- Mardi 6 mai 2025
- Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 - Examen des amendements au texte de la commission (deuxième lecture)
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé - Examen des amendements au texte de la commission
- Mercredi 7 mai 2025
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours - Procédure de législation en commission - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de nomination de M. Christian Charpy, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi tendant à modifier le II de l'article 43 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile - Examen du rapport et du texte de la commission
Mardi 6 mai 2025
- Présidence de Mme Muriel Jourda, président -
La réunion est ouverte à 14 h 00.
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 - Examen des amendements au texte de la commission (deuxième lecture)
Mme Muriel Jourda, président. - Mes chers collègues, nous allons examiner les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi portant reconnaissance par la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982.
M. Francis Szpiner, rapporteur. - Mes chers collègues, ces amendements ont presque tous été présentés lors de la précédente réunion de notre commission visant à établir le texte. Aussi, j'y serai défavorable.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 1, 4 et 10, de même qu'aux amendements nos 14 et 15.
Article 3 (supprimé)
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 2, 6 et 11.
Article 4 (supprimé)
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 3 et 12, de même qu'à l'amendement n° 7.
Intitulé de la proposition de loi
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 15 rectifié ter et 32. Elle demande l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 1, 4 rectifié bis et 25, de même que sur l'amendement n° 27.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'avis est défavorable sur les amendements nos 6 rectifié et 22 rectifié, qui visent notamment à créer des circonstances aggravantes lorsqu'un soignant est auteur d'une agression.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6 rectifié et à l'amendement n° 22 rectifié.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Les amendements identiques nos 13 rectifié bis et 30 visent à élargir les sanctions renforcées pour le vol de produits de santé au détriment des professionnels de santé. J'en demande le retrait, ou à défaut l'avis sera défavorable.
La commission demande le retrait des amendements identiques nos 13 rectifié bis et 30 ou, à défaut, y sera défavorable.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement n° 18 vise à laisser au professionnel signalant des violences la possibilité de ne pas informer la famille. L'amendement est satisfait car des dispositions plus précises existent.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 18 et, à défaut, y sera défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Sur l'amendement n° 34 du Gouvernement, je maintiens notre position : la répression de l'injure nous semble offrir un cadre plus pertinent que l'introduction d'un délit d'outrage.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34, de même qu'aux amendements identiques nos 12 rectifié ter, 24 et 29.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Par cohérence, à la suite du débat que nous avons eu lors d'une précédente réunion au sujet de l'article 1er, j'émets un avis défavorable aux amendements identiques nos 16 rectifié ter et 33. En effet, la formulation unique qu'ils proposent pour remplacer l'énumération des lieux d'exercices concernés nous paraît trop large.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 16 rectifié ter et 33.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement n° 7 rectifié tend à aggraver les sanctions des actions contraires à la déontologie des professionnels. Nous en demandons le retrait, car il est satisfait par l'article 433-3 du code pénal.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 7 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Les amendements identiques nos 14 rectifié ter et 31 visent à étendre au conseil national de l'ordre des pharmaciens la faculté de se constituer partie civile en cas d'outrage commis à leur encontre. L'adoption de ces amendements créerait une grave distorsion entre les ordres : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 14 rectifié ter et 31.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement n° 8 rectifié est satisfait pour les professionnels qui exercent dans un établissement public, qui peuvent déclarer leur adresse professionnelle lors du dépôt de plainte sans l'accord de leur employeur. Ceux qui exercent dans des établissements privés peuvent déclarer l'adresse de leur ordre, de leur avocat ou de leur employeur, sous réserve de l'accord de ces derniers. Cet accord est nécessaire pour s'assurer que le tiers transmettra bien toutes les informations judiciaires au plaignant. L'état du droit paraît donc à préserver.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8 rectifié.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Au sujet de la liste des professionnels concernés par cette proposition de loi, comme pour l'article 1er, je propose que nous nous en remettions à l'avis du Gouvernement.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 2 , 5 rectifié bis, 19 et 26.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Les amendements identiques nos 11 rectifié ter et 28, issus du conseil national de l'ordre des pharmaciens, visent à substituer au dépôt de plainte par l'employeur ou l'ordre un simple signalement au procureur de la République. Outre que le signalement au parquet est largement satisfait par l'état du droit, les réserves juridiques soulevées par le conseil national de l'ordre des pharmaciens nous paraissent infondées. L'avis est donc très défavorable sur ces amendements.
Sur les amendements identiques nos 10 rectifié quinquies et 23, la commission a choisi de confier aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les médecins libéraux. Lorsque j'ai échangé avec l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), celle-ci s'est dite défavorable à ce que les unions régionales des professionnels de santé (URPS) puissent se doter de cette faculté.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 11 rectifié ter et 28, de même qu'aux amendements identiques nos 10 rectifié quinquies et 23.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement n° 9 vise à apporter une attention particulière à la prévention des risques liés au trafic de stupéfiants dans les établissements de santé. L'avis est défavorable, car il s'agit probablement d'un amendement d'appel, dont la portée normative semble nulle.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
La réunion est close à 14 h 10.
Mercredi 7 mai 2025
- Présidence de Mme Muriel Jourda, président -
La réunion est ouverte à 8h30.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours - Procédure de législation en commission - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons ce matin, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi, déposée par le député Jean-Carles Grelier, relative à l'organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours, adoptée par l'Assemblée nationale le 6 mars 2025.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - En adoptant à l'unanimité, le 19 mars dernier, la proposition de loi visant à garantir le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, le Sénat répondait aux demandes constantes des acteurs de la sécurité civile pour le renforcement de la protection de la santé et des conditions de travail de nos soldats du feu.
La même volonté de répondre à ces enjeux capitaux a conduit le Parlement à acter, il y a quatre ans, par la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, la constitution, dans chaque service départemental d'incendie et de secours (Sdis), d'une sous-direction santé. Souvent peu connus du grand public, les médecins, pharmaciens, infirmiers et autres professionnels de santé qui composent les rangs de celle-ci exercent pourtant des missions essentielles aussi bien pour la population générale que pour les sapeurs-pompiers eux-mêmes et pour les autres agents des services d'incendie et de secours. Ces professionnels de santé ont pour 95 % d'entre eux le statut de sapeur-pompier volontaire, les autres étant sapeurs-pompiers professionnels ou, pour moins de 1 % d'entre eux, contractuels. Leur engagement les honore.
Afin de préciser l'organisation de la sous-direction santé ainsi que les missions exercées par les professionnels de santé des Sdis, notre collègue député Jean-Carles Grelier a déposé la proposition de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 6 mars dernier.
Le texte prévoit, premièrement, de clarifier les missions dévolues aux professionnels de santé au sein des Sdis.
Parmi ceux-ci, les médecins de sapeurs-pompiers sont amenés à exercer des missions plurielles, dont la médecine de soins aux victimes et aux sapeurs-pompiers, la médecine d'aptitude des sapeurs-pompiers ainsi que la médecine de prévention pour l'ensemble des agents des Sdis.
Les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, ainsi que les obligations déontologiques imposées par l'ordre des médecins, s'opposent néanmoins à l'exercice cumulatif, par un même médecin et à l'égard d'un même patient, de ces différentes missions.
En toute rigueur, en application du cadre normatif en vigueur, les Sdis devraient ainsi recruter autant de médecins qu'il y a de spécialités requises pour le bon fonctionnement du service : un médecin diplômé de médecine du travail pour la médecine préventive, un médecin diplômé de médecine d'urgence pour le secours et les soins d'urgence, un médecin diplômé de médecine générale pour l'aptitude.
Il ne vous aura pas échappé que cette exigence est tout simplement irréaliste au regard des contraintes financières qui pèsent sur les services d'incendie et de secours. Elle apparaît également en décalage avec la rareté des professionnels de santé, qui concerne désormais l'ensemble du territoire. Par ailleurs, elle ne tient pas compte du fait que la pluralité des missions exercées par les médecins de sapeurs-pompiers constitue précisément l'un des motifs d'attractivité incitant les professionnels à s'engager.
Les auditions que j'ai menées ces dernières semaines ont permis de confirmer l'impossibilité pour les Sdis de se conformer en pratique à cette règle, une part non négligeable d'entre eux ne disposant que d'un seul médecin pour l'ensemble du service. En l'état, ils sont donc contraints d'ignorer ces interdictions, ce qui les place dans une situation de forte insécurité juridique.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi a pour objectif premier de lever la contrainte normative qui empêche aujourd'hui l'exercice par un même médecin de la médecine de soins, de la médecine d'aptitude et de la médecine de prévention dans son Sdis. Afin de surmonter cette règle qui n'est nullement adaptée au fonctionnement et aux contraintes des Sdis, ce texte vise à doter d'une base législative l'exercice de missions plurielles par les médecins de sapeurs-pompiers.
Cette disposition est une mesure de bon sens, attendue de longue date par les Sdis, étant entendu notamment qu'en dix ans le nombre de médecins volontaires et le nombre de médecins professionnels ont diminué, respectivement, de 20 % et de 4 %.
Il convient en outre de noter qu'un tel exercice cumulatif de la médecine est aujourd'hui autorisé pour les médecins relevant des services de santé des armées, du fait de leur non-affiliation à l'ordre des médecins. Par parallélisme avec la situation des médecins militaires, la proposition de loi prévoyait ainsi initialement une dispense d'inscription des professionnels de santé des Sdis à l'ordre professionnel auquel ils sont soumis. Cette mesure a été supprimée par l'Assemblée nationale au motif qu'elle n'était pas nécessaire pour permettre l'exercice pluriel de la médecine, et qu'elle n'était du reste pas voulue par les médecins de sapeurs-pompiers eux-mêmes. En effet, la plupart d'entre eux exercent également en dehors du Sdis, et doivent pour ce faire satisfaire aux exigences d'affiliation à leur ordre professionnel.
Outre ces mesures relatives à l'exercice cumulatif de la médecine, le texte vise plus largement à inscrire dans la loi les missions exercées par l'ensemble des professionnels de santé intervenant au sein des services d'incendie et de secours.
L'article 1er permet ainsi la reconnaissance par la loi des missions exercées par les médecins de sapeurs-pompiers, telles que les soins d'urgence aux personnes dans le cadre des interventions opérationnelles, l'expertise, l'enseignement et la recherche dans les domaines de la santé, du secours et des soins d'urgence, ainsi que la participation aux missions de direction et d'encadrement du Sdis.
Dans le même esprit, l'article 2 consacre les missions dévolues aux pharmaciens, aux infirmiers, aux psychologues et aux vétérinaires de sapeurs-pompiers. L'examen du texte par l'Assemblée nationale a également permis d'inclure dans le périmètre de l'article les missions des cadres de santé et des psychothérapeutes, ainsi que de reconnaître explicitement la possibilité pour tout autre professionnel de santé de participer aux missions de la sous-direction santé en qualité d'expert de sapeur-pompier.
La proposition de loi fait donc oeuvre de clarification quant au périmètre d'intervention de chacune des professions de santé susceptibles de contribuer aux missions des Sdis, sans pour autant en redéfinir substantiellement les contours tels qu'ils sont prévus aujourd'hui par des dispositions réglementaires.
Pour ce qui est de ces articles 1er et 2, je me contenterai de vous soumettre deux amendements visant à assurer la clarté des missions ciblées et la cohérence de la codification de celles-ci au sein du code de la sécurité intérieure.
Initialement, l'article 3 prévoyait, en complément, la création d'un nouveau cadre d'emplois des personnels de santé des services d'incendie et de secours, dans lequel les cadres d'emplois actuels des différentes professions de santé des sapeurs-pompiers professionnels auraient été fusionnés. Cette mesure a été supprimée par l'Assemblée nationale, décision que je salue au regard des impératifs de souplesse de gestion et d'adaptabilité que permet de satisfaire l'existence de cadres d'emploi distincts.
Pour ce qui est de l'article 3, je vous proposerai donc uniquement de revenir à la dénomination consacrée par la loi Matras de « sous-direction santé », à la demande des acteurs du secteur qui se sont, depuis, appropriés cette appellation.
La proposition de loi prévoit par ailleurs deux dispositifs dérogatoires à l'attention des militaires du service de santé des armées qui rejoindraient les sous-directions santé des Sdis.
L'article 6 ouvre en effet la possibilité pour les militaires du service de santé des armées de bénéficier d'une intégration directe au sein d'un cadre d'emploi de professionnel de santé de sapeurs-pompiers professionnels, en dérogeant aux procédures actuelles qui prévoient que l'intégration est précédée de périodes de détachement ou de stage dans la fonction publique civile.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a en outre complété le dispositif en prévoyant que les militaires du service de santé des armées qui bénéficieraient de cette nouvelle procédure d'intégration directe seraient rattachés au régime du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont les bénéficiaires actuels sont, comme vous le savez, limités aux fonctionnaires civils, aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux militaires.
Je partage évidemment l'objectif de l'article 6, qui est de favoriser la mobilité des personnels de santé du service de santé des armées vers les Sdis. Je ne suis en revanche pas convaincue par les dispositifs dérogatoires proposés à cette fin.
Tout d'abord, il ne me paraît pas justifié d'instaurer une nouvelle procédure d'intégration directe réservée aux seuls militaires du service de santé des armées pour l'accès aux cadres d'emploi des professionnels de santé de sapeurs-pompiers : il me semble qu'en résulterait une rupture d'égalité par rapport au reste des militaires, d'une part, et au reste de la fonction publique civile, d'autre part.
Ensuite, le rattachement au régime des retraites de l'État des militaires concernés par cette nouvelle disposition induirait là aussi une différence de traitement, à leur détriment, par rapport aux sapeurs-pompiers professionnels, qui relèvent du régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Je vous proposerai donc de supprimer l'article 6 qui prévoit ces deux dispositifs.
Enfin, l'examen du texte à l'Assemblée nationale a abouti à l'ajout de trois articles dont je vous proposerai également la suppression.
Deux articles prévoient la remise de rapports au Parlement sur des enjeux qui ont trait à la santé des sapeurs-pompiers, l'un relatif aux risques psychosociaux encourus, l'autre à l'opportunité de constituer une banque nationale de données à des fins de veille sanitaire.
Je le dis clairement : ces sujets sont d'une importance primordiale, et c'est justement à ce titre qu'ils doivent faire l'objet d'actions globales et sérieuses. La constitution de l'observatoire de la santé des sapeurs-pompiers, voilà désormais un an, est un exemple réussi de la mobilisation des acteurs du secteur pour trouver des réponses partagées et opérationnelles sur ces sujets urgents, et il ne me semble donc tout simplement pas utile de mobiliser ces acteurs pour la rédaction d'énièmes rapports sur ces sujets.
Par ailleurs, l'article 7 bis, qui prévoit l'organisation de campagnes d'information sur les professions de santé dans les services d'incendie et de secours, ne relève pas de la loi. Sans nier l'utilité que pourraient revêtir de telles campagnes, je proposerai la suppression de l'article, ces actions n'ayant nullement besoin d'une assise législative.
En définitive, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui apporte une clarification juridique bienvenue à l'exercice des missions des professionnels de santé de sapeurs-pompiers. Les amendements que je vous proposerai d'adopter visent à resserrer quelque peu son périmètre afin de renforcer son opérationnalité et son efficacité, tout en écartant certains dispositifs qui me semblent juridiquement fragiles.
Ce texte, bien qu'utile, ne pourra assurément régler à lui seul les difficultés de recrutement auxquelles font face les Sdis et à propos desquelles le Beauvau de la sécurité civile devra apporter une réponse globale. Il est impératif de traiter ces enjeux de recrutement des personnels de santé par les Sdis pour poursuivre les progrès engagés ces dernières années en matière de protection de la santé de ceux dont la mission est la protection des autres.
Je vous propose d'adopter cette proposition de loi ainsi modifiée.
M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. - Madame la présidente de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant votre commission sur l'action essentielle menée partout en France par les Sdis et notamment - tel est l'objet de ce texte - par les professionnels de santé qui s'y engagent.
Je veux commencer par saluer le travail parlementaire et transpartisan qui a été mené sur ce texte. Je pense aux échanges extrêmement constructifs que nous avons eus à l'Assemblée nationale avec l'auteur et rapporteur de cette proposition de loi, le député Jean-Carles Grelier, pour en affiner, en commission puis en séance, les dispositions initiales. C'est ce qui nous permet d'examiner aujourd'hui un texte qui représente un progrès pour les professionnels de santé de sapeurs-pompiers, par la reconnaissance de leur exercice polyvalent, mais qui respecte également le cadre spécifique de la médecine d'urgence, lequel doit être préservé. C'est le résultat d'un travail de fond qui a été mené en restant à l'écoute de chacun : pompiers, urgentistes, médecins, infirmiers.
L'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale et l'état d'esprit de coopération qu'il reflète sont partagés par le Sénat. En témoigne le choix de cette procédure de législation en commission, qui va permettre au texte d'aboutir rapidement - c'est un objectif que je partage tout à fait.
En effet, avec le développement des missions de secours à la personne qu'exercent les sapeurs-pompiers - elles sont devenues prédominantes et représentent désormais plus de 80 % de leur activité quotidienne -, leurs liens avec le système de santé, et tout particulièrement avec les services d'urgence, se sont renforcés.
Aussi, dans le respect des missions, des compétences et des périmètres de chacun, suis-je résolument attaché à construire avec les « blancs » et avec les « rouges » les déterminants d'une collaboration toujours plus efficace et plus fluide, au service de la santé et de la sécurité de nos concitoyens.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j'aborde ce texte certes comme ministre de la santé, mais surtout en tant que ministre des professionnels de santé, y compris ceux qui exercent au sein des services départementaux d'incendie et de secours.
Cette proposition de loi permet de reconnaître et de valoriser les soignants que sont les médecins, mais également les autres professionnels de santé qui s'engagent dans le corps des sapeurs-pompiers. J'estime que cette reconnaissance au niveau de la loi, dont ils ne bénéficiaient pas jusqu'alors, est salutaire. J'en profite pour rendre hommage à leur courage et à leur dévouement. Certains auront reconnu la devise des sapeurs-pompiers, utilisée pour célébrer la Sainte-Barbe - ils ne m'en voudront pas, j'en suis sûr, de l'avoir empruntée.
On entend parfois dire qu'il y aurait une tension entre les « blancs » et les « rouges ». Mais ce que je constate surtout, et ce dont vous êtes les premiers témoins dans vos circonscriptions, c'est que, dans la majorité des territoires, l'articulation se passe bien, voire très bien. Dans une très grande majorité de cas, les sapeurs-pompiers et les urgentistes travaillent en bonne intelligence et en pleine coopération, ce qui permet de porter des projets en commun. Je suis notamment de très près les projets d'expérimentation d'un numéro unique, le 112.
Je tenais avant tout à souligner cet état d'esprit positif, car le métier de pompier, comme les métiers de soignant, sont des métiers d'engagement et d'altruisme, guidés par l'objectif de venir en aide et de porter secours au quotidien à toutes celles et à tous ceux qui en ont besoin.
C'est pourquoi je souhaite que ce texte soit avant tout le vecteur d'une meilleure articulation entre les professionnels des services d'aide médicale urgente, les Samu, et ceux des services de secours à la personne, les Sdis. Il s'agit d'avancer en précisant et en clarifiant les déterminants de la coopération entre ces deux services. Je l'ai dit d'emblée, cela doit se faire dans le respect des missions, des compétences et des périmètres de chacun. C'est d'ailleurs à cette seule condition que la coordination entre Sdis et Samu, entre pompiers et urgentistes, sera véritablement efficace au service de nos concitoyens.
Je veux également rendre hommage aux urgentistes et professionnels des urgences, comme j'ai rendu hommage aux soignants de sapeurs-pompiers. Je salue notamment le rôle qu'ils jouent au quotidien dans les services d'urgence, ainsi que leur mobilisation en première ligne, chaque année, dans la gestion des tensions hospitalières hivernales. Nous aurons encore besoin de leur engagement durant la période sensible de l'été.
De telles tensions affectent aussi les sapeurs-pompiers, qui font parfois face à des temps d'attente anormalement longs, aux urgences, lorsqu'ils y amènent un patient. Je me réjouis, à cet égard, que le travail effectué en bonne intelligence sur ce texte ait notamment permis de clarifier et d'expliciter les possibilités d'exercice pluriel des médecins des Sdis en matière de soins, de médecine d'aptitude et de médecine du travail, dans la limite, naturellement, des compétences acquises par la formation ou dans le cadre de coopérations entre professionnels de santé.
En tant que ministre d'un écosystème de métiers particulièrement riche et divers, je prends en compte de manière prioritaire le principe suivant : il ne faut jamais opposer les professions entre elles. Au contraire, nous devons toujours nous attacher à les faire toutes progresser, dans leurs champs d'expertise respectifs comme dans leurs missions communes. Il y a là un impératif auquel les commissions des lois et des affaires sociales du Sénat sont très attentives, fortes de leur expérience et de leur expertise très fine sur ces sujets.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous savez comme moi combien nous avons besoin, dans nos territoires, de la mobilisation de l'ensemble des acteurs. C'est à cette seule condition que nous pourrons apporter une réponse efficace et coordonnée, de jour comme de nuit, à tous nos concitoyens qui en ont besoin.
Je le répète, il faut travailler ensemble : la ville avec l'hôpital, tous les soignants les uns avec les autres, et les services d'urgence avec les services d'incendie et de secours. C'est pourquoi, en tant que ministre, en tant qu'hospitalier et en tant qu'ancien élu local, je souhaite que nous puissions avancer ensemble et aboutir sur ce texte, que j'envisage comme un véritable catalyseur de l'engagement des professionnels du secours sur le terrain.
Mme Catherine Di Folco. - Je remercie le rapporteur pour son rapport très clair et très instructif et pour son travail minutieux de toilettage de cette proposition de loi, dont elle a ôté ce qui était superflu.
Je me félicite qu'il y ait consensus pour sécuriser la pratique des professionnels de santé dans les Sdis.
M. Hussein Bourgi. - Je remercie moi aussi notre collègue Françoise Dumont pour la qualité de son rapport. À chaque fois que nous examinons un texte relatif aux sapeurs-pompiers, nous voyons à l'oeuvre son expérience d'ancienne présidente de Sdis.
Le groupe socialiste, écologiste et républicain votera ce texte, auquel il souscrit en ce qu'il vise à clarifier les missions des professionnels de santé et à sécuriser leur travail au quotidien.
Notre commission des lois reçoit rarement le ministre de la santé ; je saisis la chance qui est offerte pour vous solliciter, Monsieur le ministre, à propos de l'expérimentation du numéro unique, qui suscite quelque appréhension, sinon de vives oppositions, chez les acteurs hospitaliers. Ceux-ci ont parfois du mal - je le dis malgré tout le respect que j'ai pour eux - à se décharger de certaines missions qu'ils sont malheureusement incapables de réaliser de manière satisfaisante. Ils peinent ainsi à s'inscrire dans un processus de collaboration avec les « rouges » : les rouges y sont disposés, les blancs beaucoup moins.
Nous les aimons tous, blancs comme rouges, rouges comme blancs. Ce qui doit nous animer, c'est l'intérêt général, l'intérêt des Français, qui doivent pouvoir être pris en charge dans les délais les plus brefs possible.
Les ministres de l'intérieur que nous avons successivement interpellés sur cette question sont convaincus de la pertinence de ce numéro unique. Il faut désormais, Monsieur le ministre, que vous pesiez de tout votre poids auprès des acteurs hospitaliers pour qu'ils s'engagent pleinement dans cette expérimentation, qui a d'ores et déjà fait ses preuves dans les départements où elle est mise en oeuvre. D'autres départements attendent avec impatience sa généralisation !
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - Je me permets d'abonder dans le sens des propos d'Hussein Bourgi, auquel je souscris parfaitement : l'expérimentation du numéro unique était inscrite dans la loi Matras de 2021 ; c'était un engagement pris par le Président de la République en 2017. Cette mesure, qui relève du bon sens, fonctionne bien dans beaucoup de départements et permet de substantielles économies. Il faut une action en ce sens, Monsieur le ministre.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Je me félicite moi aussi de la présence parmi nous de Monsieur le ministre, qui était déjà présent en séance publique hier à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je remercie la commission des lois pour son accueil chaleureux !
L'expérimentation dont il est question est conduite par exemple dans l'Ain et en Savoie. Tout n'est pas « calé » : il reste des difficultés techniques de deux ordres.
Des incompatibilités entre logiciels doivent encore être réglées. Par ailleurs, il convient de prendre en compte le délai de « décroché », qui conditionne dans bien des cas le diagnostic. Le numéro unique, pour lequel nous plaidons tous au nom de la simplicité et de l'agilité, ne doit pas dégrader ce délai ni occasionner de pertes de chances pour les patients.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Dans l'hypothèse d'un retour à la procédure normale en séance publique, il nous appartient, conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues des services d'incendie et de secours, ainsi qu'à leurs conditions d'exercice et à leurs statuts ; à l'organisation de la sous-direction santé des services départementaux d'incendie et de secours ; aux personnels de santé civils de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille ; aux modalités d'accès des militaires du service de santé des armées à la fonction publique civile ; au régime de retraite des militaires du service de santé des armées intégrés dans la fonction publique civile.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-3 intègre les dispositions de l'article 2 relatives aux professionnels de santé à l'article 1er, afin de les regrouper en un seul chapitre II bis au sein du code de la sécurité intérieure.
Il précise également que les pharmaciens, les infirmiers et les cadres de santé de sapeurs-pompiers peuvent participer aux secours et soins d'urgence, ce qui ne figurait pas dans la version du texte issue de l'Assemblée nationale. Il ajoute la mention du respect des règles déontologiques et professionnelles pour chacune des professions, à l'exception des psychologues et des psychothérapeutes, non soumis à de telles dispositions.
Enfin, il transforme le décret en Conseil d'État prévu au dernier alinéa en décret simple, afin de faciliter les éventuelles évolutions futures des personnels de santé.
M. Yannick Neuder, ministre. - La création d'un chapitre II bis du titre II du livre VII du code de la sécurité intérieure est envisageable.
Cependant, j'appelle votre attention sur le fait que cette réécriture de l'article 1er supprimerait le décret en Conseil d'État prévu pour la délégation de tâches aux infirmiers de sapeurs-pompiers ; or ce niveau normatif me paraît le plus adapté.
Pour cette raison, je m'en remets à la sagesse de la commission.
L'amendement COM-3 est adopté.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à clarifier les missions dévolues aux médecins de sapeurs-pompiers, notamment en en alignant la définition sur des formulations déjà prévues par le droit en vigueur. Il serait ainsi mentionné que les médecins participent aux « secours et aux soins d'urgence » et concourent « à l'aide médicale urgente ».
Il modifie également les décrets en Conseil d'État prévus à l'article 1er afin d'en faire des décrets simples et ainsi de rendre plus souple la définition et l'évolution des missions des médecins de sapeurs-pompiers ainsi que les modalités de délégation de celles-ci aux infirmiers.
M. Yannick Neuder, ministre. - Votre amendement supprime la nécessité d'une formation adaptée. Tel que rédigé, il ne permettra pas de prévoir cette formation au niveau réglementaire. Or chacun conçoit bien que tous les spécialistes - dermatologue, psychiatre, anatomopathologiste, etc. - ne peuvent immédiatement exercer les missions de médecins de sapeurs-pompiers.
Vous supprimez également l'exigence d'un décret en Conseil d'État pour les délégations de tâches aux infirmiers de sapeurs-pompiers. Or ce texte permet déjà de déroger au cadre général des protocoles de coopération. S'agissant de la prise en charge de patients dont le pronostic vital peut être engagé, il est important de prévoir un cadre d'exercice sécurisé et concerté, ce que permet un décret en Conseil d'État.
Enfin, vous proposez de rappeler que les services d'incendie et de secours concourent à l'aide médicale urgente. Je vous rejoins sur ce point, madame le rapporteur : c'est une précision importante. Bien que les missions des uns et des autres soient bien distinctes, les sapeurs-pompiers interviennent en appui des médecins urgentistes, dans le respect des compétences de chacun.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Dominique Vérien. - À trop vouloir protéger, on ne protège plus rien.
L'idée est de donner un peu de souplesse : lorsqu'on a la chance de trouver un médecin de sapeurs-pompiers, on est déjà très content, quitte à lui prodiguer une formation complémentaire. L'important est de pouvoir utiliser les forces vives dont nous disposons, en particulier dans nos départements ruraux.
Je soutiens évidemment l'amendement de notre rapporteur.
M. Yannick Neuder, ministre. - Vous m'opposez l'argument de la simplification, que j'entends : je suis pour la simplification. Mais je suis absolument convaincu aussi par l'argument de la compétence - c'est le médecin qui vous parle, davantage que le ministre : je préfère que le sapeur-pompier mobilisé pour traiter un infarctus soit un infirmier anesthésiste sachant faire un massage cardiaque, plutôt qu'un médecin qui est biologiste ou anatomopathologiste.
Ce qui importe avant tout, c'est la compétence, quel que soit le statut. C'est le même raisonnement que j'applique concernant la simplification relative aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Il serait facile d'ouvrir les vannes, car 20 000 Padhue sont actuellement inscrits au Conseil de l'ordre des médecins ; mais nous ne devons jamais sacrifier la compétence à la simplification.
L'amendement COM-4 est adopté.
M. Hussein Bourgi. - L'amendement COM-2 a pour objet d'inscrire dans ce texte les dispositions de la proposition de loi de nos collègues Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol visant à garantir le suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, que nous avons adoptée il y a quelques semaines.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - Je partage bien évidemment l'objectif qui consiste à mieux garantir le suivi de l'exposition de nos sapeurs-pompiers à des substances nocives. Vous venez de l'indiquer, le Sénat a déjà approuvé cette mesure en adoptant à l'unanimité la proposition de loi de nos collègues Émilienne Poumirol et Anne-Marie Nédélec.
Outre l'intérêt limité de prévoir la même obligation dans deux articles de code différents, je m'inquiète surtout du risque de rendre le dispositif plus rigide pour les Sdis.
En effet, votre amendement impose que la fiche d'exposition soit remplie par un médecin ; or cela semble difficile dans certains Sdis qui ne disposent que d'un seul médecin, voire le partagent avec d'autres Sdis.
L'adoption de votre amendement risquerait donc de ralentir le rythme de production de ces fiches, alors que la proposition de loi votée il y a deux mois par le Sénat prévoit justement que des modèles nationaux de fiches d'exposition simplifient la mise en oeuvre de ce suivi au sein des Sdis. J'en demande le retrait ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cet amendement est satisfait ; l'avis est donc défavorable.
L'amendement COM-2 est retiré.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à supprimer l'article 2, ses dispositions ayant été intégrées à l'article 1er afin d'inscrire l'ensemble des dispositions relatives aux missions des professionnels de santé au sein d'un même chapitre du code de la sécurité intérieure.
L'amendement COM-5, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 est supprimé.
Mme Françoise Dumont, rapporteur - Conformément à la position traditionnelle du Sénat, l'amendement COM-6 supprime la demande de rapport prévue à l'article 2 bis, qui n'a pas à figurer dans une loi.
Par ailleurs, si l'augmentation des risques psychosociaux auxquels sont exposés les agents des Sdis est désormais communément admise, des actions concrètes sont d'ores et déjà engagées, tant au sein des Sdis qu'au niveau national, afin d'agir concrètement pour documenter, prévenir et diminuer ces risques.
L'installation de deux observatoires nationaux relatifs à la santé des agents des Sdis, d'une part, et aux violences envers les sapeurs-pompiers, d'autre part, illustre la prise de conscience, de la part de l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, du besoin de renforcer la connaissance et la prévention de ces risques.
Il apparaît ainsi préférable d'encourager les actions en cours plutôt que de mobiliser les acteurs concernés pour la production d'un nouveau rapport sur le sujet.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je salue votre sens du pragmatisme, madame le rapporteur. Cela dit, lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, j'avais salué la volonté des députés de placer les risques psychosociaux, notamment liés aux agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers, au coeur de nos discussions.
Je m'en remets à la sagesse de la commission sur cet amendement.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article 2 bis est supprimé.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-7 procède à plusieurs modifications rédactionnelles et formelles.
Premièrement, il rétablit la dénomination de « sous-direction santé », qui est en vigueur depuis 2021 et bien identifiée par les acteurs concernés.
Deuxièmement, il supprime la mention des règles professionnelles et déontologiques auxquelles sont soumises les différentes professions de santé : cette mention a été intégrée à l'article 1er par l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté il y a quelques minutes.
L'amendement COM-7, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4 (supprimé)
L'article 4 demeure supprimé.
Article 5 (supprimé)
L'article 5 demeure supprimé.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - Les deux dispositifs dérogatoires prévus à l'article 6 ne me semblent pas justifiés.
D'une part, le droit en vigueur permet d'ores et déjà aux militaires du service de santé des armées d'effectuer un détachement, qui pourra être suivi d'une intégration, au sein de l'ensemble de la fonction publique, et donc notamment au sein des sous-directions santé des services d'incendie et de secours. Aussi n'est-il pas nécessaire de prévoir un dispositif spécial d'intégration directe. Du reste, sur les cinq dernières années, aucun militaire du service de santé des armées n'a demandé à être intégré au sein d'un cadre de professionnels de santé de sapeurs-pompiers.
D'autre part, la dérogation aux règles d'affiliation en matière de régime de retraite que prévoit le II de l'article 6 ne paraît pas non plus pertinente.
Je propose donc, par l'amendement COM-8, la suppression de l'article 6.
M. Yannick Neuder, ministre. - Le Gouvernement s'était montré favorable à cet article 6 lors de son examen à l'Assemblée nationale.
Je reconnais que le dispositif de détachement suivi d'une intégration dans l'ensemble des fonctions publiques existe déjà pour tous les militaires et qu'il peut être simplifié par voie réglementaire, sans qu'il soit besoin d'en passer par la loi.
Le paragraphe II de l'article 6 peut être compris comme créant des règles de pensions spécifiques pour les anciens militaires du service de santé des armées intégrés dans un cadre d'emploi de sapeurs-pompiers, ce qui porterait atteinte au principe d'égalité.
Dès lors, je m'en remets à la sagesse de la commission.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 6 est supprimé.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-9 harmonise la rédaction des dispositions de l'article 7 relatives à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et au bataillon de marins-pompiers de Marseille, afin de préciser qu'elles s'appliquent à l'ensemble des personnels de santé civils des deux unités militaires, sans se restreindre, pour ce qui est de la seconde, aux seuls médecins civils, restriction que prévoyait le texte initial.
En effet, si les effectifs civils des personnels de santé du bataillon de marins-pompiers de Marseille ne comptent actuellement que des médecins, il paraît préférable de prévoir l'application de la présente proposition de loi à tout le personnel civil de santé qui pourrait être recruté par le service à l'avenir, comme cela est prévu pour la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
M. Yannick Neuder, ministre. - L'avis est favorable.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à rendre applicables les dispositions de l'article 1er en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je comprends votre préoccupation à l'endroit de nos concitoyens ultramarins et je tiens à vous rassurer : ces dispositions sont applicables de plein droit dans les collectivités relevant du régime de l'identité législative, c'est-à-dire en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Si l'application de l'article 1er ne pose aucune difficulté juridique pour la Polynésie française, il n'en va pas de même pour la Nouvelle-Calédonie. En effet, la compétence de l'État en matière de sécurité civile a été transférée à la Nouvelle-Calédonie par la loi du Pays du 20 janvier 2012.
Votre amendement s'appliquant à des compétences transférées, il ne peut être étendu à la Nouvelle-Calédonie. J'en demande le retrait et, à défaut, j'y serai défavorable.
L'amendement COM-10 est adopté et devient article additionnel.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - Je partage l'objectif poursuivi au travers de l'article 7 bis : les métiers de la santé exercés au sein des services d'incendie et de secours sont aujourd'hui trop peu connus et trop peu visibles. Pour autant, l'organisation de campagnes d'information sur ce sujet ne relève pas du domaine de la loi.
C'est pourquoi je vous propose, par l'amendement COM-11, de supprimer cet article.
L'amendement COM-11, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 7 bis est supprimé.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - Conformément à la position traditionnelle du Sénat, l'amendement COM-12 vise à supprimer la demande de rapport prévue par l'article 7 ter, qui n'a pas à figurer dans une loi.
Sur le fond, nous l'avons rappelé, de nombreuses actions sont en cours pour mieux documenter l'exposition des sapeurs-pompiers à toute substance nocive.
Deux études confiées au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et à l'École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers visent à évaluer les effets sur la santé de l'activité des sapeurs-pompiers.
Le Parlement débat en ce moment même du renforcement des obligations de suivi de l'exposition des sapeurs-pompiers à des substances nocives, grâce à l'initiative de nos collègues Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol, dont la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Sur la forme, il me semble que les enceintes de concertation réunissant les acteurs du secteur ainsi que la représentation nationale sont les plus à même de se prononcer sur l'opportunité de la création d'une banque nationale de données à des fins sanitaires, et que nous n'avons pas besoin d'un énième rapport gouvernemental pour prendre position.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis très favorable !
L'amendement COM-12 est adopté.
L'article 7 ter est supprimé.
Article 8
L'article 8 est adopté sans modification.
Mme Dominique Vérien. - L'amendement COM-1 est un amendement d'appel : je suis bien consciente que la disposition que je propose relève du domaine réglementaire.
Mon territoire - mais je suis sûre qu'il n'y a pas que dans l'Yonne que le problème se pose - est confronté à des difficultés de recrutement de pharmaciens hospitaliers. Je sais que des discussions sont en cours sur le sujet, l'idée étant de simplifier le cadre réglementaire actuellement applicable : là encore, à vouloir trop protéger, on ne protège plus du tout.
À défaut de pharmaciens hospitaliers, c'est aujourd'hui le médecin qui prend le risque d'un exercice illégal de l'activité de pharmacien, sans quoi il n'y aurait pas d'oxygène dans les véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV).
Où en sont les discussions ? Je suis d'accord avec Monsieur le ministre sur la compétence : l'assouplissement n'ira pas sans formation complémentaire. S'il faut choisir entre compléter la formation d'un praticien existant, et se résoudre à l'inexistence du praticien ayant la compétence requise, je n'hésite pas une seconde.
Je profite de cette intervention pour évoquer ce que dans l'Yonne on appelle le « 15-18 », à savoir le numéro unique. Chez nous, les blancs et les rouges sont d'accord : cela fait dix ans que nous réclamons ce numéro. C'est, semble-t-il, du côté du ministère de la santé que les choses bloquent.
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - Ma chère collègue, votre amendement vise à modifier les conditions d'exercice des pharmaciens au sein des pharmacies à usage intérieur. Au cours des auditions conduites ces dernières semaines, il a en effet plusieurs fois été question des difficultés à trouver des pharmaciens de sapeurs-pompiers répondant aux exigences de diplôme requises pour la gérance des pharmacies des Sdis.
Ces pharmacies sont pourtant indispensables pour assurer les missions de secours et de soins d'urgence, et je partage donc votre souhait de voir ces difficultés levées au plus vite.
Néanmoins, je note que votre amendement prévoit de modifier les règles en vigueur pour l'ensemble des pharmacies à usage intérieur. Il va donc au-delà de l'objet u texte, qui se limite à l'exercice des professionnels de santé au sein des services d'incendie et de secours. Un tel dispositif comporte des effets de bord que nous ne pouvons expertiser dans le cadre de l'examen de ce texte.
Au cours de nos échanges, les ministères de l'intérieur et de la santé nous ont indiqué avoir conscience de la difficulté suscitée par le cadre réglementaire en vigueur et préparer un projet de décret afin de lever ces contraintes, en lien avec l'Ordre national des pharmaciens.
Considérant donc que le sujet est en voie d'être traité par l'administration centrale, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. Yannick Neuder, ministre. - Je souscris totalement aux explications du rapporteur sur cet amendement qui souhaite autoriser tout pharmacien titulaire du diplôme d'État de docteur en pharmacie à exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, sous réserve d'une formation complémentaire.
Un décret en Conseil d'État doit être pris à l'automne 2025 afin de simplifier la formation requise pour exercer en Sdis.
Le pacte de lutte contre les déserts médicaux, que nous avons présenté le 25 avril dernier, comprend des mesures d'assouplissement relatives à l'exercice des pharmaciens en service d'incendie et de secours. Il me paraît donc prématuré de supprimer purement et simplement le cadre d'exercice actuellement en vigueur, sachant que nous sommes en train de travailler avec le président de la Conférence des doyens des facultés de pharmacie pour que cette réforme puisse se faire dans de bonnes conditions.
J'en viens à l'expérimentation du numéro unique : il ne suffit pas de constater localement une volonté de rapprochement entre le 15 et le 18 pour considérer qu'une expérimentation est conduite. Je suis preneur des éléments que vous pourrez me communiquer concernant les départements où vous avez identifié des expérimentations : visiblement, certaines expériences ne sont pas référencées comme expérimentations en bonne et due forme.
Mme Dominique Vérien. - C'est du côté de l'agence régionale de santé (ARS) qu'intervient le blocage, et non du côté des rouges ou des blancs, qui, au contraire, veulent de longue date s'associer.
M. Yannick Neuder, ministre. - Cela fait 136 jours que je suis là ; je n'ai bloqué aucune expérimentation de numéro unique. Si vous avez documenté vos demandes auprès du ministère, faites-le-moi savoir : nous pourrons en parler dès la fin de cette réunion.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme Marie Mercier. - Je vais me garder de parler des ARS aujourd'hui...
Quel est l'objectif à poursuivre ? Il s'agit d'apporter le meilleur soin possible aux patients. Il faut pour ce faire éviter un écueil, qui consiste à privilégier la proximité et la quantité du soin. Notre obsession doit être de ne pas faire perdre de chances aux patients, donc de ne jamais oublier la qualité du soin prodigué.
Mme Dominique Vérien. - Je vais retirer mon amendement, dont j'ai d'emblée précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel.
Monsieur le ministre, vous nous avez promis un décret en Conseil d'État pour l'automne : rendez-vous le 21 septembre !
L'amendement COM-1 est retiré.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Françoise Dumont, rapporteur. - L'amendement COM-13 vise à mettre en cohérence l'intitulé de la proposition de loi avec son objet : elle a trait aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues des services d'incendie de secours.
Il tend par ailleurs à supprimer la précision « professionnels et volontaires », qui est inutile dès lors que le texte vise l'ensemble des professionnels de santé travaillant au sein des services d'incendie et de secours, qu'ils aient le statut de sapeurs-pompiers professionnels ou de sapeurs-pompiers volontaires.
M. Yannick Neuder, ministre. - Avis très favorable !
L'amendement COM-13 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
Mme Lana Tetuanui. - Comment les dispositions que nous venons d'adopter vont-elles se décliner en Polynésie française, où le Sdis n'existe pas ? En Polynésie française, j'y insiste, il n'y a aucun Sdis : ceux qui font office de sapeurs-pompiers volontaires, ce sont des agents communaux.
M. Yannick Neuder, ministre. - Précisément, j'ai émis un avis défavorable à l'amendement COM-10.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, le vote de la commission pose un problème juridique, me semble-t-il. Nous avons une divergence d'interprétation : la compétence en matière de sécurité civile a été transférée à la Nouvelle-Calédonie par la loi du Pays du 20 janvier 2012, si bien que le législateur ne saurait intervenir dans le sens de l'amendement voté.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous devrons retravailler ce sujet.
La proposition de loi est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de nomination de M. Christian Charpy, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Muriel Jourda rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Christian Charpy aux fonctions de président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en application de l'article 13 de la Constitution.
Proposition de loi tendant à modifier le II de l'article 43 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport de Mathieu Darnaud et du texte proposé par la commission sur la proposition de loi organique tendant à modifier le II de l'article 43 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, présentée par Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Mes chers collègues, il me revient de vous présenter aujourd'hui ce texte de nos collègues sénateurs de Polynésie française Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, que je salue. Il vise à faciliter l'exercice par les communes de Polynésie française d'actions de proximité dans certaines matières relevant de la collectivité de Polynésie française, communément appelée le « Pays », comme le développement économique, l'aide sociale, la culture ou le sport, compétences d'ores et déjà partiellement exercées en pratique -par certaines communes de Polynésie.
Nos collègues proposent, par ce texte, une avancée fondamentale pour la bonne administration des communes polynésiennes. Il s'agit d'ailleurs de l'une des vingt-deux propositions pour conforter l'autonomie et la proximité de l'action publique en Polynésie française formulées par nos collègues Nadine Bellurot, Jérôme Durain et Guy Benarroche dans le rapport d'information qu'ils ont rendu le 9 octobre dernier.
En l'état du droit, l'intervention des communes polynésiennes dans ces matières est soumise à l'adoption d'une loi du Pays destinée à organiser la coordination entre les deux niveaux de collectivités.
Or, depuis 2004, seules trois lois du Pays, à l'objet très restreint, ont été adoptées à cet effet, ce qui empêche, juridiquement et concrètement, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'intervenir dans des matières où l'échelon communal ou intercommunal apparaît pourtant légitime, eu égard notamment à l'enjeu de proximité. Cet enjeu est du reste d'une centralité évidente dès lors que l'on connaît la géographie polynésienne et l'étendue du territoire concerné.
Mes chers collègues, vous qui connaissez la vie des collectivités locales, vous comprendrez aisément l'importance que revêtent ces matières pour les communes : il s'agit de construire une petite halle pour accueillir un marché, de créer une bourse du petit-déjeuner pour les enfants de familles défavorisées, d'aménager un sentier de randonnée, de créer un petit musée ou de financer des fêtes traditionnelles.
La proposition de loi organique, qui est soutenue par quarante des quarante-huit maires polynésiens, les tavanas, remplace l'exigence de l'adoption préalable d'une loi du Pays par une convention facultative et supprime toute référence au respect par les communes concernées de la réglementation édictée par la Polynésie française.
Nous ne pouvons que partager l'objectif sous-tendu par la présente proposition de loi organique.
Je vous proposerai toutefois, avec l'accord de ses auteurs, un amendement visant à sécuriser juridiquement l'action des communes ainsi qu'à améliorer la coordination de leur action avec le Pays.
Le statut de la Polynésie française confère au Pays une compétence de droit commun pour l'exercice de l'action publique sur le territoire polynésien, les communes, de création récente et aux capacités financières limitées, ne bénéficiant initialement pour l'essentiel que de compétences d'attribution listées au I de l'article 43 de la loi organique statutaire : police municipale, transport, assainissement, etc.
Le dispositif du II de l'article 43 était bien pensé : il permettait aux communes d'intervenir au-delà de ces compétences d'attribution et répondait à l'exigence d'autoriser une intervention publique adaptée à chaque territoire, au niveau des communes, dans une cohérence globale décidée au niveau du Pays. C'est pourquoi il fallait pour chaque matière adopter une loi du Pays déterminant de façon générale les périmètres d'intervention de chacun.
Les matières concernées sont les suivantes : développement, aides et interventions économiques ; aide sociale ; urbanisme et aménagement de l'espace ; culture et patrimoine local ; jeunesse et sport ; protection et mise en valeur de l'environnement et soutien aux actions de maîtrise de l'énergie » ; politique du logement et du cadre de vie ; politique de la ville.
Or, je l'ai dit, depuis 2004, seules trois lois du Pays ont été promulguées aux fins de permettre une meilleure répartition des compétences entre le Pays et les communes de Polynésie française. Elles sont de surcroît de portée limitée, et l'une d'entre elles, à visée temporaire, portait sur l'action sociale des communes pendant la crise du covid-19.
Le fait que l'ensemble des situations des communes polynésiennes doive être régi par une seule loi du Pays, ajouté à une certaine réticence du Pays à autoriser une intervention des communes dans ces champs de compétences, apparaît, du fait de la diversité des situations communales, comme le principal frein à la mise en oeuvre de ce dispositif.
Or ce mécanisme, logique mais difficile à mettre en oeuvre, empêche aujourd'hui les communes ou les EPCI d'exercer des actions de proximité pourtant indispensables au profit des habitants de leurs territoires.
Voilà en quelques mots résumé l'objet de cette proposition de loi organique, qui représente une avancée nécessaire. Ce texte répond à une aspiration très forte : je l'ai dit, quarante des quarante-huit tavanas le soutiennent. Par-delà les différentes sensibilités représentées à l'Assemblée de la Polynésie française, il existe une réelle volonté d'avancer sur ce sujet. Chacun en est convaincu, en effet, la configuration territoriale de ce territoire appelle davantage de proximité, donc un renforcement des capacités d'action des communes.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je remercie le rapporteur pour ces éclaircissements, et je remercie nos deux collègues polynésiens d'avoir proposé ce texte, qui fait envie aux élus que nous sommes, s'agissant de donner plus de moyens aux maires et davantage de proximité.
N'oublions pas que la Polynésie française est grande comme l'Europe. On peut comprendre qu'un pouvoir très centralisé à Papeete puisse empêcher des territoires très dispersés de mener à bien leurs projets. Quarante des quarante-huit maires approuvent ce texte, nous a rappelé le rapporteur : cela veut dire quelque chose. Ce texte répond à un réel besoin : merci à nos deux collègues polynésiens de défendre ces territoires auxquels ils sont tant attachés.
M. Jérôme Durain. - Une délégation de la commission des lois alors composée de François-Noël Buffet, Nadine Bellurot, Guy Benarroche, Philippe Bonnacarrere et moi-même, dûment accompagnés par Teva Rohfritsch et Lana Tetuanui, s'était rendue, en avril 2024, en Polynésie française pour travailler sur les questions institutionnelles avec les élus locaux.
Cette proposition de loi organique reprend l'une des recommandations que nous avions formulées dans le rapport issu de ce travail : il s'agit de répondre à une demande pressante des tavanas, car l'éloignement des territoires polynésiens les uns par rapport aux autres fait primer les enjeux territoriaux dans le débat institutionnel.
La disposition organique dont il est question, qui fait dépendre l'action des communes d'une décision du Pays, obère toute initiative locale. L'esprit et la lettre de ce texte justifient donc que nous y apportions tout notre soutien.
M. Teva Rohfritsch. - Avec ma collègue Lana Tetuanui, nous tenons à remercier le rapporteur pour les travaux qu'il a engagés et les nombreuses consultations qu'il a menées.
Les communes polynésiennes ne bénéficient pas de la clause générale de compétence, contrairement aux communes de l'Hexagone. Nous attendions beaucoup - et nos tavanas, nos maires, attendaient beaucoup - de la mise en application du II de l'article 43 de la loi organique statutaire, qui n'a pas produit les effets escomptés.
Pendant la période du covid-19, vers qui l'État et la collectivité de la Polynésie française se sont-ils tournés pour organiser l'assistance et l'aide d'urgence, notamment en matière sociale ? Vers nos tavanas, vers nos communes ! Des dispositions avaient alors été prises de manière temporaire, via une loi du Pays, chacun jurant ses grands dieux qu'ensuite nous en tirerions collectivement les leçons.
Les communes ont été ce maillage nécessaire dans des périodes d'urgence et ont dû faire face à une forme d'impréparation. Ne disposant pas du cadre qui avait été prévu au II de l'article 43, elles ont été saisies en urgence pendant la crise du covid-19. Nous tirons les leçons de cette expérience : par ce texte mesuré et adapté, qui sera enrichi par l'amendement de notre rapporteur, nous avons l'occasion de permettre à ces communes d'intervenir au-delà des situations d'urgence.
Il ne s'agit pas d'un transfert de compétences : la Polynésie française conserve la compétence de droit commun dans les domaines qui ont été énumérés, et elle conserve la faculté d'adopter des lois du Pays, c'est-à-dire de donner un cadre à l'intervention publique dans ces matières. Ainsi nos tavanas pourront-ils mener des « actions » - le terme est important - au bénéfice de nos populations.
Je précise que nous avons aujourd'hui le soutien de quarante-sept maires sur quarante-huit, ainsi que de l'actuel président de l'Assemblée de la Polynésie française. Je tairai le nom du maire qui ne souhaite pas soutenir ce texte, mais tous ceux qui connaissent un peu ce territoire savent de qui il s'agit.
La commission des institutions, des affaires internationales et des relations avec les communes de l'Assemblée de la Polynésie française s'est prononcée à l'unanimité, sur le fond, en faveur de cette proposition - ensuite a eu lieu, en séance plénière, un débat politicien.
Notre rapporteur a su tenir compte des demandes techniques qui ont été formulées : je pense à la question de l'information du Pays.
Je conclurai en disant qu'il s'agit de combler une carence. La Polynésie française comprend soixante-dix-huit îles habitées ; l'État et le Pays, au travers de leurs administrations, ne peuvent être présents partout. Ce sont donc les maires qui font office de service public, dans un cadre qui n'est pas toujours sécurisé : vecteurs de proximité et de subsidiarité, ils comblent surtout un vide.
Avec la proposition qui vous est faite, mes chers collègues, il s'agit de permettre aux tavanas de mener des actions tout en respectant la réglementation édictée par le Pays.
Le précédent dispositif a péché par le fait qu'il engageait de facto le financement du Pays. Tel n'est pas le cas de la mesure que nous proposons. Cela ne veut pas dire que le Pays sera encouragé à se dessaisir de ces sujets : cela signifie qu'un dialogue doit s'instaurer entre les communes et le Pays si les premières veulent une convention avec le second et une participation financière de celui-ci. À défaut, l'action de ces communes se restreindra au périmètre de leur territoire et se fera au bénéfice de leurs seuls administrés et dans la limite de leur budget communal.
Nous espérons, sur ce sujet, une expression unanime, car les communes attendent beaucoup de ce nouveau dispositif. Il y va d'une action publique conduite « au dernier kilomètre » et au plus près de nos administrés.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Tout a été dit par nos collègues.
Jacqueline Eustache-Brinio l'a rappelé, on ne saurait évoquer la Polynésie française sans parler de sa géographie : certains tavanas sont aussi éloignés de Papeete que Varsovie, Prague ou Athènes le sont de Paris. On voit dès lors qu'il est nécessaire, ici peut-être plus encore qu'ailleurs, de prendre en compte cette réalité territoriale, laquelle plaide pour davantage de proximité, dans le dialogue, bien sûr, avec le Pays. Notre volonté est de sécuriser l'exercice par les tavanas d'un certain nombre de compétences et de responsabilités qui peuvent les engager pénalement. Cette inversion des rapports entre communes et État ou Pays fera peut-être des envieux dans l'Hexagone...
D'une manière générale, il s'agit tendanciellement d'aligner sur le droit commun une partie des dispositions des différents statuts d'autonomie et, en l'espèce, de reconnaître à la commune sa capacité d'action singulière.
Jérôme Durain l'a rappelé à juste titre, ce texte épouse les conclusions d'un rapport d'information, qui vaut étude d'impact : tout converge aujourd'hui dans la direction ici indiquée.
Chacun a bien compris qui était le tavana réfractaire, mais il n'est pas question de stigmatiser qui que ce soit : chacun est bien sûr libre de ses positions sur ce sujet de la faculté d'initiative des communes.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient, mes chers collègues, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi organique. En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut la modification des conditions dans lesquelles les communes polynésiennes peuvent intervenir dans les matières listées au II de l'article 43 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise tout simplement à favoriser un dialogue entre les communes, d'une part, et le haut-commissaire et le Pays, d'autre part, en « bordant » la capacité d'initiative offerte aux premières par l'exigence de la prise préalable d'une délibération qui serait transmise aux seconds. Le dialogue entre ces trois entités - communes, État, Fenua - s'en trouvera nourri.
Mme Lana Tetuanui. - Nous sommes évidemment favorables à cet amendement, qui répond aux réserves émises par les élus indépendantistes lors des débats qui ont eu lieu au sein de l'Assemblée de la Polynésie française, où se sont exprimées des postures politiques - je parle en connaissance de cause, puisque j'y ai moi-même défendu ce texte la semaine dernière.
Je ne m'attends malheureusement pas à ce que ce texte fasse l'unanimité au Sénat en séance publique : j'entends qu'une vague va déferler sur Paris pour plaider la cause du seul maire, opposé à ce texte toujours très critique sur l'État français !
Je remercie Mathieu Darnaud d'apporter ces précisions et de lever les ambiguïtés qui avaient été évoquées lors des débats à l'Assemblée de la Polynésie française. Je vous appelle, mes collègues à voter cet amendement et, bien sûr, le texte ainsi modifié.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi organique est adopté, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population, présentée par Corinne Narassiguin, Jérôme Durain et plusieurs de leurs collègues.
M. François Bonhomme, rapporteur. - La proposition de loi déposée par Corinne Narassiguin et le groupe SER tendant à rétablir le lien de confiance entre la police et la population comprend quatre articles, qui visent à renforcer l'encadrement des contrôles d'identité.
Je ne ferai pas durer le suspens, je vous proposerai de rejeter cette proposition de loi, qui me semble problématique à plusieurs égards.
Tout d'abord, je ne partage pas certains des postulats qui ont présidé à la rédaction de cette proposition de loi. Je ne crois pas, comme le suggère son intitulé, qu'un quelconque « lien de confiance » ait besoin d'être « rétabli » entre les forces de l'ordre et la population en France. Dans leur grande majorité, nos concitoyens soutiennent l'action de nos policiers et gendarmes, au service de leur sécurité.
De nombreuses études le corroborent. Selon une étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) de septembre 2024, 71 % des Français ont confiance ou éprouvent de la sympathie pour les forces de l'ordre ; 79 % d'entre eux ont une bonne opinion des policiers et 85 % ont une bonne opinion des gendarmes. C'est moins que pour les soignants, mais légèrement plus que pour les enseignants !
En tout état de cause, il me paraît particulièrement réducteur de subordonner l'enjeu complexe du lien de confiance entre les forces de l'ordre et la population, qui est si essentiel en démocratie, à la seule question des contrôles d'identité.
Sur le fond, je ne partage pas non plus la philosophie sous-jacente de cette proposition de loi : d'une part, elle remet en cause l'efficacité des contrôles d'identité ; d'autre part, elle établit une forme de présomption de discrimination à leur encontre. Je considère au contraire que les contrôles d'identité sont un instrument utile aux forces de l'ordre, que ce soit dans un cadre judiciaire, pour rechercher l'auteur d'une infraction, ou dans un cadre administratif, aux fins de prévenir une atteinte à l'ordre public.
La Cour des comptes a elle-même conclu, dans un rapport commandé par la Défenseure des droits, à la « place centrale des contrôles d'identité dans les actions de la police et de la gendarmerie nationales relevant de la sécurité publique ».
De plus, cela n'a pas grand sens d'interroger de manière isolée l'efficacité de chaque contrôle. Il convient plutôt d'évaluer l'efficacité des opérations dans leur ensemble. Celle-ci ne repose pas sur le seul volume de contrôles réalisés ; elle doit s'apprécier à l'aune des résultats obtenus, par exemple en matière de saisies de stupéfiants ou d'interpellations de délinquants.
Autrement dit, la réduction du nombre de contrôles d'identité qui semble souhaitée par les auteurs de la proposition de loi ne me semble pas constituer, en elle-même, un objectif pertinent.
En ce qui concerne le caractère discriminatoire des contrôles d'identité, il me semble très exagéré de considérer que cette pratique, évidemment illégale, serait « généralisée » ou « systémique », comme le sous-entend cette proposition de loi. Les chiffres sont sans appel : rapporté aux 47 millions de contrôles d'identité recensés par la Cour des comptes en 2021, le nombre de signalements transmis aux inspections générales de la police nationale (IGPN) ou de la gendarmerie nationale (IGGN) ainsi qu'à la Défenseure des droits est tout à fait infime.
En effet, en 2024, vingt-neuf signalements ont été transmis l'IGPN, tandis que quatre-vingts l'ont été à l'IGGN. En outre, seuls huit de ces signalements alléguaient une discrimination, les autres portant sur les conditions de l'interpellation. Quant au rapport annuel d'activité de la Défenseure des droits pour 2024, il ne mentionne qu'un seul cas...
J'ajoute que le Conseil d'État, après avoir été saisi par un groupement d'associations, dont Amnesty International, a explicitement écarté, en 2023 le raisonnement constituant à attribuer un caractère généralisé ou systémique aux contrôles d'identité discriminatoires, dont il admet par ailleurs l'existence.
Je ne peux donc aucunement souscrire à la philosophie de cette proposition de loi. Il ne s'agit évidemment pas de nier le fait que des contrôles discriminatoires peuvent ponctuellement intervenir. Chacun en convient et ils doivent alors être sanctionnés avec la plus grande sévérité, sur le plan disciplinaire comme sur le plan pénal. En revanche, il me semble à la fois problématique et quelque peu indélicat à l'égard de nos forces de l'ordre de considérer les contrôles discriminatoires comme systémiques. C'est d'autant plus vrai que la police comme la gendarmerie sont d'ores et déjà pleinement engagées dans la lutte contre ces dérives. Le sujet fait l'objet d'une attention particulière dans la formation initiale et continue des agents, avec le concours d'associations spécialisées, mais également des services de la Défenseure des droits.
Plutôt que de rétablir un lien de confiance supposément brisé entre la police et la population, nous risquerions donc plutôt d'alimenter encore une fois un regrettable climat de suspicion et de défiance.
Au-delà de cette divergence d'approche, le contenu même de la proposition de loi me semble a minima sujet à caution. Certaines dispositions sont déjà satisfaites par le droit, tandis que d'autres restreindraient de manière préjudiciable la faculté des forces de l'ordre de procéder à des contrôles d'identité. Si je ne remets évidemment pas en cause la nécessité de lutter contre les quelques contrôles discriminatoires qui peuvent survenir, la solution réside, selon moi, dans une modification des pratiques bien plus que de la législation.
À cet égard, la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations concrètes que nous gagnerions à mettre rapidement en oeuvre. Je note que le ministère de l'intérieur s'y est montré tout à fait favorable au cours des auditions.
J'en viens au détail des quatre articles que comprend cette proposition de loi.
L'article 1er réaffirme, à l'article 78-1 du code de procédure pénale, l'exigence de motivation des contrôles d'identité, leur caractère non discriminatoire, l'impératif du respect de la dignité des personnes contrôlées, ainsi que leur droit au recours. Ces exigences étant déjà garanties en l'état du droit, cette mesure serait purement symbolique.
L'article 2 conditionne la conduite de contrôles d'identité judiciaires, c'est-à-dire réalisés sur réquisition du procureur de la République, à une demande préalable du préfet. Dans le même temps, il restreint significativement le champ des contrôles d'identité dits administratifs, en autorisant les forces de l'ordre à les mener aux seules fins d'assurer la sécurité de grands événements particulièrement exposés à des risques de sécurité.
Cet article pose des difficultés juridiques et opérationnelles importantes : d'une part, il crée une confusion entre les cadres judiciaire et administratif ; d'autre part, il induit une restriction excessive de l'action des forces de l'ordre.
Afin de renforcer la traçabilité des contrôles d'identité, l'article 3 prévoit la remise systématique d'une attestation à la personne ayant fait l'objet d'un tel contrôle. Il s'agit là du fameux récépissé, qui fut, à une époque, défendu par le gouvernement de François Hollande, avant que celui-ci n'abandonne cette idée. Je reprendrai à mon compte les arguments avancés à l'époque par Bernard Cazeneuve pour justifier cette décision, car ils sont toujours valables.
D'un point de vue opérationnel, la délivrance systématique d'un récépissé alourdirait la procédure de contrôle, alors que la plus-value de ce document pour la personne contrôlée n'est pas évidente. De fait, la possession d'un tel récépissé n'exonérerait en rien son détenteur de contrôles postérieurs, ne serait-ce que parce qu'il faudrait alors vérifier la concordance entre son identité et celle figurant sur l'attestation.
Par ailleurs, la multiplication des contrôles dans un temps et un lieu donnés n'est pas nécessairement illégitime. Elle peut tout à fait être dictée par les nécessités d'une enquête judiciaire ou par des impératifs en matière de maintien de l'ordre public.
De surcroît, d'un point de vue technique, l'instauration d'un récépissé supposerait nécessairement la création d'un fichier de masse, dont la proportionnalité interroge au regard de l'objectif recherché.
Compte tenu de ces éléments, il me semble plus pertinent de privilégier les pistes d'aménagements techniques existantes, notamment la modification de l'architecture du fichier des personnes recherchées. Il s'agirait d'introduire une fonctionnalité pour préciser, lors de chaque consultation effectuée en mobilité, si celle-ci est opérée dans le cadre d'un contrôle d'identité ou non. Cela permettrait de systématiser la traçabilité des contrôles et de fiabiliser les remontées statistiques.
Enfin, l'article 4, qui prévoit une activation systématique du dispositif de caméras-piétons lors des contrôles d'identité, ne me semble pas pertinent pour deux raisons. Premièrement, la jurisprudence constitutionnelle invite davantage à encadrer les hypothèses de captation qu'à les systématiser. Deuxièmement, il se heurterait à des contraintes matérielles difficilement surmontables, en particulier s'agissant du nombre de caméras nécessaires et des capacités de stockage requises.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je ne partage ni l'esprit ni les mesures de cette proposition de loi. Je vous propose donc de ne pas l'adopter. Conformément au gentlemen's agreement qui prévaut pour les espaces réservés, si vous suivez ma position, c'est donc le texte initial qui sera soumis à la discussion en séance.
M. Jérôme Durain. - Ce texte important pose de nombreuses questions et je remercie Corinne Narassiguin de l'avoir déposé.
Y a-t-il du « gras » dans les effectifs policiers ? Chacun sait que non. Pouvons-nous nous permettre que des actions policières ne contribuant pas à l'amélioration de la sécurité de nos concitoyens soient menées ? Nous répondons que non. Savons-nous à quoi servent les contrôles d'identité ? La réponse est non. Existe-t-il des discriminations lors de ces contrôles ? La réponse est oui.
Les réflexions que nous formulons ne se fondent pas sur une opinion. Nous avons trouvé dans la littérature du ministère de l'intérieur des éléments justifiant tout l'intérêt de notre démarche. Je pense notamment à la mission qu'Éric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin ont confié à Christian Vigouroux sur la lutte contre les discriminations dans l'action des forces de sécurité. Vous reconnaîtrez qu'il ne s'agit pas de radicaux qui considéreraient que la police est discriminante par nature. De même, une instance du ministère de l'intérieur, le Comité d'évaluation de la déontologie policière (CEDPN), s'est interrogé sur l'efficacité, les réalités, les usages et la traçabilité des contrôles d'identité. Nous posons les mêmes questions.
Monsieur le rapporteur, je respecte votre travail, mais de notre point de vue, dans un contexte de défiance vis-à-vis de l'autorité de l'État, le fait d'engager une réflexion sur les contrôles d'identité grandit la police nationale et renforce la transparence et la légitimité de son action. Cela répond à des questions qui sont posées au coeur du ministère de l'intérieur et de la police nationale : ce que nous faisons est-il utile ? Notre action contribue-t-elle à apaiser la relation entre la police et la population ? Est-elle porteuse de discriminations ? Les réponses à cette dernière question sont toujours positives.
Si nous nous en tenons aux faits, les questions que nous posons sont bel et bien légitimes.
Le rapporteur se dit défavorable aux diverses mesures de ce texte. Pourtant, le rapport du CEDPN, qui dépend de l'IGPN, comporte plusieurs recommandations.
Tout d'abord, il nous invite à réfléchir à un dispositif d'évaluation de l'efficacité des contrôles d'identité ; c'est ce que nous proposons.
Ensuite, il recommande d'instaurer un dispositif de traçabilité des contrôles d'identité, car si nous savons à quoi servent les 15 millions de contrôles routiers, ce n'est pas le cas des 32 millions d'autres contrôles. Nous adoptons simplement une posture d'évaluation de l'action de nos fonctionnaires. L'institution policière le demande elle-même.
Enfin, il préconise de rendre systématique l'activation d'une caméra-piéton lorsqu'est réalisé un contrôle d'identité.
Comme vous le voyez, nous tenons compte des réflexions les plus récentes de ceux qui, au sein de l'institution policière et du ministère de l'intérieur, réfléchissent à l'efficacité de l'action policière et aux questions de déontologie. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui est nécessaire et accompagne de manière utile ces réflexions.
La commission des lois du Sénat est bien placée pour savoir que certaines formes de criminalité nécessitent beaucoup de temps policier. Nous n'avons pas de temps à perdre avec des actions qui ne contribuent pas à la sécurité de nos concitoyens !
Mme Corinne Narassiguin, auteure de la proposition de loi. - Je vous remercie de votre analyse, monsieur le rapporteur. Dans la continuité de l'intervention de Jérôme Durain, permettez-moi d'expliquer pourquoi j'ai choisi de lier le contrôle d'identité et la relation entre la police et la population.
J'ai participé activement aux travaux de la mission d'information qui a été conduite par François-Noël Buffet sur les émeutes de juin 2023. Celle-ci a établi la nouveauté que constituait à la fois le caractère contagieux de la violence qui s'est répandue sur tout le territoire et le fait que celle-ci soit à ce point et explicitement dirigée contre les forces de l'ordre. Nous avons tous été choqués par le niveau de violence qui a été atteint. En Seine-Saint-Denis, les commissariats de police ont été systématiquement attaqués.
Les catalyseurs des émeutes de 2005 et de 2023 ne sont pas les mêmes : les premières sont parties de la peur d'un contrôle d'identité, tandis que les secondes ont été déclenchées par un refus d'obtempérer. Toutefois, ces questions sont liées et la comparaison me semble utile.
En effet, il est apparu au cours des auditions qu'entre ces deux vagues d'émeutes, la relation entre la police et une partie de la population s'était fortement détériorée et que le contrôle d'identité cristallisait une grande partie des tensions. La partie de la population dont il est question, ce sont de jeunes hommes qui ont l'air étrangers, c'est-à-dire noirs ou d'origine nord-africaine et, par extension, leurs proches, leurs voisins, ceux avec qui ils partagent une vie sociale.
J'aurais aimé élaborer une proposition de loi plus complète sur les liens entre police et population, mais, comme vous le savez, le cadre des niches parlementaires est contraint. Voilà pourquoi j'ai choisi de me concentrer sur la question du contrôle d'identité.
Il est vrai que les gendarmes réalisent également des contrôles d'identité, mais la méfiance et la défiance portent avant tout sur les policiers. Un engrenage vicieux s'est enclenché : les citoyens contrôlés étant plus agressifs, les policiers le sont parfois également. Nous devons donc le remplacer par un cercle vertueux en nous assurant que tous les contrôles d'identité soient dûment motivés et traçables.
Les personnes contrôlées auraient ainsi la preuve qu'elles ont été contrôlées. Cela limiterait le nombre de contrôles, puisque certaines personnes sont contrôlées plusieurs fois dans la même semaine, voire dans la même journée par des policiers qui connaissent très bien leur identité. De plus, cela leur donnerait les moyens de porter plainte s'ils le jugent nécessaire. En effet, l'absence de plaintes ne signifie pas qu'il n'y a pas de problèmes.
Par ailleurs, il convient de démontrer l'efficacité des contrôles d'identité qui sont effectués. Le code de procédure pénale prévoit la possibilité de procéder à un contrôle, quel que soit le comportement de la personne. C'est une porte ouverte à l'arbitraire, et donc à la discrimination.
Je ne remets absolument pas en cause la nécessité de réaliser des contrôles d'identité, mais j'estime qu'ils doivent être dûment motivés. Des contrôles peuvent être effectués par réquisition, à condition d'être mieux encadrés. Il est nécessaire de réaliser des rapports pour évaluer l'efficacité de ces contrôles par rapport aux objectifs. Quant aux contrôles administratifs, ils devraient se limiter aux nécessités afférentes au maintien de l'ordre et à la prévention de troubles graves à l'ordre public lors de grands événements.
En ce qui concerne les caméras-piétons, la preuve qu'elles confèrent protège à la fois la population et les policiers. Lorsque ces derniers ont bien fait leur travail, ils doivent pouvoir le démontrer.
Pour que notre police soit utile à nos concitoyens et assure effectivement leur sécurité, elle doit pouvoir se rendre partout dans nos quartiers et faire son travail dans de bonnes conditions. Cela suppose un lien positif avec la population : si elle est mieux reçue, elle pourra effectuer un meilleur travail de proximité et de renseignement, que ce soit pour prévenir les prochaines émeutes ou lutter, par exemple, contre le narcotrafic.
De nombreux policiers et gendarmes s'interrogent sur le sens de leur mission. Près de 40 % d'entre eux se posent des questions sur l'utilité des contrôles d'identité. Une ancienne directrice de l'IGPN estime nécessaire de clarifier le droit relatif aux contrôles d'identité, car le droit en vigueur met en danger les policiers - nous ne pouvons y rester insensibles.
Les habitants eux-mêmes sont demandeurs d'une police efficace, qui réalise des opérations utiles dans leur quartier, plutôt que de voir des policiers passer leurs journées à contrôler des jeunes qui n'ont rien à se reprocher. Voilà pourquoi j'estime nécessaire de réformer les contrôles d'identité.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Cela n'étonnera personne, je ne suis absolument pas en accord avec les deux orateurs précédents.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie de vos propos. Comme vous, le titre de cette proposition de loi me gêne. Personnellement, je ne perçois aucun problème de confiance entre la police et la population ; il ne faut pas généraliser ! Précisons les choses : de qui est-il question ? Des délinquants, de ceux qui ne respectent pas la loi, qui polluent et font souffrir les quartiers populaires au quotidien !
La France de 2023 n'est plus celle de 2005. Les policiers sont confrontés à une violence terrible. Ils sont attaqués parce qu'ils dérangent. Et ils ne dérangent pas la majorité des jeunes, qui respectent la limite, la règle et l'autorité - une expression qu'il faudrait peut-être répéter tous les jours -, avec qui le lien de confiance n'a jamais été rompu. Ceux qu'ils dérangent sont ceux que les contrôles gênent.
Corinne Narassiguin nous a expliqué que les personnes contrôlées n'allaient pas porter plainte : évidemment ! Ils n'ont probablement pas envie d'expliquer ce qu'ils faisaient et qui a justifié le contrôle... Ne perdons pas de vue le principe de réalité. Je suis moi aussi élue de banlieue et, à mon sens, ce texte conforte une forme de suspicion envers la police, la gendarmerie et la police municipale, dont il est également question. Il est donc malvenu.
Je m'étonne qu'après avoir unanimement adopté la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, défendue de manière exceptionnelle par Jérôme Durain, qui confère des outils à la police et à la justice, on nous soumette un texte remettant en cause la place et le rôle de la police dans notre pays. Cela me semble quelque peu contradictoire.
Je partage donc l'analyse de notre rapporteur : il convient de rejeter cette proposition de loi.
M. Guy Benarroche. - La loi sur le narcotrafic accroît les capacités des forces de l'ordre, du renseignement et de la justice pour lutter contre une délinquance organisée qui pollue notre pays. A l'inverse, les contrôles d'identité touchent l'ensemble de la population et non les seuls délinquants. Ceux qui vivent dans des endroits où les contrôles d'identité « au faciès » sont quotidiens savent très bien que ceux-ci visent en majorité des personnes qui n'ont rien à voir avec la délinquance.
Les contrôles d'identité ne sont pas un outil essentiel pour lutter contre la délinquance. Le fait de refuser de voir qu'il y a un problème de lien entre une partie de la population et la police conduit à affaiblir cette dernière. La police doit être au service de la totalité de la population française, et pas seulement au vôtre ou au mien. Cette proposition de loi a vocation à réparer des liens qui ont été abîmés et dont la qualité est une garantie de notre République, tant pour la police que pour la population.
Le rôle de l'IGPN est important. Aussi avons-nous demandé moult fois que le fonctionnement et la composition de l'organisme qui surveille la police soient réformés. Comme nous n'avons pas été entendus, nous déposerons de nouveau une proposition de loi en ce sens.
Par ailleurs, les contrôles abusifs ne sont pas la seule cause de l'érosion des liens entre la police et la population. De nombreux autres sujets mériteraient d'être traités pour que, demain, la confiance soit restaurée de part et d'autre.
M. Henri Leroy. - Monsieur le rapporteur, je vous remercie de cette présentation remarquable. Heureusement qu'il n'y a pas de policiers ou de gendarmes dans cette salle, car leur relation avec les élus en serait sortie abîmée...
Les sondages montrent que la population soutient à une large majorité les forces de sécurité. Si le climat se dégrade, c'est uniquement avec les délinquants, qui ne cessent d'agresser la population et les forces de sécurité, en utilisant parfois du matériel de guerre. Nous devons, en tant qu'élus, dénoncer ces comportements de voyous !
Je ne peux en aucun cas défendre une telle proposition de loi, qui me semble peu respectueuse de l'uniforme de la République. Nous devons la rejeter avec perte et fracas !
Il est impensable d'entendre de tels raisonnements. J'ai l'impression d'être dans un monde où l'on défend les délinquants contre les forces de sécurité, où l'on crache sur l'uniforme de la République et où l'on dénigre les lois de la République, que nous faisons !
Mme Isabelle Florennes. - J'apporte également tout mon soutien au rapporteur pour quatre raisons.
Premièrement, j'ai moi aussi suivi les travaux de la mission d'information sur les émeutes de juin 2023. Les sondages publiés après les émeutes ont montré que 77 % des Français ont une bonne image de la police. C'est un chiffre susceptible de faire rêver de nombreux hommes et femmes politiques ! Le lien de confiance ne me semble donc pas rompu.
Deuxièmement, les éventuels abus doivent évidemment être sanctionnés. Le contrôle « au faciès » est illégal, et c'est le rôle des inspections générales que de prendre les mesures nécessaires dans ce cas, y compris des sanctions. Notre système et notre État de droit garantissent que ces abus ne restent pas sans conséquence.
Troisièmement, plusieurs mesures législatives sur le contrôle des policiers ont été prises par les deux chambres à la demande de ces derniers, pour les protéger. Nous savons qu'ils ont été soumis ces dernières années à de rudes épreuves.
Quatrièmement, mes chers collègues socialistes, je préférerais que nous en restions à la belle unanimité que nous avons partagée en adoptant le texte sur le narcotrafic. Nous avons alors fait oeuvre commune et je trouve dommage d'examiner une telle proposition de loi aujourd'hui.
M. Éric Kerrouche. - Manifestement, ce sujet est épidermique. Sur le fond, je ne vois pas en quoi il serait contradictoire de défendre ce texte et la police.
Nous avons tous voté le texte sur le narcotrafic, défendu notamment par Jérôme Durain, parce qu'il était nécessaire et concernait tout le territoire national. Cela n'enlève rien au fait qu'il existe un problème de confiance entre la police et une partie de la population. Peut-être que certains refusent de voir la réalité des faits, mais l'ensemble des études menées depuis plus de vingt ans en la matière montre qu'il existe des discriminations.
Pour renouer le lien entre les forces de l'ordre et la population, il faut veiller aux bonnes pratiques de la police pour éviter qu'une défiance ne s'installe de manière systémique. Cette proposition de loi ne dit rien de plus.
Les études montrent qu'une personne noire ou d'origine maghrébine a quatorze fois plus de chances d'être contrôlée qu'une personne blanche : cela montre bien le biais qui existe, qu'on le veuille ou non ! La partie de la population qui est davantage contrôlée que le reste n'est pas délinquante dans son ensemble. Il convient de faire attention à la façon dont nous interprétons les choses.
Il ne s'agit ni d'excuser la délinquance ni de remettre en cause la lutte contre celle-ci. Il s'agit de se rendre compte que certaines pratiques policières éloignent une partie non négligeable des jeunes de ce pays des rapports de confiance qu'ils pourraient entretenir avec la police. Il n'est pas question de défendre les uns au détriment des autres. Nous souhaitons simplement pacifier des rapports qui se sont détériorés au fil du temps. C'est un fait objectif et ce n'est pas faire injure à la police et à la gendarmerie, qui font leur travail au quotidien, que de le dire.
M. Jérôme Durain. - Permettez-moi de formuler un petit point d'ordre : nous défendons la police ! Dire que nous crachons sur la police parce que nous nous interrogeons sur le fonctionnement de l'administration est quelque peu grossier. On ne manque pas de respect aux médecins lorsque l'on s'interroge sur le régime de l'installation, et on ne manque pas de respect aux élus lorsque que l'on s'interroge sur le degré de contrôle de leur activité !
Je regrette les propos qui viennent d'être tenus. J'aurais aimé que ceux qui les ont formulés aient été à mes côtés lorsque j'accompagnais la brigade anticriminalité (BAC) dans les rues de Paris et que nous prenions des pavés sur le coin de la figure... Nous ne visitons pas moins souvent les commissariats et les gendarmeries que les élus d'autres groupes politiques et nous ne contribuons pas moins qu'eux à l'intérêt des policiers et des gendarmes : nous avons pris une part active à la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et nous travaillons au sein de missions d'information sur la police.
Nous aimons la police, nous aimons la République et nous aimons la police de la République ! Nous posons des questions légitimes pour des parlementaires qui s'intéressent au fonctionnement de nos institutions.
M. François Bonhomme, rapporteur. -Monsieur Durain, je ne doute pas de votre volonté de défendre la police. Je regrette simplement que cette proposition de loi ne soit pas fondée sur une analyse plus approfondie des moyens de contrôle et d'encadrement du contrôle d'identité existants.
Je rappelle que, sur le territoire national, toute personne qui y est sommée doit se soumettre à un contrôle d'identité. Ce contrôle ne peut être effectué que par des agents des forces de l'ordre, dûment formés. Au-delà de leur formation initiale, les forces de l'ordre suivent une formation continue et bénéficient d'interventions extérieures permanentes au sujet de la lutte contre les discriminations.
De plus, il existe des contrôles internes et externes, y compris le contrôle hiérarchique, et, en bout de chaîne, le procureur peut décider de poursuivre un agent en cas de plainte.
L'encadrement est déjà très strict et je trouve préjudiciable que cette proposition de loi n'en tienne pas suffisamment compte.
Les chiffres que nous ont communiqués la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la direction générale de la police nationale (DGPN) sont éloquents. L'IGPN a reçu 4 856 signalements, dont seuls 29 portaient sur les conditions dans lesquelles a été réalisé un contrôle d'identité. Je rappelle que 47 millions de contrôles d'identités sont réalisés chaque année. L'IGGN a reçu 4 000 signalements, dont 72 sont liés à des contrôles d'identité. Et encore, il conviendrait d'analyser de manière fine la nature des signalements effectués au sujet de ces contrôles d'identité.
Surtout, cette proposition de loi, et en particulier son article 3, affaiblirait les capacités opérationnelles des forces de police. Monsieur Benarroche, les contrôles d'identité sont un moyen majeur de maintien de l'ordre et de prévention de la délinquance !
Contrairement à ce qui a été dit, le CDPEN s'oppose officiellement au récépissé.
Concernant le contexte de défiance qui prévaudrait, j'estime que nous avons déjà fait d'énormes efforts pour le prévenir. La Défenseure des droits dispose de 630 délégués territoriaux, auprès desquels quarante à cinquante personnes se sont plaintes en un an de leurs relations avec la police. Une seule plainte relative à un contrôle « au faciès » a donné lieu à une décision de cette autorité indépendante établissant un manquement au devoir de déontologie.
Par la fragilisation des capacités opérationnelles qu'elles induisent, les mesures que vous proposez sont donc disproportionnées par rapport à la réalité de la situation.
Madame Narassiguin, l'exposé des motifs de cette proposition de loi mentionne un « poison » qui « met à mal notre vivre-ensemble ». Or le vivre-ensemble implique de se soumettre, dans les conditions requises et de manière encadrée, à des contrôles d'identité qui oeuvrent à la sécurité publique. C'est d'autant plus vrai que la formation sur la façon de procéder ne cesse de s'améliorer.
Par ailleurs, l'article 2 prévoit que le ministère de la justice établit un rapport annuel indiquant notamment « le nombre de réquisitions prononcées et refusées, les périmètres retenus, les périodes de temps déterminées ». Non seulement ce serait source de lourdeur administrative, mais cela nous exposerait à livrer des informations sensibles à des personnes qui pourraient les utiliser à des fins répréhensibles.
Monsieur Benarroche, le contrôle d'identité permet de lever des doutes dans le cadre de la prévention ou de la lutte contre la délinquance. Nous devons faire confiance à l'appréciation et au discernement des forces de l'ordre. Les réponses figurant dans cette proposition de loi seraient contreproductives et le fait de jeter la suspicion sur les actions de la police détériore le lien entre la police et la population davantage qu'il ne le répare.
Je suis d'accord avec Jacqueline Eustache-Brinio et Henri Leroy sur le caractère indispensable du dispositif encadrant le contrôle d'identité.
Madame Florennes, je partage l'idée que les sondages attestent de l'appréciation générale favorable qu'ont les Français vis-à-vis du travail des forces de sécurité. S'il existait une réelle difficulté, elle transparaîtrait dans les sondages. Il appartient aux écoles de formation de traiter le sujet de la reconnaissance du vécu des personnes contrôlées.
Quant aux émeutes de 2005, qui ont été déclenchées par l'histoire tragique de Zyed Benna et Bouna Traoré, il faut déterminer pourquoi ces jeunes avaient une telle crainte des forces de police. En tout état de cause, le fait d'appuyer un discours mettant en cause de manière systémique les forces de sécurité alimente cette crainte, me semble-t-il infondée, de manière irrationnelle et purement émotionnelle.
Monsieur Kerrouche, je ne doute pas de vos intentions, mais nous ne partageons pas la même analyse sur le postulat de départ. Vous ne remettez pas en cause le contrôle d'identité - tant mieux ! -, mais vous dites vouloir en modifier les pratiques. Nous reprenons des recommandations de la Cour des comptes sur les bonnes pratiques policières dans le cadre de ce rapport et j'espère que vous soutiendrez cette démarche. Nous partageons la même volonté que vous.
Mme Muriel Jourda, présidente. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au régime juridique et aux conditions de mise en oeuvre des contrôles d'identité.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Articles 1er, 2, 3 et 4
Les articles 1er, 2, 3 et 4 ne sont pas adoptés.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues, présentée par Marie-Carole Ciuntu et plusieurs de ses collègues.
M. David Margueritte, rapporteur. - Déposée par notre collègue Marie-Carole Ciuntu, la proposition de loi que nous examinons ce matin révise le cadre législatif de l'intervention des associations dans les centres de rétention administrative (CRA), mais également dans les zones d'attente.Ce texte prévoit de mettre fin à l'externalisation de l'assistance juridique dans les centres de rétention administrative, qui est actuellement confiée à des associations. Cette mission a longtemps été assurée par la seule Cimade, avant que l'État n'ouvre cette activité à la concurrence. Désormais, une association intervient par CRA : Mayotte fait l'objet d'un marché distinct, et la Cimade, l'ASSFAM, Forum réfugiés et France Terre d'Asile interviennent dans les autres CRA situés en France métropolitaine et en outre-mer, dans le cadre d'un marché qui a été renouvelé en 2025.
La mission d'assistance juridique au profit des étrangers retenus est prévue par l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), aux termes duquel : « L'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ. » Cet article renvoyant à un décret en Conseil d'État l'organisation de cette assistance, l'article R. 744-20 prévoit de confier à des personnes morales - et donc pas uniquement à des associations - le soin de gérer l'assistance juridique, dans le cadre de conventions passées avec l'État.
Que recouvre cette mission ? Les auditions et les visites de centres de rétention administrative que nous avons menées nous ont permis de mesurer que la frontière est parfois ténue entre l'information, l'assistance juridique et le contentieux. Les associations sont chargées d'informer les personnes détenues sur leurs droits ; d'analyser leur situation ; de les conseiller et de les orienter vers les démarches adaptées ; de les aider à rédiger leurs demandes et recours ; enfin, de les mettre en relation avec un avocat.
À cet effet, les associations assurent une permanence, six jours sur sept, dans des locaux dédiés au sein des CRA, et assurent une permanence téléphonique le reste du temps.
La proposition de loi de Marie-Carole Ciuntu remet en cause ce cadre juridique en s'appuyant sur des arguments dont j'ai eu l'occasion de vérifier la validité tout au long de nos auditions.
Son premier argument, fondé sur les constats effectués par la Cour des comptes, est celui du coût de la politique actuelle.
En effet, dans un rapport publié fin 2024 et réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat sur les associations intervenant dans la politique d'immigration, la Cour des comptes a relevé une très forte augmentation des dépenses liées à l'assistance juridique aux personnes retenues : ces dépenses s'élevaient en 2024 à plus de 7 millions d'euros, soit une hausse de 40 % par rapport à 2019. En outre, cette augmentation n'est pas corrélée au nombre d'étrangers en rétention, qui tend à diminuer.
La Cour, sans préjuger de la qualité du travail des associations, relève non sans une certaine malice qu' : « Il n'est pas douteux que les associations remplissent effectivement leurs missions d'assistance juridique, qui ont notamment pour conséquence le dépôt de recours devant les tribunaux, au vu du volume soutenu de ceux-ci. » Elle pointe la systématisation et la massification des recours observés devant les juridictions, dont les associations sont l'un des facteurs.
Le deuxième argument tient à la perméabilité entre la posture militante des associations et les conditions d'exercice de leur mission. Celles-ci sont pourtant astreintes, dans l'exercice de la mission qui leur est confiée, en vertu de l'article 1er de la loi du 24 août 2021, au respect du principe de neutralité du service public. Cette exigence ne remet évidemment pas en cause la liberté d'expression dont elles disposent en dehors de l'exercice de cette mission : elles peuvent librement exercer leurs activités de plaidoyer et participer au débat public, y compris pour critiquer de manière très virulente les politiques publiques en matière d'immigration et d'éloignement, auxquelles certaines sont structurellement opposées - c'est leur ADN.
Néanmoins, cette posture militante ne doit pas rejaillir sur l'exercice de leur mission. En effet, le bon exercice de l'assistance juridique exige que cette mission soit assurée de manière impartiale, dans le seul intérêt des personnes retenues. Or la systématisation des recours, sans examen individualisé de la situation de la personne, participe de l'inflation du nombre de contentieux des étrangers. Ainsi, le nombre d'affaires relatives à la rétention portées devant le juge judiciaire a augmenté de 30 % entre 2021 et 2023. Le nombre de contentieux des étrangers devant les juridictions administratives connaît le même dynamisme, bien qu'il soit impossible d'isoler les recours formés par des personnes en rétention.
Revenons sur la procédure : à son arrivée en CRA, l'étranger se voit tout d'abord notifier ses droits par les forces de l'ordre, puis il rencontre les agents de l'Ofii. Il convient en effet de rappeler que l'Ofii est déjà présent dans les CRA pour informer les personnes détenues sur les conditions matérielles de la rétention et sur les aides possibles pour le retour.
Il est ensuite dirigé vers l'association titulaire du marché et se voit, bien souvent, remettre un formulaire prérempli dont l'intégralité des cases - qui correspondent aux moyens de légalité soulevés à l'encontre de la mesure - sont cochées, alors que même que certains moyens sont manifestement inopérants ou inadaptés à sa situation réelle.
Les avocats n'interviennent qu'en bout de course et découvrent bien souvent les dossiers à l'audience. Ils n'ont pas rédigé le recours, puisque l'association s'en est chargée, de façon sommaire, voire très sommaire. Les magistrats pointent souvent du doigt le fait que ces recours sont mal rédigés et mal motivés en droit et en fait, et il est rare que les avocats produisent des mémoires complémentaires. Cela pose question sur l'efficacité réelle de la défense et sur l'effectivité du recours.
L'intervention des avocats en centres de rétention administrative est en net recul : les permanences d'avocats, qui avaient encore cours il y a dix ans, ont quasiment disparu, à rebours des recommandations formulées, en 2014, dans un rapport d'information de notre commission consacré aux CRA.
Le système actuel, dans lequel les avocats découvrent à l'audience des recours rédigés à la hâte par les associations, conduit à payer deux fois la politique d'assistance juridique : une première fois par les associations, dont le coût est de plus en plus élevé ; et une seconde fois par le biais de l'aide juridictionnelle (AJ).
Le troisième argument en faveur de cette proposition de loi est que la présence des associations est émaillée d'incidents, qui illustrent la complète perméabilité entre leur activité militante et les missions qui leur sont confiées.
À titre d'exemple, des affichages militants au sein de centres de rétention administrative contrevenant au principe de neutralité ont été pointés du doigt. De même, des recours ont été formés pour le compte d'étrangers retenus sans que ceux-ci en aient connaissance soit en leur faisant signer des documents vierges remplis ultérieurement, soit en signant eux-mêmes les recours. De tels faits, survenus au CRA du Mesnil-Amelot, ont été établis en novembre 2024 à l'occasion d'une enquête préliminaire de l'office de lutte contre le trafic illicite de migrants. Plusieurs faits similaires ont par ailleurs été rapportés.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi prévoit de mettre un terme à l'externalisation des missions d'assistance juridique en confiant ces dernières à d'autres acteurs : l'Ofii et les avocats.
Comme je l'ai évoqué, l'Ofii est déjà présent dans les CRA. Comme j'ai pu le constater au CRA de Paris, ses agents sont même présents sept jours sur sept dans certains établissements et délivrent une première information aux arrivants. Il est donc proposé de lui confier la mission d'information sur l'accès au droit prévue à l'article L. 744-9 du Ceseda.
Ainsi, l'Ofii informerait la personne détenue dans un premier temps, puis les avocats prendraient la main sur les dossiers. Ces derniers rédigeraient les recours et pourraient procéder à un examen réellement individualisé de la situation. Je rappelle que les étrangers en rétention ont droit à un avocat commis d'office pour les assister dans leurs recours, ainsi qu'à l'aide juridictionnelle, et ce avant même la décision n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024 du Conseil constitutionnel.
À cet effet, le 1° de l'article unique de la proposition de loi ajoute une nouvelle mission à l'Ofii consistant à « assurer l'information sur l'accès au droit au profit des étrangers en zone d'attente ou en rétention ».
Le 3° modifie l'article L. 744-4 du Ceseda, qui énonce les informations devant être communiquées à l'étranger dès son placement en rétention, pour y inclure la faculté de recourir à un avocat et de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Je vous propose d'approuver ce nouveau schéma. Le directeur général de l'Ofii m'a confirmé, lors de son audition, que l'office serait en mesure d'assumer sans difficulté une telle mission après avoir procédé aux recrutements nécessaires.
Cela ne pose aucun problème d'indépendance ou d'impartialité, puisque l'Ofii se verrait confier non pas une mission d'assistance juridique, mais une mission d'information. L'assistance juridique serait assurée par les avocats, dont nul ne peut contester le fait qu'ils sont des experts du droit et savent, par définition, faire preuve d'impartialité.
Ce schéma est de nature à simplifier la procédure et à améliorer la qualité et l'effectivité des recours. Il ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel - je pense en particulier à la directive « Retour ». De nombreux États membres, dont l'Allemagne, l'Espagne ou les Pays-Bas, confient d'ailleurs l'assistance juridique en rétention aux avocats.
Je vous proposerai plusieurs amendements pour assurer la cohérence du texte proposé par Marie-Carole Ciuntu.
Pour clarifier les missions de l'Ofii et leur articulation avec l'intervention de l'avocat, je vous proposerai une nouvelle rédaction de l'article L. 744-9 du Ceseda, qui prévoirait expressément l'intervention de l'Ofii pour l'information juridique. Cette rédaction devrait également sécuriser l'action du pouvoir réglementaire dans la refonte des modalités de l'assistance juridique en rétention.
Par ailleurs, la proposition de loi ne se limite pas aux centres de rétention : elle prévoit d'étendre l'assistance juridique aux personnes maintenues en zone d'attente. Je vous proposerai donc d'aligner la rédaction de l'article L. 343-3-2 du Ceseda sur la nouvelle rédaction que je viens de mentionner.
En plus d'un amendement rédactionnel, je vous soumettrai deux amendements visant à reporter l'application du texte au 1er janvier 2026 en métropole, et au 1er avril 2027 à Mayotte pour laisser le temps à l'Ofii de recruter les agents dont elle aura besoin.
Enfin, pour des raisons de cohérence, je présenterai un amendement visant à modifier l'intitulé de la proposition de loi pour mentionner les dispositions relatives à la zone d'attente.
Compte tenu des défaillances du système actuel et des doutes sur l'impartialité des acteurs, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi.
M. Olivier Bitz. - Tout d'abord, je félicite le rapporteur de ce premier rapport.
Dans la mission « Immigration, asile et intégration », le soutien aux associations représente environ 1 milliard d'euros de crédits. La proposition de loi portant sur 7 millions d'euros au sein de ce budget, je commencerai par évoquer ce chiffre de 1 milliard d'euros, car il reflète un véritable sujet d'organisation du service public.
Au fil du temps, l'État a décidé de confier de plus en plus de missions au milieu associatif. Cela peut poser des difficultés, dans la mesure où certaines associations ont des objectifs politiques, alors que les missions qui leur sont confiées les appellent à respecter le principe de neutralité.
Le rapport de la Cour des comptes qui a été présenté en commission des finances en février dernier m'avait laissé sur ma faim, car il était davantage descriptif qu'analytique. Or nous avons besoin, en tant que parlementaires, d'une évaluation de la pertinence de l'action des associations par rapport aux moyens financiers qui sont engagés par l'État. En effet, en raison des nombreuses missions qui sont déléguées au secteur associatif, nous manquons de capacité d'analyse sur ce que font les associations du milliard d'euros dont nous les dotons.
Madame la présidente, il a été question que notre commission lance une mission d'information sur les associations qui oeuvrent dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration ». Si notre charge de travail ne nous permet pas d'engager ce chantier cette année, nous ne devons pas perdre de vue l'intérêt d'interroger de manière globale le recours aux associations dans ce domaine.
En ce qui concerne les 7 millions d'euros dépensés au titre de l'assistance juridique des personnes étrangères, je partage en tout point les conclusions du rapporteur. J'ajoute simplement que nous devrons veiller à ce que l'Ofii dispose des moyens nécessaires pour prendre le relais des associations. En effet, cette proposition de loi a vocation à modifier l'organisation du système et non pas à restreindre l'accès au droit des personnes en rétention.
Je ne sais pas dans quelle mesure le ministère de l'intérieur s'est engagé à abonder le budget de l'Ofii. Didier Leschi, que nous avons entendu à l'occasion du renouvellement de son mandat, nous avait alors affirmé que le fait d'assumer ces nouvelles missions ne présentait, selon lui, aucune difficulté en matière d'objectivité. Du reste, c'est le propre des agents de l'État que de faire preuve d'impartialité dans les informations qu'ils délivrent au public. En revanche, il avait appelé notre attention sur les moyens à mettre à la disposition de l'Ofii. Au-delà des besoins exprimés par celui-ci, nous devrons être attentifs aux engagements financiers qui seront pris dans le cadre du budget 2026.
Cette proposition de loi constitue un premier pas, qui doit nous conduire à procéder à une évaluation des politiques publiques dans le domaine de l'action auprès des migrants.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur Bitz, je vous confirme que je n'ai pas perdu de vue notre projet de mener des travaux d'information sur le sujet que vous venez d'évoquer.
Mme Corinne Narassiguin. - Vous ne serez pas surpris de savoir que le groupe Socialiste, écologiste et républicain s'oppose à cette proposition de loi.
Tout d'abord, nous considérons qu'il est infondé de remettre en cause le travail des associations au prétexte qu'elles exercent leur liberté d'expression. Cela ne les empêche en rien de remplir correctement les missions qui leur sont confiées par l'État. Aucun rapport ne démontre le contraire. Le texte porte une accusation grave et sans fondement à l'encontre de ces associations ; ce n'est pas acceptable.
Aussi nous semble-t-il injustifié de modifier de manière aussi radicale l'organisation de l'accès au droit des personnes détenues dans les CRA.
Par ailleurs, contrairement au rapporteur, nous maintenons qu'il existe un problème de conflit d'intérêts. L'Ofii est placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Or des recours peuvent être portés contre l'État et les services du ministère de l'intérieur, qui émet les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Le fait de confier à l'Ofii les missions qui sont actuellement assumées par les associations fait courir le risque d'une nouvelle inflation du nombre de recours au motif que l'indépendance de l'information et du conseil ne serait pas assurée.
En outre, il me semble hasardeux d'imputer la massification des recours à la pratique des associations. Ce phénomène résulte avant tout du renforcement de la politique d'éloignement et de la multiplication du nombre d'OQTF prononcées. En 2023, 44 % des personnes placées en centre de rétention administrative ont été libérées par le JLD en raison de l'illégalité des conditions d'interpellation et des procédures d'éloignement. Il convient donc de s'interroger sur la politique d'éloignement en tant que telle plutôt que de faire porter la responsabilité aux associations de manière infondée.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, les avocats sont très peu présents dans les CRA. Pensez-vous vraiment qu'ils seront malgré cela en mesure d'assurer la mission de conseil et de soutien qui est actuellement assumée par les associations avec la même compétence que ces dernières ? De surcroît, le coût de l'aide juridictionnelle sera supérieur au coût de fonctionnement actuel des associations.
Vous avez évoqué les 7 millions d'euros qui sont attribués à ces associations. Je tiens à préciser que les associations ne fixent pas les tarifs de leurs prestations. C'est le ministère qui en décide dans le cadre des marchés publics.
Pour toutes ces raisons, nous sommes contre cette proposition de loi. Nous défendrons donc un amendement de suppression de l'article unique, ainsi qu'un amendement visant au contraire à sanctuariser le rôle des associations et à garantir que la mission d'assistance juridique aux personnes en rétention soit remplie en toute indépendance vis-à-vis du ministère de l'intérieur.
M. Guy Benarroche. - J'approuve totalement l'intervention de Corinne Narassiguin. Le raisonnement des auteurs de la proposition de loi et du rapporteur est biaisé à deux égards.
Nous avons débattu précédemment des contrôles d'identité abusifs, dont personne, y compris le rapporteur, ne nous a dit qu'ils n'existaient pas. Pour autant, personne ne remet en cause l'action de la police dans son ensemble ou n'envisage de la supprimer. Je ne comprends donc pas que l'on puisse, au prétexte de quelques recours abusifs et en se fondant sur des erreurs d'appréciation, notamment sur le rapport de la Cour des comptes, voire sur des contre-vérités, décider qu'il faut supprimer l'intervention des associations dans les CRA.
Par ailleurs, les associations répondent à des marchés publics qui existent depuis des années. Le cahier des charges de ces marchés publics fixe la rémunération des prestations et le périmètre des missions qui sont confiées aux associations. Ces marchés publics sont renouvelés régulièrement par l'État. Ils l'ont été encore récemment, et ce n'est pas un hasard si le rapporteur propose de reporter l'entrée en vigueur du texte au 1er janvier 2026 : ce sera le terme de la première année de la plupart des nouveaux marchés, qui pourront alors ne pas être reconduits.
Pensez-vous que si le ministère constatait des défaillances sur le terrain, il continuerait de renouveler les marchés publics des mêmes associations année après année ?
Sur le fond, comment pouvez-vous imputer aux associations la massification des recours ? Celle-ci est due à la politique d'immigration de notre pays et à la complexification de la justice administrative. Corinne Narassiguin a donné un chiffre éloquent : si le nombre d'abus était si important, 44 % des recours ne se traduiraient pas par la décision de la part du juge de mettre fin à la rétention administrative. Nous sommes le pays d'Europe qui prononce le plus d'OQTF - et de loin !
Quant aux coûts, qui est capable de me dire avec certitude que nous allons les réduire en confiant l'assistance juridique des personnes détenues dans les CRA à l'Ofii et aux avocats ? À l'heure actuelle, l'Ofii n'a pas la capacité d'assurer l'entièreté des tâches confiées aux associations. Son président l'a bien dit, il ne pourra assurer que la mission d'information. Et il le fera d'une manière encore moins objective que les associations. Pour prouver la perméabilité entre les opinions de ces dernières et leurs actions, vous citez un unique exemple.
Le président de l'Ofii est dans son rôle lorsqu'il affirme être en mesure de remplir la mission dont s'acquittent actuellement les associations. Mais si vous posez la question aux syndicats et aux agents, vous verrez qu'ils en sont beaucoup moins sûrs. Je rappelle que le budget de l'Ofii a été réduit cette année. Quelles garanties avons-nous qu'il sera prêt, au 1er janvier, à assumer sa tâche avec du personnel formé ?
Les salariés des associations se forment sur le terrain depuis des années. J'ai visité au moins une quinzaine de CRA, zones d'attente ou postes de police aux frontières depuis que je suis sénateur. Sur le terrain, les associations sont présentes, au contraire des avocats. Avez-vous chiffré ce que représenterait l'augmentation de budget de l'Ofii et celle de l'assistance juridictionnelle, par rapport aux 7 millions d'euros dont sont actuellement dotées les associations ? Nous nous apprêtons à voter une proposition de loi bâtie sur du sable !
Enfin, ce texte contrevient à une décision du Conseil d'État du 3 juin 2009, qui affirme, d'une part, que la mission d'assistance juridique « porte non seulement sur l'information, mais aussi sur l'accueil et le soutien des étrangers pour permettre l'exercice effectif de leurs droits », et, d'autre part, que les personnes morales qui l'assurent « présentent des garanties d'indépendance ». Nous déposerons donc une exception d'irrecevabilité à l'encontre de cette proposition de loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je félicite le rapporteur pour son excellente analyse.
Tout d'abord, Olivier Bitz a eu raison de rappeler que la réflexion originelle de Marie-Carole Ciuntu, qui siège à la commission des finances, a porté sur la façon dont a été utilisé le milliard d'euros dont bénéficient les associations. Convient-il d'octroyer une telle somme à des associations dont le militantisme n'est plus à prouver ? L'argent public n'a pas vocation à remettre en cause une politique migratoire, quelle qu'elle soit.
Ensuite, l'objet de cette proposition de loi est que l'Ofii puisse assurer un rôle de conseil et de soutien au sein des CRA, où, rappelons-le, sont détenues les personnes les plus dangereuses. Que ma collègue de Seine-Saint-Denis se rassure : je siège au conseil d'administration de l'Ofii et je vous garantis qu'il n'est pas aux ordres du ministère de l'intérieur. Au reste, se serait-elle même posé la question si le Gouvernement était socialiste ? Je n'en suis pas sûre.
L'Ofii est certes sous la tutelle du ministère de l'intérieur, mais il a toujours travaillé de manière intelligente et efficace pour soutenir les personnes étrangères qui arrivent dans notre pays.
Enfin, je rappelle que tous les étrangers bénéficient de l'aide juridictionnelle. Les chiffres ont d'ailleurs explosé en la matière. En Île-de-France, des cabinets sont spécialisés en matière de droit des étrangers. L'avocat est là pour défendre son client, même s'il prend parfois connaissance du dossier tardivement et doit plaider dans un délai très court. Cette aide juridique est un droit, et nous ne le remettons pas en cause. Toutefois, cette mission étant coûteuse, il me paraît sain qu'elle soit exercée par des professionnels de l'Ofii qui ont été formés et par des avocats plutôt que par des militants, y compris dans l'intérêt des bénéficiaires de cette aide au sein des CRA.
M. David Margueritte, rapporteur. - Monsieur Bitz, l'Ofii estime avoir besoin de quarante à cinquante postes supplémentaires pour assumer cette nouvelle mission. Je rappelle qu'il est déjà présent dans les CRA et les agents que j'ai pu rencontrer exercent leur mission avec diligence et connaissent très bien les procédures.
Madame Narassiguin, monsieur Benarroche, il est quelque peu déroutant de vous entendre arguer du manque d'objectivité de l'Ofii tout en défendant des associations qui militent publiquement contre l'éloignement même des étrangers. C'est bien sûr leur droit et nous ne remettons aucunement en cause leur liberté d'expression. Toutefois, la mission qui leur est confiée implique de rendre un conseil éclairé et impartial. Or ils conseillent systématiquement aux étrangers retenus dans des CRA de déposer des recours, même quand ils savent pertinemment que ceux-ci n'ont aucun moyen d'aboutir !
Par ailleurs, les agents de l'Ofii sont soumis à l'obligation de neutralité du service public. En outre, cette proposition de loi confie à cet établissement une mission d'information, et non d'assistance juridique. Ses agents ne seront pas chargés de conseiller les étrangers sur l'exercice d'un recours, seulement de les informer des recours dont ils disposent et de les diriger vers des avocats.
Je note que vous n'avez pas remis en cause - et heureusement - l'impartialité des avocats dans les procédures. Ces derniers sont actuellement payés au titre de l'aide juridictionnelle, qui a vocation à couvrir l'ensemble des diligences, alors qu'ils ne font qu'assurer la représentation à l'audience, puisque l'association s'est chargée de la rédaction du recours.
Comme je l'ai déjà dit, on peut trouver curieux que les coûts augmentent alors que moins de personnes sont retenues.
De plus, l'effectivité du droit au recours doit se mesurer non pas au regard du nombre de recours introduits mais leur qualité. Lorsqu'une personne se retrouve à l'audience avec un recours rédigé à la hâte, citant des moyens totalement inopérants, avec un avocat qui découvre le dossier, peut-on réellement parler d'un recours effectif ?
Personne ne peut affirmer que le fait de confier, d'une part, l'information à l'Ofii, dont les agents sont tenus à un devoir de neutralité, et, d'autre part, le conseil et le contentieux à un avocat remettrait en cause l'impartialité globale du système.
Enfin, le chiffre de 44 % dont vous vous prévalez est quelque peu trompeur puisqu'il s'agit de la proportion des sortants de CRA libérés par une décision de justice parmi ceux qui ne sont pas expulsés. En réalité, la part des étrangers en CRA libérés par l'effet d'une décision de justice s'élève à 17 %. Cela relativise largement vos arguments sur l'effectivité des recours.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à l'assistance juridique des étrangers en rétention administrative et en zone d'attente ainsi qu'à l'information sur leurs droits.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. David Margueritte, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-2 remet en cause le sens même de la proposition de loi et s'apparente à un plaidoyer en faveur de l'externalisation d'une politique publique en matière d'assistance juridique. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
M. David Margueritte, rapporteur. - Les auteurs de l'amendement COM-1 proposent une nouvelle rédaction de l'article unique de la proposition de loi, en prévoyant de consacrer l'intervention des associations dans les CRA.
En outre, l'amendement ferait disparaître les apports de la proposition de loi relatifs à la zone d'attente. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.
M. David Margueritte, rapporteur. - Je propose, par l'amendement COM-4 rectifié, une nouvelle écriture de l'article L. 744-9 du Ceseda pour clarifier les rôles de chacun - Ofii et avocat.
Il s'agit aussi de sécuriser la refonte des modalités de l'assistance juridique en rétention qui sera menée par le pouvoir réglementaire. Dans un souci de cohérence, je propose d'aligner la rédaction de l'article L.343-3-2 du Ceseda.
L'amendement COM-4 rectifié est adopté.
L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. David Margueritte, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à reporter l'entrée en vigueur de la loi à l'échéance des marchés passés par l'État avec les associations, soit au 1er janvier 2026 pour la métropole et 1er avril 2027 pour Mayotte.
Ce délai permettra au pouvoir réglementaire de fixer les nouvelles modalités de l'assistance juridique et laissera à l'Ofii le temps nécessaire pour procéder aux recrutements nécessaires.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
M. David Margueritte, rapporteur. - L'amendement COM-6 propose une nouvelle rédaction de l'intitulé de la proposition de loi visant à le mettre en cohérence avec les dispositions du texte, notamment celles qui sont relatives à la zone d'attente.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à améliorer le dispositif de protection temporaire en France, déposée par Nadia Sollogoub et plusieurs de ses collègues.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Je tiens en premier lieu à remercier chaleureusement Nadia Sollogoub pour la qualité de nos échanges préalables à notre réunion.
Il est donc question du dispositif mis en oeuvre pour favoriser l'accueil des Ukrainiens, à la suite de l'invasion de leur territoire par la Russie. Ce régime a été introduit par une directive européenne du 20 juillet 2001, qui laisse aux États membres une marge d'appréciation conséquente pour préciser ses modalités pratiques.
Il a été appliqué pour la première fois à cette occasion et sur l'initiative de la France. Il s'agit donc, au regard de ce premier bilan, d'envisager des voies d'amélioration de ce régime.
Avant d'évoquer chacun des articles, il me semble utile de brosser un tableau d'ensemble à ce sujet. Toutes les personnes que j'ai auditionnées, qu'il s'agisse des associations représentant les Ukrainiens en France, du consul d'Ukraine à Paris, des administrations centrales, de la direction générale des étrangers en France (DGEF) comme de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), ou encore du préfet de région d'Île-de-France, ont souligné la qualité de l'accueil qui a été réservé aux déplacés ukrainiens.
Cette mobilisation a permis de fournir aux Ukrainiens un accompagnement approprié à leur situation, en termes de logement, de travail ou de scolarisation. Il faut se féliciter de la mobilisation exceptionnelle de nos services, des associations et de la société.
Les différents articles de cette proposition de loi visent donc à parfaire le régime de la protection temporaire dès aujourd'hui, mais surtout dans la perspective de futures crises. Nous ne pouvons l'accueillir que favorablement. Les travaux que j'ai conduits m'ont toutefois convaincue que certaines modifications devaient être apportées au texte.
Tout d'abord, l'article 1er vise à étendre, au profit des bénéficiaires de la protection temporaire qui exercent une profession médicale, un dispositif dérogatoire aujourd'hui applicable aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire dans le cadre du recrutement des professionnels de santé diplômés hors de l'Union européenne, que l'on appelle couramment les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Ces professionnels de santé doivent en principe passer avec succès des épreuves de vérification de connaissances (EVC) spécifiques à leur profession.
Suivant ce dispositif, le nombre maximum de candidats susceptibles d'être reçus dans le cadre de ces épreuves n'est pas opposable aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire.
L'article 1er vise donc à étendre cette mesure dérogatoire aux bénéficiaires de la protection temporaire. Cette mesure paraît opportune, dans la mesure où elle favorisera l'intégration des professionnels de santé qui disposeront de ce statut. Je vous propose de l'adopter.
L'article 2 entend faciliter la souscription d'une assurance automobile par les bénéficiaires de la protection temporaire. Ces derniers auraient en effet rencontré de nombreuses difficultés à ce titre, car le permis ukrainien n'est pas reconnu par la France.
Pour contourner ce problème, le dispositif permet au propriétaire d'un véhicule immatriculé à l'étranger de le faire immatriculer en France, même s'il ne possède pas de permis de conduire reconnu par la France.
Cet article n'apparaît donc pas opportun : il entraînerait des conséquences qui débordent largement la question de l'assurance automobile et la situation des bénéficiaires de la protection temporaire. Par ailleurs, un tel dispositif n'appartient pas au domaine de la loi. Il incombe au Gouvernement, en conciliation avec les assureurs, de trouver une solution à ce problème. Je vous propose donc de supprimer cet article.
L'article 3 permet aux bénéficiaires de la protection temporaire d'attester d'une résidence normale au sens du code de la route : c'est en effet l'une des conditions établies par ce code pour solliciter un permis de conduire. Or, les bénéficiaires de la protection temporaire ont échoué à la satisfaire en produisant leur autorisation provisoire de séjour (APS), qui ne vaut que six mois.
Si j'ai évidemment été sensible à ce dispositif, dans la mesure où le permis de conduire est bien souvent un facteur puissant d'intégration dans notre pays, où la circulation en voiture est généralement nécessaire pour travailler, il apparaît que le droit actuel satisfait déjà l'objectif qu'il poursuit.
En effet, l'arrêté du 10 février 2025 prévoit expressément que l'autorisation provisoire de séjour permet de justifier d'une résidence normale. Dès lors, puisque le droit en vigueur satisfait l'objectif poursuivi, je vous propose de supprimer cet article.
L'article 4, qui est le coeur de cette proposition de loi, résulte d'un constat préoccupant : les bénéficiaires de la protection temporaire sont de plus en plus nombreux à se détourner de ce dispositif au profit du régime de l'asile.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les Ukrainiens ont déposé près de 2 000 demandes d'asile devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en 2021 et en 2022. En 2023, ils ont formulé 3 250 demandes et en 2024, plus de 12 000 demandes. Il s'agit donc presque d'une multiplication par six depuis 2021.
L'Ukraine, qui était le dixième pays de provenance des demandes d'asile en 2023, était le deuxième en 2024, derrière l'Afghanistan, et est désormais le premier au premier trimestre 2025.
Ce phénomène constitue une exception à l'échelle de l'Union européenne. La France, qui est le dernier pays d'accueil de l'Union en proportion de sa population, reçoit la moitié des demandes d'asile formulées par des Ukrainiens au sein de l'Union.
Les personnes que j'ai auditionnées ont identifié plusieurs facteurs explicatifs de cette tendance. Je citerai les quatre principaux.
Le premier tient à la fréquence des démarches administratives attachées à ce régime, car l'APS doit être renouvelée en préfecture tous les six mois.
Le deuxième résulte de l'incertitude qui plane sur la sortie du dispositif. En effet, l'échéance actuelle a été fixée au 4 mars 2026. Les États membres devraient bientôt s'entendre sur une prolongation assortie d'un plan de sortie du dispositif, mais l'incertitude demeure pour le moment et les bénéficiaires du régime cherchent un statut pérenne.
Le troisième facteur découle de la difficulté que certains auraient pu rencontrer à se loger. Ils se dirigeraient donc vers l'asile pour bénéficier du dispositif national d'accueil.
Enfin, le quatrième facteur est lié à l'éventuelle insuffisance de la couverture sociale associée à la protection temporaire.
Comme vous l'aurez compris, l'article 4 repose sur cette dernière hypothèse. Il vise donc à étendre au profit des bénéficiaires de la protection temporaire plusieurs prestations et aides sociales. Il s'agit de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), du revenu de solidarité active (RSA) ; des allocations aux personnes âgées, que sont l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et l'allocation supplémentaire d'invalidité (Asi) ; et enfin de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Je vous propose d'accepter l'extension de la couverture sociale garantie par ce régime à l'Apa, l'Aspa, l'Asi et l'AAH, mais d'écarter le RSA dans la mesure où cette prestation n'est pas adaptée au régime de la protection temporaire, qui a une vocation provisoire et qui se caractérise par la mobilité de ses bénéficiaires.
Je tiens à souligner, à ce titre, deux éléments. Premièrement, le Gouvernement peut déjà adopter toutes ces mesures par la voie réglementaire ; deuxièmement, si nous l'inscrivons dans la loi, c'est pour opérer une modification du régime de la protection temporaire et non pour améliorer la situation des bénéficiaires actuels de ce régime.
En conséquence, nous ne devons pas préjuger des caractéristiques des crises à venir, qui justifieront à nouveau l'application de la protection temporaire. Il semble donc opportun et sage de laisser une marge d'appréciation au Gouvernement en ce qui concerne la prestation de base versée aux bénéficiaires de la protection temporaire.
Plus largement, la situation actuelle prouve qu'il nous faudra réaliser un véritable bilan détaillé de l'application de ce régime - et qu'il importe, dès maintenant, d'orienter les Ukrainiens vers des titres de séjour de droit commun et non vers l'asile.
Enfin, l'article 5 consiste en un gage financier, que je vous propose naturellement d'adopter.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Merci pour votre analyse sur ce texte qui n'a rien d'évident. Chacun d'entre nous a en tête le déclenchement de cette guerre, il y a trois ans, et la nécessité du soutien à apporter aux Ukrainiens, l'Europe s'étant très rapidement mobilisée pour apporter cette aide naturelle à un pays agressé par son voisin.
Les Ukrainiens ont ainsi bénéficié d'une protection temporaire appliquée pour la première fois par tous les pays européens, en particulier par la Pologne, qui accueille le plus grand nombre de réfugiés.
Vous avez indiqué que les États membres allaient se réunir pour envisager une prorogation du dispositif : pourquoi proposer une loi maintenant alors qu'un report de l'échéance du 4mars 2026 sera probablement proposé prochainement ?
Si les Ukrainiens sont nombreux à déposer des demandes d'asile, je ne suis pas persuadée qu'il s'agisse de la meilleure solution pour eux : en effet, retourner dans son pays d'origine lorsqu'on a obtenu l'asile ailleurs n'a rien d'évident. Disposons-nous de données chiffrées sur le taux d'acceptation des demandes d'asile ?
Par ailleurs, ce texte prévoit l'ouverture de droits nouveaux et je rappelle que les prestations sociales concernées sont le plus souvent prises en charge par les départements, auxquels on demande beaucoup sans les consulter, l'Assemblée des départements de France (ADF) tirant régulièrement la sonnette d'alarme à ce sujet.
Si je comprends très bien la nécessité d'aider les Ukrainiens, l'ouverture de nouveaux droits soulève des questions financières, et il me semblerait préférable d'attendre les propositions qui seront faites au niveau européen en vue de la prorogation des droits ouverts dès le début de la guerre. Pour ces raisons, je m'abstiendrai.
M. Christophe Chaillou. - Je salue à mon tour la qualité du rapport. On ne peut que porter un regard assez bienveillant sur cette proposition de loi, qui vise à prolonger la protection et à faciliter l'intégration des personnes ayant fui le conflit en Ukraine. Ce dernier se poursuivant, nous devons nous interroger quant au devenir d'un dispositif qui n'avait pas vocation à durer.
L'objectif de cette proposition de loi consiste à limiter le recours des Ukrainiens aux demandes d'asile, qui sont acceptées à 86 % d'après les chiffres dont je dispose. Au-delà des intentions bienveillantes que porte le texte, on peut se demander s'il suffira à limiter ces demandes d'asile, ce statut accordant davantage de protection et correspondant sans doute à une certaine réalité, puisque la perspective d'un retour s'éloigne pour des familles ukrainiennes installées en France depuis plusieurs années.
Si nous soutenons les propositions qui sont formulées, nous nous interrogeons quant à leur adéquation à une situation qui nous amènera inévitablement à poser la question d'un basculement vers le droit commun.
En outre, je note, au sujet des Padhue, que les appréciations sont à géométrie variable en fonction de l'origine des personnes.
En tout état de cause, ce texte ne résoudra pas l'ensemble des difficultés, les personnes concernées étant amenées à demander l'asile.
M. Guy Benarroche. - Nous portons également un regard bienveillant sur ce texte. La transformation de la protection temporaire en un titre de séjour de droit commun représenterait sans doute une solution adéquate dans la mesure où nous ne nous situons plus vraiment dans le cadre de la période limitée durant laquelle la protection temporaire devait s'appliquer. Nous nous étions réjouis de la mise en place de ce dispositif et avions souhaité qu'elle puisse servir d'exemple, afin de travailler plus globalement sur la capacité d'accueil des migrants en France.
Nous soutiendrons ce texte et voterons en faveur des amendements de la rapporteure, même si nous regrettons l'exclusion du RSA.
Pour finir par une remarque en lien avec le texte que nous venons d'examiner précédemment, je note que personne n'a accusé les associations d'aide aux Ukrainiens d'être responsables de l'augmentation du nombre de demandes d'asile...
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - La situation des Ukrainiens en France est incertaine et dépend bien évidemment du contexte international. L'auteur de la proposition de loi, qui préside le groupe d'amitié France-Ukraine, souhaite apporter des solutions concrètes aux problèmes qui sont apparus depuis trois ans.
Pour ce qui est de l'application de la directive, toute latitude est laissée aux États membres pour fixer le « panier » de droits accordés aux réfugiés. Même si le dispositif de protection temporaire venait à être prolongé - ce que je souhaite, à titre personnel -, chaque pays conservera cette liberté. À ce titre, la France a choisi une autorisation provisoire de six mois, ce qui est exceptionnel à l'échelle de l'Union européenne. L'Allemagne a par exemple opté pour une durée d'un an.
S'agissant du basculement vers les demandes d'asile, l'Ofpra nous a communiqué des chiffres précis : en 2024, le taux de protection des Ukrainiens s'élevait à 92,2 % avant saisine de la cour nationale du droit d'asile (CNDA), et à 93,4 % après. Parmi ces derniers, 98 % se voient octroyer la protection subsidiaire. Les taux d'acceptation des demandes apparaissent donc extrêmement élevés. Pour rappel, un bénéficiaire de la protection subsidiaire ne peut en principe regagner son pays d'origine durant quatre années.
Cet état de fait suscite plusieurs interrogations chez l'ensemble des acteurs. Par ailleurs, durant l'instruction de leur demande, leur passeport doit être remis à l'Ofpra, ce qui les prive même de circuler au sein de l'Union européenne.
De surcroît, d'un point de vue plus politique, cette perspective de l'asile ne semble généralement pas être le souhait de cette population. Les associations représentant les Ukrainiens en France m'ont dit le désarroi de ces derniers à ce sujet, qui déposeraient une demande d'asile par crainte de se trouver sans document de séjour et sans protection le 4 mars 2026. Enfin, le consul d'Ukraine à Paris m'a fait part de la grande inquiétude, voire de la sensibilité des autorités ukrainiennes à ce sujet, car l'asile renvoie à la persécution - et éloigne durablement ses ressortissants du territoire national.
S'agissant des ressources des départements, la DGCS et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ont indiqué qu'il ne leur était pas possible de procéder à une évaluation précise. La DGCS s'y est essayée pour l'Apa, en appliquant à la cohorte en question les proportions qui prévalent au sein de la population française. Cela donnerait près de 800 bénéficiaires et représenterait une dépense de 4,1 millions d'euros, soit une hausse de 0,06 % des dépenses de versement de l'Apa, qui s'élevaient à 7,3 milliards d'euros en 2024.
Concernant l'AAH, il s'agit d'une clarification, car certaines maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) procèdent déjà à l'évaluation du handicap des Ukrainiens concernés, au cas par cas. Seulement, l'organisme payeur refuse ensuite de procéder au versement de l'allocation, conformément à la doctrine actuelle de l'État en la matière.. J'ajoute que de nombreux réfugiés ukrainiens en France sont souvent des femmes seules accompagnées de leurs enfants, ou des personnes âgées qui peuvent rencontrer des difficultés en termes d'autonomie.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient, mes chers collègues, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au régime de la protection temporaire, tel qu'il est défini dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; aux bénéficiaires de la protection temporaire ; aux conditions d'immatriculation, en France, des véhicules immatriculés à l'étranger.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement rédactionnel COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - Le dispositif prévu par l'article 2 vise à contourner un obstacle rencontré lors de la souscription d'une police d'assurance automobile. Il entraînerait donc des conséquences inconsidérées et ne relève pas du domaine législatif. Aussi, l'amendement COM-2 vise à supprimer cet article.
L'amendement COM-2 est adopté
L'article 2 est supprimé.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-3 vise à supprimer cet article, dont les dispositions sont déjà satisfaites.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 3 est supprimé.
Mme Isabelle Florennes, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'extension du RSA aux bénéficiaires de la protection temporaire.
L'amendement COM-4 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-5.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en terminons avec l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi portant création d'un groupe de vacataires opérationnels et encourageant le volontariat pour faire face aux défis de sécurité civile, présentée par Grégory Blanc et plusieurs de ses collègues.
M. Grégory Blanc, auteur de la proposition de loi. - Vous avez à examiner un texte qui portait deux objectifs dans sa version initiale : le premier consistait à expérimenter une réserve opérationnelle dans cinq départements, et le second à être un « véhicule » d'amélioration du volontariat.
Compte tenu du contexte politique incertain lié au Beauvau de la sécurité civile, le calendrier est aléatoire alors que la plupart de nos services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) restent en tension.
Ce travail a fait l'objet - je tiens à insister sur ce point - d'auditions bilatérales avec l'ensemble des acteurs institutionnels et des organisations représentatives du secteur, le texte ayant été évidemment déposé en concertation avec celles-ci, comme, par exemple, à l'occasion du colloque public organisé le 11 avril dernier au Sénat.
J'ajoute que ce texte transpartisan, inscrit dans une niche transpartisane, a été largement cosigné et devrait' tous nous rassembler.
Notre modèle de sécurité civile est singulier et fonctionne globalement bien, mais il est de plus en plus fragilisé dans certains territoires du fait de la diversité des réalités économiques, géographiques, historiques et institutionnelles. Dit autrement, la centaine de Sdis que compte le pays recouvre autant de situations différentes. Dans certains départements, les problèmes de disponibilité en journée s'accroissent, conduisant des Sdis à recruter davantage de professionnels et à allonger les délais d'intervention.
Je tiens à rappeler quelques chiffres : il a fallu plus de douze ans aux Sdis pour recruter 3 000 volontaires supplémentaires, alors que 1 600 sapeurs-pompiers professionnels ont été recrutés sur la seule période 2021-2023, ce qui montre bien l'écart entre les deux dynamiques de recrutement.
Depuis 2002, un cinquième des casernes ont fermé sur l'ensemble du territoire, tandis que les délais d'intervention se sont allongés. De surcroît, 30 % des volontaires inscrits dans les effectifs n'assurent aucune sortie.
Le volontariat, qui repose sur le principe de l'astreinte et de la garde postée, est sous tension : outre les logiques de perte de sens liées à l'élargissement des missions et notamment à la place du sanitaire, des enjeux de reconnaissance de l'engagement sont en cause, ainsi que des changements des modes de vie. Par le passé, les sapeurs-pompiers travaillaient en effet souvent à côté de la caserne et de leur domicile, mais les temps de trajet ont augmenté en raison de mutations économiques et spatiales, ce qui contribue, en particulier dans les pôles périurbains, à mettre en tension notre capacité à assurer les secours.
Par ailleurs, l'État a estimé le coût du dérèglement climatique à près de 143 milliards d'euros pour la collectivité, et nous anticipons une hausse des températures de deux degrés d'ici à 2030, ce qui aggravera les risques d'incendie et conduira plus largement à une multiplication des catastrophes naturelles.
Si des débats institutionnels et financiers doivent se tenir dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, je crois que nous devons être capables d'expérimenter un éventail de solutions afin d'apporter des réponses les plus fines possible, la seule augmentation financière - soit pour mieux indemniser les employeurs, soit pour améliorer le statut de volontaire - ne pouvant pas suffire.
Après avoir mené ce travail parlementaire méthodiquement et consciencieusement, dans un cadre transpartisan, un consensus avait conduit à inscrire cette proposition de loi dans l'espace transpartisan. Compte tenu d'évolutions extérieures, ce consensus ne porte plus sur les mêmes équilibres, le simple fait d'expérimenter suscitant des blocages étonnants.
Afin d'avancer, nous sommes convenus avec le rapporteur de réduire la portée du texte. Cela n'enlève rien à l'analyse qui m'a conduit à entreprendre cette démarche, et je souligne que nous continuons à faire l'apprentissage de l'espace transpartisan : s'il est nécessaire de l'utiliser pour faire avancer des textes de consensus, il conviendra aussi de mieux en définir le périmètre, afin que des textes plus ambitieux puissent y être discutés.
Au travers du parcours de cette proposition, nous appréhendons collectivement cette réalité : c'est pourquoi le deuxième objectif poursuivi au travers de cette proposition de loi, à savoir servir de véhicule complémentaire au Beauvau de la sécurité civile, prend tout son sens. Des clarifications doivent ainsi être apportées sur l'engagement saisonnier, sujet sur lequel nous avons échangé avec le rapporteur, que je remercie. Je partage le sens des amendements qu'il a déposés.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - Comme l'illustre le premier texte que nous avons examiné aujourd'hui, il existe un intense mouvement de réflexion autour de la modernisation de notre modèle de sécurité civile, dans l'attente des conclusions du Beauvau de la sécurité civile, annoncées pour l'automne.
De nombreux rapports, notamment ceux de l'inspection générale de l'administration (IGA) et d'Hubert Falco, alors missionné par le Président de la République, ont mis en lumière à la fois les réussites d'un modèle qui fait une grande place à l'engagement citoyen - le seuil de 200 000 volontaires ayant été franchi récemment -, mais aussi les difficultés qu'il rencontre, dont un mode de financement « à bout de souffle » et un volontariat « menacé » par les évolutions de la jurisprudence européenne et par le manque de disponibilité des volontaires en semaine.
Si la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 février 2018, dite « Matzak », qui assimile les astreintes à du temps de travail salarié, était appliquée en France, l'IGA a calculé que les Sdis devraient embaucher 22 000 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires, pour un coût de 1,1 milliard d'euros, soit 20 % du budget annuel cumulé de tous les Sdis de France !
La nécessité d'agir pour adapter notre modèle de sécurité civile aux défis de notre temps fait donc consensus. Sans surprise, la façon de l'adapter est, en revanche, nettement moins consensuelle, comme l'a illustré le propos introductif de l'auteur de la proposition de loi.
Avant d'entrer dans le détail du texte, je rappelle toutefois que, dans cette multitude d'initiatives et de propositions, une boussole peut guider nos travaux : l'attachement du Sénat à « la préservation du volontariat de sapeur-pompier », exprimé en juillet 2024 au travers de la résolution européenne n° 147 (2023 - 2024) visant à reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile.
Je souhaite également rappeler quelques traits saillants du fonctionnement du volontariat, nécessaires à la compréhension de la position que je vous proposerai dans quelques instants sur ce texte.
En premier lieu, je voudrais lever une confusion qui peut résulter de l'appellation de « sapeurs-pompiers volontaires ». Contrairement à ce qu'elle peut laisser entendre, les sapeurs-pompiers volontaires ne sont aucunement une force d'appoint subsidiaire, mais exercent les mêmes activités que les professionnels, avec les mêmes niveaux d'intervention et de responsabilité.
À ce titre, leur mobilisation est essentielle au bon fonctionnement de nos Sdis, puisque les volontaires assurent 67 % des interventions. Cette force complémentaire apparaît d'autant plus essentielle que la charge indemnitaire des sapeurs-pompiers volontaires ne représente que 20 % du budget des Sdis. J'en profite également pour rappeler que ce sont majoritairement les départements qui assurent la rémunération indemnitaire des sapeurs-pompiers volontaires.
En second lieu, notre modèle de volontariat apporte une certaine souplesse d'organisation aux Sdis, d'une part, car les volontaires sont employés à l'échelle du département et ne sont donc théoriquement pas affectés à un seul centre d'incendie et de secours, ce qui a permis la mise en place d'équipes mobiles ; d'autre part, car les services peuvent recourir, pour faire face à des périodes d'accroissement temporaire des risques, à l'engagement saisonnier de sapeurs-pompiers volontaires.
En définitive, sans nier que des évolutions sont souhaitables, notamment pour moderniser le financement des Sdis, ce qui relève du projet de loi de finances (PLF), il me semble néanmoins exagéré de considérer, comme le fait notre collègue Grégory Blanc dans l'exposé des motifs du texte, que nos Sdis font face à un « défaut d'opérationnalité » qui trouverait sa source dans un dysfonctionnement du volontariat.
C'est en effet sur ce constat que repose la proposition de loi rectifiée, qui souhaite créer, le temps d'une expérimentation de deux ans - celle-ci n'apparaissait pas dans le texte initial - des « groupes de vacataires opérationnels de sécurité civile » au sein de cinq départements « particulièrement vulnérables », sans que le critère de vulnérabilité soit défini ni qu'une condition de volontariat des départements soit imposée.
Ces groupes de vacataires seraient inspirés, au moins dans l'esprit, des réserves opérationnelles dont dispose l'armée. Pour rappel, il existe déjà, pour la sécurité civile, des réserves communales de sécurité civile et des réserves citoyennes des Sdis, qui s'adressent d'abord aux bénévoles qui souhaitent assister les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires.
L'objectif de ces groupes de vacataires est précisé par l'exposé des motifs du texte et par le dispositif prévu à l'article unique. Il en ressort toutefois une certaine confusion quant à la raison d'être de ces groupes.
En effet, le quatrième alinéa dispose que ces groupes auraient vocation à « répondre à des situations d'urgence opérationnelle au sein de nos territoires ». Or, l'exposé des motifs du texte et le neuvième alinéa de l'article unique évoquent une mobilisation « de manière programmée » pour assurer des « gardes postées » : il existe donc une contradiction dans la rédaction du texte, qui aurait mérité un travail un peu plus ciselé.
Les volontaires souhaitant devenir vacataires opérationnels devraient alors souscrire un contrat précisant la durée maximale d'affectation, laquelle ne pourrait excéder soixante jours. Seuls pourraient s'engager dans ces groupes les sapeurs-pompiers volontaires déjà en exercice et qui répondent aux conditions d'expérience et de formation requises dans le domaine de la sécurité civile. Les sapeurs-pompiers professionnels encore en activité seraient, quant à eux, explicitement exclus du dispositif.
Il s'agit donc de créer un statut intermédiaire entre le sapeur-pompier professionnel et le sapeur-pompier volontaire, le dispositif prévu par le présent texte ne se substituant pas à ces deux statuts, mais ayant théoriquement vocation à offrir, selon l'exposé des motifs du texte, une nouvelle « possibilité pour les volontaires déjà sous contrat d'intensifier leur engagement ».
Il convient, enfin, de noter que le texte ne précise pas quel serait le régime indemnitaire de ces vacataires. À titre indicatif, le coût annuel de chacun de ces vacataires atteindrait, selon l'association des directeurs des services d'incendie et de secours (ANDSIS), 10 000 euros à 20 000 euros pour les Sdis, ce qui ferait exploser l'engagement budgétaire dédié à nos services départementaux.
Inutile de nous leurrer : ce texte me semble au mieux prématuré - voire précipité au vu de ses lacunes rédactionnelles - et au pire inopportun.
La création, même expérimentale, de ces « groupes de vacataires opérationnels » ne me paraît en effet pas pertinente puisqu'ils n'apporteraient, par rapport aux pratiques actuelles du volontariat, aucune plus-value opérationnelle aux Sdis, ce que m'ont d'ailleurs confirmé très explicitement les directeurs des Sdis que j'ai interrogés.
Cette expérimentation ne m'apparaît pas non plus judicieuse puisque le choix des termes « vacataires opérationnels » laisse entrevoir la création d'un statut hybride à mi-chemin entre l'engagement professionnel et le volontariat, une évolution que je ne soutiens pas à ce stade, et qui est contraire, d'ailleurs, à la position du Sénat exprimée en 2024 via la résolution sur le volontariat des sapeurs-pompiers.
Cette expérimentation est d'autant moins souhaitable que, outre son coût très élevé pour les Sdis et donc les départements, elle semble manifestement contraire à la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail ayant conduit à la jurisprudence Matzak.
Je note également que les principales associations ou fédérations des acteurs de la sécurité civile, qui ont souligné le risque réel de dénaturation du volontariat et l'illisibilité générée par la cohabitation de trois statuts qui seraient ainsi créés, s'opposent fermement au principe d'une semi-professionnalisation des volontaires. Seuls quelques syndicats de professionnels semblent y être favorables : nous sommes donc loin du « consensus » évoqué par l'auteur du texte lors de son propos introductif. Le ministère de l'intérieur m'a également fait part de ses fortes réserves sur ce texte.
Par ailleurs, l'expérimentation proposée ne répond pas à la principale difficulté du volontariat, à savoir le manque de disponibilité des volontaires en semaine. Les inciter à effectuer plus de gardes postées en devenant semi-professionnels ne résoudrait en rien ces difficultés, sauf à demander aux volontaires d'effectuer un temps partiel explicite.
Enfin, cette déstabilisation du volontariat paraît d'autant moins propice que sont attendues, d'ici peu, les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. L'éventuelle création d'un troisième statut de sapeurs-pompiers aurait davantage sa place dans ce cadre d'ensemble.
C'est pourquoi, avec l'accord de l'auteur du texte, je vous propose l'adoption d'un amendement visant à supprimer cette expérimentation et lui substituer un nouveau dispositif.
Il me semble en effet préférable de développer l'engagement saisonnier des sapeurs-pompiers volontaires qui s'investissent sur de courtes périodes pour répondre à des besoins opérationnels ponctuels, en donnant plus de visibilité et en conférant une base législative à cet engagement temporaire, qui est actuellement régi en détail par des dispositions réglementaires. Il sont déjà largement développé dans les départements à forte activité saisonnière.
Dans le même souci de lisibilité du droit applicable aux sapeurs-pompiers, je vous propose en parallèle d'abroger des dispositions transitoires du code général des collectivités territoriales (CGCT) devenues inutiles, trente ans après la départementalisation des Sdis. Je précise que cette abrogation a déjà été adoptée par la commission des lois et par le Sénat en janvier 2024, dans le cadre de la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités locales, dite « Balai 3 ».
Mme Catherine Di Folco. - Je partage l'essentiel de votre analyse, mais pas votre conclusion qui consiste à réécrire le texte, dont vous avez énuméré à juste titre les défauts. Il me semblerait plus logique de rejeter un texte qui ne tient pas la route.
De plus, il est inutile de se précipiter alors que les conclusions du Beauvau de la sécurité civile sont attendues. À l'heure où nous parlons de simplification, ne légiférons pas pour rien, même si j'entends les efforts que vous fournissez pour défendre un texte prétendument transpartisan. Une fois encore, ne votons pas un texte inabouti.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Les textes transpartisans sont un concept assez nouveau dont nous devrons affiner la procédure . Il n'en reste pas moins que des sénateurs de tous les groupes ont cosigné cette proposition de loi, ce qui empêche sans doute le rapporteur de la rejeter purement et simplement.
M. Hussein Bourgi. - Je suis gêné à plusieurs titres par cette proposition de loi.
L'enfer est pavé de bonnes intentions : lorsque Grégory Blanc a déposé le texte, j'ai tenté de le dissuader et l'ai mis en garde, une série de formalités préalables n'ayant pas été respectées, dont le dialogue avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). J'ai essayé d'alerter sur le fait qu'il n'était pas envisageable de traiter des sujets concernant les sapeurs-pompiers sans prendre un minimum de précautions.
Un autre aspect gênant tient au fait que ce texte est inscrit dans l'espace transpartisan. Pour ma part, je suis convaincu de la pertinence de tels espaces mais à la condition qu'un échange préalable ait lieu et que les présidents de groupes soient éclairés au moment où ils prennent la décision de proposer à la Conférence des président l'inscription de textes. J'insiste sur ce point : les membres de chaque groupe doivent intervenir auprès de leur président afin que nous ne commettions pas la même erreur à l'avenir.
En outre, la proposition de loi arrive à un mauvais moment, alors que les sapeurs-pompiers nous interrogent sur la date d'entrée en vigueur effective des dispositions de la loi de 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras. S'y ajoutent les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, qui suscitent beaucoup d'attentes chez les sapeurs-pompiers.
De manière générale, la situation est compliquée au sein des Sdis : s'il n'existe pas de crise de vocation à proprement parler, certains centres fonctionnent uniquement avec des volontaires et peinent à attirer de nouvelles recrues. C'est pourquoi les fermetures de centres concernent au premier chef les zones rurales et montagneuses, étant précisé qu'un fonctionnement assuré uniquement par des professionnels serait extrêmement onéreux.
A contrario, des centres ouvrent dans les métropoles et dans les grands pôles urbains, ce contraste devant nous inciter à réfléchir à de nouvelles mesures dès lors que les conclusions du Beauvau seront connues.
Enfin, si je peux soutenir l'idée d'une réserve pour la police et la gendarmerie, elle n'est pas applicable pour les sapeurs-pompiers puisque les volontaires forment déjà une « réserve ». Nous gagnerions donc à nous interroger sur les spécificités de cet engagement : les jeunes volontaires ruraux s'en éloignent au bout de quelques années, notamment lorsqu'ils ont fondé une famille.
Au-delà des enjeux financiers, le coeur du problème réside dans la sécurisation du volontariat, afin d'assurer la fidélisation et le renouvellement des générations. Je remercie Jean-Michel Arnaud, dont le travail élégant nous permet de trouver une issue.
Mme Françoise Dumont. - Le rapporteur a effectivement fait preuve d'une grande bienveillance dans la réécriture d'un texte qui traduit une grande méconnaissance du système de nos Sdis et qui risque de porter atteinte à son fonctionnement, alors qu'il devrait être conforté.
J'ajoute que les Sdis recrutent des sapeurs-pompiers volontaires pour une mission temporaire qui correspond bien à un engagement de volontaire, et non à un contrat saisonnier à proprement parler. Pour le dire crûment, les coûts vont du simple au double et je doute que l'ensemble des Sdis puissent se permettre de recruter tous les volontaires en contrat saisonnier.
Cela m'amène à la jurisprudence Matzak, véritable épée de Damoclès au-dessus de nos têtes : des sapeurs-pompiers volontaires ont été reconnus comme des travailleurs en Belgique et des actions en justice ont déjà été lancées en France pour ce motif.
N'apportons donc pas de l'eau au moulin de cette dangereuse évolution, car la rémunération des sapeurs-pompiers volontaires comme des salariés ferait exploser le système : dans le Var, un tel changement nous empêcherait d'assumer les missions de secours aux personnes et nous contraindrait à nous limiter aux feux de forêt, qui ne représentent que 4 % de l'activité, car nous serions dans l'incapacité de payer la totalité du personnel.
Je suis également très réticente à l'idée de voter ce texte, même avec la modification que vous portez. Pourquoi ne pas attendre les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, prévues pour la rentrée ? Nous avons besoin de remettre à plat l'ensemble de notre organisation, et ce cadre paraît préférable.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - Dans l'amendement que je vous propose, j'ai choisi d'évoquer un « engagement saisonnier » et non pas un « contrat saisonnier », de manière à éviter toute difficulté en termes de qualification des contrats de travail : il s'agit en fait d'apporter un complément au cadre général.
Plus largement, il me semble essentiel que nous puissions avoir un débat serein et que nous puissions continuer à expérimenter cet espace transpartisan, en conservant la possibilité pour chacun de déposer des textes dans ce cadre : tâchons de tirer les leçons de ces premières expériences.
Je vous propose de trouver une porte de sortie honorable, l'objectif n'étant pas de bouleverser les grands équilibres statutaires au sein de la profession des sapeurs-pompiers, ni d'insulter l'avenir eu égard aux conclusions du Beauvau à venir, qui devront déboucher sur un projet de loi.
Afin de préserver cet espace transpartisan, intéressant et apaisé en comparaison des tensions observées à l'Assemblée nationale, je vous invite, avec toute la sagesse sénatoriale qui vous caractérise, mes chers collègues, à soutenir ma démarche et les deux amendements que je propose.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous pourrons peut-être trouver un moyen de formaliser le fait qu'il n'est en aucun cas question d'un engagement salarié.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - La rédaction que je vous soumets ne change rien à l'état du droit.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Je vous propose de considérer que le périmètre indicatif de la proposition de loi inclut les dispositions relatives à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et abrogeant les dispositions caduques régissant le droit applicable aux sapeurs-pompiers.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - L'amendement COM-1 confère une base législative générale à l'engagement saisonnier des sapeurs-pompiers volontaires, actuellement régi par un article de la partie règlementaire du code de la sécurité intérieure.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Intitulé de la proposition de loi
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à réécrire l'intitulé du texte afin de supprimer la référence aux « groupes de vacataires » et de ne conserver que la dimension d'encouragement du volontariat.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 50.