Mardi 25 janvier 2022

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, et de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Énergie, climat, transports - Paquet « Ajustement à l'objectif 55 » - Communication

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. -Le Sénat est saisi d'un ensemble de textes européens que l'on désigne comme le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » : il s'agit d'une dizaine de textes présentés par la Commission européenne, le 14 juillet 2021, pour mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat ». Ce paquet sera l'un des axes importants de la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui vient de s'ouvrir pour six mois.

Les textes qui seront finalement adoptés au niveau européen auront des conséquences majeures pour nos entreprises et nos concitoyens. C'est pourquoi il est essentiel que le Sénat fasse connaître sa position sur ces propositions de la Commission européenne dont l'examen a débuté au Conseil des ministres de l'Union européenne et parallèlement au Parlement européen. Ces négociations vont s'accélérer durant ce semestre où la France préside ce Conseil : pour pouvoir peser sur ces négociations, le Sénat doit rapidement adopter une résolution européenne portant sur le contenu de ce paquet, au risque sinon d'arriver après la bataille.

La résolution européenne indiquera au Gouvernement les orientations politiques auxquelles tient le Sénat et signalera les points durs à tenir au long de la négociation des textes proposés par la Commission ; cette négociation va, d'abord, se faire entre les Vingt-Sept au sein du Conseil, puis, une fois l'accord politique trouvé au Conseil et les positions du Parlement européen connues, entre le Conseil et le Parlement européens, dans le cadre des trilogues. La suspension des travaux parlementaires fin février resserre encore la contrainte de calendrier.

Le paquet de textes « Ajustement à l'objectif 55 », que j'appellerai par commodité « Paquet 55 », est construit d'une manière qui appelle le Sénat à se positionner sur l'ensemble des textes qu'il contient, car ils présentent entre eux des interactions - et c'est leur conjonction qui doit permettre à l'Union européenne de se conformer à ses objectifs climatiques : réduire d'ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % par rapport à 1990 et atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. Le Conseil lui-même refuse de scinder la négociation qui est donc prévue sur l'ensemble du paquet, même si ce dernier touche à divers sujets : énergie, transports, logement, utilisation des terres, qui ressortent de plusieurs de nos commissions permanentes. Nous l'avons bien mesuré, la semaine dernière, en commission des affaires européennes, en entendant nos deux rapporteurs, Marta de Cidrac et Jean-Yves Leconte, présenter l'architecture d'ensemble du paquet. Notre commission des affaires européennes avait déjà entrepris de se pencher sur le sujet. C'est pourquoi j'ai proposé à Sophie Primas et à Jean-François Longeot, respectivement présidente de la commission des affaires économiques et président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, une méthode de travail qui nous conduit à tenir cette réunion conjointe entre nos deux commissions, comme se tiendra demain une réunion commune entre la commission des affaires européennes et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

L'objectif est de permettre à ces deux commissions, par la voie du binôme de rapporteurs qu'elle a désignés, de faire valoir au mieux les points de vue en présence, dans un cadre temporel contraint à la fois par le calendrier européen et par les élections nationales qui nous empêchent d'envisager un débat en séance publique sur ce sujet pourtant majeur.

Je vous propose aujourd'hui d'entendre les rapporteurs de la commission des affaires européennes exposer le schéma d'ensemble du « paquet 55 » et ses enjeux, avant que nos commissions en débattent. Après cette réunion, les rapporteurs des trois commissions vont poursuivre ensemble leurs travaux ; l'objectif est qu'ils parviennent à élaborer de concert une proposition de résolution européenne qui serait présentée lors d'une réunion conjointe de ces trois commissions le jeudi 24 février et deviendrait ensuite résolution européenne du Sénat.

Cette démarche concertée devrait nous permettre de faire valoir une position sénatoriale unique et lisible dans des délais appropriés, pour peser efficacement dans les négociations à Bruxelles.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Alors que la France vient de prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne, l'actualité européenne est très riche dans le domaine de l'énergie.

Des négociations importantes se poursuivent sur la « taxonomie verte », pour laquelle le Sénat a adopté, en décembre dernier, une résolution en faveur de l'inclusion de l'énergie nucléaire, à l'initiative de ses commissions des affaires économiques et des affaires européennes.

Je souhaite sincèrement que le Gouvernement parvienne à infléchir le projet d'acte délégué présenté par la Commission européenne : en effet, le statut transitoire proposé n'est pas du tout satisfaisant. L'énergie nucléaire devrait être assimilée à une activité durable, car ses émissions de gaz à effet de serre sont minimes et son impact environnemental maîtrisé, comme l'a estimé le rapport du Centre commun de recherche (CRC) de la Commission européenne. L'énergie nucléaire ne devrait pas être mise sur le même plan que le gaz naturel, car ses émissions sont soixante-dix fois inférieures, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Le Gouvernement doit réagir, rapidement et fortement, car l'énergie nucléaire est indispensable pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Sans une « taxonomie verte » infléchie, il est illusoire d'espérer réaliser le paquet « Ajustement à l'objectif 55 ». Pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux, il faut se donner les moyens énergétiques suffisants. Sans énergie nucléaire, point de salut pour le climat...

Nos collègues Daniel Gremillet et Dominique Estrosi Sasonne suivent, en tant que rapporteurs pour la commission des affaires économiques, le volet « Énergie » de ce paquet - les huit textes de ce volet, qui vont des énergies renouvelables à la performance et à l'efficacité énergétiques, en passant par les biocarburants et l'hydrogène, sans oublier la fiscalité énergétique : ils vous présenteront leurs premiers éléments de constat après les rapporteurs de la commission des affaires européennes.

Mme Marta de Cidrac, rapporteur de la commission des affaires européennes. - La Commission européenne a présenté, le 14 juillet dernier, ce paquet « Ajustement à l'objectif 55 », pour mettre en oeuvre la « loi européenne sur le climat ».

Cet élément phare du pacte vert s'inscrit en cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris de 2015 : il impose d'atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050 et, dans ce but, rehausse de 40 % à 55 % l'objectif de réduction nette des émissions domestiques de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990. Ce point a donné lieu à de nombreux débats avec certains États membres, notamment la Pologne. Le règlement affirme également la volonté de l'Union d'augmenter les absorptions de gaz à effet de serre par les puits de carbone.

L'impact budgétaire, économique et social de cette inflexion est majeur, la Commission européenne évoquant une « transformation radicale ». Lors de la réunion des Présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union des Parlements nationaux de l'Union européenne (Cosac) qui s'est tenue au Sénat, le 14 janvier dernier, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a relevé l'importance du plan de relance européen pour financer la transition écologique mais a aussi pointé l'ampleur des besoins complémentaires. Elle a ainsi estimé que « la transition écologique demandera[it] des investissements supplémentaires de 520 milliards d'euros par an d'ici à 2030 ».

Sur un autre plan et à un échelon national, l'Institut de l'économie pour le climat met en avant l'écart entre les dépenses de l'État en faveur du climat au cours des dernières années et celles qui devraient être déployées pour atteindre les nouveaux objectifs : la marche est considérable, d'autant que la mise en concrète du pacte vert et de la loi européenne sur le climat implique de trouver de nouveaux équilibres et de prendre garde à accompagner la transition économique, sociale et territoriale.

Aussi, avant d'entrer dans le détail de ce paquet, je voudrais relever quelques problématiques transversales ou critères d'analyse ayant une importance politique.

Le paquet tel qu'il est conçu devrait conduire à renchérir les prix de l'énergie, dans un contexte où ces prix flambent déjà. Se pose clairement une question d'acceptabilité sociale de la transition écologique et de choix des outils, à la fois pour atteindre les objectifs et accompagner les mutations nécessaires. Le président de la commission de l'environnement du Parlement européen, M. Pascal Canfin, agite lui-même le spectre de l'apparition de « gilets jaunes » à l'échelle de l'Union.

Deuxième sujet : comment donner les bons signaux à l'industrie tout en tenant compte de ses capacités d'innovation et en préservant la compétitivité des entreprises de l'Union européenne vis-à-vis des entreprises étrangères ? C'est notamment l'enjeu du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

Troisième sujet : comment finance-t-on le besoin massif d'investissements ? Quelle doit être la part des investissements publics et privés ? Cette question est en suspens et renvoie à des éléments qui ne figurent pas en tant que tels dans ce paquet, comme le débat sur l'éventuelle adaptation du pacte de stabilité et de croissance pour donner aux États membres des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires, comme la taxonomie ou encore la réglementation financière. Nous avons eu un échange très intéressant avec le fonds Amundi concernant la finance verte et l'intégration par les investisseurs et les entreprises des enjeux climatiques.

Ces différentes questions nous conduisent à poser celle du mix pertinent d'outils : comment combiner de manière efficace objectifs, réglementation, mécanismes de marché, dépenses budgétaires ou fiscales ? Cela nous conduit également à nous interroger sur les curseurs pertinents sur le niveau de solidarité entre les États membres, mais aussi sur l'articulation entre l'action qui doit être menée par les États membres et celle qui doit relever de l'Union européenne.

Ces enjeux sont importants du point de vue des principes et de la capacité opérationnelle à mener à bien les négociations de ce paquet qui implique des transitions particulièrement importantes dans l'Est de l'Europe. Or, les tensions en cours relatives au lien entre État de droit et fonds européens pourraient provoquer un raidissement de certains États membres, voire percuter directement ces négociations.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des affaires européennes. - Le paquet comprend treize révisions législatives et nouvelles initiatives interdépendantes ainsi qu'une stratégie sur la forêt.

Il comprend trois pièces maîtresses qui donnent le cadre général :

- la révision du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'UE, y compris son extension au transport maritime, la révision des règles relatives aux émissions de l'aviation et la mise en place d'un système distinct d'échange de quotas d'émission pour le transport routier et les bâtiments ;

- la révision du règlement sur la répartition de l'effort en ce qui concerne les objectifs de réduction des émissions des États membres dans les secteurs ne relevant pas du SEQE de l'UE, même si le paquet introduit des zones de recouvrement pour le transport et les bâtiments ;

- la révision du règlement relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie (UTCATF).

Ces trois textes ont déjà été révisés en 2018 : il y a donc des antécédents de négociations. Deux textes totalement nouveaux apparaissent comme des « boucliers » destinés à protéger les ménages et les acteurs économiques européens du choc induit par ce paquet. Il s'agit du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et du fonds social pour le climat.

Les autres textes sont plus ciblés et apparaissent comme des déclinaisons sectorielles pour atteindre les objectifs assignés par les trois règlements posant le cadre. Je ne les cite pas pour ne pas être trop long.

La difficulté de ce paquet réside dans l'interconnexion des textes : si l'on modifie un curseur dans l'un, il faut procéder à des ajustements dans d'autres pour atteindre l'objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Cette interdépendance interne au paquet se double de ramifications externes. Un seul exemple : les ressources liées à l'extension du champ du système d'échange de quotas d'émissions et au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières font partie des nouvelles ressources propres proposées par la Commission. Si l'on remet en cause ces éléments, il faudra également en tenir compte sur le volet ressources propres et en tirer les conséquences sur le remboursement de la dette liée au plan de relance européen.

Cette interdépendance des textes et le caractère transversal du paquet rendent particulièrement complexe la conduite des négociations, qui ont pris un peu de retard au départ. L'objectif de la présidence française est de poursuivre les négociations pour parvenir à des orientations du Conseil en fin de semestre. Le Parlement européen, après avoir tâtonné dans son organisation interne, a également pour objectif d'adopter ses positions d'ici l'été. Les négociations ne s'achèveront donc pas sous présidence française mais risquent d'avancer durant la suspension de nos travaux parlementaires. Si les objectifs sont tenus, la phase de trilogues devrait débuter sous présidence tchèque du Conseil.

Je voudrais maintenant évoquer plus particulièrement quelques enjeux spécifiques à certains textes, en commençant par l'extension proposée du marché carbone.

La Commission européenne s'appuie notamment sur les bons résultats enregistrés par le système d'échanges de quotas d'émission de l'Union, qui aurait permis d'atteindre des résultats plus élevés que ceux prévus, sans toutefois être en capacité de répondre en l'état à la nouvelle ambition climatique de l'Union.

Le transport maritime serait inclus dans le champ du marché à compter de 2023, avec une restitution progressive des quotas gratuits d'ici 2026.

Surtout, le marché serait étendu aux secteurs du transport routier et du bâtiment à compter de 2026, avec une période de test de démarrage en 2025.

Ces deux secteurs, qui représentent un volume important d'émissions, relèvent jusqu'à présent exclusivement du règlement sur la répartition de l'effort. Compte tenu du grand nombre d'émetteurs, c'est la mise à disposition de combustibles destinés aux secteurs du bâtiment et du transport routier qui serait réglementée par le nouveau cadre.

La Commission européenne propose d'utiliser une partie des recettes générées par l'extension du mécanisme de marché de quotas aux secteurs du bâtiment et du transport routier pour alimenter un nouveau fonds social pour le climat qui serait doté de 72,2 milliards d'euros sur la période 2025-2032, allant donc au-delà de l'actuel cadre financier pluriannuel.

Cette proposition de réforme est loin d'être consensuelle. La France a très clairement exprimé des réserves, tout comme le président de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen, que nous avons auditionné. M. Pascal Canfin qui considère que la Commission a commis une « erreur majeure », va dans le même sens puisqu'il a proposé la semaine dernière que « le nouveau marché carbone ne concerne que les entreprises, à travers leurs bâtiments commerciaux, et les poids lourds ».

Il précise qu'il faudra alors « diminuer le fonds social en conséquence. À un moment où l'on se bat contre la hausse du prix de l'énergie, étendre le marché carbone au chauffage serait difficilement explicable. Le coût politique de l'extension du marché du carbone, comme le conçoit la Commission, serait majeur, mais l'impact climatique serait très faible parce que l'immense majorité des déplacements de particuliers sont contraints, notamment dans les territoires où il n'existe pas d'alternatives à la voiture individuelle ».

C'est donc un sujet important de débat, qui repose la question de l'accompagnement de la transition, notamment pour les États de l'Est : une réduction du fonds social est-elle acceptable et jusqu'à quel point ?

Une refonte du dispositif remet par ailleurs en cause le schéma proposé sur les ressources propres.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Deuxième volet important : le règlement sur la répartition de l'effort. Jusqu'à présent, le marché carbone et ce règlement sont étanches : on se trouve soit dans un cadre, soit dans l'autre.

Ce ne serait plus le cas. La Commission souhaite maintenir le champ du règlement sur la répartition de l'effort aux secteurs du transport routier et du bâtiment, qui représentent près de la moitié des émissions de ce périmètre, même si elle propose de les inclure aussi dans le marché carbone.

La méthode de calcul utilisée pour la détermination des objectifs nationaux reste fondée sur le PIB par habitant, un nombre limité de corrections ciblées étant appliqué afin de répondre aux préoccupations en matière d'efficacité au regard des coûts.

Les ministères français auraient souhaité que l'on prenne davantage en compte le rapport coût-efficacité et un peu moins la solidarité intra-européenne. D'autres États membres seraient sur la même ligne mais, à ce stade, il n'y aurait pas de volonté de rouvrir cette question dans la mesure où il s'agit d'un jeu à somme nulle entre États membres. L'effort de négociations porterait davantage sur les flexibilités envisageables.

Le dernier grand cadre du paquet est relatif à la prise en compte de l'utilisation des terres, du changement d'affectation des terres et de la foresterie, qui vient d'entrer en vigueur.

Le dispositif proposé par la Commission européenne fixe un objectif de neutralité climatique des terres à l'horizon 2035. Il s'agit d'un objectif ambitieux puisque les absorptions de CO2 ont diminué dans le secteur des terres ces dernières années.

La trajectoire proposée par la Commission européenne comprendrait trois étapes : en 2030, un niveau d'absorption de carbone à hauteur de 310 millions de tonnes d'équivalent CO2, réparti entre les États membres en objectifs contraignants ; la neutralité en 2035 ; enfin, une hausse supplémentaire des absorptions à compter de 2036.

À cela s'ajoute le fait qu'à compter de 2031, seraient prises en compte les émissions hors CO2 du secteur agricole. Cela doit nous conduire à bien évaluer les conséquences potentielles du dispositif sur le secteur agricole. Le directeur général de l'énergie et du climat du ministère de la transition écologique considère lui-même que le niveau d'ambition pour les puits de carbone est particulièrement élevé. C'est un point qui mérite d'être davantage approfondi en vue de la proposition de résolution européenne du Sénat qui sera présentée fin février.

J'évoquerai brièvement les secteurs du bâtiment et des transports, qui sont au coeur du paquet.

La Commission européenne veut renforcer l'efficacité énergétique des bâtiments et intensifier le recours aux énergies renouvelables. Lors du Conseil « énergie » de décembre dernier, les ministres de l'énergie ont discuté de l'équilibre entre la nécessité de soutenir le potentiel des énergies renouvelables en tant que source d'énergie rentable et la nécessité de tenir compte des situations nationales et des situations de départ différentes. C'est évidemment un point politique important.

Le président de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen appelle à ne pas faire de surenchère sur les objectifs. Il considère en particulier que l'objectif de relèvement de 32 % à 40 % d'énergie renouvelable dans la consommation finale brute d'énergie de l'Union en 2030 paraît « réalisable mais très difficile à atteindre ».

J'ajoute que pour atteindre les objectifs, la Commission assortit sa démarche de contraintes spécifiques pour les bâtiments publics. Le secteur public serait ainsi tenu de rénover 3 % de la surface de ses bâtiments chaque année.

Le schéma d'ensemble pose un défi important d'adaptation des logements privés et d'évolution du parc social. Il pose des questions de fond, tant sur l'accompagnement financier que sur les garanties d'efficacité des travaux et, plus largement, sur la conception même de l'urbanisme et le lien entre bâtiment et mobilité.

S'agissant des transports, je me contenterai d'évoquer deux points. Concernant l'aérien, le paquet prévoit un plafonnement plus strict du nombre de quotas pour les vols intra-UE et la suppression progressive totale des quotas gratuits d'ici 2026. C'est un sujet qui mérite une expertise spécifique compte tenu des impacts territoriaux potentiels.

S'agissant de l'industrie automobile, l'impact de ce paquet sera très fort et il y a un vrai enjeu de stratégie industrielle et de visibilité pour les constructeurs. En lien avec les objectifs plus ambitieux du règlement sur la répartition de l'effort, la Commission propose de majorer les objectifs de réduction des émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes à l'échelle de l'Union européenne d'ici 2030 et, surtout, fixe un nouvel objectif de 100 % de réduction d'ici 2035. Dans la pratique, cela signifie qu'à partir de 2035, il ne serait plus possible de mettre sur le marché de l'Union des voitures ou camionnettes équipées d'un moteur à combustion interne, y compris des modèles hybrides.

Des débats existent entre États membres, certains sont plus maximalistes que d'autres. Comme l'a souligné l'une des personnes auditionnées, et cela vaut pour les transports comme pour le bâtiment, la démarche générale de la Commission européenne ne prend pas en compte l'usage et interroge sur la prise en compte de l'ensemble du cycle de vie, de la production jusqu'au recyclage.

Dans le cadre de ces débats, se posent plusieurs sujets connexes, comme celui de la définition de l'hydrogène renouvelable et bas carbone et l'enjeu de déploiement des infrastructures de recharge.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Nous terminons la présentation de ce paquet en évoquant les deux boucliers prévus, à savoir le fonds social pour le climat et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

Le nouveau fonds social pour le climat, dont la création est directement corrélée au projet d'extension du marché carbone aux secteurs du bâtiment et des transports routiers, a pour objectif, selon la Commission européenne, « d'atténuer les incidences sociales et distributives sur les plus vulnérables » de ce projet.

Alimenté par 25 % des recettes résultant de cette extension, il devrait représenter un volume de dépenses de 23,7 milliards d'euros de 2025 à 2027, puis de 48,5 milliards de 2028 à 2032.

Le fonds disposerait en particulier de mesures de soutien aux ménages vulnérables, aux microentreprises vulnérables et aux usagers vulnérables des transports et pourrait couvrir des aides directes temporaires au revenu.

Pour cela, en reprenant une formule éprouvée dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience, les États membres devraient présenter des plans sociaux pour le climat assortis de mécanismes de reporting très lourds, mais aussi contribuer à hauteur de 50 % au financement du coût total estimé de leurs plans nationaux.

La création de ce fonds pose des questions de principe sur l'articulation entre l'action des États membres et celle de l'Union, sur le mécanisme de reporting, mais aussi sur la clé de répartition des droits entre États membres.

Enfin, je dirai quelques mots du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que le Sénat avait appelé de ses voeux et qui devrait être pleinement opérationnel en 2026, après une phase transitoire expérimentale d'ici 2025. Le Parlement européen pourrait vouloir aller plus vite.

Directement lié au système d'échanges de quotas d'émissions mais aussi à la proposition de décision sur les ressources propres, il apparaît comme un outil indispensable pour prévenir le risque de fuite de carbone et faire en sorte que les nouvelles ambitions climatiques de l'Union ne pénalisent pas les entreprises européennes.

A ce stade, cinq secteurs particulièrement émetteurs et exposés seraient couverts par ce mécanisme qui doit être conçu pour être conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

On sait que les appétences des États membres vis-à-vis de ce dispositif sont diverses, l'Allemagne étant particulièrement attentive aux mesures de rétorsion commerciale potentielles.

La mise en place de ce dispositif doit s'accompagner d'une suppression progressive des allocations de quotas gratuits d'émission. C'est intellectuellement cohérent mais il faut veiller à ce que cette suppression progressive s'effectue à un rythme compatible avec la situation des entreprises européennes.

Des questions se posent également sur le champ d'application du mécanisme, le Parlement européen envisage par exemple d'y inclure le secteur de la chimie. Mais le point qui me paraît le plus important politiquement est celui des failles qui ont déjà été identifiées. En effet, le mécanisme, conçu pour assurer une neutralité au sein de l'Union, pourrait pénaliser les entreprises européennes exportatrices, dès lors qu'elles ne bénéficieraient plus de l'allocation de quotas gratuits. C'est un point majeur car il serait évidemment absurde que le système pénalise nos exportations ou conduise à créer des filiales extérieures à l'Union pour contourner ces difficultés.

Voici résumés quelques points saillants de ce paquet particulièrement complexe du fait de son caractère transversal et de l'interdépendance des textes, mais aussi particulièrement lourd en termes d'impact sur la vie quotidienne des citoyens européens et des entreprises. Au-delà des enjeux techniques, il nous paraît essentiel d'avoir une approche politique de ce paquet et de bien mesurer ce qui est politiquement acceptable et ce qui ne l'est pas.

Des divergences parfois majeures d'appréciation existent par rapport à la proposition de la Commission européenne, qui utilise indéniablement ce paquet comme un outil d'accroissement de ses capacités d'action. Ce paquet s'inscrit également dans des réflexions budgétaires plus larges, tant concernant les marges de manoeuvre des États membres pour faire face au coût de la transition écologique que concernant la dimension de l'action de l'Union.

Il faut bien voir également que ce paquet implique une transformation majeure de notre vie économique, et que les questions qu'il pose vont bien au-delà de celle des ressources budgétaires : il y a, en réalité, un défi technique et technologique majeur, pour que la transition se réalise et qu'elle voit naître des outils que nous devons être en mesure de fabriquer, et c'est pourquoi nous ne devons pas nous fermer les portes à l'innovation, mais conserver la palette la plus large possible. Le paquet pose aussi un défi massif de financement, en particulier pour les dépenses contraintes de logement et de transports, mais aussi pour des organisations actuelles, par exemple le logement social.

Nous devons aussi bien mesurer l'incidence de nos décisions sur les émissions globales de carbone. Ainsi, nos productions ont beaucoup progressé pour réduire leur empreinte carbone. C'est ce qui rend la taxe carbone aux frontières de l'Union particulièrement importante. Mais nous n'avons pas la même position sur ce sujet que l'Allemagne, parce que nos voisins ont bien plus que nous besoin d'importer des produits pour fabriquer d'autres produits qu'ils exportent, et je ne parle pas que de l'automobile.

Il faut également parvenir à ce que l'exemple européen contribue à modifier certaines règles au sein de l'OMC. Les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre n'ont pas un calendrier aussi serré que le nôtre pour atteindre la neutralité carbone : la Chine se positionne sur 2060, l'Inde sur 2070 - comment faire pour que les mesures que nous prenons servent aux autres, et que notre exemplarité soit en quelque sorte motrice, en particulier auprès de nos voisins qui aspirent à plus d'intégration avec l'Europe - je pense par exemple à la Turquie - ?

Enfin, il est très important de ne pas mettre tout l'argent disponible sur les sujets techniques, car il faut prévoir un accompagnement fort pour que la société s'adapte, les enjeux sociaux sont cruciaux.

M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a présenté le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », dont l'objectif est de décarboner les politiques publiques de l'Union européenne et de ses États membres, pour réduire les émissions de 55 % d'ici à 2030.

Le volet « Énergie » de ce paquet étant très vaste et très dense, ma collègue Dominique Estrosi Sasonne et moi-même ne vous en présenterons que les aspects les plus saillants : j'évoquerai l'énergie et ma collègue, le bâtiment.

En premier lieu, les textes proposés fixent des objectifs très ambitieux en matière d'énergies renouvelables ou alternatives.

La directive sur les énergies renouvelables relève de 32 % à 40 % la part de ces énergies dans la consommation finale d'ici à 2030, en prévoyant des sous-objectifs par secteur - le bâtiment, l'industrie, le chauffage et les transports. Pour le bâtiment et l'industrie, le sous-objectif est de 50 %. Pour les biocarburants avancés, le sous-objectif est de 2,2 %. De plus, la directive promeut le stockage et l'hydrogène et renforce la durabilité et la traçabilité de la biomasse utilisées à des fins énergétiques.

Les règlements sur les carburants aéronautiques et maritimes durables visent à accroître l'utilisation de carburants alternatifs. Ils consacrent en particulier des exigences, respectivement, d'incorporation de carburants durables pour l'aérien et d'électrification à quai pour le maritime, à compter de 2025. C'est un complément utile au dispositif d'incorporation existant pour les biocarburants routiers depuis dix ans déjà.

En second lieu, les textes proposés comprennent des outils concrets pour réaliser ces objectifs ambitieux.

La directive sur la taxation de l'énergie prévoit une taxation différenciée des carburants ou des combustibles en fonction de leurs émissions, à compter de 2023. En clair, les carburants fossiles (le gazole et l'essence) seront davantage taxés que ceux alternatifs (le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié - GPL, l'hydrogène fossile) ou que ceux durables (l'électricité, certains biocaburants, le biogaz, l'hydrogène renouvelable). Une exonération fiscale sera supprimée pour l'aérien et le maritime. Les États membres conserveront la faculté de prévoir des exonérations ou des réductions fiscales pour les ménages vulnérables ou dans certains secteurs (l'agriculture, la forêt, l'industrie).

De son côté, le règlement sur les infrastructures pour carburants alternatifs introduit des objectifs en matière d'infrastructures de recharge électrique, pour les véhicules légers comme lourds, ainsi que pour l'aérien et le maritime. Elle prévoit aussi de tels objectifs pour l'hydrogène et le gaz naturel liquéfié (GNL).

Enfin, le paquet gazier promeut, quant à lui, une meilleure intégration du biogaz et de l'hydrogène dans les réseaux de gaz naturel. C'est une nécessité car la stratégie européenne pour l'hydrogène vise à produire 10 millions de tonnes d'hydrogène renouvelable d'ici à 2030.

Enfin, au-delà de ces textes énergétiques, il faut savoir que le paquet renforce les outils « carbone », que je ne ferai que mentionner.

Le système d'échange de quotas d'émission sera renforcé, ce qui aura une incidence forte pour les producteurs d'énergie et les industries énergo-intensives. Un dispositif similaire sera appliqué aux carburants routiers et aux logements, un débat animé existant déjà à ce sujet.

Enfin, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne sera appliqué : c'est un serpent de mer, qui doit protéger effectivement nos industriels et nos entreprises du dumping environnemental.

Je ne pourrais vous donner aujourd'hui qu'une première appréciation sur ces textes, car notre travail est en cours - à ce stade, nous avons organisé six auditions et sollicité une trentaine de contributions.

Je soutiens pleinement la décarbonation cruciale du secteur de l'énergie ; pour autant, plusieurs éléments doivent être rappelés.

Tout d'abord, il faut veiller à la neutralité technologique car toutes les énergies décarbonées, renouvelables comme nucléaires, doivent être mobilisées en faveur du climat. Nous n'avons plus le temps d'ergoter sur ce sujet. Par ailleurs, je rappelle que la définition du mix énergétique relève de la seule compétence des États membres.

Plus encore, il faut veiller à davantage de constance, de lisibilité et de cohérence dans les textes. Ma collègue et moi-même avions transposé en tant que rapporteurs les précédents paquets européens, dans les lois du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat dite « Énergie-Climat », et du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et Résilience ». À la lecture de ce nouveau paquet, tout serait à reprendre... Or, pour réussir la transition énergétique et ses lourds investissements, il nous faut donner du temps et de la stabilité.

Dans le même esprit, il faut veiller à la compensation des effets sociaux et économiques de ces textes. Car la transition énergétique a un coût, qui doit être pris en charge par l'État ou l'Union européenne, au titre de la solidarité. Gardons-nous d'objectifs non financés, ou d'objectifs peu réalistes, dans le secteur si sensible de l'énergie. Si la fiscalité énergétique doit ainsi être verdie, elle ne doit pas être alourdie, a fortiori dans ce contexte de crise. Le coût global du paquet nécessite également d'être évalué...

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. - S'agissant du bâtiment, la directive sur la performance énergétique oblige à la construction de bâtiments « à émission nulle », en 2027 pour les bâtiments publics et en 2030 pour les autres. Elle prévoit également la rénovation de 15 % des bâtiments existants et le non-subventionnement des chaudières à combustible fossile, à compter de 2027. Pour la bonne application de ses dispositions, il est prévu de renforcer les plans de rénovation des bâtiments, d'harmoniser les certificats de performance énergétique, d'instituer un passeport sur les rénovations et de renforcer les normes d'inspection.

Plus encore, la directive sur l'efficacité énergétique oblige à réduire de 9 % la consommation d'énergie d'ici à 2030. Elle introduit le principe de la primauté de l'efficacité énergétique, c'est-à-dire que les États membres devront intégrer les solutions d'efficacité énergétique dans leurs politiques nationales et en rendre compte, via des contributions nationales. Ces derniers devront réduire de 1,5 % par an leur consommation d'énergie ; chaque année, dans le secteur public, la réduction de la consommation devra atteindre 1,7 % et la rénovation des bâtiments 3 % en fonction de leur surface au sol. Enfin, les règles afférentes à l'installation des systèmes de chauffage, à la réalisation d'audits techniques ou encore à la passation des marchés publics seront renforcées.

Tout comme mon collègue, je souscris pleinement à la décarbonation du secteur du logement. Je crois aussi qu'il faut veiller à la neutralité technologique, à la stabilité normative, et à la compensation des coûts.

S'agissant de la stabilité normative, je rappelle que nous venons tout juste de réformer la règlementation environnementale 2020 (RE2020), applicable aux bâtiments neufs, et le diagnostic de performance énergétique (DPE), prévu pour les bâtiments existants !

Sur le fond, trois éléments méritent d'être indiqués.

D'abord, la définition des bâtiments neufs à « émission nulle » doit bien intégrer toutes les sources d'approvisionnement énergétiques décarbonées, nucléaires comme renouvelables.

Ensuite, si une harmonisation de la classification des bâtiments existants est utile, il faut bien prendre en compte la diversité géographique et climatique au sein de l'Union européenne.

Enfin, l'intégration du logement dans un marché carbone, que je ne ferai qu'évoquer, est un vrai sujet d'attention, dont les conséquences doivent être pleinement évaluées.

Pour conclure sur mes premières observations, je veux insister sur la nécessité de compléter les obligations juridiques par des incitations financières : toute nouvelle norme, pour les propriétaires ou les bailleurs, doit être accompagnée par l'État ou l'Union européenne, faute de quoi elle ne ferait que renforcer la précarité énergétique.

M. Jean-François Rapin, président. - Merci pour ces présentations. Ce chantier est énorme, nous y travaillons à trois commissions, les consensus seront probablement difficiles à trouver, mais j'ai bon espoir que nous y parviendrons. Nous avons déjà évoqué l'aspect financier, après les chiffres communiqués par notre collègue Christine Lagarde car le cadre pluriannuel de financement et le plan de relance ne suffiront pas : il faudra examiner ce qu'il en est.

M. Laurent Duplomb. - Pour l'agriculture, la stratégie « Farm to fork » est la chronique d'un désastre annoncé et programmé : elle se traduira par une perte globale de terres agricoles de 10 %, par un recul des engrais de 20 % et de 50 % pour les produits phytosanitaires, et, résultat d'une politique perdant-perdant, par un recul de notre production alimentaire de 12 %. Si ces dispositions s'appliquaient au niveau international, la production alimentaire mondiale reculerait de 11 %, ce qui signifie 191 millions de personnes supplémentaires en pénurie alimentaire et une perte générale de 1 100 milliards de dollars de richesse. Sans compter qu'avec l'augmentation des prix qui s'en suivrait sur le marché européen, nous devrions quasiment doubler nos importations de produits agricoles, ce qui ferait pencher les émissions carbones du mauvais côté. On estime en effet que si cette stratégie de « Farm to fork » ferait baisser nos émissions carbones de 20 %, les deux-tiers de ce gain seraient perdus par les émissions supplémentaires des produits que nous serions contraints d'importer plutôt que de les produire... L'Europe continuerait ainsi d'exporter ses nuisances environnementales, en faisant reculer la production chez elle, au prix de problèmes sociaux qui ne feraient que s'aggraver. C'est de tout cela dont nous ne voulons pas.

M. Jacques Fernique. - Il faut bien voir que l'extension envisagée du système d'échanges de quotas et les nouvelles normes appliquées au logement et aux transports routiers poseront des problèmes aux ménages, car nous sommes dans des dépenses contraintes - et c'est bien la norme, ici, qui est le levier d'action. Ensuite, sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, le maintien de quotas gratuits pour des zones géographiques plus émettrices de carbone n'est pas tenable longtemps. Enfin, il apparaît clairement qu'il faut accompagner la transition, au moins sur trois volets : les ménages, en raison des dépenses supplémentaires ; le tissu industriel, qui doit adapter son appareil de production et les emplois, nous voyons déjà ce qui se profile dans l'automobile ; enfin, et on n'en parle pas assez, les territoires : il faut qu'une part des nouvelles ressources abondent un fonds pour les collectivités territoriales, qui seront conduites à jouer un rôle plus important dans la transition.

M. Jean-Marc Boyer. - Tous ces milliards d'euros annoncés m'inquiètent. La Chine représente 28 % des émissions de carbone, les États-Unis 14 %, l'Inde 6,6%, et les projections montrent que les principaux émetteurs vont continuer de l'être, voire qu'ils vont renforcer leurs émissions. De son côté, la France représente 0,8 % des émissions de CO2 et va faire de gros efforts pour les diminuer encore : sait-on quelles mesures prendront les autres pays pendant que nous ferons ces efforts - et quelles garanties a-t-on qu'ils les prendront effectivement ?

M. Franck Montaugé. - Dans la stratégie « Farm to fork », les émissions sont-elles évaluées en net des émissions captées, ou bien seules les émissions brutes sont-elles prises en compte ? Ensuite, dispose-t-on d'un chiffrage pluriannuel des coûts, à l'échelle des pays, voire des territoires ? Enfin, il me semble qu'on ne pourra pas réussir la transition sans une planification : ces directives prévoient-elles des outils de planification ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteur. - Je ne m'engagerai pas, tant que nos travaux ne sont pas terminés, à répondre à ces questions importantes, mais je peux d'ores et déjà dire que nous sommes bien conscients que l'évaluation des émissions est importante, et qu'on ne parle pas de la même chose quand on prend en compte le carbone capté : nous examinons cette question et nous entendons bien mettre la focale sur l'évaluation concrète des émissions.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Il y a sur ce sujet une question de volonté politique : les pays européens se sont mis d'accord sur un objectif chiffré pour 2030, reste à définir les modalités d'action. Nous voyons que nous n'avons pas encore tous les outils, et que, dans le fond, on parle d'un changement profond de la société, ce qui montre bien l'importance du débat.

M. Jean-François Rapin, président. - Merci à tous pour votre participation, nous nous retrouverons prochainement pour poursuivre ces travaux.

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, de M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes -

Audition de M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. - Monsieur le ministre, la France préside pour six mois le Conseil de l'Union européenne. Dans le cadre de cette présidence, vous avez organisé dès le 10 janvier une conférence sur les relations commerciales entre l'Union européenne et l'Afrique, afin de mettre l'accent sur les nouveaux partenariats envisageables. Ce choix revêt une portée politique et symbolique évidente : vous pourrez nous exposer comment la Commission entend le rendre opérationnel, puisque le commissaire en charge du commerce, M. Valdis Dombrovskis, a déclaré approuver le fait que la France ait fait de ce thème une priorité de sa présidence. Dans quelques jours, les 13 et 14 février, vous recevrez également à Marseille l'ensemble de vos homologues, à l'occasion d'une réunion informelle des ministres chargés du commerce.

Je souhaiterais donc que vous nous présentiez les priorités de la France en matière de commerce, votre méthode et les objectifs qui vous paraissent atteignables dans le cadre de cette présidence du Conseil.

Je voudrais en particulier vous entendre sur certaines positions fortes exprimées par la France au cours de ces derniers mois, notamment sur les enjeux liant commerce et développement durable, sujet qui a récemment fait l'objet d'une consultation publique à laquelle notre commission a contribué.

Je pense aussi à la rénovation des outils permettant à l'Europe de s'assumer comme une puissance commerciale et de faire face à des pratiques déloyales ou à des pressions extérieures par le biais de sanctions extraterritoriales : c'est notamment l'enjeu du projet de règlement anti-coercition présenté le 8 décembre dernier. Pensez-vous être en mesure d'aboutir à de premières orientations du Conseil en la matière d'ici à la fin du semestre ?

Je pense également à l'accent mis par la France sur les clauses miroirs dans les accords commerciaux, concept très populaire dans notre pays, mais qui rencontre des résistances dans d'autres États membres et doit faire l'objet d'une analyse très précise pour être compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pouvez-vous nous préciser votre stratégie en la matière ?

Je pense enfin à un dossier phare dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » : celui du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Le Sénat en soutient fortement le principe, mais sa mise en oeuvre s'avère complexe dans le respect des règles de l'OMC. Or il apparaît qu'en l'état, les entreprises européennes exportatrices couvertes par ce mécanisme seraient pénalisées, ce qui ne serait absolument pas acceptable. La direction générale du Trésor y travaille : pouvez-vous nous faire le point sur ses réflexions et nous assurer que vous n'accepterez pas un dispositif qui pénaliserait in fine une partie de notre industrie ?

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - À mon tour de vous remercier d'être venu débattre avec nous des enjeux du commerce extérieur dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. S'agissant du commerce extérieur français, permettez-moi de relever un paradoxe : vous êtes chargé du commerce extérieur et de l'attractivité ; or si la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers, elle est aussi championne d'Europe du déficit commercial ! Selon les chiffres publiés en janvier, ce déficit a atteint 9 milliards d'euros en novembre 2021, soit, selon les douanes, le « solde mensuel le plus bas jamais atteint ». Sur 12 mois, le déficit cumulé s'élève à 78 milliards d'euros, quand l'Allemagne connaît un excédent de 180 milliards d'euros. Ces chiffres sont alarmants pour les élus attachés à la prospérité de nos territoires que nous sommes.

Vous justifiez ces résultats, tout d'abord, par la hausse de la facture énergétique, qui a indéniablement contribué à augmenter la valeur de nos importations, mais qui n'explique pas tout. Ajoutons que ce n'est pas une fatalité qui s'abat sur nous sans que nous ne puissions rien y faire. En novembre, alors que l'électricité est d'habitude l'un de nos principaux postes excédentaires, nous avons été déficitaires en ce domaine, du fait de la politique énergétique du Gouvernement et de l'Union, qui est difficile à suivre, particulièrement en matière nucléaire. Or une électricité peu chère et décarbonée est un élément majeur de compétitivité et d'attractivité, car elle bénéficie de façon transversale à de nombreux secteurs. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour réduire la dépendance de notre appareil productif vis-à-vis des hydrocarbures, des énergies carbonées et des fluctuations des marchés internationaux, et comment cela s'intègre-t-il à la présidence du Conseil de l'Union européenne ?

Vous avez également argué que la dégradation de notre balance commerciale serait uniquement conjoncturelle : nos entreprises augmentent leurs importations de biens intermédiaires aujourd'hui pour pouvoir produire et exporter demain. On ne peut pourtant pas se satisfaire de cette réponse : serions-nous si dépendants que, pour exporter demain, nous serions obligés de creuser notre déficit commercial aujourd'hui ? Quelles conclusions tirez-vous de ce déficit pour votre stratégie de réindustrialisation et, dans certains cas, de relocalisation ?

Outre la recherche d'une plus grande maîtrise des différents segments de la chaîne de valeur, l'une des priorités de la politique commerciale est la conquête de marchés extérieurs, dans une logique bien sûr de réciprocité. Je voudrais donc vous interroger sur les dispositifs de soutien à l'export : Team France Export, le chèque relance export ou encore le chèque VIE. Les restrictions aux échanges liées à la pandémie ont ralenti leur déploiement, mais pouvez-vous déjà distinguer ceux qui ont donné les meilleurs résultats pour l'internationalisation de nos entreprises ?

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Nous avons bien noté les priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en matière de politique commerciale, notamment l'adoption du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et l'instauration dans les accords commerciaux de clauses miroirs imposant à nos partenaires une réciprocité en matière de normes. Nous ne doutons pas que tout sera fait pour faire avancer ces objectifs dans la fenêtre de tir réduite qui nous est impartie.

Je voudrais exprimer mon inquiétude quant au niveau historique atteint par notre déficit commercial. Cela vient d'être dit, la France a souvent été un pays exportateur, mais nous sommes maintenant dans la situation d'un pays massivement importateur net, ce qui nous inquiète dans un contexte de tensions internationales toujours croissantes. Relevons en outre que certains de nos voisins - l'Allemagne, mais aussi l'Italie, les Pays-Bas ou l'Irlande - ne connaissent pas le même déséquilibre. Je souhaiterais donc moi aussi entendre votre réaction sur ce point.

Je souhaiterais, au nom de la commission, que vous reveniez sur les accords commerciaux conclus par l'UE avec des pays tiers, en particulier l'accord avec le Mercosur. Vous nous aviez fait part lors de votre audition l'année dernière de votre détermination à « obtenir des engagements concrets et vérifiables » des pays partenaires en matière de déforestation et d'application des normes sanitaires et phytosanitaires. Avez-vous avancé en ce sens depuis lors ? C'est un enjeu tout à fait essentiel, car la déforestation ne fait que s'accélérer : la forêt amazonienne brésilienne continue de régresser à un rythme effrayant ; d'après les scientifiques, on s'approche dangereusement du point de bascule où elle ne sera plus qu'une savane, avec des conséquences irréparables sur le climat et la biodiversité.

S'agissant des relations transatlantiques, vous aviez évoqué certains signaux positifs envoyés par l'administration Biden, comme la réintégration des États-Unis dans l'accord de Paris, la reprise des négociations à l'OCDE sur l'imposition minimale des entreprises et la taxation des entreprises numériques, ou encore les moratoires sur les taxes sur l'aéronautique. Cette tendance se confirme-t-elle ? A-t-on progressé quant au blocage de l'organe d'appel de l'OMC par les États-Unis ?

Enfin, quelles sont les pistes pour mieux contrecarrer à l'échelle européenne l'application extraterritoriale du droit américain, arme brutale et pénalisante pour nos entreprises ? Avez-vous l'intention de vous pencher sur ce sujet au cours de la présidence française ? Enfin, où en sommes-nous quant aux accords commerciaux avec le Canada ?

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité. - Merci pour votre invitation ; c'est toujours un plaisir de faire le point avec vous, notamment aujourd'hui sur les enjeux commerciaux liés à la présidence française du Conseil de l'Union européenne. J'étais hier au Parlement européen pour répondre aux questions de sa commission du commerce international. Le Président de la République a exprimé la triple intention de la présidence française : relance, puissance, appartenance. Nous portons donc trois ambitions très claires : une Europe plus souveraine, capable de maîtriser ses frontières tout en renforçant les liens avec ses voisins ; une Europe qui valorise de nouveaux modèles de croissance, par l'innovation et l'excellence technique et numérique ; enfin, une Europe plus humaine, qui incarne l'État de droit, la culture, la confiance en la science et la lutte contre les discriminations.

En cohérence avec cet agenda, nous avons défini trois axes principaux pour la politique commerciale européenne : continuer de créer des occasions pour nos entreprises sur les marchés étrangers par une politique d'ouverture ; promouvoir une politique commerciale plus durable, à la hauteur de nos standards sociaux et environnementaux ; enfin, défendre avec fermeté et sans naïveté nos entreprises contre les pratiques déloyales et coercitives. Ces trois axes rejoignent les priorités identifiées par la Commission européenne dans sa stratégie pour une politique commerciale ouverte, durable et affirmée, publiée le 18 février 2021.

Concernant le premier axe, le maintien de notre ouverture aux échanges est plus que jamais indispensable pour que notre économie tire tout le bénéfice de la reprise économique. Je visitais aujourd'hui l'entreprise Tractel, implantée dans l'Aube, qui exporte 50 % de sa production en volume ; pour elle, les occasions d'exporter se multiplient : c'est le moment d'oser l'international ! La France tire profit de cette ouverture, plus de 4 millions d'emplois en dépendent. La diversification de nos partenariats commerciaux est aussi une manière de renforcer la résilience de nos chaînes de valeur et d'approvisionnement qui, lorsqu'elles étaient trop concentrées auprès d'un faible nombre de pays fournisseurs, ont été soumises à des tensions importantes durant la crise sanitaire. C'est un enjeu européen, mais aussi national : le Gouvernement a donc choisi d'accompagner nos entreprises, notamment petites et moyennes, en intégrant un ambitieux volet export dans le plan France Relance.

Le déficit commercial de la France est structurel pour les biens, mais la conjoncture aggrave aussi la situation. Même si nous avons globalement retrouvé une activité exportatrice supérieure à nos performances d'avant la crise, certains secteurs traditionnellement forts sont toujours affectés, notamment l'aéronautique. En outre, la très forte croissance observée en France en 2021 a conduit à une demande très forte de biens de consommation importés, mais aussi de biens nécessaires à la fabrication de produits finaux dans nos usines, conduisant à une forte hausse conjoncturelle des importations.

On peut relever ce défi commercial en s'aidant de quatre leviers. Premièrement, il convient d'améliorer la compétitivité de notre pays, longtemps faible du fait que les gouvernements précédents ont manqué de prendre les décisions nécessaires ; en 2019 et 2020, la France a été le pays le plus attractif d'Europe grâce à la baisse de l'impôt sur les sociétés passé de 33 % à 25 % et des impôts de production de 10 milliards d'euros en 2021 et d'autant en 2022, à l'assouplissement des contraintes administratives ou encore à une négociation sociale replacée au plus près de l'entreprise. Deuxièmement, il faut engager la réindustrialisation de notre pays ; à cette fin, une politique ambitieuse a été placée au coeur du plan de relance pour décarboner, numériser et automatiser notre industrie et investir dans les secteurs d'avenir, avec notamment France 2030. Les résultats du plan de relance et du « quoi qu'il en coûte » sont déjà visibles : la croissance est très forte, car on a pu maintenir les talents dans nos entreprises et éviter à celles-ci les défaillances. Troisièmement, notre politique commerciale doit être moins naïve. Enfin, il faut accompagner les entreprises à l'international, notamment les PME, pour qu'elles exportent davantage. Depuis vingt ans, nous n'avions jamais eu autant d'entreprises exportatrices qu'aujourd'hui : elles sont 136 000, contre 123 000 en 2017. On est encore loin des Italiens qui sont à 220 000 et des Allemands qui sont à 300 000, mais on progresse !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Peut-être, mais le déficit est de plus de 77 milliards...

M. Franck Riester, ministre. - Certes, les difficultés sont structurelles avec les quatre leviers sur lesquels nous travaillons, mais il ne faut pas nier non plus les réalités conjoncturelles qui expliquent largement la détérioration de court terme de notre balance commerciale ! Ajoutons à celles que je viens d'évoquer l'accroissement du coût de l'énergie. Notre politique énergétique est simple à comprendre : elle est fondée sur le nucléaire et les énergies renouvelables.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - C'est nouveau !

M. Franck Riester, ministre. - Absolument pas : le Président de la République a été très clair à ce sujet depuis le début de son quinquennat.

Au sein du plan de relance, nous avons fait du sur-mesure pour nos entreprises exportatrices. Le chèque relance export permet de couvrir une partie de leurs coûts de prospection et les chèques VIE aident les jeunes volontaires internationaux en entreprise. Bpifrance organise par ailleurs un renforcement de l'assurance prospection-accompagnement pour les TPE et PME. Les crédits du Fonds d'études et d'aide au secteur privé (Fasep) ont également été renforcés. Les mesures du plan de relance export ont été prolongées jusqu'au 30 juin 2022 et adaptées pour répondre aux demandes des entreprises : les coûts de formation des chefs d'entreprise et de leurs équipes et les coûts d'interprétariat et traduction pourront être pris en charge.

Les barrières à l'export liées à la pandémie se lèvent progressivement : c'est le moment de repartir de l'avant ! Pour donner aux entreprises françaises et européennes les meilleures chances de prospérer sur les marchés étrangers, la présidence française défend un principe clair : tout le monde doit jouer selon les mêmes règles. Le système commercial multilatéral doit donc être remis en état de marche ; la tâche est rude, mais nous nous sommes attelés à une revitalisation et une réforme de l'OMC. Nous veillerons à ce que l'Union européenne s'engage pleinement dans les négociations de la douzième conférence ministérielle de l'OMC. Je rencontrerai sa directrice générale, Dr Ngozi Okonjo-Iweala, à Paris ce vendredi.

L'agenda bilatéral de l'Union est également important pour nos entreprises ; l'accord économique et commercial global (CETA) avec le Canada ou encore l'accord avec le Japon sont très favorables à nos intérêts économiques.

Quant au projet d'accord avec le Mercosur, notre position n'a pas changé : il ne peut être signé en l'état, nous attendons que la Commission européenne nous indique quelles garanties elle demandera en matière de déforestation, de lutte contre le changement climatique et de normes sanitaires et phytosanitaires, et quels instruments autonomes européens elle compte mettre en place pour répondre à ces préoccupations ; je pense notamment à un instrument de lutte contre la déforestation importée, qui pourra concerner cette zone économique.

Les accords commerciaux profitent à nos exportations et ont permis d'amortir l'impact de la crise sanitaire sur nos échanges. Le CETA avait déjà permis avant la crise une augmentation importante de nos exportations, notamment dans le secteur agroalimentaire. Les exportations de biens ont moins baissé vers les pays ayant conclu un accord commercial avec l'Union européenne que vers les autres pays.

Promouvoir l'ouverture, c'est aussi renforcer nos relations économiques avec certains partenaires clés, notamment sur le continent africain. Nous avons l'ambition de refonder en profondeur la relation UE-Afrique. Nous soutenons l'intégration continentale africaine, au travers notamment d'une aide à la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Nous encourageons aussi la conclusion et l'approfondissement d'accords économiques régionaux ou bilatéraux pour favoriser le développement durable des pays africains et renforcer nos chaînes de valeur. Nous travaillons avec l'Agence française de développement (AFD) et les acteurs de la diplomatie économique française pour accompagner l'entrepreneuriat africain et former les jeunes entrepreneurs. Après la conférence du 10 janvier, ce sujet sera à l'ordre du jour de la réunion informelle des ministres du commerce de l'UE qui se tiendra les 13 et 14 février à Marseille, ville de commerce international tournée notamment vers l'Afrique. Ces discussions prépareront la tenue du sommet Union européenne-Union africaine qui se tiendra quelques jours plus tard.

Le second axe de travail prioritaire de la présidence française est la contribution de la politique commerciale à nos objectifs de développement durable. L'Union est pionnière en matière de lutte contre le changement climatique ; nous pouvons en être fiers. Nous avons décidé de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990 d'ici à 2030. Une telle ambition nécessite la mobilisation de toutes les politiques de l'Union. Nous travaillons déjà à une telle cohérence, notamment dans le cadre du plan d'action pour la mise en oeuvre du CETA.

Notre présidence est l'occasion de redoubler d'efforts au travers de trois textes législatifs en cours d'examen au Conseil qui doivent inciter nos partenaires à relever leurs ambitions en matière de développement durable et garantir que les efforts consentis par l'UE ne conduiront pas à une dégradation de la situation dans des régions moins-disantes.

Le premier de ces textes est la révision du système de préférences généralisées (SPG), qui permet à des pays en développement d'accéder de manière préférentielle au marché européen. La Commission a fait une proposition, nous travaillons à l'adoption d'un compromis au Conseil afin de renforcer certains de ces volets, notamment en conditionnant l'accès à ces préférences à des actions de protection de l'environnement.

Le second texte porte sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui permettra de réduire les « fuites » de carbone et d'assurer l'efficacité environnementale du système européen d'échange de quotas d'émission. Annoncé le 14 juillet dernier, ce mécanisme est conçu pour être conforme aux règles de l'OMC et cohérent avec l'accord de Paris. Plusieurs points demeurent sensibles dans les discussions actuelles au Conseil : l'accompagnement des exportateurs, les filières aval et les produits qui, sans être directement ciblés par le MACF, contiennent des produits qui le sont ; sur ce dernier aspect, il ne faudrait pas qu'un contournement du dispositif soit possible. Nous souhaitons aboutir à une position commune sous la présidence française.

Le dernier texte auquel nous travaillons est le projet de règlement européen sur la déforestation. Un texte a été proposé par la Commission en novembre dernier ; nous voulons aboutir à une orientation générale du Conseil. Ce texte vise à interdire la mise sur le marché européen de matières premières sensibles ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts, ou issues d'une extraction illégale. Café, cacao, huile de palme et bois seraient les principaux produits concernés. Nous attendons d'ici à la mi-février une proposition de la Commission sur le devoir de vigilance des entreprises. La France est pionnière en la matière, grâce à la loi Potier du 20 mars 2017. Nous souhaitons que soient présentées au plus vite, dans ce texte ou par un dispositif juridique ad hoc, des dispositions visant à empêcher les produits issus du travail forcé d'entrer sur le marché intérieur. Nous soutenons aussi le principe de clauses miroirs insérées dans les réglementations agricoles, sanitaires ou environnementales européennes permettant d'appliquer lorsque c'est pertinent aux produits importés certains standards européens, de manière compatible avec les règles de l'OMC. Nous attendons le rapport de la Commission sur ce sujet, ainsi qu'un acte délégué sur l'utilisation d'antibiotiques comme facteurs de croissance.

Au-delà des initiatives législatives, nous soutiendrons une révision de l'approche européenne sur le contenu des chapitres sur le commerce et le développement durable des futurs accords commerciaux de l'Union, en cohérence avec nos préoccupations environnementales, sociales et relatives aux droits humains. Il faut que ces dispositions soient crédibles et prennent en considération la pratique et les outils développés par nos principaux partenaires, y compris en matière de sanction des engagements.

Le troisième axe de notre stratégie est la mise en oeuvre d'une politique commerciale plus affirmée et moins naïve. Nous souhaitons bâtir une politique plus ferme qui contribue à notre souveraineté et accroître la capacité de l'Union européenne à défendre ses intérêts et ceux de ses entreprises contre les pratiques déloyales et abusives, au travers de trois instruments.

Nous travaillerons d'abord à la finalisation de l'instrument de réciprocité dans les marchés publics, actuellement en discussion en trilogue ; ce levier doit encourager l'ouverture des marchés publics dans les pays qui les ferment aujourd'hui à nos entreprises en permettant le blocage des produits issus de tels pays.

Nous entamons aussi au Conseil des discussions sur l'instrument anti-coercition, sur la base de l'excellente proposition de la Commission en décembre dernier. Ce nouvel outil, compatible avec nos engagements internationaux, doit dissuader les pays tiers d'adopter des pratiques coercitives, y compris des sanctions extraterritoriales, par la menace crédible d'une réponse proportionnée. Les entreprises européennes, en première ligne, seraient ainsi mieux protégées. Nous voulons un outil dont le spectre soit le plus large possible et qui soit suffisamment dissuasif pour les pays tiers.

Nous poursuivrons enfin les discussions entamées en vue de l'adoption d'un instrument permettant de mieux lutter contre les distorsions générées par les subventions étrangères sur le marché intérieur, afin que les entreprises européennes jouent à armes égales avec leurs concurrents étrangers. L'actuelle politique européenne de la concurrence ne permet pas d'encadrer pleinement les effets de ces soutiens étrangers, notamment en matière de marchés publics et de fusions-acquisitions.

En parallèle de ces travaux législatifs, nous souhaitons que la Commission poursuive les efforts qu'elle déploie sous l'égide du responsable européen du respect des règles du commerce, véritable procureur commercial européen auquel il incombe d'assurer la pleine mobilisation des outils commerciaux existants, en particulier nos instruments de défense commerciale. Une boîte à outils beaucoup plus ambitieuse ne suffit pas : il faut ensuite s'assurer que ces outils sont utilisés. Il doit aussi lever les barrières injustifiées auxquels nos exportateurs sont confrontés sur les marchés tiers et faire en sorte que les accords commerciaux soient pleinement respectés.

Je suis conscient que les attentes n'ont jamais été aussi fortes en matière d'évolution de la politique commerciale européenne. Il nous faut trouver un juste équilibre entre ouverture, défense des intérêts de l'Union et satisfaction de nos objectifs de développement durable pour que le commerce international de l'Union soit conforme à la fois aux valeurs européennes et à nos intérêts. Nous saisirons pleinement l'occasion offerte par la présidence française du Conseil pour y parvenir.

M. Alain Cadec. - Sur l'ensemble de l'année 2021, le déficit commercial de la France dépasse 77,6 milliards d'euros. Les exportations ne progressent pas assez pour compenser la hausse des importations. Certes, celle-ci s'explique en partie par la hausse des prix des matières premières énergétiques et des produits industriels, mais il faut relever que la France, traditionnellement exportatrice d'électricité, a été importatrice nette en novembre et décembre à la suite de l'arrêt de quatre réacteurs nucléaires. Selon le ministre de l'économie et des finances, il nous faudra dix ans pour retrouver une balance commerciale excédentaire. Le Haut Commissaire au plan déplore quant à lui une « dégringolade » du commerce extérieur. Depuis cinq ans, le Gouvernement n'a rien fait pour préserver notre capacité de production, y compris dans des domaines où nous étions leaders. Pour réduire le déficit commercial, il faut recommencer à produire en France. Avez-vous réellement la volonté de relancer la production nationale ? Si tel est le cas, quelles mesures mettez-vous en place ?

M. Jean-Yves Leconte. - L'attractivité se construit sur le long terme. Or, au cours des dernières années, la France est passée de la troisième à la sixième place en matière d'accueil des étudiants étrangers. On ne peut pas non plus construire l'attractivité sans mobilité : notre politique en matière de visas est donc cruciale en la matière. Enfin, la recherche de l'attractivité doit se traduire par des investissements utiles à la balance commerciale. Beaucoup d'entreprises rencontrent des entraves pendant cette crise sanitaire : faire venir des clients s'avère souvent impossible faute de délivrance des visas ; le passe vaccinal peut aussi s'avérer problématique ; enfin, les « motifs impérieux » d'entrée sur notre territoire sont étudiés par un « cabinet noir » au ministère de l'intérieur... Comment expliquez-vous notre politique dogmatique en la matière, qui bloque toutes les mobilités, alors que l'Allemagne s'est montrée extrêmement pragmatique pour continuer d'accueillir ses clients ? Vous n'avez rien fait pour favoriser nos exportations !

M. Philippe Bonnecarrère. - Vous avez évoqué l'effort de notre pays en matière de compétitivité extérieure et votre ambition de réindustrialisation. Certains économistes expliquent que l'enjeu n'est pas tant la compétitivité, en attestent nos résultats dans les secteurs de l'aéronautique et du luxe, que la capacité de l'industrie française à produire des biens attendus par les Français. Pourriez-vous nous dire quelle est votre priorité, entre la compétition avec l'extérieur et la production nationale de ces biens ?

Mme Marie Evrard. - Un sommet entre l'Union africaine et l'Union européenne doit se tenir les 17 et 18 février à Bruxelles. Le Président de la République a évoqué une refonte en profondeur de la relation selon lui « un peu fatiguée » entre les deux continents. Dès 2017, dans son discours à la Sorbonne, il avait déclaré vouloir relancer la taxe sur les transactions financières européennes pour financer la politique de développement, notamment en direction de l'Afrique. Pouvez-vous nous éclairer sur le bilan de ces initiatives et sur les perspectives commerciales qui se dessinent entre l'Europe et l'Afrique, alors que les investissements chinois y sont dominants, ce qui pose des défis redoutables aux acteurs économiques occidentaux ?

M. Franck Riester, ministre. - Il faut savoir que, en novembre 2021, 50 % du creusement du déficit commercial provenait de l'augmentation de la facture énergétique qui constitue bien évidemment une problématique mondiale. J'y insiste, c'est l'augmentation du prix des hydrocarbures qui a un très fort impact conjoncturel sur le déficit du commerce extérieur de notre pays.

Pendant le même mois de novembre, les exportations françaises étaient supérieures de 5 points à ce qu'elles étaient en novembre 2019. J'ajoute qu'au même moment, les exportations liées au secteur de l'aéronautique étaient, quant à elles, inférieures de moitié à celles qu'elles étaient, là encore, en novembre 2019.

Il y a donc bien, dans de nombreux secteurs, une dynamique des exportations. D'ailleurs, les entreprises exportatrices sont elles-mêmes plus nombreuses.

D'un point de vue conjoncturel, nous sommes confrontés, je le répète, à une très forte augmentation des prix des hydrocarbures qui a évidemment un impact sur notre déficit commercial. Et nous connaissons parallèlement un niveau élevé de la consommation, de la part tant des entreprises que des particuliers.

Je vous rappelle les quatre leviers que j'ai évoqués tout à l'heure pour faire face au problème structurel que nous connaissons. Il y a d'abord l'amélioration de la compétitivité. Contrairement aux majorités précédentes - pardon de le dire ! -, nous avons baissé la fiscalité qui pèse sur notre compétitivité...

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - C'était aussi votre majorité à une époque, monsieur le ministre !

M. Franck Riester, ministre. - Je vois plusieurs d'entre vous faire non de la tête, mais là encore, c'est simplement la réalité !

La politique ambitieuse d'amélioration de la compétitivité coût et hors coût que nous menons depuis quatre ans paye aujourd'hui. Des industries se réinstallent dans nos territoires, elles investissent.

Nous connaissons un formidable dynamisme des investissements étrangers en France, ce qui signifie bien que les grands groupes internationaux font aujourd'hui - ce n'était pas le cas auparavant - le choix de la France, y compris en matière industrielle. Ces groupes voient dans notre pays des opportunités importantes de développement, plus qu'en Allemagne.

De nombreux facteurs y contribuent : la baisse de la fiscalité, l'augmentation de la souplesse accordée aux entreprises pour s'organiser, la présence de talents et de compétences, etc. Sur le temps long, ces entreprises vont nous permettre d'augmenter nos capacités exportatrices.

D'ailleurs, je crois que les Français se rendent compte de ce changement sur le terrain.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Vraiment ?

M. Franck Riester, ministre. - Il n'y a jamais eu autant d'emplois créés en France ! Nous devons continuer dans ce sens.

La question de la relocalisation d'une partie des chaînes de valeur nécessite un travail en profondeur et du temps. Dans le cadre du plan de relance, nous avons mobilisé des lignes de crédits pour accompagner les entreprises qui relocalisent en France. Des centaines de projets sont en cours, notamment dans des secteurs stratégiques.

Je crois qu'il faut aussi inciter les consommateurs à acheter français. Chacun sait bien que de nombreux restaurants achètent du boeuf argentin, australien ou brésilien plutôt que de la viande d'Aquitaine, du Limousin ou de l'Aubrac ! Nous devons accompagner les changements de comportements afin de favoriser le made in France.

En ce qui concerne la question de M. Leconte sur la mobilité pendant la crise du covid, je vous rappelle que plusieurs pays - je pense évidemment aux États-Unis, avec le travel ban, ou à la Chine - se sont complètement fermés durant cette période. Cela n'a pas été le cas de la France, mais nous assumons d'avoir pris des mesures restrictives temporaires pour des pays où le virus circulait de manière particulièrement importante. Dire que nous n'avons rien fait pour faciliter la mobilité des chefs d'entreprises ou de leurs équipes est donc tout simplement exagéré !

Sur l'Afrique, je l'ai dit, c'est pour nous une zone prioritaire et nous soutenons le projet de zone de libre-échange à l'échelle du continent, la Zlecaf. Nous avons l'ambition de nouer à terme des accords de continent à continent plus intégrés. D'ici là, nous travaillons à la signature, ou à la modernisation lorsqu'ils existent, d'accords commerciaux régionaux ou bilatéraux - je pense par exemple au Kenya.

Pour que ces accords soient gagnants-gagnants, nous réfléchissons à la question des chaînes de valeur : les relocalisations que nous souhaitons pour notre pays peuvent aussi s'appuyer sur des colocalisations dans des pays proches de l'Europe, que ce soit d'un point géographique, culturel ou linguistique, afin d'améliorer les chaînes d'approvisionnement. Je pense notamment à la réussite du développement des secteurs aéronautique et automobile au Maroc et en Tunisie.

Dans le secteur agroalimentaire, il n'est quand même pas normal que des produits bruts, par exemple le chocolat ou la noix de cajou, soient expédiés d'Afrique en Asie pour revenir ensuite transformés en Europe...

Mme Colette Mélot. - Le Gouvernement s'est attelé à rendre notre pays plus compétitif et à récompenser le travail - c'est un constat. Cependant, la compétitivité de nos entreprises est mise à mal par les impôts de production, qui sont assis non sur le bénéfice, mais sur le chiffre d'affaires ou sur les facteurs de production. Ils sont d'un montant supérieur à celui de nos voisins. Le Gouvernement a fait le choix de les réduire significativement ; ils ont ainsi baissé de 10 milliards d'euros depuis 2020.

Ma question est double. Cette réduction a-t-elle eu des conséquences positives sur l'attractivité de notre pays ? Dans la mesure où nos impôts de production sont encore supérieurs à la moyenne européenne, est-il envisageable de les réduire jusqu'à atteindre cette moyenne ?

M. Jacques Fernique. - Pour autant que notre politique commerciale vise à être plus durable et plus conforme aux exigences environnementales et sociales, deux aspects me semblent importants.

Je veux d'abord évoquer le devoir de vigilance des multinationales. En présentant le programme de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, le Président de la République a dit que ce sujet ferait partie de ses priorités. Notre pays a été, d'une certaine façon, pionnier en la matière, mais la loi française n'a de sens que si elle s'appuie sur une politique forte à l'échelon européen. Or il y a déjà eu de multiples reports sur le projet de texte communautaire sur le devoir de vigilance. Où en est-il précisément ?

Je veux aussi parler de la préparation de la mise en place effective du fameux mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui pourrait entrer progressivement en vigueur à partir de 2023. Cette échéance sera-t-elle tenue ? Il serait désastreux, autant pour le climat que pour les perspectives de remboursement de l'emprunt commun, qu'elle soit repoussée.

Par ailleurs, il n'est pas envisageable de maintenir à terme les quotas gratuits alloués aux entreprises les plus polluantes, si nous voulons que ce mécanisme soit efficace et cohérent au regard des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En outre, la Cour des comptes européenne a montré combien l'efficacité de ces quotas est discutable. Si on peut comprendre la préoccupation liée à la compétitivité de nos exportations, on ne peut pas, pour autant, céder à toutes les pressions destinées au maintien de ces avantages. L'action de la France aura-t-elle la détermination qui s'impose ?

Mme Marta de Cidrac. - Monsieur le ministre, vous venez de rappeler un certain nombre de priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, comme la prise en compte de l'enjeu environnemental et la nécessaire fermeté en matière de politique commerciale. Vous avez même dit que nous ne devons pas faire preuve de naïveté...

Mais force est de constater que la voix de la France n'est pas toujours entendue à l'échelle de l'Europe. Peut-être en sera-t-il différemment avec le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ? Les appétences des États membres vis-à-vis de ce dispositif sont diverses : les pays ayant une balance commerciale excédentaire - je pense évidemment à l'Allemagne - sont particulièrement attentifs aux mesures potentielles de rétorsion commerciale.

La question se pose également pour nos entreprises exportatrices. Elles sont nombreuses malgré notre déficit commercial, qui est à un niveau abyssal, jamais atteint. Or le mécanisme qui a été conçu pour assurer une neutralité au sein de l'Union européenne pourrait pénaliser les entreprises européennes exportatrices, dès lors qu'elles ne bénéficieraient plus de l'allocation de quotas gratuits.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous procéder pour que le mécanisme ne pénalise pas nos exportations et ne conduise pas à créer des filiales à l'extérieur de l'Union européenne ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le ministre, vous êtes également chargé de « l'attractivité » de la France qui dépend grandement de l'image de notre pays.

Il y a très longtemps, notre pays a fait le choix de l'universalité de ses réseaux à l'étranger. Nous sommes donc présents d'un point de vue économique ou culturel dans la majorité des pays. Pourtant, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'a cessé de diminuer année après année. Dans l'ensemble de nos réseaux, les crédits diminuent ; certes, ils stagnent cette année, mais cela est dû à la pandémie. Cela pose la question de notre perte d'influence et de la diminution de notre attractivité économique et culturelle.

Nous disposons pourtant d'un réseau dont peu d'autres pays disposent : je ne citerai, sur le plan économique, que Business France, les conseillers du commerce extérieur, les chambres de commerce ou encore les services économiques et, sur le plan culturel, les instituts français, les alliances françaises et les établissements scolaires.

Certains pays ont bien compris l'atout que constitue un réseau culturel et ils y investissent massivement. De notre côté, nous avons aussi un réseau, mais il a finalement beaucoup moins d'influence, parce qu'il n'a pas la chance de bénéficier du même soutien que ses concurrents.

Alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères chapeaute désormais l'ensemble des politiques d'attractivité, comment défendre et développer notre attractivité économique, si la diplomatie d'influence, qui est essentielle à celle-ci, ne bénéficie pas de moyens suffisants ? Avez-vous une stratégie globale, dans laquelle tous nos réseaux seraient coordonnés pour éviter le fonctionnement en silos ? Quels en sont les objectifs ?

Je vous donne un exemple : les Irlandais travaillent chaque année sur une telle stratégie, appelée Global Ireland, et l'ensemble de leurs réseaux à l'étranger, qu'ils soient diplomatiques, culturels ou économiques, est focalisé sur les objectifs ainsi fixés. Je sais que vous connaissez bien ce pays. Que pensez-vous de ce mode de fonctionnement ?

M. Franck Riester, ministre. - Nous avons pris des décisions très importantes pour faire baisser les impôts de production et je peux vous dire qu'elles sont reconnues comme tel : j'ai visité lundi dernier une usine du groupe Mars installée dans le Loiret et son dirigeant m'a clairement dit que, si son groupe avait décidé d'investir 50 millions d'euros en France, c'est parce que les impôts de production et sur les sociétés avaient baissé.

Pour autant, il existe encore un décalage avec certains pays européens, dont l'Allemagne. Continuer de faire baisser les impôts de production pour améliorer encore plus notre compétitivité fait partie de nos pistes de réflexion.

Un autre levier qui nous a permis d'améliorer notre compétitivité a été la baisse des cotisations sociales ; ainsi, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été transformé en un allègement pérenne de cotisations sociales. Il est vrai que cela concernait d'abord les bas salaires et que nous devons regarder la question des salariés plus qualifiés.

En tout cas, la France a créé 140 000 emplois industriels en 2021 et il y a eu deux fois plus d'usines ouvertes que d'usines fermées. Il existe donc une réelle dynamique en matière industrielle.

En ce qui concerne le devoir de vigilance, c'est une fierté pour la France d'avoir été pionnière en la matière avec la loi de 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, dite loi Potier, dont d'autres pays se sont inspirés, à commencer par l'Allemagne. Nous devons maintenant travailler sur ce sujet au niveau européen. Le commissaire Didier Reynders devrait proposer une législation dans les semaines à venir et nous estimons qu'il est très important qu'un cadre européen soit fixé. Nous souhaitons que cette proposition intègre la question du travail forcé ; si ce n'était pas le cas, nous serions favorables à ce que l'Union européenne se dote d'un instrument spécifique sur ce sujet, comme l'a évoqué la présidente de la Commission.

Je peux vous dire, madame la sénatrice de Cidrac, que la voix de la France est de plus en plus suivie, y compris sur les questions commerciales. La Commission européenne a présenté une révision de sa stratégie commerciale dans laquelle la France se retrouve en très grande partie et qu'elle a d'ailleurs influencée. Des pays comme les Pays-Bas, traditionnellement éloignés de la France sur les sujets commerciaux, ou l'Allemagne, en particulier depuis l'entrée en fonction de la nouvelle coalition, sont dorénavant beaucoup plus en phase avec nous.

En ce qui concerne le MACF, de nombreux pays soutiennent un tel mécanisme et nous devons continuer de travailler à un consensus pour éviter les délocalisations et les « fuites » de carbone à l'extérieur de nos frontières. Nous devons protéger nos producteurs, auxquels nous demandons des efforts importants en matière de décarbonation, tout en évitant de pénaliser nos exportateurs. De ce point de vue, le dispositif précis n'a pas encore été identifié. Pour l'instant, il est proposé de réduire les quotas gratuits de 10 % par an sur une période de dix ans. Je rappelle que la Commission européenne a proposé une période à blanc pour le MACF de 2023 à 2025. Nous aurons des discussions avec nos partenaires sur tous ces sujets pour trouver un mécanisme qui soit solide et qui ne puisse pas être contourné.

S'agissant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, son budget global a augmenté de 32 % sur le quinquennat.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Ce chiffre me surprend !

M. Franck Riester, ministre. - Jean-Yves Le Drian a précisé une nouvelle fois en décembre dernier notre stratégie d'influence qui passe par la marque France. Nous travaillons d'ailleurs à une campagne de communication dans un certain nombre de pays pour valoriser les entreprises françaises. Pour cela, nous rassemblons les différents leviers que vous avez évoqués.

Vous avez raison de dire, madame Conway-Mouret, que le soft power, comme on dit en franglais, est une question très importante. Je m'y suis beaucoup intéressé, lorsque j'étais ministre de la culture. Nous avons un très grand potentiel en la matière et cela reste au coeur de nos priorités.

M. Bruno Sido. - Cela a été dit, le déficit commercial français atteint un niveau abyssal. Certes, la hausse des prix de l'énergie et des matières premières et la pandémie ont un impact, mais ce qui est très inquiétant, c'est que traditionnellement les ventes d'armement permettent à la France de tirer vers le haut sa balance commerciale. Par ailleurs, la croissance du marché de l'armement atteint des records, ce qui devrait créer une dynamique favorable pour l'industrie française.

Or force est de constater que les achats d'équipements militaires par les membres de l'Union européenne se font de plus en plus auprès d'acteurs hors de l'Union européenne. Neuf pays membres de l'Union européenne ont acheté des F35 américains. L'exemple de la Pologne est criant, puisqu'elle a consacré 10 milliards d'euros pour des F16, des missiles antichars et des F35 américains. L'exemple allemand vis-à-vis des avions Poseidon n'est pas sans poser d'importantes interrogations, alors même que nous redoublons d'efforts pour la réalisation du système de combat aérien du futur (SCAF) avec eux. Ces achats concernent également les munitions, les avions de transport, les hélicoptères, etc.

C'est donc l'ensemble de notre industrie de défense qui en pâtit. Cela a des conséquences sur la construction de la défense européenne qui doit s'appuyer sur une interopérabilité des matériels et sur notre souveraineté, car les exportations d'armement permettent à notre industrie de défense de maintenir ses capacités de recherche et de production, sur lesquelles repose notre modèle d'armée, le seul, dans l'Union européenne, à être autonome et complet.

Monsieur le ministre, quels actes forts allez-vous engager dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne pour favoriser la mise en place d'un marché commun européen de la défense, favorable à la France et à ses exportations ?

M. Rémi Cardon. - Monsieur le ministre, je suis désolé, mais je vais évoquer de nouveau la question du déficit de notre balance commerciale. En novembre dernier, notre déficit en la matière a bondi de 9,7 milliards d'euros, un niveau jamais atteint. Ce phénomène a eu un impact direct sur les factures énergétiques des Français, cela a été dit. La France s'est retrouvée en position d'importatrice nette en novembre au moment où les cours s'envolaient. Les déficits sur les produits énergétiques se creusent considérablement.

Comment comptez-vous remédier à ce problème pour l'année 2022 ? Si vous estimez que la moitié du déficit est due à la hausse des prix des carburants, dont acte ! Personnellement, je pense que c'est surtout dû un manque de capacité de production électrique. Quelle est la stratégie de la France pour rattraper ce manque ?

Quelles filières devons-nous renforcer pour équilibrer notre balance commerciale ? Je ne suis ni pessimiste ni naïf, mais quand le plan France Relance s'arrêtera, c'est-à-dire après la campagne présidentielle, dans quel état sera notre pays en matière commerciale ?

M. Olivier Cadic. - Monsieur le ministre, en septembre 2013, à Londres, Nicole Bricq, alors ministre du commerce extérieur, annonçait qu'elle devait équilibrer la balance commerciale de la France, hors énergie, d'ici à la fin du quinquennat de François Hollande. Son objectif : combler le trou de 15 milliards d'euros créé sous Nicolas Sarkozy. Raté ! Le gouvernement socialiste a renouvelé la performance de ses prédécesseurs et doublé le déficit dans ce domaine avec 36,2 milliards d'euros en 2017 - un record ! Match nul donc entre les protagonistes des deux quinquennats dans tous les sens du terme.

Le redressement de notre commerce extérieur sera une opération de longue haleine que chacun devrait aborder avec beaucoup d'humilité. Président du groupe d'amitié France-Pays du Golfe, j'ai eu le privilège de faire partie de la délégation qui accompagnait Emmanuel Macron pour ses visites de travail aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite en novembre dernier.

Trente-six ans après avoir travaillé sur le démonstrateur du Rafale A, j'étais comblé d'assister à la signature à Dubaï d'un contrat historique pour la livraison de 80 Rafale. Par ailleurs, les Émirats ont signé un contrat pour l'acquisition de 12 hélicoptères H225M Caracal auprès d'Airbus Helicopters, qui seront entièrement produits et assemblés à Marignane.

Ce voyage a permis de concrétiser des résultats économiques spectaculaires qui renforceront l'emploi en France. L'étape de Djeddah, en Arabie Saoudite, où vous nous avez rejoints, m'a permis d'y retrouver beaucoup d'entreprises françaises qui vous accompagnaient.

Pouvez-vous nous parler des résultats obtenus en Arabie Saoudite, qui ont été moins médiatisés que ceux obtenus aux Émirats, mais qui m'ont semblé réjouir nos entrepreneurs ?

Mme Marie-Christine Chauvin. - La proposition de mécanisme d'ajustement carbone aux frontières constitue une avancée considérable, même si le chemin à parcourir pour le concrétiser sera sans doute long et certainement semé d'embûches. On peut donc comprendre pourquoi la Commission européenne n'a proposé d'inclure, dans un premier temps, qu'un nombre restreint de secteurs.

Il en est toutefois un qui est absent à ce stade et qui mériterait d'être intégré le plus tôt possible : il s'agit évidemment de l'agriculture. Vous allez sûrement me dire là encore que c'est un secteur où tout va bien... Toutefois, nous mesurons chaque jour les effets délétères de son exposition à la concurrence internationale déloyale.

Dans un récent avis sur le mécanisme d'ajustement carbone, la commission agriculture du Parlement européen a plaidé pour que le dispositif soit étendu au plus vite aux produits agricoles. La commission souligne que cette intégration est d'autant plus importante que, malgré les compensations promises en cas de perte de rentabilité, le secteur agricole sera directement touché par l'inclusion d'autres produits, notamment les engrais.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la position du Gouvernement sur cette question et, le cas échéant, nous préciser si la présidence française entend préparer dès maintenant, par exemple via une étude d'impact ou une consultation intersectorielle, le terrain à l'extension de ce mécanisme aux produits agricoles ?

M. Franck Riester, ministre. - Je reviens rapidement sur l'attractivité pour vous dire que 700 projets de relocalisation sont en cours dans le cadre du programme France Relance. Une fois ce programme terminé, monsieur Cardon, c'est France 2030 qui sera le dispositif d'accompagnement des différents secteurs.

Quelqu'un a évoqué tout à l'heure les universités. Je crois qu'il faut avoir un peu d'objectivité en la matière et je vous rappelle que la France se situe en 2021 au troisième rang mondial du classement de Shanghai.

Sur l'énergie, la stratégie est claire : elle vise à développer à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire. Ainsi, le Président de la République a annoncé la construction à terme de six centrales EPR. Pour diminuer la consommation d'hydrocarbures - je rappelle que nous avons décidé de stopper leur exploration en France, si bien que nous devons les importer -, il nous faut aussi - c'est ce que nous faisons - accompagner la transformation de notre parc automobile vers l'électrique.

Aujourd'hui, l'agriculture ne fait pas partie du champ des quotas carbone du système de permis d'émissions négociables (ETS) ; c'est la raison pour laquelle ce secteur n'a pas été intégré à ce stade au MACF. Nous devons continuer de discuter de l'ensemble de ces questions ; c'est ce que fait le ministre concerné, Julien Denormandie, avec les filières agricoles. Nous devrons aussi être attentifs sur la question des engrais pour éviter les « fuites » de carbone dont je parlais tout à l'heure et pour évaluer correctement les conséquences de l'intégration de ces produits sur la filière aval, c'est-à-dire l'agroalimentaire. Plus globalement, la politique agricole commune permet d'accompagner les filières et les exploitants dans la modernisation de leurs exploitations.

Nous gardons une forte ambition internationale pour le secteur agroalimentaire, que ce soit pour maintenir les marchés ouverts ou pour en ouvrir de nouveaux. C'est un secteur très concurrentiel. J'ai récemment eu d'importantes discussions avec les responsables algériens sur ces questions, par exemple.

Pour nous protéger des pratiques déloyales, nous soutenons la mise en place de clauses miroirs. Je pense notamment à l'utilisation des antibiotiques comme facteurs de croissance ou à la déforestation importée, mais les ministres Julien Denormandie et Barbara Pompili travaillent aussi sur d'autres clauses miroirs dans leurs secteurs respectifs, l'agriculture et l'environnement. Dans le même temps, nous devons continuer d'améliorer la compétitivité de l'agriculture française et européenne, ce qui est difficile, il faut le reconnaître, en raison de nos engagements en matière de développement durable.

Nous mobilisons beaucoup d'énergie sur le Moyen-Orient comme nous le faisons sur l'Afrique, l'Asie du Sud-Est ou encore l'Amérique. J'ai fait de nombreux déplacements depuis un an et demi. L'Arabie saoudite, pays sur lequel vous m'interrogez, monsieur Cadic, a adopté un plan stratégique, Vision 2030, qui prévoit de très importants investissements. Il faut savoir que le fonds souverain saoudien, le Public Investment Fund (PIF), va investir 40 milliards de dollars par an en Arabie saoudite d'ici à 2025. Or nombre de nos entreprises ont un savoir-faire formidable pour se positionner sur ces projets : je pense aux entreprises des secteurs de la ville durable, des énergies renouvelables, de la santé, du tourisme, de l'industrie, de la finance verte, des transports urbains ou encore de l'hydrogène. Nous devons continuer de nous mobiliser pour accroître notre présence en Arabie saoudite ; c'est pour cette raison que j'ai organisé dans ce pays, vous l'avez dit, un forum d'affaires, où 80 entreprises françaises étaient présentes. D'importants contrats ont été signés, par exemple une commande à hauteur de 400 millions d'euros auprès d'Airbus Helicopters, l'achat de fournitures pour des moteurs destinés à l'aéronautique à hauteur de 11 milliards pour Safran ou encore un contrat de gestion des eaux pour la ville de Riyad à hauteur de 80 millions pour Veolia. D'autres négociations sont en cours. Une vingtaine de contrats de coopération ont été signés avec ce pays, touchant différents secteurs d'activité. La confiance se renforce entre opérateurs français et saoudiens.

Enfin, une question m'a été posée concernant le secteur de l'armement. Ce secteur relève plus directement du champ du ministère des armées, mais il s'agit évidemment d'une question stratégique pour notre pays. L'Union européenne devrait adopter prochainement sa « boussole » stratégique. La complémentarité entre l'OTAN et l'Union européenne est absolument nécessaire. Nous devons prendre en compte l'aspect industriel de cette stratégie, parce que, si nous voulons être souverains, nous devons maîtriser les technologies et la production des matériels nécessaires à notre défense. La France a évidemment un savoir-faire particulièrement reconnu en la matière. Nous avons obtenu des résultats positifs, par exemple avec le Rafale en Grèce, en Croatie ou dans les Émirats arabes unis, mais aussi des déceptions comme avec les sous-marins. En tout cas, la souveraineté européenne passe nécessairement par une souveraineté en matière industrielle et technologique.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Pour conclure, je voudrais vous dire, monsieur le ministre, que le Sénat ne vous a jamais manqué, quand il s'est agi de travailler sur la compétitivité des entreprises. Je trouve donc assez déplacés les propos que vous avez eus - je préfère vous le dire. Nous avons toujours travaillé sur la compétitivité des entreprises à vos côtés, avec les territoires, et nous considérons qu'il y a encore du chemin à faire, comme vous l'avez vous-même indiqué tout à l'heure.

Je crois que nous avons des approches différentes sur l'énergie et la politique commerciale extérieure. En particulier, pour reprendre les propos de M. Cardon, je pense que nous n'aurions pas un tel déficit en matière énergétique, si nous n'avions pas été dans l'obligation d'acheter autant d'énergie en cette période. En tout cas, le déficit aurait été probablement moins lourd, même si nous savons bien que les tarifs sont en hausse.

Nous avons beaucoup parlé de politique commerciale internationale et des initiatives qui sont prises en Europe, en particulier en ce qui concerne le mécanisme d'ajustement aux frontières, le MACF. En revanche, nous ne vous avons pas interrogé sur la question de la concurrence déloyale intra-européenne, notamment en matière agricole. Or environ 80 % de notre déficit commercial est intra-européen et il est largement dû à des concurrences déloyales en termes de pratiques, que ce soit d'un point de vue environnemental ou social - on peut au minimum dire que ces pratiques ne sont pas homogènes... Il me semble que c'est une question très importante.

Par ailleurs, nous sommes assez inquiets en ce qui concerne la politique européenne de l'espace. Ce sujet fera l'objet de débats lors des conférences parlementaires organisées dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Nous sommes inquiets, là aussi, de la concurrence déloyale intra-européenne en termes de bases de lancement, mais aussi de l'absence de vision d'ensemble sur ce sujet. Il me semble que ce secteur doit concourir à l'attractivité de notre pays et que nous devons créer un marché unique européen en la matière.

Enfin, vous nous avez indiqué que vous aviez les meilleures relations avec le nouveau gouvernement allemand. Nous en sommes très heureux, car nous avons besoin de convergences entre nos deux pays, mais nous ne devons pas être naïfs au regard de l'importance de l'influence allemande en Europe.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 heures.

Mercredi 26 janvier 2022

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Ce texte comporte 17 articles et il sera examiné en séance publique le mardi 8 février prochain. Au stade de la commission, 109 amendements ont été déposés : après consultation de la commission des finances, 20 d'entre eux ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, leurs auteurs en ont été informés.

Le sujet de ce projet de loi est suivi de très près au Sénat depuis des années. Je pense bien entendu à la proposition de loi adoptée par le Sénat de Franck Montaugé et d'Henri Cabanel sur le même thème en 2016 ou à la proposition de loi de M. Carle sur la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire que notre collègue Daniel Gremillet avait rapportée en 2015 et 2016. Plus récemment, citons les travaux réalisés en 2019 par la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, derrière nos collègues Michel Vaspart et Nicole Bonnefoy ou encore la proposition de résolution adoptée par le Sénat à l'initiative d'Henri Cabanel en 2020 pour promouvoir le développement de l'assurance récolte.

C'est au tour de notre rapporteur, Laurent Duplomb, de s'emparer du sujet pour tenter de réaliser un exercice de synthèse sur cet ultime projet de loi agricole du quinquennat, ce qu'il a préparé de longue date au sein du groupe de travail sur l'assurance récolte de notre commission. Je salue également le travail des rapporteurs pour avis de la commission des finances, nos collègues Claude Nougein et Patrice Joly.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Je voudrais débuter mon propos en vous faisant partager un certain plaisir. Car, pour une fois, nous parlerons de l'agriculture et du changement climatique non pas sur le ton de l'accusation et de l'anathème, comme l'agenda législatif nous l'impose souvent. Pour une fois, l'agriculteur n'est pas placé sur le banc des accusés au procès du changement climatique, mais il est au rang de victime. Aujourd'hui, nous inversons la logique et rappelons combien les agriculteurs constatent tous les jours, dans leurs champs et leurs prairies, les impacts du changement climatique. Nos agriculteurs sont avant tout les premiers concernés par le défi climatique, car la nature est leur environnement et la terre leur outil de travail. Et ils sont également les plus exposés à ces changements climatiques qui, chaque année, et de plus en plus, les exposent partout à des aléas de plus en plus fréquents, créant des dommages croissants.

Les signes ne trompent pas : les vendanges ont lieu 18 jours plus tôt qu'il y a 40 ans comme les semis de maïs ou la floraison de nos vergers, exposant ces cultures à des épisodes de gel tardif ; les pluies extrêmes, épisodes de grêles et tempêtes s'accroissent, notamment sur un grand quart sud-est de la France, tandis que la sécheresse se généralise ces dernières années partout en France, touchant même des régions plutôt épargnées jusqu'à présent.

Cette réalité du changement climatique menace nos productions et l'équilibre économique de nos exploitants. Les exploitants peuvent se relever d'une mauvaise récolte une année ; ils se découragent après deux mauvaises années de suite ; ils désespèrent quand trois, quatre, cinq années d'affilée, ils sont touchés par une sécheresse, une grêle ou un gel.

Les montants des sinistres le démontrent : le coût de ces derniers pour les assureurs a plus que doublé en cinq ans pour atteindre un niveau de 500 millions d'euros par an, tout comme les dépenses publiques annuelles engagées par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), qui ont en moyenne augmenté de 50 % ces dix dernières années.

Bien sûr, les agriculteurs n'ont pas attendu ce projet de loi pour se prémunir du risque climatique. Cela fait bien longtemps qu'ils savent qu'ils sont exposés à plusieurs risques : climatiques, économiques, géopolitiques, sanitaires, sociétaux, etc. Ils doivent les gérer au jour le jour.

Concernant le risque climatique, dès 1964, le législateur a mis en place l'extraordinaire régime des calamités agricoles, qui a fait preuve d'une résilience exceptionnelle pendant cinquante ans. Il fonctionnait sur un principe simple : un cofinancement assuré par les agriculteurs et la solidarité nationale permettant de financer des indemnisations publiques, allant jusqu'à 35 % des pertes, en cas d'un aléa particulièrement grave touchant une zone de production reconnue. Mais dès l'origine, ce système avait un second pilier : une incitation à l'assurance récolte par un soutien aux primes payées par les exploitants. Aujourd'hui entièrement financée par l'Union européenne, cette aide couvre jusqu'à 65 % de la prime des contrats de nos exploitants. Ces deux piliers ont longtemps cohabité jusqu'en 2010, date à laquelle, pour renforcer l'incitation à passer vers l'assurance, les calamités agricoles ont été réservées à des risques non assurables, excluant de facto les pertes de récoltes dans la viticulture et les grandes cultures. Nous sommes passés de deux systèmes complémentaires à deux systèmes concurrents : d'un côté, les grandes cultures et la viticulture où cohabitaient des personnes assurées et des personnes non assurées, qui assumaient alors pleinement leur risque ; et d'un autre côté les prairies et l'arboriculture, où l'assurance ne parvenait pas à proposer un contrat satisfaisant et où les exploitants étaient couverts en cas de calamité agricole, même sans être assurés.

Le gel du printemps 2021 a été l'élément d'une prise de conscience du monde agricole de son exposition très forte au monde climatique qui vient, tout en démontrant les failles du système actuel face à ces aléas croissants. Les dégâts étaient colossaux et les indemnisations des calamités agricoles étaient lentes et insuffisantes. De plus, des viticulteurs avaient tout perdu et n'avaient le droit à rien s'ils n'étaient pas assurés. Il a fallu tordre le bras au système pour que les viticulteurs aient le droit, exceptionnellement, à des indemnités publiques, décourageant en cela la volonté des viticulteurs à s'assurer.

Plus fondamentalement, je vois quatre failles au système actuel.

Premièrement, les assureurs ne sont pas rentables sur l'assurance multirisque climatique. Leur rentabilité est insuffisante en raison d'une trop faible pénétration du taux de l'assurance dans les fermes empêchant une mutualisation satisfaisante des risques chez les principaux opérateurs du marché. Et le changement climatique aggrave cette situation en raison de la hausse de la sinistralité. Autrement dit : plus aucun assureur ne veut rester sur le marché, à terme, sauf s'ils sont des acteurs historiques du monde agricole.

Deuxièmement, les primes sont jugées trop chères par les exploitants, malgré un subventionnement public fort, pour des produits ne répondant pas de manière satisfaisante à leurs besoins. Les tensions sur les charges des agriculteurs ne facilitent pas le débat et ce n'est pas le Gouvernement actuel qui a amélioré la situation.

Troisièmement, les exploitants ne sont pas suffisamment incités à s'assurer, on l'a vu, en raison de l'architecture du système actuel qui crée de la complexité et une certaine injustice.

Quatrièmement, le régime des calamités agricoles est de plus en plus contesté au regard de la variabilité des indemnisations proposées en raison des conditions d'éligibilité.

Ces failles justifient la réforme pour permettre au système de mieux faire face aux risques climatiques de demain. Car si rien n'est fait, le système s'effondrera.

C'est pourquoi le projet de loi est opportun en proposant une réforme de simplification de l'architecture financière des outils publics de gestion des risques en agriculture. Je crois que nous devons le soutenir et l'améliorer.

Le système à venir repose sur trois étages.

Un premier étage d'auto-assurance par l'agriculteur, correspondant à un niveau de franchise, qu'il doit gérer par sa connaissance technique, du stockage - de fourrage par exemple en vue de l'année d'après -, des investissements, de l'irrigation...

Un second étage pris en charge par des contrats d'assurance, entre le niveau de franchise et un niveau d'intervention publique. Les primes des contrats d'assurance multirisque éligibles pourront être subventionnées jusqu'à 70 %.

Enfin, un troisième étage, déclenché à compter d'un seuil d'intervention prédéterminé, sera pris en charge par l'État. Si les pertes constatées excèdent ce seuil, l'État pourra, selon les modalités d'indemnisation, couvrir une partie de la perte subie par l'exploitant.

Le droit européen prévoit déjà que le système incite à l'assurance : c'est pourquoi les non-assurés ne toucheront rien jusqu'au niveau du seuil d'intervention de l'État, et, une fois passé ce seuil, bénéficieront d'une aide minorée de moitié par rapport à ce qu'aurait touché un assuré.

Ce système, défini aux articles 1 à 3, ne concerne que les pertes de récoltes et de cultures. Les taux pourront être adaptés selon la nature des cultures et les types de contrats. En revanche, pour les pertes de fonds, pour lesquels il n'existe pas d'assurance, le système des calamités agricoles demeure, comme le prévoit l'article 4.

Une commission spéciale au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), la commission chargée de l'orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (Codar), créée à l'article 5, sera chargée d'associer les exploitants agricoles, les assureurs et l'État pour piloter au mieux ce système.

Toutefois, cette architecture ne fonctionnera que si les assureurs retrouvent de la rentabilité. C'est l'objectif de l'article 7, qui permet au Gouvernement, par voie d'ordonnance, de créer une plus grande mutualisation des données et des risques entre assureurs. En mutualisant davantage leurs risques qu'ils connaîtront mieux par un partage des données, ils pourraient améliorer leur ratio de sinistres sur primes et redevenir compétitifs. Le Gouvernement envisage de créer un pool au sein duquel les assureurs commercialisant des assurances multirisques et calamités (MRC) devront entrer, pour réaliser cette mutualisation.

Pour terminer le tour d'horizon de ce projet de loi, il me faut mentionner le sort des outre-mer, une ordonnance étant chargée de consolider le système actuel du fonds de secours aux outre-mer, ainsi que l'article 10 qui permet une différenciation des conditions d'indemnisation des risques tempête et incendie dans les contrats d'assurance des professionnels, notamment chez les exploitants agricoles.

J'en viens à mon analyse du projet de loi. Je voudrais vous faire part de trois regrets et vous proposer cinq axes d'améliorations.

Mon premier regret est que le système ne fonctionnera qu'avec de l'argent supplémentaire, car qui dit plus de risques dit plus d'indemnisations. Le Président de la République a annoncé une enveloppe de 600 millions d'euros sur le sujet, je cite, « au nom de la solidarité nationale », soit un doublement par rapport à l'enveloppe actuelle.

Je m'inscris en faux par rapport à cette affirmation puisque sur les 600 millions d'euros à venir, 185 seront versés par l'Union européenne au titre de la politique agricole commune, 140 par les agriculteurs via une hausse de la fiscalité sur leur prime d'assurance, et 275 par la solidarité nationale contre environ 170 aujourd'hui en moyenne. Au total, l'État ne met que 100 millions d'euros de sa poche en plus !

Toutefois, je me félicite que cette enveloppe supplémentaire existe et nous devrons être vigilants au prochain projet de loi de finances sur ce point. Le problème est que le projet de loi ne traduit aucun engagement financier en fixant par exemple des taux d'intervention ou des seuils de déclenchement. Autrement dit : la loi est une coquille vide, le ministère pouvant tout faire une fois la loi promulguée. Nous sommes dans le brouillard le plus épais, surtout à quelques mois de la présidentielle.

Le second élément est que ce texte travaille sur l'après-catastrophe et non sur l'anticipation et la prévention. Je vois le ministre et d'autres acteurs se féliciter d'un projet de loi historique. Ce qui sera historique, c'est d'enfin avoir une politique favorisant la prévention des risques par les exploitants. Ce qui sera historique, c'est de laisser les exploitants pouvoir développer des projets d'irrigation ou des bassines d'eau dans le respect des règles environnementales sans qu'elles ne soient saccagées. Ce qui sera historique, c'est d'investir dans des outils paragrêles, des outils de stockage, de favoriser une épargne de précaution. Ce qui sera historique, c'est de développer des variétés plus résistantes par la mutagenèse, plutôt que de bloquer le progrès en voulant séduire les partisans d'un certain obscurantisme. En bref, de prévenir les risques au maximum ! Sur ces aspects, je constate que le Gouvernement et son projet de loi sont silencieux.

Le troisième et dernier élément est que le projet de loi pourrait passer à côté de sa cible en oubliant de satisfaire les deux recommandations principales portées de manière transpartisane par le Sénat depuis des années.

D'une part, la moyenne olympique continuera de s'appliquer, sans que l'on puisse agir sur ce sujet puisqu'elle dépend d'une norme internationale définie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pour rappel, la moyenne olympique permet de calculer la moyenne des exploitants sur cinq ans, sans la moins bonne et sans la meilleure année. Mais c'est un véritable problème, car, avec la hausse de la fréquence des calamités agricoles, les moyennes de production s'effondrent et les exploitants sont de moins en moins indemnisés. Il n'est plus rare d'avoir 2 ou 3 calamités sur une période de cinq ans ! Je demandais au ministre de s'engager à commencer à faire bouger les lignes lors de la présidence française de l'Union européenne (PFUE).

D'autre part, le Gouvernement refuse toujours de s'engager fermement à appliquer pleinement le règlement Omnibus qui permet depuis 2017 de baisser pour tous les contrats la franchise de 30 à 20 % tout en augmentant le taux de subvention de 65 à 70 %. D'habitude, nous critiquons les sur-transpositions qui sapent notre compétitivité. Nous voici en pleine sous-transposition d'une aide pénalisant tout autant les agriculteurs français, quand d'autres exploitants européens, eux, peuvent bénéficier de cette faculté.

Ce sont trois regrets, car entre le droit européen et l'article 40 de la Constitution, notre pouvoir d'initiative est limité. Je demanderais au ministre au banc de prendre des engagements fermes sur ces sujets.

J'en viens à mes cinq axes de proposition pour améliorer le texte et lui donner une chance de changer les choses.

Premier axe : nous venons d'en parler, obtenir des engagements du Gouvernement pour faire bouger le droit européen sur la moyenne olympique et appliquer pleinement Omnibus. Je souhaiterais également obtenir l'engagement de maintenir un taux d'intervention de l'État à 30 % les premières années pour les prairies et les vergers. À défaut, nous ne convaincrons pas les éleveurs et les arboriculteurs de l'intérêt de la réforme.

Deuxième axe : il faut lever les freins opérationnels empêchant le recours à l'assurance par les exploitants. Pour ce faire, je vous proposerai de simplifier les modalités d'indemnisation et de vous proposer un premier pas vers un modèle d'assurance sur mesure, répondant vraiment au besoin des exploitants. C'est le meilleur moyen pour les faire adhérer au système. Par exemple, il m'apparaît logique et incitatif que les primes d'assurance soient minorées dès lors que l'exploitant a engagé des mesures de prévention sur son exploitation.

Pour pousser l'incitation un cran plus loin, je vous proposerai de conditionner la dotation « jeune agriculteur » à taux plein à la souscription d'un contrat d'assurance. Je sais que c'est un effort demandé aux agriculteurs, mais il me semble que c'est indispensable.

Troisième axe : il me semble important de mieux prendre en compte les spécificités territoriales de notre agriculture. Des petites filières ne disposent pas de solutions assurantielles aujourd'hui : nous devons nous assurer qu'elles seront toujours éligibles à un système d'indemnisation satisfaisant. Toutefois, je ne serai pas favorable à les exclure du régime prévu par le projet de loi pour prévoir un maintien dérogatoire du régime des calamités agricoles. Nous en parlerons en temps voulu, mais j'estime que c'est potentiellement désavantageux pour ces filières par rapport au système proposé. De même, confier exclusivement l'évaluation des pertes à des satellites comme cela sera le cas dans certaines filières sans contestation possible n'est pas normal : je vous proposerai de prévoir le droit de solliciter en cas de contestation de groupe dans un département une contre-enquête de terrain pour vérifier le niveau estimé des pertes. Beaucoup d'entre vous la proposent : je vous suggère de retenir la solution à laquelle j'ai travaillé qui confie ces expertises à une structure existante, les comités départementaux d'expertise, qui s'appuieront sur l'expertise des chambres.

Quatrième axe, sans doute le plus important. Pour moi, ceux qui connaissent le mieux les risques en agriculture, ce sont les professionnels et les assureurs. C'est donc à eux de piloter le système. C'est pourquoi nous doterons la Codar d'un vrai pouvoir d'animation et de recommandation. Son rôle sera de proposer au Gouvernement des taux sur 5 ans pour chacun des seuils importants.

Enfin, le cinquième et dernier axe consiste à sécuriser la réforme pour lui donner une chance de réussir. L'Autorité de la concurrence a émis des doutes sur la conformité des projets du Gouvernement sur le pool d'assurances par voie d'ordonnance : nous vous proposerons avec notre collègue Claude Nougein de la commission des finances de sécuriser cet article par des garanties. Surtout, les acteurs économiques ont besoin de visibilité pour s'engager dans la nouvelle architecture du système. Sans cela, ils seront frileux. Ils ont besoin de visibilité et de stabilité. Je ne comprends pas la volonté du ministre de piloter tous les taux au jour le jour : c'est le meilleur moyen, d'ailleurs, de s'assurer que la Codar ne servira à rien ! Nous vous proposons, avec mon collègue Patrice Joly de la commission des finances, tout l'inverse : des taux uniques, pris sur la recommandation de la Codar, sur cinq ans, adaptés par culture. Le ministre pourra y déroger dans des cas dûment justifiés.

Pour conclure en une phrase, ce projet de loi marque une avancée que je vous propose de soutenir, mais il mérite d'être amélioré par voie d'amendement et en poussant le ministre à prendre des engagements fermes en séance. Telle est la position de commission que je vous propose.

M. Henri Cabanel. - Ce texte est bienvenu, même si tout n'est pas parfait, comme l'a souligné notre rapporteur. On peut regretter toutefois que nous devions toujours traiter les sujets dans l'urgence. Au Sénat, nous travaillons pourtant sur l'assurance récolte depuis longtemps. Il a fallu attendre le gel catastrophique du printemps dernier pour que le Gouvernement décide de légiférer. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais le texte a été préparé dans la précipitation, en raison du calendrier électoral que l'on connaît...

Notre rapporteur a raison de demander de conditionner la dotation « jeune agriculteur » à taux plein à la souscription d'un contrat d'assurance. Je déposerai un amendement pour défendre l'obligation de s'assurer. Les agriculteurs ne peuvent investir sans un horizon dégagé ; or les aléas climatiques bouleversent l'économie agricole. Qu'arrivera-t-il à ceux qui ne sont pas assurés : s'ils n'ont pas 50 % de pertes, ils ne toucheront rien, et au-delà de ce seuil, ils ne toucheront qu'une aide de l'État minorée de moitié par rapport à ce qu'aurait touché un assuré. C'est les condamner à la faillite ! Avec l'assurance obligatoire, on peut faire jouer la solidarité nationale, quitte à moduler les taux en fonction des efforts de l'agriculteur pour lutter contre le changement climatique. Après tout, on ne se pose pas la question de l'obligation de s'assurer lorsqu'il s'agit d'automobile ou d'habitation ! Je plaiderai donc pour une assurance obligatoire.

M. Franck Menonville. - Les professionnels, comme nous au Sénat, appellent depuis de nombreuses années à une révision du système de gestion des risques qui s'est développé depuis les années 2010 et qui est à bout de souffle avec la fréquence des catastrophes climatiques. Le recours à la moyenne olympique entraîne une baisse de la couverture des risques. Les incitations à s'assurer ne sont pas suffisantes et les coûts explosent en raison du manque de mutualisation.

Le dispositif proposé, complété par les propositions de notre rapporteur, me semble satisfaisant. Je partage les interrogations d'Henri Cabanel : faut-il prévoir une obligation de s'assurer ou faut-il renforcer les incitations à le faire pour développer le taux de personnes assurées ? Je ne sais pas, en tout cas l'équilibre du système repose sur la mutualisation. Je soutiens la création du pool d'assureurs prévu à l'article 7, qui va dans le sens de la mutualisation et qui facilitera la conception d'un produit homogène et attractif, même si le dispositif ne sera pas simple à mettre en oeuvre. Comme l'a dit à juste titre notre rapporteur, les acteurs économiques ont besoin de visibilité et de stabilité.

M. Daniel Gremillet. - L'exercice que nous avons à faire est complexe : on sait d'où l'on vient, mais on ne sait pas où l'on va ! L'État a toujours été au rendez-vous en cas de catastrophe agricole. La question est de savoir où placer le curseur entre la responsabilité des agriculteurs, celle de l'État et désormais celle de l'Union européenne. Je partage les propos de notre rapporteur sur l'aspect financier. Il faut sécuriser le mécanisme. Dans le système précédent, en effet, on n'avait pas intérêt à être assuré. Je remercie notre rapporteur d'avoir repris ma proposition consistant à rendre obligatoire l'assurance pour tous les jeunes agriculteurs bénéficiant de l'aide de l'État, que nous avons adoptée ici au Sénat il y a plus de cinq ans. La question de l'obligation posée par M. Cabanel est un vrai sujet. Nous aurons le débat en séance. La question des pertes de fonds n'a pas qu'un lien lointain avec l'insécurité alimentaire. Là encore, l'efficacité du mécanisme dépendra de la manière dont on placera le curseur. Il faut éviter de bâtir un système à des seules fins électorales, mais qui serait fragile : n'oublions pas que l'enjeu est non seulement la situation des agriculteurs, mais aussi la sécurité alimentaire de notre population.

M. Alain Chatillon. - Je soutiens la position de notre rapporteur. Je voudrais attirer votre attention sur l'avenir. On a du mal en France à anticiper. Le changement climatique va bouleverser notre agriculture. J'ai créé le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest innovation, qui regroupe 470 entreprises et 60 pôles de recherche. Il faut établir un lien étroit entre l'agriculture et l'industrie agroalimentaire pour faciliter la diffusion des innovations, sinon d'autres le feront. Sans doute faudrait-il amender le texte en ce sens ou sinon réfléchir à une proposition ad hoc. J'ai commencé à travailler sur ce sujet dans le cadre de mon pôle de compétitivité pour demander des réunions avec les chambres d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie. Lorsque j'ai lancé la société Soy en 1994, personne n'y croyait. Aujourd'hui, on produit 12 500 tonnes de soja bio, avec une valorisation supérieure de 10 % à toute autre culture. L'industrie pharmaceutique a de plus en plus besoin de produits agricoles : pensez au ginkgo biloba par exemple. Il faut faciliter le rapprochement de l'agriculture avec les industries de transformation, jusqu'à l'industrie pharmaceutique. Le climat change. Il est probable que l'on pourra produire du vin de Bordeaux aux Pays-Bas dans 20 ans, et que les cépages espagnols seront cultivés dans le Bordelais. Nous devons donc anticiper. Toutes les cultures seront frappées.

M. Bernard Buis. - Ce projet de loi est essentiel pour nos agriculteurs. Il traduit la volonté politique de prendre en compte les aléas climatiques qui ne cessent de rythmer l'actualité. Jusque-là les agriculteurs ne disposaient que d'un régime assurantiel classique et bénéficiaient parfois du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles ou du régime des calamités agricoles. En avril, le gel a provoqué des pertes de 70 % des cultures dans la Drôme, en dépit des chaufferettes. La floraison avait été précoce en mars à cause de la chaleur et le gel tardif d'avril a été dévastateur. Le réchauffement climatique a pour conséquence de multiplier les risques de floraisons précoces et de gel tardif dévastateur. Je rejoins la position de M. Cabanel. Nous sommes favorables au système à trois étages proposé et à la création d'un pool d'assureurs afin de simplifier et faciliter l'accès au dispositif. Un temps de concertation est nécessaire, d'où le recours aux ordonnances dont le délai a été réduit de neuf à six mois à l'Assemblée nationale. Une consultation de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ou de l'Autorité de la concurrence est nécessaire. En dépit de réserves sur quelques points, comme la trajectoire pluriannuelle ou la surface non assurable, nous voterons ce texte.

M. Franck Montaugé. - Je me réjouis que nous débattions de ce sujet. Je partage les remarques et propositions de notre rapporteur. On nous demande de signer un chèque en blanc au Gouvernement, car le contenu de la réforme dépendra beaucoup des ordonnances et des décrets ; l'essentiel nous échappe. Il est crucial de prendre en compte la diversité des situations et des cultures pour que chacun puisse s'approprier le dispositif. Le groupe socialiste s'interroge sur les petits exploitants qui n'ont pas les moyens de s'engager dans un tel dispositif. Je m'interroge aussi sur la constitutionnalité d'un dispositif de solidarité nationale qui serait fondé sur une obligation non prévue dans la loi : réduire de moitié les aides versées par l'État au titre de la solidarité nationale pour ceux qui ne sont pas assurés soulève des questions au regard du principe d'égalité républicaine.

Notre rapporteur pourrait-il préciser son idée d'indexer les primes sur les investissements réalisés par les exploitants ? Tous ne peuvent pas investir. Comment peut-on imaginer que la France pourra, lors de la PFUE, changer les règles sur la moyenne olympique ? Ce seul point peut faire capoter le système. Que peut-on faire sur ce sujet ?

Sous toutes ces réserves, nous sommes globalement favorables au système proposé, qui s'inspire du modèle espagnol.

M. Serge Mérillou. - Les calamités climatiques sont une épée de Damoclès qui pèse sur les agriculteurs. L'assurance récolte permet d'avoir un système fondé sur une assiette large. Il est intéressant de rendre obligatoire l'adhésion des jeunes agriculteurs dès leur installation, car, si le système fonctionne bien, on peut s'attendre à ce qu'ils restent dans le système par la suite. Mais il faudrait aussi mobiliser la filière aval, qui dépend directement de la production - les coopératives, les fournisseurs -, pour cofinancer l'assurance récolte.

Il faut aussi développer la prévention des risques : je pense par exemple à la création de bassines ou de lacs collinaires pour retenir l'eau pour pallier d'éventuelles sécheresses. Cela ne fait pas l'unanimité et la réglementation complexe ne facilite pas la création de réserves d'eau. Il faut aussi développer la recherche appliquée, par exemple pour sélectionner des variétés plus résistantes à la sécheresse. Le Gouvernement ne redistribue pas la totalité des cotisations acquittées par les producteurs pour financer la recherche et le développement : peut-être peut-on utiliser une partie de ces crédits pour financer la recherche pour développer de nouvelles variétés.

M. Denis Bouad. - Je partage l'analyse globale de notre rapporteur. Le gel du mois d'avril a accéléré la réflexion. Un milliard d'euros a été débloqué au titre des calamités agricoles pour indemniser ceux qui ont perdu leur récolte, y compris ceux qui n'étaient pas éligibles au régime, mais qui ont été réintégrés de manière exceptionnelle grâce au « quoi qu'il en coûte ».

Le système à trois étages proposé nous convient. Il fonctionne bien en Espagne. Ce projet ressemble à une assurance obligatoire, sans en avoir le nom. Un pool d'assureurs sera créé, mais on ne connaît pas les taux de cotisation qui seront appliqués en fonction des cultures. C'est pourtant ce point qui détermine l'attrait du système.

Avec l'application de la moyenne olympique, si plusieurs mauvaises récoltes ont eu lieu au cours des années précédentes, un agriculteur n'a guère d'intérêt à s'assurer. À l'heure où le renouvellement de notre agriculture est en jeu avec la hausse de l'âge moyen des agriculteurs, nous devons offrir aux jeunes agriculteurs la possibilité de se prémunir face au risque climatique. Celui-ci n'apparaît plus comme un risque aléatoire, mais de plus en plus certain. Si Groupama ou le Crédit Agricole se désengagent, les autres assureurs partiront aussi. La création d'un pool permet d'associer tous les assureurs. Il faut assurer tout le monde et toutes les productions, y compris celles qui sont très spécifiques ou qui sont limitées à quelques zones bien définies. Ces points méritent des éclaircissements. Nous serons vigilants sur la suite. Le texte répond à un besoin, mais malheureusement on donne un chèque en blanc au Gouvernement.

Mme Sophie Primas, présidente. - Il faudra voir ce qu'il en sera lors du projet de loi de finances, mais le ministre aura peut-être changé...

Mme Anne-Catherine Loisier. - La question est de savoir comment inciter nos agriculteurs à rejoindre le dispositif. Le niveau de la franchise semble être un frein à l'adhésion à l'assurance, notamment dans les territoires où les rendements de référence sont en baisse. Il faut donc que le système soit attractif et que la franchise soit la plus basse possible. Quel est la proportion de non-assurés ? Enfin, est-il envisagé de réintégrer les pertes dues aux dégâts de gibier dans le rendement de référence ?

M. Daniel Salmon. - Nous sommes au pied du mur : le réchauffement climatique est déjà là, les aléas de plus en plus fréquents menacent les revenus des agriculteurs et notre souveraineté alimentaire. Il faut désormais adapter l'agriculture, lui donner une plus grande résilience ; c'est la meilleure assurance. Les efforts technologiques et de pratiques culturales consentis par certains agriculteurs doivent leur permettre de recevoir une meilleure indemnisation.

Ce texte porte sur des enjeux intéressants, mais il demeure des écueils. Quid des agriculteurs dont la trésorerie est insuffisante pour la souscription d'une assurance ? Il serait inique de limiter leur indemnisation par l'État à 50 % du préjudice ! Le large recours aux ordonnances et aux décrets rend également le texte très flou. Surtout, nous devons éviter qu'il y ait des oubliés de l'indemnisation.

M. Pierre Louault. - Je veux féliciter notre rapporteur, dont je soutiens les propositions, même si je reste favorable au principe de l'assurance récolte obligatoire. L'un des moyens de la rendre obligatoire pourrait être une contribution prélevée sur les primes issues de la PAC : les plus gros bénéficiaires paieraient un peu plus et on avancerait plus vite. Quand l'assurance n'est pas obligatoire, ce sont les plus fragiles qui n'en ont pas sur les terres les moins fertiles, alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Il faudrait donc la rendre obligatoire, à tout le moins pour les jeunes agriculteurs qui contractent des emprunts. Il faudrait aussi que la contribution de l'État au pool assurantiel prévu soit capitalisée et non annualisée, sans quoi le Gouvernement sera toujours tenté de ne rien verser les années sans sinistre.

M. Sebastien Pla. - Le système actuel est à l'agonie. Le taux de pénétration de l'assurance dans l'Aude, département qui subit régulièrement des aléas climatiques, est de 40 % ; c'est l'un des plus élevés de France. Or nombre des exploitants qui ont subi des pertes de récolte l'année dernière seront moins indemnisés en tant qu'assurés que s'ils ne l'étaient pas ! Il est donc absolument nécessaire d'amender ce système.

Je suis largement d'accord avec la proposition du Gouvernement : partager les risques est une nécessité absolue. Néanmoins, j'ai quelques réserves à formuler. On donne les clés du camion non seulement à l'État, mais aussi aux assureurs. L'an dernier, 300 exploitants ayant contracté une assurance auprès d'une certaine compagnie s'en sont vus privés au terme d'un chantage inadmissible : l'assureur exigeait qu'ils assurent également chez lui leur voiture, leur maison, leurs familles... Il faut rester vigilant, car nous n'avons pas affaire à des philanthropes ! Cette réforme est indispensable ; nos réserves sont surtout d'ordre budgétaire, il faudra davantage pour que le système proposé soit pérenne et couvre les plus petits exploitants.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Pour répondre indirectement à Anne-Catherine Loisier, les exploitations assurées représentent aujourd'hui environ 34 % de la surface en viticulture, 33 % en grande culture, 3 % en arboriculture et 1 % en prairie.

La question majeure qui se dégage des différentes interventions est la suivante : faut-il ou non rendre obligatoire cette assurance ? Deux raisons me conduisent à y répondre par la négative.

Premièrement, si l'assurance devenait obligatoire, l'Union européenne cesserait immédiatement d'en subventionner les primes. Vous avez été plusieurs à noter que les agriculteurs non assurés sont ceux qui ont le moins de moyens. Une prime d'assurance obligatoire ferait peser sur eux une charge extrêmement lourde, a fortiori en l'absence de ces subventions. Il faudrait donc commencer par faire changer les règles européennes en la matière.

Deuxièmement, certains systèmes agricoles n'ont pas besoin d'une telle assurance, car ils ont mis en place, au fil du temps, une forme d'assurance collective qui les protège : l'exemple le plus abouti en est le secteur du champagne.

M. Henri Cabanel. - On ne peut pas reproduire cela partout !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Ce n'est pas ce que je propose, mais une assurance obligatoire pèserait aussi sur ces acteurs qui en font déjà beaucoup.

M. Henri Cabanel. - Il y a des conducteurs qui n'ont jamais d'accident...

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - La problématique n'en est pas moins réelle. Et nul ne niera que la première raison que j'ai invoquée est factuelle.

Pour répondre à Franck Menonville sur la moyenne olympique, je dois dire que nous avons très peu de marges de manoeuvre dans ce texte, mais nous allons les exploiter. Le droit européen permet à l'agriculteur de choisir chaque année entre la moyenne olympique et la moyenne triennale glissante ; c'est ce que je proposerai dans un amendement que je vous soumettrai à l'article 2. Ce n'est pas parfait, et cela ne résout pas le problème global mais cela représente une amélioration.

Daniel Gremillet a raison : on ne sait pas où l'on va. Tout l'objet des amendements que je m'apprête à présenter est bien de sécuriser le plus possible les dispositifs prévus, de manière à ce que davantage d'agriculteurs rentrent dans le système, ce qui peut faire baisser les primes. Il faut envoyer aux agriculteurs un message qui leur donne confiance. Si les taux changent tous les ans et que l'État peut à chaque fois s'en servir pour éviter de compenser les pertes, si nous adoptons un tel texte, alors on ne les incitera pas à rentrer dans le système ! Les amendements que je vous soumettrai ont justement pour objet d'utiliser les marges de manoeuvre dont nous disposons et de sécuriser le système ; ainsi, mon amendement dispose que l'État ne pourra changer ces taux pendant un délai de cinq ans.

M. Gremillet et moi sommes d'accord quant à la dotation aux jeunes agriculteurs, mais je préfère la minorer en l'absence d'assurance, sauf si l'agriculteur démontre une maîtrise de ces risques.

Concernant les pertes de fonds, on en reste au système antérieur des calamités. J'ajoute que je ne serai pas favorable à un amendement de M. Buis sur l'articulation entre le régime des catastrophes naturelles et celui des calamités agricoles, car son adoption retirerait une possibilité supplémentaire d'indemnisation : il arrive que certaines catastrophes naturelles - des tornades, par exemple - affectent les cultures sans être classifiées comme calamités agricoles.

Je suis d'accord avec les propos d'Alain Chatillon quant au principe de mise en adéquation des différentes évolutions. Il serait illogique de pousser au maximum vers un système assurantiel si l'on ne permet pas en même temps aux agriculteurs de se préserver avant de devoir y recourir. Quand on assure un bâtiment contre l'incendie, il est requis d'y installer des extincteurs, quand bien même ils ne peuvent pas éteindre tous les feux !

Je suis également d'accord avec Franck Montaugé quand il parle d'un chèque en blanc. M. le ministre nous répondra sans doute qu'encore aujourd'hui le Fonds national de gestion des risques en agriculture ne dispose pas d'un montant exact utilisé chaque année. Si tel était le cas, l'État n'aurait pas eu à verser 1 milliard d'euros cette année à la suite du gel de printemps. Le présent texte n'offre pas une transparence absolue ; au contraire, par le biais des ordonnances qu'il habilite le Gouvernement à prendre, il donne à celui-ci les clés pour jouer avec le taux de franchise, le taux d'intervention, le taux de subvention et le taux d'indemnisation, de manière à ne jamais dépenser plus de 600 millions d'euros. Il n'en reste pas moins que l'État aura peine à rester sur le côté s'il survient une nouvelle catastrophe similaire à celle du printemps dernier, faute de quoi des filières risqueraient de disparaître.

C'est aussi pourquoi j'ai déposé des amendements visant à assurer à la Codar une certaine proximité avec le terrain, de manière à ce qu'elle puisse récolter des éléments factuels pour des décisions pertinentes. Je vous proposerai dans l'amendement COM-64 un système de recours, car l'expertise par satellite peut parfois s'avérer inefficace et déconnectée du terrain !

Concernant les primes à l'investissement, le principe est de faire valider un cahier des charges par la Codar. Il faut inscrire dans la loi que l'assureur sera obligé de prendre en compte les investissements accomplis par l'agriculteur pour se préserver du risque. Si le risque est minoré, la prime doit l'être aussi !

Quant au système espagnol, il est indéniablement meilleur. L'État y réassure la totalité du risque. Le principe qui nous guide donc est de mettre en place un système qui permette à la Caisse centrale de réassurance de jouer le rôle inscrit dans son nom même. Cela devrait donner de la stabilité au dispositif, du moins dans les premiers temps, pour que les assureurs n'aient pas l'impression d'être les dindons de la farce.

M. Bouad demande comment la prime d'assurance va évoluer avec la mutualisation des risques. On ne le sait pas, mais plus les surfaces assurées augmenteront, plus le système s'équilibrera lui-même. Il y aura un pool de données, dont nous entendons préciser par amendement qu'elles seront anonymes et confidentielles. Ces données ne doivent pas servir à écarter de l'assurance certains exploitants ou certains systèmes.

M. Franck Montaugé. - Qu'en est-il de la constitutionnalité des aides aux exploitants ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - La minoration des indemnisations pour les non assurés est déjà prévue dans le droit européen ; il ne devrait pas y avoir de problème.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-44 précise que le texte porte uniquement sur les pertes de récoltes assurables. Cela en restreint trop la portée. J'y suis donc défavorable.

L'amendement COM-44 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 1erbis (nouveau)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement d'appel COM-85 inscrit parmi les objectifs de la politique agricole l'accompagnement des transitions vers des pratiques agroécologiques. Le développement de l'agroécologie figure déjà à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. L'amendement est donc satisfait et mon avis défavorable.

L'amendement COM-85 n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté sans modification.

Article 2

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-86 limite le taux de subventionnement des primes d'assurance à 65 %, comme c'est le cas aujourd'hui, alors que le règlement Omnibus de 2017 permet de le monter à 70 %. Ses auteurs veulent éviter que l'on aille chercher des financements dans le deuxième pilier de la PAC ; j'estime plutôt qu'il faut encourager le plus d'agriculteurs possible à rejoindre ce système. Une subvention à hauteur de 70 % ne peut qu'y aider, alors que le risque évoqué n'est pas immédiat. Mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-86 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination juridique COM-59 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - La moyenne olympique est un système inadapté à la réalité du changement climatique. Aujourd'hui, cette moyenne leur est souvent imposée alors que le triennal peut être plus avantageux. L'amendement COM-58 permet aux agriculteurs de choisir entre cette moyenne et la moyenne triennale glissante.

L'amendement COM-58 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-56 met en place un cahier des charges fixant un barème de prix pour les contrats assurés. Dans ce cahier des charges, il faudra prendre en compte dans la détermination de l'indemnisation pour les prairies le coût de remplacement réel et non le coût de la perte par rapport à un prix qui n'a pas beaucoup de valeur. Surtout, l'amendement prévoit que le cahier des charges oblige aussi les assureurs à prendre en compte, dans le calcul de la prime, les moyens de prévention mis en oeuvre par l'exploitant.

M. Olivier Rietmann. - L'utilité de cet amendement se vérifie sur le terrain. En Haute-Saône, les indemnités pour la sécheresse de l'an dernier étaient fondées sur le prix du foin de 2019 ou 2020, soit 90 euros la tonne, alors que les exploitants devaient en racheter pour 150 euros !

L'amendement COM-56 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-57 rectifié proscrit d'abord la pratique des franchises par exploitation, qui peuvent être pour les assureurs une façon détournée de rejeter certains clients. L'amendement permet aussi une réflexion sur la problématique des cultures autoconsommées par l'élevage : les critères de surface minimale à assurer sont aujourd'hui les mêmes entre la grande culture et la polyculture-élevage, ce qui défavorise cette dernière. Il convient plutôt d'inciter ces agriculteurs-éleveurs à s'assurer.

L'amendement COM-57rectifié est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-45 a le même objet que l'amendement COM-44 ; je lui suis donc défavorable par cohérence.

L'amendement COM-45 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination juridique COM-61 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-60 permet à l'agriculteur de choisir entre la moyenne olympique sur cinq ans et la moyenne triennale.

L'amendement COM-60 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-11 rectifié bis, COM-23 rectifié bis, COM-32 et COM-52 apportent une précision nécessaire pour les agriculteurs. Dès lors qu'un interlocuteur unique sera chargé du versement des aides liées au contrat d'assurance et, le cas échéant, des indemnisations au nom de la solidarité nationale pour le compte de l'État, il est utile de prévoir que le versement des deux indemnités se fera en même temps, afin de simplifier la vie des exploitants et de ne pas les soumettre à un marathon administratif pour obtenir deux versements distincts. J'invite simplement les auteurs des trois premiers amendements à les rectifier pour les rendre identiques à l'amendement COM-52, car le gage n'est pas nécessaire.

MM. Pierre Louault, Franck Menonville et Daniel Gremillet consentent à cette rectification.

Les amendements COM-11 rectifié bis, COM-23 rectifié bis et COM-32 ainsi modifiés et l'amendement COM-52 sont adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-91 supprime la faculté donnée à l'État de confier à des interlocuteurs agréés le versement des indemnisations au titre de la solidarité nationale ; en l'adoptant, on reviendrait sur le principe de l'interlocuteur unique. Que se passerait-il sans celui-ci ? L'agriculteur irait faire des démarches auprès de son assureur, qui suivrait une méthodologie, puis auprès de l'administration, qui en suivrait une autre, en lui demandant des formulaires différents et des éléments de preuve divers ; les deux expertises seraient différentes et différents niveaux de pertes risqueraient d'être mesurés, ce qui, dans notre pays parfois kafkaïen, conduirait à geler les deux indemnisations à la fois. In fine, ce serait comme toujours l'agriculteur qui paierait ! La mise en place d'un interlocuteur unique est une vraie avancée pour les agriculteurs, à la condition qu'ils conservent un droit de recours concernant l'évaluation du niveau des pertes. Mon avis est donc défavorable sur cet amendement.

En revanche, les amendements COM-10, COM-22, COM-31 et COM-51 inscrivent dans le texte que les méthodes d'évaluation des pertes et les modalités d'indemnisation retenues pour les indemnisations au titre de la solidarité nationale sont identiques, et non plus seulement similaires, à celles des contrats d'assurance. Ce serait aller plus loin dans la logique de simplification de l'interlocuteur unique : je leur suis donc favorable, sous réserve que les amendements COM-10 rectifié bis, COM-22 rectifié bis et COM-31 soient modifiés pour les rendre identiques à l'amendement COM-51.

Enfin, les amendements COM-36 et COM-16 rectifié bis prévoient une mission d'enquête complémentaire sur place en cas de contestation des dommages par un exploitant. Je vous soumettrai plus loin un amendement COM-64 à l'objet similaire, où cette mission serait confiée à l'actuel comité départemental d'expertise par le biais d'une action groupée. Ainsi, pour les prairies, l'évaluation des pertes ne peut pas reposer que sur des indices non contestables. Je demande donc le retrait de ces deux amendements-ci au profit de celui-là.

L'amendement COM-91 n'est pas adopté.

MM. Pierre Louault, Franck Menonville et Daniel Gremillet consentent à rectifier les amendements COM-10 rectifié bis, COM-22 rectifié bis et COM-31 de manière à les rendre identiques à l'amendement COM-51.

Les amendements COM-10 rectifié bis, COM-22 rectifié bis et COM-31 ainsi modifiés et l'amendement COM-51 sont adoptés.

Les amendements COM-36 et COM-16 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Mon amendement COM-62 permet aux cultures orphelines ou expérimentales de recevoir les mêmes garanties d'indemnisation que dans l'ancien système des calamités agricoles. L'amendement COM-89 a le même objet ; j'en demande le retrait au profit du mien.

L'amendement COM-90 inscrit un objectif de diversification des productions dans le dispositif d'indemnisation par l'État, au titre de la solidarité nationale. De fait, le système actuel des calamités agricoles ne favorise pas les exploitants diversifiés, en raison du critère de 13 % de perte du produit brut d'exploitation. Si vous perdez 100 % de votre maïs alors que vous avez une exploitation avec une forte dominante de cultures à forte valeur ajoutée, vous pouvez ne pas être indemnisés. Les contrats par groupe de cultures ou à l'exploitation ne favorisent pas non plus les exploitations diversifiées en raison des critères de surface. Mais j'estime qu'il ne faut pas inverser le sujet : ce ne sont pas les modalités d'indemnisation en cas de crise climatique grave qui vont inciter à la diversification. Dans ces cas-là, il faut aider dans l'urgence et inciter par ailleurs. En outre, cet amendement est en partie satisfait, car le système que nous proposons prendra seulement en compte le taux de pertes de l'exploitant pour déterminer si l'indemnisation de l'État se déclenche : c'est une manière de supprimer le taux de 13 % de produit brut, ce qui est favorable à la diversification. Deux des amendements que nous avons adoptés permettent par ailleurs de réviser les critères de surfaces dans les contrats pour mieux favoriser la diversification et pour prévoir une baisse des primes dans les exploitations plus résilientes. Les exploitations plus diversifiées peuvent entrer dans ce système. Mons avis est donc défavorable.

L'amendement COM-62 est adopté ; l'amendement COM-89 devient sans objet ; l'amendement COM-90 n'est pas adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'article 3 prévoit qu'un décret fixera les modalités d'un droit de contestation. J'estime préférable de le fixer dans la loi, ce qui sera l'objet de l'amendement COM-64. Mon amendement COM-63 vise par coordination à supprimer le décret en question. Je demande le retrait de l'amendement COM-92, dont l'objet est similaire.

L'amendement COM-63 est adopté ; l'amendement COM-92 devient sans objet.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 3

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-64 permet aux exploitants de disposer d'un droit recours devant le comité départemental d'expertise pour contester une évaluation des pertes. Il est essentiel d'avoir une enquête de terrain dans certains cas.

L'amendement COM-64 est adopté et devient article additionnel.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Pour promouvoir le recours à l'assurance récolte, je propose dans l'amendement COM-65 que la dotation jeune agriculteur soit minorée si l'exploitant ne souscrit pas à un contrat d'assurance multirisque climatique ou s'il n'a pas réalisé un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant.

M. Denis Bouad. - Ne serait-il pas plus judicieux de majorer la DJA si l'exploitant est assuré ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Certes, mais l'article 40 de la Constitution nous l'interdit...

M. Henri Cabanel. - Qui fixera l'ampleur de la minoration ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - La Codar pourra indiquer des recommandations mais cette modulation reviendra aux régions, qui pilotent le versement des aides du Feader sur les aides non surfaciques.

L'amendement COM-65 est adopté et devient article additionnel.

Article 4

M. Laurent Duplomb, rapporteur. -Les amendements COM-14 rectifié bis, COM-24 rectifié bis, COM-33 et COM-55 maintiennent le régime actuel des calamités agricoles pour les pertes non assurables. Je suis opposé à l'idée d'exclure les cultures dites « non assurables » du dispositif créé. Il me semble périlleux de les lister par arrêté, car il sera naturel pour de nombreuses filières de ne pas adhérer au système. On découragerait aussi les assureurs de développer des produits pour ces filières.

Surtout, il me semble que le système prévu dans ce texte permet déjà de maintenir de fait le régime des calamités pour les filières non assurées. L'article 3 précise que le seuil d'intervention de l'État sera fixé à un certain niveau, filière par filière, mais rien n'est dit sur les modalités d'indemnisation retenues. Concrètement, il pourra couvrir les pertes entre le seuil et le niveau de la perte, par exemple entre 30 % et 40 % si le niveau de la perte est de 40 % ; mais il pourra aussi indemniser entre 0 % et 40 % avec un taux d'indemnisation plafonné au niveau européen à 40 % de la perte pour les non assurés. Or le système des calamités agricoles est aujourd'hui plafonné à 35 %. Autrement dit, le régime proposé peut s'avérer plus avantageux, d'autant qu'il supprime le critère de 13 % du produit brut théorique qui élimine de nombreux agriculteurs du système, notamment lorsqu'ils sont diversifiés.

Dès lors, plutôt que de maintenir un système moins avantageux que celui qui est prévu par la loi, il faut s'assurer que le seuil d'intervention soit fixé pour les filières non assurées à 30 %. L'article 40 nous empêche de le faire, mais nous allons chercher à obtenir un engagement du ministre sur ce point.

En outre, avec un seuil d'intervention de l'État maintenu à 30 % comme aujourd'hui, le système des calamités agricoles sera maintenu de droit pour ces filières. Au-delà de 30 % de pertes, l'exploitant pourra voir jusqu'à 40 % de ses pertes indemnisées, comme aujourd'hui, en vertu du droit européen. Dès lors, prévoir un système des calamités agricoles ad hoc est inutile.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Daniel Gremillet. - Je veux bien retirer le mien, mais il faudra avoir ce débat en séance, car le sujet est complexe. Ce texte n'embrasse pas toutes les situations et l'article 40 de la Constitution nous empêche largement de l'améliorer. Ce que nous faisons reste fragile sur le long terme.

M. Pierre Louault. - Des biens peuvent être assurés pour certains types de dégâts, mais pas pour d'autres. Une tornade qui déchiquette des ceps de vigne, ce n'est pas forcément couvert...

Les amendements identiques COM-14, COM-24, COM-33 et COM-55 sont retirés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Aux termes de l'amendement COM-41, les indemnisations pourraient uniquement s'effectuer suivant le nouveau régime des calamités agricoles, et non plus également suivant celui des catastrophes naturelles dans certains cas. Or ce dernier reste pertinent dans les cas que vient d'évoquer Pierre Louault. J'en demande donc le retrait.

L'amendement COM-41 est retiré.

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-66 et COM-97 précisent la composition et les missions de la Codar. Assureurs, professionnels et État y seront représentés. Toutes les filières concernées seront invitées à y débattre de leurs problématiques. Chaque année, la Codar proposera des taux adaptés filière par filière. Elle s'appuiera sur l'expertise du pool d'assureurs et sur un rapport annuel sur la situation financière du dispositif publié par le Gouvernement. Ces taux devront être lisibles pour assurer la confiance des agriculteurs dans le système ; ils devront être maintenus sur cinq ans.

Les amendements COM-93 et COM-49 sont incompatibles avec les deux premiers. L'amendement COM-93 prévoit une représentation égale des assureurs, de l'État et des filières au sein de la Codar, ce qui relève plutôt du décret ; la rédaction proposée peut en outre poser des difficultés. L'amendement COM-49 institue une représentation des intermédiaires d'assurance : pour les mêmes raisons, je n'y suis pas favorable non plus.

Les amendements identiques COM-66 et COM-97 sont adoptés ; les amendements COM-93 et COM-49 deviennent sans objet.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-84 maintient l'existence de comités départementaux d'expertise.

L'amendement COM-84 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-1 rectifié, COM-12, COM-27, COM-39 et COM-3 adressent une injonction au Gouvernement ; ils sont donc irrecevables au titre de l'article 41 de la Constitution. Avis défavorable. Je tiens à rassurer leurs auteurs : ils sont satisfaits par les amendements COM-66 et COM-97 que nous venons d'adopter. Toutes les filières seront consultées, y compris la filière viticole.

Les amendements identiques COM-1 rectifié, COM-12, COM-27 et COM-39 et l'amendement COM-3 ne sont pas adoptés..

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-2, COM-13, COM-28, COM-40 et COM-4 sont irrecevables au même titre que les précédents, mais aussi satisfaits de la même façon. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-2, COM-13, COM-28 et COM-40 et l'amendement COM-4 ne sont pas adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-54, qui entend garantir une représentation de chaque secteur de production au sein du Comité national de la gestion des risques en agriculture (CNGRA) et de la Codar est également satisfait.

L'amendement COM-54 est retiré.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 5

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-67 rectifié et COM-98 sanctuarisent les taux pour une durée de cinq ans, afin d'offrir plus de visibilité et de confiance.

Les amendements identiques COM-67 rectifié et COM-98 sont adoptés et deviennent article additionnel.

Article 5 bis (nouveau)

L'amendement rédactionnel COM-68 est adopté.

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-94 supprime cet article. Bien sûr, nous n'aimons pas le recours aux ordonnances, mais il est parfois nécessaire. En l'occurrence, une consultation technique et une sécurisation juridique s'imposent ; l'Autorité de la concurrence devra être consultée avant la publication de l'ordonnance. J'ai voulu travailler avec le ministère pour écrire celle-ci, mais les consultations ne sont pas encore assez avancées. J'ai donc choisi d'en resserrer le champ et d'en préciser les contours pour éviter de signer un chèque en blanc. Mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-94 n'est pas adopté.

L'amendement rédactionnel COM-69 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-70 et COM-99 garantissent l'anonymat et la confidentialité des données partagées, sous l'égide d'une structure tierce. Il s'agit d'empêcher les assureurs de trier entre exploitations.

Les amendements identiques COM-70 et COM-99 sont adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-71 et COM-100 garantissent que la tarification commerciale des assureurs restera libre.

Les amendements COM-15 rectifié bis et COM-35 sont incompatibles avec les deux premiers. Ils imposent de mutualiser les risques et de prévoir une réassurance des assureurs entre eux au sein du pool. Je pense également que c'est la meilleure solution in fine, mais l'imposer aujourd'hui serait prendre le risque que le texte ne passe pas le cap de l'Autorité de la concurrence. Le Gouvernement peut proposer trois solutions dans son ordonnance : un pool de données, un pool de co-réassurance et un pool de co-assurance. Si nous prenons parti pour une solution plutôt qu'une autre, l'Autorité de la concurrence pourrait se prononcer contre l'ordonnance ; dès lors, le texte ne pourra jamais fonctionner et on accusera le Sénat de l'avoir torpillé... Un peu de souplesse donne plus de sécurité au dispositif. En revanche, je soutiendrai auprès du ministre la solution d'un pool de co-réassurance, car elle me semble la plus adaptée.

Les amendements identiques COM-71 et COM-100 sont adoptés ; les amendements identiques COM-15 rectifié bis et COM-35 deviennent sans objet.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements identiques COM-72 et COM-101 limitent le champ de l'habilitation au strict nécessaire. Faute de préciser les activités exercées en commun, liées à la création d'un pool de co-assurance qui reste peu probable en raison des sérieuses réserves émises par l'Autorité de la concurrence à ce sujet, le champ proposé est en effet trop large.

Les amendements identiques COM-72 et COM-101 sont adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'article 7 oblige les assureurs commercialisant des contrats mutirisque climatique à proposer un contrat à tout exploitant en faisant la demande ; mais une simple proposition suffira, même si la prime est fortement prohibitive. D'où les amendements identiques COM-73 et COM-102 qui encadrent le contenu de cette proposition de contrat d'assurance, avec des sanctions à la clé.

Les amendements identiques COM-73 et COM-102 sont adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements identiques COM-74 et COM-103 restent à champ constant, en déplaçant pour des raisons de lisibilité l'encadrement des procédures d'évaluation et d'indemnisation des sinistres dans un alinéa spécifique.

Cet encadrement est essentiel : puisque les assureurs peuvent agir pour le compte de l'État au titre de l'indemnisation fondée sur la solidarité nationale, il convient qu'ils le fassent dans un cadre commun et harmonisé par culture. Sinon, les indemnisations ne seront pas les mêmes pour tous.

Les amendements identiques COM-74 et COM-103 sont adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements identiques COM-75 et COM-104 précisent que la caisse centrale de réassurance pourra exercer sa vraie mission : réassurer, au moins au début du projet, pour que les assureurs n'aient pas l'impression d'être les dindons de la farce...

Les amendements identiques COM-25 et COM-47 vont dans le même sens : j'invite les auteurs à les rendre identiques aux deux premiers.

M. Henri Cabanel. - Je l'accepte.

Les amendements COM-75, COM-104 et COM-25 ainsi modifié sont adoptés.

L'amendement COM-47 devient sans objet.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-76 est rédactionnel.

L'amendement COM-76 est adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Les amendements COM-26 et COM-48 étendent le champ de l'habilitation, ce qui est contraire à l'article 38 de la Constitution.

Les amendements identiques COM-26 et COM-48 ne sont pas adoptés.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-95 supprime le champ de l'habilitation permettant de fixer des obligations déclaratives des non assurés pour obtenir une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Je souhaite rassurer les auteurs de l'amendement : la piste aujourd'hui évoquée pour ces non-assurés est de faire ces déclarations auprès de la direction départementale du territoire (DDT), puisqu'aucun assureur ne le ferait sans rémunération. Dans tous les cas, les non assurés devront remplir des documents qu'il convient de préciser. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-95 n'est pas adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-77 réduit de six à quatre mois la durée de l'habilitation. Quatre mois devraient suffire pour parvenir à une ordonnance claire, surtout avant certaines échéances...

L'amendement COM-77 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-78 rétablit la compétence du FNGRA pour analyser les outils de gestion des risques en outre-mer.

L'amendement COM-78 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 10

L'article 10 est adopté sans modification.

Article 11

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-42 de M. Buis est similaire dans l'esprit à son amendement COM-41, qu'il a accepté de retirer. Retrait ?

L'amendement COM-42 est retiré.

L'article 11 est adopté sans modification.

Article 12

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-50 décale l'entrée en vigueur de la réforme au 1er août 2023. Je préfère conserver la date du 1er janvier. Avis défavorable.

L'amendement COM-50 n'est pas adopté.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-79 est un amendement de clarification dont l'adoption ferait tomber l'amendement COM-46 auquel je suis défavorable, pour des raisons déjà exposées.

L'amendement COM-79 est adopté et l'amendement COM-46 devient sans objet.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13 (nouveau)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-80 supprime le rapport prévu par cet article : la commission d'orientation et de développement des assurances en agriculture (Codar) peut s'acquitter de cette mission.

L'amendement COM-80 est adopté et l'article 13 est supprimé.

Article 14 (nouveau)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-81 supprime le rapport d'évaluation de la loi demandé au Gouvernement : cela relève du rôle du Parlement.

L'amendement COM-81 est adopté et l'article 14 est supprimé.

Article 15 (nouveau)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Par coordination juridique, l'amendement  COM-82 supprime cet article, car le rapport sur la situation financière est désormais intégré à l'article 5. Il sera remis annuellement à la Codar pour éclairer ses recommandations.

L'amendement COM-82 est adopté et l'article 15 est supprimé.

Après l'article 15 (nouveau)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'amendement COM-83 rectifié prévoit un rapport dans lequel le Gouvernement présentera les pistes à promouvoir au niveau européen et international pour réformer les normes qui freinent le développement de l'assurance récolte. Parmi ces pistes figurent la moyenne olympique et la promotion d'autres outils de gestion des risques.

L'amendement COM-83 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Chapitre Ier : Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime

Article 1er

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. SEGOUIN

44

Restriction des indemnisations versées par les assurances aux seules pertes de récoltes assurables

Rejeté

Article 1er bis (nouveau)

M. SALMON

85

Inscription de l'accompagnement vers des pratiques agroécologiques comme un objectif de la politique de prévention et de gestion des risques

Rejeté

Article 2

M. SALMON

86

Plafonnement de la subvention à la prime d'un contrat d'assurance multirisque climatique à 65 % au lieu de 70 %

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

59

Coordination juridique en lien avec d'autres amendements

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

58

Détermination par décret des modalités de calcul de la moyenne de production annuelle de l'exploitant

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

56

Respect par les contrats subventionnables d'un cahier des charges, déterminant un barème des prix pour chaque production, et prise en compte des moyens de prévention dans le calcul de la prime d'assurance

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

57 rect.

Détermination par décret des types de contrats subventionnables et harmonisation du niveau des franchises subventionnables

Adopté

Article 3

M. SEGOUIN

45

Restriction des indemnisations versées au titre de la solidarité nationale aux seules pertes de récoltes assurables

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

61

Coordination juridique en lien avec d'autres amendements proposés par le rapporteur

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

60

Détermination par décret des modalités de calcul de la moyenne de production

Adopté

M. LOUAULT

11 rect. bis

Versement simultané par l'interlocuteur unique des indemnisations liées au contrat d'assurance et de celles versées au nom de la solidarité nationale

Adopté avec modification

M. MENONVILLE

23 rect. bis

Versement simultané par l'interlocuteur unique des indemnisations liées au contrat d'assurance et de celles versées au nom de la solidarité nationale

Adopté avec modification

M. GREMILLET

32

Versement simultané par l'interlocuteur unique des indemnisations liées au contrat d'assurance et de celles versées au nom de la solidarité nationale

Adopté avec modification

M. CABANEL

52

Versement simultané par l'interlocuteur unique des indemnisations liées au contrat d'assurance et de celles versées au nom de la solidarité nationale

Adopté

M. SALMON

91

Suppression de la possibilité de confier le versement de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale par un réseau d'interlocuteurs agréés

Rejeté

M. LOUAULT

10 rect. bis

Application de méthodes identiques pour évaluer les pertes et indemniser les exploitants au titre d'un contrat d'assurance ou au titre de la solidarité nationale

Adopté avec modification

M. MENONVILLE

22 rect. bis

Application de méthodes identiques pour évaluer les pertes et indemniser les exploitants au titre d'un contrat d'assurance ou au titre de la solidarité nationale

Adopté avec modification

M. GREMILLET

31

Application de méthodes identiques pour évaluer les pertes et indemniser les exploitants au titre d'un contrat d'assurance ou au titre de la solidarité nationale

Adopté avec modification

M. CABANEL

51

Application de méthodes identiques pour évaluer les pertes et indemniser les exploitants au titre d'un contrat d'assurance ou au titre de la solidarité nationale

Adopté

M. GREMILLET

36

Mission d'enquête sur le terrain en cas de contestation par l'exploitant de l'évaluation de son niveau de pertes

Rejeté

M. MENONVILLE

16 rect. bis

Mission d'enquête sur le terrain en cas de contestation par l'exploitant de l'évaluation de son niveau de pertes

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

62

Prise en compte de l'absence ou de la trop faible accessibilité de développement de l'assurance dans certaines filières dans le cadre de la détermination du seuil d'intervention de l'État au titre de la solidarité nationale

Adopté

M. SALMON

89

Prise en compte de l'absence ou de la trop faible accessibilité de développement de l'assurance dans certaines filières dans le cadre de la détermination du seuil d'intervention de l'État au titre de la solidarité nationale

Satisfait ou sans objet

M. SALMON

90

Inclure un objectif de diversification des exploitations dans les conditions d'application déterminées par le décret fixant les modalités de versement des indemnisations au titre de la solidarité nationale

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

63

Recours collectif relatif à l'évaluation des pertes auprès du comité départemental d'expertise, pouvant déclencher une enquête de terrain

Adopté

M. SALMON

92

Enquête de terrain en cas de contestation du niveau des pertes par les exploitants

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après article 3

M. DUPLOMB, rapporteur

64

Recours collectif relatif à l'évaluation des pertes auprès du comité départemental d'expertise

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

65

Minoration de la dotation jeune agriculteur en cas de non souscription à un contrat d'assurance multirisque climatique

Adopté

Article 4

M. LOUAULT

14 rect. bis

Maintien du régime des calamités agricoles pour les pertes non assurables

Retiré

M. MENONVILLE

24 rect. bis

Maintien du régime des calamités agricoles pour les pertes non assurables

Retiré

M. GREMILLET

33

Maintien du régime des calamités agricoles pour les pertes non assurables

Retiré

M. CABANEL

55

Maintien du régime des calamités agricoles pour les pertes non assurables

Retiré

M. BUIS

41

Indemnisation en cas de calamités publiques

Retiré

Article 5

M. DUPLOMB, rapporteur

66

Recommandation annuelle de la Codar sur les taux et les seuils des outils de gestion des risques en agriculture applicables cinq ans

Adopté

M. Patrice JOLY

97

Recommandation annuelle de la Codar sur les taux et les seuils des outils de gestion des risques en agriculture applicables cinq ans

Adopté

M. SALMON

93

Représentation à part égale des parties au sein de la Codar

Satisfait ou sans objet

M. SEGOUIN

49

Représentation des intermédiaires d'assurance au sein de la Codar

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB, rapporteur

84

Maintien de la présence des comités départementaux d'expertise

Adopté

M. Daniel LAURENT

1 rect.

Représentation de la filière viticole à la Codar

Rejeté

M. CAPUS

12

Représentation de la filière viticole à la Codar

Rejeté

M. PLA

27

Représentation de la filière viticole à la Codar

Rejeté

M. BOUAD

39

Représentation de la filière viticole à la Codar

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

3

Représentation de la filière viticole à la Codar

Rejeté

M. Daniel LAURENT

2 rect.

Consultation par la Codar des conseils spécialisés de FranceAgrimer

Rejeté

M. CAPUS

13

Consultation par la Codar des conseils spécialisés de FranceAgrimer

Rejeté

M. PLA

28

Consultation par la Codar des conseils spécialisés de FranceAgrimer

Rejeté

M. BOUAD

40

Consultation par la Codar des conseils spécialisés de FranceAgrimer

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

4

Consultation par la Codar des conseils spécialisés de FranceAgrimer

Rejeté

M. REQUIER

54

Représentation de chaque secteur de production au sein du CNGRA et de la Codar

Retiré

Article(s) additionnel(s) après article 5

M. DUPLOMB, rapporteur

67 rect.

Fixation par décret des taux et des seuils des outils de gestion des risques pour une période cinq ans, sauf exception

Adopté

M. Patrice JOLY

98

Fixation par décret des taux et des seuils des outils de gestion des risques pour une période cinq ans, sauf exception

Adopté

Article 5 bis (nouveau)

M. DUPLOMB, rapporteur

68

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 7

M. SALMON

94

Suppression de l'article

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

69

Amendement rédactionnel

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

70

Garantie de l'anonymat des données partagées, sous l'égide d'une structure tierce 

Adopté

M. NOUGEIN

99

Garantie de l'anonymat des données partagées, sous l'égide d'une structure tierce 

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

71

Préservation de la liberté commerciale de l'assureur dans la détermination de la prime du contrat

Adopté

M. NOUGEIN

100

Préservation de la liberté commerciale de l'assureur dans la détermination de la prime du contrat

Adopté

M. MENONVILLE

15 rect. bis

Obligation de mutualiser les risques entre assureurs et obligation de se réassurer entre eux

Satisfait ou sans objet

M. GREMILLET

35

Obligation de mutualiser les risques entre assureurs et obligation de se réassurer entre eux

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB, rapporteur

72

Resserrement du champ d'habilitation à légiférer par ordonnance au strict nécessaire

Adopté

M. NOUGEIN

101

Resserrement du champ d'habilitation à légiférer par ordonnance au strict nécessaire

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

73

Obligation pour les assureurs commercialisant des contrats multirisque climatique de proposer un contrat à des conditions raisonnables à l'exploitant

Adopté

M. NOUGEIN

102

Obligation pour les assureurs commercialisant des contrats multirisque climatique de proposer un contrat à des conditions raisonnables à l'exploitant

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

74

Encadrement des procédures d'évaluation et d'indemnisation des sinistres par les assureurs

Adopté

M. NOUGEIN

103

Encadrement des procédures d'évaluation et d'indemnisation des sinistres par les assureurs

Adopté

M. DUPLOMB, rapporteur

75

Rôle de réassureur public de la CCR pour les risques climatiques en agriculture

Adopté

M. NOUGEIN

104

Rôle de réassureur public de la CCR pour les risques climatiques en agriculture

Adopté

M. CABANEL

25

Rôle de réassureur public de la CCR pour les risques climatiques en agriculture

Adopté avec modification

M. SEGOUIN

47

Rôle de réassureur public de la CCR pour les risques climatiques en agriculture

Satisfait ou sans objet

M. DUPLOMB, rapporteur

76

Amendement de précision

Adopté

M. CABANEL

26

Soumission du groupement à la supervision de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Rejeté

M. SEGOUIN

48

Soumission du groupement à la supervision de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Rejeté

M. SALMON

95

Suppression du champ de l'habilitation des obligations déclaratives incombant aux non assurés

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

77

Réduction de six à quatre mois de la durée de l'habilitation à légiférer par ordonnance

Adopté

Article 8

M. DUPLOMB, rapporteur

78

Rétablissement de la compétence du FNGRA pour analyser les outils de gestion des risques en outre-mer

Adopté

Chapitre II : Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales

Article 11

M. BUIS

42

Indemnisation en cas de calamités publiques

Retiré

Article 12

M. SEGOUIN

50

Entrée en vigueur de la réforme au 1er août 2023

Rejeté

M. DUPLOMB, rapporteur

79

Rédactionnel

Adopté

M. SEGOUIN

46

Indemnisations uniquement pour les pertes de récoltes assurables

Satisfait ou sans objet

Article 13 (nouveau)

M. DUPLOMB, rapporteur

80

Suppression de l'article

Adopté

Article 14 (nouveau)

M. DUPLOMB, rapporteur

81

Suppression de l'article

Adopté

Article 15 (nouveau)

M. DUPLOMB, rapporteur

82

Suppression de l'article

Adopté

Article(s) additionnel(s) après article 15 (nouveau)

M. DUPLOMB, rapporteur

83 rect.

Remise au Parlement d'un rapport présentant les actions et pistes d'évolution à envisager au niveau européen et international pour adapter les outils de gestion des risques

Adopté

Mme Sophie Primas, présidente. - Pour finir, il m'appartient de définir le périmètre de ce texte dans le cadre de l'application de l'article 45 de la Constitution.

Je vous propose de considérer que présentent un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :

- aux modalités d'évaluation et d'indemnisation des pertes de récoltes, de cultures ou de fonds dans le domaine agricole par le biais de contrats d'assurance dédiés ;

- aux modalités d'indemnisation des pertes de récoltes, de cultures ou de fonds dans le domaine agricole par le biais d'une aide publique ;

- aux autres modalités d'indemnisation de ces pertes ;

- aux mesures visant à mettre en place de nouvelles règles applicables aux entreprises d'assurance voulant commercialiser des produits d'assurance contre les risques climatiques en agriculture ainsi qu'à la caisse centrale de réassurance ;

- aux dispositions régissant les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie ou les dommages liés aux effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones.

Proposition de loi visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à Internet - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Notre commission s'est saisie de ce texte déposé par M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, alors que son adoption à l'Assemblée nationale a eu lieu mardi dernier. La procédure accélérée a été engagée. Ce texte sera examiné en séance publique au Sénat dans deux semaines, le mercredi 9 février.

C'est un sujet que notre commission n'a pas l'habitude d'aborder, mais ses enjeux économiques, sociaux, juridiques et politiques sont importants.

Ce texte est l'aboutissement d'une série de travaux, de recommandations et de prises de parole en faveur d'une meilleure protection des personnes mineures sur Internet. Le discours du président de la République du 20 novembre 2019, prononcé à l'Unesco lors du 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) relatif à la prévention de l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne, ainsi que le travail de plaidoyer mené depuis plusieurs années par les associations de protection de l'enfance et de la famille en ont posé les jalons.

L'article 1er rend obligatoire l'installation par défaut d'un dispositif de contrôle parental pour les appareils connectés vendus en France et permettant d'accéder à Internet. Concrètement, sont surtout concernés les smartphones, les tablettes, les ordinateurs fixes et portables, les consoles de jeux vidéo et certains objets connectés permettant de naviguer sur Internet tels que les téléviseurs et les enceintes connectés.

J'insiste sur le fait que l'installation par défaut ne signifie pas une activation par défaut du contrôle parental, celle-ci demeurant au choix des parents et des familles, mais elle sera proposée gratuitement dès la première mise en service de l'appareil.

Les modifications apportées à l'Assemblée nationale prennent en compte les appareils reconditionnés, de plus en plus sollicités par nos enfants, et appréciés des parents pour leur coût plus raisonnable !

Avant toute commercialisation, les fabricants devront certifier qu'un dispositif de contrôle parental est bien installé sur les produits qu'ils mettent en vente, cette certification étant par la suite vérifiée par les différents acteurs des chaînes de distribution.

Ce double dispositif de certification et de vérification est directement inspiré des procédés de contrôle déjà existants pour les équipements radioélectriques, qui doivent répondre à plusieurs normes techniques et exigences essentielles définies au niveau européen.

L'article 2 étend les missions de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui sera chargée du contrôle du respect de cette obligation, dotée d'un pouvoir de sanction et de la possibilité de faire retirer du marché français les équipements jugés non conformes. Il s'agit de compléter les missions de cette agence, déjà chargée du contrôle de la mise sur le marché des équipements radioélectriques.

Enfin, l'article 3 concerne les obligations des fournisseurs d'accès à Internet (FAI) - Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom, etc. - qui, depuis la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) de 2004, sont tenus de proposer à leurs abonnés au moins une solution de contrôle parental. Le texte met utilement à jour les dispositions de cette loi, précisant que cette solution doit être sans surcoût pour les utilisateurs et a minima harmonisée entre les différents fournisseurs.

En tant que rapporteure, je reconnais avoir été d'abord déroutée par ce texte, certes mesuré et équilibré, mais à l'ambition relativement limitée. En effet, les marchés des équipements terminaux et des fournisseurs de systèmes d'exploitation sont très concentrés, et les quelques acteurs dominants préinstallent déjà sans surcoût des outils de contrôle parental sur les appareils qu'ils commercialisent, que ce soit des smartphones, des tablettes, des ordinateurs, des consoles de jeux vidéo ou des téléviseurs connectés.

Toutefois, plutôt que de considérer que nous intervenons trop tard, la proximité des élections et la pression du calendrier ne vous auront certainement pas échappé, je préfère considérer que le législateur intervient à une période de transition. Certes, l'installation du contrôle parental semble aujourd'hui largement généralisée, mais cette situation ne repose que sur la bonne volonté d'acteurs aujourd'hui leaders sur des marchés très concentrés. Il est utile de sécuriser une telle obligation dans la loi, dans le cas où les choses changeraient.

De plus, selon une enquête menée l'année dernière par l'Union nationale des associations familiales (UNAF), 57 % des parents déclarent ne pas avoir activé d'outil de contrôle parental. Qui plus est, lorsque de tels outils sont installés, ils le sont souvent sur un seul appareil, alors que les enfants et les adolescents utilisent, en moyenne, au moins quatre écrans différents par jour : la télévision, la console de jeux, leur smartphone ou celui de leurs parents ainsi que l'ordinateur ou la tablette familiale.

Ces appareils sont utilisés à un âge de plus en plus jeune. L'âge moyen d'acquisition du premier smartphone en France est ainsi de 9,9 ans et celui d'inscription sur un réseau social de 12 ans.

Les auditions que j'ai menées m'ont permis de prendre conscience de la multiplicité des risques auxquels nos enfants et nos adolescents peuvent être confrontés : cyberharcèlement, mauvaises rencontres, exposition à de fausses nouvelles, à des contenus haineux, violents, choquants, illicites ou encore exploitation des données à caractère personnel.

L'exposition à des contenus à caractère pornographique est particulièrement documentée : près d'un tiers des enfants de douze ans ont déjà été exposés à des contenus à caractère pornographique, souvent de manière involontaire en naviguant de manière autonome sur Internet, par exemple lorsque des pop-up ads apparaissent sur les sites de téléchargement de vidéos ou de jeux en ligne.

Partant de ces constats, je me suis fixé la feuille de route suivante.

Premièrement, je souhaite que ce texte demeure mesuré et équilibré. Nous légiférons sur une ligne de crête ; ne nous immisçons pas à l'excès dans la relation intime qui lie les parents à leurs enfants. Il faut accompagner les parents sans les déresponsabiliser, en leur laissant le choix du paramétrage des outils de contrôle parental, dont les fonctionnalités sont diverses et peuvent révéler des choix éducatifs différents : contrôle du temps d'écran, contrôle du temps de connexion, filtrage de contenus, blocage de l'accès à certains sites ou encore encadrement des achats en ligne.

Deuxièmement, je souhaite que ce texte soit relativement pérenne et demeure adapté aux pratiques numériques de nos enfants et de nos adolescents, ainsi qu'aux évolutions technologiques qui demeurent difficiles à anticiper. À cet égard, je considère, avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, qu'établir une liste exhaustive des appareils concernés ne serait pas judicieux. Les appareils utilisés aujourd'hui ne seront pas forcément ceux de demain.

Troisièmement, je souhaite également que ce texte soit suffisamment robuste pour s'adapter aux évolutions du marché. Des réflexions sont en cours à l'échelle de l'Union européenne pour permettre une plus grande liberté des consommateurs dans le cyberespace, sujet cher à notre présidente, qui avait déposé une proposition de loi sur le sujet. Ces réflexions pourraient aboutir à une plus grande dissociation entre fabricants et fournisseurs de systèmes d'exploitation, entre constructeurs et éditeurs de logiciel.

Ainsi, je vous proposerai un amendement faisant peser l'obligation de pré-installation d'un dispositif de contrôle parental à la fois sur les fabricants et les fournisseurs des systèmes d'exploitation, un point qui a été régulièrement soulevé et discuté lors de nos auditions.

Quatrièmement, je souhaite que cette proposition de loi contribue à une meilleure protection de nos enfants et de nos adolescents sur Internet : je constate un décalage entre les discours politiques et le caractère assez technique de ce texte qui traite d'acteurs économiques, de fabricants, de distributeurs, d'importateurs, de prestataires de services d'exécution de commandes. Nous parlons de Google, d'Apple, de Microsoft ou encore de Samsung. Mais nous parlons peu, sans doute pas assez, d'enfance et d'adolescence. Pourtant, les risques encourus sont réels.

Ainsi, dans un objectif global d'amélioration de la protection des mineurs en ligne, j'ai souhaité m'inspirer des dispositions applicables en matière audiovisuelle, plus anciennes et plus avancées que les dispositions applicables à la régulation de la navigation sur Internet. Je vous proposerai ainsi un amendement d'élargissement du périmètre des contenus et services concernés par le contrôle parental, en retenant notamment la notion « d'épanouissement » des personnes mineures, régulièrement utilisée en matière de régulation audiovisuelle et de protection de l'enfance.

Afin que cette proposition de loi permette de nouvelles avancées, je vous proposerai également un amendement relatif à la protection des données à caractère personnel des mineurs. La généralisation du contrôle parental signifie plus de protection, mais également davantage de données collectées sur nos enfants et nos adolescents. Concrètement, il s'agit d'interdire l'exploitation à des fins commerciales et de marketing des données à caractère personnel collectées lors de l'activation des dispositifs de contrôle parental. Ce serait une avancée significative.

Enfin, je souhaite que cette proposition de loi soit pleinement opérationnelle et puisse être adoptée dans les meilleures conditions possibles, indépendamment de toute pression de calendrier.

Sur ce point, je souhaite vous faire part de mes réserves et de mes craintes.

Ce texte a été notifié à la Commission européenne, car il entre dans le champ d'une directive européenne de 2015 relative aux services de la société de l'information. L'objectif de cette procédure est de s'assurer qu'une législation nationale n'entrave pas le bon fonctionnement du marché intérieur.

Or, en créant des obligations qui pourraient être applicables aux fabricants et distributeurs étrangers commercialisant leurs produits en France, la proposition de loi soulève de nombreuses interrogations auxquelles aucune des auditions menées n'a permis de répondre de manière satisfaisante.

Là encore, nous légiférons sur une ligne de crête. C'est justement le but de cette procédure de notification que de répondre à nos interrogations.

Si le texte a bien été notifié, il l'a été beaucoup trop tôt, au moment de son dépôt, et sans prendre en compte les modifications adoptées par l'Assemblée nationale et celles que nous voterons au Sénat.

Je serai donc très attentive à ce que le Gouvernement notifie de nouveau ce texte, après son examen en première lecture, et je vous proposerai un amendement important de sécurisation juridique de l'ensemble du dispositif proposé au regard de cette procédure.

Voilà donc, chers collègues, ma feuille de route pour l'examen de cette proposition de loi.

Je vous remercie de votre écoute attentive.

M. Bernard Buis. - Si Internet et les outils numériques qui permettent d'y accéder ont été une source de progrès, ils présentent aussi des dangers pour nos jeunes enfants, qui accèdent de plus en plus tôt aux écrans et les utilisent avec une aisance déconcertante. Les télévisions désormais connectées, les tablettes, les smartphones, les ordinateurs sont autant de facteurs d'exposition de nos enfants à des contenus inappropriés, préjudiciables à leur santé mentale et nuisibles à leur développement.

Pornographie, ultraviolence, harcèlement sur les réseaux sociaux et messageries, endoctrinement, trafics : la liste des fléaux est longue. Les parents sont souvent en proie à un sentiment d'impuissance face à des technologies mieux maîtrisées par leurs enfants que par eux-mêmes. Ils se sentent incapables de les protéger.

Les outils existent, mais ils restent sous-exploités : le contrôle parental n'est utilisé que par 38 % des parents alors que plus de 80 % y seraient favorables.

Cette situation nous commandait d'agir, d'où cette proposition de loi qui rend obligatoire la présence d'un outil de contrôle parental préinstallé sur tout objet permettant de se connecter à Internet. Son adoption à l'unanimité par l'Assemblée nationale témoigne d'un large consensus autour des enjeux de la protection de l'enfance.

Je salue le travail de Bruno Studer qui a su naviguer entre les difficultés techniques et juridiques pour trouver une solution qui, sans être parfaite, rend le contrôle aux parents. La vigilance de ces derniers demeure le premier rempart contre la menace que nous venons d'évoquer.

Le groupe du RDPI considérera avec bienveillance les apports de la rapporteure, dont je salue le travail dans un calendrier particulièrement contraint, et votera cette proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-1 élargit le périmètre des contenus et services sur Internet susceptibles de faire l'objet d'un contrôle parental, pour une protection plus globale et plus efficace de la navigation sur Internet des personnes mineures.

Le périmètre actuel du texte, qui vise les contenus et services susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique ou morale des personnes mineures, est trop restrictif. En effet, cette notion de droit pénal renvoie à une liste exhaustive d'infractions définies. Or, en l'absence de preuve suffisante pour qualifier de telles infractions, des contenus et services préjudiciables à nos enfants et adolescents risquent d'échapper au contrôle parental.

Je vous propose donc de retenir plutôt la notion d'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. Plus large, elle est utilisée dans le domaine de la régulation audiovisuelle, notamment dans la loi relative à la liberté de communication, et dans les directives européennes relatives à la régulation des contenus diffusés à la radio, à la télévision ou par l'intermédiaire de plateformes de partage de vidéos.

L'amendement COM-1 est adopté.

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à l'amélioration de l'information des utilisateurs des dispositifs de contrôle parental.

Le texte dispose que le dispositif de contrôle parental doit être aisément accessible et proposé aux utilisateurs dès la première mise en service de l'appareil. C'est une avancée, car tel n'est pas toujours le cas.

Je vous propose de préciser que le dispositif doit également être aisément compréhensible, avec des informations claires, didactiques, et des conditions générales d'utilisation simplement rédigées.

L'amendement COM-2 est adopté.

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-3 renforce la protection des données à caractère personnel des personnes mineures collectées et générées lors de l'activation du contrôle parental. En effet, lors de cette activation, il est souvent demandé aux parents de créer un « profil » adapté à l'âge de la personne mineure, ce qui nécessite de communiquer des informations sur ses enfants ou ses adolescents, à commencer par leur date de naissance.

Des précautions similaires ont été prévues par l'ordonnance de transposition de la directive européenne « Services de médias audiovisuels » (SMA), notamment pour les dispositifs de contrôle parental mis en place sur les plateformes de partage de vidéos.

C'est une mesure importante qui rehausse l'ambition de ce texte.

Mme Sophie Primas, présidente. - En effet, cet amendement est important.

L'amendement COM-3 est adopté.

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-4 clarifie l'ordonnancement et les séquences du processus de certification et de vérification prévu par le texte, inspiré des dispositions en vigueur pour le contrôle de la mise sur le marché des équipements radioélectriques et terminaux.

D'abord, l'obligation d'installer par défaut un dispositif de contrôle parental devrait concerner conjointement les fabricants d'équipements terminaux et les fournisseurs de systèmes d'exploitation. La grande majorité des appareils connectés sont commercialisés avec un logiciel de fonctionnement, et les fabricants sont souvent en même temps éditeurs de systèmes d'exploitation. Toutefois, les évolutions du marché sont imprévisibles, et la commercialisation des appareils et des logiciels pourrait être davantage dissociée à l'avenir - d'où la nécessité de mentionner explicitement les fournisseurs de systèmes d'exploitation.

Ensuite, les fabricants doivent certifier que l'obligation de pré-installation d'un contrôle parental est bien respectée.

Enfin, les acteurs des chaînes de distribution doivent vérifier la certification des fabricants.

L'amendement COM-4 est adopté.

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-5 précise que le décret en Conseil d'État déterminera les modalités de certification du dispositif de contrôle proposé. En effet, il serait préférable que les modalités de certification soient harmonisées entre les fabricants, et que la preuve de la certification soit transmise aux distributeurs, importateurs et prestataires de services d'exécution des commandes.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté.

Article 3

L'article 3 est adopté.

Après l'article 3

Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'amendement COM-6 sécurise l'ensemble du dispositif proposé au plan juridique. En effet, ce texte doit être notifié à la Commission européenne, conformément aux dispositions de la directive de 2015 relative aux services de la société de l'information. Le Gouvernement l'a fait dès le dépôt à l'Assemblée nationale, alors que la bonne pratique est de notifier un texte une fois que les grandes lignes ont été définies, c'est-à-dire après la première lecture dans chacune des deux chambres.

Les dispositions votées par l'Assemblée nationale justifieraient à elles seules une nouvelle notification du texte. J'ai en effet des réserves quant à la compatibilité du dispositif proposé avec le bon fonctionnement du marché intérieur, car il pourrait créer des obligations applicables aux fabricants et distributeurs européens qui commercialisent leurs produits en France. Aucune des auditions menées n'a levé ces doutes.

Je veillerai donc à ce que le Gouvernement s'engage à notifier de nouveau ce texte, et je vous invite, chers collègues, à me soutenir. Nous ne pouvons pas prendre de risques sur un tel sujet. La pression du calendrier électoral ne justifie en aucun cas de telles pratiques.

L'amendement COM-6 est adopté et devient un article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme NOËL, rapporteure

1

Élargissement du périmètre des contenus et services pouvant faire l'objet d'un contrôle parental par l'introduction de la notion « d'épanouissement physique, mental ou moral » des mineurs.

Adopté

Mme NOËL, rapporteure

2

Amélioration de l'information à destination des utilisateurs des dispositifs de contrôle parental qui devront être aisément accessibles et compréhensibles.

Adopté

Mme NOËL, rapporteure

3

Interdiction de l'exploitation à des fins commerciales des données à caractère personnel des personnes mineures collectées lors de l'activation des dispositifs de contrôle parental.

Adopté

Mme NOËL, rapporteure

4

Rédaction globale du dispositif de certification et de vérification de l'obligation de pré-installation d'un dispositif de contrôle parental sur les appareils connectés et vendus en France.

Adopté

Mme NOËL, rapporteure

5

Précision des modalités de certification par le décret en Conseil d'État déjà prévu par le texte.

Adopté

Article(s) additionnel(s) après article 3

Mme NOËL, rapporteure

6

Conditionnement de l'entrée en vigueur du texte à la réponse de la Commission européenne attestant de la conformité du dispositif proposé.

Adopté

Mme Sophie Primas, présidente. - Je me félicite de cette unanimité.

Pour terminer, je vous propose de préciser le périmètre retenu par la commission au titre de l'application de l'article 45. Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :

- à la régulation des contenus et services accessibles depuis des équipements terminaux destinés à l'utilisation de services de communication au public en ligne et susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique ou morale des personnes mineures ou de nuire à leur épanouissement ;

- aux équipements et appareils reconditionnés ;

- aux obligations et conditions applicables aux fabricants et, le cas échéant, à leurs mandataires lors de la mise sur le marché de leurs équipements radioélectriques et terminaux ;

- aux obligations et conditions applicables aux importateurs, distributeurs et prestataires de services d'exécution des commandes lors de la mise sur le marché des équipements radioélectriques et terminaux qu'ils commercialisent ;

- aux obligations et conditions dans lesquelles les fournisseurs d'accès à Internet contribuent à faciliter l'utilisation des outils de contrôle parental ;

- aux conditions dans lesquelles l'autorité compétente peut restreindre ou interdire la mise sur le marché des équipements radioélectriques et terminaux concernés ;

- à la prévention et à l'information des consommateurs, utilisateurs et abonnés en matière de risques liés à l'utilisation des services de communication au public en ligne ;

- à la protection des données à caractère personnel des personnes mineures collectées lors de l'activation et de l'utilisation des outils de contrôle parental ;

- au respect de la procédure de notification à la Commission européenne prévue par la directive 2015/1535 ;

- à l'entrée en vigueur des dispositions du texte.

Proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons maintenant les amendements de séance sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur. Comme nous en avons désormais pris l'habitude pour les amendements de séance, un tableau vous a été distribué qui récapitule les avis proposés par notre rapporteur. Je vous propose d'en donner lecture et de ne s'arrêter que sur les amendements pour lesquels vous souhaiteriez obtenir davantage d'explications de la part de notre rapporteur. Nous aurons bien évidemment l'occasion de débattre de chacun d'entre eux lors de la séance publique.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Je propose que les amendements identiques nos  14, 25 et 32, qui portent sur l'intitulé du titre premier, soient examinés à la fin du texte.

Avant l'article 7

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable aux amendements identiques nos  29 et 46, en grande partie satisfaits par l'amendement que je proposerai sur le droit à l'oubli concernant plusieurs maladies. On ne peut légiférer dans l'incertitude scientifique, comme la pandémie le montre.

La commission demande le retrait des amendements identiques nos 29 et 46 et, à défaut, y émet un avis défavorable.

Article 7

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Mon amendement no  49 inscrit directement dans la loi la réduction du délai d'application du droit à l'oubli de dix à cinq ans pour les pathologies cancéreuses ; il étend ce doit à l'oubli aux pathologies chroniques, et il supprime le plafond d'emprunt pour les personnes bénéficiant de la convention AERAS. Pour les personnes qui ne relèvent pas de ce dispositif, la convention continue à s'appliquer. Grâce aux progrès de la science, on peut désormais vivre longtemps avec le diabète ou le sida.

L'amendement no 49 est adopté, et la commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos  38 et 47.

La commission demande le retrait des amendements identiques nos  30 et 10 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 7 bis

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos  18 et 39.

La commission demande le retrait de l'amendement no  4 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Mon amendement no  50 porte de 200 000 à 350 000 euros le plafond de prêt immobilier en dessous duquel le prêteur ne peut demander d'information médicale à l'emprunteur. Cette modification a pour but de prendre en compte les prêts immobiliers en zone urbaine tendue puisque, dans le cas d'une quotité à parts égales, cela correspondrait à un plafond de 700 000 euros.

L'amendement no 50 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement no 19 qui interdit le traitement des données de paiement pour en obtenir des données de santé. Il est globalement satisfait par le droit en vigueur.

La commission demande le retrait de l'amendement no 19 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 8

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - L'amendement no  45 est une demande de rapport sur l'application de la suppression du questionnaire médical.

Ce texte porte des avancées historiques, malgré un traitement médiatique particulièrement biaisé et même choquant. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement no  51 qui prévoit la remise du rapport dans un délai de deux ans, et non d'un an : c'est nécessaire pour analyser les conséquences de la suppression.

La commission adopte le sous-amendement no 51 et émet un avis favorable à l'amendement no  45.

Article 9

La commission émet un avis favorable à l'amendement no  43.

Mme Sophie Primas. - Merci au rapporteur, qui a traité le sujet avec beaucoup d'humanité.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Je suis imprégné de l'idée qu'il faut apporter des réponses humaines, en particulier dans la perspective de la CMP. Le précédent de l'amendement dit Bourquin montre que cette approche est porteuse d'avancées.

Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

N° 

Objet

Sort

Article 7

M. GREMILLET

49

Réduction du délai du droit à l'oubli et élargissement de son champ d'application

Adopté

Article 7 bis

M. GREMILLET

50

Augmentation du plafond de prêt immobilier en-dessous duquel le prêteur ne peut demander d'information médicale à l'emprunteur.

Adopté

Article 8

M. GREMILLET

51

Sous-amendement portant le délai de remise à deux ans du rapport au Parlement prévu à l'article 8

Adopté

La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements dont elle est saisie :

TITRE IER : Information de l'emprunteur en matière de droit de résiliation de l'assurance emprunteur

Auteur

N° 

Objet

Avis de la commission

M. SALMON

14

Modification de l'intitulé du titre Ier 

Demande de retrait

M. CABANEL

25

Modification de l'intitulé du titre Ier 

Demande de retrait

Mme EVRARD

32

Modification de l'intitulé du titre Ier 

Demande de retrait

Article 1er

M. CAPUS

1 rect. bis

Possibilité pour un assuré de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur

Défavorable

Le Gouvernement

17

Possibilité pour un assuré de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur et coordinations juridiques

Défavorable

Mme EVRARD

31

Possibilité pour un assuré de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur et coordinations juridiques

Défavorable

M. SALMON

12

Possibilité pour un assuré de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur

Défavorable

M. GAY

20

Possibilité pour un assuré de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur

Défavorable

M. CABANEL

24

Possibilité pour un assuré de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur

Défavorable

Article additionnel après article 1er

M. GAY

21

Distinction du taux annuel effectif global et du taux annuel effectif de l'assurance au sein de la notice annexée au contrat de prêt

Défavorable

Article 2

M. SALMON

13

Coordinations juridiques relatives au droit de résiliation à tout moment et allègement des obligations de motivation des décisions de refus du prêteur

Défavorable

Mme EVRARD

33

Coordinations juridiques relatives au droit de résiliation à tout moment et allègement des obligations de motivation des décisions de refus du prêteur

Défavorable

Article additionnel après article 2

M. GAY

22

Motivation des décisions de refus d'accorder un prêt

Irrecevable 45

Mme BLATRIX CONTAT

40

Mention au sein de l'offre de prêt des garanties assurantielles exigées par le prêteur

Demande de retrait

M. MENONVILLE

3 rect.

Mention du taux annuel effectif de l'assurance et des exigences assurantielles du prêteur au sein de l'offre de prêt

Demande de retrait

Article 3

M. CAPUS

2 rect.

Mise à disposition de l'assuré de l'information relative au droit de résiliation

Défavorable

M. CABANEL

26

Mise à disposition de l'assuré de l'information relative au droit de résiliation

Défavorable

M. SALMON

11

Renforcement des sanctions pour manquement aux obligations d'information de l'assuré

Avis du Gouvernement

Article 3 bis

Mme EVRARD

34

Suppression de l'article

Défavorable

Article 4

Mme EVRARD

35

Coordinations juridiques relatives à la résiliation à tout moment et raccourcissement du délai d'élaboration de l'avenant au contrat de prêt

Défavorable

Article 5

M. SALMON

16

Renforcement des sanctions pour manquement aux obligations incombant aux prêteurs en matière de résiliation d'assurance emprunteur

Avis du Gouvernement

Article additionnel après article 5

Mme PAOLI-GAGIN

37

Interdiction des prélèvements de frais sur les comptes bancaires de défunts

Irrecevable 45

Article 6

M. CABANEL

27

Délai d'entrée en vigueur de la loi porté à un an

Demande de retrait

Mme EVRARD

36

Délai d'entrée en vigueur de la loi porté à un an

Demande de retrait

TITRE II : Droit à l'oubli et évolution de la grille de référence de la « Convention AERAS »

Article additionnel avant article 7

Mme PANTEL

29

Interdiction de surprime lorsque la science n'a pas prouvé l'existence d'un risque accru de décès

Demande de retrait

M. FÉRAUD

46

Interdiction de surprime lorsque la science n'a pas prouvé l'existence d'un risque accru de décès

Demande de retrait

Article 7

Mme ESTROSI SASSONE

38

Réduction du délai du droit à l'oubli et élargissement de son champ d'application

Favorable

M. FÉRAUD

47

Réduction du délai du droit à l'oubli et élargissement de son champ d'application

Favorable

Mme PANTEL

30

Réduction du délai du droit à l'oubli pour les pathologies cancéreuses

Demande de retrait

M. CANÉVET

10

Inclusion des pathologies cardiaques parmi le champ de négociation des signataires de la convention AERAS

Demande de retrait

Article additionnel après article 7

M. GAY

23

Interdiction de surprime ou d'exclusion de garantie pour les bénéficiaires de la convention AERAS

Demande de retrait

M. CAPUS

6

Création d'un contrat d'assurance emprunteur inclusif

Défavorable

Article 7 bis

Le Gouvernement

18

Suppression de l'interdiction de questionnaire médical

Défavorable

Mme EVRARD

39

Suppression de l'interdiction de questionnaire médical

Défavorable

M. MENONVILLE

4

Suppression du plafond de prêt conditionnant l'interdiction de collecte d'informations médicales

Demande de retrait

Mme BLATRIX CONTAT

41

Augmentation du plafond de prêt à 500 000 euros dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

Mme BLATRIX CONTAT

48

Augmentation du plafond de prêt à 375 000 euros dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

Mme Laure DARCOS

7

Augmentation du plafond de prêt à 350 000 euros et de la limite d'âge à soixante-dix ans dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

M. MENONVILLE

5

Augmentation du plafond de prêt à 300 000 euros dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

Mme PROCACCIA

8

Augmentation du plafond de prêt à 300 000 euros dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

M. CABANEL

28

Augmentation du plafond de prêt à 300 000 euros dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

Mme BLATRIX CONTAT

42

Limite d'âge lors de la souscription du prêt portée à soixante-deux ans

Demande de retrait

Mme PROCACCIA

9

Augmentation de la limite d'âge à soixante-dix ans dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

Mme BLATRIX CONTAT

44

Augmentation de la limite d'âge à soixante-dix ans dans le cadre de la suppression du questionnaire médical

Demande de retrait

M. GAY

19

Interdiction de traitement des données de paiement pour en obtenir des données de santé

Demande de retrait

Article 8

Mme BLATRIX CONTAT

45

Rapport relatif à l'application de la suppression du questionnaire médical

Favorable si rectifié

Article 9

Mme BLATRIX CONTAT

43

Précision que le rapport du CCSF porte également sur le bon fonctionnement de la faculté de résilier 

Favorable

Proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur - Désignation des candidats à l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Sophie Primas, M. Daniel Gremillet, M. Jean-Baptiste Blanc, M. Patrick Chauvet, Mme Florence Blatrix Contat, M. Rémi Féraud et Mme Marie Évrard comme membres titulaires, et de M. Jérôme Bascher, M. Yves Bouloux, Mme Marie-Christine Chauvin, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Claude Tissot, Mme Guylène Pantel et M. Fabien Gay comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur.

La réunion est close à 11 h 50.