N° 759

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juin 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur les actes du colloque « Codification(s) et droit(s) des outre-mer »,

Par Mme Micheline JACQUES,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : Mme Micheline Jacques, président ; Mmes Audrey Bélim, Jocelyne Guidez, M. Victorin Lurel, Mme Viviane Malet, M. Akli Mellouli, Mmes Annick Petrus, Marie-Laure Phinéra-Horth, MM. Teva Rohfritsch, Jean-Marc Ruel, Mme Lana Tetuanui, MM. Pierre-Jean Verzelen, Robert Wienie Xowie, vice-présidents ;
Mme Marie-Do Aeschlimann, M. Frédéric Buval, Mme Vivette Lopez, M. Georges Naturel, secrétaires ; Mme Viviane Artigalas, MM. Olivier Bitz, Christian Cambon, Mme Agnès Canayer, M. Guillaume Chevrollier, Mmes Catherine Conconne,
Evelyne Corbière Naminzo, M. Stéphane Demilly, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Philippe Folliot, Stéphane Fouassin,
Éric Jeansannetas, Mikaele Kulimoetoke, Antoine Lefèvre, Alain Milon, Mme Solanges Nadille, MM. Saïd Omar Oili,
Georges Patient, Jean-Gérard Paumier, Mmes Évelyne Perrot, Salama Ramia, MM. Laurent Somon, Rachid Temal,
Dominique Théophile.

Crédit photos : Outremer 360

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Co-organisé par l'Association des juristes en droit des outre-mer (AJDOM), le Centre de recherche sur l'administration publique de l'Institut des sciences juridiques et philosophiques (CERAP-ISJPS) de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, l'Institut de droit privé (IDP) de l'Université Toulouse Capitole et la délégation sénatoriale aux outre-mer que j'ai l'honneur de présider, le colloque « Codification(s) et droit(s) des Outre-mer » du 16 mai 2025 au Sénat avait pour ambition de rappeler les enjeux cruciaux de cet outil juridique peu étudié.

Je tiens à remercier le président Ferdinand Mélin-Soucramanien, et les membres de l'AJDOM, d'avoir choisi le Sénat pour accueillir ces réflexions essentielles à l'exigence constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité du droit. Comme nous l'ont montré nos auditions et nos déplacements sur place à l'occasion du récent rapport de la délégation sur l'action de l'État outre-mer, les magistrats et avocats peinent parfois à distinguer les dispositions applicables dans un nombre croissant de domaines et le citoyen ordinaire est trop souvent perdu dans le labyrinthe normatif.

Cet objectif de valeur constitutionnelle est aussi celui de l'égalité des droits et de la confiance des citoyens dans la République. Comment avoir confiance si la loi est inaccessible ou incompréhensible ?

Ma conviction est qu'il revient aux territoires de définir les priorités de la codification, en coordination avec le Parlement et le Gouvernement dans les domaines partagés. Mais il faut aussi identifier le volume et le périmètre de matières juridiques à codifier, ce qui suppose la consultation et la participation des professionnels du droit.

L'expérience de certains territoires peut éclairer l'intérêt et la démarche à retenir. Tout au long de la journée de nombreux témoignages ont permis de partager les tentatives, les expériences abouties et les difficultés : en Polynésie française, avec la codification du code civil polynésien ou encore à Saint-Barthélemy avec le code de l'environnement.

Des échanges ont surgi des propositions constructives pour améliorer en amont la fabrique de la norme outre-mer.

Pour ma part, je défends l'idée d'instaurer chaque année une semaine des outre-mer au Parlement. En effet l'ampleur du chantier de l'adaptation des normes et de la codification du droit des outre-mer requiert que le Parlement réserve plus de temps aux outre-mer. Une proposition ancienne de notre délégation, mais aussi de différents groupes de travail transpartisans, est d'examiner chaque année une loi d'adaptation du droit des outre-mer et de réserver une semaine dans le calendrier parlementaire. Ce temps législatif est indispensable à mon sens si l'on souhaite conduire une codification ambitieuse sous le contrôle du Parlement.

La codification est un outil, parmi d'autres, pour clarifier le droit applicable dans les outre-mer, aussi bien dans les territoires régis par l'article 73 que par l'article 74. Il est crucial que le droit outre-mer soit accessible et ne soit pas qu'une « affaire de spécialistes », comme l'a souligné l'excellent rapport sénatorial de MM. Philippe Bas et Victorin Lurel sur l'adaptation des modes d'action de l'État outre-mer, publié en janvier 2025.

En croisant les points de vue, en s'interrogeant ensemble sur les raisons et les moyens de codifier, sur les acteurs de ce processus et les outils pertinents, cette journée d'études au Sénat s'est révélée très riche et incite à relancer le processus de codification comme une urgence démocratique et républicaine pour les outre-mer.

Micheline JACQUES

OUVERTURE

Micheline JACQUES,
sénateur de Saint-Barthélemy,
président de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Mme Micheline Jacques, président. - Monsieur le président de l'Association des juristes en droit des outre-mer (AJDOM) et du conseil d'administration de l'Institut national du service public (INSP),

Monsieur le directeur général des outre-mer, monsieur Olivier Jacob,

Chers collègues parlementaires,

Mesdames et Messieurs les professeurs Caroline Bouix et Charles Froger chargés de la direction scientifique de cette journée,

Mesdames et Messieurs les juristes et membres de l'AJDOM,

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureuse d'ouvrir ce matin ce colloque à l'intitulé ambitieux et stimulant : « Codification(s) et droit(s) des outre-mer », coorganisé par l'AJDOM et la délégation sénatoriale aux outre-mer que j'ai l'honneur de présider.

Je tiens à remercier le président Ferdinand Mélin-Soucramanien, qui a choisi le Sénat pour accueillir à nouveau les réflexions initiées par cette association reconnue pour l'excellence et le sérieux de ses travaux.

Vous le savez, nos liens avec l'AJDOM sont anciens : le président Michel Magras suivait assidûment vos activités et nous avons eu par le passé l'occasion d'entendre vos juristes à l'occasion de la préparation de nos rapports : en 2020, d'abord, dans le cadre du rapport de Michel Magras sur « la différenciation territoriale des outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure » ; en juin 2022, nous avions aussi organisé une réunion conjointe pour débattre de la Nouvelle-Calédonie et du cadre constitutionnel des outre-mer et cette journée avait donné lieu à la publication d'un rapport largement diffusé.

Par un heureux concours de circonstances, c'est la troisième fois que nous avons le plaisir de nous retrouver en quelques semaines. Le 20 février dernier, le premier Prix de thèse de l'AJDOM décerné à Fannie Duverger, a été remis dans ces murs. Le thème, qui portait sur les possibilités d'assurer une meilleure représentation politique des populations autochtones, fait en effet écho à des problématiques qui existent dans plusieurs de nos territoires ultramarins, comme la Nouvelle-Calédonie, la Guyane ou encore Wallis-et-Futuna. À l'occasion de cette remise du prix, je formai le voeu que ce prix de thèse pose un nouveau jalon dans l'approfondissement de nos liens. Je ne croyais pas si bien dire !

Ce voeu s'est vite concrétisé, puisque le président du Sénat a reçu hier les lauréats du Prix de thèse du Sénat 2025, qui a distingué cette année une étudiante de La Réunion, Stéphanie Parassouramanaïk Accama, pour sa thèse sur « la faculté d'adaptation de l'article 73 de la Constitution - Contribution à l'étude de la notion d'autonomie normative des collectivités territoriales au sein de l'État unitaire français ». Cette thèse a été dirigée par Alexandre Mangiavillano, professeur à l'université de La Réunion, et par vous, monsieur le président.

Aujourd'hui, nous allons durant toute une journée aborder ensemble tous les aspects et les enjeux de la codification pour les outre-mer, sujet majeur, car les subtilités juridiques de nos territoires sont grandes et sont appelées à s'affiner compte tenu du besoin de différenciation ressenti dans tous nos outre-mer. La question de la codification du droit des outre-mer est ainsi pleinement d'actualité.

Au-delà des débats juridiques, elle rejoint celle de l'accessibilité et de l'intelligibilité du droit pour toutes les populations ultramarines.

Cet objectif de valeur constitutionnelle est aussi celui de l'égalité des droits et de la confiance des citoyens dans la République. Comment avoir confiance si la loi est inaccessible ou incompréhensible ?

L'exigence d'intelligibilité du droit est encore accrue outre-mer, du fait des débats institutionnels récurrents, des tensions autonomistes, voire indépendantistes, et de la part importante de populations allophones ou maîtrisant mal la langue française.

La sécurité juridique est aussi en jeu. L'incertitude sur la norme applicable crée de l'incertitude économique et freine le développement.

La codification est donc un outil, parmi d'autres, pour clarifier le droit applicable dans les outre-mer, aussi bien dans les territoires régis par l'article 73 que par l'article 74. Il est essentiel que le droit outre-mer soit accessible et ne soit pas qu'une « affaire de spécialistes ». Je vous renvoie sur ce point à l'excellent rapport sénatorial de Philippe Bas et Victorin Lurel sur l'adaptation des modes d'action de l'État outre-mer, publié en janvier dernier.

Je me félicite tout particulièrement de la table ronde à laquelle j'aurai l'honneur de participer cet après-midi sur la fabrique et la pratique de la codification. En croisant les points de vue, en s'interrogeant ensemble sur les raisons et les moyens de codifier, sur les acteurs de ce processus et les outils pertinents, cette journée d'étude au Sénat s'annonce donc très riche.

Comme lors de nos précédentes éditions, les actes de cette journée seront publiés et consultables sur le site du Sénat.

Je vous remercie pour votre attention et je souhaite à tous un excellent colloque !

M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public, Université de Bordeaux, président de l'Association des juristes en droit des outre-mer. - Bonjour à tous. Merci, madame le président de nous accueillir à nouveau. J'ai l'impression que nous ne nous quittons plus, ce qui est plutôt bon signe. Merci à la délégation aux outre-mer du Sénat, à vos équipes très actives, à l'ensemble des sénateurs et sénatrices, et au président du Sénat dont les mots nous ont profondément touchés.

Pour cette journée d'étude, je remercie sincèrement Caroline Bouix et Charles Froger qui ont entièrement organisé ce colloque. Nous évoquerons les codes coloniaux et la codification privée, en passant par des principes fondamentaux, puis nous tiendrons une table ronde cet après-midi réunissant praticiens, fonctionnaires et académiques.

Cette journée représente exactement ce que nous avons voulu faire avec l'AJDOM, notamment avec Véronique Bertile, notre secrétaire générale : créer une société savante sur le droit des outre-mer, qui ne soit pas exclusivement réservée aux universitaires, mais qui dialogue avec les élus et les fonctionnaires.

La question de la codification, bien qu'apparemment technique, me passionne depuis longtemps. J'ai dirigé une thèse sur le sujet « codification et Constitution » et j'ai moi-même été l'auteur avec Olivier Magnaval d'un code des entreprises outre-mer. Ce travail répondait à une commande des Chambres de commerce d'outre-mer, car nous avions constaté que les investisseurs avaient du mal à connaître les dispositions applicables d'un territoire à l'autre. Comme vous l'avez souligné, Madame le président Micheline Jacques, il s'agit d'un sujet crucial pour les outre-mer. Derrière la question de l'accessibilité et de l'intelligibilité du droit se cache un enjeu d'égalité. Au-delà de l'égalité sociale qui reste largement à conquérir, l'égalité juridique est tout aussi importante.

Un travail de sociologie sur la perception du droit dans les différents territoires ultramarins serait particulièrement intéressant. Je connais cette perception dans mon territoire, mais pas dans les autres. À La Réunion, par exemple, le droit s'appelle simplement « la loi ». Cette question de la réception du droit est fondamentale pour retisser le lien avec la République, alors que les outre-mer traversent une forme de crise existentielle.

Je vous remercie encore de nous accueillir et me réjouis d'entendre toutes vos interventions.

PREMIÈRE PARTIE

LES CODIFICATIONS EN OUTRE-MER : DE QUOI PARLE-T-ON ?

Mme Caroline Bouix, maîtresse de conférences en droit privé, Université Toulouse Capitole. - Mesdames et Messieurs les parlementaires, chers collègues, Mesdames et Messieurs, merci à tous d'être présents à cette manifestation scientifique « Codification(s) et droit(s) des outre-mer ». Je remercie, avec Charles Froger, les personnes et institutions qui ont contribué à ce colloque : le Sénat qui nous accueille, la délégation sénatoriale aux outre-mer, notamment sa présidente, Madame Micheline Jacques, l'Association des juristes en droit des outre-mer, l'AJDOM, particulièrement son président Ferdinand Mélin-Soucramanien. Merci à nos laboratoires respectifs, l'Institut de droit privé de l'Université de Toulouse-Capitole et l'Institut des Sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne. Enfin, merci aux intervenants de la journée.

Charles Froger et moi avons conçu cette manifestation lors de notre délégation à l'Université de la Nouvelle-Calédonie, après une journée d'études sur le bilan du transfert de la compétence droit civil à la Nouvelle-Calédonie. La question de la création d'un code civil calédonien nous avait permis de percevoir les enjeux spécifiques de la codification dans les outre-mer.

La codification est le rassemblement, selon un plan cohérent, des dispositions existantes se rapportant à un domaine particulier. Elle permet de créer un document unique, de rassembler des normes dispersées, de les coordonner pour les rendre cohérentes et accessibles, de clarifier le droit, de l'actualiser en abrogeant les textes obsolètes, et de mettre en évidence d'éventuelles lacunes. La codification répond au souci de rendre le droit plus lisible et accessible. Elle constitue un facteur de sécurité juridique et répond à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, comme l'a reconnu le Conseil constitutionnel.

La codification appliquée aux droits des outre-mer pose deux questions distinctes : d'une part, la prise en compte par l'État des outre-mer dans sa codification du droit national, et d'autre part, la codification par les institutions locales du droit applicable à leur territoire. Les liens entre codification et accessibilité du droit s'envisagent différemment selon ces deux hypothèses.

Un même constat de dualité existe concernant l'enjeu identitaire. Le code civil de 1804 a été conçu comme facteur d'unité du droit et reflet de la société française. Pour les droits des outre-mer, cet enjeu doit être compris différemment selon que la codification est nationale ou locale. Cette dualité concernant l'auteur des codes est au coeur des questionnements sur la codification et le droit des outre-mer.

M. Charles Froger, maître de conférences en droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. - Je vais aborder la question de la codification nationale rendue applicable dans les outre-mer. Cette prise en compte repose sur des exigences constitutionnelles et sur les principes régissant l'applicabilité des normes étatiques dans ces territoires. Ces principes sont le principe de spécialité et celui d'identité normatives. Schématiquement, pour les collectivités ultramarines régies par l'article 73, c'est en principe l'identité qui prévaut, c'est-à-dire l'applicabilité de plein droit des normes de l'État. Pour les collectivités d'outre-mer (article 74) et la Nouvelle-Calédonie, c'est la spécialité législative qui s'applique, nécessitant de prévoir expressément l'applicabilité de la norme étatique.

La révision constitutionnelle de 2003 a nuancé cette dichotomie. L'article 73 permet des adaptations et des dérogations prises par les territoires sur habilitation législative. Les territoires régis par l'article 74 sont, à des degrés divers, aussi concernés par l'identité législative, comme Saint-Barthélemy ou même la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française dans certains domaines. Ces principes influencent le périmètre de ce qui peut être codifié et la manière dont les dispositions ultramarines sont intégrées dans les codes.

Pour une codification ab initio, devant prendre en compte les territoires ultramarins, la difficulté principale est d'établir l'état du droit applicable dans chaque territoire ultramarin. Parmi les acteurs essentiels, le ministère des outre-mer doit être associé très précocement aux codifications et non consulté tardivement. L'existence de référents outre-mer dans les différents ministères est également importante. La Commission supérieure de codification, créée en 1989, s'est vu adjoindre une commission spécifique aux outre-mer, chargée de recenser le droit applicable et de déterminer les compétences de l'État qui ont été transférées. Cette commission spécifique a été ultérieurement absorbée par la Commission supérieure, avec un rapporteur spécial aux outre-mer.

Un autre défi concerne la « maintenance des codes » : déterminer si une modification de code s'applique dans les différentes collectivités. La décision du Conseil d'État du 9 février 1990, Élections municipales de Lifou, impose que, dans le cadre du principe de spécialité, toute modification d'un texte précédemment applicable doit elle-même prévoir expressément son extension au territoire concerné.

Concernant l'aspect formel, deux possibilités existent pour rendre visible l'applicabilité des dispositions dans les différents territoires, notamment la technique des « compteurs Lifou », qui consiste à insérer des articles distincts regroupant les dispositions applicables à une collectivité. Cette méthode condense les dispositions ultramarines, mais oblige l'utilisateur à examiner chaque disposition pour vérifier son applicabilité. La deuxième possibilité, employée plus tardivement par certains codes, est la technique des « tableaux Lifou ». Ces tableaux indiquent, pour chaque disposition ou groupe de dispositions, la version de la loi ou du décret applicable dans la collectivité concernée. Ils précisent s'il s'agit de la rédaction issue de la dernière modification rendue applicable ou d'une version ancienne, les modifications ultérieures n'ayant pas été rendues expressément applicables au territoire. Cela permet à l'utilisateur de connaître la version du texte applicable. Cet exercice reste périlleux pour le lecteur qui doit également vérifier les grilles de lecture, c'est-à-dire les adaptations des dispositions dans la collectivité concernée. Il faut prendre en compte ces adaptations et remplacer certains termes, comme « préfet » par « haut-commissaire » en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie. Le lecteur doit ainsi faire lui-même la version consolidée de la disposition recherchée. Cela pose la question du respect du principe d'égalité entre les citoyens hexagonaux et ceux ultramarins dans l'accès au droit. Même avec les tableaux Lifou, « les chiffres ne peuvent remplacer les lettres », rendant cet effort de codification encore imparfait.

Une deuxième approche consiste à créer des codes spécifiques pour certains territoires, comme le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ou le code des douanes de Wallis-et-Futuna. Cette option, peu fréquemment utilisée, rend le droit plus lisible en identifiant le territoire concerné, mais complique la maintenance des codes en empêchant une vision globale de la matière.

La question se pose de savoir s'il ne faudrait pas avoir, par matière et par territoire, un code prévoyant les dispositions étatiques spécifiquement applicables, comme cela a été fait en Polynésie française et Nouvelle-Calédonie. On pourrait même envisager un code des outre-mer regroupant ces dispositions par matière. Cette approche renvoie à la question de l'identité de ces territoires : un code spécifique met en avant leur identité, tandis qu'une codification générale souligne davantage l'unité.

Mme Caroline Bouix. - Je vais maintenant aborder la dualité entre les codes nationaux, qui intègrent les dispositions applicables dans les outre-mer, et les codifications locales, qui se concentrent sur le droit applicable à un territoire donné. Les collectivités disposant de vastes compétences - principalement la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, mais aussi Saint-Barthélemy et plus généralement les COM - peuvent produire leurs propres codes. Il est important de distinguer les codes véritablement créés par la collectivité et les codes seulement applicables à ces collectivités.

Prenons l'exemple du droit civil calédonien : malgré le transfert de cette compétence à la Nouvelle-Calédonie réalisé en 2013, ce qui s'applique est le code civil national figé à la date du transfert, auquel s'ajoutent les réformes ultérieures du droit civil calédonien faites par le législateur du pays. On parle donc du « code civil applicable en Nouvelle-Calédonie » et non du « code civil de la Nouvelle-Calédonie ». Pour le droit de la consommation calédonien, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie vient d'annoncer le lancement d'un processus de création d'un véritable code calédonien, illustrant le passage d'un code d'origine nationale simplement applicable à un territoire à un code créé par le territoire lui-même. À l'inverse, la Polynésie française a créé son propre code des finances publiques, alors même qu'un tel code n'existe pas dans le droit national.

Cette entreprise de codification locale participe à l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité du droit. Elle est particulièrement utile pour recenser systématiquement les textes applicables, parfois anciens et issus de diverses autorités normatives. L'exemple du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, créé par une loi du pays de 2008, illustre comment la codification a permis de limiter les conflits sociaux en améliorant l'accès au droit. Cette entreprise rencontre cependant d'importantes difficultés, notamment concernant le périmètre des matières qui relèvent souvent de plusieurs compétences. Le Conseil d'État rappelle régulièrement que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie ne peut pas codifier les dispositions relevant encore de la compétence de l'État. La réunion au sein d'un même code de textes de sources différentes est possible si les acteurs se coordonnent, comme le montre le code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie.

Des difficultés pratiques existent également, notamment le manque de moyens techniques et humains. Cela conduit parfois les institutions locales à solliciter l'aide des institutions nationales. Le code des finances publiques de la Polynésie française est ainsi le fruit d'un travail commun entre diverses institutions nationales et polynésiennes. Ces codes locaux contribuent finalement à affirmer l'identité de la société à laquelle ils s'appliquent.

En réunissant et en ordonnant les textes régissant les compétences locales, les collectivités peuvent s'émanciper du droit national et adapter leurs droits au contexte local, reflétant davantage les identités culturelles de leur société. Par exemple, les trois provinces calédoniennes ont adopté chacune un code de l'environnement en 2008, 2009 et 2016, mais de manière différente selon leur attachement à la culture Kanak. Le code du travail de Nouvelle-Calédonie permet un droit plus adapté au marché du travail insulaire. Enfin, le code de la fonction publique en cours d'élaboration témoigne d'une volonté d'émancipation par rapport au droit national : contrairement au code national de 2021, axé sur la gestion managériale, celui de Nouvelle-Calédonie s'organise autour de l'évolution de la carrière de l'agent.

M. Charles Froger. - Ces enjeux de codification, qu'ils concernent les normes étatiques applicables dans les collectivités ultramarines ou les codifications locales, renvoient principalement à la question de l'accessibilité et, de façon sous-jacente, à celle de l'identité. Cela pose une question fondamentale dans les deux cas : le rapport au principe d'égalité, structurant à la fois pour le droit national et pour le droit des outre-mer dans toute sa diversité. J'espère que ces réflexions pourront animer nos discussions tout au long de cette journée.

RETOUR SUR LES CODES COLONIAUX

Mme Florence Renucci, directrice de recherche au CNRS en sociologie et sciences du droit. - Je tiens tout d'abord à remercier les organisatrices pour cette invitation. En tant qu'historienne du droit colonial, ma spécialité concerne davantage le Maghreb, l'Afrique subsaharienne et l'Inde que les outre-mer actuels. J'adopte une « approche impériale » qui examine le système français dans son ensemble, tout en étant consciente des spécificités locales. Pour définir la codification, je me limiterai à la codification napoléonienne du 19ème siècle, excluant le code noir, qui est en réalité un édit d'Ancien Régime. Je n'aborderai pas non plus le « code de l'indigénat », qui n'est pas une codification, mais un ensemble de mesures administratives étendues à l'Empire colonial français à partir de 1887, comprenant les réquisitions, amendes collectives et internements administratifs.

Ma méthode combine l'approche externaliste des sciences sociales et l'approche internaliste de la technique juridique. Je privilégie une approche décoloniale plutôt qu'une simple chronologie des codes. Cette approche se distingue de l'approche postcoloniale en ce qu'elle fonctionne comme une déconstruction d'un système de domination économique, politique et social, dépassant la seule période coloniale historique.

Dans l'Empire colonial, deux grands types de codification existent. Le premier type est un prolongement des codifications françaises. Il s'agit d'étendre l'application de ces codifications outre-mer à partir de 1805. Ces codes donnent l'apparence d'une unité du droit, mais comportent en réalité de nombreuses dérogations au droit commun. Leur application n'est pas automatique : chaque code ou modification d'article nécessite des décrets d'application spécifiques pour chaque territoire, avec un pouvoir de blocage des gouverneurs.

Toujours dans ce type de codification, une variante existe. Elle consiste à s'inspirer à la fois du droit appliqué dans l'hexagone et des singularités locales pour en faire un outil ad hoc dans les outre-mer. C'est le cas du code du travail des territoires d'outre-mer (finalement promulgué en 1953 après plusieurs années d'attente). Ce dernier marque, en théorie, une transition qualitative importante, passant du travail forcé à un système de contrats et syndicats. Il est considéré par certains comme plus avancé que le code du Travail dit « métropolitain », parce que pensé, dès l'origine, comme un tout.

Un second grand type de codifications sont les codifications des droits locaux. Dans les territoires coloniaux, certains droits, notamment ceux relatifs au statut personnel, étaient maintenus. Les magistrats français devant juger selon ces droits locaux (musulmans, coutumiers, par exemple) ont rapidement demandé des textes de référence, surtout dans les territoires de tradition orale. Cela a conduit à des initiatives de traduction, souvent par des non-juristes possédant les compétences linguistiques nécessaires. Il ne s'agit pas de simples traductions : les rédacteurs extraient ce qu'ils considèrent comme étant du droit et suivent généralement la logique du code civil. Nous sommes déjà dans des formes de traduction-codification, donc de réappropriations. Les magistrats poursuivent ce travail avec des aides locales, puis leur succèdent les professeurs de droit, qui créent de véritables codifications. La première est le « code Santillana » ou code des obligations tunisiens, particulièrement intéressant, car Santillana, juriste tunisien juif, possédait une connaissance approfondie du droit musulman et de différents droits européens. Il a su combiner ces différentes traditions juridiques en utilisant aussi le droit romain. Ce code, toujours en vigueur en Tunisie, a ensuite été adopté au Maroc, au Liban, et repris en 1989 par la Mauritanie pour réislamiser son droit. La seconde est le code Morand en Algérie, jamais promulgué, mais utilisé par les magistrats.

Cette classification permet de situer l'objet polyvalent que constituent ces codifications et de montrer leur diversité. Quels sont à présent les enjeux qu'elles emportent lorsqu'elles sont interrogées au prisme de l'approche décoloniale ? Trois enjeux principaux se démarquent. Le premier est celui de la domination et de son traitement juridique. La codification coloniale impose une définition du droit, un ordonnancement et une déformation sur le temps long. Elle impose ce qu'est le droit dans des sociétés où le droit étatique n'existait pas forcément sous cette forme. Cette domination persiste sur le temps long, même après les indépendances, avec la reprise des mêmes principes de codification. Le deuxième enjeu correspond à la difficulté de décentrement des juristes français qui cherchaient d'emblée des textes de référence, cherchaient à imposer l'unification du droit et la « sécurité juridique ». Le difficile décentrement des juristes n'est pas total. Ainsi, le code Santillana représente un effort de décentrement, Santillana ayant consulté un collège d'oulémas pour légitimer son code, proposant également une version complète en arabe. Le troisième enjeu est la difficulté à penser à égalité dans les contextes colonial et postcolonial, à envisager que les « Sud » puissent apporter aux « Nord » plutôt que l'inverse.

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LA CODIFICATION FACE AUX PRINCIPES D'IDENTITÉ ET SPÉCIALITÉ NORMATIVES

M. Loïc Peyen, maître de conférences en droit public, Université Toulouse Capitole. - Mon intervention concerne la codification face aux principes d'identité et de spécialité normatives. Précisons d'emblée deux points. Premièrement, je traiterai uniquement des codes et non de l'ensemble du droit applicable aux outre-mer. Mon approche sera davantage centrée sur la codistique (élaboration des codes) que sur la légistique (élaboration des lois). Deuxièmement, la spécificité de ce sujet tient à la grande dichotomie du droit de l'outre-mer entre collectivités soumises à l'identité législative et celles soumises à la spécialité législative. Pour les premières, principalement les départements et régions d'outre-mer, le droit métropolitain s'applique par principe, sauf exception et avec d'éventuelles adaptations. Pour les secondes, le droit national ne s'applique que s'il le prévoit expressément. Cette présentation, bien que pédagogique, reste simpliste face à la complexité réelle.

La spécialité législative connaît de multiples configurations : certaines collectivités y sont entièrement soumises, d'autres seulement dans certains domaines, d'autres encore uniquement sur certains sujets dans certains domaines. Les outre-mer forment ainsi un véritable nuancier normatif, allant des territoires les plus proches au droit hexagonal jusqu'aux plus éloignés.

Je m'intéresserai donc à la façon dont ce nuancier est appréhendé dans les différents codes et à la façon dont le législateur et le pouvoir réglementaire traitent la situation des outre-mer dans les codes nationaux.

Présentons la radiographie des codes actuels sur la situation ultramarine. Des questions guideront mon intervention : la prise en compte des outre-mer dans les codes nationaux est-elle satisfaisante ? Garantit-elle l'accessibilité, l'intelligibilité et la praticabilité du droit ultramarin ? Malgré les progrès réalisés ces dernières années, nous constatons une grande cacophonie et une importante marge de progression. La façon dont les codes intègrent la question ultramarine présente des fragilités significatives, tant sur la forme que sur le fond.

S'agissant de la forme, la structure des codes révèle une prise en compte très variable des situations ultramarines. On peut identifier deux types de dispositions : les dispositions orphelines et les dispositions grégaires. Les dispositions orphelines apparaissent isolément dans le code sans subdivision dédiée, comme l'article L. 3232-5 du code de la santé publique concernant le taux de sucre des denrées alimentaires en outre-mer. Les dispositions grégaires, aujourd'hui privilégiées, sont rassemblées dans des subdivisions spécifiques.

L'hétérogénéité structurelle est frappante : le code général de la propriété des personnes publiques et le code de la commande publique placent les outre-mer dans un livre, le code général de la fonction publique dans des titres, le code de justice administrative dans des chapitres, le code général des collectivités territoriales et le code de l'environnement dans des paragraphes, sections ou sous-sections. Cette disparité nuit à la clarté et à la cohérence d'ensemble. Ces subdivisions spécifiques facilitent certes l'identification des dispositions ultramarines, mais interrogent sur la cohérence générale des codes. Par exemple, le code des relations entre les publics et l'administration suit une logique matérielle pour quatre livres, puis ajoute un cinquième livre relatif aux dispositions ultramarines, soit une rupture de logique comparable à un menu de restaurant qui présenterait les entrées, plats et desserts, puis l'impact écologique des aliments.

Sur le fond, nous distinguons trois types de dispositions : d'applicabilité, d'adaptation et de fond. Les dispositions d'applicabilité, souvent purement informatives, précisent si les articles s'appliquent ou non dans les outre-mer. Certains codes rappellent simplement les principes d'identité et de spécialité législative, dispositions non performatives qui alourdissent le code en question.

Le vocabulaire employé par le législateur est également problématique. On parle parfois d'articles « supprimés » alors que ces articles sont simplement inapplicables. Certaines dispositions sont particulièrement indigestes, comme l'article L. 2563-1 du code général des collectivités territoriales qui énumère longuement exceptions et adaptations. Les grilles de lecture listant les adaptations sont complexes à manier.

Enfin, l'applicabilité du droit dans les outre-mer, dans les codes, ne concerne qu'une version du droit applicable. Selon la jurisprudence du Conseil d'État de 1990, l'applicabilité d'un texte ne présuppose pas l'applicabilité de ses modifications ultérieures. Un texte rendu applicable outre-mer ne suppose pas que ses évolutions ultérieures seront elles-mêmes rendues applicables, sauf si ces dernières le prévoient expressément. Les codes actuels présentent des listes ou tableaux indiquant les versions applicables sans reprendre ces versions dans le code lui-même.

Cette législation par renvoi entraîne deux conséquences problématiques. D'abord, un effet Schrödinger, avec des normes qui existent outre-mer, mais n'existent plus pour les autres collectivités nationales. Ensuite, un éclatement des normes juridiques néfaste pour les outre-mer car ne codifiant pas les versions applicables.

La codification confrontée aux principes d'identité et de spécialité législatives montre des signes de faiblesse qui interrogent sa pérennité. Cette situation entraîne de graves conséquences dans l'appréhension du droit outre-mer. Deux problèmes majeurs se posent. Premièrement, l'accessibilité et l'intelligibilité du droit outre-mer sont compromises. Il est véritablement compliqué de déterminer quelles normes s'appliquent outre-mer. Ce n'est pas parce qu'un texte précise comment ou quelles dispositions d'un code sont applicables outre-mer qu'il indique lesquelles s'y appliquent effectivement. On peut souvent lire cette phrase évasive du législateur, remplaçant un article par « les dispositions applicables localement », sans préciser lesquelles ni où les trouver. Nous avons donc une codification portant sur l'applicabilité des normes et non sur les normes elles-mêmes, ce qui explique les différentes initiatives de codification du droit local.

Deuxièmement, cette façon de considérer les outre-mer est problématique du point de vue de l'égalité des citoyens et de l'accès aux droits pour les ultramarins. La codification, censée assurer rationalité et accessibilité du droit, présente un angle mort important. La codification nationale dit simplement si et comment le droit national s'applique, mais ne précise pas quel droit est applicable localement. Le citoyen ultramarin cherchant le droit applicable se retrouvera avec des informations sur l'application du droit national, mais pas de réponse à sa question fondamentale.

En définitive, la codification du droit des outre-mer apparaît labyrinthique. Cette complexité qui confine à l'obscurité reflète peut-être un droit des outre-mer mal connu, mal pensé, voire délaissé. Cette situation traduit la difficulté à concevoir le pluralisme normatif, peut-être par crainte pour l'unité de l'État. Les principes d'identité et de spécialité législatives semblent parfois servir de prétextes pour ne pas s'intéresser aux droits localement applicables outre-mer.

PALLIER L'ABSENCE DE CODE OFFICIEL : L'EXEMPLE DE LA CODIFICATION PRIVÉE DU DROIT CIVIL EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Merci beaucoup. Je vais vous présenter cette question d'une codification « privée » du droit civil en Polynésie française, qui me tient à coeur. Il s'agit de comprendre ce que chacun peut faire à son échelle pour améliorer la situation. Nous avons montré ce matin à quel point l'identification du droit applicable dans les outre-mer est complexe, remettant en cause les principes d'intelligibilité et d'accessibilité du droit. Dans les collectivités comme la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, ces difficultés compromettent l'accès au droit tant pour les justiciables que pour les professionnels du droit. De nombreuses décisions, y compris judiciaires, sont fondées sur les mauvais textes, et la recherche de la disposition applicable est souvent aléatoire et chronophage.

Le site Lexpol, qui diffuse le droit en Polynésie française, recense 22 codes (procédure civile, route, travail, débits de boissons, environnement, patrimoine, douanes, commerce, etc.), mais il n'existe pas de code civil de la Polynésie française ni de la Nouvelle-Calédonie. Pourtant, la matière civile est le coeur du droit quotidien : relations familiales, contractuelles, responsabilité, propriété, identité individuelle, etc.

Le code civil national s'applique d'une manière spécifique dans ces territoires malgré leur autonomie et la concurrence de normes locales ou coutumières. C'est cette complexité qui pose la question de la capacité du code actuel à remplir son office et celle d'une éventuelle recodification. En Polynésie française, la codification du droit civil n'est pas à l'agenda des pouvoirs publics, mais préoccupe des professionnels du droit (universitaires, magistrats, avocats). Face à un code civil déstructuré, ces personnes ont envisagé non pas une codification propre ou une recodification, mais une reconstitution du code civil tel qu'applicable en Polynésie.

Ce travail soulève trois questions : son utilité, sa difficulté et sa légitimité. L'utilité d'une telle entreprise se comprend au vu de l'état du droit dans ce territoire. Le code civil y est appliqué de manière morcelée et largement cristallisée. Cette cristallisation résulte du principe de spécialité législative : seules les lois qui font l'objet d'une mention d'application outre-mer y sont applicables. Sans cette mention, le droit civil polynésien reste figé. Nous entendons souvent que ce droit est dépassé ou obsolète, présupposant que ce qui est bon pour l'Hexagone serait bon pour la Polynésie française. Or ce présupposé contredit le fondement même du principe de spécialité législative, selon lequel les outre-mer ont des besoins spécifiques qui justifient un traitement différencié.

Malheureusement, en pratique, de nombreuses lois ne sont pas étendues aux territoires d'outre-mer, non par choix délibéré, mais par simple oubli. Personne, ni à Paris, ni à Nouméa, ni à Papeete, ne se pose la question de leur applicabilité. Le principe de spécialité législative génère ainsi un corpus juridique discontinu et parfois absurde. Ce principe détricote également la structure du code civil. Certaines réformes modifiant la numérotation des articles sont étendues à la Polynésie tandis que d'autres ne le sont pas, créant une incohérence structurelle. La cohérence globale du corpus juridique est affectée, car le code civil évolue dans un ensemble plus large de lois qui y font référence. Ces renvois désignent les nouveaux articles du code métropolitain, qui ne correspondent plus à ce qui s'applique en outre-mer. Par exemple, la loi de 1881 sur la liberté de la presse renvoie aux articles 1240 et suivants du code civil concernant la responsabilité civile des éditeurs de presse. Or, en Polynésie, ces articles traitent des modalités des obligations de paiement, car la loi qui a renuméroté les articles sur la responsabilité civile n'y est pas applicable. Ce sont toujours les anciens articles 1382 et suivants qui s'appliquent. Il n'y a donc plus de cohérence entre le code civil et les lois environnantes.

Ce détricotage se manifeste aussi par un morcellement du droit civil résultant du principe d'autonomie normative. En Polynésie, cette autonomie est partielle : certains domaines comme l'état civil ou le droit de la famille et des successions restent de la compétence de l'État, tandis que d'autres, comme le droit des contrats, des biens, de la responsabilité civile et des sûretés relèvent de la Polynésie. Dans ces domaines, seule l'Assemblée délibérante polynésienne peut modifier la législation par ses lois du pays, l'État ne pouvant plus y étendre ses réformes nationales.

Soit les autorités locales exercent leurs compétences et le droit civil se trouve dans des lois du pays et non plus dans le code civil, soit elles n'interviennent pas et les règles applicables restent figées au jour où l'État a cédé sa compétence. Quand les autorités locales n'exercent pas leurs compétences, des pans entiers du code civil se retrouvent « anesthésiés », comme pour la réforme du droit des contrats de 2016 ou celle des sûretés de 2021. Quand l'Assemblée de Polynésie légifère, cela fait sortir du code des dispositions qu'il contenait jusqu'alors, générant un phénomène de décodification.

Le code civil applicable en Polynésie se trouve donc altéré par le principe de spécialité législative et par l'autonomie normative partielle, privant le code de ses objectifs essentiels : cohérence et accessibilité du droit. L'idéal serait une recodification du droit civil avec renumérotation des textes, intégration des lois du pays, abrogation des dispositions obsolètes et extension des dispositions nationales utiles - travail qui ne peut être réalisé que par le pouvoir normatif lui-même. Notre travail n'est donc pas une codification, mais l'édition d'un document permettant de savoir si tel article du code civil est applicable en Polynésie, et dans quelle version. Cette tâche s'est révélée extrêmement difficile, nécessitant d'examiner chacun des 2200 articles du code en combinant autonomie normative et spécialité législative. Dans le document que nous avons publié, nous utilisons deux couleurs différentes pour distinguer ce qui relève de la compétence de l'État et ce qui relève de la collectivité polynésienne, selon la répartition établie par la loi organique de 2004. Pour les articles relevant de l'État, nous avons dû vérifier si la loi à l'origine de l'article a fait l'objet d'une mention expresse d'applicabilité en Polynésie. Si la version actuelle n'a pas été étendue, il fallait remonter aux versions précédentes pour trouver une éventuelle mention d'applicabilité. L'article applicable en Polynésie est donc le plus récent dont la version aura fait l'objet d'une mention d'applicabilité, ou à défaut, la version de 1804.

La difficulté majeure était de trouver ces mentions d'extension, qui figurent parfois dans la loi modificative elle-même, mais souvent dans une loi postérieure, réparant un oubli. Par exception, certaines matières civiles relevant de l'État sont soumises au principe d'identité législative (statut personnel, filiation, mariage, divorce, état civil, capacité juridique). Pour les articles relevant de la compétence polynésienne, nous avons vérifié si l'Assemblée de Polynésie avait légiféré, auquel cas les articles concernés sortent du code. Sinon, nous avons recherché quelle version était applicable localement (généralement celle de 2004), tout en vérifiant si cette version était bien applicable en Polynésie selon le principe de spécialité législative. Cette recherche des versions applicables a constitué un véritable travail d'archéologie juridique, nous obligeant à consulter des textes parfois très anciens, datant du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle.

J'en profite ici pour signaler l'outil infiniment précieux qu'a constitué pour nous Légifrance. Sans cet outil numérique, nous n'aurions pas pu réaliser ce travail. Néanmoins, nous avons aussi découvert des erreurs ou des carences sur Légifrance. Dans notre travail d'archéologie juridique, nous avons retrouvé dans les archives du tribunal et du Haut-commissariat des versions d'articles du code datant du début du 20ème siècle qui n'y figuraient pas. Nous avons eu des contacts très constructifs avec les opérateurs de Légifrance, qui se sont montrés très réceptifs lorsque nous leur avons signalé ces découvertes. Ils étaient enthousiastes à l'idée de combler ces carences, mais il existe aussi des dispositions du code civil dont nous n'avons jamais pu reconstituer l'histoire et dont nous ne savons pas aujourd'hui si elles sont applicables en Polynésie française. Ces articles sont signalés comme tels dans le code que nous avons publié.

Ces difficultés illustrent l'insécurité juridique qui affecte les citoyens d'outre-mer. Cette difficulté à identifier le droit applicable reflète l'utilité de notre travail. Néanmoins, l'utilité d'un ouvrage n'est pas à elle seule gage de sa légitimité, ce qui nous a obligés à la prudence et à la modestie.

La décision de rédiger le code civil applicable en Polynésie française est celle d'un petit groupe d'universitaires, de magistrats et d'avocats, tous en poste en Polynésie et convaincus de l'utilité d'un tel travail. Cette équipe d'une dizaine de personnes, emmenée par Pascal Gourdon, à qui il faut rendre hommage pour sa ténacité, a travaillé pendant six mois pour recenser les textes applicables, en plus de leur travail quotidien. Cette initiative est purement privée, sans mission ni soutien des pouvoirs publics. Aucun des rédacteurs n'a reçu la moindre gratification pour ce travail dont nous ne mesurions pas l'ampleur ni la difficulté au départ. Le seul apport financier reçu a été une subvention de la Cour d'appel de Papeete destinée à couvrir une partie des frais d'édition. Notre travail est donc uniquement une oeuvre doctrinale, résultat d'une recherche intellectuelle à vocation d'utilité sociale, et non une oeuvre normative. Il n'a aucun caractère officiel ni force obligatoire. Il était important d'expliquer cela, car évoquer un « code civil de la Polynésie française » pouvait créer une ambiguïté. C'est pourquoi nous l'avons intitulé code civil applicable en Polynésie.

Cet ouvrage a connu un important succès local, à la mesure de la simplification et de l'accessibilité qu'il procurait. Il dispense les utilisateurs de tout le processus d'identification des domaines de compétences respectives et de la recherche fastidieuse des mentions d'applicabilité. Il a été distribué gratuitement aux magistrats, acheté par les avocats, notaires, étudiants et particuliers. Il est disponible sur le site de l'Université de la Polynésie française, mais pas sur le site Lexpol, le site officiel de diffusion du droit en Polynésie, en raison de sa nature doctrinale.

Nous avons identifié de nombreux articles du code civil qui mériteraient d'être abrogés ou réécrits en Polynésie française, la plupart relevant de la compétence du territoire. Malheureusement, les pouvoirs publics ne se sont pas saisis de nos recherches, qui constituent pourtant la part la plus ingrate d'une éventuelle recodification. De plus, à peine avions-nous terminé ce code qu'il était déjà dépassé, le législateur national ayant adopté de nouvelles lois modifiant certains articles. Une deuxième édition a été finalisée il y a six mois, mais, faute de soutien financier, elle n'a pas été publiée. Il reste la satisfaction d'avoir fait oeuvre utile. Cet ouvrage doctrinal recense les textes du code civil applicables localement, les plus importants étant traduits en tahitien. Ils sont assortis d'exemples de jurisprudence locale et les domaines de compétences sont signalés par deux couleurs différentes. Il ne s'agit pas d'un code officiel, mais il en approche les vertus.

CODIFICATION ET PEUPLE AUTOCHTONE : L'EXEMPLE DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Mme Carine David, professeure de droit public, Université Aix Marseille. -Toutes les questions évoquées me rappellent nos discussions sur le parking des ateliers de la Faculté de droit à Nouméa, où nous avons beaucoup réfléchi au droit applicable et au principe d'identité et de spécialité législative. Je salue également tous les collègues présents ; nous sommes cinq à être passés par l'Université de la Nouvelle-Calédonie. En poste dans l'Hexagone depuis plus d'un an et demi, je continue à travailler presque exclusivement sur l'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, mais cette émulation intellectuelle me manque énormément.

Je vais vous parler de la codification des règles des peuples autochtones et particulièrement du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, aujourd'hui mondialement connu sous le nom de CEPIL. Le projet CEPIL est une aventure professionnelle et humaine qui a démarré en 2013 et qui est toujours en cours en 2025. Le choix a été fait de construire ce code par étapes. La première étape a été d'établir son squelette, de déterminer son champ matériel, d'y intégrer certaines réglementations existantes, puis de le compléter progressivement, ce qui prend du temps compte tenu de la méthode employée.

L'idée fondamentale des autorités provinciales était de codifier le droit de l'environnement pour réaffirmer les pratiques coutumières environnementales en les formalisant dans le droit républicain. Cette formalisation permet d'appliquer des sanctions administratives et pénales en complément des sanctions coutumières. Ainsi, le droit formel devient l'outil de réaffirmation d'une coutume qui perdait son influence, notamment auprès des jeunes générations.

Le code de l'environnement de la province des îles Loyauté montre comment appréhender le droit en Nouvelle-Calédonie pour « faire pays ». Il est révélateur, en comparaison des autres codes provinciaux, de l'absence quasi totale d'hybridation juridique en Nouvelle-Calédonie où la culture juridique occidentale domine. Cette expérience a été facilitée par le fait que 95 % de la population de la province est autochtone, mais je reste convaincue qu'elle devrait inspirer la prochaine architecture institutionnelle calédonienne.

Quatre raisons principales justifiaient la codification, à commencer par la mise en place d'un corps de règles environnementales quasiment inexistant jusqu'alors. Avant ce code, on ne trouvait que quelques réglementations résiduelles de l'Assemblée territoriale et quelques délibérations provinciales. Il s'agissait également de rendre ces réglementations accessibles et de s'inscrire dans une « logique pays », en ne se démarquant des deux autres provinces que pour répondre aux spécificités locales. Enfin, il s'agissait d'établir une méthode avec des principes applicables à l'ensemble des réglementations futures.

La provincialisation a permis d'adopter un droit environnemental particulier. Pour adapter les normes juridiques aux populations des îles Loyauté et à leurs valeurs culturelles tout en s'inscrivant dans un système juridique différent, deux voies étaient possibles : un pluralisme juridique faible avec coexistence séparée des normes, ou l'hybridation, créant une nouvelle norme issue de la rencontre entre savoirs traditionnels et cadres juridiques occidentaux. La province des îles Loyauté a choisi cette seconde voie malgré les risques contentieux. Cette volonté de consacrer des valeurs kanakes s'est traduite par des innovations, comme la création d'entités naturelles juridiques ou l'introduction du principe de non-régression environnementale, traduction juridique de l'importance de la parole donnée dans la culture kanake.

Le premier niveau de tension concerne l'articulation entre deux légitimités : celle des autorités provinciales (légitimité issue des urnes) et celle des autorités traditionnelles (légitimité coutumière) sur les terres coutumières qui représentent 95 % du territoire considéré. Il fallait établir un lien entre le respect des pratiques coutumières et la formalisation du droit, notamment par des formes de partenariat, de cogestion ou des délégations de gestion. Je trouve particulièrement pertinentes aujourd'hui les réflexions de Jean-Marie Tjibaou formulées il y a 50 ans lors de Mélanésia 2000 : « Je rêve qu'en l'an 2000, le profil culturel du Calédonien comportera des éléments de la culture européenne et mélanésienne, mais cette symbiose nécessite un préalable : la reconnaissance réciproque des deux cultures dans leur spécificité. Sans cette base, nous continuerons dos à dos notre dialogue de sourds. »

L'articulation entre légitimité coutumière et institutionnelle s'est avérée relativement simple, car les autorités provinciales travaillaient déjà avec les autorités coutumières dans la province des îles Loyauté, une pratique d'évidence absolue. Une difficulté est survenue avec la première version du code, quand le président de la province des îles Loyauté a souhaité consulter le Sénat coutumier, qui a rendu un avis négatif le 8 juillet 2015. Le Sénat estimait que l'élaboration d'une loi commune sur l'environnement était contraire à la loi organique et à l'accord de Nouméa reconnaissant le lien à la terre. Cette interprétation était erronée, fondée sur une confusion entre régime juridique de la propriété foncière et territorialité du droit.

Pour résoudre ce problème, les autorités provinciales ont organisé un séminaire de deux jours pour expliquer leur démarche et rassurer sur leur volonté d'intégrer une réglementation conforme aux valeurs kanakes et aux pratiques ancestrales. Un préambule a été ajouté au code, corédigé avec les sénateurs coutumiers, et certains articles fixant les principes généraux ont été modifiés. Cela a notamment abouti à l'article 110-11, reconnaissant l'application du principe de subsidiarité en matière environnementale. La province reconnaît ainsi que les normes coutumières peuvent être pleinement applicables quand elles permettent une protection optimale de l'environnement et prévoit leur transcription dans la réglementation provinciale pour permettre des sanctions. Ce principe inspire une cogestion entre province et autorités coutumières des écosystèmes naturels.

Pour les aires naturelles protégées, contrairement aux provinces Sud et Nord, qui ont repris la catégorisation de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), nous avons privilégié une réglementation-cadre permettant de formaliser les aires coutumières existantes en collaboration avec les autorités coutumières. Le président provincial peut aussi décider la création d'aires naturelles protégées s'il l'estime nécessaire. Cette réglementation prévoit une cogestion associant services provinciaux et autorités coutumières, voire une délégation de gestion aux tribus, y compris sur le domaine public maritime.

Cette hybridation de la norme se retrouve dans l'article 110.1, qui exprime l'interdépendance entre préservation de l'environnement et culture kanake, établissant comme norme la vision autochtone de la protection de l'environnement. Les principes généraux du code tendent vers une pratique participative d'élaboration des réglementations. Concrètement, nous allons sur le terrain, discutons avec les autorités coutumières et identifions les pratiques existantes pour élaborer un texte qui tient compte du droit comparé et de l'état du droit. Après discussion sur la version proposée et les modifications éventuelles, le texte est soumis à l'Assemblée provinciale où il est généralement adopté à l'unanimité.

Le CEPIL s'inscrit dans un contexte institutionnel et juridique extrêmement complexe. Ces difficultés sont liées au partage des compétences en Nouvelle-Calédonie, créant des tensions entre la compétence provinciale et celles de l'État ou de la Nouvelle-Calédonie. Les points problématiques concernent notamment la procédure pénale, la procédure administrative contentieuse et la garantie des libertés fondamentales. Nous travaillons dans l'incertitude juridique, avec environ 50 % de risque de voir un texte rejeté par le juge. Pour les compétences de la Nouvelle-Calédonie, plus de la moitié des domaines listés à l'article 22 de la loi organique posent problème en matière de droit de l'environnement.

Les règles relatives à la domanialité publique, notamment au domaine public maritime, ainsi que les règles relatives aux statuts coutumiers et aux terres coutumières sont également concernées. Quand nous réglementons le droit de l'environnement dans la province des îles Loyauté, le code ajoute systématiquement « et aux valeurs culturelles associées », car il est impossible de réglementer l'environnement sans tenir compte de ces valeurs. On nous a reproché plusieurs fois d'intervenir dans le champ du statut civil coutumier, ce qui n'est pas le cas. La difficulté consiste à réglementer des questions environnementales, dans une province où 95 % de la population est kanake, sans toucher à la question culturelle ni au lien entre nature et culture. Récemment, un contentieux a concerné un texte sur l'accès à la nature, qui instaurait un régime d'autorisation et de déclaration préalables pour accéder au domaine public maritime provincial, ainsi que des servitudes écologiques et coutumières. Le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie l'a annulé de façon péremptoire, mais la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement, indiquant qu'il fallait saisir le Conseil d'État. Le Conseil d'État a quant à lui validé l'intégralité du texte, montrant une ouverture des autorités sur ces questions.

Concernant la réglementation sur les entités naturelles juridiques qui a été annulée, l'État a attendu le dernier jour du délai de recours contentieux pour procéder au recours administratif, puis encore le dernier jour pour saisir le tribunal administratif. Le Conseil d'État a fait une erreur d'interprétation en considérant que nous avions reconnu la personnalité morale aux entités, ce qui n'était pas le cas, et a jugé que le régime empiétait trop sur le droit civil. Pourtant, le rapporteur public du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie avait recommandé de valider notre délibération.

Je terminerai par une citation de Yash Ghai, spécialiste constitutionnel des sociétés divisées : « il faut reconnaître les cultures afin de construire des ponts et d'accroître la compréhension et l'appréciation mutuelle. Nous avons besoin d'actions plus interculturelles que multiculturelles. Au lieu d'une multiplicité de lois, nous pourrions oeuvrer ensemble à une véritable intégration des lois, en rassemblant ce qu'il y a de plus précieux dans chaque culture. »

ÉCHANGE AVEC LA SALLE

M. Jean-Patrice Bouchet, avocat. - Je voulais revenir sur la brillante intervention de Loïc Peyen ce matin, concernant le fait que les lois du pays, en dépit de leur nom, sont en fait des actes administratifs, et les difficultés que cela peut poser pour la codification, en mélangeant des actes administratifs et des actes législatifs. Avez-vous envisagé ces aspects concernant la codification en Polynésie française ?

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Pour ce qui nous concerne, c'est précisément ce que nous n'avons pas fait, parce que ce ne sont pas des actes de même nature et que les lois du pays ne figurent pas dans le code civil. Il n'était donc pas question de les y ajouter. Sur certains points, lorsqu'il existait des lois du pays aménageant ou déclinant certaines règles du code civil, nous y avons renvoyé en annexe ou nous les avons signalées en note de la rédaction. Cependant, évidemment, nous ne pouvons pas les codifier, d'autant que nous n'avions pas cette compétence.

Question du public. - Se pose ensuite la question du pouvoir normatif qui pourrait le codifier.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Je ne crois pas que cela soit impossible, car il s'agit d'une problématique récurrente lors des partages de compétences. Les lois statutaires contiennent déjà des outils qui permettent de résoudre cette situation.

Mme Carine David. - Si je comprends bien votre question, nous nous éloignons du critère formel de la loi pour nous concentrer uniquement sur le critère matériel. En Polynésie française, il y a une concordance entre le domaine de la loi nationale et celui de la loi polynésienne. Nous nous concentrons uniquement sur le critère matériel, ce qui, à mon sens, ne poserait pas de difficultés.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Je profite de la présence des deux sénateurs pour poser une question qui me tient à coeur, sans provocation. Je suis consciente de la complexité de la répartition des compétences en Nouvelle-Calédonie, où j'ai vécu. En découvrant votre travail d'intégration des valeurs coutumières dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté, je me demande s'il serait vraiment invraisemblable que ce code s'applique également à la province Sud ? J'aimerais savoir si cela paraît évident pour tout le monde.

M. Georges Naturel. - Évidemment, oui. Nous avons connu l'an dernier un problème sociétal en Nouvelle-Calédonie. Notre jeunesse, particulièrement la jeunesse Kanak de l'agglomération nouméenne, est en perte de repères. Une étude universitaire sur les addictions a révélé que la protection de l'environnement était la priorité de ces jeunes. Il s'agit d'un sujet essentiel pour notre jeunesse aujourd'hui.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Je suis ravie de votre réponse positive à ma question, car je ne pense pas que ce soit évident pour tout le monde. Cela prouve que ce système peut fonctionner. S'il fonctionne pour l'environnement, ce n'est donc pas si invraisemblable. Vous disposez là d'un modèle intéressant. La question suivante serait : « pourquoi ce code de la province des îles Loyauté ne deviendrait-il pas le code calédonien de l'environnement ? » Je suis consciente des questions de compétences, mais je pose la question.

M. Georges Naturel. - Nous sommes en pleine phase de réflexion sur ces sujets. Nous allons évoluer statutairement et ces questions se reposeront. Cela ne peut pas se faire instantanément, mais nous devons tirer profit de notre expérience depuis 1988, dans l'intérêt de nos populations.

M. Robert Wienie Xowie, sénateur de la Nouvelle-Calédonie. - Pour compléter, la force de votre travail réside dans l'ancrage de l'ensemble des îles dans la coutume. Sur ce territoire, la coutume n'est pas simplement symbolique, elle organise réellement la vie quotidienne. Par exemple, même si la province autorise la coupe de certains bois, si la coutume l'interdit, c'est cette dualité qui s'exprime. C'est une expérience intéressante d'intégration de la norme coutumière dans une norme institutionnelle. En revanche, son application en province Sud, où certains considèrent la coutume comme un système féodal, serait difficile.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - C'est pour cette raison que je suis contente que vous vous entendiez tous les deux sur cette question.

M. Robert Wienie Xowie. - Même si beaucoup de jeunes Kanak vivent en province Sud, les institutions y sont contrôlées par des personnes qui n'ont pas le même état d'esprit, ce qui complique les choses.

Mme Micheline Jacques, président. - Je n'ai pas de questions, mais quelques éclairages. En tant que parlementaire depuis 2020, j'ai constaté une vraie méconnaissance du fonctionnement des territoires ultramarins dans toutes les administrations, même au sein des ministères. Ces interlocuteurs admettent ne pas connaître le territoire ni son statut, mais affirment néanmoins savoir ce qui est bon pour vous. Il s'agit là du premier problème à résoudre. L'initiative de la Chaire outre-mer à Sciences Po Paris, qui visait notamment à former les futurs hauts fonctionnaires à la compréhension du fonctionnement des outre-mer, était très intéressante, mais cet objectif a été oublié.

Deuxièmement, concernant la fabrique de la loi par les parlementaires, il faudrait que les élus ultramarins soient accompagnés par des spécialistes pour aller au bout des choses.

Troisièmement, j'ai été frappée par la facilité de recourir aux ordonnances pour les dispositions relatives aux outre-mer. Mais ces ordonnances sont trop souvent laissées à des personnes qui méconnaissent les réalités ultramarines. Si nous voulons clarifier la situation, il faut mettre les mots sur les maux et partir sur de nouvelles bases.

Mme Florence Renucci. - S'agissant de l'enseignement, l'approche décoloniale est capitale. La Chaire que vous évoquiez serait effectivement très intéressante pour les hauts fonctionnaires, mais je me demande s'il ne faudrait pas, dans les universités, changer complètement la façon de faire cours en intégrant pleinement les outre-mer, voire en partant des outre-mer pour repenser l'enseignement du droit général.

M. Ferdinand Mélin-Soucramanien. - Je remarque qu'il est question de « cours », de « droit des outre-mer », d'« université ». L'implémentation des problématiques outre-mer dans des cours généraux, serait effectivement préférable. Ce sujet progresse, mais reste difficile. À Bordeaux, nous avançons et à l'Institut national du service public (INSP) également, avec le sujet du précédent concours portant pour la première fois sur une question de statut des outre-mer. D'après certains correcteurs, le niveau des copies était effarant.

L'un des objectifs de la Chaire outre-mer créée à Sciences Po Paris en 2021 consistant à implémenter les problématiques ultramarines dans tous les cours. Cet objectif n'a pas été atteint. Aujourd'hui, la Chaire, avec sa nouvelle directrice Camille Mazé-Lambrechts, va se recentrer sur d'autres problématiques, comme les transitions écologiques et l'anthropocène. D'autres initiatives reprennent le flambeau à Paris 1 et à Aix-en-Provence.

Ce qui me frappe, ce sont les carences dans les outre-mer eux-mêmes. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, la situation est satisfaisante. En Martinique aussi. Mais ailleurs, nous constatons parfois un vide abyssal. À La Réunion, j'ai rencontré des étudiants en Master 2 de droit public qui n'avaient jamais entendu parler des articles 73 et 74.

Il y a donc du travail, avec des approches complémentaires : soit des cours spécialisés sur les outre-mer (sociologie, histoire, droit, économie), soit en instillant ces connaissances dans des enseignements existants. L'AJDOM a des capacités, mais ne pourra pas tout faire seul. Travaillons ensemble.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Je souhaite apporter une nuance : tout n'est pas catastrophique. Je ne voudrais pas laisser penser que, dans les universités ultramarines, on n'enseigne pas le droit ultramarin. À l'Université de la Polynésie française où j'enseigne, nous avons des cours de droit polynésien. Cela paraît évident, mais en réalité cela ne l'est pas, car la plupart des enseignants, d'origine hexagonale, doivent se former au droit local, ce qui est complexe. La majorité d'entre nous fait cet effort d'enseignement du droit local. Ce décentrement représente un effort constant, car nous revenons naturellement à nos repères de formation. J'espère que, lorsque l'on choisit d'enseigner dans ces territoires, ce n'est pas pour apporter la « bonne parole » hexagonale, mais par intérêt pour les réalités locales. À l'Université de Polynésie française, nos maquettes d'enseignement incluent des cours de droits locaux parfois très spécifiques, comme sur la question foncière, enseignés par des universitaires ou des magistrats spécialisés. Nous proposons aussi des cours de droit institutionnel local. Cependant, je partage le constat désolant de l'ignorance métropolitaine sur l'outre-mer.

Mme Carine David - La situation diffère en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, où les droits sont complètement autonomisés. J'ai créé en Nouvelle-Calédonie un master de droit calédonien, considérant l'inutilité de reproduire un master de droit métropolitain. Ayant travaillé en Calédonie et en Martinique, j'ai été effarée en arrivant à l'Université des Antilles en 2018 de constater que les étudiants ignoraient les principes d'identité et de spécialité législatives, sans aucun cours de droit des outre-mer dans leur cursus. J'ai donc institué des cours en L2 et M1. Ces cours sont fondamentaux, car, si les étudiants locaux ne sont pas formés, les fonctionnaires locaux ne le seront pas non plus.

Dans le cadre de ma Chaire à l'Institut universitaire de France, j'envisage de monter un master en droit de l'outre-mer. Cela nécessiterait de résoudre des difficultés techniques et d'adapter le contenu aux différents degrés d'autonomie des territoires. Nous avons aussi proposé un projet à l'Agence nationale de la recherche (ANR) sur le droit parlementaire ultramarin, étudiant l'élaboration du droit par l'État pour les outre-mer et par les outre-mer dans leurs compétences locales. Malgré l'importance reconnue du sujet, nous n'avons pas été retenus. J'ai contacté l'ADJOM. L'idée était d'associer des collègues d'Aix-Marseille, Pau et Nantes spécialisés en droit parlementaire pour enrichir nos compétences. Si certains sont intéressés par ce projet, il nous faudra trouver des financements.

M. Ferdinand Mélin-Soucramanien. - Je souhaite vous transmettre un message de Camille Mazé-Lambrechts, directrice de recherche CNRS, qui reprend la Chaire outre-mer de Sciences Po Paris. Elle nous invite tous à l'inauguration de la Chaire 2.0 de Sciences Po Paris. Cette Chaire a connu une période de déception entre 2021 et 2025, mais repart aujourd'hui avec une nouvelle dynamique. Camille Mazé-Lambrechts, qui nous écoute aujourd'hui via le système de visioconférence du Sénat, m'a demandé de vous préciser deux points importants. Elle est enseignante-chercheuse, spécialiste des sciences environnementales et politiste travaillant sur l'impact des décisions publiques sur la transition écologique et l'environnement. Elle souhaite recentrer la Chaire sur ces domaines d'expertise, un enjeu particulièrement important pour les outre-mer.

Elle m'a également chargé de vous rappeler qu'elle maintient l'objectif essentiel d'intégrer une connaissance large des outre-mer (droit, histoire, sociologie) dans les cursus de formation de Sciences Po Paris.

Ce positionnement thématique précis de la Chaire outre-mer de Sciences Po Paris ouvre le champ à d'autres institutions (Collège de France, Universités, autres Instituts d'études politiques (IEP)) pour créer des Chaires complémentaires. Pour l'instant, aucune collectivité territoriale ultramarine n'a créé de Chaire, mais les établissements d'enseignement supérieur ont cette responsabilité et peuvent le faire.

M. Gilles Especel, avocat. - La notion de « loi de souveraineté » n'est-elle pas finalement un obstacle à la codification ? Je suis marqué par l'exemple du droit de l'urbanisme en Nouvelle-Calédonie. Le code de l'urbanisme national n'y est pas applicable, sauf pour la recevabilité des recours. La jurisprudence du Conseil d'État fait des allers-retours sur ce sujet, exposant les praticiens du droit à des risques professionnels importants, sans droit à l'erreur. Dans l'article 6-2 de la loi organique de 1999, on trouve beaucoup d'éléments, surtout en droit public, qui rendent cette approche de codification très piégeuse. La loi de souveraineté et la codification sont-elles des notions réconciliables ?

M. Charles Froger. - J'ai travaillé sur ces questions de droit de l'urbanisme en Nouvelle-Calédonie et je suis assez d'accord sur la problématique des lois de souveraineté. Pour la Nouvelle-Calédonie, l'article 6-2 de la loi organique de 1999 précise un certain nombre domaines relevant des lois de souveraineté, dont la procédure administrative contentieuse.

Le droit de l'urbanisme en Nouvelle-Calédonie est codifié, avec une compétence partagée entre provinces et pays. Cependant, toute la partie procédure administrative contentieuse relève du droit national car compétence de l'État au titre des lois de souveraineté. Il faut donc ajouter au code calédonien la partie procédurale du code de l'urbanisme national, avec une jurisprudence du Conseil d'État parfois volatile sur ce qui relève de la procédure ou du fond, comme pour les questions d'affichage de permis.

Un véritable travail de coordination entre autorités nationales et locales est nécessaire pour obtenir une consolidation cohérente, qui réunisse dans un même texte les dispositions relatives à une matière, quelle que soit la répartition des compétences. Cela éviterait au Conseil d'État d'avoir à trancher au cas par cas, même si tout ne peut être réglé en amont. Cette situation pose effectivement des problèmes de sécurité juridique, surtout pour des opérations immobilières financièrement lourdes. Une meilleure articulation entre institutions est possible avec la volonté adéquate.

M. Loïc Peyen. - Le champ des lois de souveraineté n'est pas clairement établi. Le Conseil constitutionnel a souligné que ce champ varie selon les textes statutaires, ce qui constitue déjà un problème. Sa jurisprudence mentionne les lois de souveraineté explicites et « tout autre domaine qui pourrait par nature en relever », créant ainsi une difficulté d'identification.

La codification distingue le code pilote (qui porte principalement la matière) et les codes suiveurs (qui traitent la matière accessoirement). Avec l'exemple du contentieux de l'urbanisme, il est difficile de distinguer les domaines pilotes et suiveurs. Ce problème s'inscrit dans les difficultés plus larges de la codification outre-mer. Je comprends parfaitement les difficultés que vous rencontrez dans votre vie de praticien.

Mme Micheline Jacques, président. - À Saint-Barthélemy, la procédure contentieuse nationale s'applique et les sanctions pénales doivent être validées par le Parlement. Nous n'avons pas le droit de les proposer sans cette validation. Il serait judicieux de trouver une procédure accélérée pour cette validation. À Saint-Barthélemy, nous avons attendu cinq ans pour la validation des sanctions pénales du code de l'environnement, ce qui nous a causé des difficultés. Une meilleure coordination entre les collectivités et l'État est nécessaire sur ces sujets.

Lors de notre visite en Polynésie française, nous avons rencontré des juristes qui, en arrivant sur place, ne maîtrisaient pas le droit local. Le ministère des outre-mer a mis en place des sessions de formation pour les fonctionnaires d'État partant dans les territoires ultramarins. J'aimerais savoir si l'Université de Polynésie française propose des mises à niveau pour le personnel de l'État.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - L'année dernière, j'ai participé à un séminaire d'une journée pour former des magistrats et des avocats sur l'identification du droit applicable en Polynésie française. Les participants étaient nombreux, pas seulement des personnes récemment arrivées. Ce problème est en effet colossal, voire vertigineux. L'Université fait son possible, mais la multiplication législative métropolitaine a un impact direct sur l'outre-mer. Les institutions locales demandent des formations, et dans ce cas précis, ce sont les magistrats et avocats qui se sont associés pour demander une formation spécifique. Nous proposons ces formations en plus de notre travail et de notre service de cours ordinaire, ce qui complique encore la tâche.

Mme Carine David. - J'ai assuré en Nouvelle-Calédonie la formation des nouveaux fonctionnaires affectés au haut-commissariat. Il s'agissait d'une formation d'une journée pour leur expliquer le contexte, même si c'était insuffisant. Ce type de formation manque peut-être aujourd'hui. Concernant le pénal, je ne comprends pas pourquoi la solution adoptée en Nouvelle-Calédonie n'a pas été étendue ailleurs. En Nouvelle-Calédonie, les provinces et la collectivité peuvent intervenir en matière pénale dans leurs domaines de compétence, en respectant les maximums de peines édictés au niveau national (avec validation par le Parlement français pour les peines privatives de liberté). En Polynésie, le système est différent, et à Saint-Barthélemy, il faut attendre que l'État trouve le véhicule législatif adéquat. Le code de l'environnement est un cas emblématique que nous citons dans nos enseignements pour montrer les dysfonctionnements. Je ne comprends pas pourquoi cette solution n'a pas été pérennisée ailleurs, car elle ne pose pas particulièrement de problèmes en Nouvelle-Calédonie.

M. Félicien Jerent, association « Ultramarins Douboût ». - J'ai entendu parler d'un droit coutumier en Nouvelle-Calédonie. Quelle est son importance ? S'il existe des contradictions avec le droit local, comment sont-elles gérées ? Y a-t-il également des conflits avec les grands principes de codification du droit national et le principe d'égalité ?

Mme Caroline Bouix. - Il existe effectivement un droit coutumier en Nouvelle-Calédonie. La population autochtone conserve son statut personnel et reste soumise à ses coutumes pour le droit civil et les terres coutumières : droit de la famille, des personnes, des biens, et des obligations selon la lecture extensive de la Cour de cassation, notamment depuis un arrêt du 16 décembre 2005. Ces coutumes coexistent avec le droit local des institutions de la Nouvelle-Calédonie et le droit national. L'articulation entre ces systèmes est régie par la loi organique. En cas de conflit « mixte », entre une personne de statut civil coutumier et une personne de statut de droit commun, c'est le droit commun qui prime. La juridiction étatique est compétente en matière coutumière, avec une formation spéciale incluant au moins deux assesseurs coutumiers représentant les différentes aires coutumières. Ces assesseurs éclairent le magistrat professionnel sur les coutumes et participent aussi à la délibération et à la décision finale.

Cela pose des questions d'articulation et potentiellement de contradictions, notamment par rapport aux droits fondamentaux. Les décisions rendues doivent par exemple articuler les coutumes, l'intérêt supérieur de l'enfant et des questions d'égalité, ce qui s'avère souvent complexe. L'approche peut varier selon les magistrats en poste, leur formation et leur sensibilité.

Dans le cadre de la codification, une question se pose : comment créer un code civil calédonien ? Faut-il y intégrer les coutumes, qui ont un caractère oral, au risque d'en perdre l'essence même ? Ou simplement des règles d'articulation, cette articulation étant complexe et encore parfois mal définie.

M. Georges Naturel, sénateur de la Nouvelle-Calédonie. - C'est un sujet essentiel que nous vivons aujourd'hui. J'étais élu au Congrès lors du vote du transfert du droit civil à la Nouvelle-Calédonie, imposé par l'accord de Nouméa. Je me demandais déjà à l'époque ce qu'on voulait faire de ces deux droits. C'est le sujet central de la problématique calédonienne aujourd'hui : nous avons deux sociétés, avec des codes différents. Il faut créer des passerelles entre les deux systèmes, qui ont chacun leurs qualités. Peut-être, dans deux ou trois générations, pourrons-nous être dotés d'un code civil calédonien. Mais ces réflexions n'ont pas encore eu lieu après dix ans.

Je suis convaincu que, malgré les problèmes économiques et sociaux, l'évolution de la société calédonienne et la création d'un destin commun, qui étaient les principes de l'accord de Nouméa, nécessitent ce travail. Avec un territoire de 270 000 habitants, il est difficile de trouver les conférences pour tous ces sujets.

SECONDE PARTIE

TABLE RONDE : FABRIQUE ET PRATIQUE DES CODES

Mme Véronique Bertile, maître de conférences en droit public, Université de Bordeaux. - Je propose de commencer par la question « qui codifie ? » et passe la parole à Madame le président de la délégation sénatoriale aux outre-mer pour aborder le rôle des parlementaires ultramarins et des délégations aux outre-mer des assemblées.

Mme Micheline Jacques, président. - La question de la codification du droit des outre-mer rejoint l'accessibilité et l'intelligibilité du droit pour toutes les populations ultramarines. Cet objectif de valeur constitutionnelle représente aussi l'égalité des droits et la confiance des citoyens dans la République. Comment avoir confiance si la loi est inaccessible ou incompréhensible ? L'exigence d'accessibilité et d'intelligibilité du droit s'est encore accrue en outre-mer, du fait des débats institutionnels récurrents et, dans les collectivités de l'article 74 ou en Nouvelle-Calédonie, par le développement des normes locales. Les partages de compétences ne sont pas toujours clairs et un même domaine voit parfois des normes locales et nationales s'enchevêtrer. L'incertitude sur la norme applicable crée de l'insécurité économique et freine le développement.

La codification est un outil parmi d'autres pour clarifier le droit applicable dans les outre-mer, tant dans les territoires régis par l'article 74 que par l'article 73. Les départements d'outre-mer sont aussi directement concernés, avec la pratique des habilitations en application du troisième alinéa de l'article 73. En Martinique et en Guadeloupe, la réglementation en matière d'énergie a déjà fait l'objet d'importantes adaptations locales.

Pour répondre à votre question, la délégation sénatoriale n'a pas vocation à fabriquer la loi pour tous les outre-mer, mais elle mène des travaux sur l'évolution institutionnelle qui nourrissent tant les services du Gouvernement que les propositions de loi de nos collègues. Le Président du Sénat a mis en oeuvre une actualisation annuelle du droit des outre-mer, suite à une recommandation des travaux sur la décentralisation. Nous avons préparé une proposition de loi d'actualisation qui regroupe 40 articles, cosignée de manière transpartisane, et qui sera inscrite, je l'espère, au mois d'octobre. Cette proposition de loi d'actualisation représenterait une réelle avancée pour les territoires ultramarins.

Mme Véronique Bertile. - Monsieur le directeur général des outre-mer, dans cette entreprise de codification, quel rôle pour le ministère des outre-mer ?

M. Olivier Jacob, directeur général des outre-mer, ministère chargé des outre-mer. - Je tiens tout d'abord à remercier les organisateurs de ce colloque d'avoir associé la Direction générale des outre-mer à ces échanges. Pour vous répondre, je préciserai que nous ne sommes pas à l'initiative de la codification. La DGOM constitue en effet une administration « concourante » et non « menante ». Nous apportons notre assistance aux autres administrations dans leur travail de codification. L'essentiel est que les administrations trouvent le chemin de notre ministère au bon moment : ni trop tôt ni trop tard. Malheureusement, il est fréquent que les ministères oublient les spécificités du droit des outre-mer et ne s'en souviennent qu'au dernier moment, parfois rappelés par le Secrétariat Général du Gouvernement ou le Conseil d'État, qui demande si les collectivités concernées ont été consultées. Nous intervenons en appui des administrations qui se lancent dans des travaux de codification, qu'il s'agisse du ministère des Transports, de la Justice, de l'Environnement, ou de l'Économie et des Finances. Nous apportons notre expertise, car le droit des outre-mer est très méconnu parmi ceux qui rédigent la norme.

À la Direction générale des outre-mer, nous comptons des spécialistes du droit des outre-mer, notamment dans le bureau du droit privé et le bureau du droit public et des affaires institutionnelles. Nous aidons les administrations à comprendre les spécificités des statuts, parfois très particuliers comme la Nouvelle-Calédonie ou les collectivités relevant de l'article 74, mais aussi pour l'article 73.

Nous conseillons, accompagnons et rédigeons également, ce qui représente un travail colossal, souvent invisible. Nous venons aussi en appui des collectivités locales qui ont des codes spécifiques, notamment en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Nous sommes enfin les gardiens des compteurs Lifou, une spécificité ultramarine.

Pour résumer, notre maître mot à la Direction générale des outre-mer est que les outre-mer sont l'affaire de tous. Nous entendons développer « un réflexe outre-mer » qui ne soit pas l'apanage exclusif de la rue Oudinot, mais bien de tous ceux qui élaborent des normes.

Mme Véronique Bertile. - Merci, monsieur le directeur. La transition est toute trouvée, puisque vous avez abordé le Conseil d'État et les compteurs Lifou dans ce réflexe outre-mer. D'autres évoquent une « culture outre-mer ». Je pense notamment au sénateur Michel Magras. Cette « culture outre-mer » ou à tout du moins ce « réflexe outre-mer » existent-ils au Conseil d'État ?

M. Florian Roussel, maître des requêtes au Conseil d'État, rapporteur spécialisé aux outre-mer de la Commission supérieure de codification. - Le Conseil d'État a développé une doctrine sur la codification outre-mer, notamment dans les années 2010, avec des échanges sur les tableaux des compteurs Lifou et l'extension du droit dans ces collectivités. Je fais ici le lien avec la Commission supérieure de codification où je suis rapporteur spécialisé pour l'outre-mer. Cette Commission, peu connue hors de l'administration, sert d'interface entre l'administration et le Conseil d'État. Présidée par Bernard Stirn, elle comprend des membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation et des professeurs d'université. Son rôle est de définir la doctrine de codification : ce que l'on codifie, les options légistiques, les choix de structure des codes. Elle réalise un premier travail de sécurisation juridique avant l'intervention des sections administratives du Conseil d'État.

En tant que rapporteur spécialisé pour l'outre-mer, je ne suis pas chargé de rédiger directement les parties des codes relatives aux outre-mer. Mon travail consiste essentiellement à traiter des questions de portée générale ou de légistique : pertinence des tableaux Lifou, difficultés de répartition des compétences, applicabilité de plein droit des textes (...). Je me prononce en outre sur le respect des compétences entre l'État et les collectivités ultramarines et propose, le cas échéant, des formulations alternatives.

Ce travail préfigure les échanges qui auront lieu ensuite au niveau des sections administratives du Conseil d'État. Actuellement, nous travaillons sur trois projets de code : fonction publique, douanes et procédure pénale

M. Edwin Matutano, avocat au Barreau de Paris, docteur en droit, chargé d'enseignement à l'Université Paris-Saclay à Saint-Quentin-en-Yvelines. - Je remercie les organisateurs de ce colloque qui nous permet de réfléchir à cette notion polymorphe de codification. Les avocats ne codifient rien, mais dans leur mission d'auxiliaire de justice, ils doivent examiner l'applicabilité des textes dans les différentes collectivités ultramarines. La question de savoir qui codifie dépasse les murs du Parlement. Madame le président Micheline Jacques a évoqué les collectivités de l'article 73 de la Constitution, qui peuvent, sur habilitation (alinéa 3), fixer elles-mêmes des règles dans les domaines législatifs et réglementaires, et ainsi modifier des codes en vigueur. Cette pratique existe, mais reste assez limitée, comme l'avait relevé le rapport de Mme George Pau-Langevin il y a quelques années.

Cette autonomie normative sur habilitation déléguée, bien que temporaire et encadrée, soulève des questions importantes. Les délibérations sont publiées au Journal officiel, mais un problème subsiste : une fois qu'une collectivité territoriale (Guyane, Martinique, Guadeloupe) a modifié un code par délibération, quel est l'état du droit réellement applicable dans cette collectivité ? La difficulté majeure apparaît quand le législateur ou le pouvoir réglementaire national vient ensuite modifier ce même code. Ce qui pose problème n'est pas tant le jeu dual des compétences que l'absence de coordination entre les banques de données. La Direction de l'information légale et administrative (Légifrance) ne signale pas qu'un article de code a fait l'objet d'une délibération d'une assemblée territoriale. Réciproquement, le recueil des actes de la collectivité n'indique pas la version résultante du code.

Cette situation complique l'accès au droit, alors même que la codification devrait le faciliter. Le problème s'étend aux collectivités de l'article 74 et à la Nouvelle-Calédonie, mais aussi aux collectivités de l'article 73. D'autres acteurs interviennent également : les services déconcentrés de l'État dans les territoires ultramarins élaborent parfois des codes accessibles sur leurs sites, assemblant des règles nationales et locales, ce qui complique encore la question de savoir qui codifie réellement.

M. Thierry Pitois-Etienne, magistrat judiciaire, président du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre. - En Guadeloupe, région et département d'outre-mer soumis au principe d'identité législative, les juridictions appliquent le droit national et se réfèrent donc aux codes en vigueur comme le code civil, même s'il existe quelques spécificités sur lesquelles je reviendrai, notamment en matière d'indivision. La situation est différente en Nouvelle-Calédonie, collectivité d'outre-mer sui generis, qui dispose d'une compétence normative renforcée depuis le transfert de compétences normatives en matière de droits civil, de droit commercial et d'état civil, résultant de la loi de pays du 20 janvier 2012, transfert effectif depuis le 1er juillet 2013.

Il m'a été donné de participer, avec un autre magistrat, Christian Belhote, à la mise en oeuvre de cette compétence transférée dans le cadre d'une mise à disposition auprès de la direction des affaires juridiques du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en septembre 2018 après une première mission, en 2017, comme membre de l'Inspection générale de la justice laquelle avait été mandatée par le garde des sceaux pour établir un rapport sur les évolutions de la justice en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna pour les dix années suivantes.

En amont des opérations de transfert de compétence, mon collègue avait précédemment travaillé à la délimitation rigoureuse du cadre normatif de la compétence qui allait être transférée en vérifiant, si les modifications apportées par le législateur national à chaque article du code civil et du code de commerce avaient été étendues ou non en Nouvelle-Calédonie et ce, pour déterminer exactement quelle version de ces deux codes serait transférée au 1er juillet 2013. Ce travail mené sous l'égide de la Direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la justice et de la direction des affaires juridiques du Gouvernement calédonien a duré plusieurs années.

Avec ce collègue magistrat, nous avons, pendant trois ans, en qualité d'experts, participé à l'élaboration de la norme dans le champ civil et commercial au sein de la direction des affaires juridiques. Le contexte était cependant délicat, car nous sommes arrivés en période préréférendaire, où la question du statut du territoire occupait beaucoup les politiques, moins attentifs aux évolutions textuelles techniques. Nous avons néanmoins préparé plusieurs projets de loi de pays et de délibération, réformant notamment le droit des assurances.

S'agissant de la codification, la Nouvelle-Calédonie a essentiellement hérité des codes nationaux mais elle a aussi élaboré ses propres codes dans certaines matières, comme le code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. Mais c'est une tâche difficile pour une direction normative qui dispose d'une petite équipe de rédacteurs et de chargés d'études dont le recrutement et la formation restent délicats. Nous avons contribué avec mon collègue à la formation de cette équipe mais elle demeure un enjeu actuel pour permettre à la Nouvelle-Calédonie de disposer d'une capacité normative utile à la fabrication du droit et à l'élaboration d'un véritable code civil calédonien.

Une autre difficulté rencontrée dans l'élaboration de codes et plus généralement de normes est la connaissance des spécificités locales, comme la compétence normative partagée entre le Parlement français, le congrès néo-calédonien, les provinces de Nouvelle-Calédonie ou les institutions coutumières, les besoins d'un territoire dont la population est de l'ordre de 280 000 habitants. La concertation avec les praticiens du droit, magistrats et avocats, tant à au tribunal et à la cour d'appel de Nouméa qu'à la section détachée de Koné, en Province Nord, ainsi que les échanges avec les membres du Congrès ou les autorités coutumières ont compensé partiellement cette difficulté.

En outre, le transfert de compétence impliquait nécessairement une volonté de « penser calédonien » dans l'élaboration des normes sans emprunt systématique au droit national. En tant que magistrats disposant d'une expérience normative au ministère de la Justice, nous pouvions partager notre savoir-faire légistique mais pour le choix des réformes que le Gouvernement voulait porter, nous avions besoin d'orientations dont nous ne disposions pas toujours dans le contexte référendaire.

En 2020, pendant la crise sanitaire, s'est posée toutefois la question d'emprunter à la réforme du droit des contrats de 2016 des dispositions relatives à l'imprévision, la caducité ou l'exception d'inexécution, utiles pour aider des entreprises calédoniennes en difficulté. Un projet de réforme des dispositions du code civil applicable en Nouvelle-Calédonie relatives aux obligations contractuelles a ainsi été élaboré, en lien avec l'Université de Nouvelle-Calédonie qui a abouti à la Loi du pays du 29 avril 2024 portant modification du livre III du code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie et relative à la révision pour imprévision, à l'inexécution et à l'extinction des obligations contractuelles.

D'autres projets portant adaptation du droit des régimes matrimoniaux ou proposant d'introduire un divorce déjudiciarisé ont été élaborés mais n'ont pas abouti.

De même, les adaptations souhaitées par la cour d'appel de Nouméa aux règles de procédure civile, qui relèvent de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, n'ont pas abouti. Ainsi, la demande de suppression des dispositions confiant au greffe la mission de notifier aux parties les conclusions qu'elles déposent n'a pas été retenue alors que dans les procédures avec représentation obligatoire, les avocats peuvent échanger entre eux leurs conclusions et pièces ce qui est le cas en droit national.

S'agissant de la codification de la procédure civile, la Nouvelle-Calédonie a certes élaboré son propre code mais cette oeuvre codificatrice reste inachevée. Ainsi, en matière de procédure d'exécution pour recouvrer le montant des condamnations allouées par les différentes juridictions de la Nouvelle-Calédonie ou d'autres parties du Territoire de la République Française ou des décisions de juridiction étrangères ou encore de titres exécutoires (actes notariés, contraintes exécutoires....), il est fait application de l'ancien code de procédure civile national (saisie exécution, saisies-arrêts) ou d'autres textes spécifiques (saisies immobilières.....).

Pour le justiciable, l'avocat ou le magistrat, la recherche de la norme applicable constitue un exercice délicat. Si la plupart des codes et textes sont mis en ligne sur le site Juridoc, certains n'y figurent pas comme l'ancien code de procédure civile.

J'ajoute une particularité rencontrée par la cour d'appel de Nouméa dans l'application des règles de procédure civile liée à l'étendue de son ressort de compétence territoriale : ainsi les recours contre les décisions rendues par le tribunal de première instance de Wallis-et-Futuna, collectivité d'outre-mer distincte de la Nouvelle-Calédonie, sont régis par le code de procédure civile national. Les magistrats doivent donc alterner entre les règles du code calédonien incomplètes et le code national selon l'origine de l'affaire. Il est intéressant de constater que la France, malgré son histoire marquée par l'unification de son droit sur l'ensemble de son territoire, connaît aujourd'hui un pluralisme juridique difficile à manier pour le praticien.

À l'instar de l'espace judiciaire européen, il serait peut-être opportun d'élaborer au sein de l'espace judiciaire de la République française, entre la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et le reste du territoire français, et dans lequel circulent des décisions de justice, des règles de procédures minimales communes. De même, en Nouvelle-Calédonie marquée par le pluralisme juridique, les règles de résolution des conflits de normes internes demeurent incomplètes. Certes, la Loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie contient de telles règles, mais depuis le transfert de la compétence normative en matière civile et commerciale à la Nouvelle-Calédonie, les règles de conflit de normes entre le nouveau droit civil local et le droit civil national et a fortiori avec la coutume n'ont pas été introduites dans la Loi organique. Ainsi, pour un couple relevant du statut coutumier muté souhaitant divorcer à Paris où il demeure, quelle règle de divorce le juge aux affaires familiales devra-t-il appliquer ? Si la coutume s'applique, en l'absence d'assesseur coutumier, comment le juge pourra-t-il identifier la coutume applicable sachant qu'il existe huit aires coutumières en Nouvelle-Calédonie ? Le juge parisien ignorant la coutume, appliquera probablement le droit national, mais comment la décision de divorce sera transposée à l'état civil coutumier ?

Mme Véronique Bertile. - Merci beaucoup, Thierry Pitois-Etienne, pour ce partage d'expériences très éclairant et concret. Je passe à présent la parole à Romain Leatham, collaborateur parlementaire et docteur en droit.

M. Romain Leatham, collaborateur parlementaire, Assemblée nationale, docteur en droit. - La question de la codification de la puissance en charge de la codification ne concerne probablement pas en premier lieu le législateur. Celui-ci contribue à la codification, mais ne la mène pas en tant que telle. Le plus souvent, le législateur reçoit un projet de loi déjà codifié et son apport consiste à ajouter ou supprimer des articles par voie d'amendement. Pour les ultramarins, l'ouvrage de codification est rendu plus difficile par le recours massif à l'article 38 de la Constitution : on reçoit la loi d'habilitation, puis le projet de loi de ratification est déposé, et la codification s'opère sans que les parlementaires ultramarins aient vraiment de droit de regard.

Je constate aussi une complexification progressive de la codification, notamment dans le code général des collectivités territoriales. Au début, ce code présentait une certaine harmonie, avec un parallélisme de ses articles. Par exemple, tel article concernait telles compétences pour la Guadeloupe, tel article, telles compétences pour la Martinique, etc. Aujourd'hui, quand on cherche à codifier par amendement, on constate de plus en plus de sauts d'articles, ce qui complexifie encore la tâche. Il faut avoir le temps de lire l'ensemble de la codification pour vérifier qu'on n'oublie pas certains territoires, car ce qui est prévu pour la Guadeloupe ne l'est plus forcément pour la Martinique, devenue collectivité territoriale de Martinique, mais l'est pour La Réunion, etc. D'ailleurs, un projet de loi examiné au Sénat prévoit que la collectivité de Mayotte s'appelle désormais « département-région de Mayotte », ce qui va ajouter une nouvelle complexité dans l'organisation du droit des outre-mer.

Je tenais par ailleurs à évoquer le projet de loi d'urgence pour Mayotte adopté en janvier dernier, qui n'est quasiment pas codifié. On peut comprendre cette non-codification par le caractère temporaire des mesures visant à reconstruire Mayotte. Néanmoins, ce projet apporte des exceptions aux codes de l'énergie, de la commande publique et de l'urbanisme. Pour un praticien cherchant à reconstruire Mayotte, la consultation directe de la loi adoptée en janvier ou février me paraît préférable à celle des différents codes. Si l'urgence peut justifier de ne pas codifier une loi, il serait moins compréhensible qu'un projet de loi de programmation soit codifié. Selon l'article 34 de la Constitution, le projet de loi de programmation doit déterminer les objectifs de l'État et n'a pas de valeur juridique. Or le projet actuellement examiné au Sénat est codifié. Cette codification confère une valeur juridique à un texte qui n'est pas censé en avoir.

Mme Véronique Bertile. - Merci, Romain Leatham, pour cette analyse. Nous avons terminé notre premier tour de table. Je vous invite maintenant à échanger avec la salle. J'aimerais également vous entendre sur une deuxième question, que nous avons déjà abordée : quels sont les avantages et inconvénients de la codification par voie législative et par voie d'ordonnance pour les outre-mer ?

M. Florian Roussel. - Je n'ai pas suivi spécifiquement ce projet de loi, puisqu'il n'est pas passé par la Commission de codification, qui ne traite que les nouveaux codes ou les refontes complètes. Notre doctrine est de codifier uniquement des dispositions pérennes ou applicables longtemps, soit pendant dix ou quinze ans, par exemple. Cela évite d'accumuler des scories dans les codes. Pour Mayotte, j'imagine qu'il a été décidé de ne pas codifier des dispositions d'urgence de courte durée. L'important est que l'éditeur du code puisse signaler ces dispositions dérogatoires, même par commentaire non normatif.

Concernant les lois de programmation, je n'ai pas connaissance de doctrine précise, mais leur présence ou non dans un code ne change rien à leur valeur juridique. On retrouve parfois des dispositions énonçant des objectifs généraux dans d'autres codes, notamment dans le code de l'environnement.

La question plus générale de la codification me paraît pleinement justifiée quand les droits ultramarins et métropolitains sont assez proches, avec seulement quelques adaptations ponctuelles. Il est même très important d'avoir un vecteur unique, car, trop souvent, quand la « partie métropolitaine » du code évolue, on oublie d'actualiser le droit ultramarin. J'ai connu cette situation avec le code de l'entrée et du séjour des étrangers dans les territoires du Pacifique. Les différences qui subsistaient ne se justifiaient plus objectivement.

En revanche, la codification devient inopportune si les différences sont trop importantes, rendant le code peu lisible et difficile à mettre à jour. Dans certains cas, malgré des différences significatives, le regroupement des éléments dans un même code peut impulser un mouvement de rapprochement entre droit métropolitain et ultramarin, comme nous l'avons fait avec le code des relations entre le public et l'administration.

L'idéal reste une codification par loi qui englobe d'emblée le droit métropolitain et ultramarin, évitant de montrer politiquement que les outre-mer passent au second plan. Cela suppose que la DGOM ait été associée suffisamment en amont, ce qui n'est pas toujours possible. On recourt alors aux ordonnances des articles 74-1 ou 38, mais il faut ensuite avoir la volonté de mener à bien ce chantier parfois fastidieux et trouver un vecteur pour ratifier l'ordonnance 74-1, ce qui n'est pas simple dans le contexte actuel.

Mme Véronique Bertile. - Merci, Florian Roussel. Je me tourne vers Micheline Jacques. Madame le président, vous avez évoqué cette question de codification par voie d'ordonnance.

Mme Micheline Jacques, président. - Les parlementaires, particulièrement les sénateurs, ne sont pas friands de légiférer par ordonnance, car ils sont alors privés de leur mission principale : fabriquer et voter la loi. L'ordonnance correspond à un chèque en blanc donné au Gouvernement, ce qui déplaît encore plus aux ultramarins.

À mon arrivée au Sénat en 2020, je voyais systématiquement la mention « Dispositions pour les outre-mer, par ordonnances ». La situation évolue progressivement, car les parlementaires se saisissent des questions. Au sein de notre délégation, nous avons mis en place, dans chaque commission permanente, deux référents : un ultramarin et un non ultramarin, pour assurer une veille. Leur rôle est d'alerter la délégation et les collègues sur certaines dispositions qui pourraient passer inaperçues. Vous avez évoqué la loi sur les indivisions à Saint-Barthélemy. Le Gouvernement estimait qu'il n'y avait pas de problèmes fonciers sur ce territoire, ce qui est faux. Grâce à cette veille, nous avons pu modifier le texte par amendement. Il est très important pour les parlementaires de légiférer et non de laisser d'autres le faire à notre place. D'une certaine façon, nous vous facilitons ainsi la tâche, M. Jacob.

M. Olivier Jacob. - En tant que représentant du pouvoir exécutif, ma vision est peut-être différente de celle de Madame le président. Il existe plusieurs raisons d'utiliser une ordonnance, et d'abord, une volonté politique. Une possibilité est offerte au pouvoir exécutif de légiférer, avec des garde-fous naturellement.

En matière de droit des outre-mer, on recourt souvent aux ordonnances quand on n'a pas suffisamment anticipé des applications dans la loi. Quand on se souvient tardivement qu'il faut adapter des textes, la voie de facilité est de renvoyer à une ordonnance, laissant le temps de trouver les mesures d'adaptation nécessaires. Cela renvoie à mes remarques sur l'importance de saisir au bon moment la Direction générale des outre-mer, pour éviter ce recours.

L'autre justification est parfois la rapidité d'action, comme pour le projet de loi d'urgence sur Mayotte, où il fallait définir les conditions de création d'un établissement public pour la reconstruction. Les parlementaires n'aiment pas les ordonnances et essaient de les encadrer, comme ils l'ont fait légitimement pour l'établissement public de Mayotte.

On peut aussi recourir à une ordonnance pour simplifier la présentation de la loi. Pour le changement de dénomination de Mayotte en département-région, il a fallu reprendre tous les articles du code général des collectivités territoriales, ce qui a considérablement alourdi le texte. À la demande des élus, un amendement gouvernemental réintroduit cet article, avec près de trente pages de codification, perturbant la lisibilité du projet de loi, pour un intérêt modique selon moi.

Concernant le projet de loi de programmation pour Mayotte, il s'agit d'une loi de programmation uniquement en son article 1, avec un rapport annexé comportant un tableau synthétisant l'effort budgétaire de l'État pour Mayotte sur cinq à dix ans. Les autres éléments comprennent des dispositions classiques sur l'immigration, les pouvoirs des forces de sécurité, le développement économique et social, et la loi électorale.

M. Edwin Matutano. - Je voulais répondre à la question sur le choix entre loi et ordonnance et établir un lien avec les remarques de Romain Leatham sur le code général des collectivités territoriales, dont je suis un usager habituel. Ce code est devenu peu intelligible en raison de son plan. La Guyane et la Martinique figurent en fin de code, après les collectivités de l'article 74, à l'exception de la Polynésie et des îles Wallis-et-Futuna. Ce code comprend donc une subdivision intitulée « dispositions relatives aux collectivités territoriales régies par l'article 74 », puis une autre subdivision de même rang intitulée « dispositions relatives aux autres collectivités régies par l'article 73 », ce qui est syntaxiquement incompréhensible.

Concernant la codification, la question semble tranchée au niveau national : elle s'accomplit par ordonnance. Les parlementaires ne se sont pas toujours montrés très intéressés par ces travaux, d'où la décision du pouvoir exécutif d'agir ainsi via la Commission supérieure de codification. Pour les codes, qu'il s'agisse de nouveaux codes ou de refonte, nous n'avons guère le choix, même si l'on peut estimer qu'il y a trop d'ordonnances dans les domaines relatifs aux outre-mer.

M. Thierry Pitois-Etienne. - Le débat entre Loi et ordonnance pour codifier est proprement national et ne concerne pas les collectivités d'outre-mer investies d'un pouvoir législatif. En Nouvelle-Calédonie, la codification intervient par loi du pays, ou délibération pour les normes à valeur réglementaire. En effet, le statut de la Nouvelle-Calédonie ne prévoit pas la faculté pour le Congrès d'habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance.

Mme Véronique Bertile. - Je voulais revenir sur la jurisprudence des élections municipales de Lifou, mais aussi connaître votre sentiment sur l'idée d'une codification générale pour les outre-mer. Un code de l'outre-mer vous semblerait-il opportun, voire souhaitable ? Je voudrais connaître votre sentiment personnel dans vos positions respectives. Madame le président, pensez-vous qu'un code de l'outre-mer apporterait un bienfait ? Est-il possible, réalisable, souhaitable ?

Mme Micheline Jacques, président. - On demande souvent si les outre-mer sont « à part entière ou entièrement à part ». La création d'un code spécifique pour les outre-mer montrerait que ces territoires ne sont pas vraiment intégrés au sein de la République. Il me semble plus approprié de tenir compte des spécificités ultramarines dans les codes en vigueur. Il faut peut-être revoir la cohérence du plan, faire des toilettages, mais isoler les outre-mer dans un code spécifique ne serait pas bien perçu.

À Saint-Barthélemy, nous nous sommes emparés du code de l'environnement national et l'avons épuré de tout ce qui ne concernait pas notre territoire. De 5 000 pages initialement, le code local a été réduit à une quarantaine de pages, ce qui le rend plus accessible à la population. Ce travail pourrait être effectué au sein des collectivités, pour décliner le code national en petits codes territoriaux à la portée de tous.

Mme Véronique Bertile. - Monsieur le directeur général des outre-mer, un code de l'outre-mer faciliterait-il votre tâche à la DGOM ?

M. Olivier Jacob. - Un code unique des outre-mer représenterait un travail colossal. À la Direction générale des outre-mer, nous privilégions plutôt l'intégration d'un Livre dédié aux outre-mer dans chaque code lors des travaux de codification. Telle est notre approche actuelle pour la recodification du code des douanes, avec un Livre consacré aux outre-mer, ainsi que pour le code de procédure pénale. Cette méthode permet d'atteindre l'objectif de lisibilité et d'accessibilité sans créer un code unique.

Les collectivités comme la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie peuvent également, de leur propre initiative, réaliser un travail de présentation des dispositions applicables, qu'elles proviennent d'anciennes dispositions nationales ou de nouvelles adoptées après le transfert de compétences. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un travail de codification, mais plutôt de simplification pour les acteurs économiques et les citoyens.

Notre approche code par code avec un livre dédié à l'outre-mer nous semble plus efficace et réaliste que les « réformes cathédrales » qui, comme toutes les cathédrales, prendraient des siècles à construire. Nous préférons des approches plus pragmatiques.

M. Florian Roussel. - Je ne suis pas certain de comprendre exactement ce que l'on appellerait un « code de l'outre-mer ». Le droit de l'outre-mer est très différent selon les collectivités. Le regroupement de tous les territoires d'outre-mer, même dans une matière donnée, dans un code à part n'est pas forcément pertinent : le droit applicable en Martinique n'est pas le même que le droit applicable à Wallis-et-Futuna. Pourquoi obliger les ultramarins à avoir un code distinct ?

À la DGOM, l'idée d'un code de l'entrée et du séjour spécifique à l'outre-mer avait été évoquée, mais elle n'a pas été retenue, car le droit était déjà très éclaté selon les collectivités. Ce regroupement aurait éloigné du droit commun plutôt que de rapprocher, en exportant par exemple le modèle de la Guyane et de Mayotte vers la Nouvelle-Calédonie, alors que les contextes d'immigration y sont totalement différents.

En ce qui concerne la codification, ni la Commission ni le Conseil d'État n'ont de doctrine arrêtée. Deux options existent : soit un Livre dédié aux outre-mer, soit des titres consacrés aux outre-mer à la fin de chaque Livre. La seule exigence est de ne pas tout mélanger, comme dans certains vieux codes où quelques dispositions outre-mer subsistent dans la « partie métropolitaine » alors qu'existe une partie spécifique consacrée à l'outre-mer.

M. Charles Froger. - Qu'est-ce qui empêcherait de se doter d'un code qui réunisse, pour un territoire comme la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, plus largement des COM, l'ensemble des compétences sur une matière, qu'elles relèvent de l'État ou des autorités locales ? Par exemple, un code de l'urbanisme en Nouvelle-Calédonie qui inclurait à la fois les compétences transférées aux provinces et à la Nouvelle-Calédonie, mais aussi les compétences restées à l'État, comme la procédure administrative contentieuse.

Si un code civil de la Nouvelle-Calédonie était créé, les dispositions relevant de la compétence de l'État en seront exclues, puisque le législateur calédonien ne peut pas codifier ce qui relève de la compétence étatique. Cette question technique me taraude depuis longtemps.

Par ailleurs, quel est le rôle des parlementaires dans l'impulsion des problématiques ultramarines de codification ? En Nouvelle-Calédonie, selon la loi organique de 1999, c'est normalement le Gouvernement calédonien qui prépare la codification. Mais certains codes ayant un intérêt économique et social important ont été portés par des propositions de droit du pays émanant de membres du Congrès. C'est le cas du code agricole et pastoral de la Nouvelle-Calédonie, qui a abouti grâce à une réelle volonté politique des élus locaux.

Mme Lucile Stahl, avocate au Barreau de la Drôme. - Je voudrais rendre ses lettres d'honneur à la complexité. Celle-ci est souvent critiquée, mais c'est elle qui nous réunit aujourd'hui. En droit de l'environnement, comme pour les droits d'outre-mer, cette complexité traduit un état de maturité du droit. Pour les praticiens, le fait de travailler sur des droits différents ouvre de nouvelles voies de pensée et permet de respecter des spécificités locales et de prendre en compte des populations différentes. Cette complexité a des aspects positifs et reflète une certaine maturité du droit des outre-mer, ce qui n'est pas négligeable à l'aune de la trajectoire historique de ces territoires.

La complexité de la codification est également souvent critiquée, mais la situation était encore pire lorsqu'il n'y avait pas de code. En droit de l'environnement, l'arrivée des codes en 2008 a été un soulagement. La codification reste un progrès, malgré sa complexité. Cependant, un code des outre-mer équivaudrait à multiplier 77 codes par 15 collectivités et provinces, ce qui représente un travail colossal.

Mme Carine David. - Je rejoins la question de Charles Froger sur la codification partagée. En Nouvelle-Calédonie, j'ai constaté une volonté de codifier les douanes, domaine où les compétences sont partagées entre l'État et la Nouvelle-Calédonie. Quelle serait la difficulté de se concerter sur une architecture commune, puisque chacun adopte les dispositions relevant de sa compétence, pour ensuite les réunir dans un même document ?

Concernant l'ordonnance pour Mayotte évoquée par Olivier Jacob, pourquoi ne pourrions-nous pas, comme dans les lois organiques statutaires, rédiger un article balai qui uniformise la terminologie ? Dans un objectif de simplification, pourquoi ne pas recourir à cette méthode, quitte à laisser Légifrance réaliser ensuite le travail de consolidation ?

Mme Véronique Bertile. - Je rejoins la remarque de Lucile Stahl relative à la complexité qui traduit en réalité l'adaptation à chaque territoire. C'est ensuite en termes d'intelligibilité et d'accessibilité que la question se pose, ce qui nous réunit d'ailleurs aujourd'hui.

M. Olivier Jacob. - Sur la première remarque concernant l'élaboration conjointe par l'État et la collectivité locale d'un code, je n'identifie aucun obstacle politique ni technique. Les compétences sont partagées et la complexité survient lorsqu'une compétence a été transférée. Quand l'État décentralise ou transfère, il conserve toujours une possibilité d'intervention sur certaines procédures, notamment contentieuses. Les sanctions liées à la mise en oeuvre d'une politique publique nous occupent également beaucoup.

En Polynésie française, nous dénombrons de nombreuses procédures d'homologation. Par exemple, quand le Gouvernement polynésien souhaite établir des amendes ou des peines d'emprisonnement concernant la police de la navigation dans le lagon, cette responsabilité échoit à l'État. Il s'agit d'une certaine manière d'une atteinte à l'autonomie du territoire. Nous devrions pouvoir transférer ces matières quand elles sont liées à l'exercice d'une compétence déjà transférée.

L'obstacle majeur n'est en l'occurrence pas technique, mais humain. À la Direction générale des outre-mer, nous manquons en effet de moyens humains. Je reçois actuellement des demandes d'homologation de la part du Gouvernement polynésien que nous devons traiter avec le ministère de la Justice, car nous ne sommes pas pleinement autonomes sur ces sujets. Comme souvent avec les sujets ultramarins, ils passent après les priorités des administrations centrales.

Concernant l'absence d'article balai, j'ignore la raison. Il doit y avoir une explication, car nous avons rédigé 30 pages pour recodifier le code général des collectivités territoriales. Je vais me renseigner sur ce sujet auprès du bureau du droit public et des affaires institutionnelles.

M. Florian Roussel. - Sur ce point, je n'ai pas de réponse catégorique. Ces « articles balais » existent déjà, notamment dans la loi organique de 2004 sur la Polynésie française et celle de 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Cependant, Légifrance ne s'en est pas emparé automatiquement pour modifier toutes les dispositions. Il ne me semble pas qu'il y ait un obstacle juridique, mais, jusqu'à présent, cela n'a pas été efficace.

Concernant l'idée évoquée par Charles Froger, je suis plus hésitant. Généralement, nous avons un code avec des dispositions outre-mer applicables en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. L'idée serait soit de sortir ces dispositions du code, ce qui est problématique, soit de les dupliquer, ce qui me pose un problème de juriste.

Je comprends l'intérêt d'avoir dans un même support les dispositions relevant de la compétence de l'État applicables en Nouvelle-Calédonie et les dispositions prises par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, mais cela relève plutôt du travail éditorial. Je ne connais pas de dispositions qui seraient dupliquées dans deux codes ayant tous deux valeurs normatives. Il y a parfois des renvois, mais techniquement, je ne crois pas que ce soit possible aujourd'hui.

M. Charles Froger. - La limite de cette approche apparaît quand on utilise Juridoc, l'équivalent de Légifrance pour la Nouvelle-Calédonie. L'accès y est difficile, contrairement à la version révisée de Légifrance qui est plus ergonomique. Je comprends que la duplication puisse être délicate et il ne s'agit effectivement évidemment pas de retirer les dispositions du code de l'urbanisme national, notamment celles relatives au contentieux. Le problème est de connaître l'applicabilité des dispositions nationales dans certains territoires. On ne peut certes pas les sortir du code national, mais il faut savoir lesquelles s'appliquent localement. Si demain il existait un code civil de la Nouvelle-Calédonie, les compétences relatives à la nationalité resteraient dans le code civil national applicable en Nouvelle-Calédonie. L'idée de se doter d'un corpus commun me semble pourtant importante. Je ne vois pas d'obstacle juridique si l'État accepte cette démarche.

M. Olivier Jacob. - L'exemple que je citais, qui n'est pas à proprement parler un exercice de codification, correspond au code de commerce en Nouvelle-Calédonie. Un travail éditorial de présentation a été réalisé, regroupant à la fois les dispositions qui relèvent encore de l'État, notamment celles antérieures au transfert de compétence, et celles modifiées par les autorités locales après ce transfert. Nous pourrions envisager cette présentation pour toute matière, distinguant ce qui relève de l'État et ce qui relève de la collectivité. Il ne s'agit pas là d'un véritable exercice de codification, mais cela permettrait d'atteindre l'objectif de lisibilité pour les citoyens.

M. Charles Froger. - Par exemple, pour le droit de la consommation, sur Juridoc figurent le code de la consommation de compétence État dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie et le code de la consommation applicable en Nouvelle-Calédonie dont la compétence est calédonienne, mais dont le contenu est souvent issu du droit national, amendé ou non après transfert. Cependant, en vérifiant les dispositions du code de la consommation compétence État, j'ai constaté que, pour 95 % d'entre elles, il est indiqué « non applicable sur le territoire »...

M. Thierry Pitois-Etienne. - Pour faciliter la tâche de l'usager et du praticien, lorsqu'un code comme le code civil est réceptionné par la Nouvelle-Calédonie, les autorités calédoniennes investies du pouvoir normatif pourraient retirer de ce code tout ce qui relève de la compétence conservée par l'État, comme la liberté matrimoniale, les conditions requises pour se marier, l'article 9 sur le respect de la liberté à droit privé, et la nationalité. Cela représente un nombre important d'articles, mais ce travail faciliterait la lecture du code. Sans cela, l'usager risque de se référer à des dispositions inapplicables localement, qu'il faudrait chercher dans le code national. Cela dit, la difficulté peut être résolue par un code éditeur et le site Juridoc assure en toute hypothèse une diffusion en ligne du droit.

M. Edwin Matutano. - La dualité d'auteur pour un même code soulève inévitablement des questions de compétences. Des compétences partagées entre l'État et certaines collectivités ultramarines ont déjà donné lieu à de nombreuses jurisprudences ou avis contentieux du Conseil d'État. L'issue éditoriale exposée par Florian Roussel me paraît bienvenue, à condition que le lecteur sache quel support il consulte. Si la codification entremêle des dispositions de droit national et local, il faut que figurent la norme d'origine et, comme pour le code civil applicable en Polynésie française ou le code des communes élaboré par le Haut-Commissariat, une mention précisant qu'il s'agit d'un document de travail à portée informative.

Concernant les grilles de lecture, de nombreux textes statutaires relatifs aux collectivités ultramarines les ont prévues, notamment en 2007 quand Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont devenues des collectivités séparées de la Guadeloupe. Bien qu'exprimant une bonne intention en matière de légistique, ces grilles posent problème, car des lois sectorielles ultérieures peuvent établir leur propre grille de lecture par dérogation à celle censée être générale.

Question du public- Bonjour, je souhaite disposer d'un éclairage sur la Guyane, qui a un statut particulier. Comment se traduit dans ce territoire la codification, notamment par rapport aux peuples autochtones et à l'environnement ?

M. Olivier Jacob. - La Guyane relève de l'article 73 et du principe d'identité législative, permettant l'adaptation de la norme nationale ou l'habilitation. Sa seule particularité est d'être une collectivité territoriale unique, ce qui n'a pas d'impact sur la codification. Cette collectivité diffère de la Martinique, en l'absence de séparation entre fonctions exécutives et délibératives. À ma connaissance, la Guyane n'a pas été très demandeuse de procédures d'habilitation, contrairement à la Guadeloupe et la Martinique.

M. Guillaume Barraud, administrateur de l'État, chef du bureau du droit privé et du droit des activités économiques et sociales, ministère chargé des outre-mer. - La seule spécificité que j'identifie correspond à des dispositions anciennes, antérieures à la départementalisation de la Guyane, qui ont survécu, comme des adaptations mineures, en matière de chasse, par exemple.

M. Florian Roussel. - Il faut distinguer deux questions. Existe-t-il une spécificité générale à la codification en Guyane ? La réponse est non. Globalement, ce n'est pas la collectivité qui soulève le plus de difficultés. Ensuite, comme toutes les collectivités ultramarines, il existe des dispositions spécifiques dans certains domaines, par exemple dans le code forestier ou en matière de propriété foncière. La difficulté dans l'élaboration des textes consiste à trouver les bonnes adaptations aux caractéristiques locales, mais pour la codification proprement dite, ce n'est pas le vrai sujet.

M. Loïc Peyen. - Quand il est question du droit de l'outre-mer, celui-ci est mis en perspective avec le « droit commun ». J'ai employé à dessein les termes de « droit métropolitain », « hexagonal » ou « national ». Le droit commun a-t-il du sens quand on se place du point de vue d'un territoire ultramarin qui applique nécessairement un droit différent ? Également, quand il s'agit de l'outre-mer, les codes récents comportent des subdivisions spécifiques, mais ne faudrait-il pas aussi distinguer l'Alsace-Lorraine ou la Corse et créer des subdivisions à part entière, même si je comprends les points d'appui que constituent les articles 73 et 74 de la Constitution ?

M. Romain Leatham. - C'est effectivement ce que fait le code général des collectivités territoriales, au moins pour la collectivité de Corse.

M. Loïc Peyen. - Sans aller jusqu'à dire que cette référence au droit commun est coloniale comme référence, un code détermine les modalités d'application du droit national au territoire local, sur les territoires ultramarins, mais à aucun moment il ne donne le droit applicable localement. Le fait de prendre appui sur le droit national comme droit commun me paraît déjà problématique.

M. Ferdinand Mélin-Soucramanien. - Cette attaque sur le droit commun comme droit colonial peut sembler agaçante et facile. Je travaille beaucoup sur les questions d'autonomie normative. Par exemple, à La Réunion, une Constitution a été adoptée pendant la période révolutionnaire, juste après la première abolition de l'esclavage. Qui l'a faite adopter ? Les grands blancs, les grands propriétaires, pour maintenir l'esclavage. Ceux-ci voulaient davantage d'autonomie, pour s'écarter du droit commun national, révolutionnaire et abolitionniste. Cette période a duré cinq ans, puis Napoléon a rétabli l'esclavage et nommé des gouverneurs. Le droit commun peut donc parfois être protecteur, notamment dans le champ des libertés. Il ne faut jamais l'oublier.

Mme Florence Renucci. - Ce que vous décrivez s'inscrit dans un modèle colonial. Historiquement, le droit commun est une référence coloniale. Les débats sur la codification que nous avons depuis tout à l'heure sont ceux qu'on a eus pendant la période coloniale. Continuons-nous dans cette voie ou cherchons-nous d'autres modèles ? Il ne s'agit pas là d'un jugement de valeur. En tant qu'historiens du droit colonial, nous nous inscrivons dans un système internaliste très proche, avec un schéma mental qui vient de là. Il faudrait peut-être sortir de ce schéma et inventer de nouvelles approches.

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - La notion de droit commun sert aujourd'hui d'outil pour différencier le droit commun du droit d'exception. Son avantage est d'éviter les vides juridiques : en l'absence de règle spécifique dans le droit local, le droit commun s'applique. Je suis très critique vis-à-vis de cette notion, notamment à la lumière de la situation en Nouvelle-Calédonie, où l'on oppose droit commun et droit coutumier. Avant le transfert de la compétence de droit civil à la Nouvelle-Calédonie, le droit commun était celui de l'État, mais après ce transfert, le droit calédonien est devenu de fait le droit commun. Cela soulève un vrai questionnement : peut-on réellement qualifier le droit calédonien de droit commun en Nouvelle-Calédonie ? Est-il plus légitime que le droit coutumier ?

M. Thierry Pitois-Etienne. - Il me semble qu'aujourd'hui, l'adjectif « commun » a une dimension performative et protectrice qu'on retrouve avec les « valeurs communes » dans l'Union européenne ou comme les « règles minimales communes », sans que cela suscite de débat. Certes, il a pu exister par le passé une hiérarchie des normes avec droit commun et droit d'exception, mais personnellement, je ne me sens pas héritier de cette tradition issue de la période coloniale. Dans les processus de décolonisation, que ce soit par l'indépendance, l'autonomie interne ou l'assimilation, tous me semblent tendre vers la prévalence d'un droit commun applicable à tous, y compris en cas d'autonomie interne caractérisée, comme en Nouvelle-Calédonie, par un pluralisme juridique. Et dans ce dernier cas, il serait peut-être opportun de définir des règles minimales « communes » pour faciliter, par exemple, la circulation des décisions de justice. À cet égard, des échanges entre les autorités nationales, néo-calédoniennes et polynésienne seraient opportuns pour harmoniser et articuler nos droits.

M. Romain Leatham. - La codification dont nous parlons depuis ce matin dans son sens juridique et technique, visant à faciliter la lisibilité du droit, peut aussi plaire à certaines velléités autonomistes, voire indépendantistes. Lorsque l'on sort du débat juridique pour s'orienter vers le débat politique ou local autonomiste, la codification et la notion de droit commun peuvent produire l'effet inverse de ce que nous discutons depuis ce matin.

Mme Véronique Bertile. - La codification pourrait donc être perçue comme actant la différence et légitimant les demandes d'autonomie, voire davantage.

Mme Micheline Jacques, président. - Je perçois différemment le problème dont nous débattons. Lors de nos travaux en Guyane avec la délégation, nous avons constaté des situations concrètes, notamment en droit pénal. Quand quelqu'un est arrêté en pleine forêt amazonienne, à trois jours de pirogue de tout, il ne peut pas bénéficier du même accès à un avocat qu'une personne arrêtée à Cayenne. L'adaptation du droit vise justement à permettre l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Le droit commun s'applique à tous, mais les réalités territoriales exigent parfois des adaptations. C'est pourquoi la délégation travaille depuis une dizaine d'années sur la différenciation territoriale. L'application mécanique des règles de France hexagonale peut créer des inégalités. Il faut aborder ces questions avec pragmatisme plutôt que de tout politiser.

Mme Véronique Bertile. - Je vous propose que nous revenions sur cette question technique de la jurisprudence Lifou.

M. Florian Roussel. - La jurisprudence commune de Lifou remonte à 1990. Elle concerne une situation où une disposition relevant de la compétence de l'État a été rendue applicable dans une collectivité à spécialité législative (comme la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna), puis cette disposition métropolitaine est ultérieurement modifiée sans que la modification ne prévoie expressément son application dans ces territoires. Le Conseil d'État a tranché en 1990 en établissant une règle claire : pour qu'une modification s'applique dans ces collectivités, elle doit expressément le prévoir. Sans mention expresse, la modification ne s'y applique pas, indépendamment de l'intention présumée du législateur. Cette approche a le mérite de la clarté, mais crée des complications, car de nombreuses modifications n'ont pas été étendues par simple inadvertance, souvent parce que la DGOM n'avait pas été consultée.

Cette situation engendre deux problèmes : le droit devient différent entre l'Hexagone et ces collectivités sans justification objective, et le lecteur du code peut être induit en erreur en pensant qu'un article applicable en Polynésie s'applique dans sa dernière version, alors qu'il s'applique dans une version antérieure non modifiée.

Les « compteurs Lifou » ou « tableaux Lifou » visent à résoudre ce problème en précisant que l'article s'applique dans sa version résultant d'une loi spécifique. Dans les codes volumineux, cela prend la forme de tableaux, pour plus de lisibilité. Cette initiative du Conseil d'État, proposée en 2011 par Jean-Éric Schoettl pour le code de la sécurité intérieure, s'est généralisée. Malgré ses inconvénients (volume, complexité), il s'agit probablement de la moins mauvaise solution.

M. Olivier Jacob. - Je souhaitais ajouter une remarque au sujet des compteurs Lifou. Cela peut paraître paradoxal de la part de la DGOM, mais nous ne sommes pas toujours très favorables à ces compteurs. Au Conseil d'État, il existe des divisions entre pros et anti-Lifou.

Il serait utile de travailler avec la direction de l'information légale et administrative (DILA) pour faciliter la lecture des compteurs et tableaux Lifou sur Légifrance. À la Direction générale des outre-mer, nous estimons qu'en matière de compétences « régaliennes », qui s'appliquent dans toutes les collectivités même celles relevant de la spécialité législative, il faudrait supprimer cette notion de « spécialité législative » pour ces lois dites « de souveraineté ». Il faudrait définir précisément ces matières régaliennes ou de souveraineté pour que la spécialité législative ne s'y applique plus, ce qui éviterait les oublis.

M. Edwin Matutano. - Je voudrais ajouter que les tableaux Lifou sont effectivement un moindre mal. Des liens hypertextes leur font défaut. Leur lecture permet une photographie de l'état de chaque disposition d'un code applicable dans une collectivité ultramarine donnée, mais avec seulement la référence à la version applicable. Le lecteur est obligé de chercher lui-même cette version. L'ajout d'un lien hypertexte pourrait suffire pour résoudre ce problème.

M. Florian Roussel. - L'alternative à Lifou est celle qu'évoquaient Olivier Jacob : la modification des statuts via une loi organique pour toutes les collectivités et l'extension de la liste des matières où le droit d'État s'applique de plein droit, notamment au droit pénal, civil, etc. Cette solution présente des avantages et des inconvénients. Il faudrait éviter de reproduire la jurisprudence du Conseil d'État du 27 octobre 2011, Société TAT, qui prévoit que les matières rendues applicables de plein droit concernent aussi les textes passés, rendant du jour au lendemain applicable tout un corpus sans étude d'impact. Le risque principal est qu'on ne se poserait plus la question des adaptations nécessaires. Par exemple, le code général de la fonction publique fait référence au code du travail et au code de la Sécurité sociale, qui ne sont pas applicables localement. Certains textes ne peuvent être applicables sans intervention du Gouvernement, ce qui nécessite toujours un effort d'adaptation.

M. Charles Froger. - Je souhaitais poser une question concernant la liste des dispositions dites de souveraineté : la révision de 2011 de la loi organique en Nouvelle-Calédonie a ajouté des domaines, en les énumérant (par ex. procédure administrative contentieuse, statuts des agents publics de l'État, etc.) relevant « des lois de souveraineté », mais cela résout-il vraiment le problème ? D'une part, la liste n'est pas exhaustive. D'autre part, lorsque, par exemple, nous évoquons la procédure administrative contentieuse comme domaine de souveraineté, qu'entendons-nous exactement ? Prenons l'urbanisme : la procédure administrative contentieuse en matière urbanisme en fait-il partie ; jusqu'où ? Même pour les statuts des agents de la fonction publique de l'État, domaine qui semble simple, des questions techniques mais importantes en pratique pour les agents, comme l'applicabilité de la prescription biennale de la répétition de l'indu de rémunération, ont soulevés des interrogations. Ces listes ne renvoient pas toujours à des notions juridiques connues, avec une jurisprudence établie. Cela améliore partiellement la situation, mais ne résout pas entièrement le problème.

M. Olivier Jacob. - Une révision constitutionnelle permettrait d'éviter de devoir réviser chaque loi organique séparément.

M. Loïc Peyen. - Comment pourrait-on pallier l'incurie et la carence dans la pensée que nous avons pointées et faire en sorte d'intégrer le réflexe ultramarin ? Cette introduction est-elle même souhaitable ?

Mme Véronique Bertile. - Cette question dépasse la codification, mais concerne tout le travail législatif où la culture outre-mer n'est souvent prise en compte qu'en fin de parcours. Lors des réunions interministérielles auxquelles j'assistais au cabinet du ministre des outre-mer, les questions ultramarines n'étaient abordées qu'à la fin, trop rapidement. L'outre-mer est souvent un impensé. Il faudrait effectivement intégrer plus tôt le réflexe et la culture outre-mer dans le travail législatif.

Mme Micheline Jacques, président. - Je propose d'instaurer une semaine des outre-mer au Parlement autour d'une proposition de loi d'actualisation qui permettrait d'aborder toutes les problématiques. Cela permettrait également d'informer nos collègues, car, actuellement, quand un texte sur l'outre-mer est discuté, l'hémicycle se vide et ne restent que les parlementaires ultramarins. Prenons l'exemple du récent texte sur la Polynésie, pourtant simple : l'affluence était minimale. Sur les textes ultramarins, l'affluence est souvent clairsemée. Cette semaine des outre-mer permettrait de mieux faire connaître ces sujets. À la délégation, nous y travaillons en associant toujours un ultramarin et un non-ultramarin pour les rapports. En déplacement, les non-ultramarins découvrent des réalités auxquelles ils ne s'attendaient pas. Ce travail de veille législative avec les référents dans chaque commission permanente constitue également une culture à mettre en place. Les collègues qui habitent en Nouvelle-Calédonie ne peuvent pas faire l'aller-retour toutes les semaines. Ils ont parfois des rythmes de présence dans leur collectivité de deux, voire trois semaines, ce qui est compréhensible. La visioconférence n'est autorisée qu'aux ultramarins de la délégation pour participer aux travaux. Nous avons encore du pain sur la planche, mais vous pouvez compter sur moi. Faut-il explorer l'utilisation de l'intelligence artificielle, qui commence à entrer dans les institutions, pour étudier dans quelle mesure elle pourrait nous aider dans la codification et la clarification des codes ?

Mme Sandrine Chaillé de Néré. - Je ne prétends pas répondre à la question de l'incurie, mais au moins à celle de l'impensé. Je rappelle que de nombreux travaux universitaires portent sur ces questions. L'État rémunère des enseignants-chercheurs dont la moitié du temps et du salaire est consacrée à la recherche. Un certain nombre sont présents ici aujourd'hui et je suis navrée de constater que le travail que nous faisons, nous avons le sentiment de le faire souvent pour rien. Le pas à franchir entre ce que nous produisons et ce qui parvient aux instances qui fabriquent la loi ne se fait pas, mal, ou trop peu.

Je peux citer quelques exemples. La question fondamentale de savoir à qui s'applique le code civil de la Nouvelle-Calédonie n'a jamais été résolue. Il y a dix ans, quand la question du transfert s'est posée, on m'a demandé de travailler sur ce sujet. J'ai produit un rapport qui propose des solutions pesant le pour et le contre de chaque possibilité. Je suis navrée de constater que, souvent, la réflexion ne se base pas sur les travaux que nous avons déjà réalisés. Il est dommage que l'État ne profite pas des personnes qu'il rémunère pour réfléchir à ces questions.

M. Olivier Jacob. - L'une de mes ambitions à la Direction générale des outre-mer, autour de la sous-direction des affaires juridiques, est justement de travailler sur cette mise en réseau entre ceux qui fabriquent la norme et ceux qui réfléchissent sur la norme. Il s'agit de l'un des objectifs que je me suis fixés.

Pour introduire ce réflexe outre-mer et le rendre obligatoire, nous pourrions en outre rendre obligatoire un volet outre-mer dans toute étude d'impact des projets de loi, avec un contrôle étroit par le Secrétariat Général du Gouvernement. Cela obligerait le service de l'État qui rédige la loi à intégrer cette dimension. Souvent, les ministères invoquent le prétexte de l'urgence. Il faudrait contraindre les ministères à prévoir un chapitre relatif à l'outre-mer, ce qui nécessiterait de modifier des textes, mais c'est une des suggestions que nous portons.

M. Romain Leatham. - Sur le sujet des études d'impact, il me semble qu'elles sont déjà censées prendre en compte les outre-mer.

M. Olivier Jacob. - Oui. Cela figure dans la circulaire du 10 juillet 2024 sur la coordination du Gouvernement en matière d'outre-mer, mais cela n'est pas bloquant. Si ces questions relatives aux outre-mer n'y figurent pas, le Secrétariat Général du Gouvernement ne va pas arrêter le processus. Il faudrait prévoir un véritable « cliquet bloquant ».

M. Romain Leatham. - Nous pouvons nous féliciter que les délégations existent, notamment les délégations aux outre-mer, car elles permettent de rapprocher les universitaires des parlementaires. Véronique Bertile a été auditionnée il y a peu de temps à ce propos.

Concernant le manque d'intérêt vis-à-vis des outre-mer et l'absence de réflexe ultramarin, je songe à un moment caractéristique : en fin d'année, lors de l'adoption du projet de loi de finances, quand vient la séance d'examen de la mission outre-mer. Tous les amendements passent alors, parce que seuls les députés ultramarins sont présents. Puis vient le 49-3 et, finalement, presque aucun amendement n'est retenu. Cette situation est vraiment caractéristique du manque d'intérêt vis-à-vis des outre-mer.

M. Edwin Matutano. - Je souscris à l'intervention d'Olivier Jacob à propos des études d'impact, ce qui soulève la question de l'évaluation de la législation. Nous étendons notre sujet au-delà de la codification, mais il me semble qu'avec un mécanisme à parfaire relatif à la recevabilité des textes, nous pourrions rendre cette rubrique des études d'impact relative aux effets attendus outre-mer prescriptive et non pas seulement un document de « soft law ».

Au-delà de cette évaluation ex ante, nous pouvons aussi songer à une généralisation de l'évaluation ex post des lois quant à leur applicabilité outre-mer. Je me tourne vers madame la Présidente de la délégation aux outre-mer du Sénat : ne pourrait-on pas envisager une évaluation des lois concernant les effets qu'elles ont produits dans les outre-mer ?

Mme Micheline Jacques, président. - Il s'agit là du rôle d'évaluateur et de contrôle du Sénat. Notre petite délégation réalise un travail extraordinaire avec une équipe restreinte. Je tiens d'ailleurs à remercier cette équipe, qui accomplit un travail remarquable, notamment sur la proposition de loi d'adaptation du droit des outre-mer.

Mme Véronique Bertile. - Ainsi s'achève notre table ronde. Merci, Madame le président, pour ce soutien aux travaux des universitaires. Je remercie également les intervenants et le public, qui a été très actif.

CLÔTURE

Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN,
professeur de droit public (Université de Bordeaux),
président de l'Association des juristes en droit des outre-mer

M. Ferdinand Mélin-Soucramanien. - Merci, Madame le président. Bonsoir à toutes et à tous. J'ai particulièrement apprécié les discussions que nous avons eues aujourd'hui, tant les interventions formelles que la table ronde, qui représente exactement ce que nous voulons faire à l'AJDOM : favoriser le dialogue entre fonctionnaires, la Direction générale des outre-mer, élus du Sénat, universitaires, jeunes, magistrats et avocats sur la question des outre-mer. Je remercie sincèrement la délégation aux outre-mer du Sénat, pour son aide précieuse apportée cet après-midi.

Concernant le thème de ce colloque, « codification et droits des outre-mer », je voudrais prendre un peu de hauteur. La codification est une histoire ancienne. Le code d'Hammurabi, vieux de 4 000 ans, étant souvent cité comme premier code, bien que certains historiens du droit débattent de cette qualification. Rémi Cabrillac, qui a enseigné à l'Université de La Réunion, fait même remonter la codification au code d'Ur-Namma, vers 2100 avant J.-C.

Si la pratique de codification est ancienne, la réflexion politique sur ce sujet est plus récente. Le premier penseur de la codification généralement cité est Jérémy Bentham, au tournant des 18ème et 19ème siècles, qui défendit cette idée pour l'Angleterre et d'autres pays, notamment la Russie, pour laquelle il produisit une consultation pour le Tsar Alexandre Ier.

La France entretient une relation particulière avec la codification. L'idée d'unité du droit et de cohérence a connu son âge d'or pendant la période napoléonienne. Comme l'explique Michel Troper, c'est « l'ère de modernité du droit », marquée par un triptyque : la Déclaration des droits de 1789, la Constitution de 1791 et le code civil des Français. Cette conception a contribué à construire la Nation française et forge encore notre image internationale. En Chine, par exemple, la France est désignée par des idéogrammes signifiant « le pays du droit » ou « le pays de la méthode ».

Concernant les outre-mer, leur droit n'échappe pas à la dégradation générale du droit national. On a évoqué un droit parfois de mauvaise qualité ou méconnu, mais cette situation n'est pas fondamentalement différente de celle du droit national dans son ensemble. La question qui se pose est de savoir si cette dégradation est plus importante pour le droit des outre-mer, ce qui n'est pas certain.

Il y a quelques années, j'avais proposé à Marc Guillaume, alors Secrétaire Général du Gouvernement, l'idée d'un code des outre-mer. Je me suis alors fait sèchement recadrer. Cette question illustre parfaitement cette ambivalence que nous connaissons tous concernant les outre-mer : ce tiraillement entre droit commun et droit local, entre aspiration à l'identité et désir de France. Les ultramarins vivent cette dualité, cet amour pour la langue et la culture françaises tout en aspirant à l'émancipation et à la reconnaissance de leur identité.

Vous avez abordé plusieurs aspects de la codification aujourd'hui. Je remercie d'ailleurs Charles Froger et Caroline Bouix d'avoir si bien défini ce sujet et cadré nos échanges. Vous avez exploré différentes notions : codification, recodification, et même « décodification ». La discussion a fait émerger : non seulement, une volonté commune d'améliorer la qualité du droit des outre-mer ; mais aussi l'idée que les codes peuvent y contribuer, soit par un code unique, soit par des codes distincts par territoire, soit encore par des codes thématiques. Mais voilà que surgit un paradoxe : cette volonté de créer des codes spécifiques pour les outre-mer va à l'encontre de l'objectif initial de la codification qui est l'unité du droit.

Dès lors, je souhaite développer ces deux points : d'une part, l'amélioration souhaitable du droit des outre-mer ; et, d'autre part, l'inaccessible unité de ce droit.

En premier lieu, s'agissant de l'amélioration souhaitable du droit des outre-mer, il est vrai que celui-ci apparaît aujourd'hui comme un « droit de broussailles », pour reprendre l'expression d'Henri Batiffol pour le droit international privé. Certains ont évoqué l'image d'un labyrinthe. Ce droit complexe nécessite des repères clairs, mais le droit des outre-mer n'est pas une exception : si ce droit est dégradé, c'est parce que le droit national l'est également. Nous sommes loin de l'époque où le droit français était extrêmement attractif. Je peux illustrer cette attractivité passée avec l'exemple de l'Égypte, où des juges français laissés par Napoléon pour régler les litiges entre français ont fini par régler les litiges des Égyptiens eux-mêmes, tant le droit français et ses juges étaient appréciés pour leur qualité. L'École de droit française au Caire existe toujours, malgré les bouleversements politiques.

Concernant le droit des outre-mer, il est peut-être encore plus problématique que le droit national. Notre Constitution de 1958, notamment les articles relatifs à l'outre-mer, pose de réelles difficultés. L'article 73, réécrit en 2003, a été qualifié par le Conseil d'État dans son avis préalable de « profondément incohérent ». Sa structure, avec un principe, une exception, puis une exception à l'exception, le rend particulièrement difficile à comprendre, même pour de nombreux élus. Quand la base juridique est déficiente, tout ce qui en découle s'en trouve affecté. On peut faire la même remarque à propos des articles 76 et 77 de la Constitution, qui renvoient à l'Accord de Nouméa. Celui-ci devient constitutionnel par ricochet. Il est vrai que les dispositions relatives à l'outre-mer sont particulièrement peu claires dans la Constitution. Dès lors, comment s'étonner de la complexité des lois organiques, des lois et des décrets ?

S'y ajoute ce qui a été mentionné notamment par Caroline Bouix et Florence Renucci sur la juxtaposition d'un droit national mobile avec un droit local figé : ce qu'on appelle parfois la cristallisation du droit. Ce phénomène, connu dans les territoires complètement décolonisés, se retrouve par exemple à Maurice, avec le code Napoléon, resté immobile après l'indépendance de 1968. Toutes les évolutions sur l'égalité successorale, l'égalité femmes-hommes ou le divorce n'ont pas été intégrées. Des professeurs ont dû venir actualiser ce corpus juridique en une fois et, encore, de manière largement incomplète. Pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, la situation est encore plus complexe, car nous sommes face à une décolonisation partielle, inachevée, où coexistent sur le même territoire un droit qui avance et un droit qui n'avance pas.

L'amélioration du droit des outre-mer ne peut que commencer par le haut, par la Constitution. Je plaidais déjà en 2003 pour une fusion des articles 73 et 74 en une « clause outre-mer » unique et pour une recodification. La meilleure proposition de réécriture vient du Sénat, dans le rapport Magras qui a été cité plusieurs reprises.

En second lieu, s'agissant de l'inaccessible unité du droit des outre-mer, l'idée d'un code unique semble compliquée au vu de la multiplication des codes dont parlait Florian Roussel. Pour ma part, je pense qu'une réécriture des articles 73 et 74 est nécessaire. Pour la Nouvelle-Calédonie, cette réécriture est indispensable, à moins d'envisager une sortie complète de la souveraineté française. La proposition actuelle vise un ancrage de la Nouvelle-Calédonie dans la République.

En ce qui concerne la codification et le droit des outre-mer, l'ambition politique manque cruellement. La France a connu deux grands élans de codification : durant la période napoléonienne et en 1989, avec la création de la Commission supérieure de codification, portée par une volonté politique forte, et notamment celle de François Mitterrand et de Robert Badinter. L'idée était alors d'exercer véritablement un « pouvoir codifiant ». Cette ambition élevée a aujourd'hui totalement disparu.

Concernant les outre-mer, l'État répond comme il peut à l'Appel de Fort-de-France du 16 mai 2022. Il le fait au cas par cas. Une ambition politique générale fait défaut, même si les délégations aux outre-mer du Sénat et de l'Assemblée portent, quant à elles, un discours cohérent et moderne. En somme, si on croise l'absence d'ambition politique à la fois pour l'entreprise nationale de codification et pour les outre-mer, le constat n'est pas bon et, de mon point de vue, nous sommes encore très éloignés de l'objectif de parvenir à une amélioration du droit des outre-mer.

ANNEXES

Codification(s) et droit(s) des outre-mer : présentation du colloque 65

La codification dans les outre-mer : état des lieux - Article de M. Edwin Matutano 67

La codification des dispositions outre-mer : une simplification vraiment impossible ? Article de M. Florian Roussel 89

Compteurs Lifou : un outil pour la lisibilité du droit en outre-mer ? L'exemple de la Polynésie française 97

Annuaire des membres de l'AJDOM 101

Liste des rapports de la délégation sénatoriale aux outre-mer (2011- 2025) 105

CODIFICATION(S) ET DROIT(S) DES OUTRE-MER :
PRÉSENTATION DU COLLOQUE

Source : ISJPS

LA CODIFICATION DANS LES OUTRE-MER : ÉTAT DES LIEUX ARTICLE DE M. EDWIN MATUTANO

Source : RDP 2022, p. 1027


Par Edwin Matutano, Docteur en droit, Avocat à la cour, Enseignant à l'Université de Lille

SOMMAIRE

I. LES CODES QUI NE SONT PAS RECENSÉS DANS UNE BASE DE DONNÉES OFFICIELLE

A. -- La notion de « code »

B. -- Les réalisations de codes « informels » ou « non officiels »

II. LES CODES MIS À DISPOSITION DU PUBLIC DANS UNE BASE DE DONNÉES OFFICIELLE

A. -- Les codes figurant sur le site « Juridoc » géré par le service de légistique et de la diffusion du droit

B. -- Les codes consultables dans « Lexpol »

C. -- Les codes mentionnés dans la base « Légifrance »

L'on sait la codification contemporaine du droit français issue du décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieure de codification1, lequel décret s'est substitué au décret n° 48-800 du 10 mai 1948 instituant une commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires.

Depuis lors, de nombreux codes ont vu le jour, d'autres ont été refondus et le processus n'est pas achevé. En outre, l'article 3, alinéa 1er de la loi n° 2000- 321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations constitue désormais le fondement législatif de la codification.

Avant même que ne soit entreprise l'oeuvre contemporaine de codification s'était posée aux codificateurs la question du droit applicable outre-mer. En effet, régies par le principe de spécialité législative, les anciennes colonies n'étaient pas, en maints domaines, intéressées par les codes en vigueur.

Le principe inverse de législation, dit de l'identité législative, a été initialement appliqué en 1946 aux quatre départements d'outre-mer alors institués (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique), ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon. De nos jours, il a, non seulement perduré pour toutes ces collectivités territoriales, quel que soit leur statut, et ce, malgré quelques exceptions s'agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais s'est trouvé étendu au Département de Mayotte. En outre, avec des exceptions, il régit également les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, détachées du département d'outre-mer et de la région d'outre-mer de la Guadeloupe. Et l'on se doit d'ajouter que le territoire de l'île de Clipperton lui est soumis2.

Ce principe a assurément simplifié la rédaction des dispositions codifiées dans les collectivités territoriales ultramarines en cause, puisque selon sa signification, toute disposition législative ou réglementaire adoptée pour la métropole y est, de plein droit, applicable. Néanmoins, son affirmation, en 1946, a dû être suivie d'une période d'alignement du droit en vigueur dans les quatre départements d'outre-mer de l'époque sur le droit commun et la codification n'y fut pas toujours facile, telle celle du Code de l'administration communale, en ce qu'elle avait trait aux communes de ces départements3. La Constitution permet, en outre, des adaptations, lesquelles, parfois, nécessitent de prévoir des dispositions spéciales pour ces collectivités territoriales.

De surcroît, la situation normative résultant de la création du Département de Mayotte, caractérisée par la soumission de principe du Département à l'identité législative, a rendu nécessaire une période faite d'extensions du droit commun, modulées selon les nécessités, allant de l'alignement complet sur le droit commun jusqu'au maintien de dispositions antérieures seulement applicables à Mayotte, en passant par la rédaction de dispositions propres à Mayotte mais se rapprochant du droit commun4.

Une telle approche, pragmatique, n'est pas sans rappeler celle qui fut suivie à propos du droit local en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Cependant, ce principe ne s'applique pas dans les collectivités territoriales d'outre-mer de Polynésie française et des îles Wallis et Futuna, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie5, non plus que dans les Terres australes et antarctiques françaises, puisque, en matière de législation, le principe de spécialité législative6 y a cours.

Aussi, la codification doit-elle tenir compte des difficultés de deux ordres que soulève l'application du droit outre-mer7. En premier lieu, certaines dispositions textuelles ne relèvent pas de la compétence de l'État dans des collectivités territoriales données, en vertu de leur statut et conséquemment, les codes édictés ne sauraient s'y appliquer de plein droit, et ce, même dans des collectivités territoriales principalement régies par le principe de l'identité législative (Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon) ; en second lieu, même lorsque l'État est compétent pour fixer les règles dans un domaine matériel circonscrit, les spécificités locales peuvent commander de ne pas y étendre le droit commun (ce qui est encore le cas du Département de Mayotte, à propos duquel se pose la question de la portée de l'importante distinction entre codification/compilation et codification/modification8).

Pour autant, le droit en vigueur localement, issu de textes nationaux ou de textes adoptés par les autorités locales, n'échappe pas à la codification9. Et c'est ainsi que sont en vigueur des codes exclusivement applicables dans une collectivité territoriale déterminée. La Commission supérieure de codification a, au demeurant, pris en considération, dès 2012, les difficultés spécifiques soulevées par la codification du droit outre-mer.

Un regard rétrospectif sur le droit colonial laisse apparaître que, déjà, la codification, dans les anciennes colonies, pouvait être revêtue de quatre acceptions possibles : l'extension d'un code déjà applicable en Métropole, la reprise substantielle de règles métropolitaines codifiées et en vigueur, assortie d'adaptations, la réalisation d'un code « mixte » et la codification des normes locales10.

De surcroît, la question du recensement de ces codes se pose, alors que l'on hésite même sur le nombre de codes en vigueur au plan national11.

Il s'agit d'une question délicate, dans la mesure où la notion de codification peut, en elle-même, être interrogée12 et recevoir des acceptions différentes selon les matières traitées. Cette réflexion n'est donc pas propre au droit de l'outre-mer et les incertitudes relatives à ses finalités, aux procédés employés afin de la mener à terme et enfin, à sa signification normative ont été questionnées et analysées par la doctrine13.

La codification peut, en effet, résulter d'une initiative privée, celle d'un éditeur, par exemple, ou d'une autorité publique locale, comme elle peut être le fruit de l'oeuvre de la codification nationale, actuellement placée sous l'égide de la Commission supérieure de codification.

Dans tous les cas, des « codes » sont libellés comme tels et il revient au légiste de faire le départ entre les uns et les autres, comme il lui est imparti de distinguer entre les codes adoptés par les autorités locales compétentes, lesquelles peuvent aussi bien relever de l'État que des collectivités territoriales et ceux pris par les pouvoirs publics constitutionnels.

Un critère de distinction, parmi les codes applicables outre-mer, permet d'isoler ceux qui ne sont pas recensés dans une base de données officielle (I) de ceux qui donnent lieu à un tel recensement (II).

I. LES CODES QUI NE SONT PAS RECENSÉS DANS UNE BASE DE DONNÉES OFFICIELLE

Ces codes présentent un aspect diversifié et leurs sources sont hétéroclites. Certains d'entre eux se présentent comme de simples compilations de textes, ordonnées de manière plus ou moins rigoureuse.

Ils font état et rendent accessibles aux administrés des normes en vigueur localement, mais leur existence rend parfois délicate la question de savoir si ce sont les normes qu'ils codifient qui font foi ou bien si ce sont les textes dont leurs auteurs se sont servis pour les concevoir.

Autrement dit, sont-ils de simples documents de travail ou présentent-ils un caractère officiel ? En toute hypothèse, ils suppléent un travail de codification officielle du droit applicable localement et émanent de l'État ou des collectivités territoriales, aussi bien que des éditeurs privés.

Il est donc important de questionner la valeur de ces textes, leur place dans l'ordonnancement juridique. Dans cette perspective, il importe de s'interroger sur la notion de « code » (A), avant d'analyser ces codes que l'on pourrait qualifier d'« informels » (B).

A. La notion de « code »

Les juristes sont à ce point accoutumés à manier cette notion et à faire usage des commodités offertes par la codification, outre la connaissance qui est la leur de l'important travail de codification officielle qui a d'ores et déjà été accompli, qu'il peut sembler étrange de s'y arrêter davantage.

Pourtant, force est de constater que le terme de « code » est indistinctement employé pour désigner une présentation officielle de textes non codifiés, abrogés par le codificateur de manière conséquente et ordonnés selon un plan logique, ainsi que des recueils de textes présentés et mis à disposition du public par des éditeurs, qui mettent ainsi dans le commerce une oeuvre originale, mais dépourvue de caractère officiel.

Le point de départ entre les uns et les autres réside dans l'initiative, les acteurs et le mode d'adoption, jusqu'à la publicité accordée à ces différents « codes » : ceux pris sur l'initiative du gouvernement ont été soumis à la Commission supérieure de codification précitée, interviennent de nos jours par ordonnance, sont réalisés à droit constant14 et sont publiés au Journal officiel, cependant que les autres résultent d'une initiative privée, celle d'un éditeur, donc d'un commerçant.

Dans les deux cas, l'objectif est le même, faciliter l'accès au droit et rendre plus aisé le travail des praticiens.

L'on observera toutefois que les différences essentielles précitées relatives aux statuts respectifs de ces « codes » ne sont pas perçues des non-juristes et qu'elles leur échappent.

Cette distinction est bien connue à propos de règles de portée nationale. Dans certains domaines, les pouvoirs publics se sont saisis de la codification, l'ont engagée et achevée, dans d'autres, leur défaillance est heureusement suppléée par les initiatives des éditeurs juridiques.

Toutefois, les codes établis par des éditeurs qui exposent le droit applicable outre-mer sont rares15, en raison de l'étroitesse des marchés potentiels. À cet égard, le précédent du Code du droit local alsacien-mosellan par l'éditeur LexisNexis, en 2019, en collaboration avec l'Institut du droit local, pourrait pertinemment servir de référence pour les codes applicables localement dans une seule collectivité territoriale ultramarine.

De surcroît, rappelons-le, notre propos est plus large et dépasse le cadre des initiatives « privées » de codification. Elle englobe les assez nombreuses et méconnues codifications que l'on doit à l'initiative d'autorités publiques, sans avoir fait l'objet d'un classement dans une base de données consultable par les usagers.

C'est cette diversité que les réalisations recensées outre-mer mettent en exergue.

B. Les réalisations de codes « informels » ou « non officiels »

Ces codes ont en commun de ne pas être formellement insérés dans un programme de codification émanant des pouvoirs publics locaux et de ce point de vue, ils présentent un degré de similitude avec les codes conçus par des éditeurs juridiques.

Leur réalisation, de surcroît, ne répond pas à quelque modèle qui aurait été dessiné par une autorité officielle, nationale ou locale. Elle apparaît, au contraire, comme empirique. Aussi leur contenu n'est-il pas placé sous le signe de l'homogénéité de plan, d'autonomie par rapport aux textes qui y sont codifiés, de l'usage des symboles ou d'ordre de la numérotation.

L'on peut, toutefois, distinguer parmi eux, les codes issus d'une initiative personnelle, ce qui est assez singulier, des codes qui sont le fruit d'un travail mené par les autorités administratives en fonctions localement, élues et représentantes des services déconcentrés de l'État.

1. Une codification résultant d'une initiative personnelle

Il s'agit, en premier lieu, d'un code élaboré sur une initiative purement privée, celle d'un enseignant au lycée Paul Gauguin de Papeete, Monsieur Cetout-Gérard. Ce dernier a conçu le Code de l'éducation pour la Polynésie française, dont la première édition remonte à 2015. En 2017, fort de 790 pages, il abordait sa troisième édition et contenait des textes codifiés dans le Code de l'éducation, c'est-à-dire, des normes nationales, des textes pris par les autorités territoriales de la Polynésie française, ainsi que des textes non publiés.

Sans l'initiative personnelle de ce juriste, cette matière importante n'aurait pu être mise à la disposition du public et le travail qu'il accomplit, convient-il de le préciser, repose sur des textes consolidés, régulièrement mis à jour. C'est ainsi que l'édition 2017 inclut la loi du pays n° 2017-15 du 13 juillet 2017 relative à la Charte de l'éducation de la Polynésie française.

Et il n'est pas indifférent de relever qu'une loi du pays n° 2011-22 du 29 août 2011 portant approbation de la Charte de l'éducation, qui avait prévu l'intervention d'un Code territorial de l'éducation, fut expressément abrogée par l'article LP 36 de la loi du pays précitée du 13 juillet 2017, sans que ledit Code eût été élaboré et adopté.

Aussi l'oeuvre de M. Cetout-Gérard peut-elle être qualifiée de mission de service public assurée par une personne privée16, rendue nécessaire en raison de la défaillance des personnes publiques à la mener à bien.

2. Les codifications administratives éparses et hétérogènes

En deuxième lieu, l'on aborde une série de codes, dont le point commun réside dans la possession d'une double caractéristique de leur part : ils ne sont pas officiels, mais, pour autant, ils sont l'oeuvre d'autorités publiques exerçant leurs compétences localement.

Il s'agit :

- en Polynésie française, du Code des communes de la Polynésie française ;

- à Wallis-et-Futuna, du Code territorial de la route, du Code territorial des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme, du Code de l'environnement et du Code des douanes ;

- à Saint-Pierre-et-Miquelon, du Code des douanes, du Livre des procédures fiscales, du Code local des impôts et du Code local des investissements ;

- à Saint-Barthélemy, du Code de l'urbanisme, du Code des contributions, du Code de la route et du Code de l'environnement ;

- à Saint-Martin, du Code du tourisme, du Code de l'urbanisme, ainsi que du Code général des impôts.

Il est à noter que l'administrateur des Terres australes et antarctiques françaises n'a, à ce jour, pas édicté de « code ».

a. Code des communes de la Polynésie française

Ce code est un bon échantillon de document de travail réalisé par les services du haut-commissariat de la République en Polynésie française, à partir, principalement, des dispositions du Code général des collectivités territoriales applicables auxdites communes et incluant également des dispositions du Code de la construction et de l'habitation ou des dispositions non abrogées du Code des communes, ou encore des extraits de l'ordonnance n° 2007- 1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du Code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics, ainsi que de la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française et de la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française.

Les textes sont présentés sous leur forme consolidée, les sources de chaque article sont indiquées, des annotations faites par les services de l'État dans la collectivité territoriale y sont apposées, il est expressément indiqué en bas de chaque page que le document a uniquement une valeur d'information ; en outre, celles des dispositions qui ne sont pas encore entrées en vigueur au jour de la mise en ligne - dont la date est mentionnée - sont signalées au lecteur par l'usage d'une couleur déterminée et une « indexation alphabétique du CGCT » suit la compilation de textes.

Il ne s'agit pas d'une codification complète, puisque chaque texte ou fragment de texte est inséré sans qu'une liaison soit opérée avec les autres textes ; il n'y a pas de coordination entre eux. L'on préférerait le terme de « compilation » à celui de « code », cependant employé localement. Il s'agit d'un vade mecum du droit applicable aux communes de la Polynésie française, dont l'ossature première est constituée par des articles du Code général des collectivités territoriales.

b. Code territorial de la route de Wallis-et-Futuna

Ce code se présente comme une oeuvre de conception plus complexe.

En la forme, il est issu d'une délibération n° 42/AT/2011 de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna en date du 13 décembre 2011 portant adoption du Code territorial de la route. Cette délibération a été approuvée par arrêté n° 2011-469 du 26 décembre 2011 pris par l'administrateur supérieur de la collectivité territoriale17.

Le Code territorial de la route, matériellement, figure en annexe à la délibération précitée du 13 décembre 2011. La délibération de l'assemblée territoriale de la collectivité, son annexe, ainsi que l'arrêté de l'administrateur supérieur du 26 décembre 2011 ont été publiés au Journal officiel du territoire de Wallis-et-Futuna du 31 décembre 2011 (p. 12312, s'agissant de la délibération et de l'arrêté).

La compétence de l'assemblée territoriale de la collectivité territoriale18 résulte des dispositions combinées des 17° et 19° de l'article 40 du décret n° 57- 811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna. Ces dispositions ont été expressément validées par l'article 12 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer. En outre, c'est selon les dispositions de l'article 16 de cette même loi du 29 juillet 1961 que l'administrateur supérieur a compétence pour approuver les délibérations de l'assemblée territoriale. À défaut de l'accomplissement de cette règle de forme, les délibérations de l'assemblée territoriale ne sont pas définitives.

Ratione materiae, le Code territorial de la route comporte deux parties : la première s'intitule par elle-même « Dispositions nationales » et contient des dispositions, législatives et réglementaires, extraites du Code de la route qui sont reproduites.

Il a été procédé à cette reproduction sans adaptation et la numérotation des articles est celle du Code de la route. Il s'agit donc d'une transplantation du droit national.

La deuxième partie contient des dispositions purement locales. Celles-ci sont numérotées de manière continue selon un plan ad hoc et cette deuxième partie est riche de 204 articles.

Il est permis de se demander si la première partie du code, intitulée : « Dispositions nationales » pourrait être librement modifiée par l'assemblée territoriale.

La question mérite d'être soulevée, puisque cette partie se contente de reproduire des dispositions législatives et réglementaires dont les auteurs sont le Parlement et le Premier ministre. Et l'absence de renumérotation lors de la reproduction pourrait laisser accroire l'idée d'une impossibilité, pour incompétence, de la part des autorités territoriales, de procéder à leur modification.

Néanmoins, l'article 41 du décret du n° 57-811 du 22 juillet 1957 dispose, en son deuxième alinéa : « Les lois et décrets relatifs aux matières énumérées à l'article 40 du présent décret restent toutefois en vigueur, avec valeur de règlements territoriaux. Ces règlements peuvent être abrogés ou modifiés par délibérations de l'assemblée territoriale. ». En conséquence, par délibération de l'assemblée territoriale, approuvée par arrêté de l'administrateur supérieur, cette première partie du Code territorial de la route pourrait être modifiée, nonobstant la nature et le rang des normes qui forment son contenu.

c. Code territorial des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme de Wallis-et-Futuna

Ce code est bâti sur le même schéma.

C'est par la délibération n° 27/AT/90 du 21 décembre 1990 de l'assemblée territoriale de la collectivité publique, approuvée par l'arrêté de l'administrateur supérieur n° 91-040 du 18 février 1991, que ce code a été édicté.

L'article 1er de la délibération du 21 décembre 1990 indique la procédure suivie aux fins de la codification et, curieusement, elle désigne les phases relevant respectivement de la compétence de l'assemblée territoriale et de celle de l'administrateur supérieur de « parties » de cette codification. Cette désignation prête quelque peu à confusion, car il serait loisible de penser que le code en question fût, pour sa première partie, issu d'une délibération de l'assemblée territoriale et pour sa seconde partie, le fruit d'un arrêté de l'administrateur supérieur.

Or, il n'en est rien. Le Code territorial des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme est tout entier issu de l'acte de l'assemblée territoriale, approuvé par arrêté de l'autorité exécutive de la collectivité territoriale, en conformité avec les dispositions précitées de l'article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 et des articles 12 et 16 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 196 1.

Sur le plan de la technique suivie pour sa rédaction, le code suit une numérotation propre et continue, chaque article étant précédé de la lettre « D » en majuscule, symbolisant l'origine de la norme, une délibération de l'assemblée territoriale. Rien n'indique dans son contenu la reprise de dispositions en vigueur au plan national.

À l'analyse, davantage qu'un « code », ordonnant selon un plan déterminé et logique des dispositions de textes précédemment non codifiés, ainsi qu'il est d'usage, pour les auteurs d'une codification, de le faire, ce texte se présente sous la forme d'un texte indépendant, libellé « code », mais qui n'en possède pas les attributs habituels. C'est ainsi qu'aucune de ses dispositions n'indique qu'il se substitue et donc, abroge, des textes réglementaires précédemment en vigueur sur le territoire des îles Wallis-et-Futuna.

Toutefois, s'il s'écarte ainsi de la codification suivie à l'échelle nationale depuis 1989, il renoue en revanche avec l'idée d'un ensemble de règles constituant un corpus cohérent, sans que cet ensemble soit élaboré à droit constant.

Il n'en demeure pas moins que le Code territorial des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme de Wallis-et-Futuna ne comporte pas même une « disposition balai » dont l'objet serait d'abroger toutes dispositions à lui contraires.

d. Code de l'environnement de Wallis-et-Futuna

Ce code est le fruit d'un travail plus long et ardu, comprenant cinq livres et trois annexes.

À l'inverse du précédent code étudié, il englobe des dispositions issues de règles de sources différentes.

Si sa numérotation est continue, l'origine de chaque norme codifiée est signalée par une série de symboles, expliquée dans un « chapitre préliminaire ». Ainsi :

- les numéros d'articles précédés de la lettre « E » en majuscule sont issus de délibérations de l'assemblée territoriale ;

- ceux précédés des deux lettres « ES » en majuscule, sont issus de normes de souveraineté au sens de l'article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, c'est- à-dire de celles des normes nationales destinées en raison de leur objet à s'appliquer de plein droit et sans mention expresse dans la collectivité territoriale de Wallis-et-Futuna ;

- ceux précédés des deux lettres majuscules « EL » proviennent de lois et ordonnances ratifiées rendues applicables dans la collectivité territoriale selon le principe de spécialité législative ;

- ceux précédés des deux lettres « ER » sont issus de décrets en Conseil d'État étendus expressément dans la collectivité territoriale selon le même principe ;

- ceux précédés des deux lettres majuscules « ED » émanent de décrets simples étendus également en vertu de ce principe ;

- ceux précédés des deux lettres majuscules « EA » provenant pour leur part d'arrêtés ministériels eux aussi rendus applicables à Wallis-et-Futuna par une mention expresse ;

- ceux précédés des trois lettres majuscules « EHC » sont issus du haut-commissaire de la République dans l'Océan Pacifique ;

- ceux précédés des trois lettres majuscules « EAS » sont extraits d'arrêtés de l'administrateur supérieur de la collectivité territoriale.

Il est intéressant de relever que s'agissant des articles issus de normes édictées par l'État, la technique de codification suivie n'est pas homogène.

Tantôt, le code indique simplement, au moyen des symboles précités que l'article est issu, par exemple, d'une norme de souveraineté et il reproduit la règle, sans en indiquer la source précise (ex. : art. ES. 110). Le lecteur ne peut identifier la loi ou l'ordonnance ou le décret qui constitue la source de cet article au moyen d'un « historique » mentionné entre parenthèses.

Parfois, le code, adoptant la numérotation précitée et expliquée dans son chapitre préliminaire, reproduit des articles de dispositions de textes étatiques rendues applicables dans la collectivité territoriale en indiquant la source (ex. : art. EL. 500-1 qui reproduit les dispositions des articles L. 711-1 à L. 713-9 du Code de l'environnement).

Ailleurs, de manière plus déconcertante, le code s'affranchit de la nomenclature qu'il définit lui-même dans son chapitre préliminaire, codifiant, sous une numérotation ad hoc, des dispositions de codes en vigueur au plan national, mais en faisant précéder les articles en question de la seule lettre « L », à l'instar de l'auteur du code pilote (ex. : art. L. 224-1 qui reproduit et incorpore l'article L. 632-1, I du Code de l'environnement).

L'usage de cette dernière technique impose une rupture dans la lecture, préjudiciable à la bonne compréhension du texte. Le codificateur local n'a pas accompli totalement le travail de coordination nécessaire : il a affecté les dispositions en cause d'une numérotation propre au code élaboré (le code suiveur), mais a usé du symbole du code recopié.

e. Code des douanes de Wallis-et-Futuna

Avec ce code, l'on aborde un texte dont la construction diffère encore quelque peu des précédents. Comme son prédécesseur, il emprunte au Code des douanes de droit commun et son contenu alterne entre dispositions locales, adoptées par l'assemblée territoriale et reprises d'articles du Code des douanes de droit commun.

La numérotation est également continue. Il y a lieu de souligner que pour la clarté et l'intelligibilité du texte, lorsqu'un article du Code des douanes de droit commun est inséré, figure, sous son numéro, le numéro d'origine de l'article dans le Code des douanes. De la sorte, il est signalé au lecteur qu'il s'agit d'une reprise du droit commun, dont la source est pleinement identifiée.

Les symboles de codification ne sont cependant pas aussi élaborés que dans le Code de l'environnement. L'usage suivi consiste à numéroter les articles sans les faire précéder de lettres. Et il n'y a pas de grille de lecture parmi les premiers articles, dans un chapitre préliminaire, qui guiderait l'usager sur les sources textuelles ayant servi à l'adoption du code.

Il convient de noter que le dernier article, portant le numéro 283, abroge, en son premier alinéa, « les dispositions des textes antérieurs applicables sur le Territoire qui sont contraires à certaines des dispositions reprises dans le présent Code », formule dont la portée et la signification sont atténuées par l'utilisation de l'adverbe « certaines ». En effet se pose la question de savoir lesquelles, parmi les dispositions du Code des douanes de Wallis-et-Futuna, peuvent entraîner cette série d'abrogations. En outre, l'adjectif « reprises » laisse entendre que la contrariété des normes antérieures localement applicables doit être appréciée au regard des seules dispositions du droit commun insérées dans ce Code des douanes local.

Enfin, il convient d'observer que le second alinéa de l'article 283 présente un caractère allusif, puisqu'il dispose : « Dans tous les cas non prévus par le présent Code, les dispositions applicables antérieurement restent en vigueur ».

Il en résulte que si une disposition antérieure n'est pas abrogée expressément par le Code des douanes de Wallis-et-Futuna ou si elle ne lui est pas contraire, elle demeure en vigueur. Si cette hypothèse, prise isolément, paraît fondée, son articulation avec le premier alinéa de l'article 283 précité apparaît en revanche plus compliquée. L'on a vu, en effet, que le premier alinéa ne paraissait n'avoir considéré comme normes de référence que les dispositions du code « reprises » du droit commun ; or, le second alinéa est rédigé de manière plus générale. Il semble que le second alinéa évalue la validité du droit antérieur à l'aune de l'ensemble des dispositions du Code des douanes de Wallis-et-Futuna et non pas au regard de celles qui seraient « reprises », c'est-à-dire, reprises du droit commun si telle est bien la volonté du codificateur local.

f. Code des douanes de Saint-Pierre-et-Miquelon

Le Code des douanes applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon présente un assemblage analogue de dispositions locales et de dispositions de droit commun.

Il comporte deux parties. La première est constituée de dispositions prises par les autorités locales (délibérations du conseil territorial, arrêtés du président du conseil territorial et arrêtés du préfet), cependant que la seconde est formée de dispositions du Code des douanes de droit commun applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon.

À l'examen de la première partie, il apparaît que quelques dispositions sont issues de lois, qui s'appliquent à Saint-Pierre-et-Miquelon et dont l'insertion dans la première partie du code répond à une logique certaine. Plus globalement, la numérotation est continue et la version disponible du Code des douanes de Saint-Pierre-et-Miquelon indique les modifications intervenues de ses dispositions et leurs sources.

Il y a lieu de mentionner les deux derniers articles de cette première partie (art. 176 et 177) qui, respectivement, règlent la question du droit transitoire (art. 176) et l'usage des instructions administratives métropolitaines pour l'application de la première partie du code (art. 177).

L'article 176 maintient provisoirement en vigueur des dispositions antérieures au code pour l'application desquelles des délibérations du conseil territorial, des arrêtés du président de ce dernier ou des arrêtés préfectoraux ne sont pas encore intervenus à la date de son édiction. L'article 177 dispose pour sa part que, pour l'application de ses dispositions, les instructions administratives métropolitaines pourront servir de référence « mutatis mutandis ».

La seconde partie, contenant des dispositions de droit commun, est d'une moindre compréhension. En effet, elle débute par un article 7, sans que les rédacteurs aient signalé ce qu'il était advenu des six premiers articles, qui ne figurent même pas en « carcasse ». Puis, l'article suivant porte le numéro 38, sans transition. Et la construction de cette partie repose sur le même schéma.

En réalité, le codificateur a compilé les dispositions issues du droit commun, à la suite les unes des autres, en négligeant de les renuméroter. La difficulté tient dans la circonstance suivante : la deuxième partie du code ne commence pas par une titulature qui permettrait au lecteur de comprendre quels textes de droit commun sont reproduits en infra. Cette technique de rédaction vaut aussi pour la fin : le dernier article reproduit n'est suivi d'aucune autre disposition explicative ou finale.

La seconde partie est une pure compilation et la coordination entre les deux parties du code est à parfaire.

g. Code local des impôts, Livre des procédures fiscales et Code local des investissements de Saint-Pierre-et-Miquelon

Ces codes d'application locale dans l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été réunis en un support unique. Le Code local des investissements forme une annexe au « super-code » juxtaposant le Code local des impôts et le Livre des procédures fiscales.

Ce corpus de règles applicables localement est coordonné et constitue un instrument pratique à l'attention des usagers.

h. Code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy

Comme les autres codes propres à cette collectivité territoriale - caractérisée par une mixité de régime législatif, entre identité et spécialité législatives -, ce code figure sur le site de la collectivité territoriale, dans un onglet « Codes et règlements ». À défaut de constituer une véritable base ordonnée, à l'instar de « Légifrance », cela permet aux utilisateurs d'avoir accès à l'ensemble des textes émis par les autorités territoriales. Son existence est due aux compétences détenues par la collectivité territoriale en vertu de l' article LO. 6214-3 du Code général des collectivités territoriales.

Sa numérotation et son plan sont originaux ; en annexe, approuvée par une délibération du conseil territorial, il comporte les dispositions du Code de l'urbanisme qui sont applicables à Saint-Barthélemy. Il est indiqué, pour chaque article, s'il a été modifié, quelle délibération du conseil territorial a procédé à cette modification, entre parenthèses ; il en va de même lorsqu'un article a été abrogé.

Il convient d'observer que dans le Code lui-même et dans son annexe précitée, les dispositions de droit commun en matière d'urbanisme, sont désignées par l'appellation « Code national de l'urbanisme », qui n'est pas reçue. En effet, les dispositions du droit commun codifiées sont désignées comme formant le « Code de l'urbanisme ».

i. Code de la route de Saint-Barthélemy

Ce code consiste en un ajout à la plupart des dispositions de droit commun, de dispositions particulières, prises par délibération du conseil territorial.

La définition du champ d'application de ce code, par son article 3, témoigne de l'imbrication des dispositions de droit commun et de celles émanant des autorités territoriales.

j. Code des contributions de Saint-Barthélemy

Pour sa part, ce code établit, de manière ordonnée, l'ensemble de règles de droit fiscal applicable à Saint-Barthélemy et les renvois aux dispositions de droit commun (Livre des procédures fiscales, Code pénal) sont parfaitement intelligibles.

k. Code de l'environnement de Saint-Barthélemy

Ce code présente les mêmes caractéristiques, étant observé, cependant, que celles de ses dispositions nécessitant une articulation avec des dispositions de droit commun (cf. chap. 3, intitulé « Sanctions », du titre 9) ne départagent pas avec netteté - en dépit des indications notant la source des articles codifiés - les normes d'origine de l'oeuvre du codificateur local.

C'est ainsi que, au sein du chapitre 3 du titre 9, deux articles, repris de dispositions figurant, respectivement, dans les parties législative et réglementaire du Code de l'environnement de droit commun, sont précédés des lettres « L. » et « R ». Ils sont les seuls dans ce cas. Si l'on comprend la logique suivie par l'auteur de la codification, il n'en demeure pas moins que ces insertions rompent le déroulement de la numérotation adoptée. À tout le moins, eût-il été plus aisé de ne pas la faire précéder des signes précités, empruntés à la codification de droit commun et non adoptés, par ailleurs, par le Code de l'environnement de Saint-Barthélemy et d'indiquer, dans le second article, issu d'un décret, qu'il constituait la mesure d'application de l'article issu d'une disposition législative.

l. Code du tourisme de Saint-Martin

Ce code est issu d'une délibération du conseil territorial de cette collectivité ultramarine en date du 7 juillet 2011, qui a expressément rendu applicables à Saint-Martin les dispositions de droit commun du Code du tourisme dans leur version au 1er janvier 2011. Il s'agit donc de l'acte d'édiction de ce code d'application locale.

L'on notera que les délibérations et décisions des organes de la collectivité territoriale qui, subséquemment, entendent le modifier n'atteignent pas leur objectif.

Ce dernier n'apparaît, en effet, qu'au travers de leurs titres, sans que leurs dispositions se rattachent à des dispositions codifiées précises qui seraient modifiées.

Aussi, les dispositions nouvelles, sur le plan formel, sont-elles situées latéralement au Code du tourisme, davantage qu'elles n'en modifient le contenu, ce qui soulève la question de la portée de la codification.

m. Code de l'urbanisme de Saint-Martin

Ce code19 a, pour sa part, été adopté en vertu d'une délibération du conseil territorial du 23 décembre 2014, dont il constitue l'annexe.

Toutefois, cette annexe n'est pas reproduite et n'est donc pas consultable en ligne, ce qui ne satisfait pas aux objectifs de la codification, censée faciliter l'accès au droit.

n. Code général des impôts de Saint-Martin

Ce code ne paraît pas disposer de la même autonomie sur le plan normatif.

Il s'agit plutôt d'une dénomination figurant dans les libellés des délibérations du conseil territorial de Saint-Martin venant modifier ou adapter, dans la collectivité territoriale, les règles de droit commun du Code général des impôts et du Livre des procédures fiscales.

Par conséquent, le « Code général des impôts » n'existe pas réellement. Il pourrait s'agir d'un projet, réunissant les dispositions des deux codes de droit commun précités, augmentées des dispositions issues des actes de la collectivité territoriale de Saint-Martin venues les enrichir.

L'on relève ainsi, des pratiques diverses, selon la matière, régnant au sein de l'ensemble de normes applicables sur le territoire d'une même collectivité territoriale.

Qu'il s'agisse de l'exercice de leurs compétences par des autorités de l'État ou de la collectivité territoriale20, les acceptions sont nombreuses, qui affectent la notion de « code » et en amodient singulièrement la portée selon le parti pris rédactionnel retenu.

II. LES CODES MIS À DISPOSITION DU PUBLIC DANS UNE BASE DE DONNÉES OFFICIELLE

L'on s'intéresse ici à deux types de corpus. Le premier est formé des codes émanant des organes de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française21, accessibles sur les sites de mise en ligne du droit et similaires à « Légifrance » : « Juridoc » en Nouvelle-Calédonie (A) et « Lexpol » en Polynésie française (B). Le second est constitué des codes, qui sont applicables localement outre-mer, mais qui sont édictés par des lois nationales et figurent donc sous « Légifrance » (C).

Avant que d'en présenter l'économie, nous soulignerons d'intérêt qui s'attacherait à ce que, soit l'État, par l'intermédiaire de Légifrance, soit les collectivités territoriales en cause (Martinique, Guyane, département et région de Guadeloupe), puisse proposer aux utilisateurs des codes annotés mentionnant les dispositions législatives et réglementaires, qui ont fait l'objet, sur le fondement de l'article 73, alinéa 2 de la Constitution, d'adaptations ou les dispositions issues de règles fixées, en application du troisième alinéa de ce même article 73, par ces collectivités territoriales régies, pourtant, par le principe d'identité législative, mais auxquelles une certaine autonomie normative est accordée22.

A. Les codes figurant sur le site « Juridoc » géré par le service de légistique et de la diffusion du droit

Le site « Juridoc » a été institué par l'article 5, alinéa 2 de l'arrêté n° 2009-2339/GNC du 5 mai 2009 relatif à l'organisation et fixant les attributions de la direction des affaires juridiques du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie23. Son fonctionnement est placé sous la responsabilité du service de légistique et de la diffusion juridique de cette dernière direction, qui en assure la mise en ligne, la veille et l'actualisation des contenus, l'activité de webmestre et le suivi des évolutions fonctionnelles.

Les codes mis en ligne sur « Juridoc » sont ordonnés selon les trois divisions suivantes.

Un premier regroupement est intitulé : « Codes de compétence de l'État (version applicable en Nouvelle-Calédonie) » ; une deuxième catégorie est libellée : « Codes de compétence de Nouvelle-Calédonie » ; la troisième et dernière série est dénommée : « Codes de compétence provinces ».

Cette présentation en trois volets répond aux compétences respectives des trois degrés normateurs que sont l'État, la Nouvelle-Calédonie et les provinces, ce que traduit la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, son article 20 consacrant la compétence d'attribution des provinces, l'article 21 donnant une compétence à l'État dans les domaines qu'il mentionne expressément et l'article 22 procédant de même à propos de la Nouvelle-Calédonie.

a. Codes de compétence de l'État

La catégorie des codes de la compétence de l'État sur « Juridoc » groupe :

- le Code de la route ;

- le Code des communes de Nouvelle-Calédonie ;

- le Code de la consommation ;

- le Code de justice pénale des mineurs ;

- le Code des relations entre le public et l'Administration, dont deux versions sont présentées :

ï celle applicable aux relations du public avec les organismes publics et privés chargés par l'État et les communes d'une mission de service public,

ï celle applicable aux relations du public avec la Nouvelle-Calédonie et les provinces24.

b. Codes de compétence de la Nouvelle-Calédonie

Au nombre des codes de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, figurent :

- le Code agricole et pastoral de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code des assurances ;

- le Code civil ;

- le Code de la route de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code de commerce ;

- le Code de la consommation de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code minier de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code des pensions de retraite des fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie ;

- le Code de la propriété intellectuelle ;

- le Code du travail de la Nouvelle-Calédonie25 ;

- le Code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie.

c. Codes de compétence des provinces

Pour leur part, les codes édictés par les provinces comprennent :

- pour la province des îles Loyauté :

ï le Code du développement économique de la province des îles Loyauté,

ï le Code de l'environnement de la province des îles Loyauté,

ï le Code des aides à l'habitat des îles Loyauté ;

- pour la province Nord, le Code de l'environnement de la province Nord ;

- pour la province Sud :

ï le Code des aides pour le soutien de l'économie en province Sud,

ï le Code des aides à l'habitat en province Sud,

ï le Code des débits de boissons dans la province Sud,

ï le Code de l'environnement de la province Sud.

Il doit être observé que le Code de la route et le Code de la consommation sont présentés comme des codes, et de la compétence de l'État et de celle de la Nouvelle-Calédonie.

S'agissant du Code de la route, cette dualité s'explique en raison du fait que certaines dispositions relèvent de la compétence de l'État et ont été présentées comme composant le Code de la route national tel qu'applicable en Nouvelle-Calédonie, tandis que le Code de la route de la Nouvelle- Calédonie est formé de règles édictées par la collectivité néo-calédonienne.

La redondance du Code de la consommation trouve sa raison d'être dans la circonstance tenant à ce que, antérieurement, ce code relevait de la seule compétence de l'État. L' ordonnance n° 2017-269 du 2 mars 2017 et le décret n° 2017-1166 du 12 juillet 2017 ont exclusivement étendu à la Nouvelle- Calédonie les dispositions du Code de la consommation relevant encore du champ de compétence de l'État ; cette codification nouvelle est mentionnée sur le site comme constitutive du Code de la consommation de l'État. En revanche, les dispositions du Code de la consommation anciennes sont présentées comme formant le Code de la consommation de la Nouvelle-Calédonie.

Un examen analytique permet de mettre en exergue les caractéristiques suivantes : le Code de la consommation et le Code de la route de la compétence de l'État ne reproduisent que certaines de leurs dispositions, en respectant les plans respectifs de chacun de ces codes d'origine, ce qui aide au repérage lors de leur consultation, en signalant, parmi les articles mentionnés, dans leur numérotation originelle, ceux qui ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie.

Le Code de la route de la Nouvelle-Calédonie contient des dispositions issues de textes adoptés par les autorités de la Nouvelle-Calédonie. Ce faisant, il utilise deux types de numérotation pour chacune des parties qu'il comporte. Celle afférente à la première partie lui est propre et est assortie de précisions sur les abrogations, expresses ou implicites, dont les « histos » sont très explicites pour le lecteur. Celle qui se rapporte à la seconde partie, en revanche, s'appuie sur la numérotation du Code de la route de l'État en faisant précéder les articles numérotés de la lettre « R », à l'image des dispositions des codes de droit commun issues de décrets en Conseil d'État.

Le Code de la consommation de la Nouvelle-Calédonie présente les dispositions du Code de la consommation de droit commun qui sont en vigueur en Nouvelle-Calédonie et qui, à ce jour, relèvent de la compétence de la collectivité publique ultramarine, même si cette orientation n'est pas précisée dans un préambule. En toute hypothèse, la dualité de codes dans ce domaine n'est pas clairement expliquée aux utilisateurs de la base de données.

Enfin, il y a lieu de relever que « Légifrance » publie également un « Code des communes de Nouvelle-Calédonie » ; or, ni ce site ni « Juridoc » ne signalent l'existence d'une version sur l'autre site.

B. Les codes consultables dans « Lexpol »

Cette base de données, gérée par la collectivité territoriale au titre du service public d'accès au droit en Polynésie française, a été créée par arrêté du président de la Polynésie française n° 345 CM du 8 juin 2005 portant création d'une banque de données juridiques au secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française26.

Cet arrêté énumère les actes qui doivent y figurer, au nombre desquels les délibérations et lois du pays de l'assemblée de la Polynésie française, ainsi que les arrêtés du conseil des ministres ; en outre, un fac-similé du Journal officiel de la Polynésie française fait partie de ce fonds consultable en ligne.

S'agissant des codes, sont mis en ligne deux types de codes : d'une part, des codes émanant de l'exercice, par la collectivité territoriale, de ses compétences, en application de son statut et d'autre part, des codes édictés par l'État en tant qu'ils sont applicables en Polynésie française.

Au titre des premiers, sont recensés :

- le Code de l'aménagement ;

- le Code des assurances ;

- le Code du commerce ;

- le Code des communes ;

- le Code de la concurrence ;

- le Code des douanes ;

- le Code de l'environnement ;

- le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le Code des impôts ;

- le Code polynésien des marchés publics ;

- le Code minier ;

- le Code du patrimoine ;

- le Code des ports maritimes de la Polynésie française ;

- le Code des postes et télécommunications en Polynésie française ;

- le Code de procédure civile ;

- le Code de la propriété intellectuelle de la Polynésie française - Première partie relative à la propriété littéraire et artistique ;

- le Code de la route ;

- le Code de la santé.

Au titre des seconds, l'on compte :

- le Code de l'action sociale et des familles ;

- le Code de la consommation ;

- le Code de la construction et de l'habitation ;

- le Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le Code forestier ;

- le Code minier ;

- le Code des postes et des communications électroniques ;

- le Code de procédure civile ;

- le Code de la route ;

- le Code de la santé ;

- le Code des transports (transport et navigation maritimes) ;

- le Code de l'urbanisme.

S'agissant des codes de l'État en vigueur en Polynésie française, il faut remarquer qu'ils sont de facture diverse. Certains « codes » sont des textes de l'État portant sur une matière donnée et rendue applicable en Polynésie française27 ; d'autres sont la mise en ligne de codes de droit commun dans l'état de rédaction qui était le leur avant que la Polynésie française n'exerce ses compétences ; d'autres, enfin, forment des compilations réalisées par le secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française, afin de rendre accessible le droit en vigueur à ses usagers.

Ainsi, le même vocable rend compte de trois réalités différentes et renvoie à trois contenus normatifs distincts, chacun d'eux possédant sa propre fonctionnalité.

Par ailleurs, des doublons sont à signaler, ce qui soulève la question de l'articulation entre le texte d'origine étatique et celui émis par la Polynésie française.

Ainsi, le Code de la route relevant de la compétence locale a été édicté par une délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française n° 85- 1050 AT du 24 juin 1985 portant réglementation générale sur la police de la circulation routière modifiée.

L'examen de ses dispositions amène à constater qu'il n'y a pas de renvoi qui soit opéré avec le Code de la route national. L'enjeu est important, puisque le Conseil d'État ne corrige pas une erreur matérielle commise par le législateur constituée par un renvoi erroné à des dispositions lors d'une codification28.

Et si l'on prête attention au Code de la route de l'État, un avertissement préliminaire avise les lecteurs de ce qu'il s'agit d'un travail de consolidation réalisé par le secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française, à partir des informations publiées au Journal officiel de la Polynésie française et sur le site Legifrance.gouv.fr et il est spécifié que ce travail n'a qu'une valeur informative.

Cet avertissement est essentiel et sa présence, nécessaire, est à signaler. Il n'en demeure pas moins que le « Code de la route de l'État », opération de recueil de textes consolidés coexiste avec le Code de la route polynésien et qu'une articulation entre ces deux supports éponymes fait défaut.

La situation est analogue si l'on compare le Code des postes et télécommunications en Polynésie française, fruit de l'exercice, par la Polynésie française, de ses compétences et le Code des postes et des communications électroniques présenté comme émanant de l'État.

Ce dernier comporte également un avertissement à l'attention des usagers, indiquant, de surcroît, que le travail du secrétariat général de la Polynésie française ne saurait, de quelque manière que ce soit, prétendre à l'exactitude et engager la responsabilité du gouvernement de la Polynésie française.

Pour sa part, le Code des postes et télécommunications en Polynésie française, qui comporte une partie « Délibérations » et une partie « Arrêtés » et qui est issu d'une délibération de l'assemblée territoriale n° 99-90 APF du 27 mai 1999 portant dispositions relatives au Code des postes et télécommunication en Polynésie française et d'un arrêté du président de la Polynésie française n° 535 CM du 22 mars 2004 fixant, en application des dispositions de l'article D. 232-7 du Code des postes et télécommunications, les dispositions relatives aux installateurs admis en télécommunication en Polynésie française, ne contient aucune disposition ou ne formule aucun avis permettant de déceler l'existence de normes d'origine étatique applicables sur le territoire de la collectivité territoriale.

S'agissant du Code de procédure de civile, dont la dualité trouve sa raison d'être dans une démarche de même nature, le Code de procédure civile de l'État, qui a été conçu par le secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française, est assorti de notes éditoriales expliquant que certains articles n'y ont pas été reproduits, car le Conseil d'État les a annulés en ce qu'ils avaient été rendus applicables en Polynésie française. En outre, sous les numéros des articles, sont mentionnées la date de création de chaque article et l'information selon laquelle il a, le cas échéant, été rendu applicable de plein droit en Polynésie française.

Le Code de procédure civile en Polynésie française, ressortissant à la compétence de cette dernière et issu d'une délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001, ne prévoit pas de liaison avec le Code de procédure civile de l'État.

L'analyse des deux codes de l'expropriation publique figurant dans la base de données « Lexpol » appelle, elle aussi, des observations.

Le code que la Polynésie française a édicté est numéroté selon une nomenclature qui prête à confusion, puisque les articles sont précédés de la lettre « L » ou bien de la lettre « R », à l'image des codes nationaux. Or, les autres codes que la Polynésie française a publiés dans l'exercice de ses compétences, font, logiquement, usage d'une numérotation des articles faisant précéder ceux-ci des lettres adéquates : « D » pour délibération, « A » pour arrêté, « LP » pour loi du pays.

Ce code est, en réalité, la reprise de dispositions du code national, qui n'ont pas été décomposées et renumérotées, pour les rendre intelligibles à la situation de la Polynésie française.

Le Code des mines et des activités extractives de la Polynésie française, édicté par la loi du pays n° 2020-5 du 16 janvier 2020 instituant un Code des mines et des activités extractives de la Polynésie française, non plus que le Code minier de l'État, élaboré par les soins du secrétariat général du gouvernement de la Polynésie française, ne prévoient de disposition permettant de comprendre expressément le passage de l'un vers l'autre, leur compatibilité due à la succession des compétences exercées par l'État et la collectivité territoriale.

C. Les codes mentionnés dans la base « Légifrance »

Figure à ce titre la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un Code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d'outre-mer, qui constitue un Code du travail spécial, d'application locale. Ce code, qui est, à présent, applicable seulement dans la collectivité territoriale des îles Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, fut d'une grande importance pour la France d'outre-mer, puisqu'il y introduisit le salariat et fonda le principe d'égalité entre travailleurs originaires des territoires en question et ceux venus d'Europe29.

Afin d'être exhaustif, l'on se doit de citer le Code des douanes de Mayotte, le Code du domaine de l'État et des collectivités publiques applicable au Département de Mayotte, ainsi que le Code des communes de la Nouvelle-Calédonie.

Ces codes reproduits sur « Légifrance » sont des textes de droit national d'application locale, à l'instar du droit local en vigueur dans la collectivité européenne d'Alsace et le département de la Moselle.

***

En conclusion, le terme de « code » recouvre, outre-mer, des acceptions très différentes.

Pour une part, cette diversité répond à celle que le mot « code » peut revêtir hors du champ de l'outre-mer.

En outre, la nécessité de disposer dans chaque matière, d'un corpus de règles présenté selon un plan et une logique donnés, a conduit les autorités publiques (services déconcentrés de l'État dans les collectivités territoriales ultramarines, exécutifs desdites collectivités territoriales) à proposer des « codes » qui ne s'inscrivent pas dans le processus de codification suivi par le gouvernement et dont la facture comme le mode d'élaboration peuvent être fort disparates.

Il n'y a pas de vade mecum de la codification du droit outre-mer. La notion de « code » y oscille, en permanence, entre compilation, consolidation et oeuvre nouvelle. Et cela est évidemment fort illustré et documenté dans l'examen des règles en vigueur dans les collectivités territoriales qui disposent d'un pouvoir normatif propre dans des matières qui, en vertu du droit commun, sont régies par la loi ou le décret.

Par surcroît, les compétences imparties à chaque collectivité territoriale intéressée ne sont pas identiques d'une collectivité à l'autre et deux facteurs ont accentué la complexité de la codification du droit qui leur est applicable : la part plus réduite des normes qui y relève complètement du principe de l'identité législative et la définition différente, d'une collectivité territoriale à l'autre, donnée par la notion ancienne et toujours vive de « lois de souveraineté », qui, assurément, rendent l'oeuvre du codificateur plus ardue30.

À défaut d'un « Code de l'outre-mer », même circonscrit à telle ou telle branche du droit, idée proprement utopique, la légistique peut connaître des avancées significatives si des usages de codification partagés, se répandent et tendent à se généraliser, de sorte que la source des règles en vigueur, les modifications qui leur sont apportées, leur articulation mutuelle, soient présentées selon un schéma harmonisé, voire uniforme.

La diversité du droit en vigueur dans les outre-mers est au prix d'un effort d'homogénéité dans la méthode commandant son accessibilité et partant, son accès, qu'il appartient aux autorités administratives - l'État et les collectivités territoriales - d'assurer en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicables dans l'ensemble du territoire national, excepté dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Au surplus, le principe constitutionnel de continuité du service public impose une mise à jour régulière et non discriminante des textes normatifs applicables dans les outre-mers.

En respectant la mission de service public qui leur est assignée dans le domaine de l'accès au droit31, les personnes publiques intéressées donneraient certainement vigueur au principe de l'égalité réelle reconnu aux populations d'outre-mer au sein du peuple français par l'article 1er de la loi n° 2017- 256 du 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

- (1) Dont la durée des fonctions n'est plus limitée au 28 février 2019 depuis que l'article 12-1 du décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 précité, qui instituait cette limitation, a été abrogé par l'article 1er du décret n° 2019-60 du 30 janvier 2019 relative à la Commission supérieure de codification.

- (2) En vertu de L. n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton, art. 9, al. 3.

- (3) En ce sens, cf. Douence J.-C., Encyclopédie Dalloz des collectivités locales, chap. 2 (folio n° 1910), Outre-mer : régime communal dans les DOM.

- (4) CE, avis n° 383887, 20 mai 2010, qui s'inspire d'un précédent avis du Conseil d'État (section des finances) du 29 avril 1947 émis lors de l'entrée en vigueur de l'application du principe de l'identité législative à la Guadeloupe, à la Guyane, à La Réunion et en Martinique ; v. également, en ce sens : CE, 5 juill. 2012, n° 358266 : Lebon T.

- (5) Fraisse R., La hiérarchie des normes applicables en Nouvelle-Calédonie, RFDA 2000, p. 77.

- (6) Louis Rolland et Pierre Lampué y voyaient une coutume : « Ce principe [...] est un principe coutumier admis de façon universelle consacrée par la pratique et la jurisprudence », in Précis de législation coloniale, 1931, Dalloz, cité par Beaud O., « L'empire et l'empire colonial français dans la doctrine publiciste française de la IIIe  République », Jus Politicum n° 14.

- (7) Diemert S., Le droit de l'outre-mer, Pouvoirs 2005-2, n° 113, p. 101 ; Gohin O., Le Code des relations entre le public et l'Administration et l'outre-mer, Dr. adm. Août 2016, n° 8-9, 8.

- (8) Seube J.-B., Les techniques de codification : l'expérience mahoraise, contribution au colloque « La codification dans les pays de l'Océan indien »,

Revue juridique de l'océan Indien 2003-2004, n° 4, p. 85.

- (9) Courtier C., La codification du droit de l'outre-mer, mémoire Université Lumière Lyon 2, Institut d'études politiques de Lyon, 2007, sous la direction de A. Vianes.

- (10) Renucci F., Juger ailleurs, juger autrement. Les magistrats dans les colonies : un autre apprentissage des normes juridiques ?, Cah. just. 2016, p. 689.

- (11) Selon LexisNexis, 88 codes seraient recensés : Le changement, c'est maintenant. Panorama législatif et réglementaire du premier semestre 2019 (1er janv.-14 juill. 2019).

- (12) Cerda-Guzman C., « Codification et constitutionnalisation », thèse Université Montesquieu-Bordeaux IV, 2010, sous la direction de Melin- Soucramanien F.

- (13) Oppetit B., Essai sur la codification, 1998, PUF, Droit, éthique, société, p. 7 à 23.

- (14) Il s'agit d'un principe au respect duquel les ordonnances portant codification sont soumises : CE, 5 nov. 2001, n° 224380.

- (15) Pour une exception, résultant d'une commande de l'Association des chambres de commerce et d'industrie des outre-mers, Magnaval O., Melin-Soucramanien F. (dir.), Code de l'entreprise en outre-mer, 2016, LexisNexis.

- (16) Eu égard aux termes de l'article 2, alinéa 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller » ; en outre : CE, 17 déc. 1997, n° 181611, Ordre des avocats à la cour de Paris.

- (17) Ce code est visé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris : CAA Paris, 25 sept. 2020, n° 18PA03826.

- (18) Laquelle, de surcroît, a, en vertu de l'article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957, compétence pour codifier la coutume applicable dans l'archipel : TA Wallis et Futuna, 25 oct. 2016, nos 1560023 et 1560024 ; rép. min. n° 7890 à question n° 17956, posée par Brial M., député (JO 19 mars 2019, p. 2535) : JO 3 sept. 2019.

- (19) Ce code, issu de la délibération du conseil territorial du 23 décembre 2014 ne fait pas mention des effets de l'abrogation de la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire par la loi n° 2012-955 du 6 août 201 2 ; sur ce point : Matutano E., « Rédiger la loi pour les outre-mer. Un talent constamment remis en question, l'exemple de Saint-Martin », Outremers360° 12 nov. 2019.

- (20) Le régime législatif des collectivités territoriales de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon est prévu par les dispositions des articles LO. 6213-1 et suivants (Saint-Barthélemy), LO. 6313-1 et suivants (Saint-Martin) et LO. 6413-1 et suivants (Saint-Pierre-et-Miquelon) du Code général des collectivités territoriales, lesquelles, dans certaines matières, donnent compétence à ces collectivités territoriales pour fixer les règles en lieu et place de l'État. À Wallis-et-Futuna, la prégnance des actes de l'État provient de la faible part réservée par le statut de l'archipel à l'autonomie de la collectivité territoriale sur le plan normatif.

- (21) L'on relèvera, avec intérêt, l'existence, hors de l'outre-mer, de la Codification des usages locaux en matière agricole du département de la Moselle, approuvée par le conseil général le 9 janvier 1961 (question n° 1360, 8 août 1988, p. 2310 et rép. min., 7 nov. 1988, p. 3168 ; question n° 97140, 28 juin 2016, p. 5940 et rép. min., 3 janv. 2017, p. 110).

- (22) Cf. Matutano E., « La légistique pour des collectivités territoriales autonomes : une exigence et un enjeu », in Colloque « Un kaléidoscope de l'autonomie locale : Théorie, pratique institutionnelle et déclinaisons ultramarines », tenu le 10 avril 2014 au Sénat, Larcher S., Rapport d'information n° 452 (2013-2014) fait au nom de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 11 avril 2014.

- (23) JONC 14 mai 2009, p. 4195.

- (24) La compétence de l'État en matière de codification de la procédure administrative non contentieuse exclut, eu égard aux dispositions de l'article 20 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, que le Code des relations entre le public et l'Administration s'applique à la Nouvelle- Calédonie, aux provinces et à leurs établissements publics : Chauchat M., https://larje.unc.nc/wp- content/uploads/sites/2/2017/12/Cahier_Veille_et_%C3%A9clairage_juridiques_n2_LARJE2017-web.pdf, p. 38.

- (25) Sur les questions de compétence soulevées par la codification du droit du travail par la Nouvelle-Calédonie : Meyer N., Un nouveau Code du travail peut en cacher un autre : le Code du travail de Nouvelle-Calédonie, SSL 22 févr. 2010, supplément n° 1434, p. 113.

- (26) JOPF 13 juin 2005, 264 NS.

- (27) L'extension, par ordonnance, de dispositions de codes dans les collectivités territoriales ultramarines régies par l'article 74 de la Constitution ne donne lieu à consultation des assemblées délibérantes desdites collectivités que si la loi de promulgation le prévoit et la consultation de leurs conseils des ministres n'est pas nécessaire si la codification est accomplie à droit constant : CE, 24 oct. 2001, n° 227331, Gouvernement de la Polynésie française.

- (28) CE, 1er juillet 2005, n° 255720 : Lebon.

- (29) Pougoue P.-G., « Les enjeux du droit du travail en Afrique noire d'expression française », Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 1987, n° 5.

- (30) Ce dont témoigne l'insertion hésitante dans le Code de la santé publique des dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 relatives à l'état d'urgence sanitaire s'agissant de leur applicabilité outre-mer.

- (31) Dont la recherche est la finalité première de la codification contemporaine : Labetoulle D., « Le mérite d'un code tient d'abord à son utilité concrète », AJDA 2022, Entretien, p. 428.

La codification des dispositions outre-mer : une simplification vraiment impossible ?

Florian Roussel, Maître des requêtes au Conseil d'État

Source : RFDA 2023 p.879

LA CODIFICATION DES DISPOSITIONS OUTRE-MER :
UNE SIMPLIFICATION VRAIMENT IMPOSSIBLE ?
ARTICLE DE M. FLORIAN ROUSSEL

Des « compteurs » et « tableaux » « Lifou » aux « grilles de lecture » en passant par les antinomiques « mentions d'applicabilité de plein droit », la codification du droit de l'outre-mer s'est enrichie ces dernières années de nombre d'expressions qui sont devenues usuelles pour les rares spécialistes du sujet mais qui demeurent obscures pour les juristes non avertis...

Ces techniques rédactionnelles alimentent la réputation d'hermétisme de ce droit et soulèvent régulièrement des interrogations au sein des administrations et des praticiens du droit, quand ce n'est pas dans l'enceinte même du Palais Royal. Et pourtant, elles ne poursuivent pas d'autre objectif que, précisément, celui de limiter autant que faire se peut la complexité intrinsèque du droit de l'outre-mer. Cette dernière réside en grande partie dans le choix politique fait en 2003 par le pouvoir constituant, de mettre fin à la classique distinction binaire entre les départements et territoires d'outre-mer, en renvoyant au statut de chaque collectivité le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les lois et règlements s'appliquent localement.

C'est afin de limiter les inconvénients qui peuvent en résulter pour le lecteur que la commission supérieure de codification (CSC) et les sections administratives du Conseil d'État ont choisi d'expliciter dans les codes, de façon aussi claire et précise que possible, les modalités de leur application outre-mer, quitte à augmenter le volume de leurs dispositions. Cette doctrine, souvent encore méconnue, mérite d'être ici exposée, de même que les autres pistes d'évolution, juridiquement plus complexes ou techniquement délicates à mettre en oeuvre, qui sont parfois évoquées pour améliorer la lisibilité du droit de l'outre-mer, dans le cadre constitutionnel existant.

Les difficultés soulevées

L'élaboration des dispositions outre-mer des codes se heurtent à plusieurs contraintes. Certaines tiennent à la mise en oeuvre du principe de spécialité et à son application différenciée selon les territoires ; d'autres au choix, de plus en plus systématique, de mentionner au sein même des codes les conditions de leur applicabilité dans l'ensemble des collectivités ultramarines, même lorsque le droit local diffère de façon substantielle de celui applicable en métropole.

Des conditions d'applicabilité du droit variables selon les territoires et les matières

Les conditions d'applicabilité des lois et règlements demeurent relativement simples dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, à savoir les quatre anciens « DOM-ROM » (La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane) ainsi, depuis le 31 mars 2011, que Mayotte. Les textes s'y appliquent en effet, en principe, de plein droit, à moins qu'ils n'en disposent autrement - ce qui n'est possible que si des caractéristiques et contraintes particulières le justifient. Si l'on réserve l'hypothèse rare des lois et règlements antérieurs au changement de statut et qui n'auraient pas été ensuite expressément étendus, le risque d'erreur pour le lecteur est donc limité.

En revanche, pour les collectivités à statut spécifique, qu'il s'agisse de celles relevant de l'article 74 de la Constitution (à savoir les anciens « TOM » que sont la Polynésie française, Wallis et Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que les deux nouvelles collectivités créées en 2007, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) et la Nouvelle-Calédonie, la compréhension du droit applicable se complique singulièrement. Il en est de même des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), dont le statut est défini par la loi, en vertu de l'article 72-3.

À la logique relativement simple privilégiée jusqu'en 2003, qu'on pourrait qualifier de « prêt-à-porter » - les textes ne s'appliquent que sur mention expresse, sous réserve des seules « lois de souveraineté », en nombre limité -, la Constitution substitue désormais une logique de « sur-mesure ». Il convient ainsi de se reporter au statut de chaque collectivité pour déterminer non seulement, comme c'était déjà le cas auparavant, le champ de ses compétences, mais également le champ d'application de l'obligation de consultation de la collectivité (qui a été, de façon opportune, largement harmonisé) et surtout les conditions d'applicabilité des textes, de plein droit (principe d'identité législative) ou sur mention expresse (principe de spécialité législative).

Dans les collectivités de l'Atlantique, c'est le principe d'identité législative qui continue de prévaloir le plus souvent, sous réserve des matières relevant de la compétence des collectivités et, pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, du droit de l'entrée et du séjour des étrangers.

En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, au contraire, la logique est inversée : les textes ne s'appliquent pour la plupart que sur mention expresse (sous réserve de respecter le domaine de compétence étendu des collectivités), à la seule exception des matières pour lesquelles le statut de la collectivité prévoit une application de plein droit. Ce périmètre de l'identité législative est cependant plus étendu que celui des « lois de souveraineté », dont le périmètre était auparavant défini par la jurisprudence du Conseil d'État, puisqu'il englobe notamment la procédure administrative contentieuse ou encore les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'État et des communes.

À Wallis et Futuna, en l'absence d'actualisation de l'ancien statut de 1961, le principe de spécialité législative continue de prévaloir, à la seule exception des « lois de souveraineté ». Enfin, dans les TAAF, le principe de spécialité législative connaît de nombreuses exceptions, notamment en ce qui concerne le droit pénal.

Cette logique de différenciation peut être source d'erreurs multiples, tant pour l'auteur des textes que pour leur lecteur. Le premier doit notamment veiller à bien appréhender le champ des matières relevant de l'identité législative, ce qui n'est pas toujours aisé, en particulier dans les collectivités du Pacifique

(1). À la nécessité de bien distinguer le champ des compétences de l'État et celui des collectivités à statut spécifique s'ajoute ainsi désormais une seconde distinction, au sein même des compétences de l'État, entre les textes qui sont applicables de plein droit et ceux qui ne peuvent l'être que sur mention expresse.

Quant au lecteur, il doit être particulièrement vigilant lorsque le texte est silencieux sur son applicabilité outre-mer : faut-il en déduire qu'il est applicable de plein droit ou qu'il est inapplicable ? Et il doit également avoir à l'esprit les erreurs, toujours possibles, de l'auteur du code quant à l'applicabilité outre-mer de telle ou telle disposition...

Les conditions de mise en oeuvre du principe de spécialité législative

Autre difficulté fréquemment relevée : le principe de spécialité législative implique, comme l'a jugé le Conseil d'État dans sa célèbre décision Élections municipales de Lifou de 1990

(2), que les textes modifiant des textes applicables outre-mer sur mention expresse doivent eux-mêmes comporter une mention à cette fin. Par simple oubli ou dans l'ignorance de cette jurisprudence, nombre de dispositions modificatives demeurent ainsi inapplicables dans les collectivités du Pacifique, alors que rien ne le justifie. En l'absence de précision, le lecteur, même averti des subtilités du droit de l'outre-mer, pourra en outre être induit en erreur à ce sujet, s'il n'a pas le temps et la présence d'esprit de s'assurer de l'applicabilité outre-mer du texte modificatif...

La difficulté principale réside alors, non pas tant dans l'élaboration de la version initiale du code, généralement fiable sur son applicabilité outre-mer, que dans son actualisation régulière, lorsqu'il s'agit d'étendre outre-mer des modifications apportées aux dispositions métropolitaines.

La volonté politique de constituer des codes consolidés incluant l'outre-mer

L'importance de ces difficultés doit, il est vrai, être relativisée en ce qui concerne certains codes. On songe notamment à ceux qui ont, pour l'essentiel, vocation à s'appliquer de plein droit, avec des adaptations en nombre relativement limité, dans les collectivités de l'Atlantique et de l'océan Indien, et qui sont, en revanche, inapplicables dans les collectivités du Pacifique, soit parce que le droit métropolitain n'y a jamais été étendu, soit, le plus souvent, parce que la matière y relève de la compétence de ces collectivités. Tel est le cas, par exemple, du code du travail ou du code de la sécurité sociale. Il en est de même, pour l'essentiel, du nouveau code de l'artisanat, entré en vigueur le 1er juillet dernier.

En revanche, il est de nombreux autres codes pour lesquels l'élaboration des dispositions ultramarines s'est avérée extrêmement délicate, allant parfois jusqu'à interroger le choix de les intégrer au code concerné.

Ainsi, en ce qui concerne l'applicabilité du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, il a été nécessaire de distinguer trois séries de dispositions

(3) :

- celles relevant des relations entre le public et les collectivités à statut spécifique, relevant de la compétence de ces dernières ;

- celles relevant des relations entre le public et l'État, les communes et leurs établissements, applicables de plein droit ;

- celles relevant des relations entre le public et les autres organismes de service public rattachés à l'État et aux communes, applicables sur mention expresse.

Quant au code général de la fonction publique, il résulte de son article L. 8 que les conditions d'application de ses dispositions varient, dans les collectivités du Pacifique, en fonction de l'identité de l'employeur public (État, collectivité ou commune) mais également du statut de l'agent (titulaire ou contractuel).

Pour d'autres codes dont les dispositions outre-mer ont été récemment réécrites, comme le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ou le code monétaire et financier, c'est le volume des adaptations rendues nécessaires par l'applicabilité outre-mer qui constitue le principal obstacle à la lisibilité. Pour prendre un seul exemple parmi bien d'autres, l'article R. 445-2 du CESEDA, consacré à l'applicabilité du seul livre IV en Polynésie française, comprend pas moins de 65 adaptations aux dispositions applicables en métropole... D'aucuns pourraient, dans ces conditions, être tentés de regretter les anciens ordonnances et décrets régissant entièrement la matière dans les collectivités du Pacifique et qui étaient gages de lisibilité, si ce n'est de parfaite harmonisation avec le droit métropolitain.

Mais, pour la grande majorité des codes tout au moins, cette nostalgie de certains praticiens pour un passé qu'ils n'ont, pour la plupart, pas connu ne saurait cependant durer qu'un bref instant. L'existence de textes épars applicables à chacune des collectivités, tels les vieux arrêtés gubernatoriaux, n'a jamais été synonyme d'accessibilité du droit. Et leur actualisation a bien souvent laissé à désirer. Un exemple particulièrement illustratif, mis en évidence dans le cadre de l'élaboration du code pénitentiaire, est fourni par le code de procédure pénale, dont nombre de dispositions n'avaient été, jusqu'à une date récente, étendues dans les collectivités du Pacifique que très partiellement et sur la base de textes pour certains indisponibles sur Légifrance...

Les options légistiques actuellement retenues dans le cadre de la codification

Qu'elles découlent des statuts des collectivités, de la jurisprudence du Conseil d'État ou de choix politiques, ces différentes contraintes doivent être prises en compte dans l'élaboration des dispositions outre-mer des codes. La CSC et les sections administratives du Conseil d'État se sont ainsi efforcées ces dernières années d'en minimiser l'effet sur le lecteur

(4).

L'élaboration des « tableaux lifou »

De toutes les techniques rédactionnelles ainsi mises en oeuvre, la plus visible et la plus commentée aura été incontestablement l'insertion, au sein des codes, de « tableaux Lifou », indiquant, pour chaque disposition ou groupe de dispositions, la version de la loi ou du décret applicable dans la collectivité concernée : s'agit-il de la rédaction issue de la dernière modification rendue applicable en métropole ? Ou s'agit-il d'une version plus ancienne, les modifications ultérieures du texte n'ayant pas été rendues expressément applicables dans la collectivité ?

Outre qu'elle permet d'éviter que le lecteur soit induit en erreur par une mention d'application générale ne correspondant pas à la dernière modification du texte et qu'elle lui épargne, en outre, le soin de rechercher si l'ensemble des modifications successives du texte ont bien été rendues applicables dans la collectivité concernée, le recours à ces tableaux, qui fait suite à un choix fait en 2013 lors de l'élaboration de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure

(5), facilite également l'actualisation des codes. Même s'il n'est pas familier des questions ultramarines, l'auteur des modifications oubliera moins souvent de prévoir leur extension outre-mer.

Et l'écriture s'en trouve également facilitée si on compare ces tableaux, certes volumineux, avec la technique plus ancienne dites des « compteurs Lifou », consistant à insérer des articles ou des alinéas distincts, regroupant l'ensemble des dispositions applicables à la collectivité dans leur version issue d'un texte déterminé. Cette option alternative, qui avait été privilégiée dans des codes plus anciens, a certes le mérite de condenser les dispositions outre-mer, mais elle n'en facilite cependant pas la lecture, puisque l'utilisateur du code est contraint d'examiner ces dispositions l'une après l'autre afin de s'assurer que l'article dont il recherche l'applicabilité outre-mer n'est pas localement applicable dans sa version issue de tel ou tel texte

(6).

Par comparaison, les « tableaux Lifou » suivent rigoureusement l'ordre des dispositions dont ils précisent l'application outre-mer. Le lecteur sait donc à quel emplacement précis il lui faut rechercher l'éventuelle applicabilité outre-mer de l'article considéré.

C'est dans ce même souci d'accessibilité que le choix a été fait, dans les parties réglementaires des codes, de regrouper les dispositions en « R. » (décret en Conseil d'État) et en « D. » (décret simple) au sein d'un même tableau, en respectant dans tous les cas la numérotation de la partie métropolitaine du code. Une disposition en « D. » pourra ainsi précéder une disposition en « R. » si la numérotation des dispositions métropolitaines qu'elle étend et adapte le justifie. Ce choix, qui a dernièrement été mis en oeuvre en ce qui concerne la partie réglementaire du code monétaire et financier, évite notamment que le lecteur trop pressé soit induit en erreur par l'absence de mention d'applicabilité dans le tableau regroupant les dispositions en « R. » et qu'il ne songe pas à se reporter au tableau figurant à l'article suivant, précisant les conditions d'applicabilité des articles en « D. »...

Enfin, dans le cadre de l'élaboration du code pénitentiaire, il est apparu opportun de faire également mention dans ces tableaux des dispositions du code qui se bornent à renvoyer à d'autres textes. En effet, si une telle indication n'est pas juridiquement nécessaire - il importe uniquement, sur le plan juridique, que cette mention d'extension soit prévue dans le texte d'origine -, un tel rappel demeure préférable dans un souci de clarté et de lisibilité.

L'explicitation des dispositions applicables de plein droit outre-mer

Une autre technique rédactionnelle développée ces dernières années consiste à introduire dans les codes des dispositions identifiant les articles qui sont applicables de plein droit dans la collectivité concernée.

Une telle indication ne constitue certes bien évidemment pas une contrainte juridique pour l'auteur du texte, puisque l'applicabilité de plein droit d'une disposition implique précisément qu'il n'est pas besoin d'ajouter une mention d'application pour qu'elle soit localement applicable. Le risque est alors d'encombrer les codes de mentions inutiles, avec en outre un risque d'oubli ou d'erreur : l'absence d'une telle mention pourrait être interprétée comme révélant l'inapplicabilité des dispositions concernées, alors qu'elle résulte simplement d'un oubli de la part de l'auteur des dispositions outre-mer...

Ce choix paraît cependant s'imposer, tout au moins dans les codes qui regroupent des dispositions pour certaines applicables de plein droit dans une collectivité déterminée et pour d'autres applicables dans cette même collectivité sur mention expresse. De telles mentions ont ainsi été introduites pour la première fois dans le code de la défense et surtout dans le CRPA, pour lequel la distinction entre les règles applicables de plein droit et celles qui le sont sur mention expresse est, comme il a été dit, particulièrement délicate. En leur absence, le lecteur non averti pourrait en effet penser à tort que telle disposition applicable de plein droit est en fait inapplicable. Et même averti, il lui faudrait à tout le moins se reporter au statut de la collectivité pour s'assurer au cas par cas ce qu'il en est précisément...

Si ces mentions sont ainsi surtout utiles en ce qui concerne les collectivités du Pacifique, où nombre de matières dans le champ de la compétence de l'État continuent de relever du principe de spécialité législative, elles tendent désormais à être généralisées, à des fins de pédagogie, à l'ensemble des collectivités à statut spécifique et même à celles de l'article 73 de la Constitution. C'est le cas, par exemple, en ce qui concerne le CRPA ou, plus récemment, le code pénitentiaire.

De telles dispositions ne se confondent cependant nullement avec les mentions expresses d'application puisqu'à la différence de ces dernières, il ne saurait être question pour celles-ci d'indiquer la version de l'article applicable à la collectivité. Le code se borne à indiquer que l'article (ou le groupe d'articles) est applicable de plein droit à la collectivité et aucune actualisation n'est ensuite requise en cas de modification ultérieure des dispositions de droit commun.

Dans un souci, là encore, de faciliter le maniement des codes, de telles dispositions tendent aujourd'hui à être insérées au sein même des « tableaux Lifou ». Ce choix, fait initialement en ce qui concerne le CESEDA, dispense le lecteur d'avoir à consulter plusieurs articles distincts pour s'assurer de l'applicabilité d'une disposition. En suivant la numérotation du code, il se reportera à la ligne correspondante du tableau et s'apercevra alors que l'article dont il recherche l'applicabilité outre-mer est en fait applicable de plein droit.

La seule contrainte pèse en fait sur l'auteur du code : il lui appartient d'être vigilant sur le champ des dispositions ainsi applicables de plein droit, afin de ne pas induire en erreur le lecteur, soit en restant totalement silencieux sur une disposition (ce qui implique qu'elle est inapplicable) soit en mentionnant à tort son applicabilité de plein droit alors qu'elle ne l'est en fait que sur mention expresse (ce qui aurait pour conséquence que les modifications ultérieures ne seront pas étendues, nonobstant l'indication erronée figurant dans le code...).

Traitement des grilles de lecture

I. Les « grilles de lecture », qui énumèrent la liste des adaptations aux dispositions de droit commun en vue de leur application dans chacune des collectivités ultramarines, constituent une autre technique rédactionnelle très fréquemment utilisée lors de l'élaboration des dispositions outre-mer des codes.

II. La difficulté de cet outil légistique traditionnel vient plutôt de la longueur, parfois excessive, de ces listes d'adaptations, et de leur intérêt réel, parfois discutable. Est-il vraiment utile de rappeler pour chaque disposition d'un texte que le lecteur doit lire « le haut-commissaire de la République » et non « le préfet », la collectivité territoriale à statut spécifique et non « le département » ou « la région » ? Faut-il vraiment indiquer au lecteur, pour chaque article concerné, que « les valeurs monétaires exprimées en euros sont remplacées par leurs contre-valeurs exprimées en francs CFP » ?

L'absence de telles mentions ne fait nullement obstacle à l'application du texte dans la collectivité et leur intérêt informatif est généralement à peu près nul pour les lecteurs concernés, généralement bien au fait de ces particularités locales.

Pire : au-delà du fait que le trop grand nombre de ces adaptations étend inutilement le volume des dispositions outre- mer, il a tendance à faire perdre de vue au lecteur les quelques-unes d'entre elles qui sont vraiment nécessaires à la compréhension des conditions d'applicabilité du texte dans la collectivité et qui traduisent une différence avec la métropole en ce qui concerne la portée de la règle de droit applicable.

La CSC et le Conseil d'État ont ainsi encouragé, ces dernières années, le gouvernement à réduire le volume de ces « grilles de lecture ». À l'instar, par exemple, du code monétaire et financier ou du code pénitentiaire, les plus récurrentes sont ainsi souvent regroupées dans une première subdivision portant sur les conditions générales d'application outre- mer. Elles ne sont plus rappelées ensuite à chaque occurrence de la mention correspondante dans le code.

De même, la pratique, répandue il y a quelques années, consistant à remplacer chaque mot du texte par le mot applicable outre-mer (ce qui impliquait, par exemple, de procéder à des adaptations distinctes pour les mots : « préfet », « préfets » et « préfectoral ») tend aujourd'hui à être abandonnée. Dans l'exemple précité, les dispositions outre-mer se bornent à prévoir que la « référence » au préfet est remplacée par la référence au représentant de l'État dans la collectivité concernée, ce qui est largement suffisant - si ce n'est même déjà excessif.

Un abandon pur et simple de ces adaptations formelles pourrait ainsi sans doute être envisagé, sans que la lisibilité du droit applicable outre-mer en pâtisse le plus souvent.

III. À l'inverse, il peut arriver que le législateur ou le pouvoir réglementaire se contentent d'une mention très générique, du type : « les références à des dispositions inapplicables dans la collectivité sont remplacées par les références aux dispositions en vigueur localement ayant le même objet », sans toujours s'interroger sérieusement sur le point de savoir si de telles dispositions existent. Il importe en effet à tout le moins, de réserver cette formulation aux seules dispositions qui relèvent de la compétence de la collectivité. Lorsque l'État est en revanche compétent, il appartient à l'auteur du texte d'identifier la disposition localement applicable, si elle existe.

La rédaction de ces adaptations peut être ainsi parfois rendue très délicate. Deux exemples l'illustrent.

Le premier a été observé lors de l'élaboration du code général de la fonction publique, qui renvoie, sur bien des points, au code du travail pour les règles applicables aux agents publics. Or ce dernier code est inapplicable dans les collectivités du Pacifique alors même que les dispositions applicables aux agents publics le sont en partie... Il ne pouvait être question d'étendre les dispositions du code du travail auxquelles il était fait référence, pas plus que de laisser ces normes inapplicables dans ces collectivités. Leur volume aurait, par ailleurs, rendu très fastidieux de réécrire l'ensemble de ces dispositions dans chacun des chapitres où cela l'aurait justifié. Dans ces conditions, le choix a été fait de prévoir une mention prévoyant l'applicabilité de ces dispositions du code du travail « pour l'application du présent code » (V. par ex. article L. 462-1).

La seconde illustration porte sur l'extension de dispositions de droit commun renvoyant à des textes de droit européen dérivé localement inapplicables. Tel est en particulier le cas le plus souvent en ce qui concerne les « Pays et territoires d'outre-mer » (PTOM), à savoir les collectivités du Pacifique, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy. La difficulté se pose lorsque le gouvernement entend étendre dans la collectivité concernée l'application de ces dispositions. Trois options s'offrent alors à lui :

- Recopier les dispositions de ce texte - ce qui présente le double inconvénient d'alourdir le volume des dispositions outre-mer et surtout de nuire à leur actualisation, si le texte de droit européen est ultérieurement modifié ;

- Indiquer que pour l'application du code, le texte de droit européen considéré est applicable dans la collectivité (alors même que l'État n'est pas compétent pour procéder à une telle « extension ») ;

- Utiliser une périphrase assez peu explicite, consistant à écrire que la référence à la norme de droit européen considérée est remplacée « par la référence aux règles en vigueur en métropole en vertu de [cette même norme] ».

Cette troisième option a notamment été privilégiée dans la loi « CNIL » du 6 janvier 1978

(7) (article 126) ou encore dans le CESEDA. Elle laisse cependant ouverte la question des conséquences d'une éventuelle modification ultérieure du texte de droit européen : celle-ci sera-t-elle rendue de plein droit applicable localement ou l'ajout d'une mention expresse en ce sens sera-t-il indispensable, comme c'est le cas pour les modifications apportées aux règles de droit national en application de la jurisprudence Élections municipales de Lifou ? Une conception trop exigeante du principe de spécialité législative soulèverait d'importantes difficultés pratiques, s'agissant de textes européens dont les autorités nationales ne sont pas en mesure de préciser le champ d'application géographique.

Avantages et inconvénients des pistes d'évolution envisageables

Les techniques rédactionnelles qui viennent d'être présentées n'ont d'autre objectif que de limiter autant que possible pour le lecteur les éléments de complexité du droit de l'outre-mer. En supprimer les causes nécessiterait une refonte en profondeur du droit de l'outre-mer, mais un tel choix politique ne serait pas sans présenter lui-même ses propres inconvénients. À défaut, certaines pistes alternatives ou complémentaires sont également évoquées.

Les évolutions statutaires possibles

Ainsi qu'il a été exposé, l'une des principales sources de complexité du droit applicable outre-mer porte sur la mise en oeuvre du principe de spécialité législative, dans sa conception très exigeante qu'en fait la jurisprudence du Conseil d'État.

IV. Il pourrait ainsi être tentant de modifier, par la loi organique, les statuts des collectivités concernées aux fins de revenir sur la jurisprudence Élections municipales de Lifou. Ne suffirait-il pas de poser la règle générale selon laquelle lorsqu'un texte a été rendu expressément applicable dans une collectivité, les modifications qui y sont ultérieurement apportées le sont également ?

Cette position peut cependant sembler trop simpliste. Comme l'avait très clairement démontré le président Tuot dans ses conclusions sur la décision Élections municipales de Lifou, il serait difficile de justifier qu'une refonte en profondeur des dispositions de droit commun soit rendue applicable sans mention expresse au motif que, formellement, il est procédé à une « modification » d'un article existant. Il se peut d'ailleurs que les nouvelles dispositions n'aient plus le même objet que les anciennes. Cette option contraindrait donc le lecteur à apprécier au cas par cas la portée des différentes modifications apportées au texte initial, avec toute l'insécurité juridique qui en résulte.

V. Une autre option, sans doute plus judicieuse, conduirait à étendre le principe d'identité législative à toutes les matières qui relèvent de la compétence de l'État dans la collectivité. Elle a notamment été suggérée par Michel Thenault et Élisabeth Catta dans leur rapport remis en 2022 sur l'intelligibilité du droit en Polynésie française.

Ce choix simplifierait réellement la lecture des dispositions outre-mer des codes et on peut penser qu'il ne susciterait pas d'objection politique au plan local.

Il soulève cependant trois séries de difficultés, qu'il conviendrait de garder à l'esprit, même si elles n'invalident pas nécessairement cette option.

La première est d'ordre matériel : tous les codes et tous les textes non codifiés (y compris, par exemple, les simples arrêtés) devraient être réécrits en conséquence, dans des délais aussi brefs que possible. Une réelle mobilisation des administrations centrales et du Conseil d'État serait ainsi indispensable pour mettre en oeuvre cette évolution d'ordre légistique.

Deuxième objection : dans les matières dans lesquelles le droit local diffère substantiellement du droit commun, l'applicabilité de plein droit n'est pas toujours synonyme de lisibilité accrue. Les adaptations à introduire peuvent être très nombreuses et des modifications ultérieures des dispositions de droit commun risquent d'être ensuite involontairement étendues localement, sans réflexion suffisante sur les problématiques particulières à la collectivité concernée. De même, il arrive que la disposition modificative entre dans le champ de compétence de la collectivité. Une grande vigilance est ainsi indispensable mais, on le sait, elle ne s'accommode pas toujours des conditions d'urgence dans lesquelles certains textes sont élaborés...

Enfin, il a été jugé, en ce qui concerne les collectivités du Pacifique, que le passage au régime de l'identité législative dans les matières énumérées par le statut s'applique non seulement aux lois et règlements qui sont postérieurs à son entrée en vigueur mais également aux textes adoptés avant cette date

(8). La solution peut sembler très critiquable, notamment en ce qu'elle diffère de la solution retenue dans le cadre de la « départementalisation » d'une collectivité

(9) et qu'elle ne tient pas compte de ce qui semblait être l'intention du législateur organique, mais elle paraît désormais bien établie. Dans le cadre de l'évolution statutaire envisagée, il conviendrait donc soit de prévoir expressément que le passage à l'identité législative ne vaudra que pour l'avenir soit de s'assurer au préalable des conditions dans lesquelles les textes relevant de la compétence de l'État qui n'ont pas été déjà rendus applicables à la collectivité peuvent y être étendus.

Les pistes d'évolution envisageables en l'absence de réforme statutaire des collectivités

À défaut d'une telle modification de la loi organique, d'autres évolutions sont également envisageables - même si toutes soulèvent d'importantes difficultés, d'ordre politique, juridique ou matériel.

Nous passerons vite sur une première option radicale, qui consisterait à « dé-codifier » les dispositions applicables à certaines collectivités, lorsque leur écriture s'avère trop complexe. Si l'élaboration d'un code commun ne constitue pas toujours une évidence lorsque les différences avec le droit commun sont substantielles, il est difficilement envisageable, sur le plan politique, de revenir sur un tel choix, une fois celui-ci effectué. Cela ne manquerait pas d'être interprété par certains comme une prise de distance de l'État à l'égard de la collectivité. En outre, comme cela a, par exemple, pu être constaté en ce qui concerne la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers dans les collectivités du Pacifique, il en résulterait vraisemblablement à terme un défaut d'actualisation du droit localement applicable - y compris lorsqu'aucune raison objective ne le justifie.

Une autre piste, parfois évoquée, conduirait à revenir sur les « tableaux Lifou », en raison de leur caractère parfois excessif et du caractère parfois systématique de l'extension outre-mer des dispositions de droit commun. Au-delà du fastidieux travail de réécriture qui en résulterait pour les administrations concernées, la question se poserait cependant de savoir par quoi les remplacer. Comme il a été dit, les simples « compteurs Lifou » sont souvent bien plus complexes à lire et à actualiser. On pourrait certes songer à faire de ces tableaux de simples compléments, dépourvus de portée normative, fournis par les éditeurs des codes. Cependant, encore faudrait-il les élaborer et les actualiser. Et il n'en serait pas moins nécessaire, comme aujourd'hui, de mentionner l'applicabilité outre-mer de chacune des dispositions modificatives d'un article. Pour notre part, il nous semble que ce n'est pas le volume des dispositions outre-mer qui constitue le principal obstacle à leur accessibilité et que le problème est donc ailleurs.

Une troisième piste, qui peut sembler plus séduisante, est d'ordre technologique. Il s'agirait de faire évoluer Légifrance, de telle sorte qu'il indique la version d'un code applicable à chaque collectivité (de la même façon qu'il présente déjà sa version applicable à une date déterminée). Des réflexions ont été engagées ces dernières années à ce sujet, notamment au sein du Secrétariat général du gouvernement, et certaines collectivités ont déjà fait connaître leur intérêt pour un tel dispositif. Le rapport précité de M. Thenault et E. Catta soutient également fermement ce projet. La difficulté tient cependant à l'investissement matériel et humain nécessaire à la mise en oeuvre du dispositif et à l'actualisation d'un tel outil informatique. Nous nous bornerons ici à suggérer que celui-ci pourrait à tout le moins être expérimenté pour certains codes et certaines collectivités où il s'avère particulièrement utile - citons par exemple le CRPA et le CESEDA, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

***

L'écriture des dispositions outre-mer des codes a ainsi substantiellement évolué ces dernières années, sous l'impulsion de la CSC et des sections administratives du Conseil d'État, dans le souci d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme. Ces objectifs sont toutefois difficiles à atteindre en raison de la complexité inhérente au droit de l'outre-mer, en particulier depuis la révision constitutionnelle de 2003. Pour s'attaquer en profondeur à cette complexité, une révision des statuts des collectivités serait nécessaire, mais elle soulèverait elle-même différentes séries de difficultés, d'ordre juridique et pratique. Une autre voie, moins ambitieuse mais plus simple, pourrait être de privilégier au contraire la stabilité des statuts et des options rédactionnelles retenues, afin que les praticiens du droit s'y familiarisent progressivement. Un tel choix devrait aller de pair avec l'évolution des outils informatiques, de façon à permettre, pour les principaux codes, l'accès à des versions localement applicables « en un clic ». Si la simplification de l'accessibilité au droit de l'outre-mer ne constitue nullement une mission impossible, sa mise en oeuvre repose ainsi moins sur une énième réforme des statuts des collectivités que sur le déploiement de moyens techniques adaptés.

Mots clés :

ACTE UNILATERAL * Codification * Dispositions outre-mer

COLLECTIVITE TERRITORIALE * Outre-mer * Droit applicable outre-mer * Codification

(1) Voir par ex., s'agissant du champ de la procédure administrative contentieuse, CE, 5 févr. 2014, n° 358810

,

Société Le Nickel, Lebon T. p. 760

; AJDA 2014. 312

; ibid. 1436

, note A. Moyrand

.

(2) CE, 9 févr. 1990, n° 107400, Elections municipales de Lifou, Lebon

; AJDA 1990. 490

, obs. X. Prétot 

 ; RFDA 1991. 2, étude B. Maligner

; ibid. 602, concl. T. Tuot

.

(3) F. Roussel, « Un code également innovant dans sa partie outre-mer », AJDA 2015. 69.

(4) Nous passerons vite sur le débat récurrent entre l'insertion des dispositions outre-mer au sein d'une même partie ou sous la forme de sous-parties au sein de chaque livre du code. La CSC n'a pas de doctrine arrêtée en la matière même si elle encourage souvent la seconde option lorsque, comme c'est par exemple le cas pour le CESEDA, les dispositions à codifier sont très volumineuses.

(5) Décret n° 2013-1113 du 4 déc. 2013.

(6) V. par ex. CSP, art. L. 3844-1

: « I. - Le titre Ier du livre II de la présente partie est applicable en Nouvelle- Calédonie et en Polynésie française, sous réserve des adaptations prévues au II./ Les articles L. 3211-11-1, L. 3211-2- 3, L. 3211-12-1, L. 3211-12-7, L. 3212-5, L. 3212-7, L. 3212-8, L. 3214-1, L. 3215-1 et L. 3215-2 sont applicables en

Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, et sous réserve des adaptations prévues au II./ Les articles L. 3211-12, L. 3211-12-2 et L. 3211-12-4 sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sous réserve des adaptations prévues au II du présent article. [...] »

(7) Dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-1125 du 12 déc. 2018.

(8) V. CE, 27 oct. 2011, n° 350790, Société Tat, Lebon

; AJDA 2011. 2093

; Constitutions 2012. 75, obs. P. De Baecke

, s'agissant des dispositions du code de justice administrative relatives au référé contractuel.

(9) V. CE, avis, 29 avr. 1947, concernant les quatre « DOM » historiques et CE, 13 juill. 2011, n° 325932

, Caisse des règlements pécuniaires des avocats de Mayotte, Lebon

; AJDA 2011. 2030

, concernant Mayotte.

COMPTEURS LIFOU : UN OUTIL POUR LA LISIBILITÉ
DU DROIT ? L'EXEMPLE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Source : Extrait du rapport sur l'accessibilité et l'intelligibilité du droit en Polynésie française de Michel Thénault et Elisabeth Catta du 4 mars 2022

ANNUAIRE DES MEMBRES DE L'AJDOM

Source : site internet de l'AJDOM - 20 juin 2025

Bureau de L'AJDOM :

- MÉLIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand, Président

- BERTILE Véronique, Secrétaire générale

- HAVARD Léa, Trésorière

- ESPECEL Gilles

- VESTRIS Isabelle

Membres de L'AJDOM :

Personnes physiques

- ADRIAN Jeanne, Enseignant-chercheur en droit public, Université de la Nouvelle-Calédonie

- ALBANESE Vaimoé, Doctorante en droit international privé, Université de la Nouvelle-Calédonie

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- AUBY Jean-François, Consultant

- BARILLÉ Pierre, Doctorant en droit public, Université de Bordeaux

- BARRUÉ-BELOU Rémi, Maître de conférences en droit public, Université de La Réunion - Président de la section Océan Indien de la Société de Législation Comparée

- BELLO Huguette, Présidente du Conseil régional de La Réunion, Ancienne députée de La Réunion

- BÉNÉTEAU Jocelyn, Maître de conférences en droit public, Aix-Marseille Université

- BERGENA Lovely, Doctorante en droit public, Université de Bordeaux - Collaboratrice parlementaire

- BERTILE Véronique, Maître de conférences en droit public, Université de Bordeaux

- BLANC Didier, Professeur de droit public, Université Toulouse I Capitole

- BOUCHER Claudia, Juriste - Experte en médiation et arbitrage international

- BOUIX Caroline, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université Toulouse I Capitole

- BRARD Alexandre

- CAFARELLI François, Maître de conférences en droit public, Université Clermont Auvergne - Avocat, SEBAN Auvergne

- CAILLE Pierre-Olivier, Premier conseiller de tribunal administratif

- CARNIAMA Mathieu, Docteur en droit public, Université Aix-Marseille

- CASTAGNÈDE Bernard, Professeur émérite de droit privé et sciences criminelles, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

- CHANE-KUNE Sonia, Collaboratrice parlementaire

- CLAMOUR Guylain, Professeur de droit public, Université de Montpellier

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- COURTIAL Jean, Conseiller d'État

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- DANIEL Justin, Professeur de science politique, Université des Antilles

- DAVID Carine, Professeur de droit public, Université des Antilles

- DAVID Victor, Chargé de recherche à l'IRD

- DELAISSER Jean-Max, Avocat au barreau de Paris

- DONGAR Olivier, Docteur en droit public (Université de Bordeaux) et membre du Laboratoire caribéen des sciences sociales (LC2S), Université des Antilles.

- DORMOY Daniel, Professeur émérite de droit public, Université Paris Saclay

- DUPÉRÉ Olivier, Maître de conférences en droit public, Université de La Réunion

- DUPUY Pierre, Délégué général de l'ACCIOM

- ELFORT Maud, Maître de conférences en droit public, Université de Guyane

- ESPECEL Gilles, Avocat, OVEREED Paris - Martinique

- FABERON Florence, Professeur de droit public, Université de Guyane

- FABERON Jean-Yves, Professeur de droit public, Université de Montpellier

- FITTE-DUVAL Annie, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Pau et des Pays de l'Adour

- FRAISSE Régis, Conseiller d'État

- FROGER Charles, Maître de conférences en droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

- GALY Karine, Maître de conférences en droit public, Université des Antilles

- GAUTHIEROT Kawly, Étudiant en droit public, Université Paris Nanterre

- GIRARD Gaëtan, Premier conseiller de tribunal administratif

- GIRAUDEAU Géraldine, Professeur de droit public, Université Paris Saclay

- GOHIN Olivier, Professeur de droit public, Université Paris 2 Panthéon Assas

- GRARD Loïc, Professeur de droit public, Université de Bordeaux

- GRAVELAT Caroline, Maître de conférences en droit public, Université de la Nouvelle-Calédonie

- GROVEN Jean-Michel, Collaborateur parlementaire, Sénat

- HAVARD Léa, Maître de conférences en droit public, Université de Bordeaux

- HOUMADI Mikidache, Interco'Outre-mer

- LALLEMANT-MOE Hervé Raimana, Docteur en droit public, Université de la Polynésie française

- LAURAIN Nicolas, Chef de la section du droit public à la DGOM

- LEATHAM Romain, Doctorant en droit public, Université Paris 2 Panthéon Assas

- LEBON Lydia, Maître de conférences en droit public, Université Bordeaux Montaigne

- LECA Antoine, Professeur d'histoire du droit et des institutions, Aix-Marseille Université

- LEVERT Raymond, Doctorant juriste

- LINGIBE Patrick, Avocat, JurisGuyane

- M'SAÏDIÉ Thomas, Maître de conférences en droit public, CUFR de Mayotte

- MADINIER Anne-Lise, Docteur en droit public

- MAGNAVAL Olivier, Avocat associé (Claisse et associés)

- MAGRAS Michel, Ancien sénateur de Saint-Barthélemy et ancien Président de la délégation sénatoriale aux outre-mer

- MAISONNEUVE Mathieu, Professeur de droit public, Aix-Marseille Université

- MALGOYRE Antoine, Avocat

- MANOUX Karine, Bureau de la recherche, Université de La Réunion

- MARBOIS Julien, Avocat au Barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy

- MATUTANO Edwin, Avocat à la Cour, Docteur en droit

- MAZIÈRES Nicolas, Directeur de cabinet DIECFOM

- MÉLIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand, Professeur de droit public, Université de Bordeaux

- MERLE Jean-François, Conseiller d'Etat

- OMARJEE Ismaël, Professeur de droit privé et sciences criminelles, Université Paris Nanterre

- ORAISON André, Professeur de droit public, Université de La Réunion

- OVIODE-SIOU Râmachandra, Président de l'Institut Gaston Monnerville

- PARASSOURAMANAIK Stéphanie, Doctorante en droit public, Université de La Réunion

- PASTOREL Jean-Paul, Professeur de droit public, Université de la Polynésie française

- PATRICK Ornella, Juriste conseil en droit social

- PEHAU Nicolas, Président des chambres régionales des comptes de La Réunion et de Mayotte

- PEYEN Loïc, Maître de conférences en droit public, Université Toulouse 1 Capitole

- PHILIBERT Jean-Pierre, Président FEDOM

- POLLIEN Erik, FEDOM - Membre du conseil d'orientation

- POMART Cathy, Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles, Université de La Réunion - Directrice du Centre de Recherche Juridique

- PONGÉRARD-PAYET Hélène, Maître de conférences HDR en droit public, Université de La Réunion - Directrice de la LexOI

- POTIER Frédéric, Délégué général à l'éthique et à la conformité de la RATP, Préfet, ancien DILCRAH

- RAKOTONDRAHASO Faneva, Maître de conférences en droit public, Université de La Réunion

- RIBES Didier, Conseiller d'État

- ROUBIN Jérémy, Administrateur du Sénat

- ROUSSEAU Frédéric, Collaborateur parlementaire

- ROUSSEL Florian, Maître des requêtes au Conseil d'Etat

- ROUX André, Professeur de droit public, IEP Aix-en-Provence

- RUBIO Nathalie, Professeur de droit public, Université d'Aix-Marseille

- SEIGNEURY Ornella, Doctorante en droit public, Université des Antilles

- SEUBE Jean-Baptiste, Professeur de droit privé et de sciences criminelles, Université de La Réunion

- SIRI Aurélien, Maître de conférences en droit privé, CUFR de Mayotte

- STAHL Lucile, Docteur en droit - Avocate

- TALON Mélissandre, Doctorante en droit public, Université de Montpellier

- TIRARD Manuel, Maître de conférences HDR en droit public, Université Paris Nanterre

- URBAN Yerri, Maître de conférences en droit public, Université des Antilles

- URVOAS Jean-Jacques, Professeur de droit public, Université de Bretagne Occidentale

- VERGE David, Président de l'Assemblée de Wallis-et-Futuna

- VESTRIS Isabelle, Maître de conférences en droit public, Université des Antilles

- VILDEUIL Isabelle, Direction générale - Service juridique - Odyssi

- ZILLER Jacques, Professeur de droit de l'Union européenne, Université de Pavie (Italie)

LISTE DES RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION SÉNATORIALE AUX OUTRE-MER (2011- 2025)

https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/office-et-delegations/delegation-senatoriale-aux-outre-mer.html

· Session 2011-2012

· Mémoires croisées : rencontre du 9 mai 2012

Rapport d'information n° 609 du 22 juin 2012, par M. Serge LARCHER

· Session 2012-2013

· Outre-mer, une mémoire audiovisuelle à partager : Rencontre du 12 novembre 2012

Rapport d'information n° 121 du 12 novembre 2012, par M. Serge LARCHER

· Le développement humain et la cohésion sociale dans les outre-mer : Conférence-débat du 23 novembre 2012

Rapport d'information n° 159 du 23 novembre 2012 , par M. Serge LARCHER

· La France dans le Pacifique : Quelle vision pour le 21e siècle ? Colloque du 17 janvier 2013

Rapport d'information n° 293 du 25 janvier 2013, par M. Serge LARCHER

· L'aide fiscale à l'investissement outre-mer : Levier incontournable du développement. 10 propositions pour en optimiser l'impact

Rapport d'information n° 628 du 5 juin 2013, par MM. Éric DOLIGÉ et Serge LARCHER

· L'audace ultramarine en hexagone : Comment s'exprime-t-elle ? Comment s'incarne-t-elle ?

Rapport d'information n° 862 (2012-2013) du 25 septembre 2013, par
M. Serge LARCHER

· Session 2013-2014

· Le Sénat rend hommage à Aimé Césaire

Rapport d'information n° 98 (2013-2014) du 24 octobre 2013, par
M. Serge LARCHER

· Histoires Mémoires croisées : Des chapitres oubliés de l'Histoire de la France

Rapport d'information n° 149 (2013-2014) du 14 novembre 2013, par
M. Serge LARCHER

· Les zones économiques exclusives ultramarines : Le moment de vérité

Rapport d'information n° 430 (2013-2014) du 9 avril 2014, par MM.  Jean-Étienne ANTOINETTE, Joël GUERRIAU et Richard TUHEIAVA

· Un kaléidoscope de l'autonomie locale : Théorie, pratique institutionnelle et déclinaisons ultramarines

Rapport d'information n° 452 (2013-2014) du 11 avril 2014, par
M. Serge LARCHER

· Trois clés pour l'avenir universitaire aux Antilles et en Guyane : Territorialité, attractivité, solidarité

Rapport d'information n° 470 (2013-2014) du 17 avril 2014 au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, par Mme Dominique GILLOT et M. Michel MAGRAS

· Histoires Mémoires croisées : Des champs de bataille aux réécritures de l'Histoire coloniale

Rapport d'information n° 705 (2013-2014) du 9 juillet 2014, par
M. Serge LARCHER

· Les niveaux de vie dans les outre-mer : Un rattrapage en panne ?

Rapport d'information n° 710 (2013-2014) du 9 juillet 2014, par
MM. Éric DOLIGÉ et Michel VERGOZ

· Session 2014-2015

· Domaines public et privé de l'État outre-mer : 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile

Rapport d'information n° 538 (2014-2015) du 18 juin 2015, par
MM. Thani MOHAMED SOILIHI, Joël GUERRIAU, Serge LARCHER et Georges PATIENT

· Entreprises et dynamiques sectorielles du Pacifique

Rapport d'information n° 567 (2014-2015) du 26 juin 2015, par
M. Michel MAGRAS

· Biodiversités des outre-mer et changement climatique

Rapport d'information n° 698 (2014-2015) du 18 septembre 2015 au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement du territoire et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, par
MM. Jérôme BIGNON et Jacques CORNANO

· Session 2015-2016

· Une bannière verte et bleue pour un renouveau du tourisme dans les outre-mer

Rapport d'information n° 1 (2015-2016) du 1er octobre 2015, par
M.  Michel MAGRAS

· Les outre-mer français face au défi du changement climatique : Une contribution concrète à l'agenda des solutions

Rapport d'information n° 131 (2015-2016) du 3 novembre 2015 au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement du territoire et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, en conclusion des travaux du groupe de travail commun, par MM. Jérôme BIGNON et Jacques CORNANO

· Sucre des régions ultrapériphériques en danger

Rapport d'information n° 247 (2015-2016) du 10 décembre 2015, par Mme Gisèle JOURDA et M. Michel MAGRAS

· Défis et opportunités des collectivités françaises des Amériques

Rapport d'information n° 621 (2015-2016) du 23 mai 2016, par
M. Michel MAGRAS

· La sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer

Rapport d'information n° 721 (2015-2016) du 23 juin 2016, par
MM. Thani MOHAMED SOILIHI, rapporteur coordonnateur, Mathieu DARNAUD et Robert LAUFOAULU, rapporteurs

· Agricultures des outre-mer : Pas d'avenir sans acclimatation du cadre normatif

Rapport d'information n° 775 (2015-2016) du 7 juillet 2016, par
M. Éric DOLIGÉ, rapporteur coordonnateur, M. Jacques GILLOT et
Mme Catherine PROCACCIA, rapporteurs

· Session 2016-2017

· Innover dans le tourisme outre-mer, la clé du succès

Rapport d'information n° 232 (2016-2017) du 15 décembre 2016, par M.  Michel MAGRAS

· Mutations et perspectives pour les économies des territoires français de l'océan Indien

Rapport d'information n° 571 (2016-2017) du 2 juin 2017, par
M. Michel MAGRAS

· Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : Faire d'un obstacle un atout

Rapport d'information n° 601 (2016-2017) du 29 juin 2017, par
M. Éric DOLIGÉ, rapporteur coordonnateur, Mmes Karine CLAIREAUX et Vivette LOPEZ, rapporteurs

· Conflits d'usage en outre-mer : Un foncier disponible rare et sous tension

Rapport d'information n° 616 (2016-2017) du 6 juillet 2017, par
MM. Thani MOHAMED SOILIHI, rapporteur coordonnateur, Daniel GREMILLET et Antoine KARAM, rapporteurs

· Bilan triennal d'activité

Rapport d'information n° 617 (2016-2017) du 6 juillet 2017, par
M. Michel MAGRAS

· Session 2017-2018

· Biodiversités ultramarines : Laboratoires face au changement climatique

Rapport d'information n° 426 (2017-2018) du 13 avril 2018, par
M. Michel MAGRAS

· Biodiversités du vaste Pacifique : Quelle valorisation d'un endémisme exceptionnel ?

Rapport d'information n° 533 (2017-2018) du 1er juin 2018, par
M. Michel MAGRAS

· Révéler l'ancrage local des économies ultramarines : Outils et bonnes pratiques

Rapport d'information n° 597 (2017-2018) du 22 juin 2018, par
M. Michel MAGRAS

· Risques naturels majeurs : Urgence déclarée outre-mer

Rapport d'information n° 688 (2017-2018) Tome 1 et Tome 2 du 24 juillet 2018, par MM. Guillaume ARNELL, rapporteur coordonnateur, Mathieu DARNAUD et Mme  Victoire JASMIN, rapporteurs

· Session 2018-2019

· Cohésion, performance, rayonnement : Quels tremplins pour le sport en outre-mer ?

Rapport d'information n° 140 (2018-2019) Tome 1 (rapport) et Tome 2 (auditions) du 20 novembre 2018, par Mmes Catherine CONCONNE, Gisèle JOURDA, Viviane MALET et Lana TETUANUI

· L'engagement des femmes outre-mer : Un levier clé du dynamisme économique

Rapport d'information n° 348 (2018-2019), par Mme Annick BILLON et M. Michel MAGRAS

· Les outre-mer dans l'audiovisuel public : Face au risque d'invisibilité totale, le défi du média global

Rapport d'information n° 439 (2018-2019) Tome 1 (rapport et annexes) Tome 2 (auditions), du 9 avril 2019, par M. Maurice ANTISTE et Mme Jocelyne GUIDEZ

· Biodiversité du bassin Atlantique : Un gradient latitudinal source d'une richesse exceptionnelle mais vulnérable

Rapport d'information n°557 (2018-2019), par M. Michel MAGRAS

· Session 2019-2020

· Risques naturels majeurs : Reconstruction et résilience des territoires et des populations

Rapport d'information n° 122 Tome 1 (rapport) et n° 122 Tome 2 (auditions) du 14 novembre 2019, par MM. Guillaume ARNELL, rapporteur coordonnateur, Abdallah HASSANI et Jean-François RAPIN, rapporteurs

· Rencontre avec les maires et élus d'outre-mer le 18 novembre 2019

Rapport d'information n° 211 (2019-2020) du 18 décembre 2019 par M. Michel MAGRAS, président

· Violences faites aux femmes dans les outre-mer

Rapport d'information n° 362 (2019-2020) du 3 mars 2020, par
Mme Annick BILLON et M. Michel MAGRAS, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et de la délégation sénatoriale aux outre-mer

· L'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du Covid-19

Rapport d'information n° 620 (2019-2020) du 9 juillet 2020, par
M. Stéphane ARTANO, Mmes Viviane ARTIGALAS et Nassimah DINDAR, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer

· Enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020

Rapport d'information n° 651 du 16 juillet 2020, par Mme Vivette LOPEZ, M. Gilbert ROGER et Dominique THÉOPHILE, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer

· Rapport triennal (2017-2020) d'activité de la délégation

Rapport d'information n° 652 du 16 juillet 2020, par M. Michel MAGRAS

· Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?

Rapport d'information n° 713 du 21 septembre 2020, par M. Michel MAGRAS

· Session 2020-2021

· Les biodiversités de l'océan Indien, au coeur d'un nouveau modèle de développement - Actes du colloque du 20 mai 2021

Rapport d'information n° 624 (2020-2021) du 21 mai 2021 - par
M. Stéphane ARTANO

· La politique du logement dans les outre-mer

Rapport d'information n° 728 (2020-2021) du 1er juillet 2021 Tome 1 (rapport) et Tome 2 (auditions)par M. Guillaume GONTARD, Mme Micheline JACQUES et M. Victorin LUREL, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer

· Session 2021-2022

· Gaston Monnerville - L'héritage"

Rapport d'information n° 100 (2021-2022) du 25 octobre 2021 - par M. Stéphane ARTANO

· Rencontre avec les maires et élus d'outre-mer

Rapport d'information n° 149 (2021-2022) du 15 novembre 2021 - par M. Stéphane ARTANO

· Les outre-mer au coeur de la stratégie maritime nationale

Rapport d'information n° 546 (2021-2022) du 24 février 2022 - par
M. Philippe FOLLIOT, Mmes Annick PETRUS et Marie-Laure PHINERA-HORTH

· Les outre-mer dans la Constitution

Rapport d'information n° 789 (2021-2022) du 18 juillet 2022 - par
M. Stéphane ARTANO

· Session 2022-2023

· Rencontre avec les maires et élus d'outre-mer

Rapport d'information n° 135 (2022-2023) du 21 novembre 2022 - par M. Stéphane ARTANO

· La gestion des déchets dans les outre-mer

Rapport d'information n° 195 (2022-2023) du 8 décembre 2022 - par Mmes Gisèle JOURDA et Viviane MALET

· L'évolution institutionnelle des outre-mer

Rapport d'information n° 361 (2022-2023) du 16 février 2023 - par
M. Stéphane ARTANO et Micheline JACQUES

· La continuité territoriale outre-mer

Rapport d'information n° 488 (2022-2023) du 30 mars 2023 - par
M. Guillaume CHEVROLLIER et Mme Catherine CONCONNE

· Foncier agricole outre-mer : une reconquête nécessaire pour la souveraineté alimentaire

Rapport d'information n° 799 (2022-2023) du 28 juin 2023 - par
Mme Vivette LOPEZ et M. Thani Mohamed SOILIHI

· Soutien à la parentalité : agir pour toutes les familles des outre-mer

Rapport d'information n° 870 (2022-2023) du 11 juillet 2023 - par
M. Stéphane ARTANO, Mmes Annick BILLON, Victoire JASMIN et Elsa SCHALCK

· Bilan triennal d'activité (2020-2023) de la Délégation sénatoriale
aux outre-mer

Rapport d'information n° 904 (2022-2023) du 24 juillet 2023 - par
M. Stéphane ARTANO

· Session 2023-2024

· Rencontre avec les maires des outre-mer - 20 novembre 2023

Rapport d'information n° 149 (2023-2024) du 27 novembre 2023 - par Mme Micheline JACQUES

· La coopération et l'intégration régionales des outre-mer - Volet 1 : bassin océan Indien

Rapport d'information n° 763 (2023-2024) du 17 septembre 2024 - par MM. Christian CAMBON, Stéphane DEMILLY et Georges PATIENT

· Session 2024-2025

· Foncier outre-mer : relever ensemble les défis

Rapport d'information n° 206 (2024-2025) du 16 décembre 2024 - par Mme Micheline JACQUES

· L'action de l'État outre-mer : pour un choc régalien

Rapport d'information n° 264 (2024-2025) du 23 janvier 2025 - par MM. Philippe BAS et Victorin LUREL

· La lutte contre la vie chère outre-mer : pansements ou vrais remèdes ?

Rapport d'information n° 514 (2024-2025) du 3 avril 2025 - par Mmes Viviane ARTIGALAS, Jocelyne GUIDEZ, Micheline JACQUES, Évelyne PERROT, MM. Teva ROHFRITSCH et Dominique THÉOPHILE

En cours :

· La coopération et l''intégration régionales des outre-mer -- volet 2 : bassin océan Atlantique.

· La politique du handicap outre-mer.

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