Mardi 21 mai 2019

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé - Examen du rapport pour avis

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Comme la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi sur l'organisation et la transformation du système de santé. Notre rapporteur s'exprimera demain en notre nom devant la commission des affaires sociales.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis. - Alors que le projet de loi comptait 23 articles, le texte qui nous arrive de l'Assemblée nationale en comporte 73, dont sept au moins concernent notre commission, au titre de ses compétences en matière d'enseignement supérieur et de recherche. Toutefois, compte tenu du temps qui m'était imparti, j'ai centré mon rapport sur la réforme des études de santé proposée par le Gouvernement, c'est-à-dire sur les deux premiers articles.

Cette réforme a été annoncée par le Président de la République dans son discours de septembre 2018, dans lequel il a déclaré : « le numerus clausus sera donc supprimé pour cesser d'entretenir une rareté artificielle » et « dès la rentrée 2020, il n'y aura plus de concours à la fin de la première année, c'est-à-dire plus de Paces, cet acronyme synonyme d'échec pour tant de jeunes ». Ces orientations ont été confirmées dans le plan « Ma Santé 2022 » de Mmes Vidal et Buzyn, et font l'objet de l'article 1er du projet de loi.

La création de la première année commune d'accès aux études de santé (Paces) remonte à 2010. Avant de la vouer aux gémonies, souvenons-nous qu'elle présente quelques avantages : en principe équitable, peu coûteuse, elle a constitué une filière d'excellence au sein de l'Université. Ces avantages sont toutefois largement compensés par des inconvénients nombreux et lourds. Avec son taux d'échec de 77 %, le système détruit de nombreux jeunes, pourtant excellents bacheliers, qui se retrouvent en échec, perdent confiance en eux, voire encourent des risques psycho-sociaux.

Si l'on suit 1 000 primo-entrants en Paces, on constate qu'un an plus tard, 120 d'entre eux ont réussi le concours, dont 87 en médecine. Presque 500 choisissent de retenter leur chance. Et deux petits quarts décident de jeter l'éponge et de se réorienter : 221 vers d'autres parcours universitaires, 206 en dehors de l'Université. Sur les 453 redoublants, une petite moitié va finalement réussir, dont 115 en médecine, mais l'autre moitié va se réorienter au bout de cette deuxième année de préparation qui a abouti à un nouvel échec. Bref, deux tiers des primo-entrants finissent par échouer à la Paces, en ayant perdu une voire deux années d'études. Et, sur les 1 000 candidats, à peine 200 intègrent les études de médecine.

De plus, le coût de la Paces pour les familles est lourd - et explique aussi l'autocensure de certains bacheliers à l'égard des études de santé. En somme, c'est un système inefficace en termes de diplômation, et cela a un coût pour la Nation. Enfin, l'année de Paces n'est pas une année très intéressante, tant du point de vue des contenus enseignés, orientés davantage vers la sélection que vers la formation, que des conditions d'études : amphithéâtres surchargés, cours en vidéo-conférences, polycopiés, quasi absence de travaux dirigés, bachotage...

On aboutit à ne sélectionner à l'entrée des études médicales qu'un seul profil. Le lauréat-type est un bachelier S : 90 % des étudiants de Paces ont un bac S, et tous les autres bacheliers ont des chances de réussir inférieures à 3 % même avec redoublement. Il est titulaire d'une mention « très bien » : les trois quarts des bacheliers S avec mention « très bien » passent en deuxième année des études de médecine, dont la moitié sans redoubler, alors que les bacheliers S avec mention « assez bien » ne sont que 3,7 % à accéder en deuxième année sans redoubler. Il est issu des classes sociales les plus favorisées : 4 étudiants sur 10 en sont issus et les études DE santé sont parmi les formations les plus clivées socialement, juste derrière les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Parmi les inscrits de première année de Paces, un enfant de cadre a 2,5 fois plus de chance d'intégrer médecine qu'un enfant d'ouvrier. Je n'ai pas réussi à obtenir de statistiques sur la provenance géographique des inscrits et des lauréats, mais tout laisse supposer une forte prédominance des milieux urbains.

Une première solution intéressante a été développée pour que des étudiants qui n'ont pas d'université à composante santé de proximité accèdent plus facilement à cette formation : la création d'antennes Paces, qui permettent de suivre les cours de Paces à distance grâce à leur diffusion vidéo. Alors qu'il existe aujourd'hui 34 Paces sur le territoire, on compte 70 antennes Paces.

La loi « enseignement supérieur et recherche » (ESR) de 2013 a ensuite instauré deux mécanismes d'expérimentations pour diversifier les profils recrutés et construire des parcours de formation de réussite, que la loi « orientation et réussite des étudiants » (ORE) a prolongés et étendus. Sur les 34 universités à composante santé, 24 sont aujourd'hui expérimentatrices.

Il s'agit de l'AlterPaces, expérimentée dans 16 universités et qui permet à des étudiants ayant validé entre une et trois années de licence dans un autre domaine d'être admis directement en deuxième ou troisième année des études de santé, selon un quota défini par l'université, et qui s'impute sur son numerus clausus. Ce dispositif n'a pas rencontré un très grand succès, puisque seules 15 % des places offertes ont été pourvues en 2016-2017, notamment en raison d'un manque de communication. Mais les étudiants recrutés par ces passerelles sont souvent les meilleurs et les plus motivés ensuite dans les formations en santé.

Autre dispositif expérimental, le PluriPass, mis en place depuis 2015 à l'Université d'Angers, dont nous avons auditionné le Président, permet aux étudiants d'accéder aux études médicales ainsi qu'à une quinzaine de licences ou à des écoles d'ingénieurs, et donc inscrit tous les étudiants dans un parcours de réussite. Cela a permis d'inverser le ratio échec-réussite : 72 % des étudiants de PluriPass réussissent leur année. Par ailleurs, cette université a expérimenté de nouvelles modalités d'examen avec l'introduction d'épreuves orales, pour contourner ou compléter le questionnaire à choix multiples (QCM).

Le mécanisme de la Paces adaptée, que nous avions introduit dans la loi ORE à mon initiative, est expérimenté depuis la rentrée 2018 par trois universités parisiennes et par l'université de Brest. Il donne deux chances d'admission dans les études médicales sans redoublement et permet une poursuite d'études dans une pluralité de parcours de licence.

S'appuyant sur ces expérimentations plutôt réussies, le Gouvernement nous propose un dispositif rénové permettant la diversification des profits et la construction de parcours de réussite. L'article 1er ne donne qu'un cadre très général à cette nouvelle organisation et l'essentiel des dispositions fera l'objet d'un décret et d'un arrêté en cours de préparation.

La Paces disparaîtrait pour être remplacée par des licences comportant soit une majeure santé - c'est ce qu'on appelle les « Portails Santé », qui seront certainement la transformation des anciennes Paces - soit une mineure santé, comme par exemple « droit et santé », « biologie et santé », etc. Ces mineures santé pourraient être proposées dans toutes les universités, même celles qui ne comportent pas de composante santé, et les antennes Paces actuelles devraient tout naturellement se transformer en mineures santé. L'accès en deuxième ou troisième année des études médicales pourrait se faire soit via une majeure soit via une mineure. L'avantage de cette organisation est qu'elle conduit, même en cas d'échec au concours, à une poursuite organisée d'études. Le concours serait transformé pour sortir du « tout QCM » et comporter également des épreuves rédactionnelles et orales, au moins au stade de l'admission.

Cette réforme de l'entrée dans les études de santé devrait concerner les étudiants qui rejoindront l'Université à la rentrée de septembre 2020. Les nouvelles maquettes de formation devront donc être publiées sur Parcoursup dès novembre prochain. Globalement, cette réforme fait l'objet d'un assez large consensus, que nous avons pu mesurer au cours de nos auditions.

Pour qu'elle réussisse, il faudra d'abord que l'information auprès des lycéens et de leurs familles soit bien faite, sur Parcoursup mais aussi dans les lycées. Le nouveau dispositif, qui laisse beaucoup d'autonomie aux universités dans leurs choix d'organisation, sera nécessairement plus complexe que la Paces actuelle. Par ailleurs, et c'est une bonne chose, il obligera les lycéens à se demander dès avant l'entrée à l'Université quelles études ils ont envie de suivre si ils ne réussissent pas à intégrer les études de santé, et quel métier ils souhaitent exercer s'ils ne deviennent pas médecin, dentiste, sage-femme ou pharmacien. L'effort d'orientation devra également se faire au sein des universités pour continuer à orienter les étudiants après un ou deux échecs à l'entrée des études de santé.

Si c'est une Paces qu'on recrée sous le nom de « Portail Santé », on n'aura pas beaucoup avancé ! Il faut donc garantir la diversité des voies d'accès aux études de santé. Pour cela, il faut que le Portail Santé ne préempte pas toutes les places au concours - le rapport du Professeur Saint-André proposait qu'un maximum de 60 % des places soit fléché vers les Portails Santé - et que les universités proposent une offre réelle de mineures santé.

La question des moyens accordés aux universités pour faire cette transformation se pose également. Le Gouvernement met en avant une économie de 55 millions d'euros liée à la disparition des redoublements en Paces. Mais, à court terme et à titre transitoire, la transformation de places de Paces en places de majeures ou mineures sera nécessairement coûteuse : une place de Paces coûte environ 2 000 € par étudiant et par an, soit deux fois moins qu'une place de licence - à multiplier par 57 000 étudiants chaque année. Il y aura aussi des augmentations de coût pérennes liées aux nouvelles épreuves du concours : le « tout QCM » était particulièrement économique ! Nous n'avons pas obtenu de chiffrage précis de la part du ministère, mais Mme Vidal a annoncé la semaine dernière lors de son audition par la commission des affaires sociales que « les moyens nécessaires à la transition seront mis à la disposition des universités ».

Je vous proposerai trois amendements relatifs à l'entrée dans le premier cycle des études de santé. Les deux premiers garantissent la diversité des voies d'accès. Le troisième repousse d'un an l'entrée en vigueur de la réforme, car les universités vont devoir être prêtes pour novembre prochain et l'ouverture de Parcoursup. Or le risque est grand, dans ce temps contraint, qu'elles se contentent de re-labelliser leur Paces en Portail Santé et remettent à plus tard une réflexion de plus grande ampleur sur leurs maquettes de formation. Ce serait très dommageable pour la bonne compréhension de la réforme et nous partirions sur de mauvaises bases. De plus, un décalage d'un an ferait coïncider le calendrier de la réforme du baccalauréat avec celui de la présente réforme.

Le Président de la République a annoncé la suppression du numerus clausus. Cela pourrait laisser penser que l'entrée dans les études médicales serait désormais libre et ouverte à tous ... Tel ne sera pas le cas - heureusement. Les capacités de formation en deuxième et troisième années des études de santé seront déterminées par les universités. Pour ce faire, ces dernières devront prendre en compte des objectifs pluriannuels d'admission en deuxième cycle qu'elles fixeront sur avis conforme des agences régionales de santé (ARS) et qui devront tenir compte des objectifs nationaux pluriannuels de l'État. Bref, l'État garde largement la main sur le nombre de places offertes aux concours d'entrée en deuxième et troisième années des études de santé.

Le principal obstacle à une augmentation du numerus clausus est d'abord constitué par les capacités de formation de nos universités et de nos centres hospitaliers universitaires (CHU) ! Les ministres ont d'ailleurs annoncé une augmentation transitoire du nombre de places du concours de l'ordre de 20 %, pour que les étudiants qui sont à cheval sur l'entrée en vigueur de la réforme ne subissent pas de perte de chances, mais cette augmentation transitoire du numerus clausus pourrait s'avérer très difficile à mettre en place. Les doyens de chirurgie dentaire, par exemple, sont extrêmement inquiets car leurs plateaux techniques ne sont pas extensibles. Les terrains de stage et le nombre de maîtres de stages sont aussi des éléments limitants pour l'accueil et la formation d'étudiants supplémentaires.

Faut-il regretter que l'on ne supprime pas réellement le numerus clausus ? Je ne le pense pas. D'une part, il me semble indispensable de conserver une sélection rigoureuse de nos futurs professionnels de santé. Il me semble également légitime que l'État conserve la main sur les effectifs de formation des médecins, à condition de bien les gérer. La gestion du numerus clausus entre le milieu des années 1970 et le début des années 2000 comme moyen de régulation des dépenses de santé est largement responsable des pénuries médicales que nous connaissons. Mais le numerus clausus a été significativement desserré depuis le début des années 2000 : les jeunes professionnels, qu'il faut entre neuf et douze ans pour former, arrivent progressivement sur le terrain. La France souffre peut-être d'un relatif manque de médecins - 310 pour 100 000 habitants contre 370 en moyenne dans l'Union européenne - mais surtout d'une très inégale répartition de ceux-ci sur le territoire. Et ce n'est pas en supprimant ou en desserrant le numerus clausus que nous apporterons une réponse efficace à la question des déserts médicaux.

L'article 2 porte sur la réforme de l'entrée en troisième cycle des études de médecine. Le Gouvernement nous propose de supprimer les épreuves classantes nationales (ECN), qui polarisaient toute la dernière année d'études du deuxième cycle en un bachotage digne de la Paces. Par ailleurs, à l'issue de ces ECN, tous les candidats sont classés et c'est le classement qui décide de votre spécialité.

Le dispositif proposé prévoit toujours des épreuves, qui valoriseront non seulement les connaissances mais aussi les compétences des étudiants. Faute d'une note minimale, l'accès en troisième cycle ne sera pas permis. Quant à l'affectation sur les postes offerts à l'internat, il ne dépendra plus des seuls résultats aux épreuves. Devront également être pris en compte le parcours de formation et le projet professionnel du candidat. Cette nouvelle organisation devrait valoriser certains éléments du parcours de l'étudiant comme un diplôme supplémentaire, une expérience internationale, un stage dans un bloc opératoire spécialisé, etc. L'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, prévue dans le texte pour la rentrée universitaire de 2020, pourrait être décalée à 2021 pour permettre aux universités de revoir tout le deuxième cycle et de mieux préparer leurs étudiants aux nouvelles modalités d'entrée en troisième cycle.

Je suis globalement favorable à la réforme de l'entrée en troisième cycle qui nous est ainsi proposée dans ses grandes lignes. Car ici, comme pour l'article 1er, beaucoup est renvoyé à des textes réglementaires.

Au-delà de la question de l'accès en premier ou en troisième cycle, ce projet de loi est l'occasion de nous interroger plus globalement sur l'organisation de nos études de santé en général et de médecine en particulier. Je vous proposerai quelques amendements. L'un prévoit que l'organisation des études de santé doit aussi contribuer à la répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire ; car, au-delà de cinq années loin de chez lui, les chances que l'étudiant revienne s'installer là où il avait passé son bac s'amenuisent drastiquement. C'est pourquoi je suis un féroce défenseur du développement de mineures santé dans les universités de proximité, ainsi qu'au développement des stages en zones sous-denses, pour permettre le cas échéant à ces jeunes de revenir en stage sur leur territoire d'origine et d'y construire un projet professionnel. Cet amendement est commun avec Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire.

Un autre amendement, plus technique, garantit la possibilité de changer d'université entre le premier et le deuxième cycle.

Mon troisième amendement propose une nouvelle rédaction pour faire passer, dans le texte du code de l'éducation, la référence à la pratique hospitalière après les questions de découverte de la diversité des modes d'exercice et des territoires. Symboliquement, c'est important.

Deux amendements favorisent les stages en zones sous-denses, sans pour autant les rendre obligatoires, car j'ai conscience que ce serait très difficile voire impossible à réaliser compte tenu du manque actuel de maîtres de stage. Ces amendements ont également été rédigés en commun avec Jean-François Longeot.

Enfin, deux amendements favorisent la participation des étudiants en médecine à des programmes d'échanges internationaux - totalement sous-développés actuellement.

Je remercie celles et ceux d'entre vous qui ont participé aux auditions que nous avons organisées, en cette période chargée pour notre commission.

M. Pierre Ouzoulias. - Merci pour la qualité de ce rapport, que je partage entièrement. Le bilan est dramatique. Ma fille a vécu la Paces : c'est une épreuve familiale lourde ! Elle s'en est sortie à peu près indemne et sans addiction, mais ce système broie les enfants et génère chez eux des dépendances à des formes de travail qui sont préjudiciables par la suite, et dont il leur faut plusieurs années pour s'affranchir. Cela ne sert personne, puisque c'est, comme vous l'avez dit, un échec individuel, social et pédagogique : le contenu de la Paces, vouée à la sélection, ne laisse guère de trace.

Il sera nécessaire que cette réforme soit accompagnée par des moyens suffisants. Or les deux ministères de tutelle font le pari que les économies dégagées par la diminution du nombre de redoublements permettront de renforcer l'accompagnement ailleurs. Comme vous, ce calcul économique me laisse perplexe. L'exemple de la loi ORE montre bien que, un an après, le dispositif « oui, mais » n'a pas été mis en oeuvre partout. Nous devons favoriser des profils autres que les mathématiciens : pendant longtemps, les médecins étaient surtout des forts en thème. Il faut introduire des sciences humaines en plus large proportion.

M. Stéphane Piednoir. - Merci pour les auditions intéressantes que nous avons eues, malgré un agenda chargé : étudiants, professionnels, universitaires... Je partage votre constat sur le fait que le mode d'évaluation est aberrant. Le tout QCM - que j'ai eu également l'occasion de tester dans ma famille - répond uniquement à une logique de sélection parmi un grand nombre de candidats. Comme professeur principal en Terminale, j'ai vu l'attractivité de ces études pour les élèves scientifiques. Je ne suis pas d'accord avec Pierre Ouzoulias sur le fait que les étudiants ne retiennent rien de leur première année. Il leur reste tout de même une base de connaissances. Mais ce système est trop monolithique sans doute, il ne serait pas mauvais d'introduire d'autres disciplines. Est-ce, pour autant, une machine à produire de l'échec ? Il me semble que cette caractéristique est inhérente à toute filière sélective, et que la sélection est indispensable pour dégager une élite. Or nous voulons tous ici disposer de médecins aussi compétents que possible. On retrouve d'ailleurs ces caractéristiques en CPGE. Pas question de brader la qualité de nos médecins !

Pour autant, je partage l'objectif de ne pas faire perdre une année aux étudiants. Le président de l'université d'Angers, avec PluriPass, a introduit d'autres matières dans la formation, ce qui aide les étudiants dans leur réorientation vers des études de kinésithérapie, de pharmacie ou dans le secteur paramédical. Et, au lieu de s'inspirer d'expérimentations qui ont fait leurs preuves, on veut généraliser autre chose, qui ne marche pas ! C'est regrettable.

Je ne partage pas vos conclusions sur le fait que l'esprit de la réforme ferait consensus. Il y a des voix dissonantes, notamment parmi les étudiants. Et les lycéens sont inquiets de la tournure que prend leur accès aux études médicales. Quant à la petite musique qu'on entend régulièrement sur la diversification, je suis pour ma part opposé à l'idée de quotas. On nous dit que les étudiants en médecine ont un profil unique : bac S, mention « très bien »... Et on veut fixer, pour ce type de profil, un maximum de 60 % des places ! Voulons-nous que, dans notre pays, les très bons élèves s'excusent de réussir ? Je ne comprends pas cette logique. En imposant un quota de 40 % de places pour des étudiants titulaires d'autres licences, on va pousser les très bons élèves à modifier leur profil... On reproche aux profils scientifiques de manquer d'empathie. Faut-il ne pas avoir de formation scientifique pour en avoir ? À mon sens, les bases scientifiques sont essentielles pour exercer ce métier. Si les candidats ont arrêté les sciences depuis la troisième, pourront-ils être de bons médecins ?

Mme Mireille Jouve. - L'enjeu est majeur car de plus en plus de territoires manquent de médecins. Les étudiants ne veulent plus du modèle actuel de bachotage à outrance, qui nuit à l'attractivité de la filière. Ma fille a connu le premier cycle d'études médicales. Nous devons améliorer les choses - et aussi pour le concours de l'internat. Aussi le groupe RDSE accueille-t-il favorablement ces propositions, tout en regrettant une insuffisance: l'article 1er laisse une marge de manoeuvre non négligeable au pouvoir réglementaire.

Mme Sonia de la Provôté. - Cette loi porte une réforme majeure des métiers de la santé, dans le but de leur donner un nouveau souffle. La réforme de la Paces mettra un terme aux prépas payantes, qui revenaient à promouvoir une sélection sur critères sociaux. La diversité des profils s'améliorera, et nous mettrons un terme à la casse désastreuse de ceux qui ont loupé la Paces de très peu et qui voient quasiment la fin de leur vie arriver... Nous ne devons pas mettre nos jeunes dans de telles situations d'échec. Les étudiants qui ont le mieux réussi les QCM formeront-ils demain l'élite des médecins ? Je n'en crois rien.

M. Stéphane Piednoir. - Il faut revoir l'évaluation, sans doute...

Mme Sonia de la Provôté. - Ceux qui sortent de la Paces ne constituent pas une élite, dans la mesure où ils n'ont pas été sélectionnés sur les qualités d'un bon médecin. La preuve : combien choisissent d'aller sur le terrain et de mouiller leur chemise dans les territoires ruraux ? Pour cela, il faut aimer les gens et l'exercice médical, avoir un certain courage et vouloir promouvoir l'accès aux soins pour tous. Or nombre d'entre eux optent pour un exercice salarié de la médecine, mais pas dans le soin ! Sur les 310 médecins pour 100 000 habitants, peu sont sur le terrain. Il y a donc grand besoin de réformer ces études.

Quid du programme des mineures santé ? Et, pour l'internat, sans nombre minimal de personnes reçues, on reste dans un système de numerus clausus. Mais, plutôt qu'un critère numérique, il faudrait un critère qualitatif. C'est la sécurité sociale qui a cherché à réduire le nombre de professionnels sur le terrain, avec l'objectif de réduire les dépenses sociales. Mais celles-ci sont vouées à croître compte tenu du vieillissement de la population et de l'accroissement de la qualité des prises en charge... Il faudra donc, de toute façon, des médecins sur le terrain.

Mme Samia Ghali. - Ce projet va révolutionner le monde de la médecine. J'ai aussi passé les épreuves, par procuration, avec mon fils : quelle angoisse ! Le numerus clausus fait de cette profession la seule qui oblige à entrer, pour ainsi dire, en religion...

M. Stéphane Piednoir. - Il y a aussi les CPGE.

Mme Samia Ghali. - Nous manquons de médecins. Il faut penser qualité plutôt que quantité, certes, mais nous devons tout de même faire venir des médecins étrangers qui, malgré leur niveau de qualification, sont sous-payés. Il y a un vrai problème, surtout que, dans le même temps, on ne propose rien aux étudiants qui ont échoué. Au fond, ce texte ne nous propose-t-il pas un numerus clausus déguisé ? Lorsqu'il y a de l'oral, il y a de la subjectivité. Cela m'inquiète. Au moins, les QCM étaient neutres. Et quid des écuries ? Vont-elles disparaître ? Quant aux moyens, seront-ils réellement donnés aux universités ? Laisserons-nous les doyens choisir le nombre de places ? Ce serait un numerus clausus, mais qui ne serait pas géré par l'État. Les études de médecine ne coûtent pas cher - elles rapportent même, à mon avis, aux hôpitaux, qui paient les internes cent euros par mois pour des gardes interminables, où ils sont souvent seuls. Si ce sont les doyens qui décident, il faudra peut-être changer de CHU, ce qui occasionnera des frais supplémentaires pour les familles. Et qui encadrera les étudiants ? C'est la question des maîtres de stage. 

Mme Colette Mélot. - Avec la désertification médicale, cette réforme est attendue, et ne pourra qu'améliorer l'existant. Comment préparer les étudiants à s'engager dans les territoires ruraux ? La formation doit faire émerger des mentalités les y engageant. Il faut aussi développer les stages en zones sous-denses et les expériences à l'étranger, devenues indispensables. Je suis donc favorable au rapport présenté.

M. Jacques Grosperrin. - La profession de santé qui a vu son effectif diminuer le plus est celle des médecins. On a cru que cela ferait baisser les dépenses de santé. Les ajustements, sur avis conformes des ARS, se feront-ils en fonction des territoires ? De la population ? De la taille de l'université ? Cela pourrait créer des effets d'aubaine pour les étudiants parisiens, par exemple. Sans formation sur les territoires, il n'y aura plus de médecins pour y exercer. Face au gâchis humain actuel, il fallait faire quelque chose. Mais il y a une lame de fond bourdieusienne : lutter contre la reproduction sociale est une chose, mais il faut continuer à sélectionner les meilleurs. Réformer le concours, oui ; réfléchir à Parcoursup, oui ; mais qu'une jeune fille de Terminale, excellente depuis le primaire, ne soit pas prise en Paces, alors que des élèves très moyennes le sont parce qu'elles sont boursières, cela choque. Et les femmes doivent pouvoir cumuler l'exercice de la médecine avec leur vie personnelle.

Mme Céline Brulin. - Tout le monde s'accorde sur le fait qu'il y a un immense gâchis. La répartition du numerus clausus est infernale, puisqu'il profite davantage à l'Île-de-France qu'aux territoires qui manquent de médecins. Comment se répartiront les postes ? J'ai vu comment l'ARS définissait le nombre de places ouvertes aux ECN : il y a des questions de capacité d'accueil, certes, mais il y a aussi de grands professeurs qui trouvent que leur spécialité est assez noble pour qu'on ne crée pas trop de postes... Et il me semble que, sur ce point, il n'y a pas tous les garde-fous nécessaires. Nous voulons tous d'excellents médecins, mais il faut réfléchir à l'hyper-sélection, qui aboutit à des inégalités sociales et territoriales. Si l'on recrute plus de médecins dans les quartiers populaires, ils iront peut-être plus volontiers exercer dans ces quartiers. Et l'hyper-sélection donne aux médecins, ensuite, un niveau d'exigence que tous les élus locaux connaissent : ils en ont bavé pendant dix ans...

Pourquoi n'avons-nous pas été saisis sur les équivalences données aux médecins formés à l'étranger ? Comment avance l'universitarisation des études de kinésithérapie ?

Mme Maryvonne Blondin. - Nous avons voté en 2008 la création de la Paces, en donnant la possibilité de la prolonger par une deuxième année de licence dans d'autres disciplines - nous partions du même constat. Cela n'a pas fonctionné. Il est important que les généralistes ouvrent des lieux de stage, tout comme les médecins scolaires. Parcoursup est ouvert depuis cette année aux instituts de formation en soins infirmiers et cela pose des problèmes.

M. Jean-Pierre Leleux. - La sélection en médecine est un débat ancien dans notre assemblée. Un médecin doit avoir un esprit ouvert : scientifique et littéraire. Et les personnes des quartiers populaires doivent pouvoir accéder à cette profession. Mais je suis très réservé sur les quotas et l'élaboration, par décret, d'un double portail d'accès.

M. Laurent Lafon, rapporteur. -- En réponse à Pierre Ouzoulias, je voudrais attirer votre attention sur un rapport scientifique fait par le docteur Marra qui a montré de manière assez claire le mal-être des étudiants de santé. C'est donc un problème avéré de manière scientifique.

Concernant le coût de la réforme, c'est un élément d'interrogation et il faudra être vigilant par la suite dans sa réalisation. On voit clairement à travers l'exemple de l'université d'Angers qui a initié le PluriPASS qu'il y a un coût et c'est une dimension qu'on ne peut pas occulter.

En réponse à la question de Stéphane Piednoir sur la sélection et le niveau scientifique attendu des étudiants en médecine, les professionnels de santé eux-mêmes portent ce souci de diversification. Il y a un nombre significatif d'étudiants en médecine qui ont réussi le Paces qui changent de parcours soit par abandon soit par réorientation. La sélection sur le seul niveau de connaissances n'est pas un gage de réussite sur toute la durée des études. Cette réforme, en essayant de sortir du tout QCM, propose une façon de tester la motivation de l'étudiant.

Concernant la notion d'élite, je comprends votre interrogation et elle est partagée. La réforme n'induit pas, comme nous l'ont exprimé les professionnels de santé que l'on a interrogés, une diminution du niveau. Les ministères concernés nous ont confirmé que les étudiants en mineures passeront des épreuves scientifiques. Dans le cadre des études de santé, il est aussi prévu un accompagnement des étudiants pour ceux qui viendront de voies autres que celles du Portail santé. Je pense qu'il y a un certain nombre de garanties qui sont apportées et une grande vigilance des universités médicales pour faire en sorte que le niveau scientifique ne baisse pas.

Dans la mesure où il y a deux voies d'accès prévues par la réforme il y aura obligatoirement un quota. La question est de savoir si ces quotas seront très orientés vers le Portail santé ou s'il y aura un équilibre plus marqué entre les mineures et le Portail santé. Il me semble que, plutôt que ces quotas soient uniquement décidés par un décret, il est important que les parlementaires se prononcent sur ce qu'ils souhaitent en la matière.

En réponse à Mireille Jouve concernant la faible visibilité de la réforme au travers du texte de loi, c'est vrai que ce texte renvoie à de nombreux décrets ce qu'on ne peut que regretter. Les amendements peuvent nous permettre de corriger le tir.

En réponse à Sonia de la Provôté sur le coût des études de médecine, je rappellerai que ces prépas privées pour la Paces coûtent entre 2 000 et 6 000 euros par an, ce qui constitue un élément socialement discriminant pour les familles.

Les dysfonctionnements actuels de la Paces ont abouti à un phénomène que l'on a tous constaté, un certain nombre d'étudiants français vont faire leurs études de médecine à l'étranger. Aujourd'hui 2 000 étudiants français font leurs études de médecine en Roumanie.

Je pense que la réforme conserve un numerus clausus, car on ne peut pas libérer complètement le nombre d'étudiants formés. Ce nouveau numerus clausus sera fixé par discussion au niveau local entre l'ARS et les universités tout en intégrant la vision pluriannuelle du ministère. Il y a donc un dialogue à trois qui s'instaure, on verra dans le temps comment cela se mettra en place concrètement.

En réponse à Jacques Grosperrin, je pense qu'il y a clairement un équilibre entre les besoins locaux et le nombre de médecins formés puisque le projet de loi dit explicitement que les nécessités locales seront prises en compte.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous en venons à l'examen des amendements.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-343 vise à redonner une dimension territoriale à la formation de professionnels de santé. C'est une préoccupation que nous partageons avec la commission de l'aménagement du territoire.

Mme Dominique Vérien. - Y-a-t-il un moyen de pousser les médecins à devenir maîtres de stage ?

M. Laurent Lafon, rapporteur. - Il y a d'abord une question de rémunération, le ministère fait un effort actuellement pour l'accroître. Il y avait également un blocage dans les textes qui disaient qu'un jeune médecin devait avoir une certaine expérience avant de pouvoir être maître de stage, ce verrou devrait être prochainement levé.

L'amendement COM.343 est adopté.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-344 vise à permettre à des étudiants de changer d'université entre le 1er cycle et le 2ème cycle.

L'amendement COM.344 est adopté.

L'amendement CULT-3 est lié à l'amendement CULT-4. Le premier vise à éviter que la voie royale ne se reconstitue et que le portail de santé ne redevienne la Paces avec les limites décrites plus tôt.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je m'opposerai à cet amendement, l'article n'est pas assez précis pour qu'on permette par décret de réaliser cette répartition de façon autoritaire entre les deux portails.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - Je rappelle que nous sommes saisis pour avis, la commission des affaires sociales étant saisie sur le fond. Le rapporteur de ladite commission m'a indiqué qu'il n'était pas opposé à cette diversification des voies et la voit même d'un assez bon oeil.

Les amendements CULT.3 et CULT.4 ne sont pas adoptés, le groupe socialiste et républicain ne prend pas part au vote.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-345 propose de décaler d'une année la mise en oeuvre de la réforme pour permettre une bonne appropriation par les universités et aussi une corrélation avec la réforme du bac.

Mme Dominique Vérien. - Décaler l'organisation de 2020 à 2021 décalera aussi le numerus clausus ?

M. Laurent Lafon, rapporteur. - Je ne crois pas que le problème se pose, il y a aujourd'hui une augmentation du numerus clausus.

Mme Dominique Vérien. - Aujourd'hui nous manquons de médecin, on ne peut pas reculer d'un an sur ce point.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - Je ne crois pas que décaler d'une année aura un impact car le mouvement d'augmentation du numerus clausus est lancé.

L'amendement COM.345 est adopté.

Article 2

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-346 vise à permettre les stages dans les zones sous dotées, où l'offre de soin est insuffisante, il s'agit d'un amendement commun avec la commission de l'aménagement du territoire. On ne peut l'imposer mais l'inciter, notamment en raison des difficultés liées au manque de maitres de stage.

L'amendement COM.346 est adopté.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-347 vise à inciter les étudiants en médecine à participer à des échanges internationaux.

Mme Samia Ghali. - Quand les français partent à l'étranger ils sont très accompagnés et bien accueillis. Le savoir-faire français est apprécié à l'étranger.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mais il faudrait aussi envisager de rendre obligatoire l'enseignement de l'anglais tout au long des études de médecine !

L'amendement COM.347 est adopté.

Article 2 bis (nouveau)

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-348 est un amendement rédactionnel.

L'amendement COM.348 est adopté.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-349 vise à permettre des stages en zones sous dotées en 2ème et en 3ème cycles des études médicales.

L'amendement COM.349 est adopté.

M. Laurent Lafon, rapporteur. - L'amendement COM-350 vise à offrir la possibilité de participer à des programmes d'échanges internationaux en 2ème et 3ème cycles des études médicales.

L'amendement COM.350 est adopté.

Mme Claudine Lepage. - Je suis favorable à ces échanges internationaux, mais je voudrais attirer l'attention de la commission sur le sort des jeunes médecins français, binationaux en général, qui ont fait leurs études secondaires et supérieures à l'étranger et dont la formation n'est pas reconnue en France tandis que leurs collègues qui ont le même diplôme étranger peuvent, dans certaines conditions, exercer ici. Je trouve qu'il s'agit là d'une grave injustice.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Comme c'est l'usage, je vous propose d'autoriser notre rapporteur à procéder aux éventuels ajustements nécessaires lors de la réunion de la commission des affaires sociales, saisie au fond du projet de loi, et a redéposer en vue de la séance publique les amendements qu'elle ne retiendrait pas.

Le rapport pour avis est adopté.

La réunion est close à 11 heures.

Mercredi 22 mai 2019

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse - Examen des amendements de séance au texte de la commission

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur le projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse et nous commençons par l'examen d'un amendement rédactionnel présenté par notre rapporteur.

EXAMEN D'UN AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 1er

L'amendement rédactionnel CULT.1 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

La commission donne les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

Mme BRULIN

18

Défavorable

Mme BRULIN

22

Défavorable

Mme BRULIN

31 rect.

Défavorable

Mme BRULIN

25

Défavorable

Article 1er

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n° 8 cherche à bien circonscrire le rôle de l'Arcep, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la régulation de la distribution groupée, en excluant explicitement la presse régionale qui recourt à ses propres canaux.

M. David Assouline. - Monsieur le rapporteur, je viens de procéder à la rectification de cet amendement afin d'en sécuriser la rédaction. Je pense que cette modification est en cours d'intégration.

M. Michel Laugier, rapporteur. - Nous venons en effet de la recevoir et je propose de donner un avis favorable sur l'amendement n°  8 rectifié.

Mme Françoise Laborde. - Nous n'avons pas eu le temps d'examiner précisément l'amendement ainsi rectifié. Son adoption ferait-elle tomber d'autres amendements ?

M. Michel Laugier, rapporteur. - Uniquement des amendements déposés par M. Assouline !

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8 rectifié.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  51 rectifié propose de confier à l'Arcep le respect du pluralisme.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 51 rectifié.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  10 devient sans objet du fait de la rectification que M. Assouline a apportée à l'amendement n° 8.

M. David Assouline. - C'est exact et j'ai fait procéder au retrait de cet amendement.

La commission émet ensuite un avis favorable à l'amendement rédactionnel n°  4.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  2 déposé par le Gouvernement vise à revenir au texte initial du projet de loi, en rétablissant le caractère d'orientation du schéma territorial de distribution mentionnant les dépositaires centraux. Par cohérence avec la décision prise la semaine dernière par la commission, je propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  1 rectifié bis porte sur le même sujet que l'amendement précédent et revient à rendre obligatoire le recours aux dépositaires centraux. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  9 propose de confier à l'Arcep la mission de rendre publics les barèmes décidés par les sociétés agréées. Sous réserve de déplacer cette proposition à la fin de l'alinéa 65 de l'article 1er du projet de loi, je suis favorable à cet amendement.

M. David Assouline. - J'ai demandé la rectification de cet amendement pour aller dans le sens de ce que vient d'indiquer le rapporteur. Pour moi, cet amendement est très important pour prévenir les conflits d'intérêts et assurer la transparence du dispositif. Si cet amendement était adopté, ma perception de l'ensemble du texte serait certainement modifiée !

M. Michel Laugier, rapporteur. - La rectification vient en effet d'être enregistrée.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 9 rectifié.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  26 vise à prévoir que l'Arcep se livrera à une très large concertation dans le cadre de ses travaux et pourra solliciter l'avis des juridictions supérieures et de l'Autorité de la concurrence. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.

M. Michel Laugier, rapporteur. - Comme l'amendement n° 10, l'amendement n°  11 devient sans objet du fait de la rectification que M. Assouline a apportée à l'amendement n° 8.

M. David Assouline. - J'ai également fait procéder au retrait de cet amendement.

M. Michel Laugier, rapporteur. - Il me semble que l'amendement n°  12 est dans le même cas de figure, puisqu'il assure une coordination avec l'amendement n° 8 tel qu'il était rédigé avant sa rectification.

M. David Assouline. - C'est moins évident. En effet, si nous n'adoptons pas cet amendement, nous laissons à l'Arcep le pouvoir de sanctionner des éditeurs qui ne participent pas au groupage. Je ne suis donc pas convaincu que cet amendement devienne sans objet.

M. Michel Laugier, rapporteur. - Je crois que nous sommes d'accord sur le fond. Je propose de donner un avis de sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 12.

La commission donne les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

Mme MORHET-RICHAUD

17 rect.

Défavorable

Mme LABORDE

52 rect.

Favorable

Mme LABORDE

53 rect.

Défavorable

M. ASSOULINE

13

Défavorable

Mme LABORDE

54

Favorable

Mme LABORDE

39

Défavorable

Mme LABORDE

40

Défavorable

Mme LABORDE

50

Défavorable

Mme LABORDE

41

Défavorable

Mme LABORDE

42

Défavorable

Mme BRULIN

21

Défavorable

Mme LOISIER

33

Défavorable

M. FICHET

37

Défavorable

M. VOGEL

35

Défavorable

Mme LABORDE

49 rect.

Défavorable

Mme LOISIER

34

Favorable

Le Gouvernement

55

Favorable

M. VOGEL

36

Favorable

M. FICHET

38

Favorable

Mme BRULIN

20

Défavorable

Mme LABORDE

43

Défavorable

M. GATTOLIN

5 rect.

Favorable

Mme BRULIN

19 rect.

Favorable

Mme LABORDE

44

Défavorable

Mme Laure DARCOS

3 rect.

Favorable

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  45 prévoit que le cahier des charges tient compte de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il ne me semble pas utile d'insérer une précision de cette nature dans la loi.

Mme Françoise Laborde. - C'est un amendement appel !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  16 complète le contenu du cahier des charges que devront respecter les sociétés agréées en charge de la distribution. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  6 rectifié bis vise à préciser que l'agrément tient compte des contraintes techniques liées à la distribution des quotidiens. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6 rectifié bis.

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  46 vise à aligner totalement les obligations des diffuseurs de presse numérique sur celles de la presse physique. Cet amendement, ainsi que ceux qui suivent et qui portent sur le même sujet me semblent aller trop loin au regard du droit européen. Avis défavorable.

Mme Françoise Laborde. - J'ai en effet déposé plusieurs amendements portant sur ce sujet qui me semble important et dont nous devons débattre. Je suis peut-être en avance sur mon temps...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46.

M. Michel Laugier, rapporteur. - Les amendements nos  47, 24 et 7 rectifié portent sur le même thème. Avis défavorable à ce stade des travaux de notre commission.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 47, 24 et 7 rectifié.

La commission donne les avis suivants :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

Mme LABORDE

48

Défavorable

Article 2

Mme BRULIN

27

Défavorable

Article 3

Mme BRULIN

28

Défavorable

Article 4

Mme BRULIN

29

Défavorable

Article 6

Mme BRULIN

32 rect.

Défavorable

M. ASSOULINE

15

Avis du Gouvernement

Article 7

Mme BRULIN

30

Défavorable

Article 8

Mme BRULIN

23

Défavorable

M. Michel Laugier, rapporteur. - L'amendement n°  14 vise à figer la période transitoire jusqu'au 1er janvier 2023, en empêchant les sociétés candidates de solliciter un agrément avant cette date. La semaine dernière, j'ai proposé un amendement, qui a été adopté par la commission, visant à sécuriser le dispositif de la période transitoire. C'est pourquoi je propose un avis défavorable.

M. David Assouline. - Les auditions que nous avons menées sur le texte ont révélé les problèmes que posait cette période, que je qualifierais de faussement transitoire. En effet, le texte prévoit que l'ouverture à la concurrence a lieu d'ici à 2023, ce qui fait finalement peser une épée de Damoclès sur Presstalis. D'ailleurs, dès que cette disposition a été connue, tout s'est arrêté pour cet opérateur ! Fixer une date précise permet de sécuriser l'activité actuelle de Presstalis. Or il faut lui donner une chance d'aller au bout de son redressement.

M. Michel Laugier, rapporteur. - Avant que l'Arcep puisse délivrer les agréments, il faut que l'État adopte le cahier des charges prévu à l'article 1er du projet de loi. La publication de ce cahier des charges doit intervenir avant le 1er janvier 2023 et le ministre nous a indiqué, lors de son audition, que le Gouvernement entendait « utiliser pleinement cette marge de manoeuvre afin de laisser aux acteurs actuels un délai raisonnable pour s'adapter ».

M. David Assouline. - Il est préférable d'inscrire cette date dans la loi !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous aurons ce débat en séance cet après-midi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Une dernière précision, mes chers collègues. L'amendement n° 25 déposé par le groupe CRCE propose de supprimer 64 alinéas de l'article 1er. Afin d'éviter une discussion commune trop longue, qui ne pourrait être que fastidieuse, sans pour autant éclairer nos débats, je vous informe que nous proposerons de disjoindre l'examen de cet amendement.

M. Pierre Ouzoulias. - Tout à fait d'accord !

Projet de loi pour la restauration et la conservation de Notre-Dame de Paris - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport de notre collègue Alain Schmitz sur le projet de loi pour la restauration et la conservation de Notre-Dame de Paris et les amendements déposés sur ce texte.

Notre commission a délégué au fond l'examen des articles 4, 5 et 5 bis du projet de loi à la commission des finances et je suis heureuse d'accueillir Albéric de Montgolfier, rapporteur général, qui en a été désigné rapporteur pour avis.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Le violent incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris dans la soirée du 15 avril a provoqué une vague d'émotion planétaire. Les images de la cathédrale en proie aux flammes ont constitué un véritable choc pour tous : chrétiens, Parisiens, Français et étrangers. Passée la stupeur initiale, de nombreuses personnes ont manifesté le désir de se mobiliser. Il faut dire que Notre-Dame, au-delà d'être l'un des hauts lieux de la chrétienté, constitue un témoignage exceptionnel de l'architecture gothique. Elle tient une place importante dans notre patrimoine, dans notre histoire et dans notre mémoire.

Le travail exceptionnel réalisé par les pompiers dans la nuit du 15 au 16 avril a permis de sauver la majeure partie de l'édifice, alors que le beffroi nord menaçait de s'effondrer. Seule la stabilité de la voûte n'est toujours pas, à ce stade, garantie. La réactivité des différents services a également permis de mettre rapidement en sûreté à l'Hôtel de ville les oeuvres qui se trouvaient à l'intérieur du monument.

Dès le 15 avril au soir, le Président de la République a annoncé le lancement, le lendemain, d'une souscription nationale. Le 16 avril, il a indiqué son souhait de voir rebâtie la cathédrale « plus belle encore » dans un délai de cinq ans. Le 17 avril, à la suite d'un conseil des ministres consacré exclusivement à Notre-Dame, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures pour relever le défi de ce chantier hors norme, parmi lesquelles le dépôt d'un projet de loi permettant de donner un cadre légal à la souscription lancée par le Président de la République et l'organisation d'un concours international d'architecture portant sur la reconstruction de la flèche de la cathédrale. Il a également indiqué la nomination de Jean-Louis Georgelin, ancien chef d'état-major des armées, comme représentant spécial chargé de « veiller à l'avancement des procédures et des travaux qui seront engagés ».

Si certaines de ces annonces ont été bien accueillies, d'autres en revanche ont immédiatement soulevé des interrogations.

C'est le cas du concours international d'architecture pour la reconstruction de la flèche. L'idée d'un « geste architectural » ne va pas forcément de soi. Une reconstruction de celle-ci à l'identique est parfaitement envisageable. Elle apparaît d'autant plus justifiée que les plans de Viollet-le-Duc sont à disposition, que les relevés existent, que les statues des douze apôtres et des quatre évangélistes avaient été déposées le jeudi précédant le sinistre et que le coq qui ornait aussi la flèche a été sauvé. Elle va plutôt dans le sens des recommandations formulées par les textes de référence internationaux en matière de restauration, à commencer par la Charte de Venise de 1964. Elle constituerait enfin un gain de temps précieux au regard de l'objectif d'une reconstruction en cinq ans, comme souhaité par le Président de la République.

Ce délai de cinq ans constitue d'ailleurs une autre source d'interrogations. S'il est compréhensible de vouloir rendre Notre-Dame de Paris aux fidèles, aux Français et aux touristes le plus rapidement possible, imposer un tel délai, alors qu'aucun diagnostic n'a encore pu être réalisé, n'a que peu de sens. La restauration de Notre-Dame est un chantier d'ampleur. Aucune cathédrale n'est restaurée pour seulement une dizaine d'années. Il faut se donner le temps de la réflexion et mener une restauration de qualité. C'est pourquoi l'objectif autour de la restauration de Notre-Dame ne saurait être d'aller vite. Au mieux, ce délai de cinq ans doit être vu comme une ambition, mais on voit mal comment le chantier pourrait être achevé d'ici à l'organisation des Jeux Olympiques à Paris en 2024 - le public de ce type de rassemblements n'est d'ailleurs pas forcément celui de la cathédrale. Pourquoi pas, en revanche, rouvrir la cathédrale au culte dans ce délai, quitte à poursuivre, par la suite, les travaux de reconstruction de la charpente et de la flèche ?

Le projet de loi est motivé par la volonté de faire appel à la générosité du public pour financer la restauration de Notre-Dame. Il vise aussi à répondre à l'élan de solidarité qui s'est manifesté très rapidement après la diffusion des premières images de l'incendie, en mettant en place une souscription nationale permettant d'offrir aux donateurs un cadre légal clair et sécurisant. Les dons véritablement encaissés à ce stade représentent une part mineure en comparaison des promesses de dons qui ont été formulées. Il est donc important d'apporter des garanties pour éviter que la générosité ne se tarisse et que les promesses de dons ne soient pas converties. Le chiffrage précis du coût des travaux, une fois les besoins identifiés et les projets arrêtés, sera une information déterminante à faire connaître pour que la souscription puisse se poursuivre dans les meilleures conditions.

La question de la souscription est réglée par les articles 1er à 7.

L'article 1er prévoit l'ouverture de la souscription nationale et la place sous l'autorité du Président de la République.

L'article 2 fixe l'objet de la souscription, en la faisant porter sur le financement des travaux de conservation et de restauration de Notre-Dame et du mobilier dont l'État est propriétaire, ainsi que sur la formation aux métiers du patrimoine nécessaires à la réalisation de ce chantier.

L'article 3 prévoit les modalités de reversement des dons par les différents organismes collecteurs habilités à les recueillir dans le cadre de la souscription nationale. Une procédure originale a été retenue, puisqu'y participent, en plus du Trésor public, un établissement public, le Centre des monuments nationaux (CMN), et trois fondations reconnues d'utilité publique, la Fondation de France, la Fondation du patrimoine et la Fondation Notre-Dame, qui sont des organismes de droit privé.

L'article 4 autorise expressément les collectivités territoriales à prendre part à la souscription nationale.

L'article 5 majore à 75 %, au lieu de 66 % habituellement, le taux de la réduction d'impôt accordée aux particuliers pour les dons versés dans le cadre de la souscription nationale jusqu'à 1 000 euros.

L'article 6 confie au pouvoir réglementaire le soin de clôturer la souscription.

L'article 7 prévoit un mécanisme pour contrôler la gestion des fonds recueillis dans le cadre de la souscription, en mettant en place un comité de contrôle composé du Premier président de la Cour des comptes et des présidents des commissions chargés de la culture et des finances de chacune des deux assemblées.

L'Assemblée nationale a ajouté un article 5 bis pour permettre au Parlement d'être informé sur le montant des dons et versements effectués dans le cadre de la souscription nationale et sur l'utilisation ou non des différents dispositifs de soutien au mécénat applicables.

Compte tenu de la nature financière ou fiscale de leurs dispositions, les articles 4, 5 et 5 bis ont été délégués à l'examen de la commission des finances.

Ces différentes dispositions soulèvent un certain nombre de questions légitimes.

Fallait-il faire appel à la générosité du public pour financer les travaux de restauration de Notre-Dame, monument historique à la charge de l'État ? La mission d'information sur le mécénat culturel, dont j'ai été le rapporteur aux côtés de Maryvonne Blondin qui en assurait la présidence, avait alerté l'an passé sur les effets d'éviction que pouvait générer le recours par l'État à des procédures de souscription pour la restauration des monuments historiques qui lui appartiennent. Il reste que la situation est un peu différente dans le cas présent puisque l'élan de générosité du public a précédé l'annonce de la souscription nationale. Le ministre de la culture s'est par ailleurs engagé à ce que l'État prenne en charge le surcoût si le produit de la souscription se révélait insuffisant pour couvrir le coût des travaux. Il a indiqué que l'État était prêt à assurer le financement au-delà des crédits inscrits sur le programme 175 et garanti que la participation de l'État ne se ferait pas au détriment d'autres chantiers ou monuments.

Cette souscription nationale devait-elle être lancée par le biais d'une loi ? Un décret aurait été tout à fait suffisant pour cela d'un point de vue juridique. Reste que ce choix donne l'occasion d'un débat public au sein de la représentation nationale sur le sujet de la restauration de Notre-Dame, ce qui est tout à fait souhaitable au regard de l'enjeu soulevé par la perspective de cette restauration et des polémiques inhérentes.

La majoration du taux de la réduction d'impôt accordée aux particuliers pour les dons qu'ils effectuent au titre de la souscription nationale est-elle vraiment utile ? Les dons et promesses de dons ont afflué, avant même l'annonce de cette majoration. L'incidence de la majoration sur l'acte de don est négligeable. Elle pourrait créer des effets d'aubaine et des effets d'éviction. Pour autant, je crois qu'il faut y voir un moyen de remercier nos compatriotes pour leur générosité et de reconnaître le caractère exceptionnel du chantier de Notre-Dame.

L'inclusion des articles 8 et 9 dans le texte du projet de loi suscite davantage d'interrogations. Ils visent respectivement à permettre la création d'un établissement public chargé de porter les travaux de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris et à mettre en place des dérogations aux législations existantes pour faciliter la réalisation du chantier de la cathédrale. Dans les deux cas, ils prennent la forme d'une habilitation à légiférer par ordonnances. Or celles-ci ne se justifient pas seulement par la technicité des sujets sur lesquels elles portent, mais aussi par les incertitudes du Gouvernement sur ses réels besoins concernant le chantier de la cathédrale.

Ces incertitudes sont compréhensibles seulement un mois après le drame. Mais, dans ces conditions, était-il opportun de faire figurer ces sujets, pourtant majeurs, dans le projet de loi, alors que la réflexion les concernant n'est pas encore mûre ? Je rappelle que le recours aux ordonnances réduit significativement la capacité du Parlement à procéder à un examen attentif des dispositions qui lui sont soumises.

J'ajoute que ces deux dispositions ont été interprétées par beaucoup comme des marques de défiance à l'égard à la fois des capacités propres au ministère de la culture à conduire lui-même ce projet, compte tenu du souhait de l'exécutif de nommer Jean-Louis Georgelin à la tête du futur établissement public, et des règles qui régissent la protection patrimoniale. Cette suspicion est d'autant plus grande que ces dispositions interviennent après les atteintes portées par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique à notre législation en matière de patrimoine.

Sur la question de l'établissement public, je ne crois pas que le problème soit véritablement la création d'un organisme spécifiquement en charge de conduire les travaux. Cette solution a été utilisée à de multiples reprises par le passé et couronnée de succès - je citerai les exemples du Grand Louvre, de la Bibliothèque François Mitterrand ou du musée du quai Branly - Jacques Chirac. Nous pouvons donc l'accepter, sous réserve d'en encadrer strictement les missions et son fonctionnement.

En revanche, l'ambiguïté entretenue tout au long du projet de loi sur la solution qui sera retenue, avec la possibilité de recourir soit aux moyens dont dispose déjà l'État - direction régionale des affaires culturelles, CMN ou OPPIC, opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture -, soit à un nouvel établissement public n'est pas acceptable. C'est se moquer du Parlement et faire fi de la nécessaire intelligibilité de la loi. Cette équivoque dessert le Gouvernement, si son intention est de créer effectivement un établissement public, car ce faisant il laisse à penser que les solutions pourraient être équivalentes et il se prive de la possibilité de défendre correctement son choix de créer un établissement public.

La perspective d'introduire des dérogations aux règles de droit commun pour faciliter la mise en oeuvre du chantier de Notre-Dame me paraît incompréhensible - c'est l'objet de l'article 9. Si l'objectif de cette disposition est uniquement, comme le laisse entendre le ministre de la culture, de gagner du temps sur les démarches administratives, elle est parfaitement inutile. Les délais prévus par les codes sont des plafonds et les demandes d'autorisation concernant Notre-Dame peuvent parfaitement être traitées de manière prioritaire par les services de l'État, moyennant des instructions en ce sens. Si l'objectif est de permettre à l'État de s'affranchir de règles que les autres propriétaires, par exemple les communes, doivent mettre en oeuvre, lorsqu'ils conduisent des projets de restauration, quand bien même leur ampleur est différente, le risque de jeter le discrédit sur l'ensemble de notre législation est considérable et il constituerait, à coup sûr, un précédent désastreux pour l'avenir.

Si le caractère emblématique de Notre-Dame plaide pour rejeter la possibilité de dérogations aux règles de droit commun pour en faciliter et en accélérer la restauration, il convient de se donner les moyens pour que ce chantier soit un modèle dans les années à venir.

Nous avons eu l'occasion d'insister auprès de Franck Riester, la semaine dernière, sur la nécessité de procéder à de larges consultations et de recueillir l'avis des experts. Même si l'État, en tant que propriétaire du monument, a vocation à trancher in fine sur la nature du projet qui sera retenu, il ne paraît pas possible d'organiser un concours international d'architecture sans avoir préalablement saisi les instances consultatives en matière de patrimoine. Le ministre nous a rassurés sur le fait qu'un débat autour de la restauration de Notre-Dame serait inscrit à l'ordre du jour de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, présidée par notre collègue Jean-Pierre Leleux le 4 juillet prochain et que la commission serait également consultée sur le projet de restauration, en application des dispositions du code du patrimoine.

Étonnamment, le fait que la présence de Notre-Dame ait justifié le classement du site « Paris, rives de la Seine » au titre du patrimoine mondial de l'humanité n'est pas pris en compte dans le projet de loi. Or ce classement crée un certain nombre d'obligations pour préserver la valeur universelle exceptionnelle attachée à un bien classé, y compris en ce qui concerne les modalités de restauration. Nous devons les respecter, sauf à être prêts à perdre le bénéfice de ce classement. Compte tenu des conséquences qu'un tel retrait pourrait avoir sur l'attractivité touristique de Paris, il paraît indispensable d'associer étroitement l'Unesco aux réflexions sur la restauration de Notre-Dame, de consacrer du temps aux études préalables, en mobilisant les chercheurs et les experts, et de garantir que le projet retenu préservera l'intégrité et l'authenticité du monument. Il paraît difficile de s'abstraire, dans ces conditions, de l'histoire du monument. Rappelons que la flèche de Viollet-le-Duc elle-même s'inscrit parfaitement dans l'architecture gothique de Notre-Dame et constitue un exemple reconnu d'architecture néo-gothique. Il faudra également veiller à ce que le choix retenu soit suffisamment documenté.

Même si le chantier de Notre-Dame, par son ampleur exceptionnelle, doit constituer une priorité, il faut prendre garde à ce que les moyens qui y seront consacrés et le calendrier qui sera défini n'aient pas pour conséquence d'assécher ou de fragiliser des opérations en cours ou à venir, en y attirant, sur une courte période, investissements financiers, artisans et matériaux. Le temps des bâtisseurs doit s'articuler avec le temps long du patrimoine - une expression chère à Jean-Pierre Leleux - et l'ensemble des besoins en matière de restauration sur le territoire, sauf à prendre le risque de déstabiliser toute une filière.

Nous devons mettre à profit ce drame autant que faire se peut. S'il doit bien y avoir un « avant » et un « après » selon les mots du ministre, c'est moins l'esthétique d'une nouvelle flèche dont il s'agit que la manière dont nous percevons notre patrimoine et dont nous le protégeons.

L'émotion suscitée par l'incendie qui a ravagé la cathédrale a confirmé, une fois encore, l'intérêt particulièrement vif des Français pour leur patrimoine. Plusieurs projets sont actuellement évoqués autour de la reconstruction de Notre-Dame destinés à transformer ce chantier en une véritable vitrine.

Le lancement d'un plan « Chantiers de France » pour relancer auprès des jeunes l'attractivité des métiers du patrimoine qui connaissent aujourd'hui une crise des vocations est une excellente initiative. Il sera important de voir de quelle manière le chantier de Notre-Dame pourra être partiellement ouvert au public pour véritablement promouvoir ces métiers auprès du grand public et valoriser leurs savoir-faire.

L'idée de créer un centre d'interprétation qui pourrait s'installer sur le parvis ou dans une partie des locaux de l'Hôtel-Dieu a également été évoquée. L'objectif serait de montrer au public ce qu'est Notre-Dame, exposer des oeuvres de la cathédrale et fournir des éléments autour de l'incendie pour éveiller les consciences.

La tragédie de Notre-Dame nous invite nécessairement à lancer une réflexion de fond sur les mesures de protection des monuments historiques face aux incendies, en particulier lorsque sont entrepris des chantiers de restauration, qui constituent des facteurs d'aggravation des risques encourus. À la suite du sinistre, le ministre de la culture a demandé un audit complet des 87 cathédrales qui appartiennent à l'État et de tous les monuments importants, notamment les principaux sites culturels et les grands musées.

La question des moyens que l'État et les collectivités territoriales allouent au patrimoine est une nouvelle fois posée. Le ministre de la culture s'est engagé à défendre un budget plus important pour le patrimoine, notamment pour ce qui concerne la sécurisation des sites en travaux. Il sera important que nous examinions avec attention la traduction de ces annonces dans le prochain budget pour la culture, celui de 2020.

En conclusion, je voudrais livrer à votre méditation un extrait du très beau texte de Victor Hugo Notre-Dame de Paris, tiré de l'édition originale de 1832 : « Sur la face de cette vieille reine de nos cathédrales, à côté d'une ride, on trouve toujours une cicatrice, ce que je traduirais volontiers ainsi : le temps est aveugle, l'Homme est stupide. Si nous avions le loisir d'examiner une à une les diverses traces de destruction imprimées à l'antique église, la part du temps serait la moindre, la pire celle des hommes, surtout des hommes de l'art. » Il n'y a, je crois, rien à ajouter, pas d'amendement à proposer...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ce travail très complet réalisé en un très court laps de temps.

Mme Dominique Vérien. - Le rapport d'Alain Schmitz résume l'approche qui est la mienne de la reconstruction de Notre-Dame et de ce projet de loi. Nous devons nous saisir de ces événements dramatiques et les transformer en opportunité, sans pour autant nous enserrer dans des questions de calendrier. Une des personnes que nous avons auditionnées a ainsi mis en avant l'exemple d'un château de la Loire qui accueillait 25 % de visiteurs supplémentaires pendant la phase de travaux grâce à la communication, aux informations mises à la disposition du public et à la mise en valeur des métiers du patrimoine.

Je crois que, hormis la sauvegarde du bâtiment, phase déjà mise en oeuvre, rien n'est urgent dans la restauration de Notre-Dame. Il appartiendra au Gouvernement de nous citer des exemples d'une telle urgence.

Autre sujet : à quoi doit servir l'argent ? Doit-il être affecté uniquement à la reconstruction ou peut-il servir aussi à l'entretien du bâtiment, voire au fonctionnement de l'établissement public ? L'entretien du bâtiment est une mission de l'État et je ne crois pas justifié d'utiliser le surplus éventuel de financement à cette mission. D'ailleurs, je me souviens que le ministre était plutôt remonté contre la Fondation du patrimoine à ce sujet, mais je rappelle que celle-ci précise clairement que, si l'opération ne se fait pas ou si l'argent récolté est suffisant, l'excédent éventuel peut permettre, dans certaines conditions, de financer d'autres dossiers désignés par le porteur initial de projet. Toutes les opérations de la Fondation du patrimoine fonctionnent ainsi.

La collecte a bien fonctionné, notamment auprès de certaines collectivités locales, mais il est vrai que nous avons reçu des courriers qui estimaient que celles-ci feraient tout aussi bien de regarder d'abord sur leur propre territoire... Plusieurs autres cathédrales - monuments qui relèvent normalement de l'État - auraient bien besoin d'aide.

Qui doit gérer cette opération ? Il est vrai qu'une structure spécifique peut, en l'espèce, faciliter les choses. En revanche, nous devons être attentifs à la définition précise des missions de l'établissement public dédié et à sa tutelle. Il sera important d'écrire dans la loi que le ministère de la culture exerce cette tutelle - il doit être au coeur de cette opération !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Il est même indispensable d'écrire dans la loi que le ministère de la culture pilotera le projet.

Mme Mireille Jouve. - Nous nous félicitons de la mobilisation des Français autour de la restauration de la cathédrale de Paris. Nous estimons essentiel que, dans le cadre de ce vaste chantier, nous ne cédions pas à la culture de l'immédiateté qui caractérise notre époque. Aucune contrainte temporelle ne s'impose à nous. Nous ne voyons donc pas de justification à maintenir les dispositions dérogatoires introduites à l'article 9 de ce texte.

A priori, nous ne sommes pas opposés, compte tenu du caractère exceptionnel du projet, à la création d'un établissement public dédié, procédure déjà utilisée dans le passé, par exemple en 1983 pour le Grand Louvre.

Même si nous ne connaissons ni le contenu du projet ni le coût des travaux, nous sommes soucieux du sort qui sera réservé à un éventuel reliquat des sommes collectées.

J'ai déposé un amendement relatif à la promotion des métiers du patrimoine, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. J'espère cependant que ces métiers seront mis à l'honneur durant les travaux.

M. André Gattolin. - Je remercie Alain Schmitz pour ce rapport précis et détaillé. Je ne partage pas toutes ses conclusions, mais il m'apparaît comme modéré, contrairement à certaines interventions que j'ai pu lire dans le compte rendu de l'audition du ministre la semaine dernière et qui m'ont paru assez agressives - en raison d'une autre réunion, je n'ai malheureusement pas pu assister à cette audition.

Le rapporteur a clairement posé la problématique et nous devons assurer un principe de loyauté à l'égard des donateurs. Ces fonds doivent aller exclusivement à la reconstruction de Notre-Dame, même s'il faudra définir précisément le périmètre concerné. Il ne revient pas aux fondations agréées qui collectent des dons pour Notre-Dame de faire des arbitrages entre les projets. Il est clair que l'argent a été versé dans un but précis ; d'ailleurs, je serais plutôt favorable à ce que l'on restitue l'argent aux donateurs, si les dons sont supérieurs aux besoins. Cette question est tout à fait symbolique des relations entre les donateurs et les porteurs de projets et doit être vue en lien avec les interrogations actuelles sur le consentement à l'impôt.

Sur la nature des travaux, l'idée d'une restauration « à l'identique » ne me convient pas, même pour la flèche de Viollet-le-Duc - je rappelle qu'à l'époque ce sujet a déjà alimenté d'importantes polémiques. Elle ne pourra pas se faire ainsi, ne serait-ce que parce que nous ne pourrons pas utiliser le plomb ou le chêne de la même manière. Le plomb entraîne des pollutions très graves. Certes, nous devrons certainement conserver le profil d'ensemble.

M. Bruno Retailleau. - Cela n'a rien à voir !

M. André Gattolin. - Personnellement, je crois qu'il y a urgence. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que la restauration s'étalera sur vingt ans. Il a fallu 200 ans pour construire la cathédrale et les attentes sont aujourd'hui très fortes.

Par ailleurs, je ne crois pas que Notre-Dame pourra servir de lieu de culte durant les travaux. Imaginez le son des grandes orgues avec les marteaux-piqueurs en bruit de fond ! Nous devons aussi penser aux conditions de sécurité du chantier.

M. Pierre Ouzoulias. - Je tiens à féliciter le rapporteur de ce travail remarquable, ainsi que pour la citation de Victor Hugo ! Je partage très largement son analyse. La modération de ses propos laisse cependant poindre une certaine inquiétude - on le sent bien, lorsqu'on le connaît...

J'ai moi aussi bien du mal à comprendre de quelle urgence nous parlons. Elle est réelle pour la préservation du monument dans cette période post-incendie, mais celle affichée par le Gouvernement me semble d'abord répondre à des injonctions présidentielles, ce qui est beaucoup moins acceptable.

Selon l'article 8 du projet de loi, « l'ordonnance peut prévoir que les dirigeants de l'établissement public ne sont pas soumis aux règles de limite d'âge applicables à la fonction publique de l'État ». Peut-être devrions-nous ajouter, comme condition de nomination, que les épaulettes doivent avoir cinq étoiles...

Nous devons défendre les grands principes de fonctionnement de nos institutions et je ne crois pas que nous sortirons collectivement grandis, si nous pratiquons de la sorte. Le Général de Gaulle disait qu'il n'y a rien de bon à se mêler du « vulgaire et du subalterne »...

Il faut distinguer clairement ce qui relève effectivement de l'urgence et le reste. Or aujourd'hui aucun obstacle n'empêche la réalisation des travaux urgents, y compris en terme archéologique. Le ministre nous a dit qu'un système dérogatoire devait être adopté pour que l'État passe commande à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) d'opérations de fouille ; ce n'est pas exact !

Avec ce texte, j'ai le sentiment que certains utilisent l'émotion, qui est légitime - je le dis en tant qu'athée -, pour autre chose que la reconstruction. Il n'est pas normal de mettre en place un système complètement parallèle sous l'égide de l'Élysée. Or ce qui constitue la force du patrimoine en France, ce sont bien évidemment les monuments, mais aussi la méthode et les règles mises en oeuvre par André Malraux. Ce sont ces règles qui permettent à la France de porter à l'international une certaine éthique du patrimoine.

Je ne veux pas entrer dans le débat sur une reconstruction « à l'identique », nous n'en sommes pas là. En revanche, je sais que, si nous détruisons le savoir-faire forgé par le ministère de la culture depuis 60 ans, tout notre patrimoine sera perdant ! Et le Sénat a un rôle particulier à jouer sur ces sujets, parce qu'il a déjà adopté, depuis longtemps, des positions particulièrement marquantes.

Enfin, je crois qu'il serait très intéressant d'imaginer quelque chose sur le parvis, d'autant que la première cathédrale se situe en dessous - je vous rappelle qu'une crypte ouverte au public révèle le groupe épiscopal Saint-Étienne. Même si tout ne peut pas s'écrire dans une loi, il est essentiel de restituer la continuité historique de ce lieu : île de la Cité, oppidum gaulois, groupe épiscopal Saint-Étienne, cathédrale Notre-Dame... S'appuyer sur cette histoire permettra d'éviter les débats stériles et d'apaiser les discussions, notamment sur la reconstruction de la flèche...

M. Bruno Retailleau. - Bravo à notre rapporteur, Alain Schmitz. Notre groupe suivra ses recommandations. Je souhaiterais dire à présent ce qu'il ne peut pas dire, à savoir qu'il n'y a pas besoin d'un texte particulier pour restaurer Notre-Dame. Ce projet de loi n'a d'autre objet que de répondre à la demande présidentielle et à ses exigences d'une reconstruction en cinq ans, rendant la cathédrale plus belle encore, en dérogeant aux règles. Notre tâche est de transcrire l'hubris présidentielle dans un texte.

Beaucoup d'entre nous ont l'expérience de la restauration de monuments historiques, parfois aussi vieux que Notre-Dame. Ce texte est une attaque sans précédent contre le ministère de la culture et contre une filière d'excellence française que le monde nous envie, depuis les historiens d'art, les architectes des monuments historiques et des bâtiments de France, et jusqu'à nos artisans compagnons.

D'un point de vue légistique, ce texte foisonne d'ordonnances. Cette frénésie est une dépossession du Parlement, d'autant que les ordonnances sont de moins en moins claires. L'article 9 ne peut pas être voté en l'état. Nos administrés qui repeignent un volet de leur maison de la mauvaise couleur dans un périmètre protégé sont sanctionnés. Et à Paris, on ouvrirait le champ à des expérimentations hasardeuses ? Les règles qui s'appliquent dans toutes les communes de France n'ont jamais empêché de restaurer de grands monuments.

M. David Assouline. - Ce projet de loi découle d'une systématisation idéologique selon laquelle nos règles et nos codes nous empêcheraient d'agir, et d'agir avec rapidité. C'est un principe assez libéral qui laisse les mains libres au Gouvernement. Bruno Retailleau est en train d'expérimenter à ses frais ce que l'échec de M. Fillon aux élections présidentielles a empêché Les Républicains de mettre en place, puisque l'une des principales promesses de campagne du candidat était de gouverner par ordonnances pendant les trois premiers mois du quinquennat.

Le Parlement est le garant de la construction d'un droit, en l'occurrence celui du patrimoine, qui a nécessité des décennies de travail et a abouti à la création d'une filière d'excellence. Je soutiens notre rapporteur à peu près en tout point. Sa position porte la marque de la commission de la culture, qu'il s'agisse de la qualité du propos ou du souci de protéger le beau.

Nous sommes favorables à la création d'un établissement public. La question s'était déjà posée sous la présidence de François Mitterrand. Nous sommes d'accord pour supprimer toute dérogation, parce que nous voulons que la qualité prime. Pour autant, nous restons sensibles à l'idée que ceux qui ont fait des dons doivent pouvoir voir de leur vivant les résultats de leur générosité.

La commission des finances considère qu'il faudrait que le Gouvernement lève le gage qui pèse sur la restauration des abords de la cathédrale, car les nouvelles dépenses risquent de tomber sous le coup de l'article 40. Je souhaite que nous trouvions une solution technique pour intégrer cette zone dans le périmètre de la restauration.

Veillons à éviter tout cynisme en matière de fiscalité. L'une des propositions issues des auditions a été que tous les donateurs qui ne seraient pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu devraient bénéficier d'un crédit d'impôt. Comment justifier que le geste de ceux qui n'ont que leur coeur ne soit pas reconnu ? J'espère que nous trouverons une solution pour leur garantir la même reconnaissance de l'État qu'aux autres donateurs, via un crédit d'impôt adapté.

Mme Colette Mélot. - Merci au rapporteur pour son travail équilibré et intéressant, réalisé dans un délai court. La situation est inédite et ce projet de loi présente des aspects positifs. Que ne dirions-nous pas si nous avions été privés d'un débat public ? Le texte encadre la souscription et contrôle l'attribution des fonds pour que le chantier soit exemplaire. Il nous donne l'occasion d'un débat sur le mécénat en général. Il met en avant l'excellence de nos filières des métiers d'art.

Pour ce qui est de la reconstruction à l'identique, toutes les possibilités sont ouvertes pour peu qu'on respecte la cathédrale, symbole du temps passé. Y apposer une marque de notre temps n'a rien d'impossible. Au dix-neuvième siècle, Viollet-le-Duc avait su créer une flèche novatrice.

Mon groupe est plutôt favorable aux dispositions du projet de loi avec des réserves sur les articles 8 et 9 qui prévoient des ordonnances sur les établissements publics et des dérogations aux règles existantes.

Le chantier prendra du temps. Il est bon que nous fixions des objectifs afin de rouvrir la cathédrale au culte dès que possible. Le ministère de la culture doit porter ce projet de restauration.

M. Jean-Pierre Leleux. - Bravo au rapporteur. Nous payons incontestablement le tribut d'une précipitation de mauvais aloi. Le texte est sans doute inutile, sauf à avoir un débat.

La souscription était-elle nécessaire ? Des moyens existaient, autres que l'augmentation de la déductibilité fiscale. De nombreux engagements financiers sont intervenus dès le lendemain de l'incendie. Veillons à ne pas trahir les intentions des donateurs. On nous promettait un milliard d'euros de dons ; nous n'avons désormais plus la certitude que les récoltes de fonds seront suffisantes pour restaurer Notre-Dame.

Quant au parti-pris de la restauration, on peut tout imaginer. Dire que l'on restaurera « à l'identique » n'est pas forcément une expression bienvenue. Mieux vaut parler d'un retour à l'état antérieur au sinistre. Il faut tout faire pour réutiliser les matériaux anciens, le bois, la pierre et même le plomb. Nous disposons des moyens technologiques pour protéger efficacement le monument de l'incendie.

Je suis opposé au lancement d'un concours international d'architecture pour reconstruire la flèche. Ce serait ouvrir la brèche pour une polémique inutile qui fracturerait l'opinion française. On gagnerait bien plus à relire les analyses exceptionnelles de Viollet-le-Duc, dont la flèche entrait en résonance avec celle de la Sainte-Chapelle sans redondance. Quel architecte contemporain pourrait prétendre rivaliser avec Viollet-le-Duc, le plus grand architecte de tous les temps ?

Un opérateur dédié est une bonne solution. Cependant, en ces temps de suppressions de postes, il est nécessaire de rappeler l'importance de l'existence d'un opérateur du patrimoine et de la culture. Cet opérateur travaille en même temps sur le nouvel auditorium de l'Institut de France, sur les Invalides, sur le château de Fontainebleau et sur le Grand Palais... Résultant de la fusion de deux autres opérateurs historiques, il est parfaitement compétent.

M. Pierre Ouzoulias. - Je suis tout à fait d'accord.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je suis favorable à la suppression de l'article 9. La dérogation sur l'âge des dirigeants de l'opérateur me paraît superfétatoire.

Enfin, je salue la compétence financière et patrimoniale d'Albéric de Montgolfier. Au travers de la TVA, l'État fera une très belle opération et récoltera une centaine de millions d'euros. Il n'était certainement pas dans l'intention des donateurs de contribuer à ce que Bercy fasse une telle opération.

Mme Sylvie Robert. - J'ai beaucoup appris à l'écoute de ce rapport, et les auditions ont fait évoluer ma réflexion. Celle d'Yves Dauge a donné lieu à de riches débats sur la maîtrise d'ouvrage. Un établissement public ad hoc pourra offrir une solution convenable dès lors qu'il sera présidé par une autorité morale, personne reconnue, experte et compétente. L'indépendance de la maîtrise d'oeuvre est indispensable si l'on veut que l'architecte en chef des monuments historiques puisse oeuvrer comme il le souhaite, en toute transparence et avec une régulation du marché. On ne peut pas laisser floue la répartition entre l'État et l'établissement public.

Enfin, la loi ELAN est pleine de mauvais souvenirs. Je suis ravie que le président du groupe Les Républicains souhaite supprimer l'article 9, et je souscris à ses propos. Je suis heureuse que nous prévoyions d'empêcher la dérégulation permanente. Comment peut-on remettre à ce point en question tout ce que le ministère de la culture a accompli depuis des années ?

Mme Sonia de la Provôté. - Le classement à l'Unesco concerne Notre-Dame et ses environs. Saisissons l'opportunité qui nous est offerte de travailler sur l'histoire du lieu et du site.

La notion d'urgence est toute relative. Ne succombons pas à la mode du geste architectural contemporain, Graal de la marque présidentielle. Notre-Dame est un symbole qui dépasse notre pays. Ne la sacrifions pas. Reconstruire vite, bien et mieux ne doit pas se faire aux dépens de la qualité du programme et du projet.

M. Christian Manable. - Je tiens à féliciter notre rapporteur, « Victor » Schmitz ! Ne confondons pas vitesse et précipitation en acceptant un calendrier de cinq ans. Notre-Dame est un monument historique emblématique et de portée universelle, qui a besoin de temps pour être reconstruit. Les bâtisseurs du Moyen Age avaient du temps ; nous avons une montre et nous sommes obnubilés par la vitesse. Au Moyen Age, on maçonnait avec de la chaux vive, ce qui impliquait l'arrêt des travaux en hiver. Le transport des matériaux se faisait à la force humaine et à la force animale, et cela prenait du temps. Le chantier de la cathédrale d'Amiens, qui fait le double de Notre-Dame en volume, a duré 50 ans. Les ouvriers qui l'ont commencé savaient qu'ils n'en verraient pas la fin. Faute d'argent, il a fallu interrompre le travail pendant 18 ans. La restitution de la beauté de ce monument exceptionnel doit faire fi de l'urgence.

Dire que l'on doit reconstruire à l'identique ne veut rien dire, car à quel identique nous référerions-nous ? La cathédrale, telle qu'on la connaît, est le résultat d'une sédimentation où chaque siècle a apporté sa contribution.

Mme Catherine Dumas. - Je remercie notre rapporteur. Les auditions ont été passionnantes et nous en avons tiré un grand bénéfice. Les questions sont nombreuses. Nous devrons faire preuve de vigilance dans l'hémicycle.

Je reste inquiète sur les financements. La collecte a commencé dans l'émotion, puis la communication autour de celle-ci est devenue chaotique, et hier la ville de Lyon a retiré le don qu'elle avait promis.

Les auditions ont mis en valeur l'importance de préserver le profil de Notre-Dame, c'est-à-dire l'image que les Français et le monde entier ont du monument sur les images et dans les films. Pas moins de 70 % des Français ne comprennent pas pourquoi il y aurait une loi d'exception. La représentation nationale doit faire valoir ce point de vue.

Notre-Dame est une église et un lieu d'accueil, et il faut tenir compte de ce caractère social. Le parvis est historiquement un lieu d'accueil. L'Hôtel-Dieu vient de faire l'objet d'une cession pour 80 ans à un promoteur immobilier par la Ville de Paris. Pourquoi ne pas en mettre une partie à disposition de l'archevêché ? Monseigneur de Sinety nous l'a demandé pour développer une vocation sociale de l'Église. Jean-Pierre Vial déposera un amendement en ce sens.

Mme Annick Billon. - Je m'associe aux félicitations que mes collègues ont adressées au rapporteur. Il est urgent de sécuriser le montant des dons effectifs. Certaines collectivités s'engagent à faire des dons sans connaître le montant des travaux qui seront réalisés, et alors qu'elles ont du mal à trouver les moyens de restaurer leur propre patrimoine. L'essentiel est de respecter les normes et les règles en vigueur. Les collectivités ne comprendraient pas que l'État passe outre les contraintes qu'on leur impose au quotidien.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous devons faire preuve d'humilité face à ce vaste chantier de restauration. Nous sommes des passeurs dans la longue histoire de la cathédrale. Le temps est un critère essentiel. Les premiers tailleurs de pierre ne survivaient pas à la cathédrale sur laquelle ils travaillaient et ils le savaient. Il y a un peu de vulgarité à vouloir aller vite. La directrice du Centre du patrimoine mondial de l'Unesco n'avait pas été consultée, ni même avertie de ce projet de loi. Celui-ci ne faisait d'ailleurs pas mention jusqu'ici de la zone inscrite au patrimoine de l'Unesco depuis 1991. Je me réjouis que le rapporteur ait corrigé ce point.

La France est à l'origine de la notion de patrimoine de l'humanité. Le monde entier nous regarde. Il y va de notre crédibilité.

Je m'étais émue des premiers coups de boutoir porté contre notre politique patrimoniale dans la loi ELAN. Alors que nous célébrons les 60 ans du ministère de la culture, n'oublions pas que la politique patrimoniale est la quintessence de ce ministère.

Ne nous enfermons pas dans les obligations. Jean-Louis Bourlanges s'est ému à l'Assemblée nationale de la remise en question de l'État de droit et du code du patrimoine, du code de l'environnement et du code des marchés publics.

Nous avons dû batailler pour que le texte soit examiné lundi prochain et non pas hier. Le débat est ouvert, mais reste contraint.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Nous sommes d'accord sur l'essentiel. Notre voix est très attendue par tous les acteurs du monde de la culture. Je suis heureux que nous puissions avoir un débat. À vous entendre, il est indispensable que le ministère de la culture soit au centre du dispositif. L'occasion est unique. Le chantier doit être exemplaire et les procédures de souscriptions et d'appels d'offre doivent être parfaitement claires. Le public doit être étroitement associé à l'évolution du chantier qu'il ne faut pas limiter dans le temps. J'espère que le ministère de la culture sortira grandi de ce projet et que nos amendements contribueront à en renforcer l'attractivité.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - M. Éblé, président de la commission des finances a déclaré irrecevables au titre de l'article 40 les amendements
COM-3, COM-8, COM-9, COM-10, COM-13, COM-14, COM-15, COM-16, COM-17, et COM-26.

Les amendements COM-3, COM-8, COM-9, COM-10, COM-13, COM-14, COM-15, COM-16, COM-17 et COM-26 sont déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

Article 1er

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-28, identique aux amendements COM-43 et COM-7, avance la date de début de la souscription au 15 avril. La Fondation Notre-Dame et la Fondation du Patrimoine, toutes deux habilitées à collecter les dons dans le cadre de la collecte nationale en application de l'article 3, ont reçu des versements sur leur site internet par carte bancaire dès cette date. Il serait incohérent que ces dons, qui ont le même objet que la souscription nationale, n'y soient pas intégrés. Compte tenu de la mise en place d'un taux de réduction d'impôt plus favorable pour les dons et versements recueillis dans le cadre de la souscription nationale (75 %), exclure ces dons de la souscription nationale aurait pour effet de créer une inégalité de traitement entre les donateurs.

Les amendements identiques COM-28, COM-43 et COM-7 sont adoptés.

M. David Assouline. - Pourquoi mon amendement COM-8 a-t-il été déclaré irrecevable ? Je demande que la commission des finances trouve un moyen technique pour en conserver l'esprit dans le texte. Le parvis appartient à la cathédrale de Paris. Nous nous contredirions en n'assurant pas financièrement les moyens de sa restauration. L'article 40 est abusif.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Vincent Éblé, président de la commission des finances, vous suggère de modifier sa rédaction dans le cadre d'un amendement au texte examiné en séance pour que les dépenses nouvelles qu'il crée soient prises en charge par des organismes privés.

M. David Assouline. - Très bien.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Même si la Charte de Venise n'est pas opposable en droit français, elle reste un document de référence incontournable au niveau international, très utilisé par l'Unesco s'agissant de la protection des biens classés au titre du patrimoine mondial. D'où mon amendement COM-29.

Mme Dominique Vérien. - L'article 2 mentionne que les travaux et la souscription préservent l'intérêt historique et architectural du monument. Dans ces conditions, votre amendement n'est-il pas redondant ?

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Il ne fait qu'ajouter la mention de la Charte de Venise.

L'amendement COM-29 est adopté.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-30 et l'amendement COM-19 tirent les conséquences du classement de Notre-Dame comme partie du bien « Paris, rives de la Seine » au titre du patrimoine mondial de l'Unesco.

La France, en ratifiant la Convention du patrimoine mondial le 26 juin 1975, s'est engagée à respecter un certain nombre de principes. Il est important que les travaux menés sur la cathédrale respectent l'authenticité et l'intégrité du monument pour garantir la préservation de la valeur universelle exceptionnelle qui préside à l'inscription de ce bien.

Mon amendement est préférable au COM-19, car il est plus précis sur le plan juridique.

M. Pierre Ouzoulias. - Le terme « authenticité » me paraît trop fort. Considèrera-t-on comme authentique une pierre médiévale remplacée par une pierre moderne sur la façade de Notre-Dame ?

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Les deux critères d'authenticité et d'intégrité figurent dans le texte de l'Unesco. Voilà pourquoi nous les reprenons. Cependant, j'en conviens, le principe d'une cathédrale, c'est d'être restaurée en permanence.

L'amendement COM-30 est adopté et l'amendement COM-19 devient sans objet.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Notre-Dame a été classée au titre du patrimoine mondial en 1991, ce qui signifie qu'elle comportait alors la flèche de Viollet-le-Duc. Sans imposer une restauration à l'identique, il semble difficile de ne pas préserver au minimum la silhouette du monument et le profil de la flèche tels que nous les connaissions avant le sinistre du 15 avril.

Les circonstances du sinistre et la décision d'engager sans tarder sa restauration plaident en faveur d'une restauration fidèle. Il n'y a pas le même devoir de mémoire que lorsque les destructions sont le fait de la guerre, comme ce fut le cas pour la cathédrale de Reims. Il n'est pas forcément nécessaire de laisser une trace de l'évènement.

La formulation que je propose dans mon amendement COM-31 préserve la possibilité de recourir à des matériaux ou des techniques différentes en fonction des résultats des diagnostics et des impératifs de sécurité qui pourraient apparaître.

M. David Assouline. - Il était intempestif que le pouvoir politique se prononce pour un geste architectural. L'hémicycle n'est pas le lieu où discuter d'une restauration à l'identique ou pas. La référence à la « silhouette » de Notre-Dame introduit une notion subjective. Le meilleur contrepoint à l'attitude présidentielle, c'est de répondre que ce débat ne relève pas de la loi. Introduire cette question dans le projet de loi, c'est ouvrir aux députés la possibilité d'imposer leur point de vue.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Cet amendement fait référence au dernier état visuel connu avant le sinistre. Il faut le restituer. C'est dans la charte de l'Unesco. Nous ne faisons que mettre nos pas dans ceux de l'Unesco.

Mme Dominique Vérien. - La convention de l'Unesco suffit. Évitons de prendre un parti-pris architectural, car ce n'est pas notre mission.

Mme Colette Mélot. - Je souscris à la position du rapporteur. Cependant, veillons à ne pas nous enfermer dans des obligations inutiles, qu'il s'agisse de restaurer à l'identique ou bien en cinq ans. Personne ne sait comment le chantier évoluera. Sauvegardons l'essentiel.

M. Jean-Pierre Leleux. - Je tiens beaucoup à cet amendement, qui reflète la position d'une grande partie de l'opinion.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Nous avons constaté l'unanimité de nos interlocuteurs sur ce point, lors des auditions. Cet amendement est fondamental.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous aurons le débat dans l'hémicycle.

M. David Assouline. - Je conteste le parti-pris de l'amendement sur le fond. Ce n'est pas au législateur de décider s'il faut reconstruire à l'identique. Intégrer ce parti-pris architectural dans le texte, c'est donner raison au Gouvernement.

L'amendement COM-31 est adopté.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - L'amendement COM-4 rectifié ter restitue aux collectivités territoriales un éventuel surplus de dons à due concurrence des sommes qu'elles ont versées. Cette question est prématurée tant que le chiffrage précis du coût des travaux n'a pas été effectué.

Même si je comprends votre souhait que les collectivités territoriales ne subissent pas un préjudice en cas d'excédent de dons, compte tenu du caractère public de l'argent qu'elles ont versé, il est difficile de créer de telles distorsions entre les différents donateurs.

En outre, le produit de la collecte sera versé sur deux fonds de concours, selon que l'argent provient de France ou de l'étranger. Or, le fonctionnement des fonds de concours rend possible, en cas d'excédent, le reversement des fonds non utilisés à la partie versante. Demande de retrait.

L'amendement COM-4 rectifié ter est retiré.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Mon amendement COM-44 réécrit le premier alinéa pour prendre en compte la date d'ouverture de la souscription et pour supprimer le reversement des sommes à l'État. Mieux vaut passer par un établissement public pour plus de transparence.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Cet nouvelle rédaction intègre mes trois amendements COM-32, identique au COM-11 de M. Assouline, COM-33, et COM-34. Je vous propose d'adopter l'amendement COM-44, ce qui fera tomber l'amendement COM-12 de David Assouline.

L'amendement COM-44 est adopté. Les amendements identiques COM-32 et COM-11, ainsi que COM-33 et COM-34 sont satisfaits. L'amendement COM-12 devient sans objet.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-35, identique à l'amendement COM-45 de la commission des finances, rend obligatoire la conclusion de conventions relatives aux modalités de reversement par le Centre des monuments nationaux et les trois fondations reconnues d'utilité publique.

Il veille à ce que la volonté des donateurs soit prise en compte dans l'affectation des fonds. Les fondations reconnues d'utilité publique sont en effet liées par la charge des libéralités qu'on leur accorde. L'objectif est d'éviter tout risque de révocation des dons au motif que leur affectation ne serait pas compatible avec la volonté du donateur. Ces conventions seront rendues publiques de manière à garantir l'information des donateurs.

Il offre également la possibilité aux donateurs qui auraient directement versé leurs dons auprès du Trésor public, qu'il s'agisse de particuliers, d'entreprises ou de collectivités territoriales, de conclure eux aussi de telles conventions.

Il prévoit que l'établissement public fournisse une estimation précise du coût du chantier afin de garantir la plus grande transparence possible en amont du reversement.

Enfin, il précise les modalités de reversement des fonds collectés à l'établissement public en prévoyant un étalement du versement par tranches des sommes collectées au fur et à mesure de l'avancement du chantier, sur la base d'appels de fonds de la part du maître d'ouvrage.

L'adoption de ces deux amendements identiques aura pour effet de faire tomber l'amendement COM-21 de Dominique Vérien.

Les amendements identiques COM-35 et COM-45 sont adoptés. L'amendement COM-21 devient sans objet.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Albéric de Montgolfier. - La commission de la culture a souhaité nous déléguer l'examen au fond des articles 4, 5 et 5 bis du projet de loi qui sont entièrement de nature budgétaire et fiscale. À l'article 4, nous avons adopté un amendement COM-46 précisant que les versements effectués par les collectivités territoriales sont considérés comme des dépenses d'investissement et ne sont donc pas pris en compte dans le cadre de la contractualisation avec l'État.

L'amendement COM-46 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

M. Albéric de Montgolfier. - À l'article 5, nous avons adopté un amendement COM-47 qui modifie la rédaction du dispositif afin d'en renforcer la complémentarité avec le régime général des réductions d'impôts visant les dons aux associations.

L'amendement COM-47, est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5 bis (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier. - À l'article 5 bis, nous avons adopté un amendement COM-48 recentrant le rapport prévu à cet article sur le seul champ fiscal. Le rapport serait désormais annuel et viserait la dépense fiscale, mais aussi les recettes fiscales engrangées par les travaux. Je pense notamment à la TVA.

L'amendement COM-48 est adopté.

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-36, identique au COM-49 de la commission des finances, opère une coordination avec l'article 8. À partir du moment où nous avons décidé de retenir l'établissement public comme maître d'ouvrage, il est logique que ce soit à lui qu'il soit demandé de rendre compte devant le comité de contrôle.

Les amendements identiques COM-36 et COM-49 sont adoptés.

M. Albéric de Montgolfier. - Un rapport de la Cour des comptes autorise la commission des finances du Sénat et celle de l'Assemblée à opérer un contrôle très précis de la gestion des fonds collectés. Mon amendement COM-50 le rappelle.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Avis favorable.

L'amendement COM-50 est adopté.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-37 élargit le champ de son rapport annuel à la consommation effective des crédits, pour faciliter le contrôle de l'utilisation des fonds de la souscription nationale par l'établissement public. Cette information permettra de vérifier, au fil de l'avancement du chantier, si cette consommation correspond à l'affectation initialement prévue.

L'amendement COM-37 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement 5 rectifié quater qui supprime l'habilitation à créer un établissement public par ordonnance.

Aucune des trois entités citée n'est dimensionnée pour prendre en charge un chantier d'une ampleur de celui de Notre-Dame. Leurs équipes devront être étoffées de l'ordre de 10 à 15 ETP. Ces opérateurs ne sont pas forcément habitués à conduire des chantiers ouverts, ce qui est l'une des volontés pour le projet de restauration de Notre-Dame, afin de mettre à profit ce drame pour relancer et promouvoir les métiers du patrimoine. Il y a donc un risque réel de déstabiliser leur organisation, ce qui n'est pas souhaitable quand on sait les projets importants dont ils sont chargés à l'heure actuelle : le Grand Palais pour l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) et l'hôtel de la Marine et le château de Villers-Cotterêts pour le Centre des monuments nationaux (CMN).

Mieux vaudrait un partenariat entre les trois entités, mais serait-ce une réponse appropriée au caractère exceptionnel du chantier de Notre-Dame ? Et en quoi cette solution permettrait-elle de mieux associer l'ensemble des parties prenantes, Ville et diocèse de Paris compris, à la prise de décision concernant le projet ? Comment garantirait-on la consultation des experts par le biais du conseil scientifique dont les députés ont judicieusement prévu la mise en place ?

Il n'a pas été rare par le passé que la réalisation des grands projets soit confiée à un établissement public ad hoc. C'est une garantie de transparence pour la mise en oeuvre du chantier.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. - Je retire mon amendement.

L'amendement 5 rectifié quater est retiré.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-38 est de cohérence rédactionnelle.

L'amendement COM-38 est adopté.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Mon amendement COM-39 confère à l'établissement public une nature administrative. Il est inutile d'avoir un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) pour conduire des travaux de restauration. C'est une garantie pour que l'établissement public ne poursuive pas son activité dans le temps, au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser les travaux.

Il garantit le rattachement de l'établissement public au ministère de la culture, ce qui est parfaitement logique, dans la mesure où il a pour objet la conservation et la restauration de Notre-Dame.

Les amendements COM-22 et COM-23 de Dominique Vérien ne mentionnent pas le caractère de l'établissement public. Un établissement public à caractère administratif (EPA) est tout à fait suffisant pour assurer la maîtrise d'ouvrage. C'est d'ailleurs le statut de l'Oppic à l'heure actuelle.

M. Laurent Lafon. - La nature des financements définit le statut public de l'EPIC. En l'occurrence, ces financements sont des dons. N'y a-t-il pas une contradiction ?

M. Pierre Ouzoulias. - L'Inrap est financé à 90 % par des financements privés. Cela ne pose aucun problème.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - La nature commerciale de l'EPIC fait sa particularité.

Mme Dominique Vérien. - Si le chantier sert de vitrine, n'y aura-t-il pas une activité commerciale développée dans le cadre de visites, par exemple ?

M. Pierre Ouzoulias. - Rien ne l'empêche.

Mme Dominique Vérien. - Et quel est le statut de ceux qui travaillent dans un EPIC ?

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Ils auront un statut de droit privé. Ce qui importe, c'est le fléchage des dons. Nous espérons que le dispositif permettra de solliciter de nouveaux dons.

Mme Sylvie Robert. - Est-ce que les personnes qui travaillent dans un EPA relèvent toutes du droit public ?

M. Alain Schmitz, rapporteur. - On peut recourir à des contractuels pendant la durée du chantier.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - L'EPA est une bonne solution. Le président du CMN, Philippe Bélaval, nous l'avait confirmé lors de son audition. D'autant que l'EPA peut se transformer en EPIC à long terme. C'est une solution sage. Je le vois avec le projet de créer un EPIC pour occuper du Mont Saint-Michel.

L'amendement COM-39 est adopté. Les amendements COM-22 rectifié et COM-23 deviennent sans objet.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Je vous propose d'associer le Centre des monuments nationaux à la gouvernance de l'établissement public. C'est une question de bon sens compte tenu du rôle qu'il joue à Notre-Dame : il gère les beffrois, la crypte et les grandes manifestations culturelles qui ont lieu au sein de la cathédrale. Il constitue, avec l'État qui en est le propriétaire et le clergé qui en est l'affectataire, l'un des principaux acteurs qui interviennent à Notre-Dame de Paris.

L'amendement COM-40 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier. - Mon amendement COM-51 limite la durée du fonctionnement de l'établissement public à une durée de cinq ans. Peut-être faudrait-il le corriger en inscrivant « pour la durée du chantier » ?

Mme Sylvie Robert. - En effet, montrons-nous cohérents en ne faisant pas nôtre cette durée de cinq ans. Il est possible de trouver une formulation qui évitera de nous mettre en porte-à-faux avec la position que nous défendons.

M. Albéric de Montgolfier. - Je le retire pour le redéposer après l'avoir corrigé.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Par « chantier », on entend les travaux de restauration liés à l'incendie.

L'amendement COM-51 est retiré.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Dans l'amendement COM-41, je vous propose d'inscrire dans la loi que les travaux conduits sur la cathédrale seront menés sous l'autorité de l'architecte en chef des monuments historiques (ACMH) qui en a la charge. C'est une garantie pour éviter que les ACMH soient mis à l'écart.

L'amendement COM-41 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

M. Alain Schmitz, rapporteur. - Les amendements identiques COM-42, COM-6 rectifié quater, COM-18, COM-24 et COM-27 suppriment l'habilitation à déroger aux règles de droit commun par ordonnance. La mise en place de dérogations constitue un danger pour l'exemplarité de la restauration de la cathédrale Notre-Dame. Elle est susceptible de décrédibiliser notre législation et constitue un précédent particulièrement néfaste, compte tenu du caractère emblématique de ce monument dans le paysage patrimonial français.

Les amendements identiques COM-42, COM-6 rectifié quater, COM-18, COM-24 et COM-27 sont adoptés.

M. Alain Schmitz, rapporteur. - L'amendement COM-25 rectifié bis devient sans objet. Il prend au mot notre ministre qui se réfère toujours à l'archéologie préventive pour illustrer les dérogations qui pourraient être mises en place en application de cette habilitation. L'INRAP est déjà chargé du chantier dans le cadre de l'urgence impérieuse. Je peux comprendre l'idée d'aller vite, mais je ne suis pas favorable à la mise en place de dérogations aux règles de droit commun, quelles qu'elles soient. Ce serait ouvrir la boîte de Pandore.

En outre, le Sénat avait tenu une position très ferme à l'occasion des débats autour du projet de loi LCAP pour garantir le respect de la concurrence en matière d'archéologie préventive.

Mme Dominique Vérien. - Quoi qu'il en soit Pierre Ouzoulias m'a assuré que cette dérogation n'était pas nécessaire.

L'amendement COM-25 rectifié bis devient sans objet.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sylvie Robert. - Nous souscrivons à la majorité des amendements avec une réserve sur la question de la restauration à l'identique et du parti-pris architectural. Le débat aura lieu en séance.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. SCHMITZ, rapporteur

28

Avancement du début de la souscription au 15 avril

Adopté

M. de MONTGOLFIER

43

Avancement du début de la souscription au 15 avril

Adopté

M. ASSOULINE

7

Avancement du début de la souscription au 15 avril

Adopté

Article 2

M. SCHMITZ, rapporteur

29

Référence à la Charte de Venise

Adopté

M. SCHMITZ, rapporteur

30

Obligation de respecter les critères d'authenticité et d'intégrité pour les restaurations portant sur des monuments classés au titre du patrimoine mondial

Adopté

M. ASSOULINE

19

Référence aux critères d'authenticité et d'intégrité attachés aux biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial

Satisfait ou sans objet

M. SCHMITZ, rapporteur

31

Restitution du monument dans son dernier état visuel connu avant le sinistre

Adopté

Mme BOULAY-ESPÉRONNIER

4 rect. ter

Cet amendement vise à restituer aux collectivités territoriales un éventuel surplus de dons à due concurrence des sommes qu'elles ont versées

Retiré

Article 3

M. de MONTGOLFIER

44

Rédaction globale du 1er alinéa de l'article 3

Adopté

M. SCHMITZ, rapporteur

32

Avancement de la date de lancement de la souscription au 15 avril

Adopté

M. ASSOULINE

11

Avancement de la date de démarrage de la souscription au 15 avril 2019

Adopté

M. SCHMITZ, rapporteur

33

Suppression de la référence aux Etats de l'Union européenne

Adopté

M. SCHMITZ, rapporteur

34

Reversement du produit de la souscription à l'établissement public

Adopté

M. ASSOULINE

12

Cet amendement précise que le produit de la souscription sera d'abord reversé à l'Etat avant d'être versé à l'établissement public

Satisfait ou sans objet

M. SCHMITZ, rapporteur

35

Précisions relatives aux modalités de reversement des fonds collectés

Adopté

M. de MONTGOLFIER

45

Précisions relatives aux modalités de reversement par les organismes collecteurs et aux obligations de conventionnement

Adopté

Mme VÉRIEN

21 rect.

Mise en place d'une obligation de conventionnement par les organismes de collecteur

Satisfait ou sans objet

Article 7

M. SCHMITZ, rapporteur

36

Amendement de cohérence avec la création de l'établissement public

Adopté

M. de MONTGOLFIER

49

Désignation de l'établissement public comme étant l'organe devant rendre compte auprès du comité de contrôle

Adopté

M. de MONTGOLFIER

50

Contrôle des commissions des finances sur les fonds collectés dans le cadre de la souscription nationale

Adopté

M. SCHMITZ, rapporteur

37

Élargissement du champ du rapport de l'établissement public à la consommation des fonds

Adopté

Article 8

Mme BOULAY-ESPÉRONNIER

5 rect. quater

Cet amendement vise à supprimer l'habilitation à créer un établissement public par ordonnance.

Retiré

M. SCHMITZ, rapporteur

38

Amendement de cohérence rédactionnelle

Adopté

M. SCHMITZ, rapporteur

39

Caractère administratif de l'établissement public et fonctionnement sous la tutelle du ministre de la culture.

Adopté

Mme VÉRIEN

22 rect. bis

Précision relative au ministère de tutelle et à la mission confiée à l'établissement public

Satisfait ou sans objet

Mme VÉRIEN

23 rect. bis

Précision relative au ministère de tutelle de l'établissement public

Satisfait ou sans objet

M. SCHMITZ, rapporteur

40

Association du Centre des monuments nationaux à la gouvernance de l'établissement public

Adopté

M. de MONTGOLFIER

51

Limitation du fonctionnement de l'établissement public à une durée de cinq ans

Retiré

M. SCHMITZ, rapporteur

41

Maîtrise d'oeuvre sous l'autorité de l'ACMH

Adopté

Article 9

M. SCHMITZ, rapporteur

42

Suppression de l'habilitation à déroger aux règles de droit commun par ordonnance

Adopté

Mme BOULAY-ESPÉRONNIER

6 rect. quater

Suppression de l'habilitation à déroger aux règles de droit commun par ordonnance

Adopté

M. ASSOULINE

18

Suppression de l'habilitation à déroger aux règles de droit commun par ordonnance

Adopté

Mme VÉRIEN

24 rect.

Suppression de l'habilitation à déroger aux règles de droit commun par ordonnance

Adopté

Mme JOUVE

27

Suppression de l'habilitation à déroger aux règles de droit commun par ordonnance

Adopté

Mme VÉRIEN

25 rect. bis

Habilitation à déroger au code du patrimoine pour faciliter la désignation de l'INRAP comme opérateur du chantier de fouilles archéologiques

Retiré

La réunion est close à 12h15.