c) La dette de l'Etat à l'égard des régimes de retraite AGIRC-ARRCO

Par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement entendait faire prendre en charge sa dette ancienne à l'égard des régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.

Le règlement du contentieux des périodes Fonds national de l'emploi (FNE)
entre les régimes de retraite complémentaire et l'Etat.

Un contentieux opposait depuis 1984 les régimes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC à l'Etat au sujet du financement des droits de retraite attribués par ces régimes, pour les périodes pendant lesquelles les salariés sont indemnisés au titre du Fonds national de l'emploi ou des autres allocations du régime de solidarité.

L'Etat s'était engagé en 1984 à rembourser à ces régimes la charge des allocations correspondant aux points attribués selon ces modalités.

Si l'inscription des points au profit des préretraités a bien été effectuée par les régimes, les factures adressées à l'Etat à ce titre étaient restées impayées.

Constatant l'absence de contribution de l'Etat, les partenaires sociaux avaient décidé, pour faire pression, de subordonner l'attribution de nouveaux droits à compter du 1 er juillet 1996 à son engagement explicite de les financer.

Depuis 1998, les rencontres s'étaient multipliées entre les représentants des régimes et le cabinet de Martine Aubry. Le 23 mars 2000, une convention conclue entre l'Etat, d'une part, l'ARRCO et l'AGIRC, d'autre part, précise les modalités de règlement du contentieux.

Le remboursement au titre des cotisations antérieures se monte à 2,025 milliards de francs en faveur de l'AGIRC et 7,425 milliards de francs en faveur de l'ARRCO. Par ailleurs, les pouvoirs publics prennent en charge, à partir du 1 er janvier 1999, 70 % des cotisations aux régimes complémentaires relatives aux périodes de préretraite ou de chômage, cotisations calculées sur la base du salaire de la dernière année d'activité.

La liquidation de la dette se fera sur plusieurs années, ce qui pose la question de son impact sur le FSV.

Malgré l'opposition du Sénat, le Gouvernement a maintenu ce montage qui soulage le budget de l'Etat mais qui alourdit les dépenses du FSV 91 ( * ) .

Si le Conseil constitutionnel a censuré cet article du projet de loi de financement, le Gouvernement l'a néanmoins réintroduit dans le projet de loi de modernisation sociale 92 ( * ) .

En sus des difficultés comptables qu'il présente 93 ( * ) , l'adoption de ce dispositif aboutirait à transférer une charge de 14 milliards de francs au FSV sur la période, hors intérêts financiers (20 milliards de francs intérêts financiers compris).

Les conséquences comptables de la prise en charge de la dette
AGIRC-ARRCO par le FSV

Par une lettre en date du 30 novembre 2000, le directeur du FSV alertait le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur les conséquences comptables de cette mise à la charge du fonds de la dette contractée par l'Etat envers les régimes AGIRC-ARRCO.

« J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur les conséquences comptables de la prise en charge par le fonds de solidarité vieillesse des validations, pour la retraite complémentaire, des périodes de chômage et de préretraite indemnisées par l'Etat.

« L'article 22 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 prévoit en effet que le FSV finance, dans des conditions prévues par la convention du 23 mars 2000 entre l'Etat, d'une part, l'AGIRC et l'ARRCO, d'autre part :

« - les cotisations dues à compter du 1 er janvier 1999 au titre des périodes de perception de l'ASS, des PRP et des ASFNE ; la charge annuelle correspondante peut être estimée à 2,2 milliards de francs ;

« - le remboursement des sommes dues antérieurement au 1 er janvier 1999, pour la validation des périodes de perception de ces allocations ; le montant total de la dette est fixé, dans la convention du 23 mars 2000 précitée, à 9.450 millions de francs en 2000.

« En application de la convention conclue avec l'Etat, les régimes complémentaires ont procédé, dans leurs comptes de l'année 1999, à l'inscription au bilan de la créance au titre des exercices antérieurs à 1999 et ont intégré, dans leur compte de résultat 1999, les cotisations à recevoir au titre des périodes indemnisées au cours de cet exercice.

« Ainsi, au titre de chaque exercice postérieur à 1999, les régimes complémentaires seront amenés à constater dans leur compte de résultat un produit correspondant aux cotisations dues par le FSV au titre des périodes indemnisées au cours de l'exercice considéré.

« En conséquence, la constatation des créances des régimes complémentaires de retraite dans les comptes du FSV, selon des écritures « miroirs » à celles de l'AGIRC et de l'ARRCO, devrait amener notre établissement à constater, au titre de l'exercice 2000, une charge estimée à 13,3 milliards de francs.

« Ce montant correspond, d'une part, à la dette au titre des exercices antérieurs à 1999, soit 9,45 milliards de francs, minorée du versement de l'Etat de 0,65 milliard de francs intervenu à l'été 2000, et, d'autre part, aux cotisations dues par le FSV au titre des périodes indemnisées en 1999 et 2000, soit environ 4,5 milliards de francs.

« Pour les exercices postérieurs à l'année 2000, le FSV constaterait chaque année une charge correspondant aux validations des périodes d'ASS et de préretraite indemnisées au cours de l'exercice, selon des modalités similaires à celles d'ores et déjà appliquées pour la retraite de base.

« La constatation de ces dettes conduirait néanmoins à rendre négatifs les capitaux propres de la section de solidarité du FSV dès l'exercice 2000. En effet, les fonds propres de l'établissement s'élèvent, à fin 1999, à 8.637 millions de francs. Ils s'établiraient autour de - 4,3 milliards de francs à fin 2000 et de - 6 milliards de francs à fin 2001.

« L'obligation d'équilibre financier prévue à l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale ne serait plus remplie.

« Dans ce contexte, toute dotation de la section des opérations de solidarité du FSV au fonds de réserve devrait être écartée, dans l'attente de la reconstitution des capitaux propres de cette section.

« Dans la perspective du prochain conseil d'administration du FSV, qui devrait se tenir le 14 décembre 2000, je vous serais très obligé de me faire savoir si vous partagez cette analyse et, le cas échéant, vos précisions sur la traduction comptable des engagements pris par le FSV au titre de l'article 22 du PLFSS pour 2000.

« En effet, si cette interprétation des textes en vigueur se confirme, et en accord avec le président du conseil d'administration du fonds, je serais contraint de proposer au conseil d'administration de constater l'intégralité des créances des régimes complémentaires vis-à-vis du FSV.

« Sur les deux exercices 2000 et 2001, les créances des régimes complémentaires atteignent 15 milliards de francs.

Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour sa part estime que l'article qui transfère à la charge du fonds cette dette, se contente de fixer un échéancier et, seules doivent être prises en compte, à ce titre, les sommes qui seront effectivement déboursées dans l'année.

La règle des droits constatés suppose que, soient imputées sur l'année « n » les charges dont la contrepartie est certaine, même si le décaissement intervient lors d'exercices ultérieurs.

La position du ministère de l'Emploi et de la Solidarité n'est en conséquence pas tenable.

Les charges dues par l'Etat au titre des années antérieures à 1999 sont réelles et constatées. Comme le rappelle le directeur du FSV, les organismes AGIRC-ARRCO ont déjà inclus dans leurs comptes ces créances. Il n'y a donc pas de raison de prévoir un dispositif spécial aboutissant à introduire, dans des comptes en droits constatés, des éléments évalués selon le principe encaissement/décaissement, au rythme fixé par la convention.

Alors que l'article L. 135-3-4 du code de la sécurité sociale dispose que les recettes et les dépenses du fonds sont équilibrées, une telle interprétation a pour objet de contourner l'obligation d'équilibre du FSV et pour conséquence d'introduire un sérieux problème d'insincérité budgétaire.

Le fonds de réserve fait bien évidemment les frais de cette manipulation comptable comme l'indique le directeur.

* 91 Cf. M. Alain Vasselle, rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, n° 67 (2000-2001), tome III, pages 42 et suivantes .

* 92 Projet de loi de modernisation sociale, article 11 bis nouveau.

* 93 C f. encadré : Les conséquences comptables de la prise en charge de la dette AGIRC, ARRCO pas le FSV.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page