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Table des matières



Lutte contre la vie chère dans les outre-mer (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer

M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Anne-Catherine Loisier

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Viviane Malet

M. Dominique Théophile

Mme Audrey Bélim

Mme Evelyne Corbière Naminzo

M. Akli Mellouli

M. Philippe Grosvalet

M. Stéphane Demilly

Mme Annick Petrus

M. Saïd Omar Oili

Mme Catherine Conconne

Discussion des articles

Avant l'article 1er (Supprimé)

Après l'article 1er (Supprimé)

Article 2

Après l'article 2

Article 3

Après l'article 3

Article 4

Après l'article 4

Article 5 (Supprimé)

Après l'article 5 (Supprimé)

Article 6

Mme Annick Girardin

M. Fabien Gay

Mme Catherine Conconne

M. Victorin Lurel

Accord en CMP

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 6 (Suite)

Après l'article 6

Article 6 quater

Article 7

Après l'article 7

Article 8

Après l'article 8

Après l'article 9

Article 10

M. Marc Laménie

Après l'article 10

Après l'article 11

Article 12

Après l'article 12

Article 13

Après l'article 13

Article 14

Article 15

Après l'article 15

Après l'article 16

Vote sur l'ensemble

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Catherine Conconne

M. Akli Mellouli

M. Victorin Lurel

Mme Viviane Artigalas

Mme Lana Tetuanui

M. Dominique Théophile

M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Annick Girardin

M. Marc Laménie

Mme Frédérique Puissat

Ordre du jour du mercredi 29 octobre 2025




SÉANCE

du mardi 28 octobre 2025

7e séance de la session ordinaire 2025-2026

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance est ouverte à 14 h 30.

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer .  - La vie chère dans les outre-mer n'est pas un phénomène conjoncturel, une donnée à laquelle il faudrait se résoudre, mais un fléau structurel, qui ronge le pouvoir d'achat des ultramarins depuis des décennies. Aucun territoire n'est épargné. L'écart des prix avec l'Hexagone oscille autour de 15 % et dépasse souvent 40 % sur les produits alimentaires. Ces chiffres révèlent une fracture d'égalité entre les citoyens d'un même pays, une injustice à laquelle je ne m'habituerai pas. Vous pouvez compter sur la mobilisation du Gouvernement. Le Premier ministre, qui a qualifié ce sujet « d'urgence des urgences » lors de sa déclaration de politique générale, m'a chargée de mener ce combat prioritaire.

Nos compatriotes attendent une chose : que les prix baissent. Ce texte vise à avancer sur le chemin de l'égalité. La cherté de la vie est aussi une question de cohésion nationale. De tels écarts de prix se traduisent en écarts de destin et nourrissent un sentiment d'abandon : quand la République n'y répond pas, elle s'affaiblit.

En cause, des facteurs économiques naturels - coût de l'éloignement, taille réduite des marchés - mais aussi des héritages de l'histoire : abus de position dominante, dépendance trop forte aux importations.

Ce projet de loi n'est pas né dans un bureau ministériel ; profondément transpartisan, il résulte d'une concertation approfondie avec les parlementaires ultramarins. Beaucoup d'articles sont inspirés de propositions de loi de différents bords, parfois opposés, notamment celle de la députée Béatrice Bellay, celle de Victorin Lurel - dont l'engagement en faveur de l'égalité réelle a durablement marqué ce ministère - ou encore celle de Micheline Jacques. Nous avons également puisé dans les conclusions de la mission d'information de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Je salue le travail efficace mené avec Audrey Bélim autour de sa proposition de loi sur l'encadrement des loyers et l'habitat outre-mer. C'est la bonne manière de légiférer dans le contexte politique actuel, où la recherche du compromis est une exigence démocratique.

Ce texte se compose de quatre titres. Le titre Ier, « Agir pour le pouvoir d'achat », comprenait à l'origine cinq articles, mais l'article 1er, qui permettait aux entreprises de commerce de détail de retirer le prix du transport du seuil de revente à perte (SRP), a été supprimé en commission, par crainte de renforcer les positions dominantes des gros distributeurs et de fragiliser le commerce de proximité. Selon nous, ce risque était à relativiser. Cependant, je respecte votre choix et ne présenterai pas d'amendement de rétablissement.

L'article 2 renforce le bouclier qualité prix (BQP) en lui fixant pour objectif de réduire le différentiel de prix vis-à-vis de l'Hexagone et en l'élargissant aux services - prestations de téléphonie ou entretien automobile. Il s'assure également de la qualité des produits concernés. Il introduit des mécanismes de responsabilité, dont un name and shame et des sanctions pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs engagements. C'est une véritable refondation de cet outil.

À l'article 3, la commission a musclé le pouvoir d'alerte des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) et élargi la demande d'analyse aux présidents d'exécutifs. Nous y souscrivons.

À l'article 4, vous avez prévu l'élargissement à d'autres territoires de l'expérimentation d'un e-hub en Martinique et favorisé les petites entreprises locales ainsi que celles qui respectent les critères sociaux et environnementaux. Nous croyons en cette expérimentation.

La commission a supprimé l'article 5 - une habilitation à légiférer par ordonnance. Le Gouvernement proposera d'inscrire en dur dans le texte un dispositif visant à réduire les frais d'approche sur les produits de grande consommation importés en s'appuyant sur un système de péréquation avec les produits à plus forte valeur ajoutée. Cet article est déterminant pour achever la mise en oeuvre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère martiniquais d'octobre 2024. Ce mécanisme de péréquation volontaire pourra être mis en place par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation : détaillants, producteurs, grossistes ou importateurs, entreprises de fret et transitaires. Il sera élargi à tous les outre-mer. Un organisme percevra les contributions et opérera les restitutions destinées à réduire les prix des produits de grande consommation. Ce mécanisme fera donc appel à des contributions volontaires et privées, dont celle de la CMA-CGM. L'État apportera son expertise, mais une participation financière serait contraire au droit des aides d'État. Je veux, comme vous, un dispositif qui fonctionne et vous inviterai donc à adopter cet amendement. Le protocole martiniquais, fondé sur l'engagement et la responsabilité des acteurs, a d'ores et déjà fait baisser les prix de 10 à 15 %.

Le titre II vise à renforcer la transparence, qui est la condition de la confiance. Sans données fiables, sans contrôle effectif, pas de régulation possible. Ces articles renforcent les obligations des grandes enseignes, sans fragiliser les petits commerces. Il s'agit de lever l'opacité sur la formation des prix, d'identifier les abus de position dominante et de restaurer la confiance du consommateur. Vous avez ajouté trois nouveaux articles, que le Gouvernement soutient. Je proposerai néanmoins une réécriture de l'article 6 quater, qui présente en l'état des difficultés au regard du secret des affaires et du secret fiscal.

Le titre III renforce la concurrence. Il dote l'Autorité de la concurrence de deux membres supplémentaires, experts sur les économies ultramarines, et d'un service d'instruction dédié.

Le titre IV, « Soutenir le tissu économique ultramarin », montre que notre ambition dépasse la seule régulation. Il faut rompre avec la dépendance aux importations, favoriser la production locale et l'autonomie alimentaire, améliorer la compétitivité. L'article 13 protège les produits substituables aux importations ; les articles 14 et 15 favorisent l'accès des PME ultramarines à la commande publique. Ce travail de renaissance est d'ores et déjà engagé : une circulaire adressée aux préfets le 10 juillet dernier leur demande de bâtir de véritables stratégies de transformation économique autour des filières locales - agriculture, pêche, énergie, numérique. C'est la condition pour bâtir une économie de production diversifiée et renforcer l'intégration régionale.

Car il faut aussi mieux inscrire les outre-mer dans leur environnement régional. D'où la décision prise lors du comité interministériel des outre-mer (Ciom) du 10 juillet dernier de demander au secrétariat général des affaires européennes (SGAE) une proposition d'adaptation des textes européens aux réalités ultramarines, à soumettre à la Commission.

Ce projet de loi, déjà ambitieux, a été amélioré par le travail remarquable de votre commission ; nul doute qu'il le sera encore en séance publique. Il envoie un signal fort : celui d'un État qui agit contre une injustice presque intériorisée. La vie chère est une épreuve de vérité pour la République. Soyons à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et au banc des commissions) Ce projet de loi est un rescapé de l'instabilité politique qui touche notre pays. Près de dix ministres ont occupé le portefeuille des outre-mer depuis 2017, rarement pour plus d'un an.

Les crises sociales liées à la vie chère se succèdent : 2009 en Guadeloupe et Martinique, 2012 à La Réunion, 2017 en Guyane, 2024 en Martinique. À chaque fois, une loi : Lodeom en 2009, loi Lurel sur la régulation économique outre-mer en 2012, loi sur l'égalité réelle outre-mer (Erom) en 2017, et maintenant ce projet de loi.

Malgré cela, les écarts de prix avec l'Hexagone ont progressé pour atteindre 9 % à La Réunion, 15 % en Guyane, à la Martinique et en Guadeloupe, 31 % en Polynésie française. Pour les produits alimentaires, c'est 36,7 % à La Réunion, 40,2 % à la Martinique, 41,8 % en Guadeloupe. Un panier de courses de 100 euros dans l'Hexagone coûte 140 euros à Fort-de-France, alors que le revenu moyen y est plus faible et la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté plus élevée !

Les causes de ces écarts sont connues. La vie chère est un phénomène multifactoriel : étroitesse des marchés domestiques, tissu économique constitué de TPE et PME, frais d'approche très élevés, faible nombre d'acteurs dans la distribution favorisant des situations oligopolistiques. Des grands groupes contrôlent toute la chaîne de valeur. La dépendance aux importations provenant de l'Hexagone, survivance obsolète, traduit une intégration régionale insuffisante. Le tissu productif reste spécialisé dans un faible nombre de productions, notamment agricoles, destinées à l'exportation.

La dernière crise de la vie chère dans mon territoire a été apaisée, sinon éteinte, par la signature d'un protocole visant à faire baisser les prix de 6 000 produits alimentaires. Un an plus tard, seule la moitié du chemin a été parcourue. Grâce à l'abaissement de l'octroi de mer et de la TVA, la hausse des prix des produits alimentaires y est plus faible qu'ailleurs - mais si l'État revient sur les engagements pris sur la compensation des frais d'approche, les braises de la contestation pourraient aisément se rallumer. Restons attentifs aux attentes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Vincent Louault et Mme Micheline Jacques applaudissent également.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.) Malgré son titre ambitieux, ce projet de loi n'est pas de nature à changer la donne. Nous en espérions beaucoup -  or les mesures proposées, même cumulées, n'auront qu'un effet mineur sur la formation des prix en outre-mer, du moins à court terme. Attention à ne pas susciter de faux espoirs. Non, ce texte ne fera pas disparaître la vie chère en outre-mer ! Il renforcera tout au plus la législation en vigueur pour faciliter l'accès aux produits de première nécessité et gagner en transparence. C'est mieux que rien, certes, mais tellement insuffisant !

La vie chère, ce sont des prix trop élevés par rapport à des revenus insuffisants. Or le texte est muet sur la question des revenus du travail et du soutien au tissu économique ultramarin. (Mme Évelyne Perrot le confirme.) Les écarts de prix ont pourtant des raisons structurelles. La hausse des revenus du travail par l'activité économique, l'accroissement des richesses et la création d'emplois doivent être un axe essentiel de la lutte contre la vie chère.

Rien non plus sur l'intégration des outre-mer dans leur environnement régional. Que le commerce des territoires ultramarins se fasse essentiellement avec l'Hexagone et, plus largement, avec les pays européens, constitue dans bien des cas une aberration économique et environnementale, source de surcoûts.

Mme Évelyne Perrot.  - C'est juste !

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Faire transiter les crevettes de Madagascar par Rungis pour les commercialiser à Mayotte n'a aucun sens ! Idem pour les citrons du Brésil vendus en Guyane !

Troisième sujet absent : l'économie informelle, qui pèse sur la situation économique de nombre de nos compatriotes ultramarins.

Nous avons donc été déçus par ce texte d'affichage, qui se contente de mesures mineures dont l'impact ne sera guère significatif.

La commission l'a néanmoins adopté, en y apportant des modifications visant notamment à soutenir le tissu économique local : suppression de l'article 1er qui aurait abaissé le SRP au profit de la grande distribution et au détriment des petits commerces ; meilleure valorisation des produits locaux dans le BQP, étendu aux services ; ajout de garanties pour éviter que l'expérimentation du e-hub ne se fasse au détriment des entreprises martiniquaises ; suppression de l'article 5, à charge pour le Gouvernement de proposer un mécanisme de péréquation des frais d'approche. Celui-ci a annoncé un amendement en ce sens, mais la commission a émis une réserve sur une modification très attendue par notre collègue M. Buval, compte tenu des accords signés en Martinique en octobre 2024.

Les autres modifications adoptées en commission visaient à renforcer la transparence et les sanctions ainsi que le pouvoir des instances chargées de lutter contre la vie chère. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Ce projet de loi complète plusieurs propositions de loi déjà adoptées, mais aurait pu aller plus loin, avec des mesures plus concrètes.

Très attendu, il comporte néanmoins plusieurs insuffisances. D'abord sur l'octroi de mer, qui protège la production locale, garantit l'autonomie fiscale et budgétaire des collectivités ultramarines, et assure le maintien des services publics. Nous serons attentifs aux amendements sur ce sujet - plus largement, nous devrons réfléchir à faire évoluer cet impôt.

La deuxième insuffisance concerne les centrales d'achat -  sujet dont nous avons beaucoup parlé lors des lois Égalim. Les conditions générales de vente dans les accords-cadres conclus entre fournisseurs et centrales d'achat au niveau national excluent quasi systématiquement les outre-mer des circuits d'approvisionnement ou de promotion. En 2018, on a invoqué le BQP. Résultat, les outre-mer ne bénéficient pas des promotions négociées par les centrales d'achats des groupes et s'approvisionnent donc à des tarifs beaucoup plus élevés, et margés.

L'importateur-grossiste local étant souvent l'agent de la marque sur le territoire, cela revient, pour le commerçant, à s'approvisionner chez son concurrent. La libre concurrence loyale et vertueuse s'en trouve compromise, ce qui contribue aux prix élevés des produits de grande consommation.

C'est pourquoi la délégation aux outre-mer préconisait d'interdire l'exclusion des outre-mer du champ d'application des conditions générales de vente des contrats entre centrales d'achat. Il faudra approfondir cette question avec les industriels et les distributeurs.

Le groupe UC votera ce texte, quoiqu'incomplet, car nous soutenons toute mesure allant dans le sens d'une meilleure qualité de vie pour nos concitoyens ultramarins. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI, sur quelques travées du groupe INDEP et au banc des commissions)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Plus 37 % à La Réunion, 40 % en Martinique, 42 % en Guadeloupe : voilà les écarts de prix constatés entre l'Hexagone et les départements ultramarins. Ces écarts considérables concernent l'alimentation mais aussi les services. Ils pèsent sur le pouvoir d'achat des habitants des DROM, qui représentent 3 % de la population française mais 24 % de nos concitoyens en situation de grande pauvreté.

La double insularité, l'étroitesse des marchés, les situations d'oligopole, l'éloignement géographique de l'Hexagone renforcent les écarts de prix. À nous de les réduire. Le présent texte n'est pas le premier : la Lodeom en 2009, la loi Lurel en 2012, la loi Égalité réelle outre-mer en 2017 ont porté des mesures souvent efficaces, mais globalement insuffisantes, puisque les écarts de prix persistent et s'aggravent.

Nous travaillons depuis longtemps sur ces sujets. Rien que cette année, nous avons voté une loi sur l'encadrement des loyers et un texte sur la vie chère, et la délégation a publié un rapport très complet, qui appelle à un plan d'action global et structurel.

Ce texte, qui n'est ni le premier ni le dernier, aurait pu être plus ambitieux. Il aurait dû traiter de l'intégration régionale des outre-mer, alors que 60 % des biens de consommation proviennent encore de l'Hexagone, ou encore de l'octroi de mer : cette taxe incomprise et critiquée pourrait être un levier pour développer la production locale.

La mesure sociale la plus efficace, c'est le travail : lutter contre le chômage systémique, c'est aussi lutter contre la vie chère. Nous regrettons le silence du texte à cet égard.

Certaines mesures seront toutefois bénéfiques : le BQP, étendu aux services, ou la possibilité pour les OPMR de saisir le préfet, mais aussi la DGCCRF. Renforcer la transparence des prix dans la grande distribution est essentiel. Les entreprises devront désormais transmettre des informations sur leurs marges avant et arrière.

Pour dynamiser la concurrence, le texte abaisse le seuil de contrôle des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC). Ces contrôles devront être menés avec bon sens, surtout en zone rurale.

Deux membres experts de l'outre-mer rejoindront l'Autorité de la concurrence. Enfin, les acheteurs publics pourront réserver jusqu'à 20 % de leurs marchés aux microentreprises, PME, TPE ou artisans locaux.

Ce texte ne réglera pas tout. Néanmoins, il comporte des avancées : nous le voterons.

Mme Viviane Malet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est peu dire que ce projet de loi était attendu. Depuis 2009, pas moins de trois manifestations contre la vie chère aux Antilles et à La Réunion. Durant cette période, le Parlement a adopté trois lois - qui n'ont pas suffi pour améliorer un quotidien de plus en plus difficile, tant les écarts de prix avec l'Hexagone sont importants. Ces écarts sont dus non à la distance - selon l'Autorité de la concurrence, les coûts de transport représentent moins de 5 % du coût d'achat des produits importés - mais aux pratiques commerciales.

Ce projet de loi va dans le bon sens, mais appelle des mesures complémentaires : rien sur le développement économique, le coût du travail, le chômage, les prix de la construction...

Il faudrait aussi améliorer le BQP, l'étendre à d'autres biens mais aussi à certains services. Les récentes avancées pour le diversifier concernent peu de produits. Je présenterai un amendement pour y intégrer, à titre expérimental à La Réunion, l'équipement électroménager et informatique, les matériels de construction ou l'outillage - ce qui inciterait nos habitants à mieux se protéger contre les aléas climatiques - l'eau, l'énergie et les transports.

Il faut aussi renforcer la visibilité des produits du BQP dans les linéaires. Selon l'Autorité de la concurrence, ces produits représentaient, en 2019, entre 3,5 et 4,9 % de l'activité totale des grands distributeurs. Je proposerai donc, à titre d'expérimentation à La Réunion, que la loi instaure un pourcentage minimal du BQP à l'intérieur du chiffre d'affaires des entreprises de distribution.

Enfin, la loi pourrait imposer une part minimale de produits locaux, sans frais de transport. La loi de 2012 comportait une disposition en ce sens - restée lettre morte, faute de décret d'application.

?uvrez avec les parlementaires, madame la ministre, pour que ce texte n'apparaisse pas comme une série de simples mesures administratives. Nous espérons une écoute attentive du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. Dominique Théophile .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Merci à Micheline Jacques et à Frédéric Buval pour leur travail.

Dans nos territoires, la vie chère a un nom, un visage et une histoire. Depuis 2009, elle est le fil rouge de toutes les crispations : en Guadeloupe avec le mouvement du LKP, par exemple. Ce mouvement n'était pas une colère passagère mais le signe d'un épuisement collectif face à la « profitation » qui transforme l'isolement insulaire en rente privée. En réponse, la loi Lurel devait réguler les prix, encadrer les marges, redonner du pouvoir aux observatoires et restaurer la confiance. Treize ans plus tard, la vie n'a jamais été aussi chère !

Pour les produits de base, les écarts sont abyssaux : un litre de lait coûte 65 centimes dans l'Hexagone, 1,25 euro en Guadeloupe ; 200 grammes de café soluble coûtent 4,24 euros dans l'Hexagone, 10,62 euros en Martinique ! En dix ans, l'écart s'est creusé. Le texte de 2012 n'a pas corrigé les causes profondes : absence de concurrence réelle, dépendance logistique, captation des marges par quelques importateurs. En 2009, selon l'Autorité de la concurrence, plus de 50 % des produits étaient vendus 55 % plus cher qu'en métropole. Depuis, rien n'a changé.

Hélas, ce texte est un cautère sur une jambe de bois. Un texte bavard de plus, quand nos territoires réclament du concret. Nos concitoyens attendent la vérité sur les marges, la transparence des circuits, la traçabilité des coûts. Ils ont besoin d'un choc de vérité pour savoir qui profite réellement de l'insularité, et d'un choc de courage qui reconnaisse que la vie chère est due à une défaillance politique et non à l'éloignement.

Combien de temps allons-nous accepter que certaines marques soient trois fois plus chères que dans l'Hexagone ? Ce n'est pas une revendication, c'est une exigence de justice économique. Derrière chaque étiquette, il y a une mère qui calcule, une jeune qui renonce, une famille qui s'endette. Comment comprendre qu'en 2025, les salaires les plus bas coexistent avec les prix les plus élevés ? Comment accepter qu'être Français d'outre-mer coûte plus cher qu'être Français dans l'Hexagone ?

La viande brésilienne vendue en Guyane passe par Rungis : nous restons isolés dans un système fermé, déconnectés de notre environnement régional. Nous ne pouvons plus prôner la continuité territoriale sans pratiquer la continuité économique ! Instaurons une vraie péréquation : dans une République une et indivisible, le prix du lait ne saurait varier du simple au triple selon la latitude.

Ceux qui se gavent s'opposent aux évolutions institutionnelles, à la refonte de la fiscalité locale ou au développement endogène, car ils y perdraient leurs privilèges !

Le problème de la vie chère est avant tout financier. L'article 40 de la Constitution nous empêche hélas d'agir. En l'état, ce texte est un placebo. Il faut l'amender profondément. Le RDPI se prononcera en fonction du sort de nos amendements. Sinon, ce texte ne servira à rien : nous ne ferons que de la littérature, quand il faut faire de l'arithmétique ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; Mme Viviane Malet applaudit également.)

Mme Audrey Bélim .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le surcoût pour les produits alimentaires s'élève à 37 % à La Réunion, alors que 36 % de Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté. Les territoires ultramarins sont les plus pauvres de France, mais aussi les territoires les plus chers de France.

Parlons de la faiblesse des revenus ! J'ai porté la loi relative à l'encadrement des loyers outre-mer, dont la hausse était devenue insupportable. À moyen terme, l'adaptation des normes de construction réduira les coûts. Nous attendons les décrets, madame la ministre. Les propositions de loi de Mme Bellay ou de M. Lurel s'attaquaient aussi au fléau de la vie chère.

À ce stade, ce texte nous paraît insuffisant. Le projet de budget pour 2026 prévoit 350 millions de baisse pour la Lodeom. Les signaux envoyés par Berçy sont contradictoires avec la volonté affichée ici.

Autre limite : la restriction des thématiques abordées dans le texte initial limite les amendements. Rien sur le logement, le foncier, l'agriculture, l'alimentation ou les revenus. Madame la ministre, nous vous prenons au mot : j'ai déposé une trentaine d'amendements, autant de propositions concrètes pour nos concitoyens ultramarins. Ils attendent des mesures ayant un impact mesurable sur le ticket de caisse ! Lutte contre la concentration verticale, fin du blocage géographique sur les sites et plateformes, personnalité juridique pour les OPMR, quotas d'insertion dans la commande publique... Améliorons ce texte. Nos concitoyens ultramarins nous regardent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. Akli Mellouli applaudit également.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Toujours les mêmes discours, les mêmes promesses de s'attaquer à la vie chère outre-mer. Or les constats demeurent : des prix plus élevés de 30 à 70 %, une concentration entre quelques grands groupes d'import-distribution, une dépendance logistique structurelle.

Les crises sociales se succèdent, se ressemblent, tout comme les vaines réponses des pouvoirs publics. Certains se gavent, tandis que d'autres triment.

Rien sur les revenus, les bas salaires ou la prime d'activité ultramarine, alors que les revenus médians en outre-mer sont inférieurs de 40 % à ceux de l'Hexagone. Faut-il abandonner l'idée de vivre dignement de son travail ? Quid du coût du logement, souvent le premier poste de dépense ? De plus en plus de familles doivent choisir entre se loger et se nourrir.

Où sont les mesures pour soutenir le tissu économique, alors que le taux de défaillance de nos TPE-PME explose, tandis que les syndicats dénoncent les situations de monopole ?

En réalité, les effets de ce texte seront limités. Si les constats sont justes, les réponses ne sont pas à la hauteur. Ce texte ne rompt avec aucune logique, aucun rapport de force. Il ne touche pas aux causes structurelles. Derrière les chiffres se cache un système hérité d'un autre âge où une poignée - les mêmes depuis 50 ans - contrôlent tout. Bref, une économie de comptoir, un héritage colonial !

En Martinique, le groupe Bernard Hayot (GBH) détient plus de 60 % du commerce alimentaire et non alimentaire. À La Réunion, depuis le rachat de Vindémia, GBH et Leclerc contrôlent près de 70 % du marché de la grande distribution. En Guadeloupe, trois entreprises se partagent 90 % des importations de produits de première nécessité. Tant qu'on ne touchera pas à cette rente de situation, on ne réglera rien.

Que dire des centrales d'achat installées à l'étranger et utilisées par les distributeurs pour cacher leurs marges ? Cela représente 20 à 30 % des surcoûts ! Ce texte veut renforcer la transparence. C'est louable, mais les observatoires n'ont pas les moyens pour agir. La DGCCRF ne compte que deux agents pour tout un département !

Le BQP est certes renforcé, mais reste centré sur les produits, sans véritable stratégie de soutien à la production locale ni évaluation.

De belles intentions, mais sans outils, sans contraintes, sans volonté de bousculer les oligopoles. Ce texte ne rompt avec rien, il conforte un modèle d'économie de rente, de comptoir. Or la vie chère n'est pas une abstraction : c'est une mère qui paye le lait et les yaourts deux fois plus cher à La Réunion que dans l'Hexagone.

Nous pourrons vraiment agir contre la vie chère en outre-mer quand nous voterons dans le PLF les amendements déclarés irrecevables aujourd'hui. Le groupe CRCE-K s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)

M. Akli Mellouli .  - Je veux dire notre solidarité à nos compatriotes de Guadeloupe, touchés par un tremblement de terre. (M. Stéphane Demilly renchérit.)

L'outre-mer est une part vivante de la République mais ces territoires sont fragilisés par la vie chère, qui mine la cohésion sociale et ronge la promesse d'égalité. Les écarts de prix avec l'Hexagone sont indécents. Ils traduisent des repas sautés, des médicaments qu'on n'achète plus. Nos compatriotes ultramarins dénoncent cette injustice. Leurs mobilisations font entendre le cri d'un peuple qui veut vivre dignement.

Le présent texte ne traite que des pratiques de la grande distribution. Rien sur les véritables déterminants de la vie chère : la politique économique d'exonérations de cotisations sociales, la stagnation des salaires comme des prestations sociales, la crise du logement, la faiblesse du soutien aux productions locales. Les aides à la production agricole se concentrent sur les produits exportés. Le Gouvernement promet de lutter contre la vie chère - mais le projet de budget réduit d'un tiers les crédits du programme « Conditions de vie en outre-mer » !

Il y a malgré tout des pistes prometteuses dans ce texte. D'abord le BQP, qui contient les prix, favorise les négociations. Mais il ne saurait être efficace que s'il valorise les produits locaux.

Il faut mettre fin au cercle vicieux : plus on importe, plus on paie cher et moins on produit. Derrière les grandes surfaces, ce sont souvent de puissants groupes d'importation, parfois en situation de monopole, qui fixent leurs marges loin de tout contrôle réel. Favoriser les produits locaux, c'est du bon sens économique, écologique et social. C'est aussi la clé pour retrouver une souveraineté alimentaire et réduire la dépendance logistique qui alimente la cherté.

Le BQP doit devenir un levier de transformation structurelle des circuits d'approvisionnement ; cela suppose qu'une part significative du panier soit issue de la production locale.

Deuxième point : la transparence. Les articles 6 et 7 vont dans la bonne direction : trop souvent, les marges arrière gonflent les prix sans qu'on puisse le prouver. Mais pour assurer la transparence, il faut des contrôles et des sanctions ; or l'OPMR est démuni de moyens et d'effectifs face à l'ampleur de ses missions.

Je le redis clairement, il faut au minimum multiplier par quatre les moyens des OPMR. Un observatoire renforcé, c'est une République qui regarde enfin la vérité des prix.

Troisième enjeu : la concurrence déloyale. Les articles 8 à 10 comportent des avancées certaines en luttant contre certains fournisseurs, qui pratiquent encore des tarifs plus élevés pour les DROM-COM sans autre raison que leur éloignement. La lutte contre la trop grande concentration qui étouffe le petit commerce est aussi une bonne chose, à condition que l'Autorité de la concurrence dispose, elle aussi, des moyens spécifiques pour les outre-mer.

Dernier point fondamental : la dignité économique est le socle de la dignité humaine. La vie chère est un problème de justice : elle creuse les inégalités, nourrit les frustrations et affaiblit le lien qui unit chaque citoyen à la République.

La lutte contre la vie chère est donc une politique de cohésion nationale, pas une faveur accordée à quelques-uns. Il n'y a pas de dignité sans justice, et pas de liberté sans égalité, disait Aimé Césaire. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)

M. Victorin Lurel.  - Bravo !

M. Philippe Grosvalet .  - Mobilisations de 2009 en Guadeloupe et en Martinique, de 2012 à La Réunion, de 2017 en Guyane et à l'automne 2024 en Martinique : à chaque fois, le même constat est fait : les populations ultramarines paient plus cher les biens de consommation, alors que la pauvreté y est plus fréquente.

Un litre de lait ou un kilogramme de tomates sont ainsi 30 à 50 % plus chers outre-mer que dans l'Hexagone. Le taux de pauvreté dépasse les 30 % en Guadeloupe et à La Réunion, atteignant plus de 50 % en Guyane et même 77 % à Mayotte. C'est une double peine.

On peut l'affirmer, les lois précédentes n'ont pas résorbé la vie chère en outre-mer ; c'est pourtant ce qu'ambitionne ce texte grâce à plus de transparence, un renforcement du BQP, de nouvelles obligations pour les grands distributeurs et l'expérimentation d'un e-hub logistique en Martinique ? toutes mesures utiles, mais dont l'impact risque d'être minime sur le ticket de caisse.

L'avis du Conseil d'État sur le texte révélait déjà une série de mesures « paillettes », peu prometteuses, voire complexifiant le travail des collectivités territoriales.

Aucune baisse structurelle de prix n'est garantie, pas de soutien renforcé au tissu local ni de réflexion sur l'intégration économique régionale.

Rien sur la question des revenus du travail, l'emploi local et la hausse des minima sociaux.

Il faut davantage soutenir la production locale et l'intégration régionale, alors que 90 % de la consommation alimentaire est importée ; réfléchir à une réforme de l'octroi de mer concertée et équilibrée entre l'exclusion des produits de première nécessité et le maintien du financement des collectivités.

Enfin, la fluidité et la densité des liaisons maritimes avec l'Hexagone sont fondamentales. La décision de CMA-CGM de supprimer l'escale du grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire sur la route des Antilles, héritage du XIXe siècle, met gravement en péril l'industrie portuaire de la Loire-Atlantique et fragilise la chaîne logistique des produits à date limite de consommation.

Ce projet de loi n'est pas le grand soir pour le caddie de nos compatriotes d'outre-mer. Des amendements pourraient lui apporter un peu de chair ; nous y serons attentifs. Le RDSE appréciera les avancées qui rendraient ce texte moins homéopathique.

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Rapporteur pour l'océan Indien à la délégation aux outre-mer ? dont je salue la présidente Micheline Jacques ? je souligne la portée de ce projet de loi en associant tous mes collègues du groupe UC, dont je connais l'attachement aux outre-mer.

Ce texte vise à répondre à une urgence aussi ancienne que profonde : le coût de la vie outre-mer.

Derrière les chiffres qui ont été cités, c'est une terrible réalité pour les familles, les retraités, les jeunes, les travailleurs.

L'éloignement, les coûts logistiques et l'insuffisante concurrence sont des facteurs structurels de la vie chère.

Ce texte renforce le BQP en associant les élus locaux et les associations de consommateurs. Il impose aux grandes enseignes des obligations renforcées pour la transmission d'informations sur les marges, préalable indispensable à toute politique efficace de lutte contre la vie chère.

Il prévoit un service public logistique en Martinique. Je salue le travail des rapporteurs qui proposent de l'accorder aux autres régions ultramarines après deux ans. Un meilleur maillage de la logistique, un soutien aux filières locales et un appui renforcé aux PME-PMI sont autant de leviers pour réduire la dépendance aux importations et, par voie de conséquence, pour redonner de la résilience à nos économies ultramarines.

À La Réunion comme à Mayotte, le fret maritime est un facteur majeur de renchérissement des prix. La maîtrise des coûts de transport doit devenir un levier stratégique de lutte contre la vie chère, au même titre que la politique de concurrence.

Le renforcement du rôle de l'Autorité de la concurrence à l'article 10 est un signal fort pour restaurer la concurrence, mais il faut veiller à l'effectivité des sanctions.

Enfin, les dispositifs de préférence locale dans les marchés publics constituent une opportunité pour les PME ultramarines. Ces parts réservées ne devront pas rester des promesses et il faudra veiller scrupuleusement à leur concrétisation. Le picard Condorcet disait que l'égalité ce n'était pas rendre les choses semblables, mais faire en sorte que chacun puisse vivre dignement là où il est.

Si ce texte n'est pas parfait, prenons-le pour un voeu pour que l'éloignement ne soit pas synonyme d'abandon et d'injustice. Enrichissons-le pour faire ensemble de la lutte contre la vie chère un plan concret pour tous nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)

Mme Annick Petrus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte touche directement la vie quotidienne de nos concitoyens : la vie chère outre-mer n'est pas un problème ponctuel, mais structurel ; en cause, l'éloignement, la dépendance aux approvisionnements extérieurs, l'étroitesse des marchés et le coût logistique à chaque étape.

À Saint-Martin, c'est particulièrement visible : la plupart des marchandises transitent par la Guadeloupe, ce qui est source de surcoût. La concurrence immédiate de la partie néerlandaise de l'île influence aussi les prix comme les pratiques de consommation. Ces contraintes pèsent sur les familles et les entreprises.

Sans présenter de mesures structurelles, ce texte améliore la situation sur les produits de première nécessité. La commission des affaires économiques a supprimé l'article 1er : c'est un choix de responsabilité. Lutter contre la vie chère oui, mais sans fragiliser ceux qui travaillent et qui embauchent.

La commission a renforcé le BQP en généralisant son extension aux services. La transparence sur les marges et la chaîne d'approvisionnement est essentielle, car la confiance ne se décrète pas, elle se construit dans la clarté.

Ce texte comporte des orientations utiles, mais leur effet restera limité si les déterminants structurels de la vie chère ne sont pas davantage intégrés.

La lutte contre la vie chère doit s'attaquer aux frais d'approche. La quasi-totalité des biens transite par la Guadeloupe, aussi le prix augmente-t-il plusieurs fois avant de toucher une étagère. La vie chère n'est pas une abstraction, mais une réalité douloureuse dans le caddie ou le panier du marché.

Mon premier amendement prévoit que l'OPMR analyse chaque année les coûts d'approvisionnement vers Saint-Martin et les possibilités de diversification des approvisionnements.

Mon deuxième amendement a trait au BQP. Les produits qu'il couvre devraient pouvoir être identifiés clairement par les consommateurs, qui doivent aujourd'hui deviner lesquels sont concernés. Il faut une mise en valeur claire en rayon.

Les initiatives locales, comme le maraîchage ou l'élevage extensif, doivent être soutenues. Leur volume ne remplace pas celui des importations, mais elles construisent une résilience, une souveraineté alimentaire progressive.

Il faut également soutenir l'emploi. À Saint-Martin, les entreprises sont de très petite taille et subissent des surcoûts logistiques de 25 à 30 %, sans compter la concurrence directe de Sint Maarten.

On ne peut pas agir sur le pouvoir d'achat en affaiblissant les outils qui permettent d'investir. Il faut tenir compte des structures économiques et des équilibres locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Saïd Omar Oili .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Teva Rohfritsch applaudit également.) Avec mes collègues ultramarins, nous partageons les mêmes problèmes et la même injustice. Le combat contre la vie chère fait partie de ces engagements qui alimentent notre solidarité et notre force dans nos territoires oubliés de la République.

Ce projet de loi présenté par Manuel Valls est une reconnaissance de la légitimité de nos revendications. Mais l'efficacité des mesures doit être évaluée sur le terrain. Sénateur depuis deux ans, je suis étonné de constater que nous consacrons beaucoup de temps à l'élaboration des textes, mais pas à assez à vérifier leur application.

Trois lois ont été votées depuis Chido ; je serai intraitable sur leur application. Je perçois les résistances des administrations à rendre des comptes sur l'application des textes votés par le Parlement. Comment voulez-vous que nos populations fassent confiance aux élus si les lois qu'ils votent restent lettre morte ?

Je serai vigilant sur l'application de ce texte dans mon territoire. Je constate la faiblesse des moyens des administrations déconcentrées sur mon territoire et suis très pessimiste pour la suite.

À Mayotte, Chido n'a rien arrangé à la vie chère. Les prix des matériaux de construction explosent ; notre agriculture a été ravagée, avec des fruits et légumes qui viennent à manquer. Nous subissons une crise de l'eau depuis des années, ce qui conduit les familles à acheter des bouteilles et à devoir aménager leur maison pour les stocker.

Nous sommes surpris d'apprendre dans la presse la vente par la préfecture de l'eau en bouteille qui devait être distribuée aux populations. Les populations des outre-mer n'en peuvent plus. La question de la vie chère doit devenir une priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Évelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

Mme Catherine Conconne .  - Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, en toute sororité.

C'est une loi « extincteur » que nous examinons. Au dernier trimestre de 2024, la Martinique est à feu et à sang ; un ministre arrive et dégaine une réponse pour calmer le feu, au propre comme au figuré. Mais la situation ne changera pas grâce à cette loi.

J'ai une pensée pour les centaines d'entreprises pillées, incendiées, et pour les milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi.

Cette loi procède d'un mauvais diagnostic, d'a priori, d'idées préconçues qui installent un déni et le confort d'un écran de fumée en renvoyant dos à dos les acteurs.

Ce texte m'a rappelé la fois où nous sommes allés avec mes collègues visiter les îles du Salut, où était installé le bagne. Il donne l'impression que sur ces îles, on aurait enfermé tous les profiteurs, tous ceux qui abusent du consommateur. Il n'y en aurait pas en Île-de-France, à Marseille, dans les Ardennes... Ils seraient tous concentrés chez nous ! (Sourires)

Dix ministres se sont succédé, et c'est toujours le même discours, les mêmes recettes homéopathiques, le même écran de fumée, les mêmes expressions, les mêmes intentions molles !

Avec, en plus, une surproduction de contrôles, de surcontrôles, de contrôles de contrôles - avec quels moyens, quand les services de l'État sont drastiquement réduits ? Et une absence totale de mesures pour compenser les surcoûts liés à l'éloignement.

Guillaume Chevrollier a rendu, avec moi, un excellent rapport sur ce sujet (on le confirme à droite) qui pourrait vous inspirer sur la continuité territoriale... Pas moins de 187 millions d'euros ont été donnés à la toute proche Corse, et pas un kopeck pour nous, alors que nos surcoûts sont objectifs ?

Aucune mesure ou presque pour la production locale ! Je pense aux petits planteurs de canne et aux agriculteurs qui n'ont pas de lieu pour vendre directement leur production aux consommateurs. Vendredi, je rentrerai dans mon pays la tête basse ; mais comme je suis une femme d'ouverture, je suis à votre disposition pour engager enfin un vrai programme de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Teva Rohfritsch et Philippe Grosvalet et Mmes Lana Tetuanui et Evelyne Perrot applaudissent également.)

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je remercie ceux qui soutiennent ce projet de loi et ceux qui tendent la main pour parfaire le travail.

Ce texte ne règle pas tout, c'est vrai ! Mais il a le mérite de s'attaquer au problème du pouvoir d'achat et des prix. Il s'inscrit dans le champ économique et concurrentiel et pas dans le champ budgétaire - c'est un choix. J'ai toujours dit que les revenus étaient trop bas et je soutiendrai ce que proposera le Gouvernement en ce sens - si le temps le lui permet. Ce texte permettra de discuter des prix dans l'attente de s'attaquer à la question des revenus et du développement économique.

L'intégration régionale ne pouvait pas être inscrite dans ce projet de loi : cela ne relève pas de la loi. Le SGAE y travaille : un règlement européen est à l'étude.

Même chose sur l'octroi de mer : je ne peux pas avancer sans avoir concerté.

Monsieur le rapporteur Buval, l'État a tenu ses engagements dans le cadre du protocole pour la Martinique ; la TVA a baissé de 10 % en juillet 2025 pour les 6 000 produits concernés.

Nous avons avancé sur le mécanisme de péréquation évoqué à l'article 5.

Madame Malet, le BQP fonctionne très bien, mais nous voulons préserver sa souplesse. Cet outil doit aussi encourager l'économie locale, je suis d'accord avec vous. Ce point n'a pas été assez développé. Je vous propose que nous y travaillions ensemble.

Madame Bélim, faire baisser les coûts de la construction est effectivement un levier d'action majeur. Je travaille à la publication d'un décret pour tenir compte des matériaux environnementaux et des environnements régionaux. Je m'engage à le faire d'ici à la fin de l'année. Nous aurons l'occasion d'en parler.

Je suis dans une position bienveillante, car je connais les défauts de ce texte qui n'aborde pas tout, mais constitue une base de travail que vous pouvez enrichir, et qui reprend certains de vos travaux. La coconstruction est donc possible.

Discussion des articles

Avant l'article 1er (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°119 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Ce projet de loi traite nos concitoyens ultramarins comme s'ils n'étaient que des consommateurs. Or ils se heurtent à la vie chère d'abord lorsqu'ils cherchent à se loger. On compte 54,7 % de locataires en Guadeloupe, 49,6 % en Guyane et 45,4 % à La Réunion, contre 40 % dans l'Hexagone. Or les prix des loyers sont supérieurs de 5 % en Guadeloupe et jusqu'à 10 % en Guyane.

Rapporté aux revenus, plus faibles, le logement est donc un poste de dépense majeur. Cela se voit dans les chiffres records des impayés : en 2023, 7 800 impayés ont été signalés à La Réunion. Nous proposons donc d'étendre les compétences des OPMR aux prix des loyers résidentiels et commerciaux.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Confier cette nouvelle mission aux OPMR n'est pas pertinent, car ceux-ci, dont les missions sont nombreuses, sont sous-dotés. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis ; les observatoires locaux des loyers traitent déjà ces questions. Votre amendement est donc satisfait.

Mme Viviane Artigalas.  - La surveillance des loyers est particulièrement importante outre-mer. Mais confier cette nouvelle compétence à des organismes sous-dotés n'est pas une bonne solution. Madame la ministre, il faudrait créer de vrais observatoires de surveillance des loyers en outre-mer.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Quand on habite l'outre-mer, on n'est pas confronté à la vie chère uniquement pour faire ses courses alimentaires. Le travail ne paie pas et les familles ont un budget restreint. Nous allons au-devant d'une année de gel budgétaire. Envisageons le problème de la vie chère de façon globale.

Si les OPMR ne sont pas suffisamment dotés, je le regrette. Mais il faut prendre en considération à la fois la charge alimentaire et celle des loyers.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

L'article 1er demeure supprimé.

Après l'article 1er (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Madame la ministre, c'est votre loi ; elle portera votre nom. Présentée par Manuel Valls, vidée de l'article 1er et des ordonnances, elle ne contient rien.

Budget constant, financement par péréquation, par compensation... : pas un kopeck de l'État, pas de solidarité nationale. Et je ne parle pas du projet de loi de finances : c'est un massacre !

Madame la ministre, vous avez une chance historique. Pour ma part, cela fait presque vingt-cinq ans que je cours après de petits pas faits ensemble - ceux qu'Aimé Césaire aimait engranger.

Madame la ministre, si vous refusez les propositions qui sont faites, et cette chance historique, les dysfonctionnements structurels ne seront pas corrigés. Vous et certains autres, vous croyez à la liberté. J'y crois aussi. Mais si c'est la liberté du renard libre dans le poulailler libre, vous avez les résultats que nous connaissons depuis soixante ans.

Vous avez parlé de bienveillance, j'espère que vous en ferez preuve à l'égard des amendements portant sur l'intégration, sur le gel des enseignes pour tenir le marché. Il faut du structurel, de l'audace !

M. le président.  - Sous-amendement n°151 de Mme Bélim.

Mme Audrey Bélim.  - Ce sous-amendement conserve le calendrier actuel des négociations commerciales visées à La Réunion.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable au sous-amendement : il est difficile d'abroger une disposition uniquement pour La Réunion et il est difficile d'en mesurer l'impact. Concernant l'amendement n°28 rectifié, la volonté de faire profiter plus tôt d'une baisse de prix est louable, mais peu réaliste. Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Le dispositif visé par l'amendement n°28 rectifié n'est plus en vigueur. Les dates de négociation sont désormais fixées du 1er décembre au 1er mars.

Par ailleurs, si les négociations étaient plus favorables au niveau national, les outre-mer ne pourraient pas en profiter.

Retrait, sinon avis défavorable, ainsi que sur le sous-amendement ; mais je ne ferme pas la porte. Je pourrai avoir une position bienveillante sur d'autres amendements.

Mme Catherine Conconne.  - Je remercie la commission qui a compris le sens de nos amendements de suppression de l'article 1er.

Son seul avantage était de faire la démonstration du fait que les frais de transport obèrent toujours le prix de revient et pèsent sur le prix de vente aux consommateurs.

Cet article aurait plongé le petit commerce dans le désarroi, car les grandes surfaces auraient pu vendre beaucoup moins cher.

M. Victorin Lurel.  - Le sous-amendement de Mme Bélim vise à conserver le calendrier actuel.

Nous demandions à avancer de deux mois le calendrier, pour l'aligner sur Égalim. Une signature au plus tard le 15 janvier pour les TPE et le 31 janvier pour les grandes entreprises aurait permis de profiter d'une dynamique nationale. Les arrêtés préfectoraux qui closent les négociations sont pris en juin, juillet, voire en août ! Six mois après, tout le monde a oublié !

Je retire l'amendement, mais j'attire votre attention sur l'amendement n°74, qui donne au préfet la possibilité d'arrêter les négociations au plus tard le 31 mars.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

Le sous-amendement n°151 n'a plus d'objet.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°117 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - La vie chère a un impact sur la santé. Nous souhaitons renforcer la qualité nutritionnelle des produits du BQP, en reprenant la préconisation du Cese d'un avis préalable de l'ARS sur la liste de produits retenus dans le panier annuel du BQP. Les outre-mer affichent des taux d'obésité et de diabète supérieurs à ceux de l'Hexagone. C'est du bon sens.

M. le président.  - Amendement n°79 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Sagesse sur l'amendement n°29 rectifié : j'y suis favorable sur le fond, mais il requiert une petite réécriture. Retrait de l'amendement n°117 au profit de l'amendement n°79, auquel je suis favorable. Le préfet pourra déjà saisir l'ARS en tant que de besoin : il n'est pas nécessaire de l'écrire.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'ARS n'est pas une association de consommateurs, et elle devrait donner un avis sur l'ensemble des produits, et non ponctuellement sur saisine du préfet. Je maintiens mon amendement.

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté non plus que les amendements nos117 et 79.

M. le président.  - Amendement n°74 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - On ne peut pas rester six mois à négocier. Il faut une date butoir après trois mois pour que le préfet puisse arrêter les négociations, comme le ministre le fait dans l'Hexagone.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cela rigidifierait le processus de négociation, surtout si l'avis de l'OPMR n'a pas été rendu à cette date. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis favorable à cette date butoir pour le BQP, qui va dans le bon sens.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°75 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Ne restreignons pas le champ de la négociation au seul commerce alimentaire.

M. le président.  - Amendement n°76 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le problème de la vie chère en outre-mer repose principalement sur les écarts des prix alimentaires avec l'Hexagone. Étendre le dispositif constituerait une restriction trop importante à la liberté du commerce et de l'industrie. Avis défavorable à l'amendement n°75.

Sur l'amendement n°76, la restriction de la négociation a été décidée à la suite de l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - L'amendement n 75 va dans le bon sens : avis favorable. En revanche, avis défavorable à l'amendement n 76 qui risquerait de rigidifier la procédure.

M. Victorin Lurel.  - Il y aura deux négociations : le BQP, pour les produits de première nécessité et de grande consommation, et une négociation sur les services, notamment culturels. Je retire l'amendement n 76 au bénéfice des observations de Mme la ministre.

L'amendement n°76 est retiré.

L'amendement n°75 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°77 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Les produits de grande consommation font l'objet d'une définition juridique, mais pas les produits de première nécessité. Pour éviter des effets de bord, intégrons ces derniers dans les premiers.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Le BQP est conçu pour modérer les prix des produits de grande consommation définis par le code de commerce, dont les produits alimentaires et d'hygiène font partie. L'amendement est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La notion de produits de première nécessité n'est pas circonscrite juridiquement. Sagesse, néanmoins, car l'amendement souligne l'objectif important visé par le BQP.

M. Victorin Lurel.  - Chère et estimée rapporteure, les codes comportent déjà une définition des produits de première nécessité. Notre amendement vise à rassurer en rassemblant les périmètres.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°78 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous devons promouvoir les produits locaux au sein du BQP.

Nous avons modifié le code de la commande publique - j'y ai pris ma part. Sans tomber dans le protectionnisme, on peut valoriser les produits locaux lorsque ceux-ci émettent peu de gaz à effet de serre. Cette pondération est possible pour alimenter les hôpitaux, les Ehpad ou encore les cantines scolaires.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Nous partageons la volonté d'offrir des produits de qualité aux consommateurs ultramarins : nous avons déjà ajouté en commission un objectif de promotion des produits locaux. Inutile d'en faire davantage : cela renchérirait les prix de ces produits : avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Cette piste est intéressante, car elle attirera l'attention des négociateurs sur la nécessité de promouvoir les produits locaux, tout en les laissant décider. Avis favorable.

M. Victorin Lurel.  - Nulle volonté de modifier le code des marchés publics. Nous pouvons respecter les législations française et européenne tout en promouvant les productions locales.

Je comprendrais que vous ne défendiez pas la production locale, mais je vous suivrai pas.

L'amendement n°78 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°120 de M. Salmon et alii.

M. Daniel Salmon.  - L'élaboration de la liste du BQP doit promouvoir les produits locaux. Nous souhaitons renforcer cette disposition. Cette part de produits locaux est variable selon les caractéristiques du marché et censément entrée en vigueur depuis la publication du décret du 29 juillet 2025. Il serait utile de prévoir une part minimale, car c'est un levier pertinent pour soutenir la production locale : cela aidera les consommateurs, mais aussi les producteurs locaux. Ainsi, les prix des produits essentiels diminueront.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cet amendement nous semble déjà satisfait : le décret de décembre 2012 a été complété en juillet dernier en vue de promouvoir la production locale. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis favorable. La production locale est un vecteur de développement des territoires ; cela peut aussi améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins. Les préfets pourront décider selon les réalités des territoires.

M. Daniel Salmon.  - Merci pour votre soutien, madame la ministre. Les produits locaux sont bons pour les ultramarins car moins chers, bons pour l'économie ultramarine et aussi pour l'écologie, surtout s'ils sont biologiques. Contribuer à l'autonomie alimentaire des territoires d'outre-mer est une bonne chose.

M. Victorin Lurel.  - Je soutiens cet amendement.

Mme Catherine Conconne.  - Attention aux fausses bonnes idées ! Produire localement coûte très cher et on pourrait forcer les producteurs locaux à baisser leurs prix. (On renchérit au banc des commissions.)

Mme Annick Girardin.  - Merci !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques.  - Bravo !

Mme Catherine Conconne.  - Les producteurs locaux sont déjà contraints de vendre moins cher, et parfois en dessous de leur coût de production. (Mmes Dominique Estrosi Sassone et Micheline Jacques approuvent.) Nous souffrons d'une sous-production généralisée : nous compensons à peine 20 % de notre consommation locale par une production locale. Des idées peuvent sembler géniales à Paris sans l'être dans des territoires éloignés où il y a des surcoûts.

M. Akli Mellouli.  - Si nous partons du postulat qu'il ne faut rien faire, par exemple parce que l'OMPR ne peut rien faire, rentrons chez nous !

Nous parlons de substitution à l'importation. Ce n'est pas une fausse bonne idée, vu les coûts de transport.

Avoir plus de produits locaux est une bonne idée ; nous débattrons des moyens nécessaires au développement de nos filières agricoles lors du prochain budget.

M. Victorin Lurel.  - Bravo !

L'amendement n°120 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°80 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Le Gouvernement me demandera sûrement de retirer cet amendement. L'adjectif « principales » est fragile sur le plan juridique : quelles entreprises sont concernées ? Sept ou huit tout au plus. Il reviendra aux préfets d'apprécier la situation. Si le seuil est placé trop haut, on ne peut plus rien contrôler. C'est un amendement de bon sens.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - La commission a rendu obligatoire la négociation annuelle d'un BQP dédié aux services, qui n'était que facultative dans le projet de loi initial. Inutile de mobiliser tous les acteurs économiques : plus la table de négociations sera fournie, plus il sera difficile de parvenir au consensus. En outre, une entreprise non participante aux négociations peut adhérer ensuite au BQP. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Envisager la participation de toutes les entreprises n'est pas réaliste et peut fragiliser le dispositif : laissons la main au préfet. Avis défavorable.

Madame Conconne, vous m'avez reproché de ne pas aller assez loin dans le développement économique des territoires. Certes, il peut y avoir un effet inflationniste à court terme, mais cela développe aussi le pouvoir d'achat et l'emploi.

Mme Catherine Conconne.  - Vous prenez tout à l'envers !

L'amendement n°80 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°149 de Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Précisons la nature des services devant faire l'objet d'une négociation en vue de l'élaboration du BQP : entretien automobile, télécommunications, notamment.

M. le président.  - Amendement n°81 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous souhaitons intégrer les offres de téléphonie mobile et d'internet dans la liste des négociations, de même que les prestations automobiles.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°81.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°149 et avis défavorable à l'amendement n°81.

L'amendement n°149 est adopté.

L'amendement n°81 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°121 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Les ultramarins ont aussi une vie sociale et culturelle ! Il faut ajouter les produits et services culturels à la liste des négociations annuelles, alors que le prix des livres est plus élevé que dans l'Hexagone. En effet, les livres, en dehors du champ scolaire, dérogent à la loi de 1981. D'où des inégalités inacceptables : cet amendement serait un pas vers l'accès à l'éducation pour tous.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les auteurs de l'amendement regrettent que le prix unique du livre ne s'applique pas dans les territoires d'outre-mer. Toutefois, les prix restent encadrés : en moyenne, 15 % d'écart avec l'Hexagone, contre 40 % pour les produits alimentaires en moyenne.

En outre, la loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre mer, proposée par Catherine Conconne, a été adoptée en 2023. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Catherine Conconne.  - Tout inscrire dans le BQP serait souhaitable, mais soyons réalistes ! Dans mon territoire, seules deux librairies survivent, et dix ont fermé. Elles sont à flux tendu ; leur existence tient à un fil d'araignée. Demander à baisser le prix du livre, pourquoi pas ? Mais a-t-on prévu une compensation ? Qui paierait ? L'État ?

Je suis la première à souhaiter que les prix baissent, mais veillons à maintenir les équilibres économiques existants, notamment en raison des coûts de transport.

Mme Annick Girardin.  - Je rejoins Catherine Conconne. Bien sûr, nous voulons tous que les prix baissent en outre-mer. Dans mon territoire subsiste une seule librairie ! La réalité des territoires ultramarins est diverse. Certes, le problème de la vie chère est commun à tous, mais les solutions diffèrent selon les territoires concernés : Martinique, Guadeloupe ...

Chez moi, le plus gros problème, c'est la suradministration - ce n'est pas forcément le cas ailleurs. À quoi bon tous ces contrôles ? La solution passe par la déconcentration ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. Akli Mellouli.  - Nous déplorons tous la fermeture des librairies, Hexagone compris.

Nous n'avons pas de moyens et l'inertie vaudrait mieux que le mouvement ?

Mme Annick Girardin.  - Il faut une aide au transport !

M. Akli Mellouli.  - Les produits culturels coûtent très cher dans les outre-mer : dès lors, il faut les inscrire dans ce texte. C'est une question de philosophie politique. Si nous ne pouvons rien faire, dites-le-moi, cela ne sert à rien d'examiner un tel projet de loi !

Les ultramarins sont des citoyens à part entière, qui ont aussi besoin de culture pour s'émanciper.

M. Victorin Lurel.  - Je souhaite aussi intégrer les produits culturels dans le BQP. Il faudrait peut-être des négociations différentes selon les produits.

Akli Mellouli a pris l'exemple du livre, dont le prix est réglementé. Mais d'autres services culturels restent inaccessibles. J'ai du mal à comprendre l'opposition de mes collègues.

Mme Catherine Conconne.  - Nous aussi, nous avons du mal à comprendre !

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Notre groupe votera cet amendement : le BQP ne saurait se cantonner aux seuls produits permettant à nos concitoyens de survivre.

Les familles ultramarines sont confrontées à la vie chère lorsqu'elles doivent acheter un livre. Et vous voudriez qu'elles renoncent à ce type d'achat ? Le BQP ne doit pas intégrer les seuls produits alimentaires !

M. Saïd Omar Oili.  - Ce débat est surréaliste ! Nous n'avons pas les mêmes territoires ; à Mayotte, 78 % de la population est sous le seuil de pauvreté. On ne peut appliquer les mêmes solutions à tous les territoires. Il faut différencier les solutions ! (Mme Annick Girardin applaudit.)

M. Dominique Théophile.  - Comme je le disais dans mon intervention liminaire, c'est de la littérature, alors que quand on parle de prix, on parle de marges, de résultats. Le stockage, le transport : tout cela a un coût ! Nous en sommes conscients.

Si nous voulons améliorer la vie de nos concitoyens, il faut s'attaquer aux marges ! Pour y parvenir, il faut regarder les différences entre les outre-mer et l'Hexagone. Seul l'État peut se charger de la péréquation. (Mme Catherine Conconne applaudit.) On ne peut dissocier la loi sur la vie chère et le budget de l'État.

Les territoires ultramarins sont un joyau pour la France, avec 80 % de l'espace maritime : il faut savoir ce que l'on veut ! Nous avons autour de nous des pays qui peuvent faire davantage. (Mme Catherine Conconne et M. Saïd Omar Oili applaudissent.)

L'amendement n°121 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°82 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - J'ai l'impression que nous reprochons au Gouvernement de présenter ce texte, alors que nous avons adopté une proposition de loi le 5 mars dernier, dont le Gouvernement reprend certains éléments. Même sur les amendements les plus simples de coordination, vous appelez à voter contre, et demandez plus de décentralisation et d'autonomie. J'estime, pour ma part, que la politique des petits pas permet d'engranger les dividendes.

Voulons-nous changer structurellement les choses ? Ces amendements n'ont rien d'epsilonesque !

Ici, nous souhaitons intégrer les pièces détachées automobiles et les petits équipements électroménagers au BQP. Édouard Philippe, lors du dixième anniversaire de l'Autorité de la concurrence, annonçait vouloir revoir la propriété intellectuelle sur les pièces détachées automobiles. La France est le seul pays où vous devez vous adresser à des opérateurs agréés, en raison du droit de la propriété intellectuelle, certes réduit désormais de 25 à 10 ans. Ce n'est pas de la bureaucratie supplémentaire : nous demandons de la libéralisation.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cet amendement va trop loin. Le Conseil d'État a reconnu au BQP un objectif d'intérêt général quand il concerne des produits de consommation. Toute extension à d'autres produits risquerait de fragiliser le dispositif. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Le champ du BQP a déjà été ouvert par un amendement de la commission et un autre qui ont été adoptés. Il faut laisser la main au représentant de l'État pour ces sujets. Avis défavorable.

M. Akli Mellouli.  - Quelque chose m'échappe peut-être. Il ne s'agit pas de contraindre, mais de définir un périmètre de négociation, ce qui est le principe même du BQP ! Laissons à chaque territoire la liberté de négocier ou non.

Il y a une unité nationale, et non pas une uniformité qui créerait des inégalités.

M. Victorin Lurel.  - Le BQP inclura des produits alimentaires, agroalimentaires, du petit électroménager aussi, par exemple. Il faut plusieurs négociations, dont une négociation à part avec la filière automobile pour obtenir une modération sur les pièces détachées.

Depuis toujours, nous encourageons la modération et le volontariat sans mettre de contribution supplémentaire - je le sais pour avoir exercé des responsabilités.

Il manque une volonté gouvernementale. Tout est dans le BQP, vous êtes en train de l'abîmer et de le tuer.

Mme Catherine Conconne.  - Je rate très peu de séances de l'OPMR. Je suis quelque peu heurtée par les propos tenus ici à ce sujet. À l'OPMR de Martinique, nous avons inclus les prestations automobiles et le bricolage. Pourquoi ajouter des contraintes, au risque de fragiliser le dispositif ? Je ne comprends pas.

Sur les biens culturels, une loi a été votée pour le cinéma. Les spectacles sont moins chers chez nous qu'ici -  deux fois plus moins. Arrêtons de dire que nous n'avons pas accès à la culture ; oui on se cultive, on bénéficie du pass Culture dans nos territoires. Si nous réduisons le prix des biens culturels, cela fragilisera le secteur, donc les artistes. Qui va payer pour ces mesures ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je vois de l'obligation et non de la souplesse dans cet amendement. Faites confiance au préfet. Les produits de bricolage ne figurent pas dans la liste à La Réunion mais la discussion a bien eu lieu.

L'amendement n°82 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°83 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Avec le BQP, il est question d'incitation, de lois comportementales. Mais quand des entreprises ne respectent pas leurs obligations, il n'y a pas de sanction. De premières sanctions figurent dans le texte. Nous demandons de faire savoir qui participe et qui ne participe pas aux négociations relatives au BQP, dans une logique de name and shame.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Je doute que les entreprises conviées à participer au BQP adhèrent à cette disposition. Ne stigmatisons pas à outrance les acteurs économiques ultramarins. Sagesse.

M. Victorin Lurel.  - Quelle surprise !

Mme Catherine Conconne.  - Acceptez la démocratie et la négociation.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je crains la confusion : on dirait que l'entreprise n'a pas participé et ensuite celle-ci pourrait adhérer au BQP. Mais je transforme mon avis défavorable en avis de sagesse pour rejoindre le rapporteur.

M. le président. - Vous voyez, les débats en séance ont parfois le pouvoir de modifier un avis !

L'amendement n°83 est adopté.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié de Mme Malet et alii.

Mme Viviane Malet.  - Les avancées de ces dernières années sont trop faibles. Nous souhaitons élargir le BQP à des produits basiques à titre expérimental à La Réunion et de le renommer « bouclier contre la vie chère ».

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - L'adoption de cet amendement transformerait l'économie réunionnaise en économie presque entièrement réglementée, ce qui n'est pas l'objectif du BQP. La création, par ce projet de loi, d'un BQP services, que la commission des affaires économiques a rendu obligatoire, constitue une première réponse. Le préfet pourra se saisir de la question de l'entretien automobile ou des abonnements téléphoniques avec l'appui des OPMR. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Cet amendement contient une longue liste ! Il n'est pas opportun d'inclure de telles énumérations dans la loi. Comment fonctionnerait ce bouclier pour des produits qui relèvent de quatre autres mécanismes ? Avis défavorable.

L'amendement n°16 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié de Mme Malet et alii.

Mme Viviane Malet.  - Cet amendement vise à instaurer un pourcentage minimal de produits locaux dans la liste des produits dont les prix sont modérés, de façon progressive de 55 % du chiffre d'affaires total en valeur pour 2026 à 75 % en 2030 et au-delà. Il s'agit d'encourager la consommation de produits locaux par la population réunionnaise.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - La promotion des productions locales a été prise en compte ; nous avons adopté un amendement en ce sens. La Réunion est allée plus loin en la matière et est en mesure d'assumer cet objectif ambitieux. Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je crains la mise en place de cadres trop contraignants. Laissons de la place à la souplesse et à l'adaptation. Retrait sinon avis défavorable.

L'amendement n°17 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié de Mme Malet et alii.

Mme Viviane Malet.  - Cet amendement vise à faire en sorte que les produits du BQP ne soient pas les parents pauvres des linéaires de magasins. Ils représentaient entre 4,5 et 4,9 % de l'activité des distributeurs. Prévoyons un pourcentage minimum de ces produits dans le BQP, lui aussi progressif.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Ce n'est pas le rôle du législateur de traiter de la part du chiffre d'affaires des distributeurs. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

L'article 2, modifié, est adopté.

Après l'article 2

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié de M. Fouassin et du RDPI.

M. Stéphane Fouassin.  - Dans nos territoires d'outre-mer, la consigne n'est pas une idée nouvelle. Il s'agit de reconnaître et renforcer ces pratiques vertueuses en les intégrant au BQP. En encourageant la consigne et le réemploi, nous faisons un pas concret vers l'économie circulaire.

M. le président.  - Amendement identique n°46 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Cette consigne est une solution concrète pour réduire le volume de déchets à traiter mais surtout pour développer des circuits courts adaptés aux réalités insulaires.

M. le président.  - Amendement identique n°142 de Mme Malet.

Mme Viviane Malet.  - Cet amendement correspond aux recommandations du rapport de la délégation aux outre-mer.

À La Réunion, un système de réemploi sur les bouteilles de bières fonctionne très bien depuis plusieurs années. Il fournit un petit revenu complémentaire aux personnes concernées et évite d'enfouir des tonnes de verre.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Une telle faculté n'a pas besoin d'être ouverte par la loi. Aux acteurs locaux de s'en saisir lors de la négociation du BQP. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis favorable : cela favorise l'économie circulaire.

Les amendements identiques nos1 rectifié, 46 et 142 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié ter de Mme Pétrus et alii.

Mme Annick Petrus.  - Le BQP est une mesure utile mais ne peut remplir son rôle que s'il est visible. À Saint-Martin, les accords ont été signés en 2024, les acteurs ont joué le jeu, mais les produits sont trop peu ou mal signalés dans les magasins. Résultat : les consommateurs se trompent parfois.

Assurons une mise en valeur claire des produits du BQP : aucune charge pour les enseignes, mais une garantie réelle d'information. Si l'État met en place des outils de régulation, il faut que ces derniers soient accessibles. Nous rendons ainsi la République tangible pour les Saint-Martinois.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cette problématique est commune à tous les outre-mer. La réponse ne peut faire l'objet d'une mesure ne touchant qu'un seul territoire. Les acteurs locaux doivent se saisir du problème lors des négociations du BQP. C'est aussi l'affaire des agents de la DGCCRF lors des contrôles qu'ils mènent ; des amendes sont prévues en cas de manquements. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je comprends l'objet de votre amendement. Le décret de juillet 2025 prévoit des mesures en la matière. L'amendement est donc satisfait. Retrait sinon avis défavorable.

L'amendement n°38 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié de M. Fouassin et du RDPI.

M. Stéphane Fouassin.  - Il s'agit de rendre opérationnel le mécanisme de contrôle des prix, qui est trop centralisé. Lors du passage du cyclone Chido, chaque heure comptait. Or la publication du décret de fixation des prix a pris quatre jours. Autorisons le préfet à intervenir temporairement en la matière pour lutter efficacement contre les dérives tarifaires.

M. le président.  - Amendement identique n°64 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - L'article 15 de la loi Lurel n'a jamais été mis en oeuvre en raison de sa lourdeur excessive et de son inadéquation aux réalités locales. L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. Pourquoi maintenir une telle procédure qui ne fonctionne pas ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Il s'agit de déconcentrer la procédure de régulation des prix en permettant au préfet de prendre des mesures temporaires. Cette mesure ne changerait pas profondément la logique de déclenchement, la procédure continuant de relever de l'État. Surtout, elle réduirait la sécurité juridique du dispositif. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Vous supprimez le décret en Conseil d'État et l'avis de l'Autorité de la concurrence, gages de sécurité juridique au regard de la liberté d'entreprendre. La procédure actuelle a été mise en oeuvre à plusieurs reprises, notamment après Chido, sans qu'aucune défaillance ne soit relevée. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Je comprends la prudence de la ministre, moins celle de la commission. Quatre jours, on peut trouver que c'est bref ou que c'est long... Nous voulons plus de réactivité. Or un décret en Conseil d'État après avis de l'Autorité de la concurrence, c'est lourd et long. Chez moi, lors des pénuries d'eau, le prix du mètre cube dépasse parfois 10 euros. Le préfet doit pouvoir réagir rapidement ! Faisons preuve d'audace.

M. Saïd Omar Oili.  - J'ai vécu Chido. Les prix ont augmenté de plus de 50 %, parce qu'il n'y avait plus rien. Il a fallu quatre jours pour que le préfet prenne les mesures nécessaires. Il doit pouvoir agir plus vite, sans attendre les directives de Paris. C'est une mesure de sagesse et de responsabilité.

Les amendements identiques nos2 rectifié et 64 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°84 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Le texte subordonne la réglementation à des circonstances exceptionnelles ou des prix excessifs. Ce conditionnement ferme la procédure. Nous voulons un État réactif sans condition.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Les conditions prévues sont suffisamment larges. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis. L'adverbe « notamment » rendrait le dispositif trop flou, ce qui risquerait même de le rendre inopérant. Retrait ?

L'amendement n°84 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié de Mme Ramia et du RDPI.

Mme Salama Ramia.  - Le préfet doit pouvoir intervenir lorsque les conditions de déclenchement du plan Orsec ne sont pas réunies. Mayotte connaît une crise de l'eau sans précédent : les coupures d'eau peuvent durer quatre jours. Nous répondre que cela ira mieux en 2027, après les travaux de l'usine de dessalement, n'est pas acceptable ! Il faut une intervention locale en temps réel, pour plus d'efficacité.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le prix de l'eau en bouteille outre-mer peut déjà être réglementé. Le Gouvernement a agi rapidement après le cyclone qui a frappé Mayotte. Une procédure simplifiée n'est pas pertinente. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je suis embarrassée : sur le principe, je suis favorable à votre amendement, mais l'adoption des amendements identiques nos2 rectifié et 64 accorde déjà des compétences élargies au représentant de l'État. Sagesse, en attendant la suite de la navette.

L'amendement n°20 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°47 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Précisons la notion de circonstances exceptionnelles pour sécuriser le dispositif et en faciliter le déclenchement. Des hausses de prix abusives ont été constatées à La Réunion après les cyclones de 2018 et 2022 comme à la suite des épidémies de chikungunya et de dengue. Les perturbations affectant les transports entraînent également des tensions inflationnistes structurantes. Nous voulons donc outiller juridiquement l'État pour qu'il puisse intervenir rapidement et sécuriser les préfets en leur donnant des critères clairs.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Nous ne sommes pas convaincus que l'énumération proposée, même non limitative, faciliterait le déclenchement de la procédure. De manière paradoxale, elle pourrait même le restreindre. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Les précisions proposées ne rigidifient rien. Avis favorable.

L'amendement n°47 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°85 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Les associations de consommateurs agréées, susceptibles d'ester en justice, doivent pouvoir saisir le préfet lorsqu'elles constatent des hausses de prix excessives.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - L'article 6 élargit la faculté de saisine aux présidents d'OPMR : c'est suffisant pour améliorer la réactivité du Gouvernement. Avis défavorable. (M. Victorin Lurel le déplore.)

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°85 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°86 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Pour garantir une plus grande réactivité de l'État, le préfet devrait répondre dans un délai d'un mois.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Dans ce délai, les préfets devraient aussi fournir une réponse motivée. Ce serait trop contraignant pour eux, sans faciliter le déclenchement du dispositif. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis : le délai proposé serait insuffisant en pratique et la notification interférerait avec le pouvoir du Premier ministre.

M. Victorin Lurel.  - Le second argument de Mme la ministre me paraît sérieux.

L'amendement n°86 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié ter de Mme Petrus et alii.

Mme Annick Petrus.  - Il faut faire la transparence sur les mécanismes de la vie chère à Saint-Martin, qui ne sont pas les mêmes que dans les autres territoires ultramarins. Compte tenu de cette singularité, liée en particulier à la double insularité, nous ne pouvons pas être considérés comme un simple appendice. L'OPMR devrait consacrer une analyse spécifique à Saint-Martin dans son rapport annuel, afin notamment d'objectiver les coûts logistiques et les frais d'approche et de présenter des pistes de diversification : ce serait un outil d'aide à la décision en même temps qu'une marque de reconnaissance. Nous ne proposons pas une structure nouvelle, mais souhaitons un regard lucide et adapté sur notre territoire.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Préciser dans la loi le contenu de ce rapport n'est pas justifié. S'il s'agit d'un amendement d'appel, la question est bien suivie. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°37 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°87 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous continuons de chercher à améliorer le texte sans l'alourdir. Il s'agit d'ajouter les situations anormales de marché aux conditions de déclenchement de la procédure de réglementation des prix. L'expression « manifestement anormale » figurait dans un texte antérieur. Il y a aussi le problème des marges excessives - mais encore faut-il que celles-ci puissent être objectivées...

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les conditions prévues sont suffisamment larges : avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Sur la forme, le dispositif proposé s'appliquerait aussi dans l'Hexagone, ce qui excède l'objet du présent projet de loi. Sur le fond, la notion de marges excessives serait d'un maniement difficile. Le cadre actuel nous paraît suffisant. Avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Que l'Hexagone s'inspire un peu de ce qui se passe en outre-mer ne serait pas une mauvaise chose... (Sourires)

L'amendement n°87 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°48 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Nous voulons doter les OPMR de la personnalité morale, une demande très largement soutenue dans les territoires ultramarins. Au reste, cette évolution a été votée par l'Assemblée nationale en février dernier, à la faveur de l'examen de la proposition de loi socialiste visant à lutter contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques en outre-mer. L'absence de personnalité juridique est un frein à l'action de ces structures, s'ajoutant à leur sous-dotation financière et humaine. Cette mesure serait une première étape dans le renforcement de leur efficacité.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Une réflexion sur le sujet a été lancée par le Gouvernement : il n'y a pas d'urgence à voter cette mesure. Il faut surtout mieux articuler les moyens de ces structures avec leurs missions. Avis défavorable à ce stade, mais le Gouvernement peut-il préciser ses intentions ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Il est légitime de vouloir renforcer les pouvoirs des OPMR. Des décrets ont été pris en ce sens fin juillet, et l'article 6 bis a également cette ambition. Mais il faut pouvoir s'appuyer sur un bilan précis. C'est pourquoi je serai favorable à l'amendement suivant, qui demande un rapport sur le sujet. En l'absence de ces éléments de fond, doter les OPMR de la personnalité morale ne me semble pas souhaitable pour le moment. Avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Je suis un peu estomaqué... Les OPMR ont été créés, par M. Mariton, il y a plus de quinze ans. Or ils ne sont toujours que virtuels, pour ainsi dire, sans pouvoir ni budget. Et les choses pourraient rester en l'état ? Vous refusez donc de donner une personnalité morale à ces structures : je sais bien que ce n'est pas dans l'air du temps, puisque vous voulez supprimer les autorités indépendantes... Il est pourtant nécessaire de structurer les OPMR et de leur donner des moyens. Pardonnez-moi, j'allais dire un mot un peu vulgaire ; je me retiens pour rester élégant.

Mme Annick Girardin.  - M. Lurel et moi avons été ministres des outre-mer : madame la ministre, nous avons lu les mêmes fiches que vous... Reste que le système actuel ne fonctionne pas. Les moyens des OPMR ne sont pas suffisants, même s'ils ont été multipliés par trois à la demande du Président de la République. Sur le plan des effectifs, en particulier, le compte n'y est pas. Peut-être pouvez-vous prendre l'engagement d'aller plus vite ? Quels sont les prochains rendez-vous précis que nous pourrions nous donner ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je le répète : sur le principe, l'idée est intéressante, mais nous avons besoin d'éléments de fond. C'est pourquoi je donnerai un avis favorable à la demande de rapport qui sera examinée dans quelques instants. Mon cabinet est à votre disposition pour avancer.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°106 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Amendement de repli : nous demandons un rapport sur les pistes d'évolution des OPMR.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Il faut, en effet, mieux articuler les moyens de ces structures à leurs missions, mais nul besoin d'un énième rapport sur le sujet. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Madame Girardin, j'ai sous les yeux ma fiche, sur laquelle est inscrit un avis défavorable. Mais, comme je l'ai annoncé, ce rapport me paraît utile et je donne un avis favorable !

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°68 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous souhaitons compléter le dispositif d'encadrement des frais bancaires, figurant dans la loi de 2012 qui porte mon nom, en précisant les frais qui y sont soumis. Il reste en effet à faire dans ce domaine -  je pense en particulier aux frais de tenue de compte.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le dispositif proposé n'aurait aucun effet pratique, l'encadrement des frais bancaires étant déjà prévu : avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Ce n'est pas une question anodine. Sagesse.

Mme Audrey Bélim.  - La commission d'enquête de 2023 pointait déjà les écarts en matière de frais bancaires entre l'Hexagone et l'outre-mer. Et on ne ferait toujours rien ? Ces frais concernent tous nos concitoyens ultramarins. Si on veut vraiment lutter contre la vie chère, il faut agir sur tous les leviers !

M. Victorin Lurel.  - J'entends les propos de notre excellent rapporteur, mais l'Observatoire des tarifs bancaires a montré en avril dernier que dix-sept prestations ne respectaient pas la moyenne pondérée, en violation de la loi. Nous devons corriger tout cela !

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Moult rapports - le dernier de l'IGF - ont été publiés sur la réglementation des produits pétroliers. En 2014, des arrêtés-cadres ont été pris pour encadrer le prix des carburants. Grâce à une fiscalité locale vertueuse, les écarts en notre défaveur restent contenus. Toutefois, certaines pratiques demeurent inacceptables, comme les frais de trading, qui peuvent représenter 4,7 dollars par baril. Il faut les contrôler !

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le sujet est d'importance, mais le Sénat n'est guère friand de rapports, et ce n'est pas un rapport de plus qui résoudrait les problèmes. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - En effet, la réponse n'est pas dans un rapport. Des groupes de travail ont été mis en place à la suite du Ciom de 2023. Je reviendrai vers vous prochainement avec des solutions concrètes. Avis défavorable.

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°32 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - On accuse souvent les élus de manquer de courage face aux professions réglementées, juridiques ou de santé. Lorsque M. Macron a défendu sa loi libéralisant la vie économique, il a tenté d'introduire plus de concurrence dans certaines professions. Ainsi des notaires -  chez nous, c'est 25 % plus cher ! Mais aussi des huissiers ou des pharmaciens -  les écarts de prix avec l'Hexagone atteignent 40 et 32 %... Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire ; je dis qu'un rapport serait utile à l'information du Parlement.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Encore une demande de rapport, cette fois sur les majorations applicables aux tarifs réglementés des professions du droit dans les outre-mer. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Il n'y a pas de tabou, sur aucun sujet. L'Autorité de la concurrence a publié un avis en 2019 : c'est trop ancien pour justifier une révision des taux de majoration. Des données supplémentaires seraient en effet intéressantes. Avis favorable.

L'amendement n°33 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Dans le même esprit, il s'agit ici des tarifs des professionnels de santé. Je le répète : je ne demande pas une suppression des majorations, mais une évaluation en vue d'éventuelles révisions. Il s'agit de vérifier si les écarts de prix sont toujours justifiés. Merci pour votre soutien, madame la ministre.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Même avis que précédemment.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La majoration des prix de vente des médicaments par les officines ultramarines se justifie par les coûts d'approvisionnement élevés liés à l'éloignement. Toutefois, un rapport pour objectiver ces coûts paraît opportun dans le contexte de vie chère. Avis favorable.

Mme Catherine Conconne.  - Attention à l'effet boomerang ! Nombre de pharmacies risquent la liquidation judiciaire, du fait notamment de la concurrence féroce des parapharmacies. Faisons donc très attention à ne pas faire s'effondrer le système. Non, tous les pharmaciens ne sont pas riches : certains touchent le Smic, d'autres ne se paient pas tous les mois. Ils emploient de nombreuses personnes et font face à des coûts élevés, notamment pour le stockage. Ne déshabillons pas Saint-Paul pour habiller Saint-Pierre !

L'amendement n° 35 rectifié n'est pas adopté.

Article 4

M. le président.  - Amendement n°40 de Mme Conconne et alii.

Mme Catherine Conconne.  - Il s'agit de supprimer l'article. Je l'ai dit dans la discussion générale : ce texte a été élaboré à la hâte, sur des arguments pas toujours fondés ; il aurait mérité plus de concertation. Pour vivre sur place, je peux vous dire que certains éléments manquent pour avoir une appréciation juste. Ainsi, des entreprises privées ont investi dans le domaine de la logistique. Or l'article 4 prévoit une concession : que vont-elles devenir ? Au reste, si l'État a du foncier en Martinique près du port ou de l'aéroport, nous sommes très preneurs - pour ma part, je n'en connais pas... Bref, on invente un truc pour faire croire que l'État ne peut rien faire ni rien mettre sur la table pour assurer la continuité territoriale !

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le développement du e-commerce, entravé en Martinique par des difficultés structurelles, souffre d'une carence de l'initiative privée. La création d'un e-hub engendrerait de nouveaux flux commerciaux. La commission a adopté un amendement privilégiant les entreprises établies en Martinique, un autre prévoyant que les entreprises utilisant le e-hub devront respecter les normes de RSE. Moyennant ces garde-fous, l'expérimentation proposée mérite d'être tentée. Elle renforcera la concurrence et permettra de lutter contre des oligopoles. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis. Il s'agit d'une expérimentation : mutualiser la logistique dans un contexte de défaillance du marché. Vous dénoncez des imprécisions, mais de nombreuses modalités relèvent du cahier des charges. L'objectif n'est pas de concurrencer les opérateurs existants, mais d'agir en complémentarité.

La dynamique du petit import constitue une avancée : le consommateur martiniquais a accès à des produits issus du e-commerce. Or le système actuel, fondé sur des initiatives informelles plus ou moins encadrées, ne permet pas la structuration de ce type de commerce ni de garanties suffisantes sur la traçabilité et la conformité des produits. Il engendre opacités tarifaires et risques juridiques.

L'expérimentation du e-hub vise à remédier à cette fragmentation en proposant une solution logistique collective, solide sur le plan juridique et transparente. Les acteurs économiques locaux pourront intégrer la chaîne du e-commerce et les consommateurs accéder à des produits dans un cadre sécurisé, sans se faire avoir. Je suis donc particulièrement défavorable à cette demande de suppression.

Mme Catherine Conconne.  - L'expérimentation se fait déjà, puisque trois ou quatre plateformes font ce que vous décrivez ! Pourquoi les prix baisseraient-ils ? Quelle est la valeur ajoutée de ce système inventé par l'État ? Aucune !

Vous dites que les consommateurs ne doivent pas se faire avoir : c'est révélateur... Il y aurait des loups, des escrocs partout !

La concession proposée ne présente aucun, absolument aucun intérêt. On marche sur la tête !

M. Dominique Théophile.  - Si l'article était supprimé, mon amendement deviendrait-il sans objet ? Dans l'affirmative, pourquoi n'est-il pas intégré à une discussion commune ?

M. le président.  - Les amendements de suppression sont toujours examinés en premier.

M. Akli Mellouli.  - Je n'ai pas la chance d'habiter en Martinique, mais je voterai cet amendement. S'il faut un hub, c'est pour soutenir la production locale, comme à Rungis. On perd le sens des réalités...

M. Victorin Lurel.  - Je partage l'esprit des propos de Mme Conconne. L'État ne met rien sur la table, n'aide pas la mise en oeuvre des projets. Ici, il mettrait en place une concession. Mais l'acteur privé devra rentabiliser son investissement - c'était le même problème pour les bandes passantes, et nous avons dû nous battre pour faire baisser les tarifs. L'État devrait pallier les défaillances des acteurs privés, mais, en l'occurrence, il y a des acteurs qui investissent ! L'État, lui, ne met pas un kopeck dans cette initiative, pas un sou vaillant. Supprimons cet article.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je voudrais tenter de convaincre Mme Conconne -  ou au moins la faire douter... Vous nous dites que vous êtes satisfaite du e-commerce en Martinique ? Les Martiniquais ne le sont pas...

Mme Catherine Conconne.  - Vous connaissez mieux que moi les Martiniquais ? Bravo !

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La délégation, la Direction générale des entreprises (DGE) et les acteurs locaux font le même constat : le e-commerce est 10 à 50 fois plus faible en outre-mer que dans l'Hexagone. Les grandes enseignes -  Amazon, Cdiscount  - ne livrent pas les départements d'outre-mer...

Mme Catherine Conconne.  - C'est faux !

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - ...contraignant les consommateurs à passer par des réexpéditeurs ou des plateformes émergentes. C'est une rupture d'égalité dans l'accès aux biens de consommation. Pourtant, on observe une explosion des flux asiatiques : la demande est donc bien là !

Sur la question foncière, un certain nombre de friches à réhabiliter ont déjà été repérées.

Il n'y a pas de concurrence déloyale. Il s'agit de renforcer le tissu commercial ultramarin en offrant aux commerçants physiques locaux un canal logistique structuré. Leurs opérations de stockage et de livraison en seront facilitées.

Monsieur Lurel, on ne peut pas dire « il faut supprimer le dispositif » et en même temps demander son extension aux autres collectivités ! Si vous voulez l'étendre, c'est qu'il y a bien un intérêt à l'expérimenter.

Mme Catherine Conconne.  - Tout cela est faux !

M. Daniel Salmon.  - Respectons l'avis de l'assemblée de la Martinique, qui s'oppose à la création de ce hub.

Mme Catherine Conconne.  - J'en suis membre !

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

(Mme Catherine Conconne proteste.)

M. le président.  - Amendement n°23 de M. Théophile.

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement ramène de cinq à trois ans la durée de l'expérimentation. Trois ans, c'est suffisant pour évaluer la pertinence du dispositif et l'élargir rapidement à d'autres collectivités comme Mayotte.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Si l'expérimentation n'est pas concluante, on y mettra fin. Si c'est un succès, elle sera pérennisée et étendue à d'autres territoires.

La durée de cinq ans permettra d'amortir les investissements et de faire évoluer durablement les comportements d'achats. Mais trois ans, c'est trop court : la recherche d'un opérateur risque d'être infructueuse. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Conservons un calendrier réaliste. Après l'appel d'offres, une phase de montée en charge est à prévoir, puis une phase de maturation du service ; une durée de cinq ans permet ainsi d'avoir une évaluation plus complète et d'amortir les investissements engagés. Avis défavorable.

Mme Catherine Conconne.  - Quelle qu'en soit la durée, je m'oppose à ce dispositif qui n'est pas soutenu par les Martiniquais. Un acteur local a été repéré par Amazon à l'occasion d'une audition au Sénat. Amazon lui a proposé de devenir son bras armé sur le territoire ; maintenant, c'est fait ! Alors, pourquoi ce dispositif ? Qui va payer ?

Je connais un peu mieux mon pays que d'autres ! Ce dispositif ne verra pas le jour, je m'en occupe personnellement.

Mme Salama Ramia.  - Tous les territoires ne sont pas les mêmes. À Mayotte, les acteurs économiques souhaitent cette expérimentation dans l'océan Indien, car nous connaissons d'énormes difficultés logistiques ! Malheureusement, mon amendement a été jugé irrecevable.

Mme Catherine Conconne.  - Changeons d'océan ! Passons de l'Atlantique à l'Indien !

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Il n'était pas question de plateformes semi-publiques lors des travaux de la délégation. Nous avons auditionné toutes les personnes concernées, dont le représentant de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) qui avait laissé entendre que sa collectivité soutenait la demande et qu'elle mettrait à disposition un hangar de 1 200 m2. Je suis confuse, car je n'ai pas l'habitude de prendre des initiatives pour des territoires autres que le mien. Nous avons travaillé avec Frédéric Buval qui représente aussi la Martinique.

Mme Catherine Conconne.  - Élue à la CTM, je sais ce que nous avons proposé, qui n'a rien à voir !

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous aussi avions déposé un amendement pour étendre ce service public logistique maritime à La Réunion, notamment -  mais il a été déclaré irrecevable.

Pour réduire la dépendance structurelle de nos territoires aux importations de métropole, il faut diversifier les approvisionnements et importer les produits de consommation courante depuis nos voisins géographiques. Nous déplorons que le projet de loi ne renforce pas l'insertion des outre-mer dans leur environnement régional. La diversification des approvisionnements pourrait réduire les coûts logistiques de 15 à 20 % et diviser l'empreinte carbone par deux ! Les accords régionaux sont sous-exploités. Pourtant, ils sécuriseraient les approvisionnements et soutiendraient l'économie locale.

Le rapport de la délégation aux outre-mer le dit : il est « urgent d'engager les investissements nécessaires, sans lesquels il est inenvisageable de concevoir une stratégie économique crédible vis-à-vis des partenaires régionaux. » (M. Pascal Savoldelli applaudit.)

M. Victorin Lurel.  - Madame la ministre, nulle incohérence dans mes positions.

On demande plus de responsabilité et d'autonomie, pour des collectivités majeures, mais vous choisissez d'imposer par le sommet.

Comment allez-vous choisir ce délégataire ? Pourquoi pas Amazon ou une autre très grande plateforme numérique ? Si vous privilégiez une entreprise locale, il faudra justifier votre choix.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°148 de Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le e-hub ne doit pas être un cheval de Troie pour Shein, Temu ou Amazon : il doit être réservé aux entreprises martiniquaises. Nous avons travaillé à une rédaction juridiquement plus sécurisée.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - L'article 4 prévoit que les entreprises établies en Martinique en bénéficient en priorité. Si l'objectif est louable, il y a un risque de rupture d'égalité (Mme Catherine Conconne ironise) et l'on s'expose à une incompatibilité avec le droit européen.

Avec votre amendement, le dispositif est ouvert à tous, mais, dans les faits, il bénéficiera avant tout aux acteurs locaux. Cette rédaction me semble juridiquement solide. Avis favorable.

Mme Catherine Conconne.  - On touche aux limites du système. On évite Temu, Shein et Amazon, mais pour mettre qui ?

Élue à la CTM, je sais un peu ce qu'il s'y passe... La CTM a souhaité que des infrastructures soient prévues pour des importations en zone franche, d'où la proposition de hangar.

Il y a trois semaines, le président du conseil exécutif, Serge Letchimy, m'a dit : « Vous les parlementaires, vous voulez qu'on importe à tout-va tout ce qui se fait dans le monde ! » Je lui ai dit que cela ne passerait pas par moi. Il m'a répondu : « Je connais ta philosophie politique, je compte sur toi. » Je sais de quoi je parle !

Nous revendiquons un pouvoir normatif autonome. Quelle est la valeur ajoutée de l'État dans ce dossier ? Rien ! Pas un kopeck ! Laissez-nous faire nos affaires ! (Sourires ; MM. Saïd Omar Oili et Philippe Grosvalet applaudissent.)

M. Victorin Lurel.  - D'après l'exposé des motifs, le but n'est pas d'exclure certaines entreprises, mais l'effet sera le même. Vous allez au-devant d'un problème juridique : vous serez obligés de caviarder le règlement et de faire une fausse mise en concurrence. C'est une usine à gaz !

La ministre affirme que l'on pourra exporter, mais l'État est défaillant ! Il prend une initiative qu'il ne finance pas. Je m'abstiendrai, pour faire plaisir à la rapporteure Micheline Jacques.

L'amendement n°148 est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Après l'article 4

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit d'une demande de rapport pour inciter à la création de centrales régionales d'approvisionnement. MM. Carenco et Valls étaient d'accord. Les centrales d'achat existantes acceptent enfin la compétition. C'est un amendement d'appel.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Outre la position traditionnelle du Sénat sur les demandes de rapport, les missions de ces centrales se recouperaient largement avec celles du e-hub. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°30 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°88 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit de contrôler l'effectivité de la répercussion des baisses de fiscalité sur le niveau des prix de détail. Gare aux captations de marges !

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Ce dispositif est lourd et contraignant, alors que la relation entre baisse de la fiscalité et baisse des prix n'est pas directe. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°88 n'est pas adopté.

Article 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°140 du Gouvernement.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - L'article 5 habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour réduire les frais d'approche sur les produits de première nécessité importés, grâce à la péréquation avec les frais d'approche des produits à plus forte valeur ajoutée. En effet, selon la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Martinique, ces frais représentent 12 % du prix de vente au consommateur et 67 % du différentiel de prix avec l'Hexagone.

La commission des affaires économiques a supprimé cet article préférant que les dispositions soient écrites directement dans la loi.

Le mécanisme devait être consolidé au regard du droit européen - d'où la demande d'habilitation. Mais nous avons travaillé pour inscrire ce dispositif dans le dur.

Cet amendement introduit donc un mécanisme de péréquation des frais d'approche par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation, afin de faire baisser le prix de vente des produits de grande consommation. Le mécanisme sera étendu à l'ensemble des collectivités territoriales de l'article 73 de la Constitution. Un organisme dédié sera chargé de percevoir les contributions et d'opérer les restitutions.

Comme prévu par le point 12 du protocole, des contributions volontaires privées, notamment celle de la CMA-CGM, pourront intervenir -  cette entreprise ne pourra toutefois pas être la seule à contribuer.

Comme prévu par le point 13, l'État accompagne ce dispositif par l'expertise de ses services, mais les modalités juridiques retenues ne prévoient pas sa participation financière, car cela serait contraire au droit européen sur les aides d'État.

Je serai donc défavorable aux amendements prévoyant une participation de l'État : ce n'est pas ce qui était prévu et cela mettrait en danger tout le dispositif. (Mme Catherine Conconne proteste.)

Je rappelle que le protocole martiniquais a permis, en moins d'un an, une baisse moyenne des prix de 10 %.

M. le président.  - Sous-amendement n°146 de MM. Salmon et Mellouli.

M. Daniel Salmon.  - Il faut recentrer le mécanisme de péréquation des frais d'approche sur les produits de première nécessité, car le périmètre très large de l'amendement du Gouvernement -  les produits de grande consommation  - peut inclure des produits non indispensables, comme les aliments trop sucrés. Nous connaissons le problème de l'obésité dans les outre-mer. Concentrons-nous sur l'essentiel : fruits, légumes, viande et produits laitiers.

M. le président.  - Sous-amendement n°147 de MM. Salmon et Mellouli.

M. Daniel Salmon.  - Nous précisons la composition du comité de gestion. Faisons de ce mécanisme de péréquation un véritable outil au service du pouvoir de vivre des citoyens ultramarins.

En l'état, seules les entreprises concernées sont gestionnaires du dispositif. Nous devons intégrer des représentants des collectivités territoriales et des acteurs locaux, reconnus pour leur expertise dans la protection des consommateurs, afin que le mécanisme ne soit pas détourné au profit exclusif des entreprises.

M. le président.  - Amendement n°138 de M. Patriat et du RDPI.

M. François Patriat.  - Madame la ministre, nous allons avoir ici un vrai désaccord. Le protocole conclu en Martinique le 16 octobre 2024 prévoyait que l'État prenne sa part dans ce dispositif. Or l'amendement n°140 du Gouvernement ne traduit qu'imparfaitement cet engagement. La parole donnée doit être respectée.

Mme Catherine Conconne.  - Très bien.

M. François Patriat.  - Soit le Gouvernement rectifie sa rédaction, soit il faudra voter notre amendement, qui reprend l'esprit des engagements qui avaient permis l'arrêt des émeutes. L'État doit apporter son aide, au même titre que les collectivités territoriales et les acteurs privés. Il y va de la confiance entre l'État et les territoires ultramarins.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Sur l'amendement n°140, la mécanique retenue, certes complexe, est la seule à être conforme au droit européen. Mais elle doit aussi être conforme aux engagements pris par l'État dans le protocole d'octobre 2024, qui prévoit dans son point 13 que l'État « accompagnera ce projet par l'expertise de ses services » et qu'il précisera « les conditions de sa participation financière ». La commission aurait pu être favorable si le texte du Gouvernement avait été modifié, mais tel n'a pas été le cas. Avis défavorable.

Concernant le sous-amendement n°146, la notion de produits de grande consommation correspond à celle retenue par le BQP : conservons une notion unique. Avis défavorable à titre personnel, car ce sous-amendement, déposé tardivement, n'a pas pu être examiné par la commission. Sagesse sur le sous-amendement n°147, qui n'a pas non plus été examiné par la commission.

Enfin, si le Gouvernement ne modifie pas son amendement, l'amendement de repli n°138 constituerait un compromis acceptable puisqu'il associe les acteurs publics à la péréquation. Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction proposée par le Gouvernement.

Monsieur Patriat, le respect de la parole donnée est effectivement important. Mais au point 12 du protocole, il est écrit que « l'État contribuera à la mise en place d'un mécanisme de compensation » et il est fait mention de « contributions volontaires et privées ». Et au point 13, il est écrit que « l'État accompagnera ce projet par l'expertise de ses services et précisera, selon les modalités juridiques retenues, les conditions de sa participation financière. » Il n'y avait donc aucun engagement ferme à la participation financière de l'État. Ce n'est pas écrit noir sur blanc !

Le dispositif que nous proposons est le seul conforme au droit européen. Proposer autre chose nous conduirait tous à l'échec. Nous avons travaillé tous les scénarios ! C'est le seul juridiquement solide. Si l'amendement n'est pas voté, le projet de loi risque d'être vidé de sa substance.

M. Victorin Lurel.  - Belle illustration de la méthode du Gouvernement : pas de financement, des compensations, des péréquations...

L'interprétation du protocole par la ministre est jésuitique. (Sourires) Son amendement est une trahison du protocole ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)

On parle de contributions volontaires. Mais cela marche petitement, car peu contribuent volontairement. Comment un État comme la France, cinquième puissance mondiale, peut-il s'exonérer de la solidarité nationale pour ses outre-mer ? (Mme Catherine Conconne renchérit.)

La continuité territoriale, ça marche en Corse. Cela existe chez nous pour les personnes, et pour certains biens, comme les biens agricoles. Une ligne de votre budget permet d'aider le fret.

Madame la ministre, respectez le protocole signé en Martinique. Même mon excellent collègue Patriat, qui soutient le Gouvernement, a présenté un amendement pour dire que la parole de l'État n'est pas respectée. En l'état, cela n'est pas acceptable !

Mme Catherine Conconne.  - Je vais plagier feu un homme politique français : « C'est un scandale ! » Cela vous parle sans doute, monsieur le président... (Sourires)

Permettez-moi de vous rappeler le contexte de signature de ce protocole : le préfet de l'époque, signant au nom de l'État, a choisi cette rédaction prudente, faute de disposer de marge de manoeuvre financière, nous renvoyant au projet de loi de finances. Je sais de quoi je parle : cela s'est passé dans mon pays, en Martinique.

Et vous me parlez d'écueil juridique ! En 1975, un dispositif de continuité territoriale a été instauré pour la Corse, sans aucun problème juridique. Il est renouvelé chaque année et Catherine Vautrin a même ajouté 30 millions d'euros l'an dernier : aucun problème ! Mais pour nous, les éloignés de la République, il y a un problème avec le droit européen !

Je vous le répète : cet amendement est un scandale ! (M Saïd Omar Oili applaudit.)

Mme Audrey Bélim.  - Quid des pertes de parts de marché pour la production locale si le prix des produits baisse grâce à la péréquation ? N'empiète-t-on pas trop sur le fonctionnement du marché ? Écoutons nos collègues de Martinique, qui étaient en première ligne.

M. François Patriat.  - M. Lurel a dit vrai : il est rare que je m'oppose au Gouvernement. Mais là, il y a un vrai désaccord de fond.

Nos amis ultramarins ont le sentiment que l'État a donné sa parole. L'interprétation juridique de Mme la ministre lui appartient, mais elle ne correspond pas aux attentes des Martiniquais.

Madame la ministre, si l'amendement que j'ai présenté au nom de mon groupe est adopté, il y aura un article 5. Laissons le texte aller à l'Assemblée nationale, dans cette rédaction qui donne satisfaction à nos collègues ultramarins.

Mme Annick Girardin.  - Nous ne pouvons pas trahir ceux qui ont participé aux négociations ni faire l'économie d'une réponse sur la péréquation. Mais il faut prendre du temps.

L'expérimentation pourrait débuter par les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), qui ne sont pas soumis au droit européen, mais ce serait injuste, car la problématique vient d'abord de la Martinique.

Un préfet ne prend pas de décision sans avoir eu quelques garanties.

Nous devons trouver des solutions d'apaisement.

M. Daniel Salmon.  - L'absence des associations de consommateurs et des collectivités territoriales au sein du comité de gestion est regrettable : mon sous-amendement n°47 est fondamental.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La continuité territoriale avec la Corse passe par une délégation de service public (DSP). Or je ne crois pas que nous ayons de candidat pour un tel dispositif... En outre, le schéma de la DSP corse est relativement fragile. Ce n'est pas, en réalité, une situation enviable.

J'ai tenté de restituer objectivement le contenu de l'accord, en vous en donnant lecture, sans extrapoler ni interpréter. La participation financière a été imaginée « selon les modalités juridiques retenues ». En l'occurrence, aucune modalité juridique n'a été retenue.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.

La séance, suspendue à 19 h 20, reprend à 19 h 30.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission.  - Nous ne sommes pas favorables à l'amendement n°140 du Gouvernement. Si l'amendement n°138 de François Patriat n'est pas sécurisé, avis défavorable : nous souhaitons en rester au texte de la commission, et donc à la suppression de l'article 5.

Le sous-amendement n°146 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°147 et les amendements nos140 et 138.

L'article 5 demeure supprimé.

Après l'article 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°49 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Nous voulons supprimer le mécanisme de la double taxation à la TVA sur les colis postaux des particuliers, à destination ou au départ des outre-mer. La TVA est en effet payée d'abord lors de l'achat, puis lors du dédouanement du colis outre-mer. Au regard du droit de l'Union européenne, bien que faisant partie du territoire douanier européen, les outre-mer sont en effet considérés, sur le plan fiscal, comme des pays non membres. Ce statut hybride est la source d'une injustice majeure bien identifiée par une mission flash de l'Assemblée nationale en juin 2025.

Cet amendement s'inscrit dans le respect de l'article 73 de la Constitution, permettant l'adaptation de la législation aux réalités ultramarines.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les DROM font bien partie de l'Union européenne, mais pas de son territoire fiscal : ils sont assimilés à des États non membres de l'Union européenne, y compris dans leurs relations avec l'Hexagone. Dès lors que ces colis contiennent autre chose que des documents, une déclaration en douane est donc obligatoire.

Cependant, des franchises existent : de l'Hexagone vers les DROM, les ventes commerciales sont exonérées jusqu'à 22 euros inclus ; en l'absence de transaction commerciale, c'est 45 euros des DROM vers l'Hexagone et 400 euros dans le sens inverse.

Les franchises des DROM vers l'Hexagone sont basses, mais ne peuvent être rehaussées, car cela relève du législateur européen qui fixe une franchise unique pour tous les États membres. Pour avancer, il faut inciter le Gouvernement à soutenir une initiative en ce sens. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

M. Victorin Lurel.  - Nous sommes considérés comme des territoires d'exportation du point de vue fiscal. Nous sommes donc censés payer 0 % ici et 8,5 % là-bas. Il y a quelques années, lors d'un achat dans un grand magasin, on ne payait pas la TVA. Mais désormais, ce n'est plus possible : on paie deux fois ! (Mme Audrey Bélim le confirme.) Attention, ce n'est pas une discrimination d'être territoire d'exportation, mais une faveur ; le problème est qu'elle n'est plus appliquée. Je crois que nous devons à notre collègue Dominique Théophile la franchise de 400 euros.

Ajoutez à cela les frais postaux... Il y a quinze jours, au Moule, les frais demandés étaient plus importants que la valeur du colis : cela a fini en bagarre !

Avec Eric Jalton, nous avions tenté de pousser l'idée d'une continuité postale dans le cadre du projet de loi Égalité réelle outre-mer. Ce principe existe un peu en Polynésie française, mais pas ailleurs. Nous avons besoin d'une loi plus globale, plus polysémique, pour répondre aux besoins des outre-mer.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°49 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°8 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 134
Contre 207

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

Article 6

Mme Annick Girardin .  - Ce texte a été érigé en priorité par le Gouvernement et présenté comme l'alpha et l'oméga pour lutter contre la vie chère dans les outre-mer. Soyons vigilants : nous risquons d'engendrer des frustrations. Disons bien que nous avons cherché à améliorer les choses, mais que ce ne sera pas une solution à tous les problèmes.

À l'article 6, l'ajout de contraintes et de rigidités serait mal perçu à Saint-Pierre-et-Miquelon, déjà suradministré. Mon territoire compte une seule grande surface commerciale : attention à la pression permanente !

M. Fabien Gay .  - La vie chère pose de nombreuses questions : salaires, accès au logement, intégration régionale. Mais elle est intimement liée à la transparence des grands groupes. (M. Akli Mellouli approuve.) Dans un système issu de la colonisation, celui de la « profitation », quelques grandes familles détiennent 80 % du marché, de la supérette à la location de voiture. Mais ces grands groupes, comme GBH, ne publient pas leurs comptes ! Il a fallu que quatre lanceurs d'alerte saisissent la justice pour qu'il le fasse au bout de dix ans de lutte.

Nous ne pouvons agir si nous ne connaissons pas la marge arrière de ces groupes. Bien sûr, il y a l'éloignement et l'octroi de mer, mais quand quatre familles se partagent le gâteau, il faut plus de transparence. C'est seulement à ce moment-là que nous saurons quoi faire pour résoudre le problème. Ne bloquez pas ces initiatives, madame la ministre !

Mme Catherine Conconne .  - Soyons transparents sur la transparence : cette demande est satisfaite ! Depuis l'année dernière, tout est transmis à la DGCCRF dont trois fonctionnaires épluchent les documents de caisse et les factures d'achat... (M. Victorin Lurel le conteste du geste.)

On parle de concentration ? Il existe sept groupes de distribution à la Martinique ; eh bien, c'est le même nombre qu'en France. Sept groupes pour 68 millions d'habitants d'un côté, le même nombre pour 350 000 habitants de l'autre. Tous ceux qui ont voulu venir ont fait marche arrière. Le marché est tellement étroit qu'il est peu attractif : on se marche sur les pieds ! Il faut bien connaître la situation et être transparent sur la transparence.

M. Victorin Lurel .  - Sans vouloir m'opposer à quiconque, il existe des oligopoles en outre-mer, voire une cartellisation. Mais le pire, c'est l'intégration verticale, une chaîne parfaitement opaque, avec des prix d'intermédiation, des prix de cession interne et des remontées de dividendes dans des holdings... (M. Fabien Gay le confirme.) C'est cela qui gangrène le paysage concurrentiel.

Je suis un homme de gauche, mais j'ai bien voulu accepter le dogme de la concurrence, selon lequel le marché règle tout : le renard libre dans le poulailler libre. Depuis 1986, nous n'encadrons rien, nous « régulons » ? mais cette régulation est tellement modérée que cela ne règle rien ! Et cela dure depuis cinquante ans !

Mme la ministre vient d'arriver aux affaires ; mais la consigne semble bien être : nous ne finançons rien ; quelles que soient les distorsions, ce n'est pas notre affaire, on s'en bat l'oeil !

Fabien Gay a raison : il y a une béance statistique. La Cour d'appel, seule compétente en matière de concurrence, vous déboute face à des avocats de qualité, missionnés par les grands groupes. La DGCCRF garde par-devers elle tous ces documents : ce n'est pas acceptable ! C'est désespérant.

M. le président.  - Amendement n°89 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous supprimons les mots « à prédominance alimentaire ».

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - L'idée d'étendre aux commerces autres qu'alimentaires semble séduisante, mais il faut circonscrire l'obligation. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Mme Conconne a raison, la transparence temporaire a été mise en place en Martinique et cela fonctionne.

Je partage la volonté de M. Lurel d'étendre la transparence, et de ne pas la limiter aux seuls commerces à prédominance alimentaire. Avis favorable.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°89, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°90 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Baissons la surface des établissements soumis à l'obligation de transmission des comptes de 400 m2 - qui ne correspond à rien - à 350 m2, comme en Nouvelle-Calédonie.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Cela peut sembler pertinent, mais requiert l'expertise du Gouvernement.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable. Ce seuil inhabituel ailleurs qu'en Nouvelle-Calédonie créerait une charge supplémentaire pour les entreprises exploitant une surface intermédiaire.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable, dès lors.

M. Victorin Lurel.  - Ce qui est inhabituel, c'est le seuil de 400 m². De plus, dans certains territoires, comme à Mayotte, les surfaces n'atteignent que rarement 300 m². (MSaïd Omar Oili le confirme.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous voterons cet amendement pour les raisons avancées par M. Lurel.

Nous parlons de territoires insulaires, en dehors de la Guyane. Or la pression foncière génère de la spéculation, avec des incidences sur les loyers. Votons cet amendement de bon sens : nos territoires ne sont pas extensibles. Quand il n'y a plus de solutions, on ne peut pas aller sur la mer !

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

L'amendement n°91, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Accord en CMP

M. le président.  - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

La séance est suspendue à 20 heures.

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Lutte contre la vie chère dans les outre-mer (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission.  - Après avoir échangé avec Mme la ministre, nous aimerions terminer l'examen de ce projet de loi ce soir. Il reste 70 amendements à examiner.

Article 6 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°70 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Changeons le taux des amendes dont le montant ne peut être inférieur à 2 % du chiffre d'affaires. Il s'agit de donner les moyens de faire respecter les mesures nouvelles.

M. le président.  - Amendement n°25 de M. Théophile.

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement adapte les sanctions à la capacité économique réelle des entreprises, donc à leur chiffre d'affaires, plutôt qu'à leur statut juridique.

M. le président.  - Amendement n°122 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Nous avons proposé 1 % du chiffre d'affaires annuel - nous sommes plus modestes - sans quoi les plus petites entreprises seraient impactées. Nous encourageons ainsi à respecter la loi.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°70 qui alourdirait le dispositif et aux deux autres amendements ; je préfère m'en tenir aux dispositions existantes.

L'amendement n°70 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°25.

L'amendement n°122 est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Après l'article 6

M. le président.  - Amendement n°65 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement a été adopté par le Sénat le 5 mars dernier mais n'a pas été repris dans le projet de loi. Il s'agit d'un dévoiement de la loi de 2012 qui interdisait certaines exclusivités de distribution lorsqu'elles n'étaient pas en faveur des consommateurs.

Il existe des ruptures abusives. On abîme les fonds de commerce de ceux qui ont pris la charge de vendre ces produits : s'ils contestent sur un produit, ils perdent tout ! J'ai appris avant la séance que cet amendement était satisfait. Il convient de faire respecter les textes ; tel est l'objet de l'amendement.

C'est un rappel aux bonnes pratiques concurrentielles libres et à tout le moins loyales.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Vous voulez protéger les entreprises qui subissent des ruptures commerciales brutales. C'est superflu de l'ajouter dans la loi. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable, cela reviendrait à indemniser une entreprise bénéficiant d'une exclusivité, donc d'une pratique infractionnelle, en quelque sorte.

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté, ainsi que l'article 6 ter.

Article 6 quater

M. le président.  - Amendement n°141 du Gouvernement.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Le Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article pour clarifier et sécuriser la transmission des données fiscales au président de l'OPMR par les collectivités.

Précisons cette mesure dans le code des douanes notamment.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Victorin Lurel.  - À titre personnel, je demande de conserver le texte tel que nous l'avions voté précédemment. Le Gouvernement veut réduire la transmission aux seules données relatives à l'octroi de mer.

L'exécutif régional a une responsabilité pénale. Si le président n'a pas fait ce qu'il faut faire parce qu'il n'est pas informé par les douanes, sa responsabilité est alors engagée. La DGCCRF pourra accumuler les données et mieux travailler. Il n'est pas question de les publier.

L'amendement n°141 est adopté et l'article 6 quater est ainsi rédigé.

Article 7

M. le président.  - Amendement n°92 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

L'amendement n°92, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°93 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment : restons-en au périmètre actuel.

L'amendement n°93 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°94 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°94 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°95 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement vise à exprimer en valeur absolue et en pourcentage les données relatives aux marges arrière de chacun des fournisseurs lors des négociations commerciales.

Ces données seraient présentées par fournisseur et par ligne de produit.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - La commission y serait a priori plutôt favorable, mais quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Des précisions seront inscrites dans le décret pris en Conseil d'État. Celle-ci n'a pas sa place dans ce projet de loi. Avis défavorable.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit des indicateurs ayant trait aux marges arrière ; cela dissiperait l'opacité en la matière. J'insiste, votons cette mesure, d'autant plus que c'est secret.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Votons cet amendement. Nous parlons de transparence, de la vie chère. Chaque territoire est différent, pour être efficace il faudrait presque du cas par cas. On doit connaître les marges arrière pour avancer. Au sein de la délégation aux outre-mer, ce sujet a été souvent abordé. La transparence est nécessaire, sinon nous continuerons à naviguer dans le brouillard.

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°96 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit d'indicateurs pour faire une comparaison par territoire et non par groupe de secteur alimentaire. Ces comparaisons pourraient être faites avec l'Hexagone ensuite, pour mieux informer et donc mieux décider.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Vous voulez savoir s'il y a une discrimination entre les fournisseurs d'outre-mer et ceux de l'Hexagone, mais votre rédaction remet en cause l'économie générale du dispositif. On découragerait un distributeur de l'Hexagone de développer ou poursuivre une activité outre-mer. En outre, cette question est traitée dans l'article 8. Avis défavorable.

L'amendement n°96 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°110 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Il s'agit d'introduire une exigence simple : la transparence entre les distributeurs et les centrales d'achat importatrices.

La loi Egalim a instauré la transparence entre distributeurs et producteurs, mais les grands groupes ont trouvé la parade et réalisent les marges en amont, dans les centrales d'achat ou filiales d'importation.

En outre-mer, les marges se jouent en amont de la chaîne dans les transactions intragroupes.

Nous voulons obliger les enseignes à déclarer l'identité et le siège social de leurs centrales d?achat. La DGCCRF et l'Autorité de la concurrence pourront ainsi retracer toute la chaîne de valeurs. Sans quoi on ne lutte pas contre la vie chère, mais on la subventionne.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Ce dispositif radical de transparence semble séduisant mais se heurte au secret des affaires. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait et est même moins disant que l'article 7, qui couvre les échanges avec les vrais fournisseurs, y compris les centrales d'achat.

L'amendement n°110 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°123 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Remplaçons les pénalités en valeurs par un pourcentage du chiffre d'affaires annuel.

Ces sanctions visent à décourager ceux qui voudraient frauder sur les marges arrière. Cet amendement complète l'amendement n°122 que vous avez voté, qui montre que la République est ferme avec tous les fraudeurs, y compris les forts.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Dans le but de garantir l'effectivité du dispositif, des sanctions sont prévues. Il convient de rester dans un niveau de sanction proportionné à la faute commise. La sanction en cas de non-transmission des marges arrière doit rester mesurée. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Il faut être ferme avec tous mais également juste avec tous. Le montant envisagé, très élevé, contrevient au principe constitutionnel de proportionnalité concernant un manquement à une obligation déclarative. Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère, si je puis dire, puisque vous proposez un quadruplement de la sanction.

M. Akli Mellouli.  - Je parlais des 750 000 euros à la fin de l'article 7. Un pourcentage du chiffre d'affaires est plus équitable qu'une somme absolue : 375 000 euros correspondent à 0,007 % du chiffre d'affaires annuel de GBH, alors que cela représenterait 20 % du chiffre d'affaires d'autres entreprises.

Le dernier alinéa de l'article 7 a été voté par le Sénat. Si nous ignorons de quoi nous parlons, les débats vont devenir problématiques...

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Je ne comprends pas bien ce que nous faisons. D'un côté, on parle du secret des affaires et, de l'autre, on pinaille sur ce qui fera mal aux entreprises contrevenantes. On ne pourra pas avancer sans savoir et sans aller au-delà du secret des affaires.

M. Victorin Lurel.  - Nous avons adopté l'amendement de M. Mellouli : il s'agit dans ce cas de récidivistes, qui n'ont pas été dissuadés malgré une première sanction. Quand on résiste et qu'on ne respecte pas la loi, il faut des sanctions.

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°50 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Tout comme certaines communes ne respectent pas la loi SRU, certains groupes préféreront ne pas respecter leurs obligations en matière de transparence et payer. La sanction en cas de récidive doit être dissuasive : il faut instaurer une peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce pendant un an. Cet amendement adapte donc les sanctions au principe de réalité et cible les manoeuvres oligopolistiques de certaines entreprises prédatrices.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Pour garantir l'effectivité du dispositif, une amende de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale est prévue, ces montants étant doublés en cas de récidive. Conservons un montant proportionné à la faute commise. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Nous devons respecter l'échelle des sanctions. Si nous sommes hors des clous, nous nous exposons à une QPC et à la suppression du dispositif.

La sanction pour manquement à une obligation déclarative me paraît disproportionnée sur le plan juridique. L'interdiction visée par l'amendement devrait être décidée par un tribunal, et non résulter d'une mesure de pure administration. Avis défavorable.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Après l'article 7

M. le président.  - Amendement n°112 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Michelle Gréaume.  - Nous voulons introduire un pouvoir temporaire d'encadrement des marges pour lutter contre les oligopoles. Les prix du riz ou des couches pour bébé sont parfois 30 à 50 % plus élevés dans les outre-mer qu'en métropole, sans justification économique réelle. L'État doit intervenir. Notre solution : permettre aux préfets de fixer un taux maximal de marge brute pour ces produits, après analyse. Il ne s'agit pas de contrôler les prix, mais de les réguler. C'est une correction nécessaire pour rétablir l'équité.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Les abus de certaines entreprises sont un vrai problème. Mais le mécanisme proposé est trop contraignant et contraire à la liberté du commerce. La commission a, en revanche, sous-amendé l'amendement n°66 rectifié de Victorin Lurel. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je comprends l'objectif, mais la rédaction proposée comporte deux dangers. Vous risquez de décourager les acteurs économiques à s'installer sur les territoires ultramarins. Attention aussi aux effets de bords sur les petits acteurs. Un plafonnement commun de la marge brute favorisera certains acteurs et pénalisera les petits. Cela contrevient à l'objectif du texte. Avis défavorable.

Mme Michelle Gréaume.  - Avec tout le respect que je vous dois, je ne vois pas comment le fait de fixer un taux maximal de marge peut gêner l'installation d'entreprises dans ces territoires.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Le dispositif existe pour les carburants à La Réunion. Il n'y a pas de pénurie de carburants : l'économie fonctionne, les voitures roulent. On peut réguler les marges.

Pas moins de 77 % de la population mahoraise est en dessous du seuil de pauvreté, 36 % à La Réunion, contre 8 % dans l'Hexagone. Ne l'oublions pas.

L'amendement n°112 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°111 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

M. Pascal Savoldelli.  - Les habitants des outre-mer subissent une injustice persistante : alimentation, hygiène, énergie, les produits sont 30 à 40 % plus chers qu'en Hexagone. Cela tient surtout aux marges excessives captées dans les chaînes de distribution, et pas seulement au coût du transport. Les taux de marge sont plus importants que dans l'Hexagone.

Cet amendement fixe une règle claire, lisible pour protéger le consommateur, afin de plafonner les marges brutes à 15 % du prix de vente au public sur certains produits : lait, pâtes, riz. Une amende de 10 % du chiffre d'affaires annuel est prévue en cas de manquement. Les PME locales et petits commerces ne seront pas concernés, car leurs marges sont inférieures à 15 %. Les prix s'en trouveraient réduits de 20 à 30 % pour les ménages.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable à ce plafonnement contraire à la liberté du commerce. En revanche, la commission a sous-amendé l'amendement n°66 rectifié de Victorin Lurel.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Combien d'agriculteurs, de paysans font-ils des marges à 15 % ? Je n'en connais pas ! Je m'adresse à mes collègues de la ruralité : en connaissent-ils ? Non !

Or la grande distribution réalise de telles marges, qui ne jouent pas en faveur de ceux qui produisent des richesses.

Laissons un espace de justice sociale aux populations ultramarines.

L'amendement n°111 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°66 rectifié de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement reprend une disposition adoptée en mars 2025 au Sénat et non reprise dans le projet de loi.

Nous n'interdisons pas les marges arrière, mais les encadrons.

Je suis ouvert aux compromis. Raisonner par lignes de produits me semble acceptable. Mais pourquoi ne pas procéder par fournisseurs ? Il faut aussi exclure Saint-Barthélemy du dispositif.

Nous prenons donc toutes les précautions pour que le Sénat et l'Assemblée nationale adoptent ce texte.

M. le président.  - Sous-amendement n°145 de Mme Jacques.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Ce sous-amendement exclut Saint-Barthélemy des territoires dans lesquels le plafonnement des services de coopération commerciale est prévu. Sa fiscalité neutralise une grande part du coût du transport. Les tensions sur le logement sont telles que les employeurs doivent loger leurs employés, alors que les prix sont comparables à ceux de la petite couronne parisienne.

M. le président.  - Sous-amendement n°150 de Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Ce sous-amendement précise que le plafonnement expérimental des marges arrière doit être entendu au niveau de chaque groupe. Les marges ne pourraient pas excéder 12 % de leur chiffre d'affaires hors taxe.

M. Victorin Lurel.  - J'approuve le sous-amendement n°145.

Nous préférons un pourcentage du chiffre d'affaires en moyenne par fournisseur et non par groupe.

Moyennant ces sous-amendements, j'accepte de passer de 10 à 12 % et de modifier mon texte, avec l'insertion de la précision « en moyenne ».

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Nous acceptons donc de modifier le sous-amendement n°150 de la commission en conséquence.

M. le président.  - Il devient donc le sous-amendement n°150 rectifié, avec la modification suivante : « 12 % du chiffre d'affaires hors taxe en moyenne par fournisseur ».

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je m'interroge sur la faisabilité, la part de chiffre d'affaires, l'affichage... Cet amendement devra être réécrit.

Mais je constate qu'il existe un consensus transpartisan et souhaite que l'on s'empare du sujet des marges arrière. Sagesse sur l'ensemble des amendements.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Concernant le sous-amendement n°145, le plafonnement des services de coopération n'est pas pertinent pour Saint-Barthélemy. Avis favorable aux sous-amendements nos145 et 150 rectifié.

Avis favorable à l'amendement n°66 rectifié ainsi sous-amendé.

Les sous-amendements nos145 et 150 rectifié sont adoptés.

L'amendement n°66 rectifié, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

Article 8

M. le président.  - Amendement n°73 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Il s'agit d'appliquer les conditions générales de vente (CGV) de manière égale - et non uniforme - dans les outre-mer.

M. le président.  - Amendement n°97 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Intégrons la Nouvelle-Calédonie dans le champ d'application de cet article pour avoir une cohérence sur l'ensemble du territoire national.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°73, comme à l'amendement n°97.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

Les amendements nos73 et 97 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°98 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°99 rectifié de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Il est préférable de maintenir la transmission des conditions générales de vente à la DGCCRF : avis défavorable à l'amendement n°98.

Concernant l'amendement n°99 rectifié, le délai d'un mois pour la transmission par les entreprises des informations demandées par la DGCCRF est court mais paraît acceptable. Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°98.

Avis favorable en revanche à l'amendement n°99 rectifié, qui figurait dans le texte initial mais a été écarté par le Conseil d'État qui estimait qu'il relevait d'un décret.

L'amendement n°98 est retiré.

L'amendement n°99 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°100 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - La précision présentée par l'amendement est satisfaite par l'article 8. Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°100 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°124 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Tout le monde veut de la transparence, mais il faut aussi des sanctions.

Notre amendement n°123 sur les marges arrière a été rejeté. Cet amendement est similaire à l'amendement n°122. Prévoyons une sanction de 1 % du chiffre d'affaires annuel. Les sanctions doivent être dissuasives, nous prévoyons une garantie pour l'effectivité de la transparence.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Les sanctions existantes sont suffisamment dissuasives. Avis défavorable.

M. Akli Mellouli.  - Il s'agit de 0,007 % du chiffre d'affaires !

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Des sanctions existent déjà, plus ou moins dissuasives. Celles proposées sont disproportionnées : restons-en à ce qui est prévu.

M. Akli Mellouli.  - On nous explique qu'on veut de la transparence, mais on ne veut pas sanctionner... Une amende de 375 000 euros serait-elle suffisamment dissuasive ? Pour les PME sans doute, mais pas pour GBH ? c'est 0,007 % de son chiffre d'affaires. Qui voulez-vous protéger ?

M. Daniel Salmon.  - Quand un groupe réalise 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et plus de 200 millions d'euros de bénéfices, une amende de 375 000 euros n'est pas du tout à la hauteur. Sur la droite de l'hémicycle, on réclame souvent des peines dissuasives, voire des peines planchers. Je suis surpris que le discours soit si différent en matière de délinquance commerciale...

M. Victorin Lurel.  - Le problème n'est pas l'absence de sanctions, mais leur caractère insuffisamment dissuasif. Voilà des années que le système en place s'avère inefficace. Quant à ce que nous proposons, rien de nouveau ! C'est déjà prévu dans d'autres textes et c'est du bon sens. Les récidivistes, au moins, doivent être sanctionnés.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Je constate une grande bienveillance à l'égard des oligopoles en outre-mer, mais fort peu d'attention pour les populations qui souffrent et dont les perspectives d'avenir s'amenuisent. Notre quotidien, c'est l'injustice sociale et l'inégalité des chances. Pourquoi toujours épargner les mêmes ? Ce texte est supposé lutter contre la vie chère, mais vous protégez ceux qui en profitent plutôt que ceux qui la subissent !

Mme Catherine Conconne.  - Nos positions sont le fruit de beaucoup de travail, nourri d'auditions et d'analyses multiples. Je ne partage pas les options de certains, même si je les comprends. Dans une économie libérale, les prix sont libres ; nous devons trouver le bon compromis pour ne pas basculer dans une économie administrée. Ce n'est pas parce que nous sommes dans le même arc caribéen que nous devons adopter le régime économique de Cuba ! Nous ne sommes pas des gamins qui ne savent pas ce qu'ils font : nous parlons sur le fondement d'un travail important. Je parle en conscience ou je me tais. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Ce que je cherche à protéger, c'est le pouvoir d'achat de nos concitoyens dans un système économique qui fonctionne. Vous confondez le nouvel article 8, dont l'efficacité ne peut encore être appréciée, et l'article 9, dont on a vu qu'il ne va pas assez loin. L'astreinte que nous proposons peut atteindre 5 % du chiffre d'affaires !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cet amendement vise à rendre dissuasives les sanctions prévues en cas de refus de transmission des données sur les CGV. C'est une arme nucléaire qui n'a pas vocation à être utilisée. À ce stade de la navette, je ne trouve pas choquant d'adopter cet amendement.

M. Victorin Lurel.  - Très bien !

L'amendement n°124 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°101 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Cet amendement crée une nouvelle pratique restrictive de concurrence, dont le caractère rétroactif contrevient à la sécurité juridique qui garantit la confiance nécessaire au bon fonctionnement de l'économie. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°101 est retiré.

L'article 8, modifié, est adopté.

Après l'article 8

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement, inspiré par l'Autorité de la concurrence, interdit toute clause d'exclusivité, contractuelle ou non, restreignant la liberté des fournisseurs de commercialiser leurs produits auprès d'autres intermédiaires. Quand une entreprise est intégrée et commerce avec des plateformes de vente et d'achat tout en ayant des grandes surfaces, il y a absence de concurrence. Cet amendement, fruit de l'expérience, vise à mettre un terme à ces situations.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le code de commerce vous satisfait déjà. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable. Votre proposition est moins-disante que l'actuel dispositif du code de commerce. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Je ne suis pas convaincu, madame la ministre. Nous ciblons ici des exclusivités de fait et en amont. L'Autorité de la concurrence le dit depuis de longues années : l'arsenal est insuffisant pour lutter contre ces pratiques. Pour transformer le paysage concurrentiel, il faut changer le paysage juridique. Je ne veux pas soviétiser notre économie ou instaurer un Gosplan, mais je veux l'équité entre acteurs, pour une concurrence à armes égales.

L'amendement n°42 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement sanctionne la discrimination commerciale par l'intégration verticale qui porte atteinte aux clients concurrents, conformément à un avis de l'Autorité de la concurrence de 2019 et à une recommandation du Cese.

Lorsqu'une entreprise exerce à la fois l'activité de grossiste-importateur et celle de distributeur au détail, elle peut favoriser ses propres enseignes de distribution, sous des formes diverses : discrimination en matière de coopération commerciale, logistique, informationnelle, tarifaire...

Nous n'interdisons pas l'intégration verticale en soi, mais les pratiques discriminatoires qu'elle peut entraîner.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Ces pratiques sont déjà visées par le code de commerce : il prohibe l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une nouvelle pratique restrictive de concurrence. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Victorin Lurel.  - Il n'existe pratiquement aucune décision de tribunal en la matière. Il s'agit du traitement infligé aux tiers concurrents à la faveur d'une intégration qui entraîne non-transparence, prix de cessions internes et d'autres pratiques encore qui échappent à notre sagacité. Nous sommes tenus en échec depuis de longues années. Donnons-nous les moyens de mettre un terme à ces situations !

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

L'amendement n°43 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Les conditions générales de vente se déclinent en contrats uniques, contrats d'application et accords-cadres. Tous ces documents doivent pouvoir être vérifiés.

Les publicités nationales intéressent surtout l'Hexagone et ne bénéficient pas aux distributeurs, ni peut-être même aux grossistes de nos territoires. Nous payons pourtant pour cette publicité, à travers la coopération commerciale. Nous considérons qu'il y a là un désavantage sanctionné par la loi. Hélas, aucune sanction n'a été prononcée.

La publicité, les boosters ou les PLV (publicités sur le lieu de vente) ne sont pas effectifs dans les outre-mer : ces coûts devraient donc être défalqués.

L'amendement n°45 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié de Mme Jacques et alii.

Mme Viviane Malet.  - Cet amendement prend en compte les caractéristiques des marchés ultramarins dans les relations entre distributeurs et fournisseurs.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°39 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°114 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'article 8 interdit les discriminations tarifaires entre l'Hexagone et les outre-mer : c'est une avancée, mais insuffisante. Notre amendement fixe une grille objective en matière d'écarts de prix et des sanctions graduées. Il s'agit de rendre le texte applicable et vérifiable, pour une transparence réelle.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par l'article 8 : avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - C'est exact. L'apport de l'amendement est dans la liste proposée, mais celle-ci se révélera vite incomplète. Avis défavorable.

L'amendement n°114 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°113 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

M. Alexandre Basquin.  - La vie chère en outre-mer résulte aussi de mécanismes utilisés par certains grands groupes pour gonfler artificiellement leurs coûts. Nous voulons faire la transparence sur ces pratiques de dissimulation des coûts réels. Pour cela, habilitons la DGCCRF à accéder aux contrats d'approvisionnement et prévoyons une présomption de manquement en cas de refus de communication.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Cet amendement précise ce que nous devons combattre : services fictifs, fractionnements artificiels des approvisionnements, autant de pratiques malhonnêtes et nuisibles au pouvoir d'achat.

L'amendement n°113 rectifié n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Après l'article 9

M. le président.  - Amendement n°67 rectifié de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Voici une mesure suggérée par le Medef : les commissaires au compte seraient chargés de transmettre au tribunal les comptes et la certification, ainsi que les documents annexes. Cette mesure ne coûte pas un euro d'argent public. Je rappelle que le recours au commissaire aux comptes est obligatoire lorsque le chiffre d'affaires dépasse 5 millions d'euros et l'effectif cinquante personnes : les petites entreprises ne seront donc pas touchées. C'est un amendement de bon sens, et je m'étonne des réticences qu'il semble susciter.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - L'obligation pèserait sur les commissaires aux comptes : ce n'est pas pertinent, sans compter qu'ils risqueraient d'être débordés. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Victorin Lurel.  - Je parlais de réticences : ce sont plutôt des résistances... Pourtant, le commissaire aux comptes n'aura qu'à transmettre les documents visés au greffe du tribunal de commerce : c'est l'affaire d'un clic !

L'amendement n°67 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°71 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Nous reprenons l'article 1er de ma proposition de loi contre la vie chère et rendons plus prescriptif l'article 22 de la loi de 2012, pour plus de transparence.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Ce dispositif ferait doublon avec l'article 9. En outre, une obligation de transmission des informations sur les prix et les quantités des produits de grande consommation est prévue à l'article 6. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Victorin Lurel.  - Je n'ai pas vu que cela se faisait...

L'amendement n°71 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°56 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Je retire cet amendement au profit du suivant.

L'amendement n°56 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°55 rectifié de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Nous renforçons la transparence financière et la responsabilité des entreprises bénéficiant d'aides publiques en subordonnant l'accès à ces aides au respect de l'obligation de publication des comptes sociaux. Certaines entreprises bénéficiaires refusent ou contournent cette obligation, ce qui favorise l'opacité et les abus et crée une rupture d'équité au détriment des entreprises qui respectent leurs obligations. En outre, ces dérives fragilisent les finances publiques, car l'État n'est pas en mesure de vérifier l'emploi des aides. Cette mesure s'inscrit dans la continuité de la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008 et de la loi Lurel de 2012. Toute entreprise respectant ses obligations de publication continuera à être aidée.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les sanctions proposées sont disproportionnées, alors que l'article 9 prévoit déjà un nouveau dispositif de sanctions. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - L'objectif de l'amendement est louable, et les aides fiscales à l'investissement outre-mer sont déjà conditionnées au dépôt des comptes. Avis favorable.

Mme Audrey Bélim.  - Voter cet amendement ne mange pas de pain. Nous parlons des dotations pour l'outre-mer, reversées aux entreprises sous forme d'aides. Il est normal que des sanctions interviennent si l'utilisation de ces aides ne peut être contrôlée.

L'amendement n°55 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 10

M. Marc Laménie .  - Cet article renforce les moyens de l'Autorité de la concurrence. C'est une forme de solidarité avec nos outre-mer dont je me félicite. Forte de 123 ETP, cette autorité a prononcé depuis 2008 un total de 232 millions d'euros d'amendes en outre-mer, dont 177 millions pour pratiques anticoncurrentielles. L'élargissement de son collège à dix-neuf membres, plus deux experts des économies ultramarines, est bienvenu.

M. le président.  - Amendement n°136 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Nous proposons que les représentants ultramarins au sein du collège soient issus de deux bassins géographiques, afin de prendre en compte la diversité de nos territoires.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cet amendement est trop restrictif et exclut la possibilité que ces personnalités soient issues de l'Hexagone. Il faut nommer avant tout des personnes compétentes. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

M. Victorin Lurel.  - Si vous êtes expert des outre-mer, ce n'est pas forcément du fait de vos origines. Ne dévoyez pas notre amendement ! Il ne s'agit nullement de communautarisme.

Mme Catherine Conconne.  - Qu'est-ce qu'une personnalité ultramarine experte ? Une espèce d'homme ou de femme-orchestre, qui connaîtrait à fond tout ce qui se passe à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Guadeloupe ? D'aucuns disent qu'il ou elle existe : je demande à voir... Depuis le début de l'examen de ce texte, on dit qu'il faut différencier les territoires, mais on ne cesse de prendre des décisions qui vont dans le sens contraire !

Mme Audrey Bélim.  - Ce qui compte, c'est la compétence, la connaissance et l'appétence pour les questions économiques ultramarines.

L'amendement n°136 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°133 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement adapte la procédure de déclenchement du contrôle des concentrations dans les départements et collectivités d'outre-mer, afin de mieux tenir compte de la structure économique locale et de la taille des entreprises sur ces marchés.

M. le président.  - Amendement n°103 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°125 de M. Mellouli et alii.

M. Akli Mellouli.  - Nous voulons baisser le seuil à partir duquel une opération de concentration commerciale dans une collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution doit être notifiée et soumise à l'accord de l'Autorité de la concurrence.

M. le président.  - Amendement n°102 de M. Lurel et du groupe SER.

M. Victorin Lurel.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°134 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Il s'agit d'une disposition calédonienne pragmatique relative au contrôle des concentrations économiques, utile à transposer dans le code de commerce.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - L'Autorité de la concurrence nous a indiqué que la disparition du seuil de chiffre d'affaires total mondial hors taxe réalisé par les entreprises parties à une concentration outre-mer déclenche un contrôle.

La mesure proposée risquerait d'augmenter sensiblement le nombre d'opérations soumises à l'obligation de notification, créant une charge supplémentaire pour les entreprises concernées, mais aussi pour l'Autorité de la concurrence, sans que celle-ci ne soit nécessairement conduite à examiner des opérations problématiques en matière de concurrence. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - L'amendement n°134 rectifié est inspiré par des événements récents survenus à La Réunion. L'Autorité de la concurrence avait souligné un risque lié à un rachat, que GBH s'était engagé à rétrocéder : quatre supermarchés de La Réunion étaient concernés. L'opération avait été validée par le Conseil d'État. En définitive, le nouvel acteur a fait faillite, puis le rachat a été effectué par un groupe mauricien. Bilan de ce fiasco : 35 millions d'euros d'argent public perdus. Ne reproduisons pas les erreurs du passé.

L'amendement n°133 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos103, 125, 102 et 134 rectifié.

L'article 10, modifié, est adopté.

Après l'article 10

M. le président.  - Amendement n°52 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Nous voulons renforcer la transparence économique dans les territoires ultramarins, où les mécanismes de formation des prix demeurent insuffisamment connus en raison d'un accès limité aux données statistiques. Permettons à l'Insee de saisir la direction de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités lorsqu'elle se voit opposer le secret des affaires.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - S'il peut en effet arriver que l'Insee se voie opposer le secret des affaires, l'amende envisagée paraît disproportionnée. Nous demandons au Gouvernement de préciser le niveau des sanctions prévues. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement répond à une demande d'intérêt général, dans des territoires marqués par une forte concentration et une faible transparence sur les marges : c'est le sens même de ce projet de loi.

L'amendement n°52 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°144 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement reprend la disposition adoptée par l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à prendre des mesures d'urgence contre la vie chère pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Il s'agit de lutter contre la concentration tant horizontale que verticale.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par l'article 10 du projet de loi. Lors de nos auditions, nous avons découvert que la commission d'aménagement commercial n'avait été saisie qu'une seule fois en douze ans d'existence. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°144 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°21 de M. Théophile et du RDPI.

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement renforce la protection de la concurrence dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Le code de commerce prohibe déjà l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante. L'Autorité de la concurrence a prononcé quarante-six décisions depuis sa création. L'amendement est donc pleinement satisfait : avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La position dominante n'est pas sanctionnée en tant que telle ; c'est le fait d'en abuser qui l'est. En effet, une entreprise peut acquérir une position dominante sur un marché sans en abuser ni empêcher le jeu concurrentiel. Le droit actuel suffit. Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°115 de Mme Corbière Naminzo et alii.

M. Pascal Savoldelli.  - Cet amendement vise à lutter contre la domination de quelques acteurs historiques qui bénéficient de rentes de situation.

Selon l'OPMR de La Réunion, la régulation spécifique doit être renforcée et porter sur la transparence des marchés et sur leur structuration, via l'interdiction des concentrations verticales, notamment. Sans intervention du législateur, aucune action ne permettra de lutter contre la vie chère. De nombreux secteurs stratégiques sont concernés : banques, assurances, énergie, etc.

Nous instaurons un contrôle préventif et régulier par l'Autorité de la concurrence de ces entreprises intégrées, pour prévenir les abus avant qu'ils ne pèsent sur les consommateurs.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Il n'est pas nécessaire de prévoir de contrôle spécifique, puisque le code de commerce tient compte de ces pratiques abusives. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

M. Pascal Savoldelli.  - Ne pas adopter cet amendement, c'est laisser faire et s'exonérer de l'avis de l'OPMR, organisme indépendant !

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°116 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Michelle Gréaume.  - Cet amendement va plus loin que le précédent. Dans un délai de deux ans, les entreprises exerçant des activités d'importation, de distribution et de logistique dans une même collectivité ultramarine devront séparer juridiquement et comptablement ces activités. D'un côté ils importent, de l'autre ils vendent et entre les deux, gonflent leurs marges. L'Autorité de la concurrence, le Cese et les OPMR ont dénoncé ces structures de marché défaillantes.

M. le président.  - Amendement n°44 rectifié bis de M. Lurel et alii.

M. Victorin Lurel.  - Il n'est pas incongru de distinguer les activités de grossiste-importateur et de détaillant, pour éviter les conflits d'intérêts.

Nous avons refusé de nous attaquer à la structuration conglomérale des entreprises dans les outre-mer. Pourtant, l'intégration et la concentration conduisent à des abus de position dominante. Une étude de 2016 ou 2017 a montré que 70 entreprises contrôlaient plus de 50 % du marché martiniquais. A minima, séparons les deux activités.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°116, qui constitue une ingérence excessive dans la vie des entreprises, sur le fondement d'une suspicion générale d'abus de position dominante. (Mme Catherine Conconne proteste.)

Avis défavorable également à l'amendement n°44 rectifié bis.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable aux deux amendements. Vous portez une atteinte manifeste à la liberté d'entreprendre. Les entreprises peuvent s'organiser ainsi pour toutes sortes de raisons légitimes - et légales.

Le texte contient d'autres avancées en matière de transparence.

M. Victorin Lurel.  - Mais quid des prix de cession et des marges réalisés par les échelons intermédiaires ? Il n'y a pas de transparence. On refuse de s'attaquer aux structures, car on ne veut pas voir.

L'amendement n°116 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°44 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°135 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement rétablit dans les départements ultramarins la disposition introduite en 1993 par le député André Thien Ah Koon dans la loi Royer. L'équilibre du secteur de la grande distribution alimentaire s'y est fortement dégradé. Cet amendement vise à lutter contre la concentration des marchés, au bénéfice du pouvoir d'achat.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable. L'article 12 de ce projet de loi a le même objectif, tout en étant conforme à la liberté du commerce et de l'industrie.

L'amendement n°135 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement vise à lutter contre une pratique anticoncurrentielle : l'acquisition de licences, de franchises ou d'enseignes, afin d'empêcher leur déploiement local et la concurrence avec les commerces existants. Cette mesure respecte le principe de la liberté du commerce et de l'industrie en ne sanctionnant que la non-exploitation de ces licences -  c'est un abus de droit.

M. le président.  - Amendement n°127 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Il s'agit d'un amendement de repli, qui porte la durée à trois ans au lieu de deux.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements, qui ciblent une pratique difficile à prouver. En outre, on s'immiscerait dans la gestion interne des entreprises, au risque de mettre en cause la liberté du commerce et de l'industrie. Enfin, l'entreprise qui aurait de telles pratiques peut déjà être mise en cause pour abus de position dominante.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Je n'ai pas d'objection sur le principe, mais le dispositif est trop large et la durée choisie est trop courte. Travaillons sur ces points. Dans l'attente, retrait ?

L'amendement n°53 est retiré, ainsi que l'amendement n°127 rectifié.

L'article 11 est adopté.

Après l'article 11

M. le président.  - Amendement n°27 de M. Rohfritsch et du RDPI.

M. Teva Rohfritsch.  - Excluons la Polynésie française de l'application de ce texte en raison du principe de spécialité législative. Nous sommes vigilants sur le recours aux ordonnances.

La Polynésie française s'est déjà dotée d'un arsenal juridique en matière de concurrence, salué par de nombreux experts. Elle dispose notamment d'une autorité de la concurrence locale et d'outils adaptés aux réalités de notre territoire.

Madame la ministre, nous souhaitons un recours parcimonieux aux ordonnances. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Ma collègue Lana Tetuanui s'associe à mon amendement.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cet amendement nous semble satisfait. La Polynésie française est régie par le principe de spécialité législative selon lequel une loi ne s'y applique que si elle le prévoit explicitement. Les articles 11, 14 et 15 sont les seuls qui s'appliqueront à la Polynésie française. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La loi ne remet pas en cause la répartition des compétences entre l'État et le pays. L'article 11 opère une codification à droit constant : l'ordonnance ne portera que sur les compétences résiduelles de l'État. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

L'amendement n°27 est retiré.

Article 12

M. le président.  - Amendement n°22 de Mme Phinera-Horth et du RDPI.

M. Dominique Théophile.  - Cet amendement des sénateurs guyanais maintient pour la Guyane, à titre dérogatoire, le seuil de la zone de chalandise à 50 % -  abaissé à 25 % dans les autres collectivités ultramarines. Il s'agit de tenir compte de la faible densité commerciale de la Guyane.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable. J'ai été très attentive à cette difficulté soulevée par nos collègues Patient et Phinera-Horth. Ne rigidifions pas trop la loi et conservons une certaine souplesse, qui permettra une adaptation aux réalités de chaque territoire.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Il n'y a pas lieu de le préciser. L'article 12 donne la possibilité aux CDAC de saisir l'Autorité de la concurrence dès 25 %. Pour tenir compte de la spécificité locale, la CDAC locale peut décider de ne pas faire usage de ce nouveau seuil.

L'amendement est donc satisfait : retrait ?

M. Victorin Lurel.  - Imaginez l'arrière-pays guyanais, véritable désert commercial. Quid d'un acteur qui s'installerait et dépasserait le seuil de 25 % ? Peut-être faut-il donner plus de liberté à la CDAC ? L'absence d'autonomie ou de décentralisation pose problème, ici encore.

Mme Catherine Conconne.  - On est dans l'aléatoire, avec la CDAC comme avec l'Autorité de la concurrence : elles peuvent aller dans un sens, comme dans un autre. Voilà pourquoi nos territoires ont soif d'autonomie et ne doivent plus appliquer des règles qui viennent de trop loin. Vive le pouvoir normatif autonome !

M. Dominique Théophile.  - Vous estimez que l'amendement est satisfait. Mais comme l'explication est un peu floue, adoptons-le et nous verrons bien lors de la navette. Cela renforcera la satisfaction...

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Hier, la CDAC pouvait saisir à partir de 50 % ; demain, elle le pourra à partir de 25 %, ce qui ne signifie pas forcément qu'elle le fera. En Guyane, on compte un cas en dix ans...

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

Après l'article 12

M. le président.  - Amendement n°54 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement met fin aux pratiques persistantes de géoblocage subies par les consommateurs ultramarins, malgré l'entrée en vigueur du règlement du 28 février 2018. Il donne à la DGCCRF des moyens de sanction et applique l'avis de l'Autorité de la concurrence du 4 juillet 2019.

En cas d'adoption du présent amendement, je retirerai mes amendements nos132 rectifié, 128 rectifié, 129 rectifié, 131 rectifié et 130 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°132 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°128 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°129 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°131 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Défendu.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Ces comportements de blocage injustifiés sont déjà interdits et punis par le code de la consommation. L'amendement est donc satisfait depuis la loi du 3 décembre 2020. L'interdiction en vigueur n'est pas applicable aux seules infractions transfrontalières, mais au sein du territoire national. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Des mesures de lutte contre le géoblocage existent déjà. Mais il est vrai que des dysfonctionnements nous ont été signalés. Avis favorable à l'amendement n°54 et défavorable aux autres. Il faudra notifier cette disposition à l'Union européenne. Sachez que la DGCCRF va prochainement lancer une enquête sur les signalements portés à sa connaissance.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°54 est adopté et devient un article additionnel.

Les amendements nos132 rectifié, 128 rectifié, 129 rectifié et 131 rectifié n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°130 rectifié de Mme Bélim et M. Lurel.

Mme Audrey Bélim.  - Défendu.

L'amendement n°130 rectifié est retiré.

Article 13

Lien à insérer

M. le président.  - Amendement n°139 du Gouvernement.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Il s'agit de renforcer la protection des filières locales face à certaines pratiques commerciales déloyales, en étendant aux produits substituables le dispositif existant pour les produits identiques ou similaires.

Cet amendement confère également au préfet la faculté de rendre obligatoire la conclusion d'un accord entre importateurs, distributeurs et producteurs locaux. En l'absence d'accord, il pourra aller jusqu'à fixer lui-même les prix.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Victorin Lurel.  - C'est un bon amendement qui protège les consommateurs, sans vitrifier l'économie.

L'amendement n°139 est adopté.

Les amendements nos72 et 58 n'ont plus d'objet.

L'article 13 est ainsi rédigé.

Après l'article 13

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié de Mme Malet et alii.

Mme Viviane Malet.  - En 2012, la loi imposant une part de surface de vente pour les productions régionales dans les grandes surfaces était restée lettre morte faute de décret. Nous le prévoyons.

M. le président.  - Amendement n°126 de M. Salmon et alii.

M. Daniel Salmon.  - Je rectifie mon amendement pour le rendre identique au précédent. L'enjeu est d'accorder une part plus importante aux productions locales chez les distributeurs, conformément à l'obligation légale. On ne peut se satisfaire de ce statu quo : les outre-mer sont très dépendants -  à hauteur de 60 à 98 %  - , avec d'importantes surfaces destinées à l'exportation, alors qu'elles mériteraient d'être dédiées à des cultures vivrières.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°126 rectifié.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Sagesse.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis. Le décret est en cours de rédaction. Nous devrons saisir la Commission européenne.

M. Victorin Lurel.  - Voilà treize ans que nous attendons ce décret... Nous voterons ces amendements.

Mme Catherine Conconne.  - La production locale est très bien représentée dans la distribution en Martinique. Les acteurs ont fini par s'entendre alors qu'ils se combattaient auparavant. L'essentiel de la production locale est écoulé dans la grande distribution à des tarifs et avec des délais de paiement corrects. La plupart des distributeurs disent que s'il y avait eu plus de produits ils les auraient achetés.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nos territoires sont différents.

À La Réunion, il faut se bagarrer pour que les produits locaux soient vendus chez GBH. Vous y trouvez du sel en provenance de partout dans le monde, sauf du sel de La Réunion, pourtant un sel d'exception ! C'est pareil pour beaucoup d'autres produits primés au salon de l'agriculture.

Il faut réserver une partie des rayons à nos produits locaux ; c'est ainsi que nous irons vers l'autonomie alimentaire.

Mme Lana Tetuanui.  - Le gouvernement local de Polynésie française a mis beaucoup de moyens, depuis la nuit des temps, pour faire la promotion des produits locaux. Je pense notamment aux maires qui les promeuvent dans les cantines scolaires.

Certes, nous pouvons mieux faire, mais, madame la ministre, les normes européennes m'offusquent. La meilleure viande que l'on peut fournir, c'est la viande locale puisqu'il y a du bétail en Polynésie française. Mais les maires ne peuvent pas en acheter à cause des normes européennes ! C'est d'un ridicule !

Madame la ministre, vous renvoyez sans cesse à la législation européenne. Heureusement que nous avons un statut d'autonomie, merci Seigneur !

Les amendements identiques nos19 rectifié et 126 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°61 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Nous voulons porter de 20 à 33 % la part maximale de marchés publics pouvant être réservés aux TPE-PME et artisans locaux, conformément à la disposition prévue par la loi Égalité réelle outre-mer. L'expérimentation prévue pour cinq ans s'est achevée en 2022. Le retour au seuil de 33 % renforcerait un tissu économique local fragile.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cela ne semble pas opportun : après l'échec de l'expérimentation, les acteurs publics doivent d'abord s'approprier le dispositif. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

M. Victorin Lurel.  - Vous me désespérez ! Ça marchait plutôt bien à La Réunion, mais un rapport assez dantesque a parlé d'échec, parce que seuls 8 à 10 % avaient été utilisés. Mais il s'agissait d'un plafond !

Avec ce Small Business Act, nous avions donné la priorité aux marchandises de proximité et réservé 33 % de chaque marché pour certains acteurs. Mais pourquoi avoir ramené ce plafond à 20 % ?

Nous n'avons jamais eu l'évaluation : on nous a déclaré que ça ne marchait pas !

Cela s'accompagnait aussi d'un plan de sous-traitance, pour forcer les grosses entreprises à faire une place aux petites et à l'artisanat local.

Tout cela est très cohérent. Nul protectionnisme !

Mme Audrey Bélim.  - Venez à La Réunion ! Un produit élaboré exclusivement avec la stratégie du bon achat y a reçu le prix de la French Tech. Plus de 95 % de nos entreprises ont moins de onze salariés. Plus le plafond sera important, plus on les renforcera.

Mme Annick Girardin.  - C'est l'exemple même d'un objectif atteint à La Réunion, mais pas forcément ailleurs. Or les chiffres cités sont globalisés. Si cela fonctionne à La Réunion, je comprends que les Réunionnais veuillent porter le plafond à 33 % et il serait dommage de ne pas le leur permettre, puisque c'est un plafond. Je voterai l'amendement.

M. Victorin Lurel.  - Eh oui, il faut des perspectives !

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°62 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Complétons le dispositif expérimental de l'article 14 en y intégrant une dimension d'économie circulaire adaptée aux spécificités ultramarines : une part minimale des marchés pourraient être réservés à des biens issus du réemploi.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Les acheteurs publics sont déjà soumis à l'article 58 de la loi Agec et peuvent aider au développement de filières locales. L'amendement est satisfait : il appartient aux acteurs locaux de se mobiliser sur le sujet. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°63 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Cet amendement autorise explicitement, dans les marchés de construction ou de travaux publics, les soumissionnaires à définir une part du marché réservée à des biens issus du réemploi.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

Après l'article 15

M. le président.  - Amendement n°60 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Allons plus loin en autorisant l'intégration de clauses circulaires dans les marchés de construction et de travaux publics afin de stimuler les filières locales de réemploi et de diminuer la facture publique à moyen terme.

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait. Chaque acheteur public est libre de définir des clauses dans ce sens. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°57 de Mme Bélim et du groupe SER.

Mme Audrey Bélim.  - Nous voulons soutenir le tissu économique local, notamment les structures de l'économie sociale et solidaire (ESS).

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - Seuls peuvent être réservés aux entreprises de l'ESS des marchés portant sur des services sociaux et autres services spécifiques - soit des prestations essentiellement sanitaires, sociales et administratives. Il n'est pas possible d'étendre ce mécanisme. Avis défavorable.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - Avis défavorable. Sortir de la liste vous expose à un refus de la part du juge.

L'amendement n°57 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Après l'article 16

M. le président.  - Amendement n°108 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

M. Alexandre Basquin.  - Il est nécessaire d'évaluer les effets économiques et sociaux de cette loi : évolution des prix, marges de distributeurs et importateurs, niveau d'activité des entreprises locales et conséquences pour les opérateurs économiques et les services de l'État.

Comme le recommande le Conseil d'État, nous proposons un rapport d'étape transmis au Parlement dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi et un rapport définitif dans les vingt-quatre mois.

Mme Micheline Jacques, rapporteur.  - Il sera très difficile d'isoler les effets spécifiques de l'une ou l'autre des mesures contenues dans le projet de loi. Avis défavorable en l'état.

Mme Naïma Moutchou, ministre.  - La recommandation du Conseil d'État est de bon sens. Je suis néanmoins réservée sur la nécessité de prévoir à ce stade les éléments évalués. C'est par ailleurs le rôle du Parlement d'évaluer l'application de la loi le moment venu. Avis défavorable.

L'amendement n°108 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Ce texte donne l'illusion d'agir contre la vie chère, mais ne contient rien pour contrôler, réguler ou sanctionner. Au contraire, il reflète le souci de préserver la liberté d'entreprendre sans gêner les oligopoles. Nos sanctions manquent de conviction, chers collègues !

Nos frères et soeurs en outre-mer ne verront pas leur pouvoir d'achat augmenter. Ce projet de loi manque d'espoir et nous avons vu ce que le manque d'espoir pouvait susciter.

La vie chère n'est ni une fatalité économique ni une fatalité sociale. C'est un système injuste.

Les solutions sont à construire autour d'un contrôle renforcé et d'une plus grande intégration régionale. Je regrette que l'amendement portant sur la TVA ait été déclaré irrecevable. La Réunion a porté à 0 % le taux de l'octroi de mer sur les produits de première nécessité ; mais le Gouvernement refuse de faire de même pour celui de la TVA.

Pour lutter contre la vie chère, il eût fallu s'approcher davantage de la réalité vécue par les Françaises et les Français d'outre-mer, et non s'identifier aux grands groupes qui accaparent toujours plus de parts de marché.

Nous aurons très vite l'occasion de faire mieux en votant des mesures concrètes dans le projet de loi de finances pour 2026.

Mme Catherine Conconne .  - Je m'abstiendrai sur ce texte. À mon retour, je ne pourrai pas dire à mes compatriotes que je viens de voter un texte qui va changer le cours de leur vie en changeant le prix de leur panier.

La question de la vie chère est très complexe. Il est trop facile de penser qu'une loi pourra régler le problème.

Cette loi « extincteur » n'éteindra pas le feu de la vie chère. Elle n'a pas pris en compte le problème des revenus.

Nos pensions sont plus basses que dans l'Hexagone. J'avais obtenu de la Première ministre Élisabeth Borne le lancement d'une mission sur le sujet ; trois ans après, elle n'est toujours pas mise en oeuvre.

Ce texte est peut-être l'amorce d'une prise de conscience, mais il n'aura rien réglé.

Je tends la main à la ministre pour que nous puissions mener ensemble un vrai travail commun, sans les lieux communs, les a priori et les choses fausses que j'ai entendus ici...

Nous devons mener un travail au fond, avec des études sérieuses, sur la vie chère dans la dite outre-mer. C'est une nécessité et une obligation de l'État.

M. Akli Mellouli .  - Je l'ai dit dans la discussion générale, plusieurs sujets essentiels n'ont pas été pris en compte. Ce débat a été passionné ; il est à la hauteur de ce que nous voulons pour les ultramarins. Nous devons nous soucier de la continuité territoriale.

Pour reprendre les mots de Victorin Lurel, nous avons fait de petits pas, notamment pour les produits locaux et les sanctions.

Certes, nous ne réglerons pas tout ce soir. Les salaires ne sont pas abordés : or à moins de 2 000 euros par mois, on ne vit pas outre-mer.

Je regrette que nous n'ayons pas pu élargir le BQP ; ce faisant, nous empêchons les acteurs locaux de se saisir de tel ou tel secteur. Nous avons besoin de tous pour construire et élaborer. Comme il y a de petits pas, nous ne nous abstiendrons pas comme nous l'avions prévu initialement.

Je salue le travail des rapporteurs : il n'est pas facile de jouer ce rôle lorsque l'on est directement concerné. Merci aussi au Gouvernement pour son ouverture.

M. Victorin Lurel .  - J'ai été élu pour légiférer, décider et essayer d'avancer un petit pas après l'autre.

Nous ne sommes pas totalement satisfaits, c'est vrai. Il faut changer les choses en matière de développement économique. Madame la ministre, merci pour vos avis favorables à de nombreux amendements. Nous voterons le texte et continuerons à travailler avec les députés, notamment pour réclamer un accompagnement de l'État.

Mme Viviane Artigalas .  - Nous regrettons que la continuité territoriale et la question des revenus n'aient pas été traitées. Il manque un vrai travail de ce point de vue pour l'égalité et la justice. Cette loi est imparfaite, insuffisante. Elle reprend plusieurs dispositions de la proposition de loi de Victorin Lurel, que nous avions volontairement restreinte pour pouvoir la présenter dans un temps d'ordre du jour réservé. Nous espérions que le projet de loi du Gouvernement irait plus loin. Il y a eu des avancées en commission, notamment la suppression d'irritants, comme à l'article 1er. Notre groupe votera très majoritairement ce projet de loi.

Mme Lana Tetuanui .  - Quand je lis l'intitulé du projet de loi, je suis tentée d'ajouter « à l'exception de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. » Cela fait dix heures que l'on parle de tout, sauf de nous.

Vous nous avez servi un plat sans saveur - j'assume ces propos.

La vie chère en outre-mer a commencé après le covid. Nous avons tous alerté alors. Je salue la force de conviction de l'ancien ministre des outre-mer, M. Lurel. À un moment, je me suis même demandé ce qu'il avait fait lorsqu'il était ministre... (Rires), Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire ! J'en ai vu passer, des ministres des outre-mer...

Que s'est-il passé après le covid ? Une explosion des prix dans toutes les outre-mer. Le 26 juin dernier, l'assemblée de Polynésie française a émis un avis très défavorable à ce projet de loi.

M. le président.  - Merci, ma chère collègue.

Mme Lana Tetuanui.  - A-t-il une chance de prospérer après le Sénat au regard du contexte politique ? Personnellement, je m'abstiendrai.

M. Dominique Théophile .  - Ce texte n'enlève rien, mais il ne change rien. Il n'enlève rien au texte de 2012, mais n'ajoute rien. Des propositions finalement écartées en 2012 ont même été recyclées... En 2009, il y avait eu la lutte contre la « profitation » en Guadeloupe. Après la Guadeloupe, cela a été le tour de la Martinique.

Nos compatriotes n'attendent pas de la littérature sur la manière de coincer tel ou tel grand groupe, mais que le prix soit juste au regard du prix en métropole. Les salaires sont plus bas et les prix plus élevés : comment nos territoires peuvent-ils résister ?

Le président Patriat vous a tendu la perche à l'article 5. Après la suspension de séance, vous renvoyez tout cela aux calendes grecques. L'État sera pourtant obligé de mettre sa quote-part.

Si nous nous limitons aux petits pas, nous aurons un bouleversement générationnel.

Ce texte n'apporte rien aux peuples de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane.

Attendons ce qui se passera à l'Assemblée nationale ; j'espère un remaniement profond du texte. En l'état, nous nous abstiendrons.

M. Frédéric Buval, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Après les nombreuses crises qu'a connues la Martinique, ce texte est très attendu. Mais dépourvu des articles 1er et 5, il risque d'en décevoir plus d'un.

Sur le protocole d'accord de la Martinique, je suis déçu que le Gouvernement revienne sur la parole donnée par l'État, élément pourtant essentiel de notre contrat social.

Je le dois aux Martiniquais qui m'ont mandaté pour défendre leurs intérêts : en conscience et responsabilité, j'ai décidé de m'abstenir. (Mme Frédérique Puissat marque son agacement.) Mais je remercie notre présidente Dominique Estrosi Sassone...

Mme Frédérique Puissat.  - Nous aussi !

M. Frédéric Buval, rapporteur.  - ...qui nous a accompagnés lors de l'examen de ce texte, (se tournant vers Mme Frédérique Puissat) ainsi que tous les membres de la commission des affaires économiques.

Mme Annick Girardin .  - C'est clair, nous ne sommes pas à la hauteur des espoirs soulevés par ce projet de loi ni des attentes des Martiniquais après les violences qu'ils ont connues. Mais nous avons quelques avancées. Le RDSE votera dans sa presque totalité ce projet de loi. Pour ma part, je m'abstiendrai. J'ai encore l'espoir que le texte soit enrichi à l'Assemblée nationale. Madame la ministre, je sais que vous le souhaitez également.

M. Marc Laménie .  - Je rends hommage aux rapporteurs, aux membres de la commission des affaires économiques et à ceux de la délégation aux outre-mer. Ce sont des sujets que vous vivez et que vous connaissez dès lors bien mieux que nous.

Je me souviens de l'audition des chefs d'entreprise intervenant dans le secteur de la distribution dans le cadre de la commission d'enquête aides publiques. Cela nous a beaucoup éclairés. La tâche est immense.

Les textes budgétaires s'annoncent. Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi.

Mme Frédérique Puissat .  - Il est un peu tard et nos esprits s'embrouillent. Revenons au bon sens !

Des amendements ont été travaillés et les articles ont tous été adoptés. Certains veulent s'abstenir dans ces conditions... Il faut être cohérents ! Notre groupe votera le texte.

M. Teva Rohfritsch.  - Chacun fait ce qu'il veut ! Et la liberté de vote ? (M. Dominique Théophile proteste également.)

Mme Catherine Conconne.  - Je n'ai pas voté tous les articles ! Respectez la démocratie !

Le projet de loi est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 29 octobre 2025, à 15 heures.

La séance est levée à minuit cinquante.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 29 octobre 2025

Séance publique

À 15 heures, 16 h 30 et le soir

Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente M. Loïc Hervé, vice-président

1Questions d'actualité

2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (texte de la commission, n°46, 2025-2026)

3. Deux conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l'échange de permis de conduire (procédure accélérée) (texte de la commission, n°62, 2025-2026)

=> Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord (texte de la commission, n°60, 2025-2026)

4. Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (procédure accélérée) (texte de la commission, n°52, 2025-2026)

5. Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire (texte de la commission, n°55, 2025-2026)

6. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l'accord du 12 juillet 2025 et sa mise en oeuvre (texte de la commission, n°80, 2025-2026)