Lutte contre les fraudes sociales et fiscales (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - À l'Assemblée nationale, lors de la présentation du PLFSS, j'ai évoqué quatre risques : la concurrence internationale, le repli individualiste, l'incapacité à s'adapter aux transitions économique et démographique, et les abus.

La fraude menace non seulement la sécurité sociale, mais le principe même de solidarité. Plus qu'un abus, c'est une trahison. Ce n'est pas seulement l'argent qui est volé, mais la justice qui est abîmée. Lutter contre la fraude sociale n'est pas qu'un exercice comptable pour récupérer 13 milliards d'euros détournés ; cette lutte doit être au coeur de la consolidation de notre pacte social.

Je salue l'engagement constant du Sénat, des rapporteurs et de Mme Nathalie Goulet. L'action du Gouvernement n'est pas nouvelle. Grâce à la feuille de route de Gabriel Attal et Thomas Cazenave, les redressements de l'Urssaf sont passés de 500 millions d'euros en 2017 à 800 millions en 2022, puis 1,6 milliard en 2024. La détection des fraudes à la CAF a augmenté de 20 % en un an. Je remercie l'ensemble des administrations de sécurité sociale et France Travail pour leur action.

Malgré une volonté politique forte et une mise en oeuvre opérationnelle remarquable, les fraudeurs s'adaptent, d'où ce nouveau projet de loi pour accélérer le passage de la suspicion à la détection, de la détection à la sanction, de la sanction au recouvrement. Il s'agit de restaurer la confiance et d'assurer la pérennité de notre modèle social.

Dans le champ de la fraude sociale, ce texte propose une meilleure détection, grâce à un meilleur partage d'informations entre administrations. Ainsi, une société d'audioprothèses a surfacturé les dispositifs pris en charge par l'assurance maladie : chacune des 60 CPAM a dû déposer plainte ! Avec l'article 4, il n'y aura qu'un seul dépôt de plainte et un seul interlocuteur par parquet.

Cet été, une conductrice de taxi du Var a détourné 2,3 millions d'euros de l'assurance maladie en surfacturant des trajets jamais réalisés. L'article 7 garantira une juste facturation pour tous les transporteurs, à l'aide de la géolocalisation.

Concernant la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), l'article 12 renforce les pénalités financières et le pouvoir de contrôle des agents.

Le texte permet aussi de mieux sanctionner les fraudes aux allocations chômage, les revenus illicites et le travail dissimulé. À la suite d'une perquisition, un trafiquant de drogue devra s'acquitter d'une contribution sociale généralisée (CSG) cinq fois plus élevée. Concernant l'assurance chômage, grâce à l'article 13, les indemnités ne pourront être versées que sur un compte bancaire français ou européen. Le même article prévoit que le titulaire d'un compte personnel de formation (CPF) puisse rembourser la formation financée s'il ne se présente pas à l'examen de certification.

J'en viens à l'assurance maladie. Les CPAM doivent pouvoir cumuler sanctions conventionnelles et pénalités financières. Une pharmacie peut être déconventionnée, mais ce n'est pas dissuasif, puisqu'elle peut continuer de fonctionner !

Nous améliorons l'efficacité du recouvrement, notamment grâce à l'article 21, qui crée une procédure de flagrance sociale.

France Travail recouvrera mieux les allocations chômage indûment versées. Le compte bancaire du fraudeur pourra être directement débité des sommes indûment perçues.

La sécurité sociale n'est pas qu'un ensemble de guichets et d'administrations, c'est notre héritage, un socle de valeurs fondamentales qu'il convient de faire prospérer. La tricherie et les abus sont intolérables. Il faut lutter contre, sinon ce sera le chacun pour soi.

M. David Amiel, ministre délégué chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - La lutte contre la fraude et l'argent sale sont des sujets qui vous sont chers ? je pense aux travaux de M. Raphaël Daubet et de Mme Nathalie Goulet sur la lutte contre le blanchiment. Nous compléterons, grâce à ce projet de loi, la lutte contre toutes les fraudes : fraude fiscale, fraude sociale, et, pour cette dernière, fraude aux cotisations et fraude aux prestations. Nous nous attaquons au business de la fraude, mené par des professionnels qui prospèrent en exploitant nos failles technologiques et juridiques.

En quatre ans, le montant des fraudes repérées a doublé, pour atteindre 20 milliards d'euros en 2024, soit deux fois le budget du ministère de la justice. C'est le résultat du travail des douanes, de la DGFiP, des agents des caisses de sécurité sociale, et du plan de MM. Attal et Cazenave (Mme Nathalie Goulet acquiesce) qui a permis de mobiliser plus de moyens humains - 800 nouveaux emplois - et plus de moyens technologiques ? intelligence artificielle, data mining.

Les fraudeurs innovent sans cesse ; ils ont un temps d'avance ; d'où ce texte de riposte, fondé sur trois convictions.

Première conviction : la puissance numérique doit être du côté de la République, pas des délinquants. Nous donnons aux agents des moyens 3.0 : dématérialisation des preuves, meilleur contrôle des terminaux de paiement, pour éviter l'envoi d'argent à l'étranger.

Deuxième conviction : moins de formulaires, c'est moins de fraudes, car cette dernière prospère dans les zones grises. Entre les douanes et le fisc, entre les complémentaires santé et l'assurance maladie, les échanges seront facilités.

Troisième conviction : il faut frapper plus vite et plus fort les professionnels de la fraude, ceux qui montent des schémas frauduleux. Peines de prison et amendes seront renforcées.

Pour légiférer, il faut un diagnostic ; or nous sommes loin de disposer d'un panorama complet. Nous ne disposons que d'ordres de grandeur. Le Conseil d'évaluation des fraudes (CEF), prévu par Gabriel Attal, se réunira bientôt -  je souhaite y associer les représentants syndicaux...

Mme Nathalie Goulet.  - Et moi !

M. David Amiel, ministre délégué.  - Ce texte est celui d'une République lucide et déterminée. Protégeons ceux qui respectent les règles.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales.   - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.) Ce projet de loi est déterminant. Le Gouvernement a choisi d'en faire l'un des garants de l'acceptabilité des efforts demandés aux Français. (Mme Stéphanie Rist acquiesce de la tête.)

La fraude est triplement inacceptable : le manque à gagner serait de 13 milliards d'euros par an ; les organismes de sécurité sociale n'ont détecté que 2,9 milliards d'euros de fraude l'an dernier ; sur 7 milliards de cotisations sociales éludées à cause du travail dissimulé, seulement 121 millions d'euros ont été recouvrés.

La commission a enrichi le texte en adoptant douze articles, pour n'épargner aucun fraudeur : ni les entreprises ni les professionnels de la fraude, encore moins les sociétés éphémères et autres forbans des temps modernes.

Nous avons accru les moyens de l'administration contre les fraudeurs qui exploitent les trois faiblesses ataviques de l'administration : une bienveillance parfois naïve, une asymétrie d'information au détriment des contrôleurs et la lenteur des procédures.

La commission a adopté l'article 13, obligeant le titulaire d'un CPF à se présenter aux épreuves certifiantes, ainsi que l'article 25, qui confère un pouvoir de contrainte à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour recouvrer les dépenses frauduleuses de CPF.

Nous avons souscrit à l'article 16, et introduit deux nouveaux articles : l'article 16 bis, contre l'emprise, l'entrisme et le charlatanisme, et l'article 16 ter, qui enrichit le contrôle a priori des prestataires de formation professionnelle. Via l'article 13 bis, la commission a encouragé les échanges entre banques, greffes et CDC, pour des blocages précoces de fonds suspects.

Concernant le travail dissimulé, la commission a adopté l'article 21 facilitant le recouvrement des cotisations éludées, l'article 22 renforçant les obligations du maître d'ouvrage vis-à-vis des sous-traitants, ainsi que l'article 22 bis simplifiant le dispositif de liste noire.

Nous avons donné les moyens à France Travail de détecter et recouvrir les prestations indûment versées...

Mme Nathalie Goulet.  - Enfin !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - ... notamment en matière de fraude à la condition de résidence en France, grâce aux articles 27 et 28.

Pour la commission des affaires sociales, la fraude n'est pas inéluctable ; elle vous invite à adopter le texte, complété par les amendements qu'elle vous proposera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Frédérique Puissat vous a présenté notre état d'esprit : lutter contre une fraude devenue plus systématique, plus sophistiquée, plus lucrative.

Nous avons donné aux caisses de sécurité sociale, aux départements et à l'administration les moyens de muscler le jeu, c'est-à-dire les mêmes moyens que ceux dont dispose le fisc.

Cela passe par le partage d'informations. L'article 2 permet aux organismes de sécurité sociale d'accéder aux données patrimoniales de la DGFiP. Nous avons étendu cette possibilité à la Cnaf et aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Nous avons aussi étendu à la branche famille la possibilité ouverte par l'article 10 aux CPAM : l'obtention de renseignements et documents sans que le secret professionnel ne soit opposé.

Nous avons renforcé les synergies prévues à l'article 5 en permettant aux organisations de prévoyance de mieux lutter contre les fraudes aux indemnités journalières. L'article 4 facilite les poursuites en créant une plainte unique.

Notre texte inclut des mesures relatives aux comportements abusifs des employeurs, des assurés sociaux et des professionnels de santé.

À l'article 7, nous avons rendu obligatoire, à partir de 2027, la géolocalisation des véhicules de transport sanitaire. L'article 12 rénove le régime des sanctions et des pénalités financières liées aux versements de la branche AT-MP. S'agissant des professionnels de santé, l'article 17 prévoit la levée de l'interdiction de cumul entre sanction conventionnelle et pénalité financière. L'article 24 bis, introduit en commission, étend les actions de lutte contre la fraude au RSA, liée aux abus du statut d'autoentrepreneur. L'article 29 vise à suspendre le versement des prestations, à titre provisoire, en cas de doute sérieux de fraude.

Nous ne nous berçons pas d'illusions : aucune de ces mesures ne viendra seule à bout de la fraude. Mais notre action est déterminée, car rien n'est plus insupportable que le détournement de la générosité collective au profit d'un enrichissement indu. Je salue les agents des divers organismes qui luttent contre la fraude au quotidien. Nous avons constaté leur dévouement, et espérons simplifier leur tâche.

Frédérique Puissat et moi-même nous sentons en mission pour lutter contre toutes les fraudes, partout et tout le temps - c'est un long chemin, ce que Mme Goulet ne peut que confirmer. (Mme Nathalie Goulet apprécie.) En ce lendemain de 11 novembre, pour paraphraser Clemenceau, je dirai que le législateur a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles et que les mauvais ne le soient pas. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que du RDSE ; Mme Cécile Cukierman s'exclame.)

M. Alain Duffourg, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - La commission du développement durable s'est vu déléguer l'examen de l'article 8 relatif aux VTC (véhicules de transport avec chauffeur). Que de changements pour les plateformes d'intermédiation comme Uber par rapport à la loi Thévenoud de 2014, à la loi Grandguillaume de 2016 et à la loi d'orientation des mobilités (LOM).

Demeurent cependant de nombreuses lacunes, causes de fraudes sociales et fiscales et de travail dissimulé. Les gestionnaires de flotte sont parfois de véritables sociétés-écrans. Ceux qui exercent par le biais de ces plateformes sont parfois salariés ; les non-déclarations sont nombreuses, tout comme les faux conducteurs ; parfois les chauffeurs n'ont même pas le permis de conduire.

Grâce à l'article 8, assez limité, nous imposons aux plateformes que l'inscription des chauffeurs soit bien réelle et instaurons une obligation de vigilance.

La commission a renforcé la portée de cet article en portant le plafond annuel de l'amende administrative pour les plateformes qui ne respectent pas leur devoir de vigilance de 150 000 euros à 3 millions, et en alourdissant le quantum des peines pour les chauffeurs qui exercent de manière illicite.

Il y a une concurrence déloyale entre les taxis qui achètent leur licence et les chauffeurs VTC, qui, via les plateformes, participent à la fraude fiscale et sociale. Espérons que cet article 8, quoique modeste, contribue à assainir l'ubérisation de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La fraude fiscale, parfois en bande organisée et en lien avec les pays étrangers, prive la France de dizaines de milliards d'euros, qui nous font cruellement défaut. (Mme Nathalie Goulet acquiesce.) Au moment où nous demandons des efforts aux Français et aux collectivités, accélérons la lutte contre la fraude fiscale. C'est un enjeu de justice, mais aussi de rétablissement des comptes publics.

Mme Nathalie Goulet et M. Laurent Burgoa.  - Très bien !

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Je me réjouis que le combat de Nathalie Goulet aboutisse enfin : fin du verrou de Bercy, plan de lutte contre toutes les fraudes fiscales et sociales et douanières en 2023, loi du 30 juin 2025 contre les fraudes aux aides publiques, proposition de loi sur le blanchiment, adoptée la semaine dernière au Sénat.

Le recouvrement n'est pas toujours au rendez-vous : l'écart entre les montants notifiés et encaissés atteint plus de 5,2 milliards d'euros.

La commission des finances a été saisie de huit articles, autour de trois axes : faciliter les échanges d'informations, sanctionner plus durement les réseaux criminels qui pillent nos finances publiques et améliorer le taux de recouvrement.

La commission a complété le texte avec quatre mesures : accès du fisc aux terminaux de paiement électronique ; évaluation du mécanisme de collecte de la taxe sur les transactions financières (TTF) par un opérateur privé, critiqué par la Cour des comptes...

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - ... possibilité pour la DGFiP et les douanes de recevoir des informations dématérialisées ; enfin, à l'initiative de Nathalie Goulet, possibilité pour l'administration fiscale de prendre copie de documents sur la régularité des reçus fiscaux liés au mécénat.

Ce texte est une nouvelle étape, que nous consoliderons en séance avec de nombreux amendements, auxquels je serai très attentif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°278 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman .  - Depuis 2017, notre pays connaît un double mouvement inquiétant : les riches n'ont jamais été aussi riches, ni les pauvres aussi pauvres. Les 10 % les plus riches détiennent près de la moitié du patrimoine national, tandis que les 50 % les plus modestes se partagent à peine 8 %. Les 370 plus grandes fortunes ont doublé leur richesse, mais la moitié des salariés gagnent moins de 2 100 euros nets par mois.

Le texte proposé masque une inégalité béante. Depuis 2018, les lois se succèdent, mais aucune ne s'attaque au fléau de la fraude et de l'évasion fiscale, qui coûtent plus de 100 milliards d'euros, minent le consentement à l'impôt et affaiblissent les services publics. Les politiques publiques se concentrent sur la fraude sociale, laissant intacte la fraude du capital. Ce texte ne fait pas exception : léger sur la fraude fiscale, redoutable sur la fraude sociale. Faible avec les forts, fort avec les faibles !

M. Fabien Gay.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - Dans cette République inversée, on traque le fraudeur de 640 euros plutôt que celui de 300 millions. Pendant que les dividendes augmentent de 85 % en six ans, on rogne sur les APL, on traque les prétendus fraudeurs du quotidien.

Et pendant ce temps, la DGFiP a perdu 30 000 agents depuis 2008 !

En prétendant lutter contre toutes les fraudes avec la même fermeté, l'exécutif entretient une illusion morale pour justifier une politique de classe. C'est tout le coeur du macronisme : faire passer la protection des riches pour un effort de justice, la punition des pauvres pour une exigence républicaine. Tout contrôle sérieux des grandes entreprises devient impossible. Ce texte déplace la cible.

Ironie tragique, à travers ce projet de loi, le Gouvernement s'attaque aux conséquences sociales de ses propres politiques économiques : libéralisation des capitaux, mondialisation financière, toute puissance des multinationales, développement du numérique, qui ouvrent la voie à une économie du contournement.

Il préfère renforcer la suspicion contre les allocataires. Quand Pierre Moscovici dit qu'il n'y a plus grand-chose à gratter du côté de la fraude fiscale, il traduit un choix politique : protéger les plus aisés. Oui, la fraude fiscale est celle des puissants. Les 100 milliards d'euros de fraude fiscale permettraient de financer tout le budget de l'éducation nationale et de la justice !

Aucune mesure sur les prix de transfert abusifs, aucune transparence sur les aides publiques aux entreprises. Dans cette vision de la société, la pauvreté devient suspecte, la solidarité se transforme en surveillance.

La République sociale issue du Conseil national de la Résistance reposait sur un principe simple : la solidarité est un droit, non une faveur. Aujourd'hui, vous chargez des algorithmes de choisir qui mérite d'être aidé. D'un côté un contrôle social renforcé, de l'autre, rien contre la fraude fiscale des grands groupes.

Et pendant que vous multipliez les contrôles, des millions de personnes renoncent à leurs droits : 40 % pour le RSA, 50 % pour le minimum vieillesse, 30 % pour l'assurance chômage.

Loin de renforcer la confiance, vous généralisez la suspicion. À la vérité, ce n'est qu'une austérité sociale déguisée. Le Gouvernement invente un bouc émissaire. C'est une vieille stratégie : faire croire que les difficultés viennent des travailleurs précaires, et non du capital qui leur impose cette précarité ! L'État social devient un État policier, la solidarité devient conditionnelle.

Tant qu'on ne s'attaquera pas aux grandes entreprises, toute lutte contre la fraude sera une imposture.

Nous demandons donc le retrait de ce projet de loi qui affaiblit la République sociale et détourne la lutte contre la fraude au profit d'un nouvel ordre de suspicion, qui voudrait mettre pauvres et riches à égalité.

Non plus que votre PLFSS et votre PLF, ce texte ne répond à la demande de justice sociale et fiscale. Mieux vivre, c'est une exigence pour sortir de cette logique mortifère qui est le terreau de l'extrême droite. (M. Stéphane Ravier proteste.) C'est une nécessité pour sortir les Français de la crise dans laquelle vous les plongez. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Je m'oppose à cette motion : il n'y a pas une indignation de droite contre la fraude sociale, une indignation de gauche contre la fraude fiscale. Les fraudes fiscales, sociales et douanières sont toutes condamnables. (MmeCécile Cukierman et Silvana Silvani protestent.) Que ce texte ne soit pas le Grand Soir, soit, mais pas de caricature...

Cela fait dix ans que je travaille sur la fraude, de manière transpartisane. (M. Loïc Hervé approuve.) C'est même le fil rouge de mon mandat.

La fraude sociale n'est pas une fraude de pauvres, mais de réseaux qui portent atteinte à notre pacte républicain. Votre présentation de ce texte est une caricature inacceptable ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, du RDPI et du groupe Les Républicains)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Je suis défavorable à la motion. Non, le texte issu de la commission n'épargne aucun fraudeur : le travail illicite, les grands groupes et la sous-traitance en cascade sont traités à l'article 22.

Nous avons armé les organismes sociaux, comme ils nous l'avaient demandé, et sommes toujours restés attentifs aux garanties procédurales -  respect du contradictoire, transparence et protection des données.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable. Vous avez oublié de dire qu'en quatre ans, nous avons doublé la détection de la fraude fiscale en recrutant des agents spécialisés. (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.)

Nathalie Goulet l'a dit, il ne faut pas assimiler la fraude sociale à une fraude de pauvres. Il s'agit de professionnels (Mme Nathalie Goulet approuve) et d'officines qui détournent les remboursements d'actes qu'elles n'accomplissent pas.

Enfin, ce serait une faute de passer cette fraude sous silence. C'est en prenant prétexte de ces fraudes que certaines forces politiques s'attaquent à la sécurité sociale.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. David Amiel, ministre délégué.  - Si, comme nous, nous considérons que l'immense majorité des Français sont honnêtes, il faut être très fermes face aux fraudes et aux abus. (M. Loïc Hervé et Mme Corinne Bourcier applaudissent.)

Mme Cécile Cukierman.  - Comme vous êtes prévisibles, il n'y a pas de surprise. Je ne sais pas si nous sommes dans la caricature...

M. Olivier Paccaud.  - Si si !

Mme Cécile Cukierman.  - ... mais nous sommes bien dans un combat idéologique, et nous ne vous laisserons pas le mener ainsi. Monsieur le ministre, vous parlez d'une fraude qui se déclinerait sous différentes formes. Non !

Si l'on propose un texte qui s'attaque à la fraude des entreprises, il faut le nommer ainsi. Étrangement, ce n'est pas le titre qui a été retenu, ni celui que défend la majorité sénatoriale.

Ne me faites pas rire ! Il y a eu une hécatombe dans les rangs de la DGFiP, une casse en règle !

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a bien annoncé un projet de loi de lutte contre la fraude en même temps que les PLF et PLFSS.

Les pauvres et les riches, c'est comme les poires et les fraises : ce sont peut-être tous des fruits, mais pas les mêmes. Ils ne se battent pas à armes égales !

Si le Gouvernement s'attaque à la fraude des entreprises et du capital, nous serons à ses côtés ; mais si c'est pour jeter la suspicion sur les plus pauvres, nous vous combattrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Victorin Lurel applaudit également.)

M. Patrick Kanner.  - Une fois n'est coutume, nous voterons cette motion.

Monsieur le ministre, vous parlez de faute : je n'ai pas senti chez Mme Cukierman l'idée qu'il ne faudrait pas sanctionner les fraudeurs.

Ce texte laisse supposer que les pauvres seraient une menace pour les grands équilibres financiers de notre pays. Les fraudeurs professionnels doivent être sanctionnés, mais ils auraient pu l'être dans un texte spécifique. Ce qui nous dérange, c'est ce mélange des genres : fraude fiscale et fraude sociale auraient mérité deux débats séparés.

Nous voterons la motion, qui a peu de chances d'être adoptée et serons particulièrement vigilants lors de l'examen du texte.

M. Grégory Blanc.  - Nous n'avons pas l'habitude de voter des motions tendant à opposer la question préalable, mais ce texte n'est pas mûr, il mérite d'être retravaillé.

Nombre de nos amendements se sont vu opposer l'article 45 : sur les moyens à donner aux administrations, ou contre le blanchiment via des sociétés civiles immobilières - sujet bien identifié par la commission d'enquête de Nathalie Goulet sur la délinquance financière.

Prenons le temps d'examiner un texte complet. Sur la fraude, à force de saucissonnage des textes, on laisse des trous dans la raquette. Il faut une vraie ambition !

À la demande du groupe Les Républicains, la motion 278 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°24 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption   98
Contre 245

La motion n°278 n'est pas adoptée.

Demande de priorité

M. Alain Milon, au nom de la commission des affaires sociales.  - Au regard de l'agenda contraint de nos commissions, le Sénat pourrait examiner en priorité les articles délégués au fond à la commission des finances : les articles 3, 3 bis, 9, 15, 18, 19, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater, 23 et les articles additionnels qui s'y rapportent, après les articles additionnels après l'article 1er.

M. le président.  - Selon l'article 44 alinéa 6, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Pas d'opposition.

La priorité est ordonnée.

Discussion générale (Suite)

M. Stéphane Ravier .  - En 2024, les dépenses sociales ont représenté 32 % du PIB français, et ont augmenté de 7 % en un an. Notre pays est malade et ses finances sont à la dérive. Il faut faire les poches des voleurs et non celles du contribuable, alors que les Français payent toujours plus de taxes et d'impôts, pour toujours moins de services publics et de prestations.

Tandis que les systèmes frauduleux siphonnent nos caisses sociales, vous nous proposez avec ce texte un réarmement administratif pour récupérer l'argent volé  - il faudrait plutôt éviter de se le faire voler ! Mon amendement instaurant une carte Vitale biométrique a été retoqué par le président - socialiste  - de la commission des finances... Le coût serait pourtant dérisoire au regard des bénéfices attendus. La Cour des comptes estime à trois millions le nombre de cartes Vitale en surnombre.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - N'importe quoi !

M. Stéphane Ravier.  - L'IGF dénombre 73 millions d'assurés sociaux, pour 67 millions d'habitants. Résultat : un braquage de 5 milliards d'euros par an pour la sécurité sociale !

Que certains organismes de sécurité sociale ne diffusent pas de chiffres exacts relève d'une dissimulation volontaire. Les bonnes âmes dénonceront une chasse aux pauvres là où il ne s'agit que d'une chasse aux faux nécessiteux.

Alors que nous commémorons les dix ans du Bataclan, il est immoral que des islamistes soient partis faire le djihad avec nos allocations.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Quel rapport ?

Mme Émilienne Poumirol.  - C'est scandaleux !

M. Stéphane Ravier.  - Nous ne pouvons pas aider les plus pauvres des nôtres en restant un guichet ouvert au monde entier.

L'État contrôle les piscines des Français avec des drones, mais il n'est pas capable de croiser les fichiers pour supprimer une carte Vitale lorsqu'une OQTF est prononcée. Il est capable de délivrer des amendes à ceux qui boivent leur café assis plutôt que debout, mais ne peut empêcher des fraudeurs qui se filment dans leurs voitures de luxe à Dubaï de percevoir de généreuses allocations. C'est humiliant et irresponsable.

La fraude, c'est un casse du Louvre par jour ! Il est temps d'y mettre véritablement fin, ce que ne permet pas ce texte, car les fraudeurs pourront continuer à frauder !

M. Loïc Hervé.  - Avec vous, rien ne va jamais !

M. Michel Masset .  - Dans le Lot-et-Garonne, où les services publics se battent pour survivre, chaque euro compte. Or les fraudes fiscales et sociales privent nos territoires de moyens concrets.

Depuis la création de la DGFiP, 30 000 emplois ont été supprimés. Or on ne lutte pas efficacement contre la fraude à distance et derrière un algorithme. Les moyens de contrôle sont encore trop concentrés sur la fraude sociale, alors que la fraude fiscale est bien plus importante.

La lutte contre toutes les fraudes, une exigence morale, doit être équilibrée. Il ne faut pas stigmatiser les petits bénéficiaires modestes. Les sanctions doivent être proportionnées et les personnes concernées doivent bénéficier du minimum vital -  tel est l'esprit de notre amendement à l'article 27. Évitons toute brutalité inutile. Or cet article, dans sa rédaction actuelle, brise cet équilibre.

Nous partageons l'objectif du Gouvernement à l'article 21. La flagrance sociale est utile, mais elle devrait s'appliquer à toutes les fraudes, au-delà du seul travail dissimulé.

La commission d'enquête sur les aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, à laquelle j'ai participé, a montré que ces dispositifs étaient peu transparents et les contrôles trop lâches. Bien sûr, il ne s'agit pas de supprimer ces aides, mais de s'assurer qu'elles bénéficient aux entreprises respectant la loi. Nous proposerons l'exclusion temporaire des entreprises fraudeuses.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Michel Masset.  - Notre responsabilité est de consolider la justice fiscale et sociale sans céder à la démagogie. C'est un combat législatif et une volonté politique. Il nous faut du courage politique pour retrouver la confiance des citoyens. Le RDSE soutiendra l'élaboration d'une stratégie ferme contre les fraudeurs. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe INDEP)

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.) Dans un contexte budgétaire contraint, il faut allier droits et devoirs, exemplarité et responsabilité. Ce texte répond à cette exigence d'équité : renforcer l'acceptabilité des efforts budgétaires en sanctionnant ceux qui trichent. Le projet de loi déposé par le Gouvernement manquait d'ambition ; le Sénat tentera d'y remédier. Je salue le travail de Mme Puissat et de M. Henno qui ont enrichi le texte, ainsi que la ténacité de Mme Goulet. (M. Loïc Hervé renchérit.)

Avec ce texte, les organismes sociaux pourront enfin accéder aux mêmes documents que l'administration fiscale. Le partage automatisé des données et une coopération renforcée entre organismes deviennent possibles.

On oppose souvent la protection - légitime - de la vie privée au renforcement des contrôles. Mais l'administration mène un travail sérieux et nos concitoyens partagent chaque jour des informations via leur téléphone.

Je regrette que de récentes recommandations de la Cnil fragilisent le travail des contrôleurs. Le texte de la commission y remédie.

Les organismes de protection sociale doivent pouvoir agir rapidement. Donnons-leur les moyens nécessaires et faisons leur confiance.

L'argent public n'est ni abstrait ni gratuit. Il faut le respecter. Frauder, détourner, tricher, c'est porter atteinte au pacte républicain. Le groupe UC votera le texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Claude Lermytte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) C'est un contrat que l'État passe avec ses citoyens : si la société m'accorde des droits, j'ai aussi des devoirs. Mais certains sont malhonnêtes, par inadvertance - le droit à l'erreur représente à cet égard une avancée -, d'autres, sciemment.

« La fraude est à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme », disait Georges Pompidou. En la matière, il existe encore de nombreuses zones d'ombre. Ce texte vise à les éclairer, car chaque fraude est un coup de canif au contrat social, qui pourrait être ainsi formulé : je reçois, donc je respecte les règles. Or certains veulent tirer les gains du jeu sans respecter les règles. La fraude sociale représenterait 13 milliards d'euros, contre 850 millions d'euros en 2014. Les estimations varient entre 60 et 100 milliards d'euros pour la fraude fiscale.

La fraude serait même un sport national : 56 % des détournements viendraient des professionnels, 34 % des assurés sociaux et 10 % des professionnels de santé.

Comment empêcher les fraudes si les administrations ne disposent que d'une partie des informations ? Comment lutter contre une fraude dont on ignore l'existence ? L'extension aux CPAM et aux CAF du droit de communication auprès des banques est une mesure de bon sens. Nous saluons les garanties introduites par la commission en matière de protection des données.

France Travail pourra tenir compte des revenus issus d'activités illicites dans le calcul des allocations chômage. La lutte contre la fraude au CPF a aussi été renforcée. Je salue le travail des rapporteurs.

Pour limiter la fraude, il faut des sanctions. Une peine de quinze ans pour escroquerie aux finances publiques en bande organisée est créée...

Mme Nathalie Goulet.  - On l'a déjà votée !

Mme Marie-Claude Lermytte.  - ... tout comme la suspension du tiers payant pour les assurés fraudeurs, entre autres. Sur les 13 milliards d'euros de fraude sociale, seuls 600 millions d'euros sont recouvrés. C'est invraisemblable !

La fraude revêt une dimension morale : elle mine la confiance de ceux qui respectent les règles. Mais méfions-nous des excès de zèle : ce matin, un article de presse soulignait les abus de l'administration en matière de saisie administrative à tiers détenteur.

Soyons conscients que les fraudeurs maîtrisent l'usage de l'intelligence artificielle. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Veillons à ce que ce texte ne soit pas dépassé dès son adoption. Il va dans le bon sens, car il renforce la prévention, la détection, la sanction et le recouvrement. Le groupe Les Indépendants le votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Laurent Burgoa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Ce projet de loi n'est pas uniquement financier : il soulève une question de justice. Entre ceux qui se désengagent de la solidarité nationale et ceux qui la dépouillent, il ne faut pas choisir. Il y va du consentement à l'impôt.

Nous entendons, sur le terrain, certains fustiger un système jugé trop généreux - encouragés en cela par un parti politique qui flatte les bas instincts. D'autres, ceux qui abuseraient d'un système trop permissif. Luttons contre cette déviance qui empoisonne et divise la société.

Éducation, santé et justice manquent de moyens ; tous les jours, on nous demande où est passé l'argent.

Ce projet de loi ne réglera pas tout. Tant de comités Théodule ou de structures ad hoc passent sous les radars, comme l'ont montré les travaux de Christine Lavarde sur « l'agentification » de l'État. (Mme Frédérique Puissat le confirme.)

Ce projet de loi renforce les échanges entre administrations ainsi que leurs pouvoirs d'investigation ; je m'en réjouis.

La possibilité d'opérer sous une fausse identité ou anonymement pour contrôler les formations professionnelles dématérialisées sera fort utile, de même que l'aggravation des sanctions contre le travail dissimulé, notamment.

La fraude fiscale et sociale est entrée dans une nouvelle ère grâce aux outils numériques. Ceux qui en tirent profit se jouent des frontières et nous devons adapter notre arsenal juridique.

Ce texte est utile, même s'il est en deçà de l'objectif affiché. Je salue le travail des rapporteurs. L'exécution des sanctions doit être plus rapide, le recouvrement plus efficace. Trop de sociétés organisent leur liquidation avant le recouvrement ou transfèrent leurs fonds à l'étranger. Il fallait y remédier.

Selon le Conseil d'analyse économique (CAE), la fraude fiscale atteindrait entre 14 milliards et 52 milliards d'euros par an, tandis que la fraude sociale serait de 13 milliards d'euros, selon le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Il y a de quoi faire !

Voter une loi, c'est bien ; la faire respecter, c'est mieux, monsieur le ministre. Il convient de chiffrer convenablement le coût des contrôles.

Le groupe Les Républicains votera ce texte dans l'attente des textes budgétaires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Xavier Iacovelli .  - (Mme Nathalie Goulet applaudit.) La lutte contre les fraudes fiscale et sociale, sujet cher à Nathalie Goulet, est une injustice qui mine la cohésion nationale et effrite la solidarité. Au-delà des chiffres, c'est bien la question du respect, de l'équité et de la confiance dans notre contrat social qui se joue ici.

Ce texte s'inscrit dans une stratégie globale, après le plan interministériel de mai 2023, complété par les lois Narcotrafic et Lutte contre toutes les fraudes aux aides publiques.

En 2024, 20 milliards d'euros de fraude fiscale, sociale et douanière ont été détectés. C'est colossal. Notre pays peine à se doter des outils efficaces pour lutter contre ces fraudes.

L'objectif est de détecter 40 milliards d'euros de fraudes d'ici à 2029. C'est atteignable si nous en donnons les moyens à nos administrations. Il est temps de sortir de la naïveté administrative : notre inaction nous rend collectivement coupables.

Je salue le travail des rapporteurs et des sénateurs qui ont renforcé le texte.

Des outils de détection adaptés et modernes, des pouvoirs de recouvrement efficaces et un renforcement des sanctions : voilà le triptyque de la lutte contre la fraude.

Lutter contre la fraude, c'est aussi lutter contre l'impuissance publique structurelle qui désespère les Français et fait le lit des populistes, dont les mots séduisants ne produisent que désillusion.

Le chef-d'oeuvre qu'est notre modèle social s'est figé. Il ressemble désormais à un grand sac troué, qui se vide à mesure qu'on le remplit. Ce texte vise à recoudre le sac. À force de laisser filer la fraude, on fragilise le consentement à l'impôt.

Fraudes fiscale et sociale, le poison est le même. La fraude sociale abîme notre lien de solidarité et la fraude fiscale, le contrat de citoyenneté. Ce texte est juste, car il restaure l'équité entre les contribuables et la confiance dans la République.

L'article 5, qui prévoit un meilleur partage des données entre l'assurance maladie et les complémentaires, est une avancée cruciale qui figurait dans mon rapport d'information.

Ce texte cherche à amoindrir les dépenses injustifiées et à assainir nos comptes. Nous n'avons plus le luxe de choisir entre rigueur et justice. La solidarité ne peut exister que si chacun joue sa part.

Oui, nous devons recoudre ce sac percé pour restaurer la confiance, car le consentement à l'impôt est le socle indéfectible de notre modèle social. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.)

M. Jean-Luc Fichet - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La fraude fiscale s'élève entre 60 milliards et 80 milliards d'euros par an, contre 13 milliards d'euros pour la fraude sociale. Pourquoi aucune mesure pour y mettre fin ? (Mme Nathalie Goulet s'exclame.) Ces fraudes sont inacceptables : comment expliquer que l'on refuse de recruter des inspecteurs des impôts, quand cela permettrait de recouvrer des milliards ?

Je suis favorable à certaines mesures du texte, mais je regrette son manque d'ambition en matière de fraude fiscale : la défense des plus aisés semble être le tropisme de ce Gouvernement !

De nombreux préjugés entourent la fraude sociale, alors que les ménages n'en sont pas les principaux responsables, mais plutôt les entreprises et les travailleurs indépendants, à hauteur de 56 % ! Le travail dissimulé représenterait 7 milliards d'euros de cotisations éludées.

La fraude au RSA, qui concentre l'attention de nos collègues de droite (Mme Frédérique Puissat le confirme), ne représente que 1,5 milliard d'euros, alors que le taux de non-recours de 34 % représente une économie de plus de 3 milliards d'euros pour l'État. De même pour la fraude à l'AAH.

Nous partageons les objectifs de ce projet de loi lorsqu'il vise à mieux prévenir, à mieux détecter, et à mieux lutter contre les fraudes. Le groupe SER est favorable à la mise en commun et à l'exploitation des informations nécessaires à la lutte contre la fraude.

Je suis favorable à l'amélioration du recouvrement des fraudes à l'assurance chômage, mais gare à ne pas aggraver la fragilité des personnes vulnérables.

Nous aurions aimé voter ce texte - la fraude est intolérable, et récupérer cet argent permettrait de supprimer les franchises médicales sur les médicaments, par exemple - mais la commission l'a dénaturé. Fidèle à ses vieilles lunes, la majorité sénatoriale l'a fait pencher vers une stigmatisation des plus précaires.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - C'est faux !

M. Jean-Luc Fichet.  - Notre groupe présentera des amendements pour corriger cette mauvaise pente.

Mme Silvana Silvani .  - Après avoir fragilisé la puissance publique et multiplié les cadeaux fiscaux aux entreprises, le Gouvernement prétend, avec ce projet de loi au titre ambitieux, rétablir la justice par la suspicion. Sous un vernis d'équité, ce texte fait porter l'effort sur les plus modestes tout en épargnant les puissants, à l'instar des précédents budgets.

Plus de deux tiers des articles concernent les allocataires, mais rien de tel pour lutter contre la fraude fiscale à grande échelle. Ce texte crée une assignation à résidence pour les chômeurs, mais ne contient rien contre ceux qui délocalisent leur patrimoine et leurs actifs.

Pourtant, la fraude sociale ne représente que 2 à 3 milliards d'euros par an selon la Cour des comptes, alors que la fraude fiscale dépasse les 100 milliards d'euros ! Concentrer 100 % de la rigueur sur 3 % du problème : voilà le coeur du déséquilibre.

La Défenseure des droits a mis en garde contre une extension inédite des capacités de surveillance numérique. Le recours aux algorithmes dans la gestion des allocations conduit à des contrôles discriminatoires, notamment envers les femmes seules et les familles étrangères. Ce projet de loi franchit une ligne rouge, introduisant une présomption de culpabilité numérique contraire à nos principes républicains.

Alors que la croissance est faible, que la production stagne et que l'investissement industriel reste en berne, le Gouvernement concentre son énergie sur la répression des plus modestes. Or la faiblesse de la croissance s'explique par le sous-investissement productif et le partage inégal de la valeur ajoutée.

Plutôt que de sanctionner ceux qui fraudent - dites-vous - pour survivre, il faut s'attaquer à ceux qui spéculent. Renforcez les moyens humains et techniques de la DGFiP et des douanes face à la fraude fiscale internationale.

La fraude qui coûte cher, c'est celle des multinationales et non celle des petits contribuables. Pourquoi ne pas créer un Haut-commissariat à la lutte contre l'évasion fiscale ?

Ce texte traduit une vision de la société où la pauvreté devient suspecte et où l'on contrôle les citoyens au lieu de contrôler le capital. C'est un projet politique qui substitue à la fraternité le soupçon, le tri social à la solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Raymonde Poncet Monge .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Luc Fichet applaudissent également.) L'objectif affiché de ce projet de loi, déposé en même temps que les deux textes budgétaires, est de redresser les comptes. A-t-il vocation à favoriser le consentement aux mesures antisociales du PLF et du PLFSS ?

Quelque 18 articles sur les 27 du projet de loi portent sur la fraude sociale, alors que la fraude fiscale, qui représente 86 % de la fraude totale, ne concerne que 14 % des articles, ...

M. Daniel Fargeot.  - Et alors ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - ...soit ce que représente la fraude sociale, qui doit par ailleurs être combattue sans réserve.

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon le Haut Conseil du Financement de la protection sociale (HCFiPS), les pertes associées aux cotisations expliquent l'essentiel de la fraude sociale -  56 % - , tandis que les prescriptions indues des professionnels de santé comptent pour 10 %. Enfin, les agissements des assurés représentent un tiers des fraudes, mais le dispositif de solidarité à la source en tarira le montant.

Le montant de la fraude des micro-entrepreneurs s'élève entre 1,3 et 1,7 milliard d'euros environ, entraînant dans la précarité nombre de travailleurs ; or c'est un modèle encouragé par le Gouvernement, tant il améliore les statistiques du chômage...

Nous nous satisfaisons de certaines mesures, à l'instar de l'adoption de notre amendement renforçant les sanctions contre le travail dissimulé. (Mme Nathalie Goulet s'en félicite.) Il faut être plus sévère, les moyens des contrôleurs doivent être renforcés.

Selon le HCFiPS, seulement 10 % des sommes redressées seraient recouvrées.

Notre amendement visant à lutter contre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a été déclaré irrecevable ; or c'est bien une fraude, qui sous-estime la sinistralité, donc le taux de cotisation d'une branche !

La Défenseure des droits nous alerte : la lutte contre la fraude ne saurait contrevenir à certaines libertés fondamentales.

L'objectif devrait être d'établir le juste droit et le juste prélèvement.

Tout ciblage disproportionné alimente le populisme, mais pas l'efficacité de l'action publique. (Applaudissements sur les travées du GEST, sur plusieurs travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K)

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Frédérique Puissat applaudit également.) Avoir de nouveaux ministres au banc est rafraîchissant ; je n'ai plus l'impression de radoter -  c'est pourtant ce que je fais depuis dix ans.

Impossible de lutter contre la fraude sociale sans apurer la base des bénéficiaires. Selon le rapport de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale pour 2021, la comparaison entre le répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (Rniam) et le recensement de la population fait apparaître un écart de 2,5 millions de personnes. Le rapport de 2025 constate un écart résiduel de 2,4 millions de personnes.

Le rapport de l'Igas de 2023 -  formidable, celui-là !  - montre que les difficultés de mises à jour demeurent, de même que les approximations structurelles ; l'écart entre les deux dénombrements semble « aporétique », c'est dire !

Tous ces rapports illustrent une fragilité persistante du contrôle des droits et de l'identification des assurés sociaux. Il s'agit non pas une fraude de pauvres ou d'immigrés, mais d'un décalage entre ceux qui bénéficient de notre système et ceux qui y ont réellement droit. J'ai demandé un rapport à ce sujet, jamais obtenu.

Certains problèmes sont identifiés : la fraude transfrontalière, les VTC... Il s'agit là de sociétés non pas éphémères, mais jetables. Ont-ils reçu le guide de la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf), cher à Stéphane Sautarel ?

Monsieur le ministre, félicitez vos services pour le très beau document budgétaire de politique transversale. Je suis candidate à la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), dont j'ai appris l'existence en dévorant l'orange budgétaire. (Sourires)

Il me reste une minute pour parler de la dette hospitalière : c'est « Zézette, épouse X » ! Un étranger qui se casse la jambe au ski et qui se fait soigner dans notre pays ne peut payer les soins, le système hospitalier l'interdit. Cela représente tout de même 150 millions d'euros !

Monsieur le ministre, vos préoccupations sont les nôtres. Un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient. Faisons en sorte qu'il ne revienne pas ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Claude Lermytte et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)

M. Khalifé Khalifé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Henno applaudit également.) Les fraudes sociale et fiscale soulèvent un problème financier, mais aussi éthique. C'est un enjeu de justice pour le contribuable, mais aussi de crédibilité : notre système repose sur l'idée que chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Je me réjouis que le Gouvernement s'en empare, au travers d'un projet de loi spécifique.

Moderniser les moyens de détection et assurer un bon niveau de recouvrement est une urgence absolue.

Par manque de temps, je me limiterai à la fraude sociale.

Selon le HCFPS, la fraude à la sécurité sociale est estimée à 2 milliards d'euros, mais seulement 600 millions d'euros sont recouvrés. La fraude à l'Urssaf - principalement le travail dissimulé - représenterait 8 milliards d'euros. Malgré les 34 000 contrôles menés en 2024, la part effective de recouvrement n'atteint même pas 1 %.

Dans la branche famille, la fraude est estimée à 4 milliards d'euros, alors que 400 millions d'euros d'indus étaient détectés en 2024. Pour la branche maladie, la fraude représente 1 milliard d'euros ; pour la branche retraites, c'est 200 millions d'euros, notamment pour des pensions perçues après décès.

La lutte porte ses fruits, mais elle doit être renforcée. Il faut lutter contre les réseaux qui l'alimentent. Ce texte est-il suffisant ? Nous regrettons le rejet de nos amendements relatifs à l'utilisation de l'intelligence artificielle.

Ce texte est une étape importante, à nous de veiller à son application. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Marc Laménie et M. Olivier Henno applaudissent également.)

M. Victorin Lurel .  - Selon le Conseil d'État, ce projet de loi ne contient pas de réformes d'ampleur et manque manifestement d'ambition. Quoique décevant, il reste néanmoins utile.

Si nous pouvons souscrire au renforcement des échanges d'information, à la criminalisation de l'escroquerie des finances publiques en bande organisée ou à la responsabilisation des intermédiaires financiers, nous contestions une présentation qui mêle tous les types de fraude, dans un ensemble flou et indistinct, fruit d'un relativisme qui cherche à biaiser le débat...

Deux tiers des articles pour lutter contre les 13 milliards d'euros de fraude sociale ; trois fois moins de mesures pour lutter contre la fraude fiscale, estimée au bas mot à 60 milliards d'euros... Nous vous proposerons de muscler le texte, notamment pour lutter contre les montages agressifs menant à l'évasion fiscale. L'un de nos amendements vise à intégrer le blanchiment à la liste des infractions pénales, pour que les agents de la DGFiP participent aux enquêtes pénales. Nous demanderons que soient évalués les moyens de l'État consacrés à la lutte contre la fraude, l'optimisation et l'évasion fiscales, le blanchiment des capitaux. La puissance publique doit disposer de moyens matériels et humains pour lutter contre ce phénomène tentaculaire.

Saisissons-nous de ce texte pour lutter contre l'industrie de l'évasion et de l'optimisation fiscale. Face aux aléas politiques, à des vendeurs de montage fiscaux ingénieux et agressifs, nous devons nous armer pour assécher en amont ces stratégies délétères d'optimisation.

Certains proposent de créer une autorité anti-optimisation, adossée à l'AMF (Mme Nathalie Goulet le confirme), qui serait saisie en amont de tout nouveau produit d'optimisation fiscale.

En fonction du sort réservé à nos amendements, et de l'avis du Gouvernement, nous aviserons.

Mme Pauline Martin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La solidarité ne tiendra que si chacun respecte les règles : c'est une évidence pour tous les Nicolas, ceux qui se lèvent tôt et cotisent quand d'autres profitent d'un système laxiste.

Ce texte arrive bien tard, mais il arrive enfin. Nos collègues l'ont amendé utilement. Il faut lutter contre les abus, non montrer du doigt les bénéficiaires honnêtes ? personne n'est à l'abri d'un accident de la vie. Il y a là un enjeu de justice sociale. Nos concitoyens attendent des résultats concrets contre ces fraudes du quotidien qui ulcèrent tous les Nicolas de France.

D'où la nécessité d'actions volontaristes avant l'ouverture des droits, et en cours de droits, afin de prévenir toute velléité de détournement. Depuis le 1er juin 2025, le nouveau barème de sanctions pour les bénéficiaires du RSA privilégie une logique de suspension, non de suppression. Un bénéficiaire radié peut se réinscrire immédiatement ! Où est la fermeté ? N'est-il pas temps d'intégrer les départements comme membres de droit des comités opérationnels départementaux antifraude (Codaf) ?

Mme Nathalie Goulet.  - Oui !

Mme Pauline Martin.  - À quand un guichet unique pour toutes les prestations non contributives, financées par la solidarité nationale ? Cela simplifierait les démarches, renforcerait la coordination et éviterait d'agir toujours a posteriori sur la fraude.

La solidarité n'est pas une opportunité, elle est une responsabilité ! J'espère que nos débats seront constructifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Discussion des articles

Avant l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°229 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Faute d'évaluation officielle, régulière et transparente du coût de l'évasion fiscale, nous légiférons dans le brouillard. Nous chargeons donc la Cour des comptes d'établir chaque année un rapport public sur le coût de l'évasion fiscale et de la fraude, en distinguant l'optimisation agressive de la fraude avérée et en analysant ses principaux mécanismes : prix de transfert, paradis fiscaux, prêts intragroupes et montages hybrides.

Selon différentes études, émanant d'organismes privés, les pertes pour l'État s'élèvent entre 80 et 100 milliards d'euros par an - l'équivalent du budget de l'éducation nationale. Bâtissons enfin un socle statistique solide. Il ne peut y avoir de lutte crédible contre la fraude sans connaissance précise du phénomène.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - C'est une demande de rapport...

Dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques de mai 2023, a été institué un nouveau Conseil d'évaluation des fraudes, chargé d'évaluer le montant des fraudes fiscales, sociales, douanières et aux aides publiques. Retrait sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Le Gouvernement s'engage à réunir prochainement ce comité.

Le Haut conseil du financement de la protection sociale évalue la fraude sociale autour de 13 milliards d'euros ; il faut actualiser ce chiffre, et mieux évaluer la fraude fiscale, sans doute très supérieure. Il faudra mobiliser la DGFiP, des experts indépendants, des organisations syndicales, ainsi que des parlementaires. La Cour des comptes a plutôt vocation à contre-expertiser, dans son rôle de contrôle. Ce me paraît être le format le plus efficace, pour préciser le diagnostic.

Retrait sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien, mais le projet de loi de finances arrive, or ce comité est en stand-by. M. Bocquet et moi en avions demandé une coprésidence ou une vice-présidence.

Une évaluation s'impose, car nous travaillons au doigt mouillé. La Cour des comptes n'est sans doute pas le meilleur outil ; ce comité voulu par Gabriel Attal est préférable, mais il faut le réunir régulièrement ! Je ne suis pas loin de voter cet amendement...

M. Victorin Lurel.  - Nous voterons cet amendement de bon sens. La France est l'un des rares pays de l'OCDE à n'avoir aucune évaluation régulière de la fraude fiscale. Je sais que le Sénat répugne à voter des demandes de rapport, mais celui-ci est utile.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Il est étonnant que la fourchette de la fraude sociale soit relativement étroite, alors que celle de la fraude fiscale va de quelques dizaines à 100 milliards d'euros ! Nous sommes un des rares pays européens à avoir une fourchette aussi large. C'est hallucinant ! Il est grand temps de mener cette investigation.

L'amendement n°229 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°235 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Nous demandons un rapport annuel exhaustif sur la fraude fiscale, l'évasion et les mécanismes d'optimisation, assorti d'une évaluation des moyens humains de la DGFiP, de la direction générale des douanes et de la DGCCRF. La première condition d'une politique crédible, c'est la transparence.

Évitons au Parlement de légiférer à l'aveugle, calibrons mieux les moyens de l'administration de contrôle, dont les effectifs ont fondu de 25 % depuis 2008. Savoir qui fraude, et quel en est le coût, est un enjeu démocratique.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Demande de retrait, s'agissant d'une demande de rapport.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme Cécile Cukierman.  - Chacun a dit que nous avions besoin de mieux cerner le phénomène pour mieux agir. Je connais la jurisprudence du Sénat concernant les demandes de rapport ? même si une jurisprudence, par définition, peut évoluer...

Mais comment agir efficacement si nous ne connaissons pas en profondeur les réalités que nous pointons ?

Dans cette grande République parlementaire que vante le Premier ministre, nous sommes bridés par l'article 40 de la Constitution, au nom du dogme de la réduction de la dépense publique - ce qui nous oblige à transformer nos amendements en demandes de rapport si nous voulons débattre !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Selon les sources, la fraude fiscale se situe entre 14 et 100 milliards. Comment supporter un tel flou ?

Mme Sophie Primas.  - Un rapport n'y changera rien !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Le rendement attendu de cette loi est de 1,5 milliard d'euros. Combien sur la fraude sociale, combien sur la fraude fiscale ? Monsieur le ministre, pour vous, où se situe le chiffre de la fraude fiscale dans cette fourchette ?

Mme Silvana Silvani.  - Ces amendements ne doivent pas être réduits à de simples demandes de rapports. Nous sommes d'accord sur le constat : nous manquons de données fiables pour estimer la hauteur de la fraude fiscale. Il faut avancer ! Je ne comprends pas votre position.

M. Jean-Luc Fichet.  - Les estimations varient et sont approximatives. Pour endiguer la fraude, il faut partir d'une base précise, et voir la progression d'une année sur l'autre, pour mesurer l'efficacité des mesures que nous mettons en place !

L'amendement n°235 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié nonies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement offre une souplesse à l'administration pour lutter contre la fraude à la TVA, qui est estimée entre 20 à 25 milliards d'euros.

L'article 2 decies du code général des impôts précise que, quand il est constaté une urgence impérieuse tenant à un risque de fraude à la TVA, un arrêté prévoit que la taxe est acquittée par l'assujetti destinataire des biens ou preneur des services.

Nous allons discuter des petits colis, des entreprises éphémères, voire jetables, mais en réalité, nous n'avons rien d'efficace pour lutter contre cette fraude à la TVA.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Les cas dans lesquels la TVA peut être acquittée par le destinataire et non par le vendeur sont exceptionnels. Je reconnais que le formalisme lié à l'arrêté induit une perte de temps, alors qu'il faut être réactif pour éviter la fraude à la TVA d'entreprises éphémères.

Gare toutefois aux effets de bord, car votre amendement reviendrait à faire peser une présomption de fraude sur toutes les entreprises du secteur visé par l'arrêté. Va-t-on appliquer cette règle d'exception à tous les restaurateurs, par exemple ?

Demande de retrait, mais j'invite le Gouvernement à simplifier le formalisme de l'arrêté.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Cibler des secteurs entiers de la sorte entrerait en contradiction avec la directive TVA, qui prévoit une notification à la Commission quand on active le mécanisme d'urgence.

Mais il est vrai qu'il faut simplifier. Je propose qu'on y travaille ensemble. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Mme de Montchalin était ce matin à Roissy pour constater l'évasion massive liée aux petits colis. Si vous vous engagez à y travailler d'ici le PLF, je retire l'amendement. Ici, nous ne sommes pas dans la République du chantage, mais de la construction.

L'amendement n°1 rectifié nonies est retiré.

M. le président.  - Amendement n°139 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - La DGFiP a créé une interface pour vérifier que les coordonnées bancaires indiquées dans une demande d'aide sont bien celles du bénéficiaire. Cette interface interroge le fichier des comptes bancaires. En étendre l'accès à l'ensemble des administrations réduirait les fraudes, sécuriserait le traitement des dossiers de demande d'aide et réduirait les délais d'instruction.

M. le président.  - Amendement identique n°149 rectifié de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Il a été excellemment défendu.

Les amendements identiques nos139 rectifié et 149 rectifié, acceptés par la commission et par le Gouvernement, sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié decies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est une demande de rapport. Il y a 50 milliards d'euros de blanchiment et seulement 2 % de recouvrement des avoirs criminels. Je demande qu'on étudie une réforme du Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (Colb) car manifestement, il y a un problème.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Demande de retrait. Le fonctionnement du Colb n'est pas remis en cause par les principaux acteurs de la lutte anti-blanchiment, sa légitimité n'est pas contestée.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis.

M. Victorin Lurel.  - Nous voterons cet amendement de bon sens. Cela ne fonctionne pas ; il faut donc réformer.

L'amendement n°6 rectifié decies n'est pas adopté.

Article 3 (Appelé en priorité)

M. Marc Laménie .  - Cet article aménage les règles du secret fiscal qui protègent la transmission par la DGFiP d'informations de nature fiscale à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), afin de permettre le partage d'informations nécessaires à la fiabilisation du registre national des entreprises (RNE), créé en mai 2019.

Je salue le travail de la commission d'enquête du Sénat sur la criminalité organisée, mené par Nathalie Goulet et Raphaël Daubet.

L'immatriculation des entreprises au RNE facilitera leur traçabilité. C'est aussi un outil pour la lutte contre la fraude, notamment à la TVA. Le groupe Les Indépendants votera cet article.

L'article 3 (appelé en priorité) est adopté.

Après l'article 3 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°17 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement impose la déclaration systématique à l'administration fiscale des opérations de réorganisation d'entreprises, dès lors que des éléments de valeur sont transférés à une entreprise liée établie hors de France, dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée ou dans un État non coopératif - autant de cas qui pourraient évoquer des montages menant à l'évasion fiscale.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Les informations contenues dans la déclaration prévue à l'article 13 AA du livre des procédures fiscales permettent à l'administration d'appréhender l'environnement économique, juridique, financier et fiscal du groupe d'entreprises associées. Par ailleurs, les intermédiaires financiers sont tenus de déclarer à l'administration tout dispositif transfrontalier. Retrait.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Nous voterons cet amendement qui s'attaque aux montages opaques par lesquels des multinationales transfèrent leurs bénéfices dans des paradis fiscaux pour échapper à l'impôt. L'administration fiscale découvre ces montages bien trop tard, après des années d'enquête.

Inspiré de la recommandation n°12 du plan Beps de l'OCDE, cet amendement est simple et efficace : une déclaration en amont de toute opération impliquant un État à fiscalité privilégiée.

Cela permettrait un rééquilibrage dans les contrôles : actuellement, 70 % de redressements concernent des particuliers, alors que 63 % de la fraude en valeur est d'origine entrepreneuriale.

Enfin, cela donne corps à l'exigence de justice fiscale : non pas traquer les bénéfices du RSA, mais responsabiliser les acteurs qui disposent des moyens de contourner l'impôt.

Mme Nathalie Goulet.  - Le Premier ministre ne m'a pas emmenée dans un paradis fiscal, mais à Romainville, au service du contrôle fiscal - les agents ont remercié le législateur d'avoir réduit le seuil de contrôle des prix de transfert intragroupes, par lesquels passe une grosse partie de la fraude. Je voterai cet amendement.

M. Victorin Lurel.  - Dans la réalité, l'amendement n'est pas satisfait.

Prix de cession interne, relations intragroupes, intégration fiscale, régime mère-fille : l'administration ne contrôle rien du tout et est tributaire de ce que veulent bien lui envoyer les groupes. C'est un amendement de bon sens, pour que nous sachions au moins ce qui se passe !

M. Grégory Blanc.  - Tous les amendements qui prévoient la déclaration à l'administration fiscale d'un lien financier avec l'étranger ont reçu un avis défavorable ou une demande de retrait ! Mais alors, comment outiller notre pays face à la fraude et au blanchiment ? Ce point avait pourtant été souligné lors de notre commission d'enquête, tout comme la question de la déclaration des comptes à l'étranger.

Nous voterons cet amendement. Je regrette les avis défavorables.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Nous sommes d'accord sur le fond. Si j'ai demandé le retrait, c'est que l'amendement est déjà satisfait : cette obligation de notification existe depuis la directive de 2018.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous instaurons une obligation de déclaration à la charge des conseils d'entreprise, comme l'ont déjà proposé plusieurs rapports parlementaires et comme cela existe dans huit pays. Il s'agit de les obliger à transmettre à l'administration fiscale les schémas commercialisés, dès lors que ceux-ci permettent une économie d'impôt d'au moins 1 million d'euros, ou concernent des États non coopératifs ou à fiscalité privilégiée.

L'idée est de traiter en amont l'optimisation fiscale, qui reste légale, en obligeant à la notifier.

M. le président.  - Amendement n°19 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement de repli garantit l'anonymat, sans sanction.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Nous n'avons aucun désaccord de fond, mais l'amendement est déjà satisfait par la directive du 25 mai 2018, dite DAC 6, transposée par l'ordonnance du 21 octobre 2019, qui oblige les conseils à déclarer des dispositifs transfrontaliers potentiellement agressifs au plan fiscal.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis pour les mêmes raisons.

M. Victorin Lurel.  - Je le conteste. La recommandation n°12 de l'accord Beps de l'OCDE n'est pas respectée ! Nous maintenons ces amendements.

L'amendement n°18 n'est pas adopté non plus que l'amendement n°19.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié quater de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Il s'agit de lutter contre l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable.

M. le président.  - Amendement n°144 rectifié bis de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - Alors que de nombreux fraudeurs recourent à des officines inscrites à l'Ordre des experts-comptables pour déposer des demandes de financements, d'aides ou de réductions d'impôts, et que l'Ordre peut saisir la justice en cas d'exercice illégal, cet amendement facilite la levée du secret professionnel pour mieux lutter contre la fraude. Ainsi, l'administration fiscale pourra, de sa propre initiative, communiquer les informations fiscales utiles.

M. le président.  - Amendement identique n°263 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Sous-amendement n°310 de Mme Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Sous-amendement de précision.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Demande de retrait de l'amendement n°70 rectifié quater au profit des amendements n°144 rectifié bis et 263 rectifié bis, tels que sous-amendés ; avis favorable au sous-amendement n°310.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Nous partageons la nécessité de lutter contre l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable. Même avis que le rapporteur.

L'amendement n°70 rectifié quater est retiré.

Le sous-amendement n°310 est adopté.

Les amendements identiques nos144 rectifié bis et 263 rectifié bis, sous-amendés, sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°246 rectifié bis de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - Certaines associations gèrent un patrimoine immobilier sans rapport avec leur objet social, tout en bénéficiant indûment d'avantages fiscaux. De tels montages frauduleux représentent une dépense fiscale injustifiée, qui porte atteinte à la confiance dans le monde associatif.

Cet amendement dote le ministère de l'intérieur d'un accès encadré à certaines bases de données fiscales et immobilières afin de mieux contrôler la transparence et la sincérité des comptes des associations, sans porter atteinte à la vie privée.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel.  - C'est du bon sens !

M. David Amiel, ministre délégué.  - Effectivement, c'est du bon sens. Les agents chargés du contrôle n'ont pas accès aux bases de données nécessaires. Avis favorable.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis favorable.

L'amendement n°246 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°145 rectifié bis de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - L'administration fiscale est contrainte de communiquer aux instances régionales de l'Ordre des experts-comptables les résultats des contrôles fiscaux de leurs clients. Nous remplaçons l'obligation par une faculté.

M. le président.  - Amendement identique n°262 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Cette obligation de communication devrait être abrogée, la loi de finances pour 2025 ayant supprimé la convention de visa fiscal. L'amendement la maintient en vigueur sous la forme d'une simple faculté. Qu'en pense le Gouvernement, sur le plan opérationnel ?

M. Victorin Lurel.  - C'est du bon sens !

M. David Amiel, ministre délégué.  - Effectivement. Avis favorable.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos145 rectifié bis et 262 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°21 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Les grandes entreprises doivent tenir à disposition de l'administration une documentation justifiant leur politique de prix de transfert. Notre amendement leur impose de transmettre à l'administration cette documentation, sur une base annuelle.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - L'administration fiscale a déjà accès à ces informations en cas de contrôle, et cette documentation est opposable aux entreprises. En cas de manquement, il y a mise en demeure et sanctions. Dès lors, l'amendement n'apporte pas de plus-value. Avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Si cette documentation n'est pas transmise, l'entreprise s'expose à des amendes très dissuasives. Votre amendement aurait pour conséquence de les supprimer. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°21 est retiré.

L'article 3 bis (appelé en priorité) est adopté.

Après l'article 3 bis (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°141 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Xavier Iacovelli.  - La directive instaure une obligation déclarative à la charge des prestataires de services sur cryptoactifs portant sur les transactions, les comptes utilisés et leurs titulaires. Cet amendement précise que seules les entités remplissant des obligations équivalentes à l'étranger peuvent être dispensées de déclarations en France.

M. le président.  - Amendement identique n°148 rectifié bis de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Il a été très bien défendu.

Je rappelle à M. le ministre que nous avons adopté la semaine dernière un amendement de M. Savoldelli qui demande un rapport sur les cryptoactifs. Vous vous êtes engagé à y travailler avant la navette.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Dans la continuité des dispositions que nous avons votées dans la loi de finances pour 2025, avis favorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis favorable.

M. Victorin Lurel.  - S'agit-il d'un allégement de la législation sur les cryptoactifs ? Est-ce opportun ?

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - La loi de finances pour 2025 a instauré une obligation déclarative pour les prestataires de services sur les cryptoactifs. Cet amendement apporte une précision bienvenue, pour garantir la conformité à la directive.

Les amendements identiques nos141 rectifié et 148 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Article 9 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Je tiens beaucoup à cet amendement de bon sens. La récente loi sur la lutte contre la fraude bancaire a institué un fichier national des comptes susceptibles d'être frauduleux, géré par la Banque de France. Ce fichier doit être accessible aux administrations fiscales et sociales, dont l'Urssaf, ainsi qu'aux sociétés de financement supervisées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) - uniquement en consultation, bien entendu. Rien ne sert d'avoir un fichier si personne ne peut y accéder !

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous revoir la position de la commission ?

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Nous partageons votre objectif. La définition des administrations habilitées à consulter ce fichier figure déjà à l'article 525-2-1 : sur ce point, l'amendement est satisfait.

En outre, tel qu'il est rédigé, l'amendement aurait pour effet d'empêcher l'Urssaf de signaler au gestionnaire du fichier les comptes qu'elle estime susceptibles d'être frauduleux. Retrait ?

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - J'étais rapporteur de la loi sur la fraude bancaire ; nous devions voter conforme, et le texte suivait la procédure de législation en commission (LEC). C'est pourquoi ce sujet n'a pas été traité. Il serait intéressant de voter cet amendement ici et d'en discuter pendant la navette.

M. Michel Canévet.  - La prudence conduit à retenir cet amendement, quitte à le modifier par la suite. Je l'ai travaillé avec la Banque de France, qui l'estime utile.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°72 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

L'article 9 (appelé en priorité), modifié, est adopté.

Après l'article 9 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°214 rectifié bis de M. Naturel et alii.

Mme Pascale Gruny.  - Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté le 14 août dernier la loi du pays portant amélioration des dispositifs d'échanges automatiques d'informations et de lutte contre la fraude fiscale et modernisation du contrôle de l'impôt.

Contrairement à l'ACPR, l'AMF ne bénéficie pas de la levée du secret professionnel : nous le prévoyons pour la Nouvelle-Calédonie.

M. le président.  - Amendement identique n°261 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

Les amendements identiques nos214 rectifié bis et 261 rectifié bis, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°231 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - La loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude n'a pas supprimé le verrou de Bercy, elle l'a déplacé : le dépôt d'une déclaration rectificative spontanée suffit à suspendre la saisine du parquet. Selon le rapport d'information de la commission des finances du Sénat : « Certaines entreprises, pour éviter la dénonciation obligatoire, déposent une déclaration rectificative immédiatement suivie d'une action en contentieux. Le dépôt suspend la transmission. » Cette astuce juridique ferme la chaîne pénale. Notre amendement ne vise pas les régularisations de bonne foi, mais les manoeuvres dilatoires, contraires à l'esprit de la réforme de 2018.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - La disposition visée a pour objectif d'inciter les contribuables à régulariser leur situation avant de s'engager dans une procédure contentieuse. Au demeurant, un tel dépôt ne suspend pas les actions judiciaires ou administratives en cours. Avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - La rédaction de l'amendement limiterait le dispositif aux seuls contribuables n'ayant pas déposé de déclaration rectificative dans les deux dernières années -  tous les autres en seraient donc exclus.

En outre, l'amendement est satisfait par l'alinéa 8 du I de l'article L.228 du livre des procédures fiscales.

Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - L'amendement ne tourne peut-être pas, mais le verrou de Bercy est un cas d'école de changement de doctrine administrative. Avec notre ancien collègue Éric Bocquet et les collègues du groupe CRCE-K, nous avons plusieurs fois voté la suppression de ce verrou. Et un beau jour, le Gouvernement a estimé que le verrou pouvait être desserré ! Je ne voterai pas l'amendement en raison de ses problèmes de rédaction, mais nous y reviendrons au PLF.

L'amendement n°231 n'est pas adopté.

L'article 15 (appelé en priorité) est adopté.

Article 18 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°162 rectifié bis de M. Lefèvre et alii.

M. Laurent Burgoa.  - Cet amendement permettra au juge de prononcer une peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine pour des faits d'escroquerie aux finances publiques commis en bande organisée.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - L'amendement est satisfait, puisqu'une telle escroquerie est punie d'une peine d'emprisonnement de plus d'un an, et ladite peine complémentaire s'applique donc de plein droit : avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Il n'est pas certain que cette peine complémentaire s'applique : sagesse.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Comme il s'agit de bande organisée, peut-être pourrions-nous prévoir une exécution provisoire... (Sourires ; Mme Sophie Primas rit.)

Mme Nathalie Goulet.  - L'article 18 porte une disposition que nous avions votée dans le texte de Thomas Cazenave, mais que le Conseil constitutionnel avait annulée. Je suis tout à fait favorable à la proposition de M. Lefèvre qui complète utilement ce dispositif.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - La commission estime que l'amendement est satisfait, mais s'il y a doute, à titre personnel, je voterai l'amendement.

M. le président.  - La commission maintient-elle son avis ?

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Sagesse.

L'amendement n°162 rectifié bis est adopté.

L'article 18 (appelé en priorité), modifié, est adopté.

Après l'article 18 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°24 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Les associations agréées pourraient se constituer partie civile -  ce n'est pas sans rappeler quelques affaires récentes...

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Il s'agirait d'une extension aux cas de fraude fiscale. Sagesse.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°24 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°233 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Abrogeons la convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), qui incarne une justice à deux vitesses : les grandes entreprises coupables de fraude massive peuvent négocier leur peine autour d'une table, tandis que les petits subissent toute la rigueur du droit. Cet outil a permis à de gros fraudeurs d'échapper à toute condamnation, en signant un simple chèque, sans faire de vagues. On veut traquer les petits pendant qu'on laisse les grands groupes acheter leur impunité. (Murmures réprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Raymond Hugonet lève les bras au ciel.)

Supprimer la CJIP, c'est rétablir l'égalité devant la loi. Pour une République qui ne se vend pas au plus offrant, votez cet amendement !

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable. La CJIP a été introduite par loi Sapin II afin d'imposer des obligations - amende, programme de mise en conformité, réparation du préjudice - que nous ne voulons pas faire disparaître. De plus, cela permet au procureur d'accélérer le traitement de ces infractions et délits.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°233 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Ajoutons le blanchiment simple et aggravé à la liste des infractions pénales pour lesquelles les agents de la DGFiP peuvent concourir aux enquêtes menées sur instruction du procureur de la République.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - L'autorité judiciaire peut déjà saisir les services d'enquêtes judiciaires spécialisés en matière fiscale et les officiers fiscaux judiciaires affectés à Bercy. Je sollicite l'avis du Gouvernement : est-ce opportun d'un point de vue opérationnel ?

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable, donc.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit d'une demande de rapport pour évaluer les moyens des services au regard des ambitions affichées.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - L'évaluation des moyens des douanes, de la DGFiP et de la DGCCRF fait l'objet d'évaluations régulières, de la part de la Cour des comptes notamment. Avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Grégory Blanc.  - Les moyens humains de la lutte contre la fraude ne sont pas renforcés ; c'est pourtant nécessaire !

La commission d'enquête de Nathalie Goulet et Raphaël Daubet avait préconisé la création d'un fonds de concours financé par les avoirs saisis pour renforcer la lutte contre la fraude. Mais les amendements qui ont repris cette proposition ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.

On ne recouvre que 2,9 milliards d'euros, alors que la fraude se compte en dizaine de milliards ; pour prendre le problème à bras-le-corps, il faut des moyens humains. Je voterai cet amendement.

Mme Marion Canalès.  - Le Gouvernement n'a pas motivé son avis défavorable à l'amendement n°22. Pas plus d'explications sur celui-ci, alors que la DGFiP est la direction qui a perdu le plus d'ETP de toute la fonction publique d'État. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il faut tout de même renforcer les effectifs ? Pourquoi ?

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai voté les amendements précédents de M. Lurel, mais je ne voterai pas celui-ci. Venez demain en commission des finances pour écouter notre collègue Claude Nougein et consultez l'orange budgétaire, vous y trouverez toutes les informations souhaitées !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Quelle est l'adéquation des moyens avec votre prétendu objectif de lutte contre la fraude fiscale ? Voilà la question. Vous nous dites que vous détectez deux fois plus de fraudes, mais en partant de combien ? La DGFiP, qui rapporte pourtant plus qu'elle ne coûte, a perdu un quart de ses effectifs en dix ans : c'est scandaleux !

M. David Amiel, ministre délégué.  - Le montant des détections de fraudes est passé de 9 à 20 milliards d'euros, voilà le doublement -  loin d'être négligeable  - que j'ai évoqué. (Mme Raymonde Poncet Monge le conteste.) Par ailleurs, j'ai évoqué des moyens humains, à l'instar des 80 agents de l'Office national antifraude (Onaf).

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 19 (appelé en priorité) est adopté.

Après l'article 19 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°244 rectifié de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Une entreprise condamnée pour fraude fiscale grave ne peut continuer à bénéficier d'avantages fiscaux financés par la collectivité. Le principe de proportionnalité de la peine ne s'applique pas ici, car ce n'est pas une sanction, mais une garantie d'ordre public fiscal, qui tire les conséquences objectives d'une condamnation définitive pour fraude. De même qu'une entreprise condamnée pour corruption ne peut plus candidater à un marché public, de même qu'une banque sanctionnée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) perd son agrément, de même une entreprise qui fraude doit être exclue du bénéfice des aides fiscales, au moins pour un certain temps. L'argent public ne doit pas récompenser la fraude.

M. le président.  - Amendement n°227 rectifié de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Silvana Silvani.  - Toute condamnation pénale d'une entreprise pour infraction fiscale lourde doit entraîner la déchéance fiscale, l'empêchant de bénéficier d'avantages fiscaux pendant cinq ans.

M. le président.  - Amendement n°158 rectifié de M. Durox et alii.

M. Christopher Szczurek.  - Les fraudes portent atteinte à la solidarité nationale. Nous créons une peine complémentaire pour interdire aux condamnés de bénéficier d'aides publiques pendant cinq ans.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié bis de Mme Carrère et alii.

M. Michel Masset.  - Cet amendement s'inspire des travaux de la commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises qui a évalué à près de 211 milliards d'euros les aides versées sans condition ni contrôle. La commission d'enquête recommande d'interdire l'octroi d'aides publiques aux entreprises condamnées pour infractions graves ; d'où notre amendement qui exclut les fraudeurs de bénéfices de certaines aides publiques. Une entreprise qui a trompé l'État ne peut bénéficier de sa solidarité financière. L'argent public doit soutenir ceux qui respectent la loi, pas ceux qui la contournent.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements, dont les auteurs veulent plus de fermeté à l'encontre des fraudeurs -  objectif que je partage. Toutefois, la privation de certains avantages fiscaux serait automatique, or les peines complémentaires sont facultatives et relèvent de la décision du magistrat. De plus, le juge ne pourrait pas adapter la durée de la privation aux cas d'espèce.

M. David Amiel, ministre délégué.  - La loi de finances pour 2024 a instauré une peine complémentaire de privation temporaire des droits à réduction et crédit d'impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière. Les amendements qui étendent ce dispositif aux aides publiques ne répondent pas au principe de proportionnalité. En outre, en visant l'outil productif et non la personne du dirigeant, vous sanctionnez indirectement les salariés. Avis défavorable.

M. Christian Bilhac.  - Ce n'est pas une peine complémentaire : là, on ne prend rien, on arrête simplement de donner. (Mme Silvana Silvani acquiesce.) Donc on continuerait à donner aux fraudeurs ?

M. Olivier Rietmann.  - Je dois rectifier certaines affirmations. On ne continue pas de verser des primes ou des aides fiscales aux fraudeurs : on les punit très fort.

Presque tous ceux qui citent le rapport de notre commission d'enquête ne l'ont pas lu. Mais les propos de M. Masset m'ont surpris, car il a été un membre assidu de nos travaux. Le rapport dit bien que le contrôle des entreprises par l'administration fiscale est fait et bien fait. C'est l'évaluation des dispositifs qui pose problème.

L'amendement n°244 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos227 rectifié, 158 rectifié et 37 rectifié bis.

La séance est suspendue à 20 h 05.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié ter de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°33 rectifié undecies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous avions adopté l'année dernière cet amendement de notre collègue députée Christine Pirès Beaune. Le rôle des conseils dans l'élaboration des schémas fiscaux n'est plus à démontrer. Or le taux de 80 % en vigueur est inopérant. Un taux de 40 % serait plus opportun. Le rôle des conseils est connu depuis longtemps, grâce à Éric Bocquet et aux travaux de notre Haute Assemblée.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Il s'agit d'étendre les sanctions pour les intermédiaires en cas de montage abusif. Ces sanctions existent pour les cas les plus graves ; il s'agit de les étendre aux cas les moins graves, quand le contribuable est sanctionné à hauteur de 40 % du montant de l'impôt. Sagesse.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Les dégâts collatéraux de ces amendements seraient importants. Pourquoi un tel taux de 80 % ? Car il s'agit précisément de fraudes complexes qui nécessitent de passer par des conseils. Avec un taux de 40 %, on change de monde ! Par exemple, les conseils de contribuables qui n'auraient pas déposé une déclaration fiscale dans les 30 jours suivant une mise en demeure pourraient être lourdement sanctionnés. Les conséquences économiques seraient disproportionnées.

En outre, l'extension du champ de l'amende risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel. Retrait, sinon avis très défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Une telle disposition a été adoptée à plusieurs reprises, et à l'Assemblée nationale : où est le problème ? Si nécessaire, vous pouvez profiter de la navette pour le modifier.

Mme Nathalie Goulet.  - L'article 1740 A bis du code général des impôts ne concerne en rien le droit à l'erreur. Laissons faire la navette !

Les amendements identiques nos25 rectifié ter et 33 rectifié undecies sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié nonies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Nos agents sont de plus en plus exposés physiquement aux criminels qu'ils traquent. Protégeons leur identité.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - La rédaction initiale nous posait problème, mais l'amendement a été rectifié. Avis favorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°7 rectifié nonies est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié septies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit d'un amendement d'appel, inspiré par les services chargés de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, afin de constituer une plateforme automatisée pour les données bancaires, sur le modèle de la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ). Les enquêtes se heurtent à des difficultés ; facilitons les identifications. Selon le directeur de l'Onaf, il faut faire le forcing auprès des banques : certaines transmettent encore des fichiers PDF !

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Nous avons voté l'article 3 bis qui oblige les banques à transférer des informations à l'administration fiscale dans des formats exploitables. Privilégions ce dispositif, même si la question mérite d'être approfondie.

Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Nous avons amélioré la transmission des documents, qui devient électronique. La demande est satisfaite ; créer un fichier centralisé n'est pas nécessaire. Retrait.

Mme Nathalie Goulet.  - Je retire mon amendement, mais je vous demande d'examiner tout de même cette possibilité.

L'amendement n°10 rectifié septies est retiré.

L'article 20 (appelé en priorité) est adopté.

Après l'article 20 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°232 rectifié de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Voici une petite histoire, qui a lieu un matin de contrôle dans une multinationale dont les tours de verre dominent le périphérique parisien. Des agents demandent poliment une liste de pièces sur les prix de transfert ; le directeur financier renvoie vers le siège à Amsterdam qui renvoie à la maison mère à Dublin qui renvoie à l'État du Delaware... Trois mois plus tard, les documents, caviardés, arrivent dans un jargon absurde.

Pendant que certains jouent la montre, ce sont nos impôts, nos hôpitaux et nos écoles qui en paient le prix. Doublons la pénalité pour ceux qui refusent de communiquer leur documentation. La fraude fiscale doit cesser d'être rentable. Un grand groupe qui fraude, ce n'est pas un contribuable distrait, mais un acteur économique qui défie la loi.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Lorsqu'une entreprise ne fournit pas la documentation sur les prix de transfert, elle est sanctionnée. Dans le PLF 2024, le plancher a été porté de 10 000 euros à 50 000 euros. Évaluons d'abord l'effet de cette mesure avant de modifier ce plancher. Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - L'aspect dissuasif de l'amende est moins lié au montant du plancher qu'au montant de la fraude. Les entreprises présentent les documents, mais la difficulté est de vérifier que cette documentation corresponde bien aux règles fiscales. L'amendement ne répond pas à vos préoccupations. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°232 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°234 rectifié de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Cet amendement vise à rendre la documentation véritablement opposable. Une entreprise peut déclarer une politique dans ses documents et en mener une autre concrètement sans être sanctionnée. Mettons fin à cette fiction.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est satisfait. Le droit impose aux grandes entreprises de tenir à disposition une documentation sur les prix de transfert. L'administration peut s'appuyer sur ces documents pour décider de sanctions. Retrait.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°234 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°228 rectifié de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Le transfert de documents à l'administration fiscale sur la politique de prix de transfert repose sur le bon vouloir des entreprises ; aussi, seules celles qui veulent la transparence s'y engagent. Les autres, les plus grandes, s'en tiennent à l'écart.

Les prix de transferts sont le premier levier de fraude fiscale. Tant qu'ils ne sont pas validés par l'administration, ils sont une porte ouverte à la fraude. En rendant obligatoire l'accord préalable de l'administration fiscale sur la politique de prix de transfert, nous instaurons une symétrie. La base fiscale de la nation sera mieux protégée.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Les entreprises sont d'ores et déjà soumises à l'obligation de définir leurs prix de transfert. Tout bénéfice indûment transféré doit être réintégré dans la comptabilité de l'entreprise. Ne nous engageons pas dans un accord préalable, les entreprises pourraient demander des rescrits. En outre, cela n'empêche pas les contrôles. Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Cela se ferait au détriment du ciblage de la fraude. Des difficultés en résulteraient. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Voilà deux ans, nous avons réduit le seuil de contrôle des prix de transfert, en application du principe de pleine concurrence. Le Premier ministre nous a expliqué à Romainville que même les entreprises avec un moindre chiffre d'affaires fraudaient.

Ce mécanisme fait que Jersey est le premier producteur de bananes au monde. Les entreprises se retrouvent à gérer leur marque en Suisse, l'emballage dans un autre pays et le marketing dans un troisième. Ce contrôle du schéma préalable est important.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Le prix de transfert n'est pas de la fraude. Une entreprise qui dispose de filiales a des prix de transfert. La question est de savoir si ceux-ci sont manipulés pour faire diminuer artificiellement le bénéfice de certaines filières.

La grande majorité des entreprises qui ont recours à des prix de transfert ne fraudent pas. Il faut mieux cibler les contrôles plutôt que de demander un accord préalable pour les entreprises de taille intermédiaire.

M. Grégory Blanc.  - C'est tout de même de la suroptimisation fiscale. Un tel Meccano ne nous sert pas. Réguler n'est pas contraire à l'intérêt national.

L'amendement n°228 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°226 rectifié de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Barros.  - Abaissons le seuil de reporting pays par pays à 250 millions d'euros, alors que seules 10 % des entreprises y sont soumises pour l'heure. Cette mesure est simple et conforme au droit européen. C'est non pas un frein à l'investissement, mais un appel à la responsabilité, pour les groupes qui prospèrent dans l'opacité. Sans cela, les PME payent plein pot et les multinationales transfèrent leurs impôts hors de France. C'est une mesure d'hygiène démocratique, car la transparence est la meilleure arme contre l'évasion fiscale. (M. Olivier Rietmann proteste.)

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Les règles relatives au reporting sont fixées par l'OCDE - c'est l'échelle pertinente d'un tel débat. Les obligations déclaratives des grandes entreprises ont été renforcées - le seuil du chiffre d'affaires est désormais fixé à 150 millions d'euros, seuil à partir duquel la documentation doit être fournie. Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Grégory Blanc.  - Objecter que les discussions doivent se passer à l'OCDE, vraiment ? La France recule dans les classements internationaux en matière de lutte contre le blanchiment et la corruption. La France doit s'armer, et si la baisse des seuils est une arme qui va dans le bon sens, votons-la.

L'amendement n°226 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°136 rectifié bis de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Facilitons la coordination des agents en matière d'enquêtes multilatérales. Nous devons encourager la coopération internationale en cas de fraude.

M. le président.  - Amendement identique n°147 rectifié bis de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Bernard Buis.  - Permettons aux agents français d'assister à des contrôles dans les pays partenaires, et réciproquement.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - L'inscription dans le livre des procédures fiscales est-elle opportune ? Je sollicite l'avis du Gouvernement.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Ces amendements renforceront la coopération avec les pays étrangers. Avis favorable.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nos136 rectifié bis et 147 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°258 rectifié de M. Grégory Blanc et Mme Goulet.

M. Grégory Blanc.  - Instaurons pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés une obligation de déclaration annuelle de tous leurs comptes bancaires à l'étranger, sans condition de seuil.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Dans le cadre de la proposition de loi Goulet sur le blanchiment, une disposition comparable a été adoptée, dont l'entrée en vigueur a été différée, pour laisser le temps aux organisations de s'adapter. Laissons cette proposition de loi suivre le cours de la navette. Retrait.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Monsieur le ministre, l'amendement a été voté dans un texte pour lequel vous avez fort heureusement déclenché la procédure accélérée. Je propose de retirer l'amendement n°258 rectifié au profit de ce qui a déjà été voté. (M. Grégory Blanc y consent.)

L'amendement n°258 rectifié est retiré.

L'article 20 bis (appelé en priorité) est adopté.

Article 20 ter (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°56 de M. Delcros.

L'amendement rédactionnel n°56, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°146 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Bernard Buis.  - Pour qu'elles soient contrôlées par l'administration fiscale, les données des systèmes de caisse doivent être exportables. Simplifions la procédure en rendant obligatoire l'utilisation d'un format informatique standard.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Pas d'opposition sur le fond, mais cette mesure pourrait se traduire par des contraintes trop importantes pour les commerçants. Sagesse.

M. David Amiel, ministre délégué.  - De nombreux formats sont utilisés, ce qui engendre des coûts et de la complexité - de stockage et d'exploitation. Il faudra travailler avec le secteur de l'édition de logiciels de caisse. Avis favorable.

L'amendement n°146 rectifié est adopté.

L'article 20 ter (appelé en priorité), modifié, est adopté.

Après l'article 20 ter (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié ter de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Il n'y a jamais assez de dispositions de lutte contre la fraude fiscale, n'est-ce pas... en voici donc une nouvelle. Préservons la portée effective des décisions rendues par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation en matière de visites domiciliaires et dématérialisons l'établissement du procès-verbal des visites et de l'inventaire annexé.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié septies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Suite logique de l'amendement précédent : il s'agit de faciliter les opérations matérielles dans le cadre des visites domiciliaires. Les procès-verbaux seront établis de façon dématérialisée.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis favorable à l'amendement n°75 rectifié ter ; l'amendement n°9 rectifié septies est satisfait par le premier ; la commission en demande le retrait.

M. David Amiel, ministre délégué.  - L'amendement n°75 rectifié ter est utile. Retrait de l'amendement n°9 rectifié septies au profit du premier.

Mme Nathalie Goulet.  - Je retire mon amendement n°9 rectifié septies au profit de l'amendement n°75 rectifié ter.

L'amendement n°75 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°9 rectifié septies est retiré.

L'article 20 quater (appelé en priorité) est adopté.

Avant l'article 23 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié octies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Adaptons notre législation aux cryptoactifs en facilitant le délai de reprise de dix ans - l'identification de la blockchain prend du temps.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est satisfait par la combinaison de différentes dispositions existantes. Retrait, sinon avis défavorable.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Nous partageons votre intention, mais il faut retravailler cet amendement. Retrait ?

Mme Nathalie Goulet.  - Je veux bien le retirer, mais la définition d'un portefeuille de cryptoactifs ratione loci me semble aventureuse.

L'amendement n°32 rectifié octies est retiré.

L'article 23 (appelé en priorité) est adopté.

Après l'article 23 (Appelé en priorité)

M. le président.  - Amendement n°137 rectifié de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour renforcer la transparence sur les biens détenus par des entités non-résidentes, nous supprimons l'option d'engagement prévue dans le cadre de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France en lieu et place d'une déclaration.

M. le président.  - Amendement identique n°138 rectifié bis de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Bernard Buis.  - Défendu.

Les amendements identiques nos137 rectifié et 138 rectifié bis, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°142 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.

M. Bernard Buis.  - Portons à trois ans le délai de reprise sur les fraudes à la taxe sur les résidences secondaires (THRS), afin de sécuriser les ressources des collectivités territoriales et d'éviter que certains redevables échappent à l'imposition.

M. le président.  - Sous-amendement n°280 de Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - À la suite de l'adoption de l'article 110 de la loi de finances pour 2025, le champ d'application de la THRS a été recentré sur les seules habitations. Les locaux non affectés à l'habitation doivent donc être supprimés.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Avis favorable au sous-amendement n°280 et à l'amendement n°142 rectifié.

M. David Amiel, ministre délégué.  - Avant de céder ma place à Charlotte Parmentier-Lecocq, je souhaite préciser la position du Gouvernement, à la suite de l'examen cet après-midi de l'amendement n°24 de M. Lurel.

Dans les affaires de fraude fiscale, le Gouvernement n'est pas favorable à octroyer la qualité de partie civile aux associations agréées depuis plus de cinq ans dont les statuts prévoient de lutter contre la corruption. Leur intérêt à agir n'est pas assimilable à celui des syndicats ou des organisations professionnelles ; en outre, l'administration fiscale joue le rôle d'une partie civile particulière en la matière.

J'émets un avis favorable au sous-amendement n°180 et à l'amendement n°142 rectifié.

Le sous-amendement n°280 est adopté. L'amendement n°142 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié sexies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Un avis favorable avant de partir, monsieur le ministre ? (Sourires) Les saisies administratives doivent aussi porter sur les comptes de cryptoactifs.

M. Bernard Delcros, rapporteur pour avis.  - Voici un excellent amendement, mais les cryptomonnaies peuvent déjà être saisies : le Gouvernement le confirme-t-il ?

M. David Amiel, ministre délégué.  - Non. Nous sommes évidemment favorables à ces saisies, mais, en l'état du droit, les cryptoactifs ne sont assimilables ni à des monnaies ni à des sommes d'argent. La mesure proposée ne fonctionne pas si une vente préalable n'est pas organisée pour permettre à l'administration de disposer d'une monnaie légale. Il faut travailler cette question au cours de la navette. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je retire mon amendement, mais, encore une fois, nous avons vraiment besoin d'un rapport sur les cryptomonnaies, comme l'a demandé notre collègue Savoldelli.

L'amendement n°31 rectifié sexies est retiré.

M. le président.  - Nous reprenons le cours normal de la discussion.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié duodecies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Renforçons l'efficacité financière des contrôles par une appréciation plus fine du patrimoine des assurés, en élargissant l'accès des bases de la DGFiP aux agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis favorable. Cet amendement est pertinent pour instruire les demandes d'aides sociales ou de bourses scolaires, notamment.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et des personnes handicapées.  - L'article L. 158 A du livre des procédures fiscales permet déjà aux services accordant des prestations de se faire communiquer par l'administration fiscale les renseignements nécessaires au contrôle des déclarations patrimoniales. Avant d'ouvrir les bases de données patrimoniales de la DGFiP, une démarche loin d'être anodine, les équipes de Bercy et du ministère de l'Europe et des affaires étrangères doivent travailler ensemble pour améliorer les circuits d'information actuels. Votre amendement est prématuré ; retrait ?

Mme Nathalie Goulet.  - Je suis le rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». Le service fraudes du ministère de l'Europe et des affaires étrangères rencontre des difficultés et manque d'outils. Sur mon initiative, nous avons voté un amendement similaire - l'amendement n°8 rectifié quater - lors de l'examen de la proposition de loi Lutte contre toutes les fraudes aux aides publiques.

C'est très important. Nous ajusterons les choses au cours de la navette. Les personnes souhaitant venir en France doivent faire preuve de leur capacité contributive lors de leur demande de visa. Les organismes sociaux veulent accéder à ces informations avant de leur verser ces aides. Je maintiens cet amendement.

M. Michel Masset.  - Mme Briante Guillemont s'oppose à l'amendement n°4 rectifié duodecies et à l'amendement n°5 rectifié nonies, car tous deux stigmatisent les Français établis hors de France. Les dossiers de demande d'aide sociale et de bourse sont déjà intrusifs. Les agents du consulat réalisent systématiquement des visites à domicile pour vérifier le niveau de vie des demandeurs.

Ces amendements entraîneront des renoncements aux droits et une absence d'inscription au registre des Français de l'étranger. Les familles renonceront à inscrire leurs enfants dans les lycées français et leur préféreront les établissements locaux, moins onéreux. Mais les enfants perdront le lien avec la France. Enfin, l'outil serait inefficace, car on peut être français sans avoir vécu en France.

L'amendement n°4 rectifié duodecies est adopté.

M. le président.  - Amendement n°281 de M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement rédactionnel n°281, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°178 rectifié bis de Mme Sollogoub et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Le code de l'action sociale et des familles (CASF) autorise les départements à récupérer les sommes versées lors de la succession.

Dans la pratique, ces informations ne peuvent être obtenues qu'auprès des héritiers, des bénéficiaires ou des assureurs. L'administration fiscale dispose toutefois de ces informations par l'intermédiaire du fichier des contrats de capitalisation et d'assurance vie (Ficovie). Autorisons le partage ciblé des informations entre les services fiscaux et départementaux pour faciliter les recouvrements.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis favorable. Cela donnera aux départements des moyens supplémentaires pour réaliser des récupérations sur succession.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - L'article L.132-8 du CASF autorise déjà de telles récupérations. Cela dit, cette loi de recours est inopérante, car la transmission d'informations n'est valable que lors de l'instruction de la demande d'aide sociale ou lors de la radiation éventuelle du bénéficiaire.

Cette proposition de mise en cohérence semble logique. En revanche, prévoir un accès direct au Ficovie n'est pas opportun, car ces bases contiennent des informations sensibles. Bercy et les départements devraient d'abord échanger ensemble à ce sujet.

Enfin, octroyer un accès direct de ce fichier aux départements créerait de nombreuses difficultés techniques. Retrait ?

Mme Nadia Sollogoub.  - Je maintiens mon amendement. Je souhaite non pas ouvrir un accès direct au Ficovie pour les agents des départements, mais décloisonner les relations entre les départements et l'administration fiscale.

L'amendement n°178 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°197 rectifié de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - L'article 2 étend le droit d'accès des organismes de sécurité sociale aux bases de données patrimoniales. Au regard du caractère personnel des données consultées, nous devons prévoir une formation adéquate pour les agents concernés, par l'intermédiaire d'un décret en Conseil d'État.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - L'accès aux bases de données permet une meilleure connaissance du patrimoine pour lutter contre la fraude, un objectif à valeur constitutionnelle. Le dispositif a reçu un avis favorable de la Cnil. Tout nouvel accès doit être limité aux besoins des missions des agents compétents.

La Cnil sera consultée sur la mise à jour des actes réglementaires en vue de préciser les catégories des agents concernés, comme les modalités d'accès. Le Gouvernement partage votre souci de protéger les données à caractère personnel. Cette formation semble relever davantage de la bonne coopération entre services que de la loi ou du règlement. Toutefois, sagesse.

L'amendement n°197 rectifié est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°187 rectifié quater de Mme Sollogoub et alii.

Mme Nadia Sollogoub.  - Lors d'un décès, le médecin établit un certificat, qui est transmis à la mairie du lieu de décès, laquelle doit la faire suivre à la mairie du lieu de résidence.

Les familles doivent toutefois prévenir les administrations, qui n'ont pas connaissance de l'événement. Sans ces démarches, la personne décédée est toujours réputée vivante. Cela ouvre la voie à des comportements frauduleux. La France promeut le dispositif « dites-le-nous une fois » (DLNUF) ; nous pourrions alléger la charge administrative dans un moment douloureux.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Cet amendement oblige la mairie où le décès a lieu de transmettre sans délai l'acte de décès aux administrations. Nous sommes favorables à l'intention des auteurs de l'amendement. Toutefois, au regard de la charge de travail supplémentaire, avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. Cette transmission d'informations n'est pas utile, car les mairies adressent chaque mois des bulletins à l'Insee afin de mettre à jour le répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP).

Cette proposition représenterait en outre une surcharge administrative.

Mme Nadia Sollogoub.  - Je suis consciente de la charge supplémentaire pour les agents municipaux ; il faudrait imaginer un dispositif simple et automatisé.

À la suite de l'avis de la commission, l'amendement a été modifié. La transmission n'est plus exigée sans délai : elle sera déterminée par décret, pour laisser de la souplesse dans la mise en oeuvre de la mesure.

L'amendement n°187 rectifié quater n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°216 rectifié sexies de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Autorisons les agents désignés et dûment habilités des services préfectoraux à accéder au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) - les agents de plusieurs administrations, à l'instar de la police ou de la direction générale du travail, entre autres, disposent déjà de l'accès à ce fichier.

L'accès au RNCPS permettrait aux agents préfectoraux d'effectuer un contrôle supplémentaire lors de l'instruction des demandes de titres de séjour.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Avis favorable, car c'est un amendement utile.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le RNCPS permet d'obtenir en temps réel des informations sur les assurés. Si un assuré a des droits ouverts dans un organisme, le fichier recense les prestations qui lui sont versées et contient donc des informations personnelles.

Or le RGPD et la loi Informatique et libertés prévoient des garanties importantes en matière de traitement des données personnelles.

Votre amendement ne précise pas les modalités d'accès des agents préfectoraux à ce registre. Je propose que les services compétents travaillent à la définition d'un cadre sécurisé et conforme au droit de la protection des données personnelles. Retrait ?

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Pourquoi cette facilité est-elle accordée aux douanes et pas aux services préfectoraux ? L'octroi d'un titre de séjour confère l'accès à certaines aides sociales. Cet amendement s'inscrit parfaitement dans le cadre de ce texte.

Votons-le et améliorons sa rédaction au cours de la navette, puisque vous reconnaissez qu'il a des effets positifs, madame la ministre. (M. Olivier Rietmann acquiesce.)

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Savez-vous le temps qu'il faut pour obtenir un titre de séjour ? (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.) Plusieurs mois...

M. Laurent Burgoa.  - Ce n'est pas le sujet...

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est une honte. Avant, les gens faisaient la queue en préfecture. Cela faisait mauvais genre, surtout lorsque des habitations bourgeoises se trouvaient non loin des préfectures. (Protestations à droite)

Désormais, les procédures sont dématérialisées : on ne voit plus rien. Des travailleurs qui disposent déjà d'un titre de séjour se retrouvent en situation irrégulière en raison de la lenteur des démarches de renouvellement. Résultat : ils sont susceptibles de faire l'objet d'une OQTF. (M. Olivier Rietmann ironise.)

L'amendement n°216 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°215 rectifié sexies de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement renforce la lutte contre la fraude aux prestations sociales en inscrivant dans le RNCPS les personnes ayant été sanctionnées à titre définitif pour fraude caractérisée. Cette mention accessible uniquement aux agents habilités et limitée à dix ans permet de détecter les fraudeurs lors de l'instruction des demandes d'aides sociales. Les collectivités territoriales y trouveraient un intérêt lors de l'instruction des demandes de logements sociaux : elles doivent pouvoir s'assurer de la sincérité des candidats.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Voici une proposition intéressante : avis favorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Retrait, sinon avis défavorable. Ce répertoire est un outil visant à garantir le versement de la juste prestation et lutter contre les erreurs et les fraudes sociales. Il n'est pas conçu pour véhiculer des informations sensibles sur les sanctions prononcées pour fraude. Or le RGPD, la loi Informatique et libertés et la directive « Police Justice » prévoient des garanties importantes pour la protection des données personnelles.

Partager les informations sur une sanction définitive ou une condamnation nécessiterait en outre des travaux juridiques et informatiques importants. Retrait ?

Mme Silvana Silvani.  - Quand il s'agit d'entreprises qui commettent une fraude avérée, vous leur faites payer une amende et les impôts dus, mais vous refusez de les sanctionner davantage. (Mme Raymonde Poncet Monge et M. Guillaume Gontard renchérissent.) Pour les individus, vous proposez d'inscrire les fraudes qu'ils ont commises dans leur dossier : c'est le deux poids, deux mesures ! Nous le pressentions avant l'examen de ce texte...

L'amendement n°215 rectifié sexies est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°183 rectifié bis de M. Fargeot et alii.

M. Daniel Fargeot.  - Le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) est l'un des outils les plus efficaces de lutte contre la fraude.

Pourtant, les organismes sociaux en première ligne, tels que la Cnaf et France Travail, notamment, n'y ont pas accès. La Cour des comptes le dit depuis des années : ne pas leur donner cet accès est se priver d'un outil essentiel. Cet amendement y remédie.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Les caisses de la sécurité sociale ont déjà accès au Ficoba. L'amendement est satisfait.

Madame Silvani, l'un de nos amendements crée une « liste noire » des entreprises commettant des fraudes. Contrairement à ce que vous avez dit, nous traitons de la même manière la fraude des entreprises et celle des particuliers.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Les amendements nos139 rectifié de M. Iacovelli et 149 rectifié de Mme Goulet, déjà adoptés, prévoient l'ouverture du Ficoba aux organismes nationaux de sécurité sociale, soit un périmètre plus large que ce que vous proposez. Votre amendement est donc satisfait : retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°183 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié octies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Les plateformes électroniques de services à la personne recourent massivement au régime de microentreprises tout en se présentant comme de simples intermédiaires numériques.

Resserrons le contrôle de ces microentreprises, qui sont souvent des sociétés éphémères, voire des sociétés « jetables ».

M. le président.  - Amendement identique n°204 rectifié ter de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - L'instauration par la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2023 d'un mécanisme de précompte résout déjà une partie du problème. L'ajout prévu dans le cadre du PLFSS pour 2026 concerne toutes les plateformes. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le Gouvernement partage votre objectif de lutte contre la sous-déclaration, que l'on observe parfois chez les micro-entrepreneurs, surtout lorsque ceux-ci réalisent une partie de leur activité via des plateformes numériques. C'est pourquoi nous souhaitons que ces dernières prélèvent directement les cotisations sociales dues par les micro-entrepreneurs.

Le dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2027. Le mécanisme de solidarité financière n'aura dès lors plus d'utilité, puisque les plateformes seront responsables en lieu et place du micro-entrepreneur. En cas de défaut de transmission, la loi prévoit des sanctions - jusqu'à 7 500 euros pour les prestataires et plateformes. Retrait ?

Les amendements identiques nos15 rectifié octies et 204 rectifié ter sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié nonies de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous dotons les agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'un accès aux informations sur le niveau de ressources des demandeurs d'aides sociales auprès des services consulaires.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - Est-ce nécessaire, au regard de la loi récemment votée ? Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - L'amendement est satisfait par l'article L.158 A du livre des procédures fiscales et par l'arrêté du 10 novembre 2010. Les services en charge de l'instruction des aides sociales peuvent accéder à l'API afin de détecter d'éventuelles incohérences avec le dossier de demande d'aide.

Il n'est pas souhaitable de citer les services consulaires à l'article L.152 du livre des procédures fiscales qui ne concerne que les organismes chargés d'un régime obligatoire de sécurité sociale. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je retire l'amendement, pour le retravailler d'ici au PLFSS.

L'amendement n°5 rectifié nonies est retiré.

M. le président.  - Amendement n°185 rectifié ter de M. Fargeot et alii.

M. Daniel Fargeot.  - Les chiffres de la fraude sont toujours à la louche. Chaque organisme a sa méthode - ou pas de méthode du tout. Certaines branches refusent de produire des estimations fiables.

Une publication homogène, une fois par an, avec une méthodologie commune, permettant l'audit par la Cour des comptes : c'est une exigence minimale pour piloter une politique publique.

Comment lutter contre la fraude si l'on n'en connaît pas l'ampleur ? Il faut des indicateurs sincères et homogènes.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur.  - L'amendement est largement satisfait par les publications régulières des caisses nationales, que nous auditionnons régulièrement. Plusieurs ont créé des cellules de lutte contre la fraude. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Dans le cadre du plan ministériel de lutte contre la fraude sociale de 2020, puis du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques de 2023, les caisses de sécurité sociale ont engagé un effort important pour évaluer le manque à gagner lié à la fraude. Le HCFiPS évalue les sommes en jeu à 13 milliards d'euros par an ; le Premier ministre a chargé le Haut Conseil d'une mission de suivi. Des travaux seront publiés dans ce cadre. Les caisses nationales publient en outre des bilans de leurs programmes de lutte contre la fraude, qui sont présentés dans la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.

Un rapport supplémentaire n'apparaît pas utile. Retrait ?

M. Daniel Fargeot.  - Les organismes publient des chiffres, mais les méthodes diffèrent, ce qui empêche l'analyse.

Mme Nathalie Goulet.  - La Cour des comptes ne valide pas les comptes de la sécurité sociale, en raison du manque de fiabilité des chiffres - nous avons toujours 2,5 millions d'assurés en trop par rapport aux chiffres de l'Insee...

On ne peut continuer à fonctionner ainsi au doigt mouillé. Je voterai cet amendement de bon sens.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La Cour des comptes ne certifie pas les comptes de la branche famille - c'est une branche sur cinq.

On a désormais une meilleure connaissance de la fraude sociale, estimée entre 13 et 15 milliards d'euros. J'aimerais que la fourchette soit aussi précise pour la fraude fiscale ! Or vous avez repoussé l'amendement du groupe CRCE-K qui demandait que la Cour des comptes se penche sur l'évaluation de la fraude fiscale. Raison de plus pour ne pas voter le vôtre.

L'amendement n°185 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 4

Mme Anne-Sophie Romagny .  - Nous souhaitons une action publique plus efficace contre la fraude sociale, qui mine la confiance. Nos administrations travaillent en silo. D'où des failles, que les fraudeurs exploitent. Ordres des professions de santé et caisses de sécurité sociale doivent mieux coopérer, sans se renvoyer la balle. L'État doit mieux se parler à lui-même pour servir les Français.

M. le président.  - Amendement n°283 de Mme Puissat et M. Henno, au nom de la commission des affaires sociales.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Il s'agit ici de mieux récupérer, en introduisant l'obligation pour les caisses de sécurité sociale de se constituer partie civile en cours de procédure.

M. le président.  - Amendement n°155 de M. Durox et alii.

M. Christopher Szczurek.  - Défendu.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Avis favorable à l'amendement n°283, qui a été travaillé avec mes services. Il renforce les obligations qui pèsent sur les caisses afin de s'assurer d'une bonne indemnisation des préjudices résultant des fraudes.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis favorable sur l'amendement n°283, mais défavorable sur l'amendement n°155, source d'ambiguïté en ce qu'il mentionne les suites données par le procureur de la République.

L'amendement n°283 est adopté. En conséquence, l'amendement n°155 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°206 rectifié de M. Chasseing et alii.

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Il s'agit de garantir une coordination optimale entre la CPAM, l'employeur et l'organisme assureur afin d'autoriser la suspension simultanée des versements d'indemnités en cas de fraude avérée, à la suite de l'article 26 de la LFSS pour 2025.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable. Les garanties collectivisées ne couvrent pas le risque de maladie ou d'accident du travail ; il n'y a pas lieu de transmettre aux assureurs cette information.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le code de la sécurité sociale prévoit que la CPAM informe l'employeur en cas de suspension des indemnités journalières pour arrêt de travail frauduleux ou non justifié. Vous demandez ici la notification par l'employeur de la suspension à l'organisme complémentaire qui gère le régime de prévoyance de l'entreprise.

Une telle mesure est déjà prévue, l'amendement n°120 des rapporteurs ayant instauré l'information par l'employeur de l'organisme complémentaire. Votre amendement est donc satisfait. Retrait ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Les complémentaires remboursent après l'assurance maladie obligatoire : elles sont donc forcément informées de la cessation des indemnités journalières. L'amendement est plus que satisfait, il est inutile...

L'amendement n°206 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°220 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Céline Brulin.  - Nous supprimons l'article 5, qui ouvre une brèche en autorisant les complémentaires à accéder à des données médicales aujourd'hui strictement encadrées par le secret médical. C'est une dérive dénoncée tant par l'Ordre national des médecins que par la Défenseure des droits. La Cnil exige que la mutualisation de données sensibles à des fins de détection de fraude repose sur une nécessité démontrée et proportionnée - or la fraude aux complémentaires santé représente 0,1 % des remboursements. On sacrifie la confidentialité médicale pour un rendement dérisoire, pendant que la véritable fraude échappe à tout contrôle !

Rappelons que la violation du secret médical est sanctionnée par une peine maximum d'un an de prison et 15 000 euros d'amendes.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 5 permet de sortir de la logique en silo entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. Il reprend les travaux de Corinne Imbert, adoptés dans le PLFSS l'an dernier avant d'être censurés comme cavalier social.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Je veux rassurer Mme Brulin. Le projet de loi prévoit des dérogations au secret médical très limitées et entourées de garanties strictes. Les professionnels ou établissements de santé pourront adresser aux complémentaires des données aux seules fins de mettre en oeuvre le tiers payant, et pour les seuls contrats relatifs au remboursement des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.

Les données concernées sont limitées au code dit détaillé des actes et des prestations. Un décret en Conseil d'État, après avis de la Cnil, précisera les catégories de données pouvant être communiquées.

Les données ne seront transmises qu'en cas de contrôle mettant en évidence des faits de nature à présumer des cas de fraude grave. Elles seront limitées aux informations strictement nécessaires.

Les personnels habilités à accéder ou à traiter ces données sont soumis au secret professionnel. S'agissant des données transmises par dérogation au secret médical, seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité y auront accès. Il y aura là encore un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil.

Enfin, la Cnil a estimé que les garanties associées à ces traitements étaient de nature à protéger les droits et libertés des personnes. Le Conseil d'État n'a pas formulé d'observation. Avis défavorable.

Mme Marion Canalès.  - La Cnil a indiqué qu'il fallait revoir le cadre juridique.

La question est de savoir si le jeu en vaut la chandelle. En cinq ans, il y a eu 177 signalements ; on en attend 1 million d'euros, c'est peu au regard du risque de dérogation au secret médical, qui n'est pas une mince affaire.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - La longueur de la réponse de Mme la ministre montre qu'ouvrir aux complémentaires l'accès à ces données n'est pas anodin. D'autant qu'il ne s'agit pas que des mutuelles, mais aussi des assureurs privés, qui sélectionnent leurs assurés selon l'état de santé. Ils pourront d'autant mieux peaufiner leur stratégie de marché différencié. Mme la ministre se veut rassurante, mais l'inquiétude demeure. Ouvrir ainsi l'accès aux données de santé, effectivement, ce n'est pas une mince affaire !

L'amendement n°220 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°208 rectifié de M. Chasseing et alii.

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Cet amendement précise que les parties prenantes doivent privilégier les données sous forme de codes regroupés et non détaillés, afin de préserver la confidentialité des données de santé. Il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer les catégories de données précises pour le traitement de données de santé aux fins de vérification des fraudes.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Interdire le traitement des prescriptions et ordonnances par les organismes de sécurité sociale revient à les priver de la principale source d'information quant aux fraudes possibles. Rassurez-vous, l'article prévoit un encadrement drastique de ces traitements. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le Gouvernement partage votre préoccupation : il convient en effet de limiter au strict nécessaire l'accès à de telles données. Nous privilégions le traitement des codes regroupés et non détaillés.

Les données plus précises, telles que les prescriptions et ordonnances, peuvent être nécessaires au contrôle du respect des contrats. Ainsi, en matière d'optique, une ordonnance peut s'avérer nécessaire pour attester de l'évolution de la vue. Le décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil, précisera les catégories de données concernées. La Cnil comme le Conseil d'État ont estimé que les garanties nécessaires étaient apportées. Avis défavorable.

L'amendement n°208 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°299 de M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement rédactionnel n°299, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°97 de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Pour la préservation du secret médical, il faut restreindre aux médecins des organismes complémentaires, et aux personnels placés sous leur autorité en charge du contrôle médical, l'accès aux données personnelles. Le partage d'information doit respecter le principe de protection des données du patient. La fonction de médecin-conseil impose une prudence renforcée.

M. le président.  - Amendement n°207 rectifié de M. Chasseing et alii.

Mme Marie-Claude Lermytte.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°180 rectifié de Mme Micouleau et alii.

M. Jean Sol.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°221 de Mme Silvani et du groupe CRCE-K.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Amendement de repli.

Étendre à des acteurs privés lucratifs l'accès aux données de santé - qui touchent à l'intime et à la vie privée - est une dangereuse dérive. Remplaçons au moins la notion trop large de professionnel de santé par celle, plus protectrice, de médecin-conseil.

La Cnil, comme la Défenseure des droits, ont rappelé que tout élargissement de l'accès à ces fichiers doit être strictement encadré et justifié par un intérêt public proportionné. Or vous ouvrez la porte à des acteurs à vocation commerciale et non médicale.

M. le président.  - Amendement n°101 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Côté assurance maladie, seuls les médecins-conseils et les personnels sous leur autorité ont accès à ces données. Il faut le même cadrage pour les complémentaires. Nous ajoutons les pharmaciens-conseils et les dentistes-conseils, à la suite d'une remarque de Mme Micouleau en commission.

M. le président.  - Amendement n°276 rectifié de M. Patient et alii.

M. Bernard Buis.  - Défendu.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - C'est une mauvaise idée. Le dispositif actuel est encadré, avec habilitation du personnel concerné et strict respect du secret médical. En s'en tenant aux seuls médecins-conseils, on priverait les organismes de sécurité sociale de l'apport des pharmaciens-conseils, des dentistes-conseils, voire des opticiens-conseils, précieux dans des secteurs très fraudogènes. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - C'est exactement ce que prévoit l'article 5 : seuls des professionnels de santé et les personnels placés sous leur autorité, chargés du contrôle médical, ont accès aux données à caractère personnel. C'est le même statut que les praticiens-conseils de la Cnam, avec des obligations déontologiques fortes. Votre amendement est donc satisfait. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°97 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos207 rectifié, 180 rectifié, 221, 101 et 276 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°61 rectifié bis de M. Chasseing et alii.

Mme Marie-Claude Lermytte.  - L'article L.315-2 du code de la sécurité sociale prévoit qu'en cas de suspension des indemnités journalières, la CPAM en informe l'employeur. Aucune information n'est transmise à l'organisme complémentaire. Cet amendement y remédie, afin de renforcer la lutte contre les abus et fraudes aux arrêts de travail.

M. le président.  - Amendement n°201 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - La commission a introduit un amendement obligeant l'employeur à informer l'organisme de prévoyance de l'entreprise en cas de suspension des indemnités journalières (IJ).

Les charges administratives pesant sur les entreprises sont déjà lourdes : la CPAM, qui informe l'entreprise, ne peut-elle informer également l'organisme de prévoyance ? Cela simplifierait la vie de tous.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amendement n°61 rectifié bis est satisfait par celui de la commission et l'amendement n°201 rectifié conduirait à un désarmement de la lutte contre la fraude.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Effectivement, l'amendement n°61 rectifié bis est satisfait par celui de la commission. Pour l'amendement n°201 rectifié, les solutions proposées soulèvent des difficultés techniques et financières, dans un contexte de forte contrainte budgétaire. (Mme Nathalie Goulet s'exclame.) Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai l'amendement de M. Canévet. On ne peut pas se satisfaire de cette organisation en tuyaux d'orgue ! Arrêtons de charger la mule des entreprises ! Je ne comprends pas la position du Gouvernement.

M. Daniel Fargeot.  - On ne peut dire que l'on veut lutter contre la fraude et refuser de mettre en place les outils les plus élémentaires.

M. Michel Canévet.  - Les propos de Mme la ministre m'étonnent. Faute de simplifier, où allons-nous ? Pas dans le bon sens, si l'on rajoute des charges aux entreprises... Pourquoi ce qui est possible pour les complémentaires santé ne le serait-il pas pour les organismes de prévoyance ?

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Vous parlez d'une fraude fictive, un fantasme. (On s'en offusque à droite.) Je ne connais pas d'organisme complémentaire qui aurait versé des IJ que l'assurance maladie n'aurait pas payées... Ça n'existe pas. Vous brassez du vent !

L'amendement n°61 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°201 rectifié.

L'article 5 est adopté.

Après l'article 5

M. le président.  - Amendement n°92 rectifié de Mme Le Houerou et du groupe SER.

Mme Annie Le Houerou.  - Cet amendement crée un système de signalement commun entre l'assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires pour que les assurés déclarent toute fraude ou tentative de fraude comme une usurpation d'identité.

Le compte Ameli signale déjà les actes suspects. En 2024, l'assurance maladie a mis un terme à 628 millions d'euros de fraude, grâce à la mobilisation de tous les acteurs.

M. le président.  - Amendement n°102 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est presque le même. Nous reprenons l'une des recommandations du rapport « Charges et produits pour 2026 » de l'assurance maladie.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - Vous proposez des conventions à la carte, qui risquent de diminuer l'efficacité des contrôles. Les acteurs ont besoin d'un cadre commun. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. Associer les assurés, par leur vigilance à l'égard de la fraude, est une bonne idée. Un circuit de signalement a ainsi été développé par la Cnam : les assurés peuvent visualiser les actes facturés et identifier les demandes indues ; et depuis fin septembre, ils reçoivent un mail. Mettre en oeuvre en parallèle un système de signalement avec les complémentaires serait redondant et très coûteux. Améliorons plutôt les projets déjà lancés. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°92 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°102.

M. le président.  - Amendement n°140 rectifié de M. Iacovelli et du RDPI.

Mme Nadège Havet.  - Autorisons la transmission sécurisée des informations fiscales aux organismes de prévoyance ou de retraite complémentaire pour simplifier les démarches et garantir l'application du bon taux de CSG ou de CRDS.

M. Olivier Henno, rapporteur.  - En transmettant le bon taux de CSG, on réduit la charge administrative des organismes et on fiabilise le recouvrement : avis favorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. Les revenus de remplacement versés par ces organismes sont effectivement soumis à la CSG, à la CRDS et à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa). La transmission par l'administration fiscale du taux à appliquer évitera les démarches a posteriori.

L'amendement n°140 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Le Gouvernement demande que la discussion de l'article 8 et des amendements additionnels après l'article 8 soit réservée jusqu'à demain matin, afin que Jean-Pierre Farandou soit présent.

M. Alain Milon, au nom de la commission.  - Avis favorable.

La réserve est ordonnée.