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Table des matières
Frais bancaires sur succession (Deuxième lecture)
Profession d'infirmier (Procédure accélérée)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Ordre du jour du mardi 6 mai 2025
SÉANCE
du lundi 5 mai 2025
84e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : Mmes Nicole Bonnefoy et Marie-Pierre Richer.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.
Frais bancaires sur succession (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession.
Discussion générale
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - Cette proposition de loi répond à une préoccupation profondément humaine : soulager les familles confrontées à la perte d'un proche. Il s'agit, dans ce moment douloureux, de faciliter leurs démarches auprès des établissements bancaires. À la peine, en effet, ne doivent plus s'ajouter des frais bancaires souvent mal compris et peu lisibles.
L'encadrement de ces frais constitue une mesure de justice et de transparence : il protège les familles tout en assurant la confiance dans le système bancaire. Je salue l'engagement des parlementaires sur ce texte, notamment ceux de l'auteure, Christine Pirès Beaune, et du rapporteur Hervé Maurey.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics s'attachent à mieux encadrer les frais bancaires, notamment pour les plus vulnérables : depuis 2013, toutes les banques sont tenues de proposer une offre spécifique « clientèle fragile » ; en 2019, l'encadrement des frais a été renforcé par décret ; en 2020 est venue la charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement.
La présente proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de cette politique de renforcement de l'inclusion financière. Comptez sur mon engagement pour faire avancer ces mesures difficiles mais nécessaires.
Plus précisément, ce texte prévoit trois cas de gratuité : modestie des moyens du défunt, minorité de celui-ci, absence d'élément de complexité dans les opérations nécessaires. Dans les autres cas, un double plafonnement s'appliquera : les frais ne pourront dépasser 1 % du total des avoirs du défunt ou une limite qui sera fixée par décret.
Je salue le travail de coconstruction mené par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui débouche sur un dispositif parfaitement équilibré.
En cas de décès, les banques fournissent des services : accompagnement des familles, obtention de pièces justificatives, vérification de l'acte de décès, gel et déclaration des avoirs, transfert des fonds aux héritiers - toutes opérations mobilisant des services spécialisés et occasionnant des coûts. C'est pourquoi la gratuité totale a été écartée lorsque des opérations complexes sont nécessaires.
Les amendements de la rapporteure de l'Assemblée nationale ont permis d'atteindre un point d'équilibre s'agissant des critères de complexité, en particulier la présence d'un crédit immobilier ou la nature professionnelle des comptes. D'ultimes précisions seront apportées par décret.
Enfin, la proposition de loi prévoit qu'un rapport sera remis au Parlement dans un délai d'un an pour mesurer les effets du texte sur l'évolution des frais bancaires.
Monsieur le président de la commission des finances, veuillez transmettre mes remerciements au rapporteur Maurey. Je suivrai de près la mise en oeuvre de ce texte, qui marque une avancée importante pour la protection des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et du GEST, ainsi que du groupe INDEP, du RDSE et du RDPI) En l'absence du rapporteur Hervé Maurey, je vous présenterai son analyse et la position de la commission.
Un an après son adoption à l'unanimité en première lecture au Sénat, nous sommes à nouveau saisis de la proposition de loi visant à encadrer les frais bancaires lors des successions. Ces frais présentent de fortes disparités entre établissements et un manque de transparence. En 2023, ils s'élevaient en moyenne à 291 euros pour une succession de 20 000 euros, trois fois plus qu'en Belgique ou en Italie, quatre fois plus qu'en Espagne. Cette question a été médiatisée lorsque des parents se sont vu réclamer 138 euros pour la clôture du livret A de leur enfant, mort à 8 ans, ce qui a suscité une vive émotion.
Dès novembre 2021, Hervé Maurey a attiré l'attention de Bruno Le Maire sur le sujet. En l'absence de réponse rapide, il a déposé une proposition de loi en janvier 2022, puis, un an plus tard, un amendement à la proposition de loi de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier tendant à renforcer la protection des épargnants.
Notre assemblée a finalement adopté un amendement de Vanina Paoli-Gagin contre l'avis du Gouvernement, M. Barrot annonçant un accord de place qui s'est révélé illusoire, le droit européen de la concurrence prohibant toute entente tarifaire. L'exécutif a alors opéré un revirement, Bruno Le Maire annonçant en février 2024, par tweet, son soutien à la proposition de loi de la députée socialiste Christine Pirès Beaune, dont nous saluons la détermination.
Les échanges entre cette dernière et Hervé Maurey ont permis d'aboutir à un compromis équilibré et sécurisé sur le plan juridique. La commission des finances recommande l'adoption conforme du texte voté par l'Assemblée nationale à l'unanimité en deuxième lecture, qui conserve l'essentiel des apports du Sénat et dont nous souhaitons la mise en oeuvre rapide.
L'article 1er introduit dans le code monétaire et financier un nouvel article 312-1-4-1, réécrit par le Sénat en première lecture pour en améliorer l'intelligibilité et la sécurité juridique. Nous avons notamment établi quatre critères de complexité : absence d'héritiers en ligne directe, nombre des comptes à clôturer, constitution de sûretés et présence d'éléments d'extranéité. Pour l'application de la gratuité, nous avons substitué au seuil en valeur de 5 000 euros une référence au seuil fixé par l'arrêté relatif à la procédure simplifiée de clôture des comptes, indexé sur l'inflation.
Plusieurs précisions ont été ajoutées à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de Christine Pirès Beaune, pour renforcer la pertinence et la sécurité de ce dispositif, dans le cadre d'échanges approfondis avec notre rapporteur et les services du ministère.
En particulier, la liste des produits d'épargne exclus de la gratuité a été élargie, notamment au PEA-PME et au plan d'épargne avenir-climat. Les critères relatifs à la complexité ont été complétés par la présence d'un crédit immobilier et la nature professionnelle du compte à clôturer, le critère du nombre de comptes, jugé moins pertinent, étant abandonné. Enfin, le délai d'entrée en vigueur du texte a été porté de trois à six mois pour permettre l'adaptation des grilles tarifaires et des procédures.
La version soumise à notre examen maintient l'essentiel des apports du Sénat. La commission des finances appelle à l'adoption conforme de ce texte équilibré et sécurisé, pour une entrée en vigueur rapide - peut-être à l'unanimité, comme à l'Assemblée nationale. (Applaudissements)
M. Rémi Féraud . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte destiné à réduire et encadrer les frais bancaires sur succession nous revient pour une deuxième lecture que nous espérons conclusive.
Le groupe SER s'emploie depuis plusieurs années à protéger les plus modestes de frais bancaires trop élevés. Le présent texte s'inscrit dans la continuité des nombreuses initiatives prises dans ce sens : études des associations de consommateurs, questions écrites de parlementaires et proposition de loi d'Hervé Maurey en janvier 2022.
Certes, ces frais ne représentent qu'une petite part de l'ensemble des frais bancaires, mais ils cumulent tous les griefs : opacité, caractère imprévisible et souvent disproportionné. Ils auraient augmenté de 50 % en douze ans, selon l'UFC-Que Choisir.
Coeur du dispositif, l'article 1er prévoit la gratuité dans plusieurs cas, notamment lorsque le défunt est mineur ou que la succession ne dépasse pas 5 000 euros. Dans tous les autres cas, les frais seront limités à 1 % des avoirs ou un plafond qui sera fixé par décret. Sont exclus de la gratuité les produits d'épargne comme le PEA et les montages complexes, qui sont loin de représenter la majorité des cas.
Cette proposition de loi protège les Français modestes, les banques n'ayant pas été capables de se mettre d'accord sur des règles communes et continuant à mener des pratiques trop souvent antisociales.
Le groupe SER votera ce texte consensuel et efficient, issu d'un travail de coconstruction entre l'Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement. L'objectif n'est pas de remettre en cause la liberté de commerce des banques mais de rétablir de l'ordre et de l'équité dans des pratiques opaques. Nous nous félicitons de ce progrès, en espérant une mise en oeuvre rapide. (Applaudissements)
M. Marc Laménie . - Tout travail mérite salaire : cet adage issu de l'Ancien Testament est au fondement de l'éthique du travail.
Nous pourrions comprendre que la clôture des comptes dans le cadre d'une succession engendre des coûts justifiant l'application de frais. Mais, par respect, nous privilégions l'approche humaine consistant à voir dans ces frais une double imposition sur la mort - la banque, en plus de l'État, récupérant une partie de l'épargne constituée par le défunt.
De fait, ces frais n'existent pas en Allemagne et sont trois à quatre fois moindres chez nombre de nos voisins. En 2021, l'UFC-Que Choisir a alerté sur l'importance des montants prélevés. Plusieurs initiatives en sont résultées, notamment celle de notre collègue Paoli-Gagin. En 2023, nous avons adopté deux amendements à la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, contre l'avis du Gouvernement. L'accord de place promis n'a pas abouti. Le législateur a pourtant laissé du temps aux banquiers avant de reprendre la main.
Cette proposition de loi sera définitivement adoptée si nous suivons l'avis de la commission des finances.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - C'est souhaitable.
M. Marc Laménie. - J'aurais préféré que ce texte ne soit pas nécessaire pour que les frais bancaires sur succession soient encadrés. Au reste, la réalité est que les coûts liés à ces opérations seront payés autrement, via les frais bancaires classiques.
La majorité des sénateurs Les Indépendants voteront cette proposition de loi, en regrettant qu'une autre solution n'ait pu aboutir. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)
M. Stéphane Sautarel . - Les successions font l'objet d'une attention particulière, compte tenu de leur importance sur les inégalités et la fluidité de l'épargne. La part de la fortune héritée dans le patrimoine atteint 60 %, contre 35 % il y a un demi-siècle : ce retour de l'héritage, analysé par le Conseil d'analyse économique (CAE), correspond à un accroissement des inégalités de naissance, plus fortes que les inégalités de revenus.
Dans ce contexte, nous devons repenser les instruments de taxation et de redistribution des flux successoraux, dans une logique de méritocratie républicaine. Certes, le barème des droits de succession est déjà très progressif, ciblant particulièrement les successions les plus élevées. Mais ce levier s'avère insuffisant pour assurer une équité accrue et encourager une allocation productive de l'épargne. C'est pourquoi notre rapporteur général a proposé, lors du projet de loi de finances pour 2025, une exonération de droits à hauteur de 100 000 euros par donateur et 300 000 euros par donataire pour l'achat d'un logement neuf ou la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
La présente proposition de loi s'inscrit dans cette perspective. Il s'agit d'encadrer les frais bancaires sur succession, jusqu'ici librement fixés par les banques et souvent injustifiés. Ils représentent en moyenne 300 euros par succession, un niveau bien supérieur à celui de nos voisins, et 125 à 200 millions d'euros par an au total.
De fait, l'effet de verrouillage peut conduire à des abus. Les frais ont crû de 25 % entre 2021 et 2023 et de 50 % depuis 2012. Ils semblent souvent décorrélés des coûts effectifs, d'autant que, selon le Conseil supérieur du notariat, les banques facturent certaines opérations accomplies en réalité par les notaires.
En l'absence d'accord collectif de modération tarifaire, cette proposition de loi est nécessaire. Elle suscite un large consensus politique, dans les deux chambres ; l'ensemble des groupes politiques du Sénat appellent à un vote conforme. Sur des sujets aussi sensibles, il est précieux que le Parlement ouvre une voie de tempérance et de concorde, dans la perspective de l'intérêt général et du temps long. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDSE)
M. Stéphane Fouassin . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Perdre un proche est une épreuve intime bouleversante. Nos concitoyens endeuillés doivent être apaisés et protégés ; dans un pareil moment, il n'est pas question de compliquer et de prélever. Or certaines pratiques bancaires confinent parfois à la violence. Il en résulte un sentiment d'injustice.
Depuis plusieurs années, nous avons engagé des réformes pour protéger les plus fragiles, mais il restait un angle mort : les frais bancaires sur succession, de 300 à 500 euros en moyenne, trois fois supérieurs à ceux pratiqués en Belgique ou en Italie et marqués par des écarts vertigineux entre établissements. Captifs et démunis, les héritiers ne peuvent pas contester ces frais.
Fruit du travail rigoureux de Christine Pirès Beaune et Hervé Maurey, ce texte apporte une réponse attendue, proportionnée et juste.
Trois cas de gratuité sont prévus : successions simples, petits patrimoines et comptes détenus par des mineurs. Dans les autres cas, un plafond de 1 % s'appliquera, grâce au Sénat. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et la DGCCRF veilleront au bon respect de ces règles - autre apport de notre assemblée.
Ce texte incarne une volonté politique : une République plus juste et plus protectrice, qui ne laisse pas les familles seules face à l'arbitraire tarifaire. Nous restaurons un peu de clarté et de dignité là où l'opacité a longtemps régné. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)
M. Christian Bilhac . - En 2021, l'UFC-Que Choisir levait le voile sur un scandale aussi discret qu'inacceptable, les frais bancaires appliqués au pécule des morts. Quatre ans plus tard, mourir s'avère toujours lucratif pour les banques, qui récupèrent chaque année une manne de 200 millions d'euros. Telles Charon prélevant son obole au passage du Styx, les banques facturent leurs services à prix d'or... Il est temps de mettre un terme à cette escroquerie en bande organisée.
Les avancées obtenues jusqu'ici ont été bien maigres, les banques ne jouant pas le jeu. Pis : selon l'UFC-Que Choisir, ces frais ont augmenté de 50 % en douze ans ! Tous les excès semblent permis.
Cette proposition de loi homogénéise les pratiques et supprime une forme de double peine pour les familles. Si l'État ne peut ressusciter les morts, il peut dispenser les plus modestes parmi leurs héritiers de frais bancaires.
Les plus petites successions ne se verront plus appliquer aucuns frais. Dans les autres cas, ces frais seront limités à 1 % des avoirs. Toutes les opérations en bénéficieront, à l'exception de celles touchant aux PEA.
Adoptons définitivement ce cadre juste et décent, trop longtemps attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Nathalie Goulet . - Tout a été dit sur ce travail parlementaire réussi, grâce aux échanges fructueux entre Mme Pirès Beaune et Hervé Maurey.
J'attire votre attention, madame la ministre, sur un autre enjeu de consommation, connexe à celui dont nous débattons et que j'ai déjà signalé à votre prédécesseur, Thomas Cazenave : le fichier des contrats d'obsèques contractés auprès des sociétés de pompes funèbres, confessionnelles ou non.
Les héritiers n'ont pas toujours connaissance de l'existence d'un tel contrat. Leurs héritiers se tournent alors vers une autre société - voire la même, qui se garde bien de les prévenir. Les familles endeuillées n'ont pas le temps de rechercher ce type de document.
Où en sont les travaux de votre ministère sur ce sujet, où l'opacité règne et qu'il est urgent de régler ?
Pour l'heure, nous voterons avec enthousiasme ce texte qui, s'il aurait pu ne faire l'objet que d'une lecture, prouve en tout cas l'utilité du travail parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, du RDPI et du RDSE)
M. Pascal Savoldelli . - Les frais bancaires sur succession sont la marque d'un modèle de rente : une rente sur la mort, une ponction silencieuse mais douloureuse, au prétexte de technicité.
En 2024, les bénéfices des banques françaises ont battu un record : 28,6 milliards d'euros pour les cinq plus grandes. On parle beaucoup de leur savoir-faire, mais il faudrait parler aussi de leur savoir-prélever. Elles tirent des frais de gestion, commissions d'intervention et autres revenus dits d'interface des ressources importantes confinant à de l'extorsion : 6,5 milliards d'euros chaque année !
Les frais de succession ne représentent qu'une part modeste de ce total, mais les banques les ont beaucoup augmentés en profitant de la passivité, voire de la complaisance de l'État. Le bouclier bancaire annoncé en fanfare par Bruno Le Maire en 2022 n'aura été qu'une opération de communication, les lobbys bancaires continuant de bloquer toute régulation, comme en ce moment en ce qui concerne les CumCum.
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
M. Pascal Savoldelli. - Malgré ses limites, cette proposition de loi est nécessaire et juste. Mais nous devons aller plus loin.
Ainsi, le critère de complexité fondé sur l'existence d'un contrat de crédit est problématique, alors que 42 % des ménages en détiennent un. La présence d'un crédit n'implique pas particulièrement de complexité. Nous avons donc déposé un amendement visant à supprimer ce critère.
De même, il faudra interdire les commissions d'intervention abusives ou encore plafonner les frais de tenue de compte. Le privilège accordé aux banques de créer de la monnaie à travers le crédit s'accompagne de devoirs.
Le groupe CRCE-K votera ce texte avec vigilance et exigence, en appelant à une loi-cadre à la hauteur des enjeux en matière de frais bancaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP et du RDSE)
Mme Ghislaine Senée . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte vise à mettre un terme aux frais bancaires prohibitifs sur les successions. Je salue le travail de la députée socialiste Pirès Beaune et d'Hervé Maurey.
La fermeture d'un compte est gratuite pour un vif. Or non seulement elle ne l'est pas pour un défunt, mais les frais pratiqués ne sont pas corrélés au coût réel des opérations. Chacun conviendra que prélever 200 euros pour la fermeture d'un compte de 500 euros est indécent.
Dans l'océan des 11 milliards d'euros de frais bancaires, il ne s'agit que de 150 millions d'euros. Reste que, chez nos voisins, les frais appliqués sont bien inférieurs - et même inexistants en Allemagne.
Le Gouvernement a tenté d'obtenir un accord avec les banques, mais, sans surprise, il ne s'est rien passé. Après des décennies de dérégulation, les banques ne s'autorégulent pas. Les frais ont même augmenté de 50 % !
Il est donc impératif de légiférer. Le capitalisme, prédateur des ressources naturelles, n'épargne pas davantage les plus modestes. Il réalise des profits disproportionnés au détriment des plus précaires et de la planète. Les principales victimes de ces frais sont les fratries à la perte du parent survivant.
Nous souhaitons que cette proposition de loi entre en vigueur rapidement, car elle représente un gain pour les plus démunis, leur permettant notamment d'enterrer dignement le proche disparu. Le GEST votera ce texte conforme. (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER et INDEP et du RDSE)
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. - Madame Goulet, je vous confirme que la question que vous avez soulevée est en cours d'instruction par mes services.
Discussion des articles
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°1 de M. Savoldelli et du groupe CRCE-K.
M. Pascal Savoldelli. - Il s'agit de supprimer le crédit immobilier comme critère de complexité successorale.
Nous refusons de faire d'un outil de masse un critère discriminant. En 2024, un tiers des ménages détenaient un crédit immobilier, dont 52 % de primo-accédants : avoir un crédit est devenu banal. Pour des millions de familles, souscrire un prêt, c'est accéder à un bien d'usage, pas à un actif spéculatif. Considérer le crédit comme un signe de complexité reviendrait à leur appliquer une double peine sociale. Non, le crédit n'est pas un luxe ! C'est une nécessité économique résultant de décennies de désengagement de la puissance publique, notamment sur le logement social.
M. Claude Raynal, rapporteur. - La commission a émis un avis défavorable. Les critères de complexité ont fait l'objet d'une concertation approfondie entre les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat. La rapporteure de l'Assemblée nationale souhaitait intégrer les crédits à la consommation dans les éléments de complexité : notre rapporteur s'y est opposé. Au reste, la détention d'un crédit décroît avec l'âge. Enfin, nous souhaitons un vote conforme, pour une application rapide.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. - Les critères de complexité visent à garantir que, lorsque cela est justifié, les frais couvrent une partie du coût des services. Oui, un crédit immobilier n'est pas un luxe, mais souvent une nécessité. Mais en cas de succession, il occasionne des diligences spécifiques qui peuvent être longues. Pour cette raison, avis défavorable.
M. Pascal Savoldelli. - Je retire cet amendement pour que le texte soit adopté conforme. Mais je maintiens que les opérations touchant aux prêts immobiliers ne sont pas toujours complexes. Frais bancaires, frais de commission, prélèvements automatiques : au total, les banques captent 6,5 milliards d'euros ! Il faut raison garder...
L'amendement n°1 est retiré.
L'article 1er est adopté.
L'article 2 est adopté.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 10.
Profession d'infirmier (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, sur la profession d'infirmier.
Discussion générale
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Le 11 mars, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité, avec enthousiasme, cette proposition de loi très attendue. Je me réjouis de vous retrouver pour l'examiner, en vue d'une adoption définitive que j'espère rapide.
Mon ministère, les parlementaires et la profession y travaillent depuis plus de deux ans. Six ministres s'y sont penchés. Infirmières et infirmiers se sont beaucoup investis depuis 2023. Je salue leurs représentants présents en tribune, dont la présidente de l'ordre. Il est temps d'aboutir, car les infirmiers et infirmières font partie de mes priorités.
Je me suis engagé auprès de leurs trois organisations syndicales représentatives à publier une lettre de cadrage avant la fin mai, pour ouvrir des négociations conventionnelles avant l'été, afin de traduire dans les rémunérations les avancées de cette proposition de loi.
Nous partageons la même ambition : franchir une nouvelle étape décisive dans l'histoire de cette profession, à laquelle je veux rendre hommage. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)
Les infirmiers sont un pilier essentiel de notre système de santé. Ils sont 640 000, dont plus de 120 000 libéraux. Leur démographie dynamique a permis de créer 5 800 places en instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) depuis 2020, dans le cadre d'un protocole État-Région dont j'ai sécurisé le financement dans le PLF pour 2025.
Grâce à leur polyvalence, les infirmiers exercent de nombreuses missions. Déjà essentiels dans l'accompagnement des malades lors des grandes épidémies du Moyen Âge, ils sont l'une des premières professions à s'organiser, via les ordres et les congrégations religieuses. Au XIXe siècle, ils ont activement participé à la mise en place des premières politiques d'hygiène et d'assistance publique.
Je pense à Léonie Chaptal, née dans l'Allier, fer de lance de la professionnalisation et de la reconnaissance du métier après la guerre de 14-18. Elle était convaincue qu'un pays sans système de soins efficace ne pouvait être une grande puissance et qu'il fallait s'appuyer sur une profession infirmière structurée. Cette figure fascinante est l'une des premières à penser le renforcement de l'organisation des soins comme politique et stratégique pour notre nation.
Cette vision reste d'actualité. Avec cette proposition de loi, nous avons l'opportunité d'ouvrir un nouveau chapitre de cette profession.
La dernière grande loi infirmière, qui reconnaît un rôle propre aux infirmiers, date de 1978. La dernière révision du décret infirmier date de 2004.
Face à des défis nouveaux, au vieillissement de la population, au développement des maladies chroniques, au virage domiciliaire, il est plus que temps de franchir un nouveau cap. Il faut redonner à ce métier tout son sens, toute son ampleur et lui ouvrir de nouvelles perspectives.
Le Parlement s'est saisi de cette question depuis plusieurs années, par exemple sur les délégations d'actes et l'accès direct pour la prise en charge des plaies. Je sais qu'un décret reste à publier. Je m'engage à le faire avant l'été. Traduisant l'engagement du Gouvernement, deux décrets importants sont parus le 22 avril dernier pour autoriser notamment les infirmiers à signer des certificats de décès ; je salue Mme Imbert, qui a travaillé sur ce dernier sujet.
Mais nous avons besoin d'une refonte plus globale. Les infirmiers sont plus que prêts pour cette nouvelle étape. Ils se sentent à l'étroit dans un cadre d'exercice qui ne correspond plus à la technicité ni à la diversité de leur métier, eux qui sont les chevilles ouvrières de notre système de santé, à l'hôpital, en ville, au domicile des patients et sur les terrains de crise, comme je l'ai constaté à Mayotte.
Réussir cette refonte du métier est une priorité. Je veux saluer l'esprit transpartisan qui anime nos discussions et remercier les parlementaires qui se sont investis sur ce texte. Je ne pourrais tous les citer, mais je remercie Corinne Imbert, Jean Sol, Anne-Sophie Romagny, Véronique Guillotin, Khalifé Khalifé, Corinne Bourcier, Patricia Demas, Céline Brulin, Émilienne Poumirol, Jocelyne Guidez et Bernard Jomier.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Et tous les autres !
M. Yannick Neuder, ministre. - Ce sera la première fois que le métier sera défini dans la loi. On pourrait dire que ce n'est pas trop tôt !
Cette définition constitue une nouvelle approche plus cohérente, agile et réaliste que celle du décret d'actes qui encadrait jusqu'ici l'exercice. Les cinq grandes missions des infirmiers s'alignent avec les besoins actuels de notre système de santé : dispenser des soins infirmiers curatifs, préventifs, relationnels, palliatifs et de surveillance clinique ; contribuer à la coordination et la mise en oeuvre de parcours de soins ; participer à la prévention, aux actions de dépistage et de promotion de la santé ; concourir à la formation ; faire progresser la recherche infirmière. J'insiste sur ce dernier point, très souvent oublié. L'expertise infirmière est aussi savante. La science infirmière contribue pleinement à l'innovation en santé - d'où la création de postes d'enseignants-chercheurs.
La proposition de loi concrétise les notions de consultation et de prescription infirmières. Le diagnostic infirmier n'a aucunement vocation à se substituer au diagnostic médical. Je vous le garantis, comme ministre de la santé et comme médecin. Les missions ont vocation à être exercées en complémentarité avec celles des autres professionnels de santé, à commencer par les médecins. Il n'est pas question d'ouvrir un front entre professions, mais de renforcer un métier dans son champ propre.
La proposition de loi réalise des avancées majeures pour le métier socle. Elle ouvre aussi des perspectives pour la pratique avancée. J'ai toujours soutenu celle-ci, que je considère comme un formidable outil d'accès aux soins et de dynamisation des carrières infirmières. C'est moi qui ai signé le 20 janvier dernier le décret mettant en oeuvre l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) en établissements de santé et dans les structures d'exercice coordonné. Je me réjouis aussi que l'arrêté du 24 avril 2025 ouvrant la primo-prescription aux IPA soit publié.
La pratique infirmière est aussi très riche de ses spécialités, fondamentales, en bloc opératoire comme auprès des enfants. Elles ont forgé une forte identité, à laquelle les infirmiers sont attachés.
Je suis persuadé que l'exercice spécialisé a sa place dans le système, tout comme la pratique avancée. Or la rédaction de l'article 2 entraîne des effets de bord qui menaceraient l'existence même des spécialités infirmières. C'est pourquoi je me réjouis que le travail mené avec les rapporteurs Sol et Romagny ait abouti à une proposition de réécriture de cet article, pour définir une forme de pratique avancée pour chacune des spécialités infirmières tout en préservant leur spécificité. Un amendement du Gouvernement va dans ce sens. Nous souhaitons que l'article 2 corresponde aux attentes des professionnels, aux enjeux d'accès aux soins et aux impératifs de sécurité des soins.
J'ai évoqué Léonie Chaptal au début de mon propos. Je conclurai avec Florence Nightingale : « Ne nous considérons jamais comme des infirmières finies. Nous devons apprendre tout au long de notre vie. »
Nous devons continuer de construire l'avenir de ce métier essentiel. À quelques jours de la journée internationale des infirmières et des infirmiers, qui aura lieu le 12 mai prochain, je vous invite à voter ce texte de reconnaissance et de confiance.
Nous souhaitons aboutir à un texte ambitieux et équilibré, qui réponde à leurs attentes et aspirations légitimes, au service de la prise en charge des patients, de l'accès à la santé et de la permanence des soins dans tous les territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, du RDSE et du RDPI)
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Les infirmières sont un pilier silencieux, mais essentiel, de notre système de santé. Leur dévouement est exemplaire, malgré des conditions d'exercice éprouvantes. La profession est en souffrance : les conditions de travail dégradées alimentent une forte rotation des effectifs et parfois des abandons du métier, malgré les revalorisations consenties lors du Ségur. En ville, les actes infirmiers n'ont pas été revalorisés significativement depuis 2009.
Pas moins de 300 000 infirmiers supplémentaires seront nécessaires d'ici à 2050. Un choc de revalorisation s'impose donc.
Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, pose une première pierre. La commission a soutenu ce texte réclamé de longue date et l'a amendé pour favoriser sa mise en oeuvre rapide et apaiser les tensions que l'article 2 avait pu faire naître.
La profession se définit jusqu'à présent par dérogation au monopole médical, l'intervention des infirmiers n'étant possible que par un décret d'actes de 2004, devenu inadapté. Un phénomène de glissement de tâches est souvent rapporté ; or les infirmiers encourent des sanctions pénales au titre de l'exercice illégal de la médecine.
L'article 1er y remédie, grâce à une refonte de cadre législatif du métier : la loi définirait les principales missions et conditions d'exercice ; le décret préciserait les domaines d'activité et de compétence de la profession ; un arrêté fixerait la liste des actes réalisés. La commission a adopté quatre amendements précisant le cadre général, valorisant la recherche et réaffirmant la complémentarité de l'exercice infirmier avec les autres professions de santé.
L'article 1er de la proposition de loi consacre également les notions de consultation et de diagnostic infirmiers ; elles se distinguent sans ambiguïté de celles de consultation et diagnostic médicaux.
Un pouvoir de prescription de produits de santé et d'examens médicaux leur est aussi conféré, dans un champ plus étendu.
Enfin, l'article 1er consacre l'accès direct pour les soins de premier recours. Trop souvent, leur accès reste conditionné à une prescription préalable.
Une expérimentation portée par l'article 1er quater ouvre l'accès direct aux infirmiers à un exercice coordonné au-delà de leur rôle propre. La commission a supprimé l'accès direct dans le cadre de leur rôle prescrit, préférant l'expérimentation. Elle a également supprimé les dispositions faisant de l'adhésion à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) une condition suffisante à l'accès direct expérimenté, et elle a prévu une saisine préalable de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'Académie nationale de médecine.
L'article 1er bis vise à mieux reconnaître le rôle des infirmiers dans les soins de premier recours, et la commission a rétabli la contribution du médecin traitant à ces mêmes soins. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales . - Je salue également les professionnels présents en tribune.
Cette proposition de loi vise à apporter des réponses concrètes. Particulièrement touchée par les interruptions d'exercice, la profession infirmière n'a pas les moyens d'assurer le retour à l'activité des professionnels ayant interrompu leur activité. L'article 1er ter y pourvoit : les infirmiers concernés seront soumis à une évaluation. Ensuite, une formation pourra leur être proposée - et non imposée, j'insiste sur ce point. Nous savons que cet article suscite des réserves ; mais ce n'est ni une punition ni une dévalorisation du diplôme. Il s'applique aux seules interruptions longues de carrière.
À l'initiative de Mme Demas, la commission a adopté un article 2 bis pour harmoniser au niveau national la notion d'agglomération ouvrant droit aux indemnités kilométriques, mesure utile aux infirmiers libéraux.
La proposition de loi traite enfin la question des modes d'exercice infirmier, à côté du métier socle : infirmiers de spécialité - infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE), infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (Ibode), puériculteurs - et de pratique avancée, qui bénéficient de compétences renforcées, notamment en matière de prescription.
Ouvrir la pratique avancée à d'autres diplômes que celui d'IPA est une bonne idée. Mais la rédaction floue de l'article suscite de vives inquiétudes. La demande des infirmiers de spécialité n'a jamais été d'exercer le métier d'IPA, mais de se voir reconnaître une forme de pratique avancée dans leur secteur. À la suite de notre travail avec le ministre, que nous remercions, nous vous proposerons une rédaction équilibrée. Si cette évolution est envisageable à court terme pour les IADE et les Ibode, elle est subordonnée pour les puériculteurs à une réingénierie de leur formation.
L'article 2 ouvre l'exercice en pratique avancée dans les services de PMI, de l'aide sociale à l'enfance (ASE), dans les crèches et dans les établissements scolaires. La pratique avancée s'y exercera en lien avec un médecin - apport supplémentaire de la commission.
Le manque de diligence de certains organismes chargés de rendre des avis sur la loi Rist 2 a retardé la parution de décrets ; nous les obligeons à s'exprimer dans un délai de trois mois.
Cette proposition de loi, attendue, ouvre la voie à une révision ambitieuse des référentiels de compétences et de formation, et donc à une revalorisation de la rémunération des infirmiers à laquelle le Gouvernement s'est engagé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, du RDSE et du RDPI)
M. Joshua Hochart . - Ce texte était attendu par les infirmières et infirmiers de France, qui travaillent dans l'ombre, sans reconnaissance suffisante. Il part du terrain : les infirmiers réalisent de nombreux actes de pratique avancée et pallient l'absence de médecin, mais souvent sans reconnaissance statutaire ni protection.
Cette proposition de loi leur offre une sécurité juridique, une légitimité ; c'est la moindre des choses. Mais c'est une première pierre qui passe sous silence deux questions.
D'abord, l'augmentation des salaires : les infirmiers gagnent 1 900 euros nets en début de carrière. C'est 50 % de plus en Allemagne. Dans ces conditions, comment recruter ? La France est le pays d'Europe où le rapport entre charge de travail et rémunération est le plus déséquilibré.
Près de 30 % des jeunes diplômés abandonnent la profession dans les cinq premières années, tandis que les démissions à l'hôpital se sont envolées de 25 % entre 2019 et 2023. Ce ne sont pas que des chiffres, mais des drames humains, des vocations brisées. Surcharge chronique, désorganisation, perte de sens, déshumanisation de l'acte de soins en sont les causes. Et pourtant ils tiennent le système à bout de bras. Ce sont les piliers invisibles, mais solides, de notre système de santé.
Ensuite, la question de la formation : avec 4 200 heures de formation en trois ans, les étudiants sont épuisés et en situation de précarité financière. Le tutorat est souvent peu efficace, par manque de temps.
Oui, il faut voter ce texte, mais il faut aller plus loin, vers un salaire digne, une refonte des conditions de travail et de la formation et un respect plein et entier du rôle d'infirmier. Nous voterons cette proposition de loi et continuerons à défendre cette profession admirable, trop souvent oubliée, mais plus que jamais indispensable.
Mme Corinne Bourcier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC) Je félicite Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux, à l'origine de cette proposition de loi. Je suis heureuse que l'inscription de ce texte à l'ordre du jour ait pu être maintenue malgré les bouleversements politiques.
Ce texte tant attendu est la reconnaissance fondamentale du rôle des infirmiers - libéraux, en maison de santé, en maison de retraite, à l'hôpital ou dans les établissements scolaires - dans la prise en charge des patients. On dit souvent que les métiers du soin se font par vocation. Les infirmiers travaillent en tout état de cause avec dévotion.
Actuellement, seul un décret définit les actes qu'ils peuvent accomplir. Cette proposition de loi est un tournant : symbolique - et c'est essentiel - et pratique pour la profession, en définissant les missions.
Le texte consacre deux évolutions attendues : consultation et diagnostic infirmiers, avec un pouvoir de prescription. Ces apports sont nécessaires : aujourd'hui, il est impossible aux infirmiers de prescrire du paracétamol - c'est illogique !
Les missions des infirmiers doivent s'exercer en coordination avec le médecin traitant. Ainsi nous dégagerons du temps médical. Pour certaines maladies chroniques, l'infirmier peut parfaitement assurer le suivi des patients et orienter vers le médecin en cas de besoin.
Les soins relationnels n'ont pas été retirés du texte - je m'en réjouis, comme de l'adoption de mon amendement consacrant les sciences infirmières.
La proposition de loi ouvre la voie à une revalorisation des actes. Il était temps, alors que leurs rémunérations n'ont pas évolué depuis 2009. J'espère une traduction concrète avant l'été. Il s'agit de revaloriser une profession dont nous avons grandement besoin.
La pratique avancée est étendue à la PMI, à la santé scolaire et à l'ASE. Les IPA sont désormais 3 000 ; nous devons en former davantage.
La reconnaissance de la profession par ce texte est une nécessité, alors que nous manquons de médecins dans nombre de territoires.
Nous pouvons regretter la multiplication, en peu de temps, de propositions de loi sur l'accès aux soins ou les professionnels de santé, et donc l'absence d'un texte global. Mais il reste louable que le Parlement agisse pour l'accès aux soins des Français. Ce texte ne réglera pas tout, mais comporte des avancées que nous soutenons. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Infirmière libérale pendant plus de trente ans, c'est avec émotion que je défends cette proposition de loi. Merci au président de la commission et aux rapporteurs. Je remercie très chaleureusement les infirmiers présents en tribune ; je salue leur courage, leur détermination, comme leur disponibilité de chaque instant dans tous les moments de la vie. Depuis trop longtemps, ils réclament considération et reconnaissance.
Ce texte était attendu par les 640 000 infirmiers diplômés d'État. La France se caractérise par une singularité : son retard dans la reconnaissance de leurs compétences, le décret d'actes restreignant le champ de leur action. D'où le sentiment d'un manque de reconnaissance, auquel s'ajoutent des problèmes de rémunération et des conditions de travail éprouvantes.
La France doit reconnaître que les infirmiers sont essentiels à la nation. L'Assemblée nationale ne s'y est pas trompée en votant ce texte à l'unanimité. Le Sénat a souvent été frileux à cet égard, et j'espère qu'il me fera mentir aujourd'hui.
Ce texte acte une reconnaissance législative de la consultation et du diagnostic infirmiers, mais il doit aussi sanctuariser plusieurs des missions infirmières.
L'accès direct aux soins infirmiers pour des soins de premier recours est essentiel. Dans les faits, il existe déjà, mais dépend des établissements de santé ; il faut donc une reconnaissance légale.
Trop souvent, le diagnostic infirmier - qui existe déjà - est confondu avec le diagnostic médical, alors qu'il n'identifie pas la pathologie, mais détermine une réponse humaine à un problème de santé.
L'arrêté du 20 mars 2012 limite le droit de prescrire pour les infirmiers. Or les prescriptions ciblées permettent de soigner sans délai, comme le rappellent les syndicats. Ces prescriptions ciblées soulageraient les cabinets médicaux et rendraient les hospitalisations évitables.
Non, ce texte ne palliera pas le manque de médecins. Mais il donne aux infirmiers la reconnaissance que mérite leur profession.
L'accès direct aux soins infirmiers est actuellement très limité. Or, dans les territoires en tension, il est souvent la seule porte d'entrée pour les patients. Ouvrir cet accès direct est une mesure de justice sociale autant que de santé publique.
Le cadre actuel de l'exercice infirmier est obsolète. Les infirmiers ne demandent pas moins de tâches, mais qu'on sécurise leurs actes.
Toujours infirmière dans le coeur, je voterai cette proposition de loi qui redonne de l'éclat à cette noble profession : tous les anges n'ont pas d'ailes, mais beaucoup ont des blouses blanches. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Dominique Théophile . - Cette proposition de loi est un tournant historique pour la profession infirmière, qui incarne la proximité, la compétence et l'humanité de notre système de santé.
Elle est attendue : près de 20 % des infirmiers envisagent de quitter la profession, signe d'un désenchantement que nous devons combattre.
Face au vieillissement de la population et à l'extension des déserts médicaux, il était indispensable de leur redonner les moyens d'agir, à la hauteur de leurs compétences. En 2050, la France comptera 22 millions de personnes de plus de 65 ans, ce qui rend les infirmiers plus essentiels que jamais. Ils sont plus de 600 000 ; on en attend 37 % de plus d'ici là. Pourtant, la profession reste enfermée dans un cadre juridique obsolète, figé par le principe du monopole médical.
Ce texte apporte plusieurs avancées : refonte complète du socle législatif de la profession, avec une définition globale inédite ; introduction de la consultation et du diagnostic infirmiers, sans confusion avec le diagnostic médical ; ouverture de nouveaux droits de prescription, pour une intervention plus rapide là où l'accès aux médecins est difficile. La part des infirmiers en libéral pourrait passer de 16 à 25 % en 2050 : donnons-leur plus d'autonomie.
La proposition de loi étend aussi la pratique avancée. Elle amorce la reconnaissance d'une pratique avancée aux spécialités infirmières telles que les IADE et les Ibode, qui représentent 30 000 professionnels hautement qualifiés.
L'expérimentation de l'accès direct, notamment en outre-mer, est un progrès majeur. En Nouvelle-Calédonie, 48 % des communes sont des déserts médicaux.
Enfin, le texte prévoit une évaluation adaptée en cas d'interruption prolongée d'activité et sécurise ainsi l'activité.
Il nous faut le reconnaître : cette réforme est une belle avancée. Elle offre une respiration aux zones rurales et ultramarines, où l'autonomie est nécessaire à un accès plus équitable aux soins.
Le RDPI salue l'esprit de responsabilité qui a présidé à ce texte, ainsi que son auteur, Nicole Dubré-Chirat, espérant un même vote unanime au Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mmes Corinne Bourcier et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Cette proposition de loi s'inscrit dans une forte actualité médicale, avec plusieurs textes législatifs et une forte mobilisation dans les médias et dans la rue.
Elle vise à mieux reconnaître le métier, à en sécuriser le cadre d'exercice et à en renforcer l'attractivité. Elle doit concourir à la transformation de notre système de soins, sans prétendre être un remède à la pénurie de médecins.
Les attentes et les inquiétudes de la profession sont nombreuses.
Nos 600 000 infirmiers constituent le plus grand vivier de professionnels de santé. Mais on déplore des déséquilibres territoriaux, 60 000 postes vacants dans les établissements de santé et 40 % de départs dans les dix ans suivant l'obtention du diplôme, alors que 21 % de la population a plus de 65 ans et que dix millions de Français sont en affection de longue durée (ALD).
Les infirmiers doivent monter en compétences. Or le décret de 2004 est obsolète et inadapté à la réalité du métier.
Notre groupe soutient sans réserve la rédaction de l'article 1er adoptée par la commission. Nous saluons les mesures en faveur des IPA, qui pourront exercer dans les services de PMI, de santé scolaire et d'aide sociale à l'enfance, ainsi que l'ouverture de la pratique avancée aux infirmiers spécialisés. La santé au travail et la médecine scolaire sont en grande souffrance - d'où notre proposition de résolution sur la santé mentale des jeunes.
L'expérimentation de l'accès direct à l'article 1er quater me semble toutefois précipitée, car les changements de pratiques prennent du temps - le déploiement des IPA en libéral par exemple.
Les infirmiers puériculteurs sont 14 000, soit 2 % des effectifs. À la suite de notre rapport sur la santé périnatale, nous défendons avec Annick Jacquemet une nomenclature des actes, car l'effondrement des indicateurs de santé périnatale appelle des réponses urgentes.
Je défendrai un amendement sur la reconnaissance des exercices spécialisés de niveau master, notamment pour les perfusionnistes.
Il faut aussi prendre en compte les territoires transfrontaliers via le coefficient géographique des établissements et une meilleure coopération transfrontalière sur la formation des infirmiers. Nous avons besoin de vous, monsieur le ministre.
Le RDSE soutiendra ce texte bienvenu. Sa réussite dépendra des concertations sur le terrain, dans le respect des compétences de chacun. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains) « Infirmiers en colère » : ce cri est devenu familier, car les infirmiers vont mal. Face à la désertification médicale et au vieillissement de la population, ils sont en première ligne et subissent une pression croissante, sans véritable reconnaissance.
Cette proposition de loi suscite des espoirs, tant chez les soignants que chez nos concitoyens. Elle clarifie un cadre professionnel en pleine évolution. Mais elle ne porte pas sur la revalorisation des actes.
Jusqu'à présent, le cadre réglementaire suffisait. Mais l'exercice de la profession est devenu précaire, confus, voire méprisé. Ce texte suffira-t-il à reconnaître cette profession essentielle ? Favorisera-t-il un changement de culture, la fin d'une logique hiérarchique rigide et plus de coopération entre professions ?
L'exercice coordonné doit être pleinement assumé. En précisant les périmètres de la prescription, du diagnostic et de la recherche, nous ne remettons pas en cause l'exercice médical, nous sécurisons l'exercice infirmier : nulle concurrence, des synergies. La pratique avancée n'est pas un glissement de tâches imposé par la pénurie ; c'est une évolution naturelle.
Les infirmiers libéraux sont souvent les derniers professionnels de santé présents au domicile et jouent un rôle central dans la prévention. Mais cette prise en charge globale est en décalage avec la cotation des actes, souvent exercés gratuitement ; les professionnels ressentent la défiance de l'administration, dont ils subissent les incohérences. Les actes payés ne sauraient compenser les missions non valorisées. Certes, il existe quelques forfaits, mais peu opérationnels : la vraie vie entre mal dans les cases administratives.
Cette proposition de loi ne résoudra pas tout, mais c'est une étape.
Le malaise infirmier ne s'apaisera que si l'on prend enfin en compte les conditions concrètes d'exercice. Leur colère est notre échec collectif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, du RDSE et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions)
Mme Céline Brulin . - Cette proposition de loi est consensuelle, tant le rôle joué par les infirmiers est central. En témoignent les 138 cosignataires du texte et son adoption unanime à l'Assemblée nationale. Mais cela ne nous interdit pas de l'améliorer !
Les missions des 637 000 infirmiers - souvent des infirmières - ont profondément évolué, sans reconnaissance ni revalorisation équivalente. En 2020, leur salaire était inférieur à celui de leurs homologues tchèques ou polonais.
Il faut revaloriser les actes de ville et le point d'indice de la fonction publique hospitalière, d'autant que les politiques d'austérité ont entraîné une dégradation des conditions de travail. D'où une pénurie de professionnels, renforçant encore plus la pression sur chacun. Cette indispensable revalorisation doit être la prochaine étape, monsieur le ministre. Sans quoi l'amertume et la colère seront au rendez-vous.
La pratique avancée reste très catégorielle, ne reconnaissant pas les infirmiers spécialisés qui exercent d'ores et déjà en pratique avancée. Plutôt que de risquer de dissoudre les spécialités dans les IPA, il serait plus judicieux de reconnaître la pratique avancée aux spécialités.
De nouvelles spécialités doivent être reconnues : infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, perfusionnistes, infirmiers hygiénistes, infirmiers psychiatriques. Nous le voyons dans la mission d'information que nous menons avec MM. Sol et Chasseing, l'abandon de cette dernière spécialité a été une grave erreur. Hélas, nos amendements pour la recréer ont été retoqués au titre de l'article 40.
Le coût de la formation explique la trop faible montée en puissance des IPA. Les logiques de coordination et de complémentarité doivent remplacer celle du transfert d'actes délaissés par les médecins.
Parcoursup est inadapté pour l'accès aux Ifsi : en 2021, les étudiants sont trois fois plus nombreux à abandonner en première année qu'en 2013, et sept sur dix ont déjà pensé à arrêter leur formation...
Le groupe CRCE-Kanaky votera ce texte que nous pouvons encore améliorer en séance. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
Mme Anne Souyris . - (Applaudissements sur les travées du GEST) En Angleterre, presque toutes les femmes sont appelées à veiller sur la santé d'un proche et donc à devenir garde-malades. Leur science se distingue de la science médicale, qui appartient exclusivement à la profession de médecin. Ainsi parlait la célèbre infirmière britannique Florence Nightingale, en 1860.
Deux évolutions, depuis : la vision essentialiste de la femme comme garde-malade naturelle n'est bien évidemment plus d'actualité, même s'il reste encore beaucoup à faire pour mieux partager la charge du care ; et la nurse s'est professionnalisée pour devenir infirmière.
Aides-soignants, auxiliaires de vie, ambulanciers, kinésithérapeutes, infirmiers manquent de reconnaissance. Nous accueillons donc avec bienveillance cette proposition de loi - en regrettant qu'il ne s'agisse pas d'un projet de loi, monsieur le ministre.
Ce texte reconnaît le rôle essentiel des infirmiers et infirmières, non plus en tant que simples auxiliaires des médecins mais en tant que professionnels à part entière. Il est plus que temps de créer des passerelles entre les professions infirmières et médicales.
Le GEST soutient l'évolution de leurs missions, notamment la création de consultations infirmières. Mais cette reconnaissance législative devra s'accompagner d'une revalorisation salariale conséquente : le Gouvernement doit ouvrir les négociations.
Trois enjeux justifient nos amendements. D'abord, chacun doit devenir l'acteur de sa propre santé. Si les professionnels de santé ont un rôle majeur à jouer pour la démocratie sanitaire, les usagers du système de santé doivent aussi être associés.
Ensuite, les infirmières et infirmiers ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention de la perte d'autonomie.
Enfin, nous devons reconnaître de nouvelles spécialités infirmières, en santé scolaire, en santé au travail, en santé environnementale et surtout en santé mentale - c'est une urgence de santé publique.
Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la formation infirmière.
Nous espérons que ce texte répondra à certains enjeux, en attendant un projet de loi. (MM. Yannick Jadot et Daniel Chasseing applaudissent.)
Mme Annie Le Houerou . - Merci aux rapporteurs et à ceux qui ont aux auditions - certains sont en tribune.
Les propositions de loi se succèdent pour réorganiser à la marge notre système de soins. Cette approche par incrémentation ou superposition ne permet pas de répondre aux défis immenses du pays - difficultés d'accès aux soins, vieillissement de la population, hausse de la mortalité infantile, malaise de l'hôpital. Le groupe SER attend un grand projet de loi Santé !
Les infirmiers, première profession paramédicale, sont les piliers de notre système de soins ; il s'agit à 87 % de femmes. Elles sont bien souvent les dernières professionnelles de santé à se rendre au domicile des patients. Leur rôle est essentiel pour lutter contre la perte d'autonomie. Je les salue.
Les évolutions de cette proposition de loi sont attendues depuis des années. La reconnaissance du métier n'est pas un enjeu abstrait, il y va de la pérennité de notre système de soins, car les besoins progressent plus vite que les effectifs : si nous n'agissons pas, il manquera 80 000 infirmières en 2050.
Le décret d'actes ne suffit plus. La France est le seul pays à définir aussi précisément ce que peuvent ou ne peuvent pas faire les infirmières. Ce texte n'empiète pas sur l'activité des médecins, mais reconnaît les compétences spécifiques des infirmières.
Le diagnostic infirmier existe dans le décret d'actes depuis 1993 : il est temps de l'inscrire dans la loi. La consultation infirmière se pratique de manière informelle : la reconnaître permettra aux infirmières de mener à bien leurs missions propres.
Depuis 2016, les infirmières peuvent accéder à la pratique avancée, de niveau master, sur un champ de compétences élargi. Le texte prévoit d'ouvrir la pratique avancée à de nouvelles spécialités. Les infirmières spécialisées veulent toutefois préserver la spécificité de leur métier. Pour les puéricultrices, cela passera par une réingénierie de leur formation, qui doit passer à deux ans.
Il faut aussi leur assurer une rémunération à la juste mesure de leurs compétences. En effet, la France est dans le bas du classement des pays de l'OCDE. Les députés ont inscrit le principe de négociations conventionnelles : c'est une première étape, mais il faut aller plus loin.
Et quid des conditions de travail - horaires étendus, ports de charges lourdes, postures pénibles ? Les infirmières estiment à 55 % ne pas pouvoir exercer jusqu'à l'âge de la retraite. Lorsqu'elles y arrivent, 20 % sont en invalidité.
Les difficultés des infirmières sont celles de notre système de soins : 87 % du territoire métropolitain est un désert médical, six millions de nos concitoyens n'ont plus de médecin traitant et les conditions de travail à l'hôpital sont dégradées.
Ne confions pas aux infirmiers des tâches qu'ils ne veulent pas assumer. L'accès direct ne doit pas être une rustine répondant au manque de médecins. Ne créons pas une médecine à deux vitesses.
La proposition de loi inclut les infirmières dans la permanence des soins : c'est utile, à condition que cela se fasse en coordination avec les médecins, mais ne répondra pas à la faible implication des médecins dans cette mission de santé publique...
La réponse aux difficultés réside dans un exercice coordonné et pluriprofessionnel, via les maisons de santé et les équipes de soins primaires, pour donner du temps médical de qualité aux patients. C'est dans ce cadre que doit s'organiser l'accès direct.
Les IPA ont parfaitement leur place à l'hôpital. Ils sont pleinement à leur place en santé mentale ou pour le suivi des pathologies chroniques stabilisées. Ils améliorent la qualité des soins quand ils s'inscrivent dans un projet de santé coconstruit en équipe. En revanche, nous sommes défavorables à l'exercice isolé en accès direct.
Nous proposons une quatrième année de formation des infirmières, pour nous aligner enfin sur les standards européens. Mais la formation est déjà dense, avec un fort taux d'abandon. Nous demandons un rapport, afin de préciser l'articulation entre cette quatrième année, les diplômes de spécialité et la pratique avancée.
Le groupe SER votera ce texte qui va dans le bon sens. (M. Bernard Jomier applaudit.)
Mme Patricia Demas . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie nos rapporteurs, qui ont abouti à un texte équilibré qui satisfaisait les principaux intéressés.
Notre système de santé est à bout de souffle. Cette proposition de loi offre des réponses immédiates, mais aussi des perspectives à long terme.
Dans tous nos territoires, l'urgence est palpable : déserts médicaux, pénurie de soignants, rationalisation à outrance dans les hôpitaux...
L'accès aux études d'infirmier via Parcoursup, inadapté, décourage les candidats. Les abandons sont préoccupants, avec des hémorragies d'étudiants, comme dans les Alpes-Maritimes.
En reconnaissant mieux l'expertise des infirmiers, ce texte améliore leur statut. Cette étape importante en appelle nécessairement d'autres. La proposition de loi Mouiller s'inscrit dans cet esprit, et le Gouvernement s'en est inspiré.
Repenser les modèles d'organisation des soins et favoriser une véritable collaboration interprofessionnelle sont les piliers de la réforme structurelle dont notre système de santé a tant besoin, pour répondre aux attentes des professionnels et garantir un parcours de soins de qualité aux patients.
Digitalisation croissante de la santé, prévention, éducation thérapeutique, autant de domaines où les infirmiers ont un rôle majeur à jouer. Cela suppose d'adapter la formation, d'encourager le tutorat et d'inciter les jeunes professionnels à s'installer dans les déserts médicaux. Maillons forts du parcours de soins, les infirmiers libéraux sont au chevet des Français. Je défendrai un amendement clarifiant la notion d'agglomération pour le calcul de leurs indemnités kilométriques.
Cette proposition de loi comporte des avancées sur l'autonomie et sur la reconnaissance de la pénibilité du métier et des compétences de ces professionnels de santé. Il faut les soutenir, pour la santé de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) « La vie exige qu'on aille de l'avant, qu'en gardant du passé ce qu'il a de précieux, on persévère dans l'effort vers l'avenir », disait Léonie Chaptal. Cette proposition de loi est fidèle à cet esprit, en consacrant ce que la profession a de précieux et en ouvrant la voie à un avenir plus juste.
Comme l'indique son étymologie, cette profession est entièrement tournée vers la fragilité humaine. De la guerre de Crimée au covid, en passant par la Grande Guerre et la Résistance, les infirmiers ont toujours été là, en première ligne, auprès des plus vulnérables. Mais leur reconnaissance législative est elle aussi restée vulnérable.
Enfin ! Les infirmiers ne sont plus définis au regard d'autres professions médicales, mais en tant qu'acteurs de santé à part entière. Cette reconnaissance, attendue par la profession, est accueillie avec enthousiasme par le Parlement. Je salue le travail de nos rapporteurs, ainsi que celui de la députée Nicole Dubré-Chirat.
Depuis Léonie Chaptal, et même depuis 2004, la profession a beaucoup évolué. Elle a connu une montée en compétences et une autonomie accrue qui se traduit dans le texte par la consultation infirmière, le diagnostic infirmier et la prescription autonome. Les IPA voient aussi leur rôle consolidé.
Il ne s'agit en aucun cas de concurrencer la profession médicale. C'est une logique de coopération, et non de compétition. Dans un contexte de désertification médicale, médecins et infirmiers travaillent déjà main dans la main.
La notion floue de complémentarité a été judicieusement remplacée par celle de coordination interprofessionnelle, plus protectrice.
Monsieur le ministre, il faudra agir vite. La loi Rist 2 attend toujours certains de ses décrets d'application sur les infirmiers !
Ce texte ne prétend pas tout résoudre. Il est une clarification nécessaire, qui ne bouleverse pas les équilibres. Aussi le groupe UC le votera avec conviction, et respect pour les soignants. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi était attendue, nécessaire et urgente. Il est grand temps de faire évoluer le statut des infirmiers. La revalorisation doit aussi être financière.
Les infirmières sont le pilier de l'organisation des soins. Elles sont présentes à chaque étape du parcours de santé, avec un regard à 360 degrés.
En ambulatoire, elles évitent des journées à l'hôpital dont le coût approche le millier d'euros, contre moins de 100 euros pour une journée en hospitalisation à domicile (HAD). Et pourtant c'est à elles que l'on demande toujours des efforts ! Nous qui avons des parents vieillissants ne pouvons que témoigner qu'elles sont à pied d'oeuvre face au mur du vieillissement.
Les infirmières ne sont ni des religieuses ni des personnes qui se contentent de faire une piqûre sur l'ordre du médecin. Certaines ont un doctorat en soins infirmiers, à l'image d'Isabelle Fromantin, première infirmière docteure en science et en ingénierie de la santé en France.
Le groupe Les Républicains votera bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions)
Discussion des articles
Article 1er
Mme Élisabeth Doineau . - Je suis heureuse de cette unanimité, car cette proposition de loi était tellement attendue ! À chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous entendions le cri d'alarme des infirmiers et nous votions des glissements de tâches. Il fallait reconnaître cette profession à part entière.
En réponse aux demandes du terrain, l'article 1er définit les compétences propres des infirmiers : diagnostic, prescription, consultation en accès direct. C'est une solution à la tension sur la démographie médicale.
Je salue l'inscription de la recherche dans le coeur de métier. C'est une véritable évolution culturelle, qui amorce le virage préventif et l'approche globale du patient que nous appelons de nos voeux.
Les soins relationnels sont reconnus à l'alinéa 9, mais laissons de la souplesse quant à leur définition, afin d'alléger le texte et de ménager l'avenir.
M. Daniel Chasseing . - Je salue le rôle essentiel des infirmières, à l'hôpital comme à domicile.
Cet article précise leurs missions. Elles peuvent prescrire des vaccins, signer des certificats de décès, mais ne pouvaient pas modifier des dosages, équilibrer des anticoagulants, poser une sonde, ni donner du paracétamol - cela se fait pourtant quotidiennement, en lien avec le médecin traitant.
Cet article ouvre l'accès aux soins de premier recours, précise le rôle de l'infirmier dans les soins préventifs, curatifs et palliatifs, autorise la consolidation médicamenteuse avec le pharmacien, notamment.
Une liste d'actes sera arrêtée par le ministre, après avis de la HAS et de l'Académie de médecine.
L'expérimentation de l'accès direct est prévue dans cinq départements, essentiellement dans le médico-social. Comme Annie Le Houerou et Véronique Guillotin, je pense qu'il faut être très prudent et réserver l'accès direct aux IPA.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Daniel Chasseing. - C'est une bonne proposition de loi et j'appelle de mes voeux la revalorisation de la rémunération des infirmières libérales.
M. Bernard Jomier . - Oui, il est temps de valoriser les compétences des infirmières. Mais l'obstacle n'est pas toujours législatif. La pratique avancée date de 2016 ; or, d'après la présidente de l'Ordre national des infirmiers, on ne compte que quelques dizaines d'IPA en ville - un peu plus à l'hôpital. Nous avons voté le principe de l'infirmier référent en 2018 ; son contenu précis n'est toujours pas fixé. Il y a donc bien, en aval du Parlement, des obstacles culturels et réglementaires, liés à l'exécutif.
Non, les déserts médicaux ne sont pas une bonne raison de débattre des compétences des infirmiers. La profession infirmière est insuffisamment valorisée, qu'il y ait trop ou pas assez de médecins. Si dans dix ans, il y a trop de médecins, il ne faudra pas pour autant réduire le rôle des infirmières.
Nous avons besoin de débattre non en silo, profession par profession, mais selon une logique de coopération. Avec cette énième proposition de loi, on n'y est pas.
M. Olivier Paccaud . - Nous sommes réunis autour d'un très beau texte qui rend justice aux infirmières.
Dans deux jours, nous nous retrouverons autour de nos monuments aux morts. Mais combien d'entre eux sont consacrés aux infirmières ? Trois, dont un dans l'Oise, à Pierrefonds, où une infirmière, Élisabeth Jalaguier, est tombée en août 1918 alors qu'elle prodiguait des soins aux blessés. Ces anges en blouse blanche, comme l'a dit Christine Bonfanti-Dossat, sont toujours en première ligne, mais trop souvent oubliés. Il faut leur rendre plus que justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Cet article est le coeur de la proposition de loi. La reconnaissance du rôle propre des infirmiers, de leur rôle sur prescription « en coordination » avec les autres professionnels de santé - l'apport de la commission est utile - , les consultations infirmières et les diagnostics infirmiers constituent des avancées. La profession n'est plus reconnue non en creux, mais par son rôle propre. C'est un progrès, après le tout petit pas de 2004.
L'article 1er est indispensable, car il prévoit un arrêté qui ouvrira des négociations sur la rémunération des infirmiers. Ils et elles sont nombreux, notamment dans l'Yonne, à demander des avancées, car les dernières revalorisations datent de 2009 - il y a quinze ans !
Les IPA sont très peu nombreux, et pour cause : les modalités de validation des acquis de l'expérience (VAE) et la rémunération ne sont pas incitatives. (M. François Patriat applaudit.)
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales . - Avec ma collègue, nous avons été alertés sur la question du remplacement des infirmiers libéraux - qui concourt à la continuité des soins, obligation déontologique et impératif sanitaire. Le code de la santé publique dispose qu'un infirmier peut se faire remplacer temporairement par un confrère, sous réserve qu'il n'exerce aucune activité infirmière pendant la même période. L'infirmier remplaçant conserve pleinement son indépendance et n'est pas placé sous l'autorité de l'infirmier remplacé.
Mais on observe une recrudescence récente de contrôles dans les zones surdotées, avec des accusations de travail dissimulé. Les infirmiers dénoncent le manque de clarté du cadre réglementaire actuel. Monsieur le ministre, qu'allez-vous faire ? Dans quels délais ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Je remercie les rapporteurs pour leur travail. J'ai écouté attentivement les différentes interventions.
À l'Assemblée nationale, je me suis engagé à ouvrir des négociations conventionnelles dès ce texte voté. J'espère donc pouvoir, d'ici à la fin du mois, signer la lettre de cadrage que j'adresserai à la Cnam sur la revalorisation des actes et les indemnités kilométriques, entre autres. Cela se fera en concertation avec les principaux syndicaux infirmiers.
Certains auraient préféré un projet de loi. Moi aussi, mais en l'absence de majorité à l'Assemblée nationale, le plus important est de reconnaître la profession d'infirmier, même si c'est par le biais d'une proposition de loi.
La question des infirmiers référents sera incluse dans la lettre de cadrage. Depuis 130 jours que je suis en fonction, nous avons publié un certain nombre de décrets en souffrance, notamment sur les certificats de décès. Je m'engage à publier d'ici à la fin du mois de mai celui sur la primo-prescription en matière de cicatrisation des plaies.
J'ai bien entendu l'alerte du rapporteur sur les zones surdotées. Je m'en ouvrirai à M. Fatome, directeur général de la Cnam, pour que le rôle de chacun - Cnam et Urssaf, notamment - soit clarifié. Nous devons laisser travailler les infirmiers, tout en rappelant les règles qui régissent le remplacement, notamment qu'un infirmier remplaçant ne peut pas exercer en même temps que l'infirmier titulaire.
Mme la présidente. - Amendement n°39 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous nous assurons de la prise en compte des infirmiers exerçant en centre de soins infirmiers et centre de santé.
M. Jean Sol, rapporteur. - C'est inutile : ces dispositions sont d'ores et déjà applicables à tous les infirmiers, quel que soit leur mode ou leur lieu d'exercice. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°39 est retiré.
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié de M. Henno et alii.
L'amendement n°10 rectifié est retiré.
Mme la présidente. - Amendement identique n°20 rectifié de Mme Micouleau et alii.
Mme Brigitte Micouleau. - Il s'agit de reconnaître l'autonomie infirmière.
Mme la présidente. - Amendement identique n°23 de M. Patriat et du RDPI.
M. François Patriat. - Nous voterons sans état d'âme ce texte amendé par le Sénat.
Cet amendement vise à reconnaître dans la loi l'autonomie infirmière. Il précise que les infirmiers exercent en responsabilité. Cela ne fait pas obstacle à la coopération avec d'autres professions de santé, et va dans le sens d'une plus grande reconnaissance de la profession.
Mme la présidente. - Amendement identique n°81 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Le code de la santé publique définit les infirmiers et infirmières comme « auxiliaires médicaux », mais ceux-ci ne sont pas de simples auxiliaires des médecins. Cette vision d'un autre siècle n'a plus lieu d'être : reconnaissons leur autonomie.
M. Jean Sol, rapporteur. - Leur indépendance est déjà protégée par leur code de déontologie. Leur autonomie est d'ores et déjà protégée par le code de la santé publique. Avis défavorable, car satisfait en droit.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Nous allons aborder des amendements qui relaient des revendications, apportent un éclairage sur un contexte, une pratique... Or notre rôle est d'écrire la loi, qui doit être la moins bavarde possible. Visons l'efficacité, évitons de délayer. Il y aura beaucoup d'avis défavorables, non sur le fond, mais dans un souci de bonne rédaction.
Les amendements identiques nos20 rectifié, 23 et 81 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous complétons la définition des missions de l'infirmière en précisant que l'ensemble de ses actes s'inscrit dans l'intérêt global du patient, en tenant compte des besoins cliniques, psychologiques, sociaux et environnementaux. Je pense à l'éducation thérapeutique du patient et à l'amélioration de sa vie au quotidien.
M. Jean Sol, rapporteur. - L'ensemble des professionnels de santé interviennent dans l'intérêt des patients.
Le code de déontologie prévoit déjà que « l'infirmier agit en toutes circonstances dans l'intérêt du patient ». Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°89 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement précise que l'infirmier prescrit en coordination avec le médecin traitant, qu'il ne faut pas oublier.
Mme la présidente. - Amendement n°82 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Nous replaçons le patient au coeur de la définition légale des missions de l'infirmier. Chaque acte infirmier n'est pas une fin en soi, mais participe d'une vision globale du soin, orientée vers le mieux-être du patient, au-delà du geste technique ou du soin.
M. Jean Sol, rapporteur. - Nous avons déjà précisé dans la loi que les infirmiers agissaient en coordination avec les autres professionnels de santé. Leur code de déontologie leur impose par ailleurs d'agir toujours dans l'intérêt du patient. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°89 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°82.
Mme la présidente. - Amendement n°72 de M Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - L'infirmier doit pouvoir proposer au patient la consultation d'un médecin s'il considère que la situation dépasse sa compétence. Premier recours, il est souvent le premier à identifier un besoin d'expertise complémentaire.
Il ne s'agit pas de substituer l'infirmier au médecin, mais de souligner la complémentarité des rôles. En donnant un cadre, nous clarifions les responsabilités et faisons confiance au discernement des infirmiers, sans affaiblir le rôle du médecin.
M. Jean Sol, rapporteur. - Amendé par la commission, le texte prévoit déjà que les infirmiers agissent en coordination avec les autres professionnels de santé. Leur code de déontologie leur interdit par ailleurs de réaliser des soins dans des domaines qui dépassent leurs compétences ou leurs moyens. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - C'est superfétatoire : les infirmiers orientent déjà les patients vers d'autres professionnels de santé.
L'amendement n°72 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°50 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - La conciliation médicamenteuse est une démarche de prévention et d'interception des erreurs médicamenteuses, fondée sur le partage d'informations et la coordination entre professionnels de santé. En 2020, les erreurs médicamenteuses représentaient les deux tiers des événements indésirables liés aux soins. Avec le vieillissement de la population et la hausse des maladies chroniques, la conciliation des traitements médicamenteux va devenir essentielle. Ce texte en fait une mission socle des infirmiers.
Les infirmières assurent l'observance des traitements, la surveillance des effets indésirables ; dans ce cadre, elles participent à la conciliation médicamenteuse, mais pas en autonomie. La HAS insiste sur l'importance de la coordination entre professionnels pour la prévention du risque iatrogénique. Nous l'affirmons dans le texte.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Cet amendement rappelle que la conciliation médicamenteuse est assurée en priorité par le pharmacien.
M. Jean Sol, rapporteur. - La commission a déjà précisé que les infirmiers n'assuraient pas seuls la conciliation médicamenteuse.
La HAS prévoit que celle-ci implique un grand nombre de professionnels de santé, dont les pharmaciens et les préparateurs. Avis défavorable à ces deux amendements.
M. Yannick Neuder, ministre. - La conciliation médicamenteuse est assurée par le pharmacien, en association avec tous les professionnels de santé.
M. Daniel Chasseing. - Elle est pluridisciplinaire, mais c'est le pharmacien qui contrôle. Le médecin élabore l'ordonnance, mais le pharmacien l'explique au patient. Parfois, il participe à la recherche de médicament effectivement pris par le patient.
En milieu rural, les pharmaciens offrent gratuitement des piluliers, qui sont ensuite distribués par les infirmiers. Le rôle du pharmacien ne doit pas être oublié.
L'amendement n°50 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°27 rectifié bis.
Mme la présidente. - Amendement n°75 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - En France, 2,5 millions de personnes seraient en perte d'autonomie et nous n'avons pas les moyens de les accompagner. La population âgée augmentera de 16 % d'ici 2030, de 36 % d'ici 2040, de 46 % d'ici 2050. Il faut inscrire le rôle des infirmiers dans l'évaluation et la prévention de la perte d'autonomie, en écho à notre rapport sur la situation des Ehpad.
M. Jean Sol, rapporteur. - La mission générale de prévention comprend déjà la prévention de la perte d'autonomie. Ces missions seront précisées par décret.
Les représentants que nous avons auditionnés ne souhaitent pas la multiplication des missions législatives.
Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°75 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°76 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Dans un souci de démocratie sanitaire, cet amendement associe les associations agréées de représentants des usagers aux missions confiées aux infirmiers qui les concernent.
M. Jean Sol, rapporteur. - C'est inutile : la loi ne cite pas tous les acteurs avec lesquels les infirmiers travaillent quotidiennement. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je suis attaché à l'exercice libéral des infirmiers. Faisons-leur confiance pour agir avec tous les acteurs sur leur territoire - élus locaux, patients experts, associations - et laissons la voie ouverte à toutes les initiatives.
L'amendement n°76 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°70 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Supprimé par la commission, l'alinéa 4 bis relatif aux soins relationnels est pourtant essentiel. Face à la souffrance psychologique des patients, les infirmiers écoutent, rassurent, soutiennent. Cette relation d'aide n'apparaît nulle part. C'est oublier que la dimension humaine, l'empathie, le lien, sont le coeur battant de leur métier. Redonnons à l'infirmier son rôle de soutien psychologique et de repère thérapeutique.
M. Jean Sol, rapporteur. - Avis défavorable. La commission n'a pas entendu nier l'importance des soins relationnels pratiqués par les infirmiers, mais a préféré renvoyer leur définition au décret, plus facile à mettre à jour que la loi pour l'adapter aux évolutions de la profession.
M. Yannick Neuder, ministre. - L'efficacité thérapeutique, notamment à domicile, passe par le relationnel avec les patients - je pense à la chimiothérapie, dont les infirmiers permettent l'acceptation et la compréhension par le patient, au-delà du geste technique.
Mais cette relation ne se décrète pas dans la loi. Faisons confiance à nos professionnels de santé pour avoir un relationnel adapté avec leurs patients - c'est le sens de leur engagement.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - C'est déjà écrit, noir sur blanc, à l'article 1er, alinéa 2. (On renchérit sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC.) N'alourdissons pas le texte. Contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, le Sénat n'a rien supprimé. Inutile de faire figurer cette mention à tous les articles...
M. Bernard Jomier. - Cette précision ne figure dans le code de santé publique, pour aucune autre profession de santé. On voit les limites de ces textes en silo...
Évidemment que le soin relationnel est constitutif de l'acte de soin. Le Sénat a voté, à mon initiative, la loi du 29 janvier 2025, qui fixe un nombre minimum de soignants par patient dans les hôpitaux. Il a été particulièrement soutenu par la profession. Eh bien, monsieur Hochart, les députés de votre groupe ne l'ont pas voté !
M. Yannick Neuder, ministre. - J'ai soutenu la proposition de loi de M. Jomier. Je souhaitais que le Parlement puisse améliorer les critères qualitatifs et quantitatifs de ratio : je mandaterai donc la HAS pour définir les critères quantitatifs de charge de travail. (M. Bernard Jomier et Mme Annie Le Houerou s'en réjouissent.)
Mais pour faire du qualitatif, il faudra aussi satisfaire la quête de sens des soignants, qui souhaitent passer du temps avec leurs patients, et préserver cette dimension relationnelle.
M. Bernard Jomier. - Très bien !
L'amendement n°70 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°13 de Mme Aeschlimann.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Les infirmiers jouent un rôle clé dans la réponse de l'État dans des situations exceptionnelles, pour protéger les populations - je pense aux inondations de Valence ou au cyclone Chido.
Pourtant, leur implication ne figure pas de manière explicite dans leurs compétences officiellement reconnues dans leur formation. Leur action reste informelle et spontanée - nous y remédions, en la valorisant.
M. Jean Sol, rapporteur. - En effet, les infirmiers sont mobilisés et nous devons leur en être reconnaissants. Mais n'en faisons pas l'une des grandes missions de leur profession, qui s'appliquerait à l'ensemble des infirmiers, quel que soit leur lieu d'exercice. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°79 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Cet amendement permet aux infirmiers d'agir spécifiquement sur les liens entre environnement et santé, à la croisée de la prévention primaire, de l'éducation thérapeutique et du diagnostic.
Nous savons désormais que notre santé est majoritairement déterminée par notre environnement : eau, air, logement... Mais la santé environnementale est le parent pauvre de la santé publique, malgré son importance dans la prévention des zoonoses et des épidémies, comme le chikungunya. Les infirmiers qui interviennent au domicile des patients sont bien placés pour identifier les déterminants de risque comme l'air vicié, la présence de plomb ou d'amiante.
M. Jean Sol, rapporteur. - La proposition de loi mentionne parmi leurs missions la participation à la prévention, aux soins éducatifs et à l'éducation thérapeutique. Les risques environnementaux font partie du périmètre, inutile d'en faire une mission spécifique. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je me suis rendu à deux reprises à La Réunion et à Mayotte : je peux vous assurer que les professionnels de santé sont particulièrement engagés pour apporter les premiers secours et prendre toutes les mesures de prévention des épidémies - je pense au choléra à Mayotte et au chikungunya à La Réunion - qu'il s'agisse de la lutte antivectorielle ou de la protection des plus fragiles, personnes âgées, femmes enceintes ou nouveau-nés. Je ne suis pas sûr qu'une loi bavarde améliorerait leur engagement.
L'amendement n°79 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°38 de Mme Brulin et alii.
Mme Céline Brulin. - L'article 1er prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les domaines d'activité et de compétences des infirmières et infirmiers. Leurs représentants doivent y être associés.
M. Jean Sol, rapporteur. - Il semble évident que les représentants de la profession seront consultés préalablement à la publication du décret. Avis favorable, afin de le garantir par la loi.
M. Yannick Neuder, ministre. - L'avis sera rendu par l'intermédiaire du Haut conseil des professions paramédicales. Votre amendement est donc déjà satisfait.
L'amendement n°38 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°66 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Pas de négociation conventionnelle systématique sans consultation de l'ensemble des acteurs.
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié de M. Henno et alii.
Mme Nadia Sollogoub. - Les infirmières sont exposées à de nombreux facteurs de pénibilité : exposition aux maladies, travail de nuit, longues heures de route... Elles sont 20 % à être en invalidité lors de leur départ à la retraite. Leur espérance de vie est de 78 ans, contre 85 ans en moyenne. Il faut intégrer la prise en compte de la pénibilité dans la loi.
Mme la présidente. - Amendement identique n°21 rectifié de Mme Micouleau et alii.
Mme Brigitte Micouleau. - C'est le même : intégrons pleinement la prise en compte de la pénibilité dans la loi.
Mme la présidente. - Amendement identique n°40 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Chacun sait combien le métier d'infirmière est pénible. Horaires atypiques, travail de nuit jouent sur l'espérance de vie.
M. Jean Sol, rapporteur. - Notre commission appelle depuis plusieurs années à une revalorisation des infirmiers : les principaux actes réalisés en ville n'ont pas été revalorisés depuis 2009 !
Toutefois, le Gouvernement s'est engagé à lancer des négociations conventionnelles avant l'été. Les principaux syndicats s'en sont félicités.
Une négociation conventionnelle systématique à chaque évolution des compétences réglementaires n'est prévue pour aucune autre profession de santé. L'imposer pourrait décourager le Gouvernement à revoir l'arrêté chaque fois que cela est nécessaire.
Reste que les infirmiers reprocheront inévitablement au Sénat d'avoir retiré une obligation qu'ils jugent protectrice... Dès lors, sagesse sur l'amendement n°66.
Ajouter la mention de pénibilité dans la loi, comme le prévoient les amendements nos8 rectifié, 21 rectifié et 40, serait sans effet juridique : cela ne contraindrait pas le Gouvernement et l'assurance maladie à augmenter les rémunérations infirmières à ce titre. Les négociations tiendront compte de la pénibilité et des risques. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable sur ces trois amendements identiques. Je l'ai dit, si ce texte est adopté, je souhaite que nous débutions les négociations conventionnelles rapidement. J'adresserai une lettre de cadrage à la Cnam en ce sens. Ne rigidifions pas les choses.
M. Bernard Jomier. - L'amendement n°66 supprime l'unique mention de la négociation sur les tarifs infirmiers. J'entends qu'il est difficile d'imposer une négociation à chaque actualisation de l'arrêté - d'où mon sous-amendement, malheureusement déclaré irrecevable, qui limitait la négociation à la publication de l'arrêté.
Si nous adoptons tel quel l'amendement du Gouvernement, nous tirons un trait sur l'obligation de négociation des rémunérations. Les mots d'amour, c'est bien ; les preuves d'amour, c'est mieux ! La commission a émis un avis de sagesse. J'aurais préféré la jurisprudence Mouiller : adopter le texte, et trouver une rédaction plus consensuelle en CMP. Si nous adoptons l'amendement n°66, ce ne sera plus possible.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Oui, la jurisprudence Mouiller est la meilleure solution ! Le message du Sénat est clair : il faut revaloriser les actes infirmiers, nous sommes d'accord.
Certes, la négociation systématique, à chaque modification, représente une contrainte. Je vous propose donc de rejeter l'amendement du Gouvernement, et de renvoyer la discussion à la CMP.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Très bien.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je rejoins le président Mouiller. Le ministre a été clair et les prises de position du Sénat sont constantes.
Le plus élégant serait que le Gouvernement retire son amendement. Autre option : qu'il le modifie pour viser uniquement la première publication de l'arrêté et son actualisation après la promulgation de la présente loi. Évitons de rigidifier à l'excès.
Mme Élisabeth Doineau. - Je m'inscris dans les pas des précédents orateurs. La sagesse arrive opportunément dans la discussion !
Je mesure la volonté du ministre d'aller vite, tant pour le décret que pour la revalorisation des rémunérations.
Je soutiens les amendements sur la pénibilité du métier d'infirmier : les conditions d'exercice sont très difficiles. Travail de nuit, longues heures de route, par tout temps : tout cela a des effets sur leur santé, leur bien-être. Je voudrais que le ministre s'engage à regarder avec la profession comment améliorer les choses.
Mme Céline Brulin. - Je suis en phase avec les intervenants précédents. Tous, nous avons dit que cette proposition de loi était une étape importante qui devait s'accompagner d'une revalorisation des actes. Il faut concrétiser la promesse !
Monsieur le ministre, vous soumettrez une lettre de cadrage à la Cnam. Fera-t-elle mention de la pénibilité ?
M. Marc Laménie. - Tout en saluant le travail de la commission des affaires sociales, à titre personnel, je voterai les amendements relatifs à la pénibilité. Le métier d'infirmier, si difficile, mérite respect et reconnaissance. Ils multiplient les kilomètres, subissent la pression des patients. Cette pénibilité doit être prise en compte.
M. Daniel Chasseing. - Avec le vieillissement de la population, nous aurons encore plus besoin des infirmiers libéraux. Or leurs actes n'ont pas été revalorisés depuis 2009 ! Sans remettre en cause la volonté du ministre, je suivrai le président de la commission.
M. Yannick Neuder, ministre. - J'ai écouté avec attention vos propos. Soyons pragmatiques. Tous, nous voulons que ce texte soit adopté pour améliorer les conditions d'exercice des infirmiers et engager les négociations conventionnelles dans les meilleures conditions.
La lettre de cadrage inclura de nombreux éléments. La négociation se fera avec les représentants syndicaux : je fais confiance au dialogue social.
Les arrêtés, quoi qu'on en dise, rigidifient la discussion conventionnelle. Ce n'est pas mon choix. La sagesse commande de retirer l'amendement n°66 du Gouvernement. (Marques d'approbation sur divers bancs)
L'amendement n°66 est retiré.
Les amendements identiques nos8 rectifié, 21 rectifié et 40 sont adoptés.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°28 rectifié bis de M. Chasseing et alii.
M. Daniel Chasseing. - Adopté dans le PLFSS 2025 mais censuré en tant que cavalier, cet amendement vise à reconnaître le statut d'infirmier coordonnateur en Ehpad, comme le préconise le rapport du Sénat sur la situation des Ehpad.
En effet, les Ehpad n'ont pas l'obligation de compter un infirmier coordonnateur dans leur effectif ; son rôle ne fait l'objet d'aucun texte législatif ou réglementaire. Pourtant, dans les faits, ils jouent un rôle crucial, a fortiori en l'absence de médecin coordonnateur.
M. Jean Sol, rapporteur. - Les 6 000 à 8 000 infirmiers coordonnateurs sont en effet un maillon essentiel pour les Ehpad. Pourtant, ils ne disposent pas de définition réglementaire. Cet amendement y remédie. Le décret prévu précisera leurs missions et leur positionnement. Avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous sommes tous convaincus du rôle des infirmiers coordonnateurs en Ehpad. Mes services travaillent à l'élaboration d'un texte réglementaire : dès lors, retrait, sinon rejet.
L'amendement n°28 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°42 rectifié de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°67 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - C'est une demande de rapport, article 40 oblige... Celui-ci vise à revaloriser les grilles indiciaires des infirmiers, dont le rôle s'est considérablement élargi. Pourtant leur rémunération n'a pas suivi cette montée en compétences. Ils sont deux fois moins payés que dans d'autres pays de l'Union européenne. Comment attirer, fidéliser, valoriser la profession dans ces conditions ?
Ce rapport objectiverait les données et poserait les bases d'une réforme attendue. Rendre le métier attractif passe par une revalorisation de la rémunération de ceux qui tiennent notre système à bout de bras.
M. Jean Sol, rapporteur. - Ce sujet nous tient tous à coeur. Cette proposition de loi contribue à valoriser l'exercice et la compétence des infirmiers. L'ouverture des négociations conventionnelles apportera une réponse pour les infirmiers libéraux. Les établissements aussi devront agir, mais cela ne relève pas du domaine de la loi.
Fidèle à notre position sur les demandes de rapport, avis défavorable à ces deux amendements.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je suis favorable à l'amendement n°67, si cela permet d'étayer les discussions salariales.
Quant à l'amendement n°42 rectifié, je ne l'ai pas.
Mme Céline Brulin. - C'est une demande de rapport sur les revalorisations salariales dans la fonction publique hospitalière. Certes, la revalorisation du point d'indice n'est pas de votre responsabilité, monsieur le ministre, mais si l'on veut créer un choc d'attractivité, il faut revaloriser les rémunérations. Une infirmière débute à 1 500 euros...
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°42 rectifié, qui porte sur le secteur hospitalier, si je comprends bien.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Ces sujets sont très importants. Le rôle des commissions des affaires sociales des deux chambres est de les approfondir, en menant des auditions. On sait bien que les rapports que nous votons ne sont jamais rendus ! Ne soyons pas hypocrites : demandons à nos commissions des affaires sociales de s'emparer de ces sujets.
L'amendement n°42 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°67.
Mme la présidente. - Amendement n°37 rectifié de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Désolée, monsieur le président Mouiller : encore une demande de rapport ! C'est notre seul moyen pour défendre certains sujets.
Nous avons été nombreux à être interpellés sur une quatrième année d'études au sein des Ifsi, qui justifierait une revalorisation salariale. En l'état, ajouter une année pourrait renforcer la précarité de certains étudiants, indemnisés à hauteur de 1,03 euro l'heure en première année, 1,71 euro en dernière année, quand l'indemnité de stage pour les étudiants du supérieur est de 4,35 euros... Il faudrait harmoniser !
Quels terrains de stages trouver pour cette quatrième année ?
Monsieur le ministre, vous avez sanctuarisé les crédits pour accroître l'offre de formation en 2025. Mais si nous instaurons une quatrième année, il faut le faire en concertation avec les régions, compétentes pour les Ifsi.
Mme la présidente. - Amendement n°77 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Pourquoi quatre ans ? Cela fait plus de cinquante ans que la formation dure trois ans, or les missions des infirmiers sont de plus en plus importantes. Durant ces trois années d'études, les infirmières font trois fois plus d'heures qu'une licence classique. Passons à quatre ans comme nos voisins européens.
Nous demandons un rapport comme Mme Brulin, mais il serait bon que le Gouvernement s'engage pour une quatrième année.
Mme la présidente. - Amendement n°55 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Cela nous permettrait de nous mettre en conformité avec la réglementation européenne qui prévoit 4 600 heures de formation. La quatrième année pourrait inclure une partie professionnalisante sur le terrain. Voyons dans quelles conditions cette année supplémentaire pourrait être créée.
M. Jean Sol, rapporteur. - Avis défavorable, comme toujours sur les demandes de rapport.
M. Yannick Neuder, ministre. - L'idée n'est pas de savoir si l'on veut un rapport ou pas, mais s'il faut ou non une quatrième année.
Les syndicats et l'ordre, que j'ai consultés, ne m'ont pas fait part d'une forte demande en ce sens. Je ne l'entends pas non plus des infirmières hospitalières ni libérales.
La mise en conformité avec l'Union européenne n'est pas un argument. Nos infirmiers sont-ils en difficulté ? Si oui, il faut réformer la maquette pédagogique. Sinon, ne nous astreignons pas à un carcan européen.
La précarité étudiante a été évoquée. Méfions-nous du message envoyé. La formation ne dure que trois ans, ce qui peut être un facteur d'attractivité. Quand on n'habite pas près de l'Ifsi, les années de formation peuvent être marquées par des difficultés financières. À partir d'un certain âge, la durée de formation peut aussi être un frein.
La loi de 2004 a accordé la compétence formation aux régions. On ne peut pas décider d'ajouter une année, dont le coût serait important, sans en discuter avec les régions.
Nous avons sanctuarisé 215 millions d'euros dans le budget 2025 pour former plus d'infirmiers.
Je préférerais un rapport sur les conditions d'attractivité ! Pourquoi y a-t-il davantage d'abandons ? Près de 80 % des étudiants d'un Ifsi sont issus de leur région. Pourquoi les étudiants abandonnent-ils, pourquoi 20 % des infirmiers changent-ils de métier après dix ans à l'hôpital ?
L'attractivité est plus importante que l'augmentation de la durée d'études. Je pourrais revoir cette position personnelle si les résultats des consultations étaient différents.
Avis défavorable.
Mme Anne Souyris. - Les résultats de nos consultations sont très clairs sur la demande d'une quatrième année ; je suis étonnée que vous ne l'ayez pas entendue.
On ne peut pas se fonder sur le fait que les étudiants n'ont pas d'argent pour ne pas allonger les études. Au contraire, il faut lutter contre la précarité étudiante. C'est hallucinant.
Différents collectifs ont évoqué la piste d'infirmiers juniors, comme les docteurs juniors. C'est imaginable.
Les arguments du ministre - les régions n'ont pas d'argent et les étudiants doivent arrêter leurs études pour gagner de l'argent - sont indignes.
M. Yannick Neuder, ministre. - Vous avez dû mal entendre : je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas de quatrième année parce qu'il n'y avait pas d'argent. Si nos étudiants infirmiers sont bien formés, il n'est pas nécessaire d'ajouter une quatrième année.
Vous évoquez aussi les infirmiers juniors. La troisième année doit-elle être professionnalisante ? Cela peut être débattu et travaillé avec les représentants de la profession.
Ne faisons pas de raccourcis entre professionnalisation, précarité et charges des régions.
Mme Élisabeth Doineau. - Je ne vote pas les demandes de rapport, mais le sujet est très intéressant. La quatrième année n'est peut-être pas demandée expressément, mais j'entends une difficulté venant des Ifsi. On m'a fait remarquer qu'il y avait un manque de raisonnement logique parmi les étudiants qui arrivent. Plutôt qu'une année professionnalisante, il faudrait une année propédeutique, pour travailler les prérequis.
Cette année préparatoire renforcerait les bases indispensables en biologie, en sciences humaines, et en méthodologie du travail universitaire. Cela s'inspirerait d'autres filières sélectives, limiterait les abandons précoces et garantirait une meilleure adéquation entre les attentes de la formation et les étudiants. Cela se fait en Belgique et en Suisse et permet une pratique plus réflexive, autonome et scientifique. Ce serait une mesure de cohérence et de qualité pour une profession en pleine mutation.
L'amendement n°37 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos77 et 55 rectifié.
Article 1er bis
Mme Élisabeth Doineau . - Je défends cet article tel que rédigé par la commission, qui poursuit avec cohérence l'ambition de structuration du rôle des IPA. L'inscription explicite de ces professionnels dans le code de la santé publique est une reconnaissance symbolique et opérationnelle de leur légitimité.
En les associant aux dynamiques de coordination et de coopération avec les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, nous affirmons ainsi une vision contemporaine de l'exercice d'infirmier.
Je me félicite particulièrement de la reconnaissance de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier. Cela évite le risque de confusion avec le diagnostic médical. Je salue la réintroduction de la mention du médecin traitant parmi les professionnels impliqués dans les soins de premier recours.
Cet article consolide le rôle des infirmiers et ouvre la voie à un exercice plus autonome, plus reconnu, mais toujours dans une logique de coopération.
L'article 1er bis est adopté.
Article 1er ter
Mme Élisabeth Doineau . - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, instaurait un dispositif spécifique d'évaluation. J'avais déposé en commission un amendement de suppression, car il était redondant avec la certification périodique des professionnels de santé.
Je remercie les rapporteurs d'avoir utilement réécrit cet article, auquel je me range désormais. Il remplacera ou complétera les dispositifs existants sans lourdeur administrative supplémentaire.
Mme la présidente. - Amendement n°11 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - En commission, les rapporteurs nous ont dit que les formations de mise à niveau seraient une proposition et non une obligation. Qu'en est-il ? (Mme Anne-Sophie Romagny le confirme.)
Mme la présidente. - Amendement identique n°34 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous proposons la suppression de cet article, considérant que les certifications périodiques suffisent à évaluer les compétences.
Les rapporteurs ont amélioré le texte initial, mais même sous cette forme, cela ne semble pas utile, et ne simplifierait pas le dispositif.
Mme la présidente. - Amendement identique n°44 rectifié bis de Mme Gacquerre et alii.
M. Pierre-Antoine Levi. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°61 de M. Jomier et du groupe SER.
M. Bernard Jomier. - La rédaction de cet article a évolué. Les rapporteurs et le Gouvernement ont revu la durée des évaluations. Mais pourquoi la profession d'infirmier est-elle soumise à cette obligation spécifique ? Pourquoi pas les médecins ou les kinésithérapeutes ? Il existe actuellement un contrôle ordinal. S'il ne fonctionne pas, qu'on nous le prouve, et nous changerons la loi.
Cette disposition a été ajoutée à l'Assemblée nationale.
Mme la présidente. - Amendement identique n°91 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.
Mme Corinne Bourcier. - Je suis tout à fait d'accord avec M. Jomier. Pourquoi les infirmiers plutôt que d'autres professions ?
Cet amendement a été travaillé avec l'ordre national des infirmiers.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - La commission a adopté cet article la semaine dernière. Naturellement, elle s'oppose à ces demandes de suppression.
Cet article a certainement souffert d'un manque de clarté. Il permet une évaluation des compétences des infirmiers en reprise d'activité après une longue interruption, afin de leur proposer des formations de remise à niveau. Ce n'est ni une punition ni une contrainte, mais une possibilité d'accompagnement pour une reprise d'activité dans les meilleures conditions. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Et le financement ? Si on leur fait passer des examens, ou si on leur propose une formation, il faut bien les payer. Il y a rupture d'égalité avec les autres infirmiers.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Sur le financement, le texte ne prévoit rien.
M. Bernard Jomier. - N'ayant aucune réponse sur la distinction entre les infirmiers et les autres professions, nous maintenons l'amendement n°61.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je m'associe à ces amendements. J'avais déposé un amendement identique en commission. Je ne comprends pas la logique poursuivie et la différence de traitement avec les autres professionnels de santé qui interrompent leur activité. J'entends que c'est une proposition de formation. Cependant le financement pose problème - sachant que d'autres amendements ont été jugés irrecevables...
Mme Corinne Imbert. - Je ne voterai pas ces amendements. Il serait bien que les infirmiers qui interrompent leur activité en informent l'ordre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Deux poids, deux mesures...
À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos11 rectifié, 34, 44 rectifié bis, 61 et 91 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°264 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l'adoption | 143 |
Contre | 179 |
Les amendements identiques nos11 rectifié, 34, 44 rectifié bis, 61 et 91 rectifié ter ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°65 du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cet amendement de compromis prévoit que les infirmiers reprenant leur activité informent leur ordre départemental à partir de six années d'interruption. Une mention particulière est prévue pour les femmes, plus susceptibles de prendre un congé parental. On laisse une marge à l'autorité compétente pour tenir compte des réalités organisationnelles ou financières, qui peuvent être non négligeables.
Mme la présidente. - Amendement n°59 de Mme Imbert.
Mme Corinne Imbert. - Nous supprimons la mention de la remise à niveau. Il existe déjà une obligation de certification périodique. Introduire une complexité supplémentaire freinerait le retour à l'emploi. C'est une remise en cause du diplôme ! (Mme Anne-Sophie Romagny le conteste.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement !
Mme Corinne Imbert. - Avant la proposition de formation, l'infirmier sera soumis à une évaluation de ses compétences. Au bout de trois ans, c'est-à-dire la durée d'un congé parental...
M. Yannick Neuder, ministre. - (Joignant le geste à la parole) Six ans !
Mme Corinne Imbert. - Sauf votre respect, monsieur le ministre, votre amendement n'est pas encore voté ! (M. Yannick Neuder en convient.)
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - La commission est mitigée sur l'amendement du Gouvernement. Elle ne voit pas de difficulté à la durée de six ans, mais il est préférable que l'obligation de déclaration d'interruption d'activité soit prévue avant six ans.
La rédaction de la commission avait surtout une logique d'accompagnement. Sagesse sur l'amendement n°65.
L'amendement de Mme Imbert viderait l'article de sa substance, or il complète utilement les dispositions relatives à la reprise d'activité. Les pratiques évoluent rapidement et évolueront encore plus vite à l'avenir. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je sais bien que mon amendement n'est pas encore voté ; mais s'il l'était, cela nous éloignerait des difficultés que vous évoquez. Sagesse. (M. Bernard Jomier s'en amuse.)
L'amendement n°65 est adopté.
L'amendement n°59 n'a plus d'objet.
L'article 1er ter, modifié, est adopté.
Après l'article 1er ter
Mme la présidente. - Amendement n°88 rectifié quinquies de Mme Aeschlimann et alii.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Nous élevons la santé scolaire au rang de spécialité au même titre que l'exercice au bloc, en anesthésie, en puériculture ou la pratique avancée. Les infirmières scolaires sont les sentinelles bienveillantes et vigilantes de la santé des élèves. C'est d'autant plus important avec la pénurie de médecins scolaires.
Malgré le dynamisme démographique, sur les 650 000 infirmiers actifs, seuls 7 500 exercent en milieu scolaire, avec 18 millions de consultations assurées chaque année. Leur rôle est sous-estimé et leur métier peu attractif. Reconnaître la spécificité de leur exercice serait bienvenu. Un diplôme de niveau 7 permettrait de mieux les former. L'amendement créerait une expertise spécifique ce que les freins au statut d'IPA ne facilitent pas.
Mme la présidente. - Amendement n°18 rectifié de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Cet amendement reconnaît l'exercice en milieu scolaire comme une spécialité à part entière. La santé des jeunes se dégrade, le climat dans les établissements est empreint de plus en plus de violences. Les infirmiers de l'éducation nationale sont essentiels. Chaque année, ils assurent 18 millions de consultations. Ce sont des référents de santé qui repèrent les fragilités et accompagnent enseignants et familles. Un diplôme de niveau 7 rendrait ce métier plus attractif.
Mme la présidente. - Amendement identique n°26 rectifié quinquies de Mme Billon et alii.
Mme Marie-Lise Housseau. - Il faut améliorer la qualité du service rendu mais aussi rendre le métier plus attractif. Actuellement, les infirmiers quittent l'éducation nationale par manque de reconnaissance et de perspectives. Une profession dévalorisée devient un métier déserté.
Mme la présidente. - Amendement identique n°35 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K
Mme Céline Brulin. - En effet, cette spécialité mérite d'être reconnue, de même que les infirmiers dans l'enseignement supérieur. La santé physique, mais aussi mentale des étudiants se dégrade. Il faut aussi renforcer l'attractivité de ces spécialités. Des amendements identiques de diverses travées montrent bien que la demande est unanime.
Mme la présidente. - Amendement identique n°45 rectifié de Mme Muller-Bronn et alii.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Pas moins de 20 % des jeunes ont des troubles psychiques, 11 % sont asthmatiques, et les troubles dys concernent 6 à 8 % des élèves. On déplore 400 suicides par an chez les jeunes de 12 à 25 ans, deuxième cause de mortalité. Quelque 18 % d'entre eux sont en surpoids et 5 % souffrent d'obésité.
Mme la présidente. - Amendement identique n°46 rectifié ter de Mme Gacquerre et alii.
L'amendement n°46 rectifié ter n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°51 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - La spécialisation professionnelle des infirmiers scolaires s'impose : ils sont les premières à détecter des signaux faibles grâce à l'écoute, la prévention et le dépistage.
Mme la présidente. - Amendement identique n°84 de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - La santé mentale est une grande cause nationale ; il faut donc des professionnels reconnus ; or les infirmiers scolaires sont des piliers de la santé à l'école.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Nous comprenons l'intention de ces amendements. Les conditions d'exercice des infirmiers scolaires se dégradent, et la pénurie de médecins scolaires contribue aux inégalités. À l'article 2, cette proposition de loi ouvre l'exercice en milieu scolaire aux IPA. Cela emporte l'assentiment des infirmiers scolaires.
Les exercices en spécialité dépendent non pas d'une spécialité de l'infirmier, mais de l'exercice dans un milieu spécialisé. Une reconnaissance telle que vous la proposez serait symbolique. Il serait donc préférable que les infirmiers se forment en pratique avancée avant d'exercer en milieu scolaire. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je souscris à l'avis de la rapporteure. Vos présentations d'amendement traduisent l'énorme besoin de santé scolaire. Mais nous faisons face à des besoins multiples ; d'ailleurs, vous ne les avez pas tous évoqués : je pense à l'obésité, au diabète, à l'utilisation iatrogène des écrans, aux enjeux majeurs de santé mentale... Mais si, face à ces besoins, il suffisait de créer un statut d'infirmier scolaire, je signerais tout de suite...
La situation est plus complexe. Il faut davantage de repérages. Mercredi dernier, nous avons parlé de faits divers impliquant des lycéens souffrant de troubles psychiatriques.
Le repérage dépend de la société en général, y compris des enseignants. On ne pourra pas mettre un infirmier derrière chaque élève.
Cette proposition de loi renforce les compétences de prévention des infirmiers. Pour devenir infirmier scolaire, il faut suivre une formation d'un an après le concours, alternant théorie et pratique. Si l'on restreint l'exercice en milieu scolaire aux infirmiers spécialisés, on se prive d'un vivier. Cela irait contre l'objectif initial.
À la rentrée, nous mènerons une opération de sensibilisation à la vaccination pour les 11-14 ans, notamment contre la méningite et le papillomavirus.
Laissons un maximum de professionnels de santé embrasser une carrière dans l'éducation nationale.
Mme Céline Brulin. - Monsieur le ministre, nous ne demandons pas une infirmière derrière chaque élève ! Il y a un peu plus de 7 500 infirmières scolaires pour 12 millions d'élèves : c'est indigent ! Et je ne parle même pas de l'enseignement supérieur...
L'idée qu'un infirmier décide de consacrer une partie de sa carrière à l'école est belle ; mais c'est l'inverse qui se produit : les professionnels fuient ce métier. De plus, c'est méconnaître la médecine scolaire. Les infirmiers ne sont pas que des infirmiers qui exercent en milieu scolaire. Ils travaillent en coopération avec les enseignants pour le bien-être et la réussite de nos enfants. Vous ne pourrez pas demander aux enseignants ou aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) de faire du repérage.
On revient à la confusion entre IPA et infirmiers de spécialité.
M. Yannick Neuder, ministre. - Tout IPA peut, s'il le souhaite, exercer en milieu scolaire. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.)
Mme Céline Brulin. - Cela n'en fait pas une spécialité !
L'amendement n°88 rectifié quinquies est adopté, et devient un article additionnel.
Les amendements identiques nos18 rectifié, 26 rectifié quinquies, 35, 45 rectifié, 51 et 84 n'ont plus d'objet.
Article 1er quater
M. Marc Laménie . - Cet article prévoit une expérimentation de trois ans pour les infirmiers exerçant dans des structures d'exercice coordonné : ceux-ci pourraient prendre en charge directement les patients dans cinq départements pilotes. Cela correspond à une forte attente des infirmiers libéraux, dans les Ardennes par exemple. Je voterai cet article.
Mme la présidente. - Amendement n°52 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Je souhaite supprimer cette expérimentation qui permet aux infirmiers de prendre directement les patients pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre. Ce n'est plus une délégation de tâches, mais un transfert de compétences.
Nous sommes favorables à un accès direct pour le rôle propre, mais pas en dehors : cela placerait les infirmiers en situation d'insécurité professionnelle, face à des patients qui leur demanderaient des actes qui ne sont pas de leur compétence.
Veillons au respect des compétences de chacun, sinon nous risquons une médecine à deux vitesses. Il existe déjà un cadre légal de délégation de compétences : les protocoles de coopération, sécurisés, et pour lesquels les infirmiers sont formés.
M. Jean Sol, rapporteur. - La commission a considéré que cet article pouvait être utile pour évaluer l'opportunité de l'extension des compétences infirmières. La HAS et l'Académie de médecine doivent être saisies : l'encadrement nous semble suffisant. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
Mme Véronique Guillotin. - C'est le seul article du texte qui m'a perturbée. Je voterai l'amendement n°52. Cette proposition de loi apporte beaucoup de changements. Je crains, avec cette expérimentation, que l'on cherche des solutions rapides et risquées. Travaillons plutôt à mieux appliquer la loi : déployer les IPA, accueillir correctement les docteurs juniors...
M. Daniel Chasseing. - Je voterai cet amendement. L'accès direct dans l'exercice coordonné et dans le médico-social me semble une bonne idée pour les IPA spécialisées en pathologies chroniques ; étendre l'expérimentation n'est pas un service à rendre aux infirmières.
Mme Cécile Cukierman. - Sans vouloir être rabat-joie, en quatorze ans de mandat, je constate qu'à chaque texte, quelles que soient les majorités, nous faisons le même constat : nous manquons de professionnels de santé de proximité. Et à chaque fois qu'on tente d'apporter des solutions, cela ne va jamais : les médecins ont trop de patients, mais en même temps pas assez. Il ne faudrait pas que d'autres puissent faire des actes, y compris les plus faciles et les plus accessibles.
J'entends les arguments sur la sécurité. Mais la réalité, c'est que des patients n'ont pas accès à un professionnel de santé régulièrement. (Mme Anne-Marie Nédélec renchérit.)
On persiste avec le parcours de soins coordonné, mais il n'y a pas suffisamment de médecins référents. La priorité, c'est de faciliter l'accès à un professionnel de santé, bien formé, qui pourra orienter vers un médecin, voire un spécialiste.
Nous ne voterons pas cet amendement.
Mme Laurence Muller-Bronn. - J'irai dans le même sens.
Pour soigner une plaie, une infirmière a besoin d'une ordonnance, mais les infirmiers savent panser une plaie ! La présidente de l'ordre le rappelait : les infirmiers savent panser et penser.
Nous avons besoin d'elles pour les soins courants. Nombre de patients n'ont pas accès aux soins de proximité.
Mme Annie Le Houerou. - L'amendement supprime l'expérimentation de l'accès direct, hors rôle propre. L'accès direct reste donc possible dans le rôle propre : ainsi du dernier exemple cité, le traitement d'une plaie.
L'amendement n°52 n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 20 heures.
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
M. le président. - Amendement n°53 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Nous ne voulons pas permettre l'accès direct en dehors du rôle propre des infirmières. N'ouvrons pas la boîte de Pandore ; je crains des dérives qui ne seraient acceptables ni pour les patients ni pour les professionnels.
M. le président. - Amendement n°60 rectifié bis de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Défendu.
M. Jean Sol, rapporteur. - Les infirmiers bénéficient déjà de l'accès direct pour leur rôle propre. La commission a restreint l'expérimentation de l'élargissement de l'accès direct aux structures ayant une coordination suffisante entre professionnels de santé et prévu une saisine préalable de la HAS et de l'Académie de médecine.
Avis défavorable aux deux amendements.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°53 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°60 rectifié bis.
L'article 1er quater est adopté.
Après l'article 1er quater
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis de M. Khalifé et alii.
M. Khalifé Khalifé. - Cet amendement, largement cosigné, reconnait les exercices spécialisés infirmiers reposant sur un niveau master. Cela concerne les perfusionnistes, les hygiénistes et les infirmiers en santé au travail, qui ne bénéficient d'aucun statut juridique propre.
M. le président. - Amendement identique n°17 rectifié de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°24 de M. Théophile et du RDPI.
M. Dominique Théophile. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°43 rectifié ter de Mme Gacquerre et alii.
L'amendement n°43 rectifié ter n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement identique n°58 de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - Un exemple : les infirmières en santé au travail assurent 73 % des visites d'information et de prévention initiales dans les services de santé au travail, contre 56 % en 2016. Il faut reconnaître cette spécialité.
M. Jean Sol, rapporteur. - Cette proposition de loi vise à mettre en adéquation les compétences attribuées par les textes et les réalités du terrain. Les perfusionnistes ou les hygiénistes ont des responsabilités plus importantes que le métier socle, sans reconnaissance ni rémunération supplémentaire. Cela interroge, mais les spécialités visées ne bénéficient pas toutes d'une maturité suffisante pour justifier l'exercice spécialisé.
J'émets par ailleurs une réserve sur la rédaction : faute de formation, certains professionnels ne pourraient plus exercer. Je demande l'avis du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Seules les spécialités d'anesthésiste et de bloc donnent le grade de master ; ce n'est pas le cas pour les infirmiers en puériculture. Nous y travaillons avec la profession.
Les perfusionnistes sont indispensables à la pratique de la chirurgie cardiaque et de la circulation extracorporelle. Nous travaillons à une évolution du régime indemnitaire pour renforcer l'attractivité de ces postes. Une inscription dans la loi d'un niveau de diplôme n'est pas judicieuse. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Jean Sol, rapporteur. - Avis défavorable.
Les amendements identiques nos4 rectifié bis, 17 rectifié, 24 et 58 ne sont pas adoptés.
Article 2
Mme Élisabeth Doineau . - Cet article reconnaît enfin à leur juste valeur les IPA et leur rôle croissant dans notre système de santé. Depuis leur création, en 2018, ils ont fait la preuve de leur efficacité. L'extension de leurs lieux d'exercice au secteur médico-social, au domicile et à la santé au travail est logique et nécessaire pour répondre aux besoins de populations éloignées du soin. Je me réjouis de l'ouverture de la pratique avancée à certains infirmiers spécialisés, dont les anesthésistes et les infirmiers de bloc opératoire. Cela enrichira encore leur pratique.
L'article 2 prévoit aussi la pratique avancée en milieu scolaire. Je comprends l'intention des rapporteurs, mais préciser que cette pratique est réalisée en lien avec un médecin risque d'annuler son effectivité, faute de médecins.
Nous rendons toutefois le système de santé plus souple et agile. Je serai engagée pour que ces dispositions soient adoptées et mises en oeuvre rapidement.
M. Daniel Chasseing . - L'élargissement de la pratique avancée est important, notamment au vu de la pénurie de pédopsychiatres et de médecins scolaires. Les IPA doivent travailler en coordination avec les médecins référents. Je regrette que mon amendement sur les IPA en santé au travail ait été déclaré irrecevable.
Les infirmières de spécialité, elles, souhaitent une reconnaissance propre à leur exercice.
Or il y un problème de formation, surtout pour les infirmières libérales. Avec Céline Brulin et Jean Sol, nous avons observé le rôle joué par les IPA en psychiatrie dans les Pyrénées-Orientales. Les IPA libérales, chargées notamment des maladies chroniques, pourraient être très utiles, en permettant aux médecins d'avoir une plus grande patientèle. Il faudra encourager la formation d'infirmières libérales en pratique avancée, puis leur garantir un salaire correct.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis de M. Henno et alii.
M. Olivier Henno. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°49 rectifié bis de M. Canévet et alii.
L'amendement n°49 rectifié bis n'est pas défendu.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - La dénomination « profession médicale intermédiaire » pour les IPA pourrait attiser les tensions avec les professions médicales.
En outre, la mesure n'aurait aucun effet juridique. Le code de la santé publique ne prévoit pas de statut des professions médicales intermédiaires. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°9 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°22 de Mme Micouleau et alii.
Mme Brigitte Micouleau. - Cet amendement recentre les domaines d'intervention des IPA sur une approche populationnelle.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Nous sommes attentifs au risque de surspécialisation des IPA. Cette mesure est préconisée par plusieurs rapports. Avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cet amendement concerne l'ensemble des professions, notamment paramédicales. Cela me gêne. Sagesse.
L'amendement n°22 est adopté.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié ter de Mme Schillinger et du RDPI.
M. Dominique Théophile. - Nous reconnaissons aux infirmiers de spécialité la possibilité d'exercer en pratique avancée tout en conservant leur spécialité.
M. le président. - Amendement n°36 rectifié bis de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous partageons les réserves des rapporteurs sur la rédaction initiale de cet article, qui fait craindre une dilution des spécialités dans les missions d'IPA.
La pratique avancée des spécialités doit conserver ses spécificités. Si certains infirmiers de spécialité exercent déjà en pratique avancée, ils le font sans en avoir le nom, ni la reconnaissance ni la sécurité juridique.
Accorder le grade de master n'est pas pertinent, car cela scinderait les infirmiers selon leur spécialité et leur âge. Le Gouvernement devrait favoriser une validation des acquis de l'expérience afin de généraliser la pratique avancée à tous les professionnels volontaires.
M. le président. - Amendement identique n°54 rectifié de Mme Poumirol et du groupe SER.
Mme Annie Le Houerou. - La prise de conscience du niveau de technicité des IPA doit se traduire dans le texte. Elles assument des responsabilités toujours croissantes.
M. le président. - Amendement identique n°64 rectifié du Gouvernement.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je l'avais dit à l'Assemblée nationale, je l'ai redit au Sénat : je ne souhaite pas opposer les infirmiers spécialisés et les IPA. La rédaction initiale de l'article 2 ne reconnaissait pas suffisamment la pratique avancée chez les infirmiers spécialisés - je pense aux IADE, aux Ibode et aux puériculteurs. Nous devions trouver une solution juste.
Cet amendement ouvre la voie à cette reconnaissance. Les infirmiers spécialisés pourront exercer en pratique avancée tout en conservant leur spécialité et les conditions d'exercice de leur métier. Les puériculteurs pourront être intégrés après la réingénierie de leur formation.
Cette évolution des pratiques professionnelles est dans l'intérêt des patients et de la qualité des soins. J'ai veillé à respecter l'équilibre entre IPA et infirmiers spécialisés ; le travail réglementaire sera mené de manière concertée.
M. le président. - Amendement identique n°97 de M. Sol et Mme Romagny, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - La rédaction actuelle de l'article 2 fait l'unanimité contre elle. Elle suscite une vive inquiétude quant à la pérennité de l'exercice spécialisé. Les infirmiers spécialisés n'ont jamais demandé à remplacer les IPA ; ils souhaitent se voir reconnaître une forme de pratique avancée dans leur spécialité. Cet amendement répond à leurs attentes.
Nous remercions le Gouvernement pour ce travail collaboratif : nous aboutissons à une rédaction commune évitant les tensions dans chaque spécialité.
La commission appelle à une mise en oeuvre graduée.
Pour les puériculteurs, cette reconnaissance de la pratique avancée doit être conditionnée à une refonte de leur référentiel de formation.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - En amont de nos travaux, nous avons tous rencontré dans nos territoires les représentants des différentes spécialités infirmières. Les IADE, les Ibode et les puériculteurs bénéficient d'une formation de trois ans, puis de deux ans, périodes de formation entrecoupées de deux ans au minimum de pratique professionnelle.
Je voterai cet amendement, que nous avions déposé plusieurs fois dans le cadre du PLFSS.
Monsieur le ministre, les anciens IADE qui n'ont pas le niveau master bénéficieront-ils du nouveau dispositif ?
M. Yannick Neuder, ministre. - Je me réjouis que cette rédaction fasse consensus. Nous avons pris soin de ne pas évoquer le master pour permettre aux infirmiers anesthésistes diplômés depuis quelques années, avant la mastérisation, de bénéficier de la reconnaissance de leur pratique avancée.
Cet après-midi, nous avons consulté les syndicats de médecins anesthésistes, qui sont très majoritairement en faveur de cette rédaction.
Les amendements identiques nos7 rectifié ter, 36 rectifié bis, 54 rectifié, 64 rectifié et 97 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°25 rectifié de M. Théophile et alii.
M. Dominique Théophile. - Nous rétablissons le rapport sur les mentions du diplôme d'IPA. Après sept ans d'existence, il est essentiel de faire un point d'étape sur ces mentions, inégalement choisies et parfois mal définies. Elles doivent être adaptées aux pathologies des patients, sans transformer nos IPA en infirmiers spécialisés, car la prise en charge doit rester globale.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Conformément à notre jurisprudence sur les demandes de rapport, avis défavorable, même si je reconnais qu'il serait utile de faire le point sur ces mentions.
Depuis 2022, la loi autorise la pratique avancée en santé au travail, mais sans mention ad hoc. Monsieur le ministre, envisagez-vous créer un diplôme d'IPA dédié ?
M. Yannick Neuder, ministre. - Sagesse. Je connais la doctrine du Sénat sur les rapports, mais celui-ci avait été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de la rapporteure Dubré-Chirat. Les IPA peuvent exercer en santé au travail sans qu'il soit besoin d'une mention particulière.
L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°92 rectifié ter de Mme Bourcier et alii.
M. Daniel Chasseing. - Mme Bourcier demande un rapport. Il ne faut pas exclure le domicile de la pratique avancée, sauf à réduire l'attractivité de la pratique de ville.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Avis défavorable, comme pour toute demande de rapport.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis.
L'amendement n°92 rectifié ter n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°86 rectifié ter de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - Nous sommes nombreux à nous souvenir des infirmiers psychiatriques. Au tournant du XXIe siècle, les gouvernements ont décidé de rapprocher les infirmiers diplômés d'État et les infirmiers psychiatriques. L'intention était bonne, mais ce dernier statut a disparu.
Trente ans plus tard, nous avons recréé, pour les IPA, une mention psychiatrie et santé mentale, mais c'est insuffisant, alors que la santé mentale est grande cause nationale. Je vous propose donc de recréer une spécialité infirmière en psychiatrie et santé mentale pour les IDE.
S'agissant d'une mesure de niveau réglementaire, c'est un appel au Gouvernement.
M. le président. - Amendement n°87 rectifié ter de Mme Souyris et alii.
Mme Anne Souyris. - C'est une demande de rapport sur le même sujet.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°87 rectifié ter, car c'est une demande de rapport. La rédaction de l'amendement n°86 rectifié ter n'est pas conforme à son objet : retrait, sinon avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis sur la demande de rapport de l'amendement n° 87 rectifié ter.
Retrait, sinon rejet de l'amendement n°86 rectifié ter. Attention à ne pas réécrire l'histoire : à l'époque, lorsque vous étiez infirmier psychiatrique, au terme d'une formation de 28 mois, vous ne pouviez pas être infirmier ailleurs ; tel n'est pas le cas de nos infirmiers spécialisés d'aujourd'hui.
Nous avons eu une discussion comparable sur la médecine scolaire. Pour une meilleure prise en charge de la santé en milieu scolaire, le statut adopté par le Sénat est-il la bonne solution, ou ne faudrait-il pas plutôt rendre la carrière d'infirmier scolaire plus attractive en interrogeant le concours ? Je crois beaucoup aux deuxièmes parties de carrière et je comprends que vers quarante ou cinquante ans, on n'ait pas envie de repasser un concours. C'est la même chose pour la psychiatrie.
Je ferai des propositions d'ici peu sur le sujet de la santé mentale pour faire face au désert de dépistage et à la pénurie de professionnels.
Mme Annie Le Houerou. - Merci pour votre intérêt pour ce sujet. Pour notre part, nous pensons qu'une spécialité en psychiatrie et santé mentale serait bienvenue : les maladies psychiatriques touchent 13 millions de Français ; pas moins de 6 741 lits ont été supprimés en psychiatrie, non entièrement compensés par le virage ambulatoire ; il y a de plus en plus de postes vacants dans les services.
L'adoption de cet amendement ne réglerait pas tous les problèmes, mais permettrait une plus grande reconnaissance de l'exercice d'infirmier en psychiatrie et santé mentale.
Mme Anne Souyris. - Je fais la différence entre ce qui existait avant et ce qui existe maintenant. Mais la fusion a fait disparaître la spécialité, alors que la fonction existe toujours. La rédaction de l'amendement était la seule façon d'aborder ce sujet. Je maintiens mon amendement.
Mme Céline Brulin. - Nous voterons cet amendement que nous avions déposé sous une autre forme. Alors qu'avec Jean Sol et Daniel Chasseing nous travaillons sur la santé mentale, de nombreux acteurs nous ont dit que la suppression de cette spécialité avait été une erreur.
J'imagine qu'exercer la profession d'infirmier en psychiatrie fait appel à des compétences que n'ont pas tous les infirmiers et infirmières - même s'ils peuvent les acquérir. Le manque de ces compétences peut conduire à des situations très particulières. Certes, les infirmiers se forment sur le tas, mais l'unanimité sur le sujet m'a interpellée.
M. Daniel Chasseing. - Je voterai cet amendement. Les services regrettent les infirmiers psychiatriques. L'IPA joue un rôle important dans les centres médico-psychologiques et les équipes mobiles, vu le manque de psychiatres et de pédopsychiatres. Son interaction avec l'infirmière psychiatrique est précieuse.
L'amendement n°86 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°87 rectifié ter.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié de Mme Guillotin et alii.
Mme Véronique Guillotin. - Je suis consciente de l'aversion du Sénat pour les demandes de rapport. C'est donc un amendement d'appel.
Les indicateurs de santé périnatale se dégradent : la France est à la vingt-troisième place de l'OCDE pour la mortalité infantile.
Or les actes des infirmières puéricultrices des services de PMI, faute d'être cotés, ne sont pas comptabilisés. J'invite le Gouvernement à travailler à cette nomenclature.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Je comprends votre demande et vous en remercie, ayant participé à la mission d'information périnatalité. Néanmoins, avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Il y a effectivement un enjeu de cotation. Nous allons le régler, mais cela ne fera pas diminuer la mortalité infantile... Je vous ferai des propositions pour enrayer cette dernière. La mortalité néonatale avant le vingt-septième jour a des causes multiples, dont l'âge des mères. Ne tirons pas de conclusions hâtives. Retrait, sinon rejet.
Mme Véronique Guillotin. - Je ne fais pas de raccourcis. Notre rapport était étayé, avec une vision à 360 degrés. Mais la PMI assure le suivi des enfants et des mamans qui ne vont pas toujours très bien en post-partum. Merci de travailler à cette cotation.
L'amendement n°16 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°41 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.
Mme Céline Brulin. - Nous sortons les Ifsi de la plateforme Parcoursup. Depuis qu'ils y sont, il y a trois fois plus d'abandons en cours d'études. Comme moi, vous devez entendre les retours négatifs des étudiants.
De nombreux Ifsi sont adossés à des hôpitaux de proximité. Des jeunes de milieux ruraux et de quartiers populaires vont dans ces formations par vocation, mais aussi par proximité. Avec Parcoursup, vous pouvez vous retrouver en Ifsi alors que c'est votre huitième choix, ou dans un Ifsi à l'autre bout de la France. C'est un métier de vocation ; or je ne crois pas que l'algorithme de Parcoursup soit idéal pour mesurer la vocation. Enfin, certaines personnes deviennent infirmières après un parcours de vie - ce sont des métiers du lien.
Si chacun d'entre vous laisse parler sa raison, cet amendement sera adopté.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Vous nous proposez une réforme d'ampleur, sans articulation avec les autres formations en santé. Cela nécessiterait une étude d'impact préalable et une concertation. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Même avis ; mais merci d'avoir déposé cet amendement, car je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Bien sûr !
M. Yannick Neuder, ministre. - J'y avais travaillé, lorsque j'étais député, avec Régions de France. Cela nécessite un travail à part entière.
Quand j'ai convié le référent de la plateforme, j'étais persuadé qu'il y avait un grand brassage ; or 80 % des étudiants d'Ifsi sont de la région.
Je suis d'accord avec vous sur la vocation. Faire un métier du soin, c'est un engagement.
D'un autre côté, Parcoursup a apporté des progrès : plus de diversité et de mixité, et les frais de concours, qui pouvaient être onéreux, (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme) ont disparu.
Certains Ifsi qui ne sont pas adossés à un hôpital de proximité alimentent les établissements médico-sociaux, notamment en ruralité.
Je veux bien travailler ce sujet avec la commission des affaires sociales - mais on ne peut pas en décider à 23 heures...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le métier d'infirmière, comme les autres métiers du soin, on le fait par vocation.
Parcoursup a marqué la fin du concours, en 2019. On disait vouloir démocratiser la formation, établir l'égalité des chances... On aurait pu rendre le concours gratuit, le rendre moins lourd, moins cher, moins centralisé ; cela aurait évité bien des soucis.
Quelques chiffres : en 2015, 10 à 15 % des jeunes arrêtaient leur formation avant la fin ; en 2020, 15 à 20 % ; en 2025, on est à plus de 20 %. Il faut se poser les vraies questions ! Quand l'Ifsi est le septième choix d'un jeune, il ne va pas forcément au bout de la formation...
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Notre commission des affaires sociales mène une mission sur l'enseignement supérieur et les dysfonctionnements de Pass-LAS. Puisque le ministre est d'accord pour ouvrir le chantier, nous pourrions l'élargir aux Ifsi : je propose au ministre un rendez-vous rapidement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre. - J'accepte ! Avec le ministre de l'enseignement supérieur, nous travaillons à une réforme de Pass-LAS pour septembre 2026. Merci pour votre collaboration.
Mme Céline Brulin. - Merci au ministre et au président de la commission pour ces propositions. Un bémol toutefois : ce n'est pas la première fois que j'évoque ce sujet...
M. Yannick Neuder, ministre. - Auprès de moi, si.
Mme Céline Brulin. - ... or les choses n'avancent pas, ce qui a de lourdes conséquences, puisque nous nous privons de futurs infirmiers.
Oui, il faut une étude d'impact, mais cette proposition de loi aurait pu être un projet de loi - même si j'ai compris qu'il était délicat de porter des initiatives gouvernementales... Il est dommage de ne pas pouvoir traiter de ce sujet dans un texte sur les infirmiers - même à 23 heures !
Je vous prends au mot : avançons. Nous sommes prêts à y travailler. Cela me fend le coeur de voir des jeunes qui veulent s'engager dans cette profession et s'en trouvent exclus par une plateforme.
L'amendement n°41 est retiré.
M. le président. - Amendement n°71 de M. Hochart et alii.
L'amendement n°71 n'est pas défendu.
Article 2 bis
M. le président. - Amendement n°15 de Mme Demas.
Mme Patricia Demas. - Rédactionnel.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Avis favorable. Merci à Mme Demas pour son combat sur les indemnités kilométriques, sujet crucial pour les infirmières libérales en milieu rural.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable. Cela fait partie du contenu des négociations qui s'ouvriront une fois la proposition de loi votée. Ce sera le sens de la lettre de cadrage à la Cnam.
Cette revalorisation est très attendue par les infirmiers libéraux dans nos territoires ; ils sont indispensables au virage domiciliaire. Après cinq ans, 50 % des infirmiers envisagent une autre profession : il nous faut renforcer l'attractivité des professions paramédicales dans nos territoires.
L'amendement n°15 est adopté.
M. le président. - Amendement n°14 de Mme Demas.
Mme Patricia Demas. - Cet amendement sécurise juridiquement cet article, qui harmonise la définition de l'agglomération à l'échelle nationale afin de rendre la facturation des indemnités kilométriques plus équitable.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Votre rédaction, qui laisse le choix aux partenaires conventionnels, est plus respectueuse du dialogue conventionnel cher à notre commission. Avis favorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°14 est adopté.
L'article 2 bis, modifié, est adopté.
Après l'article 2 bis
M. le président. - Amendement n°69 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Défendu.
Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure. - Les infirmiers ne sont habilités à renseigner le questionnaire MDPH que dans la limite de leurs compétences. S'il était adopté, les familles qui recourront à des infirmiers pour remplir une partie du questionnaire devront toujours consulter un médecin pour une autre partie. Cela ne renforcerait pas l'accès aux droits, mais alourdirait la procédure. Avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°69 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Corinne Imbert . - Au nom du groupe Les Républicains, je remercie les rapporteurs qui ont sécurisé les dispositions du texte, évité d'opposer les professionnels de santé et apaisé les tensions. Je salue le rétablissement de l'avis de l'Académie de médecine sur les produits pouvant être prescrits par les infirmiers, et la consécration du principe de coordination interprofessionnelle.
Depuis trop longtemps, la profession pâtissait d'une reconnaissance insuffisante et d'un cadre d'exercice obsolète. Nous voterons ce texte bienvenu.
Mme Corinne Bourcier . - Nul doute que ce texte sera largement adopté. C'est une reconnaissance attendue depuis longtemps. Ce texte n'est pas parfait, mais il contient de réelles avancées et a reçu l'approbation de la profession. Le groupe Les Indépendants votera pour.
Il ne réglera pas tout. Les infirmières seront encore confrontées à de nombreuses difficultés. Je compte sur le ministre pour ouvrir rapidement les négociations conventionnelles.
Je salue les infirmiers que j'ai rencontrés dans le cadre de ce texte, ainsi que Nicole Dubré-Chirat, députée du Maine-et-Loire, présente en tribune, et Frédéric Valletoux. Merci enfin à nos rapporteurs.
M. Daniel Chasseing . - Je m'associe à ces propos. Ce texte apporte une reconnaissance souhaitée par les infirmières, précise leur mission dans l'accompagnement des soins, réforme et adapte l'encadrement juridique de la profession, consacre la coordination interprofessionnelle.
L'article 1er précise le rôle de l'infirmière dans les soins préventifs, curatifs, le dépistage, la surveillance clinique et médicamenteuse. Une réserve toutefois, sur la prise en charge directe des patients, qui ne relève pas du rôle propre de l'infirmière.
Nous sommes très favorables à l'élargissement des pratiques avancées, en coordination avec les médecins référents. Toutes les pratiques avancées sont importantes. La santé mentale s'est beaucoup dégradée chez les 15-25 ans. Il faut mieux détecter - or on ne compte qu'une infirmière scolaire pour 1 800 élèves, et 800 médecins scolaires pour 1 800 postes budgétaires... Il faut former des IPA psychiatriques, très utiles dans les centres médico-psychologiques, ainsi que des IPA qui interviennent dans les maisons de santé, en collaboration avec les médecins traitants, et dans les Ehpad.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
M. Philippe Mouiller, président de la commission. - Merci à tous pour ce vote à l'unanimité. Je salue les professionnels de santé qui nous regardent, ainsi que nos collègues députés, Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux. Bravo pour ce travail.
Merci aux rapporteurs pour leur travail difficile. Il y avait beaucoup de revendications, d'envies, et des regrets. Le texte est équilibré, mais nécessitera encore des discussions en CMP.
Le Sénat a marqué sa volonté de voir le métier d'infirmier reconnu.
Monsieur le ministre, vous vous êtes beaucoup engagé. Vous allez enclencher les négociations conventionnelles, c'est important. Nous attendons la suite, pour atteindre l'objectif dans les meilleurs délais.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je veux dire ma grande satisfaction devant ce vote à l'unanimité. Je remercie les députés Dubré-Chirat et Valletoux, ainsi que les rapporteurs Romagny et Sol.
Merci à tous pour la qualité des débats. Je confirme les engagements que j'ai pris au banc ce soir. Le premier est d'adresser dans les prochains jours la lettre de cadrage à la Cnam pour engager des discussions conventionnelles. Les premières réunions se tiendront avant l'été, et se poursuivront à l'automne, avant le PLFSS.
Je remercie les services du Sénat, ainsi que ceux de la direction générale de l'offre de soins.
Sur Parcoursup, il faudra naturellement associer votre commission de la culture et de l'éducation.
J'ai une pensée pour les infirmiers avec lesquels j'ai travaillé pendant vingt-cinq ans. Nous les avons applaudis pendant le covid et cette juste reconnaissance était attendue.
Nous avons réussi à éviter la dualité entre infirmier spécialisé et IPA. Ce soir, il n'y a que des gagnants. Tous se verront reconnaître leurs spécificités. C'est un beau message envoyé aux étudiants dans les Ifsi. Merci aussi aux régions : quelle que soit leur couleur politique, toutes ont compris l'enjeu de former plus et mieux afin de résorber les déserts médicaux. Si nous voulons mieux répondre aux besoins des patients, il faut former plus de professionnels de santé et s'assurer qu'ils restent dans la profession. Cela passe par une meilleure reconnaissance, y compris financière.
Prochaine séance demain, mardi 6 mai 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à 22 h 50.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 6 mai 2025
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président, M. Xavier Iacovelli, vice-président, M. Pierre Ouzoulias, vice-président, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, M. Bernard Buis
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la souveraineté énergétique de la France
2. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 (texte de la commission, n°565, 2024-2025)
3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé (texte de la commission, n°563, 2024-2025)