un débat sur les dates d'entrée en vigueur de cette proposition de loi, il me semble qu'il y a ici une erreur d'imputation, car cet amendement aurait dû être déposé à l'article 6, celui qui est dédié aux dates d'entrée en vigueur. Ayant été déposé à l'article 1 er , cet amendement tend à écraser tout le principe de la contractualisation écrite. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement COM-83 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-81 rectifié bis vise à permettre aux producteurs engagés dans une organisation de producteurs (OP) de déroger à la règle d'apport total, lorsqu'elle existe, pour la part de leur production qu'ils souhaitent transformer à la ferme. Serait par exemple concerné un producteur de lait qui souhaite fabriquer à la ferme des yaourts destinés à la restauration collective.

Néanmoins, le dispositif de cet amendement ne réalise pas cet objectif. En l'état, il exclut simplement de la contractualisation écrite les produits transformés à la ferme, mais il n'agit ni sur la règle d'apport total ni sur la possibilité d'y déroger pour un certain nombre de produits. Nous aurons certainement ce débat en séance publique avec le ministre. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement COM-81 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Laurent Duplomb . - Il ne faut pas oublier que si un coopérateur agit en cette qualité, c'est parce que sa coopérative et lui-même ont chacun un engagement à honorer.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-128 vise à clarifier un point qui semble aujourd'hui poser problème. En effet, l'article 1 er prévoit qu'un décret peut fixer un seuil de chiffre d'affaires en dessous duquel il ne s'applique pas. Cette disposition est notamment utile pour éviter d'alourdir les charges de tous petits producteurs, si l'on se rend compte qu'il leur est matériellement impossible de recourir à la contractualisation - mais cette hypothèse reste rare.

Cependant, dans les filières où la contractualisation est déjà rendue obligatoire, on se rend compte que ce décret n'exonère en fait que les acheteurs, et jamais les vendeurs. Le présent amendement vient donc préciser que les deux parties, le producteur comme l'acheteur, peuvent être concernées par ce décret. Cela apporte un peu de souplesse dans l'applicabilité de la loi.

L'amendement COM-128 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-116 vise à préciser directement dans la loi qu'un produit agricole ne peut pas être vendu à un prix inférieur aux coûts de production supportés par l'agriculteur. Nous partageons tous cet objectif ; il est choquant qu'un agriculteur puisse perdre de l'argent tout en produisant et en vendant.

Toutefois, cet amendement revient à fixer dans la loi un prix plancher pour la vente de produits, ce qui est rigoureusement interdit par le droit européen de la concurrence. La loi peut contraindre à prendre en compte des indicateurs et à vérifier que le niveau de prise en compte n'est pas déconnecté des réalités, mais elle ne peut pas fixer de prix plancher. En outre, il y a fort à craindre qu'un prix plancher ne se transforme en prix plafond et que ceux qui achetaient les produits un peu plus chers demandent désormais à leurs acheteurs de s'aligner sur le prix plancher, sans aucune marge pour l'agriculteur. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement COM-116 n'est pas adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-129 vise à apporter une précision juridique afin de faire référence à la bonne définition de ce qu'est un « aléa climatique exceptionnel ». Pour rappel, l'article 1 er prévoit qu'aucune pénalité ne peut être infligée à un agriculteur pour un retard de livraison lorsqu'il est lié à un aléa climatique exceptionnel.

J'émets un avis favorable au sous-amendement COM-148 ; il me semble en effet utile et pertinent d'inclure les catastrophes sanitaires, qui affectent l'agriculteur, parmi les causes qui le protègent des pénalités.

Le sous-amendement COM-148 est adopté. L'amendement COM-129, ainsi modifié, est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-117 tend à préciser que les coûts de production doivent obligatoirement inclure les coûts de la main d'oeuvre.

Or je rappelle que, pour être conformes au droit européen, les indicateurs de coûts de production doivent être librement déterminés par les parties au contrat. Les interprofessions peuvent définir des indicateurs de référence, mais le choix exact du contenu de l'indicateur dans tel ou tel contrat privé ne peut être fixé en amont par la loi ; il doit être débattu et choisi par les acteurs eux-mêmes.

Au-delà de la conformité au droit européen, il me semble que ce n'est pas à la loi de déterminer ce qu'il faut entendre par coût de production, puisque ceux-ci diffèrent selon les caractéristiques des filières et selon les exploitations. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement COM-117 n'est pas adopté.

M. Laurent Duplomb . - La mention « non salariée » est intéressante. Pour quel coût travaille un agriculteur ? Pour quel salaire ? Que peut-on viser comme coût horaire ? Pour une fois, on met le doigt sur un problème crucial.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements COM-130 à COM-105 font l'objet d'une discussion commune.

Les amendements identiques COM-130 , COM-17 rectifié bis , COM-24 rectifié sexies , COM-49 rectifié ter, COM-73 rectifié ter, COM-98 rectifié bis et COM-30 rectifié septies visent à préciser la manière dont les instituts techniques agricoles (ITA) peuvent être saisis pour suppléer les interprofessions dans l'élaboration des indicateurs de référence, si lesdites interprofessions ne le font pas.

Ils visent tout d'abord à fixer un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, pour que les interprofessions puissent élaborer leurs indicateurs de référence. Puis, dans le cas où elles ne le feraient pas, un membre de l'interprofession concernée pourra saisir l'institut technique, lequel dispose d'un délai de deux mois pour les élaborer et les publier.

Cela concilie la nécessité de laisser le temps aux interprofessions qui seraient nouvellement concernées par la contractualisation de se responsabiliser ; il faut pouvoir disposer de ces indicateurs assez rapidement pour formaliser les contrats. La commission est favorable à tous les amendements identiques au sien.

Les amendements COM-69 et COM-105 font uniquement mention du délai de trois mois, et non de la période d'un an laissée aux interprofessions : avis défavorable.

Les amendements COM-130 , COM-17 rectifié bis , COM-24 rectifié sexies , COM-49 rectifié ter , COM-73 rectifié ter et COM-98 rectifié bis sont adoptés, de même que l'amendement COM-30 rectifié septies ; les amendements COM-69 et COM-105 deviennent sans objet.

L'amendement de précision rédactionnelle COM-131 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination juridique COM-132 .

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-133 vise à s'assurer que les décrets d'exemption associent le plus possible les acteurs agricoles concernés. Il serait particulièrement dommage de faire une loi pour la détricoter ensuite seulement parce que les principaux opérateurs n'auraient pas été suffisamment associés au dispositif.

Je propose donc que le ministre, lorsqu'il envisage d'exempter une filière, soit obligé de recueillir en amont l'avis de l'interprofession concernée. Il conviendrait que cet avis soit rendu public, dans un souci de transparence, et pour que nous puissions suivre l'éventuel écart entre l'avis des professionnels et le choix du Gouvernement.

Par ailleurs, il me semble important de conserver de la flexibilité et de faire confiance aux principaux concernés : si une interprofession juge que certaines modalités d'application de cet article ne conviennent pas à toutes les tailles d'entreprises de sa filière, elle pourra, par un accord interprofessionnel étendu, prévoir des modalités d'application particulières, modulées selon la taille de l'entreprise. Bien entendu, l'accord interprofessionnel devra être étendu ; autrement dit, nous prévoyons l'intervention des pouvoirs publics pour valider cette décision. C'est un amendement de souplesse, qui répond à la demande d'adaptation de la contractualisation au sein même des filières.

L'amendement COM-106 vise, lui aussi, à soumettre le décret d'exemption à consultation préalable des interprofessions, mais il ne prévoit ni sa publication ni la possibilité de définir des modalités d'application propres à la taille des entreprises : demande de retrait, sinon avis défavorable.

Quant à l'amendement COM-82 rectifié, il tend à autoriser les interprofessions à prévoir des conditions particulières d'application, mais sans soumettre le décret à leur avis préalable : avis défavorable.

L'amendement COM-133 est adopté ; les amendements COM-106 et COM-82 rectifié deviennent sans objet.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements COM-12 rectifié, COM-18 rectifié, COM-25 rectifié sexies , COM-50 rectifié bis , COM-67 , COM-74 rectifié bis , COM-99 rectifié et COM-121 sont identiques.

La proposition de loi interdit le fait pour un acheteur d'imposer, au sein du contrat, une clause permettant de renégocier la clause de détermination du prix en fonction de la politique tarifaire des concurrents.

Ces amendements identiques visent à préciser que ce n'est pas seulement une telle clause qui est interdite, mais le simple fait d'imposer une renégociation en fonction de l'évolution des tarifs des concurrents. J'y suis favorable, car il faut également prendre en compte les situations où une telle renégociation est imposée en dehors de tout contrat.

Compte tenu de la difficulté de prouver que tel ou tel aspect du contrat a été imposé, et non librement consenti, je vous proposerai un amendement en séance qui permettrait de s'assurer de la pleine efficacité de cette interdiction. Pour l'heure, j'émets un avis favorable à l'ensemble de ces amendements.

Les amendements identiques COM-12 rectifié, COM-18 rectifié, COM 25 rectifié sexies , COM-50 rectifié bis , COM-67, COM-74 rectifié bis , COM-99 rectifié et COM-121 sont adoptés.

L'amendement de coordination juridique COM-134 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 1 er

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-80 rectifié bis prévoit que, au sein d'une organisation de producteurs (OP), l'éventuelle décision d'apport total de la production soit prise de façon collégiale.

Aujourd'hui, ce sont les statuts des OP qui définissent si la production doit être apportée partiellement ou totalement. Par conséquent, la décision est déjà issue d'une forme de collégialité. Mais collégialité ne veut pas dire unanimité ; cet amendement ne prévoit pas que la règle d'apport total soit prise à l'unanimité. Dès lors qu'il est déjà satisfait par la loi, la commission en sollicite le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L'amendement COM-80 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-115 vise à indiquer que, pour caractériser un prix abusivement bas en agriculture, seuls les indicateurs de référence habituels peuvent être pris en compte - coût de production, prix de marché, etc. -, alors que le droit en vigueur est plus large et ouvre la possibilité d'une prise en compte d'autres indicateurs.

Je pense qu'il faut conserver cette souplesse et ne pas contraindre inutilement le juge ou la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dans leurs fonctions. Il est des situations où d'autres éléments doivent être pris en compte pour caractériser un prix abusivement bas, notamment lorsque les indicateurs sont peu fiables.

La pratique du prix abusivement bas est rarement condamnée aujourd'hui. Cela n'est pas dû à une définition floue, mais s'explique par le fait que nombre d'agriculteurs n'osent pas s'en plaindre, par crainte de représailles. Et lorsque des contrôles sont réalisés, notamment par les pouvoirs publics, il me paraît plus pertinent de leur laisser une liberté de jugement que de les obliger à analyser le prix abusivement bas uniquement au regard des indicateurs de référence.

J'ajoute que considérer comme abusivement bas tout prix inférieur aux coûts de production nous fait retomber sur la notion condamnable de prix plancher... Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement COM-115 n'est pas adopté.

Article 1 er bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements identiques COM-40 rectifié, COM-84 rectifié bis et COM-107 visent à instaurer un dispositif de sanction en cas de manquement aux obligations issues de l'expérimentation du tunnel de prix : avis favorable.

Les amendements  COM-40 rectifié, COM-84 rectifié bis et COM-107 sont adoptés.

L'article 1 er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1 er ter (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-135 vise à éviter que l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) se retrouve, bien malgré lui, en délicatesse avec la loi ; il vise donc à ce que l'obligation de publication qui lui incombe ne s'applique qu'aux indicateurs déjà rendus publics.

En outre, il prévoit que l'OFPM ne publie que la synthèse des indicateurs des coûts de production, c'est-à-dire ceux qui sont les plus parlants pour tenir la rémunération des agriculteurs. L'OFPM est un petit organisme. Or les indicateurs de prix de marché, surtout ceux qui sont liés à la traçabilité, à l'origine, à la composition, à la qualité et au cahier des charges sont publiés par d'autres organismes. Il s'agit non pas de limiter les références possibles, mais d'assurer que les coûts de production soient bien mis à disposition des agriculteurs, dans le cadre de la contractualisation, et que les autres indicateurs soient publiés par des organismes plus vigilants.

M. Franck Montaugé . - Je trouve dommage que l'Observatoire ne publie pas ces indicateurs complémentaires, ce serait cohérent - en réalité, c'est parce qu'il ne vous semble pas en avoir les moyens matériels que vous y renoncez, c'est regrettable pour la clarté de l'information.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Ces informations restent disponibles auprès des organismes qui les produisent.

L'amendement COM-135 est adopté.

L'article 1 er ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Cet article représente le deuxième étage de la fusée, puisqu'il traite des contrats en aval, entre l'industriel - également appelé : le « fournisseur » - et le distributeur.

Son objectif principal est de sanctuariser les matières premières agricoles lors des négociations commerciales, pour que l'industriel n'ait plus à exercer une pression toujours plus forte sur l'agriculteur, puisque lui-même n'aura normalement pas été contraint d'être déficitaire sur cette partie.

En réalité, l'édifice est bien plus fragile qu'il y paraît, nous aurons l'occasion d'en débattre.

Pour que la part des matières premières agricoles dans un produit soit non négociable, il faut connaître cette part. Cet article 2 offre trois options au fournisseur pour afficher cette part dans les conditions générales de vente (CGV) qu'il envoie chaque année.

La première option, qui est la règle générale, consiste à indiquer, chaque fois qu'une matière première agricole représente plus de 25 % du volume du produit alimentaire, sa part dans le volume, mais également, et surtout, sa part dans le tarif du fournisseur. Par exemple, pour un yaourt à la fraise, il devra écrire : le lait représente 60 % du volume du produit, et 35 % du tarif proposé. Si le distributeur veut vérifier l'exactitude des informations, il peut mandater un tiers indépendant, c'est-à-dire souvent un commissaire aux comptes.

La deuxième option, qui est dérogatoire, consiste à n'afficher que la part agrégée des matières premières agricoles dans les CGV. Dans ce cas, le fournisseur doit la faire attester par un tiers indépendant.

La troisième option, également dérogatoire, consiste à ne rien afficher dans les CGV. Dans ce cas, après la négociation, un tiers indépendant doit attester que la négociation n'a pas porté sur la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur.

Cet article 2 consacre par ailleurs un principe de non-négociabilité de la matière première agricole.

Cet article demande également aux industriels et distributeurs de retracer dans une convention, à l'issue de la négociation, l'ensemble des obligations réciproques auxquelles ils se sont engagés, comme le prix, les délais de paiement, les services commerciaux. Surtout, cette convention devra comporter une clause de révision automatique des prix. Il s'agit du lien avec l'article 1 er . Si le contrat en amont est révisé à la hausse, logiquement le contrat en aval devrait aussi être révisé à la hausse.

Voilà les principaux traits du mécanisme. Il est très complexe, sans parler du fait que cet article réduit la durée des négociations commerciales de trois à deux mois... Un dispositif aussi complexe sera, à coup sûr, à l'origine de nombreux contentieux.

Un exemple de cette complexité : puisque l'obligation de transparence s'applique seulement aux matières premières agricoles représentant plus de 25 % du volume du produit, la soupe aux 3 légumes sera incluse, mais la soupe aux 9 légumes ne le sera pas, puisque ses légumes n'atteindront pas le seuil de 25 %... On imagine le casse-tête des CGV et des négociations, d'autant que ce seuil de 25 % sert aussi de base pour l'article 2 bis D qui protège le tarif du fournisseur.

L'autre écueil de cet article, c'est qu'il permet à la grande distribution d'avoir un accès aux marges des industriels, ce qui revient à lui dire les segments sur lesquels elle pourra se « rattraper » en négociant plus durement.

Il est donc urgent de simplifier ce mécanisme et de rééquilibrer le rapport de force dans la négociation commerciale. Car dans les faits, plus l'intermédiaire est contraint par la distribution, plus il se retourne contre l'agriculteur...

C'est pourquoi, avec l'amendement COM-136 , je vous propose une nouvelle rédaction de cet article, avec l'objectif de simplifier les choses et de rééquilibrer la négociation commerciale.

La simplification, d'abord. Je vous propose de conserver deux options seulement et de les mettre sur le même plan : soit l'industriel affiche la part agrégée des matières premières agricoles, soit, s'il le souhaite et lorsqu'il demande une évolution de tarif par rapport à l'année précédente, il fait certifier la part de cette évolution qui est due à la variation des matières premières agricoles. Nous conservons bien sûr la non-négociabilité des matières premières agricoles, mais nous évitons que le distributeur ne dévoile trop ses marges, car nous savons que cette information déséquilibre la négociation commerciale.

Mme Sophie Primas , présidente . - Du reste, ceux qui veulent détailler leurs marges pourront le faire, la loi ne l'empêche pas...

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Effectivement. En tout état de cause, nous respectons complètement la transparence nécessaire à la non-négociabilité des matières premières agricoles.

Ensuite, je vous propose de supprimer le seuil de 25 % et d'harmoniser le périmètre de ces articles : tous les produits alimentaires seront concernés, cela simplifiera considérablement la compréhension du dispositif et la vie des entreprises. Il n'y aura plus de différence de traitement entre une soupe à 3 légumes et une soupe à 9 légumes. Toujours pour simplifier, mon amendement ouvre la possibilité qu'un décret vienne assouplir ces règles pour les petites entreprises.

Je vous propose également d'inscrire dans cet article 2 le dispositif du « ligne à ligne », alors qu'il figure à l'article 2 bis A, tout en modifiant son périmètre.

Je vous propose encore de rétablir une période de trois mois pour les négociations commerciales et d'améliorer la construction du prix. Il serait inutile, en effet, de prévoir une clause de révision automatique des prix entre l'industriel et la distribution qui ne se fonderait pas sur les mêmes indicateurs que la clause en amont, entre l'agriculteur et son acheteur. Nous prévoyons donc que cette clause intègre obligatoirement les indicateurs de coût de production. L'amendement précise enfin que les distributeurs devront motiver de façon détaillée les CGV qu'ils souhaitent ouvrir à la négociation.

Je suis favorable aux deux sous-amendements COM-147 et COM-146, qui suppriment l'obligation, inutile il est vrai, d'afficher les indicateurs sur la facture. Cela n'a pas de sens, la facture étant souvent émise plus tardivement. Surtout, le traitement des factures est automatisé par des logiciels, qui ne sont pas paramétrés pour ces nouveautés.

Les amendements identiques COM-34 rectifié, COM-57 rectifié et COM-85 rectifié bis créent, comme mon amendement, une option qui consiste à ne se concentrer que sur l'évolution du tarif du fournisseur. Ils sont donc largement satisfaits : retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-97 rectifié exclut les produits soumis à accises de ce mécanisme de transparence et de révision des prix. Les vins et spiritueux en seront exclus, puisqu'ils ne sont pas soumis à une variation régulière du prix de la matière première. Cependant, en visant les produits à accise, vous exonérez d'autres produits, comme certaines boissons sucrées, ce qui ne me semble pas l'objectif. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-15 rectifié, COM-19 rectifié, COM-26 rectifié quinquies , COM-31 rectifié decies , COM-51 rectifié bis , et COM-75 rectifié bis précisent que le décret exemptant certains produits requiert un avis favorable des interprofessions. Ces amendements subordonnent l'action du ministre à un accord préalable d'acteurs privés, ce n'est pas conforme à notre droit. Avis défavorable.

Les trois amendements identiques COM-2 rectifié ter , COM-23 rectifié et COM-44, ainsi que les deux amendements identiques COM-1 rectifié bis et COM-104 rectifié, et l'amendement COM-56 rectifié, prévoient d'interdire toute négociation sur le tarif du fournisseur, même en échange de contreparties. Il faut rééquilibrer le rapport de force, mais ces amendements pèchent par l'excès inverse. Il y a cependant un vrai sujet sur la possibilité de réviser les contrats en fonction de l'évolution des coûts autres qu'agricoles, et nous travaillerons sur ce thème d'ici à la séance plénière. Avis défavorable.

Les trois amendements identiques COM-35 rectifié, COM-58 rectifié et COM-86 rectifié bis sont largement satisfaits, puisqu'ils visent à intégrer le « ligne à ligne » au sein de l'article 2, ce que je prévois également. Retrait, sinon avis défavorable.

Les amendements identiques COM-4 rectifié bis et COM-46 sont satisfaits, ma rédaction prévoit que le décret puisse assouplir certaines obligations pour les petites entreprises, mais aussi que l'intervention du tiers indépendant soit à la charge du distributeur, dans l'option « part agrégée des matières premières agricoles ». Retrait, sinon défavorable.

Les amendements identiques COM-47 et COM-109 sont satisfaits par les deux sous-amendements précédents. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-48 rectifié bis et COM-87 rectifié ter suppriment la clause de révision automatique des prix et proposent une clause générale de révision automatique des prix en fonction des prix du transport, de l'énergie, des emballages, et non pas uniquement des matières agricoles. Je préfère garder cette focale sur les produits alimentaires, car elle fait le lien avec la clause en amont entre l'agriculteur et son acheteur ; cependant, un élargissement peut avoir de l'intérêt, il faut y travailler d'ici à la séance plénière. En attendant, retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-62 rectifié bis supprime simplement cette clause : avis défavorable.

Les trois amendements identiques COM-36 rectifié, COM-59 rectifié et COM-88 rectifié bis sont satisfaits, puisque je propose de rétablir à trois mois la durée de la négociation commerciale. Retrait, sinon avis défavorable.

Même position pour les trois amendements identiques COM-3 rectifié bis , COM-45 et COM-108, qui exigent du distributeur qu'il détaille les raisons pour lesquelles il souhaite ouvrir à la négociation certaines CGV.

Mme Patricia Schillinger . - Le seuil porté à 25 % était un gage de flexibilité pour les industriels de l'agroalimentaire et les agriculteurs.

Sans seuil, nous faisons entrer dans le champ de la loi des produits avec très peu de matières premières agricoles. Par exemple, les eaux pétillantes aromatisées au citron bénéficieraient de la protection du tarif engendrée par la non-discrimination tarifaire, alors qu'elles ne bénéficient pratiquement pas aux agriculteurs, même quand le citron est français.

Sans seuil, on complexifie une mesure et on fait perdre le sens originel de cet article, qui était de mettre en avant les produits de nos agriculteurs. Sans seuil, on privilégie les grandes multinationales, qui usent de produits transformés au détriment de nos PME, qui travaillent main dans la main avec nos producteurs.

Ensuite, pourquoi l'amendement supprime-t-il la première option, qui permettait à l'entreprise de préciser dans les CGV le prix de chaque matière première agricole ?

Cette absence de clarté donne un signal très négatif, la distribution va pouvoir accuser les industriels de ne pas jouer le jeu de la transparence. Alexandre Bompard nous l'a dit en audition, le 2 juin dernier, en demandant de la transparence sur les prix, avec cet exemple précis : « Quand je revalorise le prix versé à Danone, je veux savoir ce qu'obtient l'agriculteur. Je suis en droit de le savoir, et la représentation nationale aussi. »

Cette première option est au choix du fournisseur, il n'y est pas contraint, elle est attendue par les acteurs et sa disparition pourrait déséquilibrer l'ensemble de la chaîne agroalimentaire.

Enfin, le texte issu de l'Assemblée nationale faisait intervenir un tiers pour certifier que le tarif finalement négocié permettait à l'industriel de payer la matière première agricole au niveau souhaité. Cette garantie n'existe plus dans votre rédaction, nous le déplorons.

Pour toutes ces raisons, nous ne pourrons pas nous associer à la nouvelle rédaction de cet article.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Notre objectif est de revaloriser les matières premières agricoles, mais le seuil de 25 % exclut bien des produits agricoles, sans transparence ni équité. Un petit pois qui compose moins de 25 % du produit fini ne sera pas concerné, alors que celui qui entrera dans une boîte de petits pois le sera : comment expliquer la différence ? En quoi la production que nous visons sera-t-elle valorisée ? Les industriels nous le disent, ils sont pour la suppression de ce seuil, parce qu'il introduit un biais. Même chose pour les options : nous ne voulons pas que la première option soit privilégiée, comme c'est le cas dans la rédaction actuelle, car les distributeurs pourront alors peser pour y contraindre les industriels. Nous préférons un système transparent, qui fasse apparaître la revalorisation, ce qui est pleinement le cas y compris dans l'option de l'agrégation. Avec la rédaction actuelle, on oblige l'industriel à tout dire, ce qui l'affaiblira dans la négociation ; dans la nôtre, l'obligation ne porte que sur les matières agricoles, et sur toutes les matières agricoles, ce qui est bien notre cible.

M. Laurent Duplomb . - Le mécanisme que vous proposez est acceptable, y compris la suppression du seuil de 25 %, dès lors que le recours au tiers de confiance est obligatoire s'il est demandé, c'est une garantie qui nous paraît nécessaire, et qui me fait accepter votre nouvelle rédaction.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous devons débattre en profondeur, sans passion ni caricature, parce qu'il n'y a pas d'un côté des vilains et de l'autre des gentils. On nous rebat les oreilles avec l'exemple de telle boisson citronnée, mais il est anecdotique, car en l'occurrence le citron entre pour 1 % à peine de la boisson. En revanche, quand un industriel achète de la viande de boeuf pour des lasagnes où la viande entre pour 26 %, il en achète aussi pour d'autres plats où la viande comptera pour bien moins, par exemple 15 %, mais c'est bien de la même viande qu'il s'agit, donc d'une même négociation d'ensemble - et c'est à cette échelle qu'il faut raisonner quand on parle d'équité, ou bien on déséquilibre l'ensemble des négociations. Je sais bien qu'il y a eu des accords entre les professionnels, mais le Parlement peut n'être pas d'accord, c'est bien à nous de définir les règles, après un débat approfondi et serein.

Mme Patricia Schillinger . - En tous les cas, nous n'avons pas entendu la même chose dans les auditions que nous avons conduites les uns et les autres, en particulier sur l'utilité de ce seuil. Je déplore que les auditions ne soient pas transparentes, c'est un problème.

Mme Sophie Primas , présidente . - Le taux était fixé initialement à 10 %, puis il a été porté à 25 %, et il ne s'appliquait pas initialement à cet article 2. Il faut débattre sereinement et dans la confiance, nous devons envisager l'ensemble des effets collatéraux sur la négociation, qui va bien au-delà du seul prix, puisqu'elle porte aussi sur les salaires, sur les investissements, sur la recherche. N'ouvrons pas trop de fronts simultanément. Nous n'entendons pas que la grande distribution se plaigne particulièrement des contraintes que nous avons décidé d'introduire : c'est donc qu'elle a trouvé une parade, attention à ne pas fragiliser les industriels, qui ne manqueraient pas de se rattraper sur les producteurs eux-mêmes. Je rappelle, par ailleurs, que nos auditions « rapporteur » sont ouvertes à l'ensemble des membres de la commission en toute transparence.

Le sous-amendement COM-147 est adopté, de même que le sous-amendement COM-146. L'amendement COM-136, ainsi sous-amendé, est adopté. L'article 2 est ainsi rédigé, et les amendements identiques COM-34 rectifié, COM-57 rectifié et COM-85 rectifié bis deviennent sans objet, de même que les amendements COM-97 rectifié, COM-15 rectifié, COM-19 rectifié, COM-26 rectifié quinquies , COM-31 rectifié decies , COM-51 rectifié bis , COM-75 rectifié bis , COM-2 rectifié ter , COM-23 rectifié, COM-44, COM-1 rectifié bis , COM-104 rectifié, COM-56 rectifié, COM-35 rectifié, COM-58 rectifié, COM-86 rectifié bis, COM-4 rectifié bis , COM-46, COM 47, COM-109, COM-48 rectifié bis , COM-87 rectifié ter , COM-62 rectifié bis , COM-36 rectifié, COM-59 rectifié, COM-88 rectifié bis , COM-3 rectifié bis , COM-45 et COM-108.

Article additionnel après l'article 2

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-94 rectifié transforme la clause de renégociation des prix prévue depuis 2014 par le code de commerce, en clause de révision automatique du prix quand certains éléments évoluent eux-mêmes. Il faut probablement faire évoluer cette clause, nous pouvons y travailler d'ici à la séance plénière, mais l'automaticité me semble aller trop loin, étant donné le nombre d'éléments qui entrent en compte. Retrait, sinon rejet.

L'amendement COM-94 rectifié n'est pas adopté.

Article 2 bis A (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avec l'amendement COM-137 , je vous propose de supprimer cet article, puisque ma rédaction de l'article 2 intègre déjà le « ligne à ligne » prévu ici.

L'amendement COM-110 restreint le « ligne à ligne » aux seuls produits alimentaires soumis au principe de transparence, tenant compte du seuil de 25 % ; ce seuil ayant disparu, l'amendement n'a plus lieu d'être : retrait, sinon avis défavorable. Même raisonnement pour l'amendement COM-125 rectifié.

L'amendement COM-137 est adopté. L'article 2 bis A est supprimé, et l'amendement COM-110 devient sans objet, de même que l'amendement COM-125 rectifié.

Article 2 bis B (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avec l'amendement COM-138, je vous propose une nouvelle rédaction de cet article pour mieux encadrer les produits alimentaires vendus sous marque de distributeur qui aujourd'hui échappent à nombre de règles applicables aux marques nationales et ne sont pas concernés par les mécanismes visant à améliorer le revenu des agriculteurs.

Il est vrai que les marques nationales et les MDD n'obéissent pas à la même philosophie. Pour les marques nationales, le produit est la propriété de l'industriel, qui cherche à la vendre dans des rayons que la grande distribution lui met à disposition : le distributeur est en quelque sorte un prestataire de services ; pour les MDD, c'est le distributeur qui élabore un cahier des charges pour un type de produit dont il aura ensuite la pleine propriété ; l'industriel, PME ou non, est alors son prestataire de services en amont, puisqu'il répond à l'appel d'offres et qu'il produit pour le distributeur.

Si cette différence est réelle et explique pourquoi certaines règles ne peuvent pas être transposées des marques nationales vers les MDD, elle est interprétée très largement, au point qu'elle sert surtout à ne rien changer pour les MDD - il est donc temps que cette dichotomie cesse.

L'Assemblée nationale avait proposé que les contrats de MDD intègrent une clause sur le volume prévisionnel. Je vous propose un encadrement bien plus ambitieux.

En effet, mon amendement intègre dans les contrats de MDD une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût des matières premières agricoles supportée par le fabricant. Cette clause devra tenir compte des indicateurs de coût de production.

Deuxièmement, il rappelle que les contrats de MDD doivent avoir une durée minimale de trois ans, sauf bien sûr pour les contrats liés à une campagne spécifique ou à certaines spécificités du produit.

Troisièmement, l'appel d'offres et le contrat devront comporter un engagement du distributeur en matière de volume prévisionnel et, lorsque ce volume n'est pas respecté, le distributeur devra se justifier auprès du fabricant. Je souhaitais au départ prévoir un volume ferme, comme plusieurs de vos amendements le prévoient, mais il est vite apparu que ce serait intenable, car les contrats de MDD sont souvent sur longue période, voire sans date de fin. Par conséquent, comme le distributeur ne veut pas s'engager sur un volume ferme sur cinq ou six ans, il multipliera les contrats très courts, d'un an, ce qui fragilisera encore plus le fabricant.

Quatrièmement, le contrat de MDD devra définir la durée minimale du préavis à respecter en cas de rupture. Le fait que cette durée soit parfois absente du contrat ouvre la voie à tous les abus... L'amendement indique également que les modalités d'écoulement des emballages et des produits finis en cas de cessation du contrat devront être prévues par le contrat.

Cinquièmement, le contrat devra comporter une clause de répartition des coûts entre distributeur et fabricant, et notamment des coûts additionnels qui pourraient survenir en cours d'exécution.

Sixièmement, il sera interdit de mettre à la charge du fabricant les opérations de mise en avant du produit MDD dans les rayons, puisque ces opérations renforcent la notoriété du distributeur, et non du fabricant.

Enfin, septièmement, le contrat devra établir un système d'alerte et d'échanges d'informations périodiques entre le distributeur et le fabricant.

Le fait de prévoir un volume ferme ne sécurisera pas mais fragilisera le fabricant, car le distributeur multipliera alors les contrats courts. En conséquence, avis défavorable aux amendements identiques COM-38 rectifié, COM-61 rectifié, COM-90 rectifié bis et COM-122.

Les neuf amendements identiques COM-14 rectifié, COM-20 rectifié, COM-27 rectifié quinquies , COM-32 rectifié nonies , COM-52 rectifié bis , COM-70, COM-76 rectifié bis , COM-101 rectifié et COM-124 prévoient que les indicateurs de référence soient également pris en compte dans la détermination du prix des MDD. Or le droit en vigueur impose déjà d'y faire référence et d'expliciter la façon dont il en est tenu compte, et crée une clause de révision automatique des prix qui s'appuie sur ces indicateurs. Avis défavorable aux neuf amendements.

L'amendement COM-138 est adopté. L'article 2 bis B est ainsi rédigé, et les amendements COM-38 rectifié, COM-61 rectifié, COM-90 rectifié bis , et COM-122 deviennent sans objet, de même que les amendements COM-14 rectifié, COM-20 rectifié, COM-27 rectifié quinquies , COM-32 rectifié nonies , COM-52 rectifié bis , COM-70, COM-76 rectifié bis , COM-101 rectifié et COM-124.

Article 2 bis C (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Nous avons travaillé de concert avec Laurent Duplomb et je suis favorable à son amendement COM-41 rectifié, qui rédige cet article pour mieux encadrer les pénalités logistiques - il faut mettre fin à de nombreux abus et tenir compte des circonstances. En conséquence, avis défavorable aux amendements identiques COM-63 rectifié et COM-91 rectifié bis , à l'amendement COM-64 rectifié, aux amendements identiques COM-65 rectifié et COM-92 rectifié bis , de même qu'à l'amendement COM-66 rectifié.

L'amendement COM-41 rectifié est adopté. L'article 2 bis C est ainsi rédigé, et les amendements COM-63 rectifié, COM-91 rectifié bis, COM-64 rectifié, COM-65 rectifié, COM-92 rectifié bis et COM-66 rectifié deviennent sans objet.

Article 2 bis D (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avec l'amendement COM-139, identique aux amendements COM-37 rectifié bis, COM-89 rectifié ter et COM-60 rectifié, je vous propose d'élargir à tous les produits alimentaires le principe de non-discrimination, c'est la conséquence de la suppression du seuil de 25 %.

Les amendements COM-139, COM-37 rectifié bis, COM-89 rectifié ter et COM-60 rectifié sont adoptés.

L'article 2 bis D est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2 bis E (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Avec mon amendement COM-140, je vous propose de préciser le contenu du rapport du Gouvernement au Parlement, relatif à la loi Egalim.

M. Franck Montaugé . - Le Sénat demande donc des rapports au Gouvernement ?

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - On complète seulement celui que le Gouvernement prévoit déjà...

L'amendement COM-140 est adopté.

L'article 2 bis E est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 2 bis E (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les amendements identiques COM-39 rectifié et COM-93 rectifié bis sont satisfaits par la précision que nous avons apportée au rapport du Gouvernement, avec l'amendement COM-140.

Les amendements COM-39 rectifié et COM-93 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Article 2 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-141 précise que la durée de l'expérimentation d'un « rémunérascore » est de cinq ans maximum.

M. Franck Montaugé . - Vous paraissez cependant réticente à l'expérimentation, notamment en matière de revente à perte...

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Attention à ne pas abandonner l'exigence d'efficacité : si après cinq ans d'expérimentation nous ne parvenons pas au résultat recherché, il faut bien mettre fin à l'expérimentation.

Mme Sophie Primas , présidente . - Effectivement, rappelons-nous l'expérimentation sur les promotions, que nous avions prévue dans la loi Egalim 1 et que nous avons dû prolonger bien au-delà de ce que nous prévoyions.

L'amendement COM-141 est adopté.

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-145 vise à renforcer les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles, dont le travail est particulièrement utile et apprécié des agriculteurs. Il ne faudrait pas que la création du Comité de règlement des différends commerciaux, aux contours encore assez flous, vienne amoindrir son rôle.

Je propose donc dans cet amendement que, si les deux parties le souhaitent, elles puissent nommer le médiateur arbitre. Ce faisant, il gagnerait un pouvoir qu'il n'a pas aujourd'hui, ce qui l'empêche de véritablement trancher certains litiges. C'est donc une manière de renforcer l'action de ce tiers de confiance qu'est le médiateur.

L'amendement n° COM-145 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis (nouveau)

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les six amendements identiques COM-6 rectifié ter , COM-8 rectifié bis , COM-29 rectifié sexies , COM-55 rectifié, COM-112 et COM-126 visent à supprimer l'article 3 bis .

D'une part, cet article est contraire au droit européen, puisqu'il allonge la liste des pratiques commerciales trompeuses, alors que le règlement qui la fixe est d'harmonisation maximale.

D'autre part, il pénalisera fortement les entreprises françaises qui réalisent une grande partie de la chaîne de production en France, mais dont l'ingrédient principal ne vient pas de chez nous. On pense bien entendu au cacao, mais il y en a d'autres.

J'ai toutefois déposé un amendement COM-142 , qui ne prévoit pas de supprimer l'article, mais vise à le remplacer par une demande de rapport au Gouvernement sur les contrôles réalisés par la DGCCRF. Les outils pour lutter contre les pratiques déloyales en termes d'étiquetage de l'origine d'un produit sont aujourd'hui suffisants, ils sont même souvent précurseurs. En revanche, les contrôles sont trop peu nombreux. À titre exceptionnel, je propose donc que le Gouvernement produise un rapport sur sa politique de contrôle en matière de pratiques commerciales trompeuses portant sur l'affichage de l'origine des denrées alimentaires. C'est la meilleure manière d'inciter les entreprises à mettre un terme à certaines pratiques frauduleuses, plutôt que d'inscrire dans la loi un article inapplicable.

Les amendements COM-6 rectifié ter , COM-8 rectifié bis , COM-29 rectifié sexies , COM-55 rectifié, COM-112 et COM-126 ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Ainsi que je le mentionnais à l'instant, l'amendement COM-142 vise à supprimer les dispositions de cet article et à les remplacer par une demande de rapport.

L'amendement COM-142 est adopté. L'article 3 bis est ainsi rédigé, et les amendements COM-7 rectifié, COM-11 r ectifié , COM-96 , COM-113 et COM-127 deviennent sans objet.

Article 4

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - En l'état, l'article 4 est contraire au droit européen. En effet, s'il est vrai que le règlement INCO concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires demande qu'il existe un lien avéré entre l'origine des produits et leurs propriétés, pour que les États membres aient le droit de rendre obligatoire l'affichage de l'origine d'un produit, il précise toutefois que de telles obligations relèvent du cas par cas. Or cet article prévoit une règle générale d'obligation d'affichage de l'origine, dès lors qu'il existe un lien avéré entre l'origine et les propriétés du produit. Cela contrevient donc à la règle du cas par cas et, surtout, cela ne dit rien de ce qu'il faut entendre par « lien avéré », ni ne précise quels produits sont concernés. C'est donc un important nid à contentieux qui serait ouvert... On imagine mal un décret venant lister tous les produits français pour lesquels il existe un tel lien.

Pour toutes ces raisons, je propose, à travers l'amendement COM-143 , une rédaction globale de l'article 4 qui inscrit en droit français les nouveautés du règlement INCO datant de 2020. Nous avions déjà adopté de telles dispositions lors de l'examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets il y a deux mois, mais elles n'avaient pas été retenues en commission mixte paritaire. Désormais, si l'origine d'un produit alimentaire n'est pas la même que l'origine de son ingrédient principal, le fabricant devra le faire savoir de façon explicite et visible au consommateur.

Mais, bien entendu, il faudra des contrôles pour vérifier que la réglementation est effectivement appliquée.

Mme Sophie Primas , présidente . - J'ajoute que, lors de l'examen du projet de loi Climat et résilience, le ministre avait émis un avis favorable sur le fond, mais en renvoyant le débat à un texte Égalim 2.

L'amendement n° COM-143 est adopté. L'article 4 est ainsi rédigé, et les amendements COM-16 rectifié , COM-120 , COM-119 , COM-79 rectifié bis , COM-95 , COM-111 rectifié et COM-118 deviennent sans objet.

Article additionnel après l'article 4

L'amendement COM-42 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 4 bis (nouveau)

L'article 4 bis est adopté sans modification.

Article 5

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-144 vise à proposer une coordination juridique.

L'amendement n° COM-144 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-43 rectifié vise à exclure les fruits et légumes frais de la réglementation relative aux opérations de dégagement. Il est vrai que l'article L. 443-1 du code de commerce prévoit déjà un régime spécifique pour les annonces de prix des fruits et légumes frais en dehors des magasins. Si un prix de cession a été défini entre le fournisseur et son acheteur, alors l'annonce de prix est autorisée uniquement durant les trois jours qui précèdent l'opération. S'il n'y a pas d'accord de prix de cession, alors l'annonce du prix en dehors des magasins fait l'objet d'un accord interprofessionnel.

Mais l'article 5 prévoit que la liste des produits alimentaires concernés par l'encadrement des opérations de dégagement sera fixée par décret, ce qui laisse peu de doute quant au fait que les fruits et légumes en seront bien exclus. N'étant pas favorable à inscrire directement les exceptions dans la loi, je vous proposerai donc, monsieur Duplomb, de retirer votre amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. Laurent Duplomb . - C'est un enjeu important pour les agriculteurs !

Mme Sophie Primas , présidente . - Je vous suggère de déposer le même amendement en séance, monsieur Duplomb. Le ministre pourra ainsi s'exprimer.

L'amendement n° COM-43 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 5

L'amendement n° COM-10 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 6

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Les six amendements identiques COM-22 rectifié, COM-54 rectifié bis , COM-68, COM-72 , COM-78 rectifié bis et COM-103 rectifié posent une vraie question, celle de l'entrée en vigueur des différents articles de cette proposition de loi. Il me semble que le plus logique soit que la contractualisation et la transparence entrent en vigueur à la même date. Je proposerai en séance un amendement dans ce sens.

En revanche, ces six amendements indiquent que la contractualisation écrite est applicable dès la promulgation de la loi. Cela me semble trop rapide, car les filières qui n'étaient pas habituées jusqu'à présent à contractualiser et qui devront désormais le faire seront dans l'incapacité de respecter cette obligation du jour au lendemain. Comme la loi dit que c'est au producteur de proposer un contrat écrit, c'est donc l'agriculteur dans ces filières qui sera dans l'illégalité. Retrait ou avis défavorable.

Les amendements COM-22 rectifié, COM-54 rectifié bis , COM-68, COM-72, COM-78 rectifié bis et COM-103 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7 (supprimé)

L'article 7 demeure supprimé.

Mme Sophie Primas , présidente . - Conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient à présent d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives : aux modalités de vente des produits agricoles et aux modalités de la généralisation de la contractualisation écrite dans ce secteur ainsi qu'aux possibilités de dérogation à cette règle ; aux modalités de détermination et de révision du prix fixé dans les contrats écrits de vente de produits agricoles ainsi qu'à la prise en compte d'indicateurs de référence dans l'élaboration de ce prix et de sa révision ; aux modalités d'élaboration et de publication des indicateurs de référence dans le secteur agricole ; aux modalités de fixation de bornes entre lesquelles le prix d'un contrat de vente de produits agricoles peut fluctuer ; au contenu des conditions générales de vente relatives aux produits alimentaires transmises par le fournisseur au distributeur et aux modalités d'attestation dudit contenu ; aux conditions de négociation du tarif du fournisseur mentionné dans ses conditions générales de vente ; au contenu de la convention écrite formalisant, à l'issue des négociations commerciales, l'ensemble des obligations auxquelles se sont engagées les parties ; à la non-négociabilité de la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur ; aux modalités de détermination et de révision du prix fixé dans les contrats entre un fournisseur de produits alimentaires et un acheteur ; aux modalités d'encadrement des contrats portant sur des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur en ce qu'elles permettent d'assurer une plus grande protection de la rémunération des agriculteurs ; aux engagements contractuels entre un fournisseur et un distributeur et aux modalités de résolution des litiges qui les opposent en la matière ; au seuil de revente à perte des produits alimentaires ; à l'information du consommateur en matière de rémunération des producteurs des produits agricoles qu'il consomme et d'information de l'origine des produits agricoles et des ingrédients primaires qui les composent ; à la médiation des relations commerciales agricoles et à la composition et aux pouvoirs des instances chargées de régler les différends pouvant naître lors de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat de vente d'un produit agricole ; au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires ; aux opérations de dégagement relatives aux produits agricoles ou de première transformation ; aux dates d'entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition de loi.

Les sorts des amendements examinés par la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MENONVILLE

83 rect. bis

Date d'entrée en vigueur de la contractualisation écrite au 1er juillet 2022

Rejeté

M. MENONVILLE

81 rect. bis

Exclusion des produits transformés à la ferme du champ de la contractualisation écrite

Rejeté

Mme LOISIER, rapporteure

128

Possibilité d'exclure par décret des producteurs et acheteurs de produits agricoles selon leur chiffre d'affaires

Adopté

M. LABBÉ

116

Fixation d'un prix plancher au niveau des coûts de production du vendeur de produits agricoles

Rejeté

Mme LOISIER, rapporteure

129

Précision relative aux aléas climatiques exceptionnels

Adopté

M. LABBÉ

148

Inclusion des aléas sanitaires exceptionnels parmi les cas dans lesquels sont interdites les pénalités à l'encontre d'un agriculteur

Adopté

M. LABBÉ

117

Intégration obligatoire de la main d'oeuvre agricole dans les coûts de production pris en compte au titre des indicateurs de référence

Rejeté

Mme LOISIER, rapporteure

130

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

Mme NOËL

17 rect. bis

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

Mme LÉTARD

24 rect. sexies

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

M. de NICOLAY

49 rect. ter

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

M. MENONVILLE

73 rect. ter

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

98 rect. bis

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

Mme BILLON

30 rect. septies

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Adopté

Mme DURANTON

69

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Satisfait ou sans objet

Mme SCHILLINGER

105

Modalités de saisine des instituts techniques agricoles pour l'élaboration des indicateurs de référence

Satisfait ou sans objet

Mme LOISIER, rapporteure

131

Précision rédactionnelle.

Adopté

Mme LOISIER, rapporteure

132

Coordination juridique

Adopté

Mme LOISIER, rapporteure

133

Encadrement du décret d'exemption de certaines filières de la contractualisation écrite et possibilité pour les interprofessions d'adapter les modalités d'application

Adopté

Mme SCHILLINGER

106

Encadrement du décret d'exemption de certaines filières de la contractualisation écrite et possibilité pour les interprofessions d'adapter les modalités d'application

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

82 rect.

Possibilité pour les interprofessions de prévoir des conditions particulières d'application de la contractualisation écrite

Satisfait ou sans objet

M. DUFFOURG

12 rect.

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

Mme NOËL

18 rect.

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

Mme LÉTARD

25 rect. sexies

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

M. de NICOLAY

50 rect. bis

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

M. CANÉVET

67

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

M. MENONVILLE

74 rect. bis

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

99 rect.

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

M. LABBÉ

121

Interdiction pour un acheteur d'imposer une renégociation du prix en fonction de l'environnement concurrentiel

Adopté

Mme LOISIER, rapporteure

134

Coordination juridique

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1 er

M. MENONVILLE

80 rect. bis

Soumission à décision collégiale de l'obligation d'apport total dans une organisation de producteurs

Rejeté

M. LABBÉ

115

Réduction du champ des indicateurs de référence pouvant être pris en compte pour la détermination d'un prix abusivement bas

Rejeté

Article 1 er bis (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DUPLOMB

40 rect.

Instauration d'un dispositif de sanction en cas de manquement aux obligations issues de l'expérimentation du tunnel de prix

Adopté

M. MENONVILLE

84 rect. bis

Instauration d'un dispositif de sanction en cas de manquement aux obligations issues de l'expérimentation du tunnel de prix

Adopté

Mme SCHILLINGER

107

Instauration d'un dispositif de sanction en cas de manquement aux obligations issues de l'expérimentation du tunnel de prix

Adopté

Article 1 er ter (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

135

Réduction du champ de l'obligation de publication d'une synthèse des indicateurs aux seuls indicateurs de coût de production rendus publics

Adopté

Article 2

Mme LOISIER, rapporteure

136

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Adopté

Mme ESTROSI SASSONE

147

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Adopté

Mme MULLER-
BRONN

146

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Adopté

M. DUPLOMB

34 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. KERN

57 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

85 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme FÉRAT

97 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. DUFFOURG

15 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme NOËL

19 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme LÉTARD

26 rect. quinquies

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme BILLON

31 rect. decies

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. de NICOLAY

51 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

75 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme ESTROSI SASSONE

2 rect. ter

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme BONFANTI-DOSSAT

23 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme MULLER-
BRONN

44

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. Daniel LAURENT

1 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. ROUX

104 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. KERN

56 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB

35 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. KERN

58 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

86 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme ESTROSI SASSONE

4 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme MULLER-
BRONN

46

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme MULLER-
BRONN

47

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme SCHILLINGER

109

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB

48 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

87 rect. ter

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. KERN

62 rect. ter

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB

36 rect.

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. KERN

59 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

88 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme ESTROSI SASSONE

3 rect. bis

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme MULLER-
BRONN

45

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Mme SCHILLINGER

108

Simplification du dispositif de transparence des matières premières agricoles dans les négociations commerciales

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 2

M. KERN

94 rect. bis

Transformation de la clause de renégociation prévue au sein du code de commerce en une clause de révision

Rejeté

Article 2 bis A (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

137

Suppression de l'article

Adopté

Mme SCHILLINGER

110

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Mme Nathalie DELATTRE

125 rect.

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 2 b²is B (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

138

Encadrement des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur

Adopté

M. DUPLOMB

38 rect.

Intégration dans les contrats de produits alimentaires vendus sous MDD d'un engagement du distributeur sur les volumes fermes commandés

Satisfait ou sans objet

M. KERN

61 rect. bis

Intégration dans les contrats de produits alimentaires vendus sous MDD d'un engagement du distributeur sur les volumes fermes commandés

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

90 rect. bis

Intégration dans les contrats de produits alimentaires vendus sous MDD d'un engagement du distributeur sur les volumes fermes commandés

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

122

Intégration dans les contrats de produits alimentaires vendus sous MDD d'un engagement du distributeur sur les volumes fermes commandés

Satisfait ou sans objet

M. DUFFOURG

14 rect.

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

Mme NOËL

20 rect.

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

Mme LÉTARD

27 rect. quinquies

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

Mme BILLON

32 rect. nonies

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

M. de NICOLAY

52 rect. bis

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

Mme DURANTON

70

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

76 rect. bis

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

Mme Nathalie DELATTRE

101 rect.

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

124

Prise en compte des indicateurs de référence dans la détermination du prix des contrats de produits alimentaires vendus sous MDD

Satisfait ou sans objet

Article 2 bis C (nouveau)

M. DUPLOMB

41 rect.

Encadrement des pénalités logistiques

Adopté

M. KERN

63 rect. bis

Interdiction des pénalités logistiques durant l'état d'urgence sanitaire

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

91 rect. bis

Interdiction des pénalités logistiques durant l'état d'urgence sanitaire

Satisfait ou sans objet

M. KERN

64 rect. bis

Encadrement des pénalités logistiques en l'absence de rupture de stock

Satisfait ou sans objet

M. KERN

65 rect. bis

Interdiction de fixer un taux de service supérieur à 95 %

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

92 rect. bis

Interdiction de fixer un taux de service supérieur à 95 %

Satisfait ou sans objet

M. KERN

66 rect. bis

Encadrement des pénalités logistiques

Satisfait ou sans objet

Article 2 bis D (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

139

Élargissement du principe de non-discrimination à toutes les denrées alimentaires et coordination juridique

Adopté

M. DUPLOMB

37 rect. bis

Élargissement du principe de non-discrimination à toutes les denrées alimentaires et coordination juridique

Adopté

M. MENONVILLE

89 rect. ter

Élargissement du principe de non-discrimination à toutes les denrées alimentaires et coordination juridique

Adopté

M. KERN

60 rect.

Élargissement du principe de non-discrimination à toutes les denrées alimentaires

Adopté

Article 2 bis E (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

140

Précision du contenu du rapport du Gouvernement au Parlement relatif à la loi Egalim

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2 bis E (nouveau)

M. DUPLOMB

39 rect.

Précision du rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la destination du surplus de marges dégagé par les distributeurs

Rejeté

M. MENONVILLE

93 rect. bis

Précision du rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la destination du surplus de marges dégagé par les distributeurs

Rejeté

Article 2 bis (nouveau)

Mme LOISIER, rapporteure

141

Possibilité que la durée de l'expérimentation du rémunérascore soit inférieure à cinq ans

Adopté

Article 3

Mme LOISIER, rapporteure

145

Renforcement des pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles et modification de la composition du Comité de règlement des différends commerciaux agricoles

Adopté

Article 3 bis (nouveau)

Mme DESEYNE

6 rect. ter

Suppression de l'article

Rejeté

M. HENNO

8 rect. bis

Suppression de l'article

Rejeté

Mme BILLON

29 rect. sexies

Suppression de l'article

Rejeté

M. KERN

55 rect. bis

Suppression de l'article

Rejeté

M. PRINCE

112

Suppression de l'article

Rejeté

M. WATTEBLED

126 rect.

Suppression de l'article

Rejeté

Mme LOISIER, rapporteure

142

Demande de rapport au Gouvernement sur sa politique de contrôle des pratiques déloyales en matière d'affichage de l'origine des produits alimentaires

Adopté

M. BONNE

7 rect.

Dérogation à l'interdiction d'affichage des logos représentatifs de la France lorsque l'origine de l'ingrédient principal est indiquée

Satisfait ou sans objet

Mme NOËL

11 rect.

Exclusion des ingrédients difficiles à trouver en France du champ d'application de cet article

Satisfait ou sans objet

M. TABAROT

96

Exclusion des ingrédients indisponibles en France du champ d'application de cet article

Satisfait ou sans objet

M. PRINCE

113

Exclusion des ingrédients dont l'origine française est difficile à garantir du champ d'application de cet article

Satisfait ou sans objet

M. WATTEBLED

127 rect.

Dérogation à l'interdiction d'apposer un symbole représentatif de la France en cas d'adjonction d'une indication relative à la provenance des ingrédients primaires

Satisfait ou sans objet

Article 4

Mme LOISIER, rapporteure

143

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Adopté

M. DUFFOURG

16 rect.

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

120

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

119

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

M. MENONVILLE

79 rect. bis

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

M. TABAROT

95

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

M. LOUAULT

111 rect.

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

M. LABBÉ

118

Affichage de la différence d'origine entre celle du produit alimentaire et celle de ses ingrédients principaux lorsqu'elle existe

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 4

M. DUPLOMB

42 rect.

Report à 2026 de l'interdiction d'apposer des étiquettes sur les fruits et légumes

Irrecevable (48-3)

Article 5

Mme LOISIER, rapporteure

144

Coordination juridique

Adopté

M. DUPLOMB

43 rect.

Exclusion des fruits et légumes frais de la réglementation relative aux opérations de dégagement

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 5

M. CADEC

10 rect.

Inclusion des stocks pêchés par des navires appartenant à des segments à l'équilibre parmi les produits dits de qualité devant être servis dans les restaurants collectifs

Irrecevable (48-3)

Article 6

Mme NOËL

22 rect.

Entrée en vigueur de la contractualisation écrite dès la promulgation de la loi

Rejeté

M. de NICOLAY

54 rect. bis

Entrée en vigueur de la contractualisation écrite dès la promulgation de la loi

Rejeté

M. CANÉVET

68

Entrée en vigueur de la contractualisation écrite dès la promulgation de la loi

Rejeté

Mme DURANTON

72

Entrée en vigueur de la contractualisation écrite dès la promulgation de la loi

Rejeté

M. MENONVILLE

78 rect. bis

Entrée en vigueur de la contractualisation écrite dès la promulgation de la loi

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

103 rect.

Entrée en vigueur de la contractualisation écrite dès la promulgation de la loi

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 59 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 60 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 61 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 62 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 15 septembre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 718 (2020-2021) visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

Elle a considéré que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :

- aux modalités de vente des produits agricoles et aux modalités de la généralisation de la contractualisation écrite dans ce secteur ainsi qu'aux possibilités de dérogation à cette règle ;

- aux modalités de détermination et de révision du prix fixé dans les contrats écrits de vente de produits agricoles ainsi qu'à la prise en compte d'indicateurs de référence dans l'élaboration de ce prix et de sa révision ;

- aux modalités d'élaboration et de publication des indicateurs de référence dans le secteur agricole ;

- aux modalités de fixation de bornes entre lesquelles le prix d'un contrat de vente de produits agricoles peut fluctuer ;

- au contenu des conditions générales de vente, relatives aux produits alimentaires, transmises par le fournisseur au distributeur et aux modalités d'attestation dudit contenu ;

- aux conditions de négociation du tarif du fournisseur mentionné dans ses conditions générales de vente ;

- au contenu de la convention écrite formalisant, à l'issue des négociations commerciales, l'ensemble des obligations auxquelles se sont engagées les parties ;

- à la non-négociabilité de la part des matières premières agricoles dans le tarif du fournisseur ;

- aux modalités de détermination et de révision du prix fixé dans les contrats entre un fournisseur de produits alimentaires et un acheteur ;

- aux modalités d'encadrement des contrats portant sur des produits alimentaires vendus sous marque de distributeur en ce qu'elles permettent d'assurer une plus grande protection de la rémunération des agriculteurs ;

- aux engagements contractuels entre un fournisseur et un distributeur et aux modalités de résolution des litiges qui les opposent en la matière ;

- au seuil de revente à perte des produits alimentaires ;

- à l'information du consommateur en matière de rémunération des producteurs des produits agricoles qu'il consomme et d'information de l'origine des produits agricoles et des ingrédients primaires qui les composent ;

- à la médiation des relations commerciales agricoles et à la composition et aux pouvoirs des instances chargées de régler les différends pouvant naître lors de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat de vente d'un produit agricole ;

- au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires ;

- aux opérations de dégagement relatives aux produits agricoles ou de première transformation ;

- aux dates d'entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition de loi.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 15 juillet 2021

- Coordination rurale : M. Damien BRUNELLE , premier vice-président.

- Association des entreprises de produits alimentaires élaborés : M. Jérôme FOUCAULT , président, M. Christian DIVIN , directeur général, M. Nicolas PENANHOAT , directeur des affaires économiques.

- Fédération du commerce et de la distribution : M. Jacques CREYSSEL , délégué général, Mme Layla RAHHOU , directrice des affaires publiques, M. Hugues BEYLER , directeur agriculture, Mme Sophie AMOROS , chargée de mission affaires publiques et communication, M. Jacques DAVY , directeur juridique et fiscal en charge du comité urbanisme.

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles : M. Patrick BÉNÉZIT , secrétaire général adjoint, M. Guillaume LIDON , responsable des affaires publiques.

Lundi 19 juillet 2021

- Fédération nationale des producteurs de lait : M. Thierry ROQUEFEUIL , président, Mme Marine COLLI , chargée des relations institutionnelles, Mme Solenne LEVRON , chargée de mission, M. Jean-Manuel VIGNAU , chargé de mission.

- Fédération nationale bovine : M. Bruno DUFAYET , président, Mme Marine COLLI , chargée des relations institutionnelles.

- Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais : M. Louis ORENGA , directeur général, M. Daniel SAUVAITRE , co-président de la commission Économie, M. Jeff MAHINTACH , co-président de la commission Économie, M. Raphaël ZARADER , associé co-fondateur.

Mardi 20 juillet 2021

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : Mme Virginie BEAUMEUNIER , directrice générale, M. Guillaume DAIEFF , sous-directeur de la concurrence, de la consommation et des affaires juridiques, Mme Anne-Sophie CORBE , inspectrice de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, rédactrice au sein du bureau 4D « Marchés des produits d'origine animale et de l'alimentation animale ».

- Institut de liaison des entreprises de consommation : M. Richard PANQUIAULT , directeur général, M. Daniel DIOT , secrétaire général.

- Association des Centres Distributeurs - E. Leclerc : M. Michel-Édouard LECLERC , président-directeur général, M. Philippe MICHAUD , co-président, M. Alexandre TUAILLON , chargé de mission auprès du président.

Mercredi 21 juillet 2021

- Association nationale des industries alimentaires : M. Jean-Philippe ANDRÉ , président, Mme Catherine CHAPALAIN , directrice générale, Mme Marie BUISSON , responsable juridique, M. Jean-Paul TORRIS , administrateur.

- Fédération des entreprises et entrepreneurs de France : M. Dominique AMIRAULT , président, M. Jean-Pierre BLANC , directeur général et administrateur, Mme Diane AUBERT , directrice de cabinet.

Jeudi 22 juillet 2021

- Intercéréales : M. Jean-François LOISEAU , président, Mme Cécile ADDA , responsable durabilité, Mme Salomé AHERFI , relations institutionnelles.

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : M. Francis AMAND , médiateur des relations commerciales agricoles.

- La Coopération agricole : M. Dominique CHARGÉ , président, M. Thibault BUSSONNIÈRE , responsable des affaires publiques.

Vendredi 30 juillet 2021

- Confédération paysanne : M. Denis PERREAU , secrétaire national.

- Jeunes Agriculteurs : M. Guillaume CABOT , vice-président, M. Guillaume DEFRAITEUR , conseiller en charge des productions animales et des négociations commerciales.

- Groupement Les Mousquetaires : M. Frédéric THUILLIER , secrétaire général, M. Gwenn VAN OOTEGHEM , directeur commercial Intermarché et Netto.

Mardi 31 août 2021

- M. Serge PAPIN .

- Assemblée nationale : M. Grégory BESSON-MOREAU , député.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

- Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA)

- La Coopération agricole

- DGCCRF

- Fédération des entreprises et entrepreneurs de France

- Fédération du commerce et de la distribution

- Fédération nationale bovine

- Fédération nationale des producteurs de lait

- FNSEA

- Institut de liaisons des entreprises de consommation (ILEC)

- Intercéréales

- Jeunes agriculteurs

- Les Mousquetaires

- Médiateur des relations commerciales agricoles

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation

- Syndicat national des brasseurs indépendants

- UFC Que choisir

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-718.html


* 1 Rapport d'information n° 89, « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas », Rapport d'information n° 451, « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse », groupe de suivi sur les États généraux de l'alimentation, groupe d'études « Élevage », groupe d'études « Agriculture et alimentation », etc.

* 2 L'article 2 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale ne s'applique qu'aux matières premières agricoles qui entrent dans la composition d'un produit alimentaire pour plus de 25 % de son volume.

* 3 Commission d'examen des pratiques commerciales, « Recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur (MDD) ».

* 4 Environ 30 % des volumes sont couverts par une contractualisation écrite volontaire. Ce pourcentage atteint 100 % dans le cas des viandes en label rouge, mais ces dernières ne représentant que 3 à 5 % du volume total de viande bovine.

* 5 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

* 6 Ces indicateurs sont diversement pris en compte selon l'orientation de la collecte. Ils sont habituellement pris en compte pour un certain pourcentage sur la partie de la collecte destinée à la France (souvent de l'ordre de la moitié de la collecte). Pour la partie export, il s'agit plus souvent de l'indicateur lié au prix du lait allemand (de l'ordre de 40 % pour les gros faiseurs) et le reste sur la base du prix international beurre/poudre. La combinaison de ces indicateurs affectés à leur part du total collecté, constitue la « formule de prix ».

* 7 Par exemple : CNIEL (lait de vache), l'ANICAP (lait de chèvre), INTERBEV (ovins et bovins), INAPORC (porcins), ANVOL (volaille de chair), INTERFEL (fruits et légumes frais), ANIFELT (fruits et légumes transformés), GIPT (pomme de terre fécule et transformée), Intercéréales (céréales), Terres Univia (huiles et protéines végétales).

* 8 Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

* 9 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives (art. 84).

* 10 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (art. 125) et loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (art. 15).

* 11 Ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne (art. 2).

* 12 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (art. 94).

* 13 Décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur laitier et décret n° 2020-960 du 31 juillet 2020 relatif à l'obligation de conclure des contrats de vente écrits pour la vente de lait de vache cru. L'obligation de contractualisation est désormais codifiée à l'article R. 631-7 du CRPM.

* 14 Arrêté du 18 décembre 2019 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel de l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV) du 22 mai 2019 définissant les règles de contractualisation en label rouge « Gros bovins de boucherie ».

* 15 Arrêté du 26 juillet 2021 relatif à l'extension de l'accord interprofessionnel conclu dans le cadre de l'Association nationale interprofessionnelle caprine (ANICAP) rendant obligatoire la contractualisation écrite dans le secteur du lait cru de chèvre.

* 16 Décret n° 2019-310 du 11 avril 2019 portant abrogation des dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives aux contrats de vente de fruits et légumes frais.

* 17 Les fruits et légumes frais constituent des productions périssables dont l'offre et la demande peuvent être particulièrement sensibles aux aléas météorologiques, rendant plus difficile l'engagement des parties sur une durée pluriannuelle. Dans ce cadre le caractère obligatoire et pluriannuel de la contractualisation ne permettrait pas de prendre en compte, par exemple, des aléas de production nécessitant de mettre en place en quelques jours des débouchés nouveaux sur des périodes courtes. Par ailleurs, certaines filières utilisent d'autres modes de relations commerciales comme les marchés à terme pour les céréales ou les oléoprotéagineux, qui impliquent d'autres modalités contractuelles tout en permettant également de donner une visibilité aux producteurs. Enfin, il demeure dans certains secteurs comme la viande bovine des habitudes de fonctionnement qui privilégient les accords oraux et la « cueillette » d'animaux dans les fermes sur des bases ponctuelles.

* 18 Ces dispositions ne sont toutefois applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins dont ils résultent, en application du dernier alinéa du III de l'article L. 631-24-2. Cette dérogation est justifiée par le fait qu'au sein de la filière viticole, les opérateurs font face à une pluralité d'opérateurs commerciaux et à une production ponctuelle dont les quantités et qualités varient d'une année à l'autre. En raison de cette spécificité, de nombreuses transactions quasi immédiates sont effectuées entre les producteurs et les acheteurs, notamment à l'occasion d'achat de vendanges durant la récolte.

* 19 C'est le choix fait par l'association nationale interprofessionnelle caprine dans l'accord interprofessionnel rendant obligatoire la contractualisation écrite dans le secteur du lait cru de chèvre.

* 20 Cf. commentaire de l'article 1 er .

* 21 Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, prise sur le fondement de l'article 17 de la loi Egalim de 2018.

* 22 La liste des produits concernés figure à l'article D. 441-3 du code de commerce. Elle comprend, par exemple, la catégorie des bovins, veaux, porcs, volailles, lapins, lait, oeufs, ou encore les saucisses fraîches et viandes hachées.

* 23 Art. L. 631-28 du CRPM.

* 24 Le terme « clause de prix des contrats de vente » regroupe la clause relative au prix et aux modalités de révision automatique, à la hausse ou à la baisse, de ce prix, créée par l'article 1 er de la présente proposition de loi, ainsi que, le cas échéant, la clause relative aux critères et modalités de détermination du prix. Ces clauses sont définies au 1° du III de l'article L. 631-24 du CRPM.

* 25 Art. L. 682-1 du CRPM.

* 26 https://cniel-infos.com/LT943111-indicateurs-economiques

* 27 Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

* 28 Les autres chapitres du titre IV sont relatifs aux pratiques commerciales déloyales entre entreprises (chapitre 2) et aux dispositions spécifiques aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (chapitre 3).

* 29 Art. L. 441-1 du code de commerce. Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s'effectue par tout moyen constituant un support durable.

* 30 Les PGC sont définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation. Ils sont listés à l'article D. 441-9 du code de commerce.

* 31 Art. L. 441-4 du code de commerce.

* 32 Art. L. 441-3 du code de commerce.

* 33 Art. L. 441-7 du code de commerce.

* 34 Art. L. 443-4 du code de commerce.

* 35 Un exemple de CGV qui satisfait à l'obligation d'explicitation : dans le cas d'un producteur d'oeufs, le fait de faire référence à l'indicateur mensuel de l'ITAVI poule pondeuse pour les gammes de produits d'oeufs de poules élevées en cage, d'indiquer que le prix de production sortie d'usine d'une tonne d'aliment des poules pondeuses est le résultat d'un produit entre cet indice ITAVI et un coefficient, et d'indiquer, à chaque évolution positive de 10 € par tonne d'aliment, l'incidence sur le prix de revient pour 100 oeufs.

* 36 IV de l'article L. 441-4 du code de commerce.

* 37 Sauf les fournisseurs produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture, figurant sur une liste établie par décret.

* 38 Art. L. 442-1 du code de commerce.

* 39 Rapport n° 2268 fait au nom de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs.

* 40 Art. R. 412-47 du code de la consommation.

* 41 Avis n° 18-9 relatif à une demande d'avis d'un professionnel portant sur la légalité d'une pratique mise en oeuvre dans le cadre de l'achat de produits MDD.

* 42 « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas », Rapport d'information de MM. Daniel GREMILLET, Michel RAISON et Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 89 (2019-2020) - 30 octobre 2019.

* 43 Recommandation n° 20-2 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de contrats portant sur des produits à marque de distributeur.

* 44 Art. L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

* 45 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

* 46 Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

* 47 Assemblée nationale, rapport n° 2268 fait au nom de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs.

* 48 Art. L. 441-1 du code de commerce.

* 49 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 50 Article créé par l'article 2 de la présente proposition de loi, cf. commentaire d'article y afférant.

* 51 Loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales.

* 52 Loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963.

* 53 Ordonnance n° 2018-1128 du 12décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.

* 54 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

* 55 Rapport d'information n° 89 fait au nom de la commission des affaires économiques dressant un bilan du titre Ier de la loi Egalim un an après sa promulgation, Par MM. Daniel Gremillet, Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier.

* 56 Rapport d'information de MM. Daniel GREMILLET, Michel RAISON et Mme Anne-Catherine LOISIER, fait au nom de la commission des affaires économiques, « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas », n° 89 (2019-2020), octobre 2019.

* 57 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 58 Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires

* 59 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 60 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 61 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 62 . Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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