SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : LA FAIM : UNE MENACE QUI S'AGGRAVE 13

CHAPITRE I : VERS UNE CROISSANCE DES BESOINS ALIMENTAIRES 15

I. UNE CROISSANCE DE LA POPULATION AUX CONTOURS INCERTAINS 16

A. UNE AUGMENTATION DE LA POPULATION DONT L'AMPLEUR EST CONJECTURALE 16

B. UNE DYNAMIQUE DÉMOGRAPHIQUE GÉOGRAPHIQUEMENT CONTRASTÉE AVEC D'IMPORTANTS SUPPLÉMENTS DE POPULATION DANS LES PAYS LES MOINS AVANCÉS 19

II. DE LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE AUX BESOINS ALIMENTAIRES : UNE CLEF DE PASSAGE QUI DÉPEND ÉTROITEMENT DES REVENUS 23

A. LA PROSPECTIVE DES BESOINS ALIMENTAIRES DÉPEND DE L'HYPOTHÈSE SUR L'ENRICHISSEMENT DE LA RATION ALIMENTAIRE 25

B. UNE DYNAMIQUE FORTEMENT CONTRASTÉE PAR GRANDE RÉGION DU MONDE 30

C. DES RÉSULTATS SENSIBLES AUX MODES DE CONSOMMATION 38

1. Quelle diversification des régimes alimentaires ? 38

2. Des perspectives de demande sensibles à l'évolution des pertes et des gaspillages 43

D. LES PRIX ALIMENTAIRES, UNE VARIABLE CRUCIALE 47

CHAPITRE II : L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE A PROGRESSÉ DANS LE MONDE 49

I. PROPOS LIMINAIRES : UNE MESURE DE LA FAIM DANS LE MONDE QUI GAGNERAIT À ÊTRE PRÉCISÉE ET ÉLARGIE 49

II. MALGRÉ UNE AUGMENTATION DE LA PRODUCTION ALIMENTAIRE... 51

III. ... LA « FAIM DANS LE MONDE » N'A PAS DIMINUÉ DANS LES PROPORTIONS PROCLAMÉES COMME AUTANT D'OBJECTIFS PAR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE 58

A. GLOBALEMENT, DES PROGRÈS ENTRE 1970 ET LE MILIEU DES ANNÉES 90 59

B. ... MAIS DES PROGRÈS INSUFFISANTS 61

C. DEPUIS LE MILIEU DES ANNÉES 2000 UNE NETTE DÉGRADATION DE LA SITUATION S'EST PRODUITE 63

IV. LA CRUELLE IRONIE DE LA FAIM : LES PAYSANS SONT LES PREMIERS TOUCHÉS 71

A. SURTOUT DES PAYSANS 71

B. DANS LES PAYS EN RETARD DE DÉVELOPPEMENT 71

1. L'impact de la croissance globale 71

2. Le poids particulier de la croissance du secteur agricole 73

3. Les effets de l'investissement agricole 74

4. Le rôle de la productivité 75

C. UN CONSTAT FORT : LA CROISSANCE NE SUFFIT PAS, SES MODALITÉS ET LA RÉPARTITION DES REVENUS COMPTENT BEAUCOUP 76

DEUXIÈME PARTIE : UN POTENTIEL INCERTAIN 83

CHAPITRE I : Y-AURA-T-IL DES TENSIONS SUR LES TERRES ? 85

I. LA CROISSANCE DE LA PRODUCTION AGRICOLE DES DERNIÈRES DÉCENNIES N'A REPOSÉ QUE MARGINALEMENT SUR LA MOBILISATION DE NOUVELLES TERRES 86

II. LES RÉSERVES FONCIÈRES MOBILISABLES, DE L'IMPRESSION D'UNE SURABONDANCE AU CONSTAT DE DISPONIBILITÉS SOUS CONTRAINTES 88

A. LE POTENTIEL THÉORIQUE : ENTRE L'IMAGE D'UNE SURABONDANCE... 89

1. Au premier regard, d'importantes disponibilités à l'échelle du monde 89

2. Des potentiels régionaux très inégaux 93

B. ...ET DES RÉALITÉS PLUS FORTEMENT CONTRAINTES 96

1. Le poids des contraintes naturelles 96

2. De fortes tensions locales 100

3. Des doutes sur les méthodes 103

4. Le poids des facteurs socio-économiques 104

5. Quels équilibres « hommes-terres » ? 104

III. UNE « COURSE AUX TERRES » ? 107

A. LES ACQUISITIONS INTERNATIONALES DE TERRES 107

B. LA QUESTION DE LA RARÉFACTION DES TERRES AGRICOLES : LE CAS FRANÇAIS 112

IV. L'IRRIGATION SERA-T-ELLE UNE SOLUTION ? 114

CHAPITRE II : QUELLES PERSPECTIVES POUR LES RENDEMENTS AGRICOLES ? 119

I. LA QUERELLE DE LA COMBINAISON PRODUCTIVE : Y-A-T-IL UNE ALTERNATIVE ENTRE TERRES OU RENDEMENTS ? 121

A. UNE QUESTION THÉORIQUE PLUS COMPLEXE QU'ON NE LE PRÉSENTE SOUVENT... 121

B. ... DONT LES DIFFICULTÉS S'ACCROISSENT QUAND ON LA MET EN PERSPECTIVE 122

C. UNE QUESTION EN PARTIE VIDE DE PORTÉE ? 124

II. DES RENDEMENTS DONT LA PROGRESSION S'ESSOUFFLE ? 125

A. D'UNE FORTE PROGRESSION DES RENDEMENTS... 125

B. ... À UN TASSEMENT ? 127

1. Constats 127

2. La hausse des rendements, jusqu'à quel point ? 129

3. La progression des rendements ne devraient plus venir principalement d'une augmentation du potentiel mais d'un rattrapage des pays en retard 132

TROISIÈME PARTIE : UN CONTEXTE NOUVEAU ET INQUIÉTANT 135

CHAPITRE I : AGRICULTURE ET ÉNERGIE 137

I. UN SECTEUR FORTEMENT CONSOMMATEUR D'ÉNERGIE CONFRONTÉ À UN DOUBLE DÉFI ÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE 137

A. UN SECTEUR À TROP FORT CONTENU ÉNERGÉTIQUE 138

B. QUELS LIENS ENTRE PRIX DE L'ÉNERGIE ET PRIX AGRICOLES ? 139

II. UN SECTEUR DE PLUS EN PLUS PRODUCTEUR D'ÉNERGIE : OPPORTUNITÉ OU MENACE ? 143

A. UNE PRODUCTION D'AGRO-CARBURANTS EN FORTE CROISSANCE 143

1. Une forte croissance, surtout dans certains pays 143

2. Des politiques d'encouragement à la production d'agro-carburants 145

B. UNE VIABILITÉ ÉCONOMIQUE EN QUESTION 148

1. Aujourd'hui, les agro-carburants dépendent généralement de l'intervention publique 148

2. Demain, les scénarios de prix des énergies fossiles mais aussi les progrès techniques pourront justifier plus largement la production d'agro-carburants 151

C. QUELS EFFETS SUR LES ÉQUILIBRES ALIMENTAIRES ? 153

1. Quels effets sur le prix de l'énergie ? 154

2. Quels effets sur les changements climatiques ? 157

3. Récapitulatif 162

a) Vers un grave problème foncier 162

b) Un facteur autonome de hausse des prix 167

D. APERÇUS POUR LA FRANCE 173

CHAPITRE II : UNE AGRICULTURE CONFRONTÉE À DES DÉFIS NATURELS NOUVEAUX 179

I. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE COMPLIQUE LA DONNE 179

A. APERÇU GÉNÉRAL : PEU D'EFFETS GLOBAUX MAIS DES IMPACTS RÉGIONAUX SIGNIFICATIFS DÉCRITS PAR DES SCÉNARIOS SANS DOUTE INCOMPLETS 180

1. Peu d'effets globaux mais des incidences régionales significatives 180

2. Des scénarios qui semblent incomplets 182

B. LES RÉSULTATS DÉTAILLÉS DES SCÉNARIOS 183

1. L'étude de la FAO 183

2. L'étude de GAEZ sur les superficies cultivables 187

II. LA MONTÉE DES STRESS HYDRIQUES 189

A. LES ESTIMATIONS RELATIVES À L'ACCESSIBILITÉ DE L'EAU VARIENT AVEC DES EFFETS SUR LE POTENTIEL ENVISAGEABLE 190

B. LES DISPONIBILITÉS EN EAU RENOUVELABLE SONT TRÈS INÉGALEMENT RÉPARTIES 192

C. QUELLES PERSPECTIVES POUR L'AGRICULTURE D'IRRIGATION ? 195

III. LES PROBLÈMES DE SOUTENABILITÉ DU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE 198

A. LES EFFETS NON DÉSIRABLES DE LA « RÉVOLUTION VERTE » SUR LES RESSOURCES NATURELLES 198

B. INQUIÉTUDES POUR LA BIODIVERSITÉ 200

C. DES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES DE PLUS EN PLUS CONTESTÉS 203

1. Une utilisation très inégale des produits phytopharmaceutiques 204

2. Une utilisation contestée 207

3. Une tendance à la rationalisation ? 209

a) La législation européenne 209

b) La législation française 211

4. Le plan « Ecophyto-2018 » : la question de la faisabilité d'une politique de réduction des phytopharmaceutiques 212

IV. VERS UNE NOUVELLE AGRICULTURE ? 217

A. LES VOIES D'UNE AMÉLIORATION DES RENDEMENTS SONT PLURIELLES 219

1. Une « super-Révolution verte » est-elle réaliste ? 219

2. L'agriculture raisonnée ? 221

3. La mise en oeuvre d'une Révolution doublement verte ? 221

B. LA RÉVOLUTION DOUBLEMENT VERTE POURRA-T-ELLE NOURRIR LE MONDE ? 228

CHAPITRE III : QUELLES PERSPECTIVES POUR LES PRIX ALIMENTAIRES ? 233

I. SUR UNE LONGUE PÉRIODE UNE CHUTE DES PRIX AGRICOLES RÉELS MAIS DEPUIS LE MILIEU DES ANNÉES 2000 UNE FORTE VOLATILITE 235

A. UNE BAISSE STRUCTURELLE MAIS DE FORTES TENSIONS À LA FIN DES ANNÉES 2000 235

B. LE CONSTAT DE MOUVEMENTS DE PRIX DIFFÉRENCIÉS PAR PRODUIT 238

C. DES DIFFÉRENCES PAR MARCHÉ 240

II. LE CADRE D'ANALYSE DES PRIX AGRICOLES CONDUIT À ENVISAGER PLUSIEURS SCÉNARIOS AVEC UN SCÉNARIO PLUS PROBABLE DE HAUSSE DES PRIX 243

A. PLUSIEURS SCÉNARIOS DE PRIX SONT ENVISAGEABLES 246

1. Toutes choses égales par ailleurs, la hausse de la demande devrait exercer une tension sur les prix agricoles 248

2. La hausse de la productivité comme variable d'équilibre ? 250

a) En pratique, l'élévation du niveau des prix peut être une condition préalable à des progrès de productivité censés ... peser sur les prix surtout quand il n'existe pas d'aide publique ou d'accès au crédit 251

b) Les progrès de productivité peuvent se heurter à des limites physiques 252

c) Les progrès de productivité peuvent se faire à coûts croissants 252

3. Que peut-on attendre de la hausse des prix agricoles ? 254

B. LA CONFIRMATION PAR PLUSIEURS PROSPECTIVES 256

III. LA VOLATILITÉ, UNE QUESTION UN PEU SECONDE, MAIS IMPORTANTE 257

A. APERÇUS THÉORIQUES 257

B. L'ÉPISODE DE FIÈVRE DES PRIX AGRICOLES DES ANNÉES 2006-2008 261

C. LES ORIENTATIONS DU G20 SOUS PRÉSIDENCE FRANÇAISE 271

1. La nécessaire augmentation de la production et de la productivité agricoles 272

2. L'information et la transparence des marchés 273

3. Le renforcement de la coordination politique internationale 273

4. La réduction des effets de la volatilité des prix pour les plus vulnérables 277

5. La régulation financière 278

QUATRIÈME PARTIE : QUEL INVESTISSEMENT ? 279

I. COMBINER LES POLITIQUES D'OFFRE ET DE DEMANDE 281

II. L'INVESTISSEMENT : 83 MILLIARDS DE DOLLARS NE SUFFIRONT PAS 283

A. UN RALENTISSEMENT DE L'INVESTISSEMENT AGRICOLE... 285

B. DES BESOINS D'INVESTISSEMENT À RÉESTIMER 288

1. L'estimation de la FAO 289

2. Une estimation qui, au total, minore sans doute l'effort à entreprendre 291

CINQUIÈME PARTIE : DEMAIN, QUELLE GEO-ALIMENTATION ? 301

I. AUTOSUFFISANCE OU SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ? 303

A. QUELLES TENDANCES POUR LA DIVISION AGRONOMIQUE DE LA PRODUCTION ? 304

1. Un scénario de renforcement modéré des interdépendances 305

a) L'existant : des interdépendances dont témoignent les bilans ressources-emplois 305

b) Le futur : vers un accroissement des déséquilibres régionaux et des échanges internationaux 306

2. Conditionné à des hypothèses fragiles 311

B. UN RÔLE DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX VARIABLE SELON LES SUCCÈS DU DÉVELOPPEMENT AGRICOLE 313

II. DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES AGRICOLES INTERNATIONAUX 316

A. UN PROCESSUS PROGRESSIF DE LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES AGRICOLES 318

1. Au niveau mondial, l'Uruguay Round et Doha 318

2. À l'échelon européen, les réformes successives de la PAC 321

B. QUELS EFFETS DE LA LIBÉRALISATION DU COMMERCE AGRICOLE ? 323

1. Les enseignements des modèles 326

a) Rappels sur le contexte 326

b) Des résultats contrastés quand on diversifie les techniques de simulation 329

(1) De la vision irénique de la Banque mondiale... 329

(2) ... à l'approche plus réaliste de la délégation du Sénat à la planification 331

2. « Considérations hors-modèles » 335

a) Les avantages comparatifs ne sont pas figés et ne doivent pas être considérés comme tels 335

b) Ne pas négliger les risques d'une spécialisation tournée vars la demande étrangère 337

C. QUELQUES CONCLUSIONS AUTOUR DE CERTAINES CERTITUDES DANS UN CONTEXTE D'INCERTITUDES 342

1. La libéralisation du commerce agricole international peut compliquer l'équation alimentaire pour les pays en développement 342

2. Les effets de la libéralisation seraient asymétriques 344

3. La libéralisation du commerce agricole pose de redoutables problèmes de transition 346

III. QUELLE PLACE POUR LES HOMMES ? 348

A. LA PLUPART DES PAYSANS SONT PAUVRES 348

B. LE PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE DANS LA FILIÈRE AGRO-ALIMENTAIRE EST GLOBALEMENT DÉFAVORABLE AUX PRODUCTEURS DE BASE 350

C. LES AGRICULTEURS DU MONDE CONNAISSENT DES SITUATIONS TRÈS DIFFÉRENCIÉES QUI POURRAIENT S'ACCENTUER 357

IV. QUEL PARADIGME ? 357

A. UNE INITIATIVE POUR LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE : L'EXEMPLE DE LA « DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE DANS LE NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE (NEPAD) » 358

B. UNE RÉHABILITATION DE L'AGRICULTURE ? LE RAPPORT DE LA BANQUE MONDIALE SUR LE DÉVELOPPEMENT 2008 364

1. Les trois catégories de pays identifiées par la Banque mondiale 365

2. Un appel à la réhabilitation de l'agriculture comme levier du développement 369

3. Des stratégies différenciées 372

C. DES POINTS DE VUE QUI MANQUENT DE COHÉRENCE 378

D. LES ÉTATS ACTEURS OU AGENTS DU SYSTÈME ALIMENTAIRE MONDIAL ? 379

CONCLUSION 387

EXAMEN EN DÉLÉGATION 395

ANNEXES 401

INTRODUCTION

« Il ne faut pas faire des enfants quand on ne peut pas les nourrir. » Pardonnez-moi, madame, la nature veut qu'on en fasse puisque la terre produit de quoi nourrir tout le monde; mais c'est l'état des riches, c'est votre état qui vole au mien le pain de mes enfants.

Lettre de Jean-Jacques Rousseau à Madame de Franceuil - 20 avril 1751

Aujourd'hui encore c'est un devoir d'être un abolitionniste de la faim. C'est de ce devoir que votre rapporteur est parti et c'est ce devoir qui le conduit à affirmer que la priorité des priorités, quand on s'occupe du défi alimentaire, c'est de réfléchir aux conditions d'une mise en oeuvre effective du droit à l'alimentation.

Le « défi alimentaire » occupe de plus en plus le monde. Les sommets internationaux, les ouvrages, l'émotion de l'opinion publique face aux famines, aux crises chroniques, la persistance endémique de la faim dans le Monde... tout témoigne que ce défi existe dès aujourd'hui.

Mais, avec le défi alimentaire, de quoi parle-t-on au juste ?

Très souvent, la question posée est celle des capacités du Monde à produire les ressources nutritives nécessaires pour alimenter correctement 9 milliards d'individus, nombre des terriens prévu généralement pour 2050. Elle renvoie à une estimation du potentiel agricole. Il faudra produire entre, 2010 et 2060, 733 exacal1(*) de nourriture, soit plus qu'entre l'an 1500 et 2010 (630 exacal).Le pourra-t-on ?

Sur ce point, les prospectives du défi alimentaire donnent des images des tensions physiques qui s'exerceront sur le système alimentaire. Elles montrent, qu'à technologies inchangées, ces tensions se renforceront. Face à des besoins alimentaires croissants, l'offre sera fortement sollicitée alors que ses conditions actuelles de soutenabilité sont remises en cause et que, dans le futur, de nouvelles contraintes devraient apparaître (conflits d'usage, nouvelles conditions environnementales...).

Cette contrainte d'objectif, les prospectives la décrivent comme plus ou moins critique. Elles convergent vers l'idée que le chemin pour obtenir l'autosuffisance alimentaire du Monde se rétrécira.

Elles suggèrent aussi qu'il n'existe pas un seul chemin mais plusieurs, avec chacun ses avantages et ses risques, chacun ses limites de soutenabilité.

Cette pluralité des options techniques pose un problème, difficile, de choix. Mais là ne réside sans doute pas la plus lourde des difficultés qu'il faut surmonter pour relever le défi alimentaire.

C'est quand on élargit le raisonnement, comme il faut le faire, aux questions économiques, sociales, juridiques, politiques qu'apparaît vraiment l'ampleur du problème.

Ces dernières dimensions doivent impérativement être croisées avec les données physiques, que privilégient souvent trop exclusivement les prospectives, ce qui accentue la complexité du problème mais, oriente aussi utilement la réflexion par l'épreuve de la cohérence qu'elles imposent.

Certains modèles techniques envisageables sur la base de leur faisabilité agronomique deviennent fragiles dès qu'on en élucide les conditions socio-économiques.

Celles-ci, d'ores déjà, ressortent comme critiques ce qui ternit l'image rassurante d'une offre qui pourrait moyennant quelques solutions techniques bien conçues répondre aux besoins.

Or, il faut considérer que, demain plus encore qu'aujourd'hui, la mise en pratique du droit à l'alimentation pourrait être entravée par les transformations des conditions socio-économiques des agriculteurs du Monde

Manquent fondamentalement à ceux qui ont fin, les ressources financières pour se nourrir. Plus encore, comme cette pauvreté est surtout paysanne, on peut dire que, si l'agriculture ne nourrit pas le monde, c'est parce que trop souvent elle ne « nourrit pas son monde ». Ainsi va le défi alimentaire aujourd'hui.

Tout l'enjeu est d'en sortir alors que le futur pourrait aggraver les forces qui font que ce défi est, avant tout, une affaire de pauvreté et de pauvreté assez largement rurale.

Le présent rapport se situe sans hésitation dans cette vision élargie du problème alimentaire.

Ce qui est devant nous c'est un défi agricole, peut-être, mais c'est plus qu'un défi agricole, c'est, sûrement, un défi alimentaire, et un défi de l'accès à la nourriture pour les pauvres de ce monde et ainsi, fondamentalement, c'est le défi du développement.

Mesurer comment l'agriculture pourra contribuer à ce que ce défi soit relevé c'est sans doute s'interroger sur son potentiel agro-alimentaire, d'un point de vue technique, mais c'est beaucoup plus que cela. C'est examiner à quelles conditions ce potentiel sera exploité et comment faire en sorte que le développement de la production agricole s'accompagne d'un développement pour chacun de ses capacités d'accès à la nourriture, de ses revenus.

La vision de votre rapporteur s'inscrit pleinement dans la démarche popularisée par A Sen, dont il faut affirmer toute la pertinence pour comprendre les enjeux du futur et situer l'action.

Convenons-en ces interrogations sont formidables. Et elles le sont d'autant plus que, sans être peut-être tout à fait « neuves », elles sont en voie de complet renouvellement.

Comme ailleurs, la réflexion sur l'agriculture a souffert de la diffusion d'un cadre d'analyse ultra-simplificateur, celui de l'efficience des marchés. Or, la main de la semeuse n'est pas une main invisible. Les marchés peuvent ne pas apporter ce qu'on attend d'eux. Et les mêmes pays qui, dans les institutions de Bretton Woods l'oubliaient, savaient très bien s'en souvenir, qui à Genève à l'OMC, qui à Bruxelles ou à Washington, à quelques « blocs » de distance du FMI et de la Banque mondiale.

L'épreuve des faits propage aujourd'hui l'idée que l'agriculture cela compte et que l'équilibre alimentaire et l'équilibre des marchés peuvent différer.

La réflexion sur le développement agricole a donc repris. Et la Banque mondiale elle-même dans un rapport, qui est tout un symbole de ce processus a resitué en 2008 « l'agriculture au service du développement ».

Pour autant, tout est-il désormais clarifié ?

Certainement pas, et il est douteux que toute la clarté puisse être faite avant quelque temps. Il faut savoir reconnaître que le passage d'une matrice d'analyse un peu paresseuse, celle qui fait fi de la complexité du réel, à un projet plus réaliste, qui peut ne pas compter pour rien, au contraire, les mécanismes spontanés de fonctionnement de l'économie, est en soi une ambition. L'essentiel est que cette ambition ne reste pas sans effet pratique.

Il faut coupler la réflexion stratégique et l'action avec pour horizon d'inventer un système agricole mondial qui permette d'avancer, le plus rapidement possible, vers la résolution du défi alimentaire, vers la fin de la faim.


* 1 1 exacal=1018 calories.