Financement de la sécurité sociale pour 2026 (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47 1, alinéa 2, de la Constitution.
Discussion des articles (Suite)
Troisième partie (Suite)
Article 44 (Supprimé)
Mme la présidente. - Amendement n°1258 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement rétablit le gel des pensions de retraite et des minima sociaux, supprimé par l'Assemblée nationale. La dérive de nos comptes sociaux tient à des dépenses excessives ; il nous faut donc faire des économies.
Ce gel représente un effort important demandé aux retraités : 180 euros par an pour une pension de 1 500 euros mensuels. Rappelons toutefois que les retraites ont été revalorisées de 5,3 % en 2024, pour 15 milliards d'euros.
Il faut épargner les plus fragiles : cet amendement exclut de la désindexation l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et les pensions de moins de 1 400 euros.
Mme la présidente. - Amendement n°126 rectifié septies de M. Henno et alii.
M. Olivier Henno. - Cet amendement concerne le gel de pensions de retraite. Je laisse Mme le rapporteur le présenter.
Mme la présidente. - Amendement identique n°715 rectifié de Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse. - L'article 44, que nous rétablissons, gèle le montant des prestations sociales et des pensions de retraite, qui ne seraient donc pas revalorisées de l'inflation au 1er janvier 2026.
La commission propose toutefois d'exclure de ce gel l'AAH et les pensions inférieures à 1 400 euros afin de préserver les plus fragiles.
Cette mesure aurait un rendement de 2 milliards d'euros au titre de l'année 2026. Nous améliorons aussi le lissage des seuils.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°1796 rectifié bis de M. Capo-Canellas et alii.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je comprends les contraintes financières qui justifient cette désindexation des retraites au-delà de 1 400 euros, mais je m'interroge sur le signal adressé aux classes moyennes. Nous pourrions prévoir une indexation partielle entre 1 400 et 3 000 euros, d'autant que s'ajoutent la fin de l'abattement de 10 % pour les retraités et la hausse de la CSG.
Mme la présidente. - Amendement n°1491 rectifié bis de M. Lévrier et alii.
M. Xavier Iacovelli. - Cet amendement rétablit également l'article 44, mais en limitant la sous-indexation aux pensions supérieures à 1 800 euros par mois. En outre, il minore le coefficient de revalorisation de 0,9 point en 2027 et 0,4 entre 2028 et 2030.
Mme la présidente. - Amendement n°1629 rectifié bis de M. Iacovelli et alii.
M. Xavier Iacovelli. - Celui-ci procède à une sous-indexation des seules pensions de retraite de 0,4 point de 2026 à 2030.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - La commission souhaite réintroduire le gel des prestations sociales et des pensions de retraite à leur niveau de 2025. Nous demandons un effort à tous les Français, mais préservons les plus fragiles : seules l'AAH et les pensions inférieures à 1 400 euros seront revalorisées sur l'inflation, pour un rendement estimé de 1,9 milliard d'euros.
L'amendement n°1258 rectifié bis, presque identique à celui de la commission, revalorise les pensions de retraite inférieures à 1426,30 euros, soit le niveau du Smic.
L'amendement n°1491 fixe le seuil à 1 800 euros. L'amendement n 1629 exclut les prestations sociales du gel.
Le sous-amendement n°1796 rectifié bis vise à préserver les classes moyennes, avec une sous-indexation sur l'inflation des pensions entre 1 400 et 3 000 euros et un gel au-delà. Je comprends l'objectif - éviter de pénaliser ceux qui sont juste au-dessus du niveau du Smic - mais nous plaidons pour un effort collectif afin de redresser nos comptes.
Retrait, sinon avis défavorable à tous les amendements autres que celui de la commission.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. - Étant donné la situation de nos finances publiques, un effort de contribution doit être demandé à tous. Le Gouvernement avait proposé de stabiliser le montant des prestations sociales, dans un contexte d'inflation modérée, autour de 1 %, et envisagé qu'un effort supplémentaire puisse être demandé sur les retraites en 2027, 2028 et 2029, avec une sous-indexation à hauteur de 0,4 % - mesure issue du conclave entre les partenaires sociaux.
Tout en soutenant le retour de cette mesure dans son principe, le Gouvernement, conscient que le sujet est sensible, s'en remet à la sagesse du Sénat pour trouver les bons paramètres.
Le sous-amendement n°1796 rectifié bis présente des difficultés techniques. L'absence de visibilité autour des seuils fait courir un risque constitutionnel. La rédaction conduirait en outre à baisser le montant des pensions entre 1 400 et 3 000 euros, par le jeu du coefficient de revalorisation. Enfin, la revalorisation différenciée des pensions est complexe à mettre en oeuvre. Retrait, sinon avis défavorable.
L'approche plus ciblée proposée par l'amendement n°1491 rectifié bis peut être pertinente, car les retraités ne constituent pas un bloc homogène. Nous pourrons débattre d'un tel traitement différencié. Sagesse, comme sur l'amendement n°1629 rectifié bis.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cet article 44, que l'Assemblée nationale avait supprimé, a sa place sur le podium des horreurs.
Vous gelez toutes les prestations - sauf l'AAH. La majorité sénatoriale a du coeur... L'année blanche sera une année noire pour les plus fragiles et les plus précaires, qui perdront du pouvoir d'achat.
Cet amendement gèle également les pensions de retraite au-dessus de 1 400 euros et les désindexe jusqu'à 2030. Mesurez-vous ce que cela représente pour ces personnes, quand chaque euro compte ?
L'an dernier, vous aviez prévu un gel pendant six mois, à partir de 1 500 euros. D'année en année, vous faites toujours mieux !
Vous préférez faire des économies sur les familles monoparentales et les retraités plutôt que de mettre à contribution les actionnaires ou les grandes entreprises. Nous avons pourtant proposé des recettes nouvelles - que vous avez refusées pour protéger les vôtres, les plus riches du pays. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Monique Lubin. - Le RSA pour une personne seule s'élève à 568,94 euros nets ; les allocations logement, à 250 euros. Que reste-t-il, une fois qu'on a payé son loyer ? Pour une personne isolée avec un enfant, c'est 814,62 euros. La pension moyenne, avec bonification pour trois enfants, est de 1 541 euros nets. Ces personnes sont-elles privilégiées ?
Vous répétez que les efforts doivent être partagés. Ces quelques millions de personnes sont-elles responsables du déficit ? Est-ce à elles de le payer ? Non ! Est-il équitable de les ponctionner, alors que vous refusez obstinément de faire participer les grandes fortunes et les revenus du capital ? Il faut être sans vergogne pour geler les ressources de gens qui vivent avec 568 euros par mois. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme Corinne Féret. - Après quatre jours de débats sur le PLFSS, il est évident que nous ne partageons pas les mêmes valeurs. Tous les Français doivent faire un effort, dites-vous, madame la rapporteure. Mais quand nous avons proposé d'augmenter des taxes, de faire contribuer davantage ceux qui ont le plus, vous avez refusé !
C'est à ceux qui ont le moins que vous demandez des efforts ! Manifestement, pour vous, ceux qui perçoivent des prestations de solidarité ont encore trop. Pour celui qui touche 568 euros par mois, la non-indexation se traduit par une perte de pouvoir d'achat de 81 euros. Peut-être que pour vous, ce n'est rien...
Non, nous ne partageons pas cette vision de la société. Nous préférons la solidarité nationale. Demandons à ceux qui ont le plus de contribuer le plus, et non pas l'inverse. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K ; Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Silvana Silvani. - La majorité sénatoriale s'apprête donc à rétablir le gel des prestations sociales et des pensions. Elle avait annoncé la couleur : elle allait nettoyer le PLFSS. Mais c'est une tache indélébile qu'elle laissera sur notre protection sociale.
Après avoir refusé de relever la CSG sur le capital pour dégager 2 milliards d'euros de recettes, vous mettez à contribution des plus précaires pour dégager... 2 milliards d'euros de recettes. Vous appliquez le principe d'Alphonse Allais : il faut prendre l'argent là où il est, chez les pauvres ; ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais ils sont très nombreux. Avec votre politique, ils seront même de plus en plus nombreux !
L'année dernière, l'amendement Wauquiez a contribué à la chute du Gouvernement Barnier. Quel est donc votre objectif, alors que le Premier ministre a indiqué être prêt à renoncer à ce gel ? Est-ce un signal envoyé en prévision du très probable échec de la CMP et l'indice de ce que pourrait être une future loi spéciale ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Ce gel est une honte. Avez-vous conscience que le taux de pauvreté n'a jamais été si élevé en trente ans, qu'un enfant sur cinq est pauvre ? Que, sous l'effet de la politique menée ces dernières années, l'emploi ne protège plus de la pauvreté ? Ce qui ne vous empêche d'ailleurs pas de prétendre valoriser le travail...
Votre politique, ce n'est pas de lutter contre la pauvreté ; c'est de lutter contre les pauvres. Votre budget est machine à produire des pauvres et à creuser les inégalités !
Pour une personne au RSA, la perte sera de 8 euros par mois. N'entendez-vous pas les alertes des associations caritatives, qui n'arrivent plus à répondre aux besoins ? La soupe populaire, est-ce là votre modèle ?
Certes, l'exclusion de l'AAH est une bonne nouvelle. Mais après avoir opposé les actifs aux retraités, vous cherchez en réalité à opposer les bénéficiaires de minima sociaux entre eux. Vous ne reculez décidément devant rien.
Mme Céline Brulin. - Ce gel est injuste et, de surcroît, économiquement inefficace. Vous ponctionnez 2 milliards d'euros sur nos concitoyens les plus précaires au nom du partage de l'effort, mais refusez de mettre à contribution les plus hauts revenus et patrimoines : vous avez balayé toutes nos propositions en ce sens.
D'aucuns avancent que les retraites ont été fortement revalorisées ces dernières années. Encore heureux qu'elles l'aient été, au vu de l'inflation exceptionnelle ! Les retraités auront déjà à subir la fin de l'abattement de 10 % ou encore l'essentiel de la répercussion de la taxe sur les complémentaires santé. Pendant ce temps, vous inventez le Smic des retraités, à 1 400 euros.
Les conséquences économiques en seront catastrophiques, car c'est la consommation qui porte notre économie. Ce n'est certainement pas ainsi que vous redresserez notre pays.
M. Daniel Chasseing. - Ayant indiqué dans la défense de mon amendement qu'il fallait indexer les pensions inférieures à 1 400 euros, je rectifie notre amendement pour le rendre identique à celui de la commission.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Vous vous étiez sans doute trompé...
Mme la présidente. - Il s'agit de l'amendement n°1258 rectifié ter.
Mme Laurence Rossignol. - Nous aurions presque pu vous suivre si, tous ces derniers jours, vous n'aviez pas refusé de faire contribuer les plus riches. Logiquement, il ne vous reste que les plus pauvres à faire contribuer.
Vous vous êtes tout de même avisé que la mesure serait difficile à assumer sur les personnes en situation de handicap. Pourquoi ? Parce que, pensez-vous, ce n'est pas leur faute. Mais les familles monoparentales - un tiers des familles pauvres -, est-ce leur faute ? En plus d'être injuste, votre proposition est moralement inacceptable ! (Applaudissements à gauche)
M. Mickaël Vallet. - Bravo !
M. Vincent Capo-Canellas. - Pour endiguer la progression des déficits, nous sommes bien contraints de faire des choix. (On ironise à gauche.) J'entends la demande de la rapporteure et retire notre sous-amendement. En revanche, je n'ai pas compris les arguments du ministre, ni sur le multiplicateur ni sur la dimension constitutionnelle.
Le sous-amendement n°1796 rectifié bis est retiré.
M. Martin Lévrier. - Ce débat reflète ce qui se passe depuis le début de l'examen du PLFSS : c'est droite contre gauche. Nous avons pourtant déposé des amendements qui pourraient faire avancer la discussion et conduire à un compromis. Hélas, on ne s'y intéresse pas.
Oui, tout le monde doit participer à l'effort. Mais, au Sénat, le PLFSS aura évolué à sens unique - qu'il s'agisse des apprentis ou des revenus du capital, entre autres sujets. Je vous invite donc à réfléchir à nos propositions de compromis, d'autant qu'elles émanent des partenaires sociaux. Discutons-en, au lieu de rester chacun dans son couloir.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Encore le « en même temps » !
M. Ian Brossat. - Alors que le taux de pauvreté n'a jamais été si élevé depuis 1996, la droite sénatoriale gèle les prestations sociales. Monstrueuse indécence ! Dix millions de pauvres ne vous suffisent donc pas ? Lorsque vous parcourez vos départements, ne voyez-vous pas s'allonger les files de l'aide alimentaire ?
Vous expliquez que tout le monde doit faire des efforts, mais épargnez ceux qui se sont gavés toutes les dernières années. Il y a ceux qui n'arrêtent pas de faire des efforts et ceux à qui vous ne demandez jamais rien. Lorsque paraîtront les prochaines statistiques de pauvreté, j'espère que vous nous épargnerez vos larmes de crocodile. (Applaudissements à gauche)
M. Guillaume Gontard. - L'amendement de M. Iacovelli reprend une conclusion de l'ex-conclave sur les retraites, mais je doute qu'elle aurait fait consensus sans le départ de 43 % des syndicats...
Le niveau de vie des retraités déroche, et cette mesure ne fera qu'aggraver la tendance. Le Gouvernement et la droite opposent actifs et retraités au lieu de s'interroger sur la déflation salariale. Le gel qu'ils proposent aura de lourdes conséquences sur les retraités modestes, majoritairement des femmes.
Pourtant, la sous-compensation des allègements généraux consentis aux entreprises représente 42 % du déficit de la branche vieillesse. D'autres choix sont possibles ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Émilienne Poumirol. - Seule la suppression de cet article est acceptable à nos yeux. Vous faites peser le redressement sur les plus âgés et les personnes vulnérables, faute d'accepter la moindre des recettes nouvelles que nous avons proposées. C'est décidément chez vous un dogme : ne pas faire payer les plus aisés, et surtout pas les 1 800 familles les plus fortunées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Thomas Dossus. - Qui va payer la note de huit ans d'une politique de l'offre inefficace ? Cette mesure indique votre réponse.
Certes, vous exemptez les bénéficiaires de l'AAH, mais tous les autres sont sacrifiés : près de 6 millions de personnes seront pénalisées parce que vous voulez épargner les plus riches.
Et l'attrition des recettes va continuer : le PLF prévoit la division par deux de la surtaxe d'IS. Combien de temps ferez-vous payer aux plus modestes votre politique des caisses vides ? (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pierre Barros. - Lors de l'examen du projet de loi de fin de gestion, Mme de Montchalin a parlé d'efficacité budgétaire. Mais est-il efficace de geler les prestations sociales et les retraites ?
Pour l'État, peut-être. Mais vers qui se tourneront toutes les personnes dont cette mesure aggravera les difficultés ? Vers les associations et les collectivités - singulièrement les centres communaux d'action sociale. Or le PLF maltraite les finances locales, en sorte que les communes seront de moins en moins en situation de leur venir en aide. Avec cette mesure, la chambre des territoires ne rend pas service aux élus locaux !
Mme Annie Le Houerou. - Ce gel revient à faire baisser le niveau de vie de personnes qui doivent, chaque jour, arbitrer entre se chauffer, se nourrir et se soigner. Avez-vous conscience qu'un enfant de moins de trois ans sur cinq est pauvre ?
Cette mesure est d'une incroyable injustice, alors que vous refusez tous nos amendements visant à faire contribuer les Français les plus riches, notamment les refendus du capital. Votre choix politique ? Demander toujours plus aux plus pauvres, toujours moins aux plus riches. Il abîme la cohésion sociale, accroît la défiance et nourrit les positions les plus radicales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Barros applaudit également.)
Mme Colombe Brossel. - Revenons aux personnes, celles que votre mesure touchera dans leur quotidien. Au premier chef, les familles monoparentales - un quart des familles et 3 millions d'enfants. L'Insee a montré qu'elles connaissent une augmentation de pauvreté massive. Et vous avez tenté de les flouer au moment de la réforme du complément de mode de garde. Vous enfoncez la tête de ces femmes sous l'eau et condamnez leurs enfants à la précarité ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Olivier Henno. - Au nom de la responsabilité, nous sauvons le système de retraite par répartition. (Exclamations ironiques à gauche)
M. Franck Montaugé. - Vous sauvez surtout les riches !
M. Olivier Henno. - L'Agirc-Arrco a gelé les pensions cinq ans, ce qui a sauvé le système et permis même la constitution d'une réserve de 15 milliards d'euros.
Mme Frédérique Puissat. - Exactement !
M. Olivier Henno. - M. Dossus demande : qui va payer la note ? Pas les plus riches. (On se gausse à gauche.)
Mme Céline Brulin. - Avec vous, c'est sûr !
M. Olivier Henno. - Ce sont les plus pauvres qui seront victimes de votre politique de l'autruche : car le grand blessé de votre démagogie sera le système de répartition. Si un jour les Français préfèrent la capitalisation, vous en serez responsables. (Protestations à gauche)
Je vous invite à méditer Péguy : « Le triomphe des démagogues est passager, mais les ruines sont éternelles » (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP)
M. Xavier Iacovelli. - Je prends acte avec regret de la position de la commission, car notre amendement était un juste milieu. En effet, monsieur Gontard, c'est une des seules propositions qui ont fait consensus pendant le conclave. (Mme Raymonde Poncet Monge le conteste.) Vous parlez des 43 % qui n'ont pas siégé : c'est sans doute parce que vous-même n'avez pas beaucoup siégé ces jours derniers ! (Marques d'indignation à gauche)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Tout de même !
Mme Anne Souyris. - Ce gel est emblématique d'une politique consistant à ne pas compenser à la sécurité sociale ce qui lui est dû et à taxer les plus pauvres. Il fera mécaniquement baisser le pouvoir d'achat de millions de personnes modestes, pour une économie très limitée par rapport aux 600 milliards d'euros de dépenses sociales.
Vous avez la gentillesse d'en exclure les bénéficiaires de l'AAH et les retraites inférieures à 1 400 euros. Reste que le gel frappera proportionnellement plus les ménages les plus modestes, qui consacrent l'essentiel de leurs revenus au logement et à l'énergie, des postes de dépenses particulièrement touchés par l'inflation.
M. Yannick Jadot. - Tout à l'heure, dans une salle de réunion de notre noble institution, je voyais sur un mur le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Je me disais : il est magnifique que nous soyons sortis de l'Ancien Régime... Il est magnifique aussi que le Conseil national de la Résistance ait mis en pratique les valeurs de la République, notamment l'égalité.
Selon l'Insee, le nombre de pauvres a crû de 650 000 en un an, pour atteindre 12 millions ; sur les vingt dernières années, les 0,1 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 120 %, les 25 % les plus pauvres de seulement 24 %.
Qu'est-ce qui a déraillé pour que la majorité de la Haute Assemblée de la République retrouve les réflexes de la chambre des pairs de la Restauration ? (Protestations à droite et au centre) On a l'impression que l'Ancien Régime est de retour. Vos mots ne sont plus liberté, égalité et fraternité, mais assistanat, générosité - j'espère que c'était un lapsus, monsieur le ministre - et charité. Revenons à la République ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Cécile Cukierman. - D'aucuns osent parler de générosité. Mais qui est responsable des 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui structurent ce PLFSS ?
Tout le monde devrait faire un effort ? Non ! Certaines personnes n'ont pas le choix. On ne décide pas d'être pauvre ou mal logé.
Notre République, qui est sociale, doit protéger ces Françaises et ces Français. Vous voulez une République de la vertu au nom de la responsabilité, mais épargnez ceux qui s'enrichissent jour après jour.
Ce gel serait foncièrement nocif. Non, riches et pauvres, nous ne sommes pas égaux face à la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Patrick Kanner. - M. Henno a été l'un des rares à s'exprimer sur les bancs de la droite. Avez-vous mauvaise conscience ? Peur de rendre compte à vos électeurs ? (Protestations à droite et au centre) N'ayez pas peur de vous exprimer pour justifier votre mauvais coup !
Alphonse Allais disait : il faut aller chercher l'argent là où il est, chez les pauvres, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais ils sont très nombreux. (On se gausse à droite.)
Plusieurs voix à droite. - Ça a déjà été dit !
M. Patrick Kanner. - C'est là votre boussole réactionnaire ! La nôtre, est et demeure de défendre coûte que coûte les plus modestes, les retraités et les femmes seules, qui ne sont pas responsables de la situation budgétaire. Le choix de société de la gauche, c'est de les défendre bec et ongles. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K)
Mme Frédérique Puissat. - Nous soutenons la position de la rapporteure. Nous rétablissons ainsi le dispositif, en lui apportant deux correctifs, pour les petites retraites et les bénéficiaires de l'AAH. J'ai retrouvé un ancien article, qui parle d'un ancien Premier ministre : pour économiser 50 milliards d'euros d'ici 2017, il proposait de reporter la revalorisation du RSA et d'autres prestations... Son nom ? Manuel Valls.
Mme Marion Canalès. - La situation des finances publiques est le produit d'un déficit organisé depuis huit ans.
Vous dites que tout le monde doit contribuer, mais avez refusé d'augmenter la CSG, de lutter contre la rente ou encore la financiarisation de la santé. Nettoyant le texte au chalumeau, vous vous êtes attaqués même aux apprentis. Rien ne doit repousser. Vous êtes allés jusqu'à lancer un ballon d'essai sur la fin de la gratuité de la CMU !
La bataille pour des recettes socialement justes et économiquement efficaces n'est pas une hystérie fiscale. Ces derniers jours, hélas, nos débats m'ont fait penser au Don Salluste de La Folie des Grandeurs : les pauvres, c'est fait pour être très pauvres et les riches, très riches. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Michel Canévet. - On se trompe d'un débat. (Exclamations ironiques à gauche) Le vrai sujet, c'est la redistribution. Or la France est l'un des pays les plus redistributeurs au monde !
Nous vivons au-dessus de nos moyens. Il faut donc sensibiliser le plus grand nombre à la nécessité de faire des efforts. (Murmures désapprobateurs à gauche) Il n'est pas question de retirer quelque chose à qui que ce soit, mais de ne pas revaloriser - tout en prenant en compte la situation des petites pensions.
M. Emmanuel Capus. - Très bien !
Mme Pascale Gruny, rapporteur - Certains parlent d'un gel jusqu'en 2027, voire 2030. Je rappelle que les lois financières sont annuelles. Nous parlons ici d'un gel pour 2026.
Une augmentation de 5,2 % est intervenue en 2024.
Mme Raymonde Poncet Monge. - C'était l'inflation !
Mme Pascale Gruny, rapporteur - Une autre, de 2,2 %, cette année.
Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est l'inflation !
Mme Pascale Gruny, rapporteur - Nous avons ramené le déficit de 24 milliards d'euros à la sortie de l'Assemblée nationale au niveau, acceptable, de 18 milliards d'euros. S'agissant des allègements de charges des entreprises, nous avons fait un gros travail l'année dernière.
Mme Céline Brulin. - Un gros travail ? 1,5 milliard !
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Au-delà de cette mesure, notre objectif est de préserver la sécurité sociale et la retraite par répartition, de financer l'autonomie. Ne regardez pas les choses par le petit bout de la lorgnette !
Madame Rossignol, je m'occupe de handicap depuis des années. Je ne vous permets pas de nous mettre en cause sur le plan moral. (On approuve avec énergie à droite et sur de nombreuses travées au centre.) Quant à M. Jadot, il est magnifique qu'il nous ait rappelé la devise de la République. (On ironise à droite.)
M. Christian Bilhac. - Je suis favorable au redressement des comptes publics. Mais avant de mettre le vin dans une barrique, on s'assure qu'elle ne fuit pas.
Il faut donc faire des économies, en commençant par réduire les frais administratifs à l'hôpital, multipliés par quatre en vingt-cinq ans et supprimer les comités Théodule et autres Hauts Conseils : ils n'ont pas servi à grand-chose, car on n'a pas vu que la situation s'est beaucoup améliorée...
Cibler les apprentis ou les retraités, ce n'est pas très bon. Il faut mieux équilibrer l'effort. D'autant que les 2 milliards d'économies annoncées ne se réaliseront pas, puisqu'il y aura plus de dépenses pour les départements et les CCAS. État, sécurité sociale, communes : les budgets sont différents, mais c'est toujours le même contribuable qui paie !
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos1258 rectifié ter, 126 rectifié septies et 715 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°57 :
| Nombre de votants | 343 |
| Nombre de suffrages exprimés | 318 |
| Pour l'adoption | 198 |
| Contre | 120 |
Les amendements identiques nos1258 rectifié bis, 126 rectifié septies et 715 rectifié sont adoptés et l'article 44 est rétabli.
Les amendements nos1491 rectifié bis et 1629 rectifié bis n'ont plus d'objet.
Article 45
Mme Monique Lubin . - Cet article vise à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes au moment de la retraite.
Lors des débats sur la réforme des retraites de 2023, nous avons souvent rappelé, à gauche, que la situation des femmes n'était pas prise en compte. Deux mesures intéressantes, il faut le dire, sont ici prévues : deux trimestres de bonification pour enfants pour les carrières longues et calcul des retraites des femmes sur les vingt-trois meilleures années, au lieu de vingt-cinq.
Reste que la situation professionnelle femmes reste, en moyenne, moins intéressante que celle des hommes ; des différences de salaires inexplicables perdurent. Ces questions auraient dû être traitées en amont d'une réforme des retraites. Hélas, en 2023, nous avons parlé de tout sauf du travail des femmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Annick Girardin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les mesures de la réforme des retraites de 2023 ont presque toutes été étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais pas l'abaissement de l'âge légal de départ en retraite pour les personnes souffrant d'une invalidité d'origine professionnelle. Hélas, l'amendement que j'ai déposé pour remédier à cet oubli s'est heurté à l'article 40. Le Gouvernement compte-t-il le reprendre à son compte ? Ce serait un moyen de concrétiser la rupture promise par le Premier ministre, pour un coût minime compte tenu du nombre de personnes concernées.
Mme Anne Souyris . - C'est aujourd'hui la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes. Certaines violences sont visibles : celles qui touchent à la vie et au corps. D'autres, plus sournoises : les inégalités liées au travail et à la retraite sont de celles-là.
Une carrière interrompue pour élever des enfants ou prendre soin d'un parent âgé se traduit par des pensions beaucoup plus faibles. C'est une violence économique et sociale silencieuse, mais bien réelle et qui dure toute la vie.
Cet article va dans le bon sens. Les meilleures années des mères ne doivent plus être amputées par des interruptions ou des périodes de temps partiel. Mais ce n'est qu'un début : nous devons nous attaquer aux inégalités salariales, parce que l'égalité n'est pas un slogan, mais un droit.
Mme la présidente. - Amendement n°1844 de Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Cet amendement d'appel ouvre le débat sur la réforme de la retraite anticipée pour carrière longue. Il existe une confusion entre carrière précoce et usure professionnelle. De ce fait, des cadres ayant commencé à cotiser tôt partent en retraite à taux plein sans être tenus par l'âge légal, tout en cumulant leur pension avec une activité rémunérée. La Cour des comptes a appelé à faire cesser ces pratiques contraires à l'esprit du dispositif.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. - L'objectif de cet article important est de réduire l'écart entre les pensions des femmes et des hommes, qui est en moyenne de 38 %, du fait des écarts salariaux et des carrières hachées.
Je salue Muriel Pénicaud, dont l'indicateur a permis d'avancer sur ce sujet ; en tant que chef d'entreprise, j'ai constaté une réelle sensibilisation des employeurs. La transposition de la directive européenne sur la transparence des salaires sera un point d'appui supplémentaire pour continuer de progresser.
La réforme des retraites de 2023 visait l'égalité de pension femmes-hommes en 2050 ; nous devons poursuivre nos efforts pour y parvenir.
Cet article octroie des trimestres majorés pour les carrières longues. Le calcul de la retraite se fondera sur les vingt-trois ou vingt-quatre meilleures années pour les femmes ayant eu des enfants. Plus de la moitié d'entre elles verront le montant de leur pension amélioré.
C'est grâce au dialogue social que ces idées ont émergé.
Le Gouvernement a également déposé un amendement en faveur des droits à la retraite des femmes fonctionnaires et militaires qui ont eu des enfants après leur recrutement.
Cet amendement d'appel de la commission porte sur un sujet important. Il recoupe la question de la pénibilité abordée lors du conclave - qui n'était pas loin d'aboutir. Ce sujet sera de nouveau examiné lors de la conférence sur le travail et les retraites dont les travaux débuteront le 5 décembre au Cese.
Vous souhaitez que le débat se poursuive : ce sera le cas. Retrait.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Franchement, cet amendement est une arnaque de plus (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) - nous nous y sommes habitués, depuis neuf jours. Cet amendement exclut des trimestres réputés cotisés les études des normaliens et des polytechniciens, ainsi que les jobs d'été. Vous attaquez tous ces jeunes qui ont eu besoin de travailler avant 21 ans, comme serveurs ou serveuses, ou qui ont encadré des colonies de vacances. Ils ont cotisé, mais ils ne pourront pas en bénéficier. (Mme Laurence Harribey renchérit.)
C'est une sacrée remise en cause. Un gamin d'une famille populaire qui est serveur l'été ne le fait pas par plaisir ; il travaille parce qu'il en a besoin pour payer ses études. Vous poussez le bouchon un peu loin ! Nous sommes révoltés de ce que vous êtes prêts à faire pour faire payer toujours les mêmes.
Mme Monique Lubin. - Certains étudiants travaillent même à mi-temps, il n'y a donc aucune raison que ces trimestres ne soient pas pris en compte.
Monsieur le ministre, vous évoquez les partenaires sociaux : ils feront leur travail, nous sommes attachés au paritarisme. Mais nous devons impérativement avoir un débat sur les retraites au Parlement, lequel tranchera, en définitive.
L'article 45 est intéressant, certes, mais uniquement pour les mères de famille. Or on est d'abord femme avant d'être mère.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
Mme Monique Lubin. - Pour que les femmes aient des retraites décentes et des carrières complètes, il faut que nous les considérions comme des salariées à part entière, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas.
Plus de seniors et plus de femmes en emploi, voilà l'une des clés pour résorber le déficit des retraites ! Nous devons négocier avec le Medef - qui a fait couler le conclave - pour régler définitivement le problème de l'emploi des femmes et des inégalités salariales ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous avions prévu les dérives liées au cumul emploi-retraite. Vous ne nous avez pas écoutés. Aujourd'hui, vous les constatez.
Un job étudiant est un travail salarié et ouvre des droits sociaux - ou alors il faut l'exonérer de cotisations. L'étudiant participe au financement des pensions actuelles, selon le principe de notre système par répartition.
Beaucoup d'étudiants sont contraints de travailler. Nous avions déposé une proposition de loi visant à instaurer une allocation autonomie universelle d'études. Quand elle sera en vigueur, nous pourrons reparler des jobs d'été.
Les jeunes concernés ne seront pas forcément cadres ni concernés par le cumul quand ils partiront à la retraite. Près d'un jeune sur quatre sorti d'études depuis quatre ans est au chômage ou en sous-emploi.
La solution réside dans le recentrage sur la retraite progressive, cannibalisée par le cumul emploi-retraite. La retraite progressive est moins attractive, car elle ne permet pas de recevoir l'intégralité de sa pension. Mais elle ne suscite que des effets d'aubaine très limités, voire nuls, contrairement au cumul emploi-retraite.
M. Martin Lévrier. - Depuis mes 17 ans, j'ai travaillé l'été pour payer mes études. (Mmes Céline Brulin et Cathy Apourceau-Poly renchérissent.)
Il ne fait pas tout mélanger : un job d'été, c'est un travail. Cet amendement me laisse pantois. (« Très bien ! » sur les travées du groupe CRCE-K)
L'amendement n°1844 n'est pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
L'article 45 est adopté.
Après l'article 45
Mme la présidente. - Amendement n°1236 rectifié de Mme Apourceau-Poly et du groupe CRCE-K.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cela fait du bien, ce vote sur l'amendement précédent !
Le 5 juin dernier, sur l'initiative du groupe communiste, l'Assemblée nationale a examiné une proposition de résolution visant à abroger la réforme des retraites de 2023. Le résultat fut sans appel : 198 voix pour et seulement 35 contre.
La société est restée fragmentée par le passage en force du Président de la République et du gouvernement d'alors sur cette réforme. La brutalité des décisions prises s'est accompagnée d'une brutalité des reculs imposés aux travailleurs. Avec le passage à 64 ans, on troque les deux meilleures années de la retraite contre les deux pires années de travail. (Mme Anne-Marie Nédélec s'exclame.)
Il nous semble utile de rappeler les effets désastreux de la réforme Borne-Macron. Elle a aggravé les inégalités entre les femmes et les hommes - d'où l'article 45 de ce PLFSS. Elle détériore la santé des seniors en fin de carrière.
Nous souhaitons un rapport d'évaluation sur la réforme de 2023 à laquelle nous demeurons opposés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Plutôt qu'un rapport, mieux vaut demander un débat.
Il nous faudrait surtout la loi Travail promise par la Première ministre Borne.
La réforme des retraites de 2023 a suscité beaucoup d'incompréhensions - - ce que je peux tout à fait comprendre. Mais ce n'est pas dans un rapport que nous trouverons la solution.
L'article 45 prévoit des mesures attendues pour la retraite des femmes. Avis défavorable.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. - Votre demande est satisfaite : un rapport du Comité de suivi des retraites (CSR) sur la réforme de 2023 doit être remis avant le 1er octobre 2027. Un débat pourra même intervenir - peut-être même avant, mais je n'anticipe pas sur les débats à venir. Les retraites, le travail et l'emploi seront les sujets abordés lors de la conférence.
Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Cécile Cukierman. - Cet amendement ouvre le débat sur les retraites.
Madame la rapporteure, vous êtes défavorable à cet amendement, non parce qu'il s'agit d'un rapport, mais parce que vous êtes favorable à cette réforme des retraites.
Nous avons déposé cet amendement, parce que les groupes de la majorité sénatoriale ont déposé avec une certaine malice un amendement de suppression de l'article 45 bis - mais pas pour les mêmes raisons qui ont conduit les députés communistes à voter contre cet article. Nous avons besoin d'un peu de clarté pour débattre, et aussi pour voter.
Nous exigeons toujours l'abrogation de la réforme des retraites. L'arnaque commence à poindre, avec un conclave sous l'égide du gouvernement Bayrou qui a fait pschitt et des mesures annoncées qui n'en sont pas. Tout cela n'est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Nous sommes favorables à l'abrogation, vous ne l'êtes pas, mes chers collègues de droite. Ne tournons pas autour du pot et ayons ce débat de fond. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Madame Cukierman, je n'ai jamais dit que la réforme me convenait dans sa globalité. Elle n'a pas abordé des thèmes comme la pénibilité, l'usure professionnelle, l'emploi des seniors ou des femmes. Si cela avait été le cas, elle aurait pu être mieux acceptée.
Cela dit, les éléments factuels demeurent. Je ne veux plus m'entendre dire par les jeunes actifs qu'ils n'auront plus de retraite demain.
À la demande du groupe CRCE-K, l'amendement n°1236 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°58 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 345 |
| Pour l'adoption | 119 |
| Contre 22 | 6 |
L'amendement n°1236 rectifié n'est pas adopté.
Article 45 bis
Mme Monique Lubin . - La droite sénatoriale a décidé de rompre le très faible consensus issu de l'Assemblée nationale, à un moment où le pays est terriblement fracturé.
Pourquoi tenons-nous autant à la suspension de la réforme des retraites ? Parce que le pays et les citoyens ne l'ont toujours pas accepté. Elle n'a pas été votée par l'Assemblée nationale. Ici, nous savons ce qu'il en est advenu. Elle est appliquée, mais elle est restée en travers de la gorge des salariés de ce pays qui ont exprimé leur opposition, mais ils n'ont pas été entendus, ils ont même été méprisés.
Oui, nous voulons un débat au Parlement. Nous voulons de nouveau discuter de la réforme, car nous considérons que certains de nos concitoyens ne peuvent pas travailler au-delà de 62 ans. Une future réforme devra tout prendre en compte.
La réforme des retraites de 2023, comme celle amorcée en 2019, répondait à un mantra idéologique. À l'époque, on a inventé des déficits. On nous a fait peur. J'ai même entendu des ministres dire que si on ne faisait rien, on ne pourrait plus payer les retraites d'ici quelques mois. Or le système se maintient pour l'instant. Nous savons que les nouvelles donnes nous obligent à retravailler la question. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Chers collègues de la droite sénatoriale, depuis une semaine, c'est la France des salariés, des chômeurs, des pauvres que vous matraquez. (Protestations à droite)
Un matraquage méthodique, inique, cynique des quelques avancées obtenues à l'Assemblée nationale. Par idéologie, vous avez rétabli la taxe sur les mutuelles, allongé la durée du travail et supprimé une recette de 2,7 milliards d'euros assise sur les placements de nos concitoyens les plus aisés.
Par idéologie, vous vous apprêtez à rétablir la réforme des retraites de 2023. Vous assumez donc de voler volez des années de vie à 3,5 millions de Français (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; applaudissements à gauche)
Vous employez les mêmes mots qu'en 2023.
M. Laurent Burgoa. - Oui !
Une voix à droite. - Nous sommes constants !
M. Patrick Kanner. - C'est Retour vers le futur : mêmes choix, mêmes postures, mêmes choix de protéger le capital plutôt que les travailleurs.
Les Français ne vont pas bien, mais ils vous regardent et se souviendront de vos choix. Nous voterons pour le maintien de la suspension de la réforme des retraites, par conviction et pour protéger celles et ceux qui travaillent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Barros applaudit également.)
M. Bruno Retailleau . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) La suspension...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le retour !
M. Bruno Retailleau. - ...de la réforme des retraites est le tribut payé par le Gouvernement à la gauche pour durer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Jaloux !
M. Bruno Retailleau. - Cette suspension est contraire aux intérêts des Français.
D'abord pour des raisons budgétaires. Quand on connaît le poids des dépenses de retraites, la suspension est illusoire. Le déficit est sous-estimé (Protestations à gauche), voire masqué. (Les protestations redoublent.) Il faut y ajouter 44 milliards d'euros de subvention de l'État pour les pensions des agents publics (Mme Pascale Gruny le confirme.) et 8 milliards d'euros pour les régimes spéciaux.
Ensuite, parce que tous les Français sont attachés au régime par répartition. (M. Daniel Fargeot renchérit.) Mais celui-ci est confronté à des difficultés démographiques : jadis, on comptait 4 cotisants pour un pensionné ; désormais, c'est 1,6. Comment fera-t-on à l'avenir ? Le statu quo fragiliserait le régime par répartition et les générations futures devront payer leur retraite, et la nôtre. « Aucune génération n'a le droit d'en amoindrir une autre », écrivait Balzac. (Applaudissements à droite)
Enfin, parce qu'il faut travailler plus en France si l'on veut renouer avec la prospérité. (Mme Sophie Primas applaudit.) Sur une vie, il manque trois années de travail. Nous ne redresserons pas la France ainsi. C'est le problème de la gauche, qui a vendu des boniments aux Français depuis des années avec les 35 heures et la retraite à 60 ans et qui leur a dit : travaillez moins et vous vivrez mieux. C'est un mensonge ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
Mme Maryse Carrère . - Nous arrivons au point névralgique du texte. Cette réforme pose des problèmes de fond et de forme.
Sur le fond, mon groupe était partagé sur la question. Mais nous voulions tous améliorer le sort des femmes, des salariés aux carrières longues ou hachées, sans oublier la pénibilité.
Nous sommes tous également conscients du poids de la dette publique et ne voulons pas hypothéquer l'avenir des jeunes générations.
Sur la forme, la majorité du RDSE regrette la position de la majorité sénatoriale. Cet article nous offre une chance d'éviter une nouvelle crise politique. Nous avons l'espoir qu'un compromis évite de créer de l'instabilité, qui, au fil des jours, sert les extrêmes.
La France n'a pas besoin d'un énième choc institutionnel. Elle a besoin de sérénité, de dialogue et de temps pour reconstruire la confiance. Cette suspension n'a de sens que si nous mettons à profit ces deux ans pour travailler à une réforme systémique, comme le RDSE le réclame depuis de très nombreuses années. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe SER)