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Table des matières
Conséquences du classement en zone agricole lors de l'élaboration d'un PLU
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Travaux de consolidation de la RD 900
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Construction de logements sociaux à Châteauneuf-sur-Isère
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Suppression du tarif « Livres et Brochures » de La Poste
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Conséquences des fouilles archéologiques préventives sur les projets d'aménagements
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Fin de la gratuité sur une portion de l'A40
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Dérogation au calendrier d'intervention pour l'entretien des rivières
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique
Responsabilité élargie du producteur dans le bâtiment
M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de M. Didier Rambaud
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique
Lutte contre le frelon asiatique
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique
Réforme de la taxe d'aménagement
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique
Accompagnement des étudiants internationaux en France
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Suppressions de postes et décharge des directeurs d'école à Paris
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Cadre réglementaire de l'accueil familial
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Hausse de la cotisation employeur à la CNRACL
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Déchets d'activités de soins à risques infectieux
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Prime Ségur pour les maisons d'accueil et de résidence pour l'autonomie
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Traitements contre la dépendance aux opioïdes
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Urgences hospitalières dans le Calvados
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Prise en charge des molécules onéreuses pour les bénéficiaires de l'Aide sociale à l'enfance
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Nouveau barème de sanctions applicable aux bénéficiaires du RSA
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins
Dispositif national d'accompagnement des projets et initiatives des Cuma
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Coupes budgétaires dans la filière bio
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Postes dans l'enseignement agricole public
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Aviculteurs confrontés à la salmonellose
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Sécurité publique dans le Pas-de-Calais
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Financement européen de l'islam radical
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Difficultés d'accès à l'examen du permis de conduire
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Problèmes assurantiels des Sdis
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Statistiques pénales en matière de contrebande de tabac
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Prolifération des faux salons de massage
Impact environnemental de l'industrie textile (Procédure accélérée - Suite)
Mise au point au sujet d'un vote
Organisation, gestion et financement du sport professionnel (Procédure accélérée)
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Mises au point au sujet d'un vote
Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation (Procédure accélérée)
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur
Ordre du jour du mercredi 11 juin 2025
SÉANCE
du mardi 10 juin 2025
100e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Xavier Iacovelli, vice-président
Secrétaires : Mme Céline Brulin, M. Fabien Genet.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Conséquences du classement en zone agricole lors de l'élaboration d'un PLU
Mme Laurence Garnier . - Lors de l'élaboration de leurs plans locaux d'urbanisme (PLU), les maires sont incités, voire contraints, à déclasser des espaces à urbaniser, classés U, pour les basculer en espaces agricoles classés A afin de préserver les espaces naturels et agricoles dans le cadre de la loi ZAN, laquelle appelle quelques évolutions - c'est le sens de la proposition de loi Trace.
Ces changements de zonage ont des conséquences importantes pour les finances des communes. Lorsque les parcelles sont vendues en zone à urbaniser, elles génèrent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), au profit des communes. En revanche, lorsqu'elles sont basculées en zone agricole, les communes sont privées de ces droits de mutation au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). C'est le cas, par exemple, de la commune de Saint-Molf en Loire-Atlantique : le maire enrichit la Safer et appauvrit sa commune. Résultat : une forme de schizophrénie pour nos élus locaux.
Comment corriger cette anomalie et redonner de l'autonomie financière aux communes ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Les PLU sont élaborés en fonction des circonstances locales.
Le classement d'un hameau en zone A se justifie uniquement par son potentiel agricole ou par son éloignement de l'enveloppe urbaine. Saint-Molf a classé certains de ses hameaux en zone A au vu de leur potentiel en matière de continuité écologique.
Mais le classement d'un terrain en zone A n'entraîne pas nécessairement une perte des DMTO en cas de vente. Les Safer peuvent y exercer leur droit de préemption ; elles peuvent aussi acquérir des terrains à l'amiable et les acquéreurs sont exonérés de droits de mutation.
Les opérations menées par les Safer sont soumises au contrôle strict des commissaires du Gouvernement chargés de l'agriculture et des finances, qui vérifient si leur intervention est légitime.
Mme Laurence Garnier. - Merci pour cette réponse technique.
Je tenais à vous faire part du désarroi du maire de Saint-Molf, partagé par nombre de ses collègues. Avec la suppression de la taxe d'habitation, les communes ont perdu une grande part de leur autonomie financière ; il est temps de la restaurer.
Travaux de consolidation de la RD 900
M. Jean-Yves Roux . - La route départementale (RD) 900 est un axe de transport stratégique entre la France et l'Italie, ainsi que pour les habitants de Barcelonnette et de la haute vallée de l'Ubaye.
Un éboulement a eu lieu le 7 février dernier, au lieu-dit « La Rochaille », situé dans la commune de Saint-Paul-sur-Ubaye, entraînant des fermetures prolongées de la route pour en assurer la sécurité.
La RD 900, axe particulièrement important pour les futurs jeux Olympiques de 2030, est particulièrement vulnérable, car elle est exposée à de nombreux risques naturels, tels que les chutes de blocs et les coulées de boue. Le dérèglement climatique accentue le phénomène.
Depuis 2018, le département des Alpes-de-Haute-Provence investit chaque année entre 1 et 2 millions d'euros. Mais des travaux d'ampleur sont indispensables : un investissement exceptionnel de 50 millions d'euros est prévu cette année.
La charge des travaux repose très majoritairement sur le département, alors qu'il s'agit d'une route essentielle à l'activité économique nationale et européenne.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : l'État sera-t-il aux côtés du département pour faire face à cette opération d'envergure ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Le Gouvernement est bien conscient de la nécessité de sécuriser la RD 900.
La gestion de cette route ne relève pas de la compétence de l'État, qui peut toutefois apporter son aide face à une situation exceptionnelle. Ainsi, en décembre 2023, 11 millions d'euros ont été versés au titre de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSECG). De plus, des financements européens ont permis le versement de 3 millions d'euros pour des travaux urgents.
Il s'agit d'assurer le financement de la dernière phase du chantier ; le préfet a bien identifié le dossier. En lien avec le département, les services de l'État contribueront à la définition d'un projet financièrement soutenable. Le cabinet du préfet ne manquera pas de vous tenir informé.
M. Jean-Yves Roux. - J'espère que nous aurons le soutien de l'État, car il est très difficile de mobiliser 50 millions d'euros pour l'entretien des routes dans un petit département rural.
Construction de logements sociaux à Châteauneuf-sur-Isère
M. Bernard Buis . - La configuration du centre-ville de Châteauneuf-sur-Isère, dans la Drôme, et la présence d'une zone agricole protégée (ZAP) l'empêchent d'atteindre les objectifs imposés à certaines communes par l'article 55 de loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), à savoir disposer de 25 % de logements sociaux - 20 % pour les zones moins tendues.
Ces difficultés ont conduit l'ancien maire, Frédéric Vassy, à démissionner le 30 janvier dernier. Depuis, Agnès Jaubert, devenue maire le 10 février, et les élus font face à une situation intenable. Selon le préfet, le taux de logements sociaux s'élève à 12,68 %. Pourtant, la commune a atteint les objectifs triennaux pour la période 2023-2025, avec à la clé un report pour les dépenses déductibles, qui risque toutefois d'être insuffisant.
Quelles pistes pourraient être envisagées afin de limiter le rythme de rattrapage de la commune de Châteauneuf-sur-Isère ? Serait-il opportun de modifier le délai de report du surplus des dépenses déductibles ? Les objectifs de la loi SRU pourraient-ils faire l'objet d'aménagements ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville . - Le principe de la loi SRU est simple : développer une offre de logement social équilibré sur le territoire national dans un objectif de mixité sociale. Mais ses mécanismes sont plus complexes.
Une trajectoire de rattrapage est prévue pour les communes qui n'atteignent pas le taux cible de 20 ou 25 % de logements sociaux : cela se traduit par un objectif de production de logements sociaux sur trois ans.
Un prélèvement sur les dotations des communes est calculé à partir du nombre de logements sociaux manquants. Lorsque les communes engagent des dépenses pour soutenir la production des logements sociaux, ces dépenses sont déduites des prélèvements. Le dispositif est assorti de mécanismes de report pour les objectifs de réalisation comme pour les dépenses déductibles.
Nous souhaitons de nouveau rassurer Mme la maire. Entre 2020 et 2022, la commune a réalisé 185 % de l'objectif de 59 logements sociaux. Grâce à ce résultat remarquable, la commune devra seulement produire neuf logements sociaux supplémentaires en trois ans.
Au début du mois, Valérie Létard a lancé la campagne d'exemption du dispositif SRU pour la période 2026-2028. Les remontées des collectivités seront étudiées avec attention afin que les obligations pour la prochaine période triennale ciblent bien les communes où les besoins sont réels.
Dysfonctionnements de l'AEFE
Mme Olivia Richard . - Les écoles homologuées et leurs partenaires, qui constituent le réseau de l'enseignement français à l'étranger, accueillent une part importante d'élèves boursiers et reçoivent à ce titre une enveloppe de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Depuis plusieurs mois, les conseillers des Français de l'étranger nous alertent sur de nombreux dysfonctionnements. Cette année bat tous les records avec les bugs ayant émaillé le lancement d'un nouveau logiciel, Scolaide, sans parler des retards récurrents pour le versement des salaires des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Certains établissements connaissent des retards de paiement inacceptables, comme en Turquie.
Je salue l'investissement de Florence Ö?ütgen, conseillère des Français de l'étranger : grâce à elle, j'ai alerté l'AEFE à de nombreuses reprises. Depuis, rien : l'AEFE accuse de nombreux retards dans les versements et l'incertitude est totale pour les établissements.
Quand ces dysfonctionnements graves seront-ils réglés ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - L'AEFE a en effet rencontré des difficultés dans la mise en paiement des acomptes dus aux établissements lors de la compagne 2024-2025. Elle reste toutefois tributaire de la réactivité des établissements à fournir des bilans finalisés et des éléments de paiement valides.
Les retards de paiement, heureusement, ne touchent qu'une partie du réseau : plus de 19 millions d'euros ont été versés dès l'automne 2024, sur un total de 30 millions d'euros de premiers acomptes dus au titre des bourses.
Les difficultés se sont accumulées pour les établissements situés en Turquie. La Petite École a transmis son bilan rapidement, mais des difficultés ont émaillé les échanges avec l'AEFE, notamment pour obtenir certains documents.
La mise en oeuvre de la plateforme Scolaide, qui doit répondre aux besoins de sept types d'utilisateurs, est particulièrement complexe. Le prestataire a apporté des correctifs et l'AEFE, pleinement mobilisée pour résoudre les difficultés, a sollicité des renforts. Les postes consulaires et les établissements ont bénéficié d'un accompagnement personnalisé.
?Suppression du tarif « Livres et Brochures » de La Poste
M. Christophe Chaillou . - Depuis le 1er juillet 2025, le tarif « Livres et Brochures » de La Poste est supprimé. Ce service, très prisé par les maisons d'édition distribuant leurs ouvrages à l'étranger, permettait d'expédier des livres et des brochures à un coût proportionnel au poids de l'envoi.
La suppression de ce tarif, qui avait pour but de renforcer l'influence culturelle de la France à l'étranger et de promouvoir la francophonie, est un coup très dur porté aux libraires et aux éditeurs indépendants et risque, par ailleurs, d'accentuer le déséquilibre avec les grandes plateformes qui disposent de solutions pour en limiter l'impact. Le prix d'un envoi postal d'un ouvrage de quatre cents pages passerait ainsi de 1,74 à 37,30 euros, soit près de 2 000 % d'augmentation, ce qui suscite l'inquiétude des acteurs du secteur.
Quelles mesures sont-elles envisagées pour soutenir les entreprises concernées et pour préserver l'influence de la culture française et de la francophonie ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Cette suppression fait suite à la décision de l'Union postale universelle d'octobre 2023 de rendre la fourniture du service de sacs spéciaux contenant des documents imprimés facultative à compter du 1er janvier 2025.
Elle s'explique par la difficulté croissante d'assurer l'acheminement des envois - près de 90 % des opérateurs postaux mondiaux ayant supprimé cette offre, La Poste ne pouvait plus garantir la distribution des colis - et par la diminution des volumes expédiés compromettant la soutenabilité de cette offre.
Le ministère a développé une politique de soutien à la circulation des livres français à l'étranger qui s'appuie sur les librairies locales. Ainsi, le groupage de transport rend l'acheminement des livres plus économique - et plus écologique - , ce qui permet aux librairies francophones de présenter la diversité éditoriale française. L'État apporte aussi des aides grâce au Centre national du livre (CNL).
M. Christophe Chaillou. - Ces mesures risquent malheureusement de ne pas suffire.
?Audiovisuel public
M. Alexandre Basquin . - Le Gouvernement réduit sans cesse les crédits de l'audiovisuel public ; les salariés de ces entreprises tiennent difficilement les objectifs assignés et les moyens des rédactions régressent. Le projet de holding regroupant France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) va au-delà et remet en cause l'indépendance budgétaire, voire éditoriale, de l'audiovisuel public.
Alors que la désinformation et les ingérences progressent, il faudrait renforcer les médias publics, gages d'une information fiable, indépendante des lobbys privés, indispensables à notre démocratie.
Comment comprendre la disparition de radio Mouv', pourtant destinée à un jeune public ? Pourquoi déstabiliser la rédaction de France Inter, radio la plus écoutée de France ?
Lutter contre la désinformation passe par un engagement massif dans l'audiovisuel public, comme en Allemagne.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Les entreprises audiovisuelles publiques doivent contribuer à l'effort de maîtrise de la dépense publique, comme l'ensemble des administrations et des opérateurs de l'État.
En 2024, l'équilibre des comptes de France Télévisions et de Radio France n'a pas été bouleversé et le dialogue se poursuit s'agissant des modalités pour 2025. La trajectoire budgétaire 2024-2028 sera en revanche révisée et les échanges aboutiront pour le PLF 2026.
S'agissant de la réforme de la gouvernance, l'ambition du Gouvernement est de renforcer l'audiovisuel public grâce à une offre éditoriale enrichie et à une organisation plus efficiente, particulièrement pour lutter contre la désinformation.
Radio Mouv' sera transformée en offre musicale exclusivement disponible sur le numérique. Plus généralement, Radio France enrichira ses offres destinées aux jeunes publics. Ces évolutions se feront dans le respect des personnels en poste.
M. Alexandre Basquin. - Il est contradictoire de vouloir lutter contre la désinformation et de réduire les moyens de l'audiovisuel public.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. - Des moyens plus efficaces !
Conséquences des fouilles archéologiques préventives sur les projets d'aménagements
Mme Sylviane Noël . - La réalisation de fouilles archéologiques préventives, imposée par le code du patrimoine, a un sérieux impact sur le calendrier d'un projet d'aménagement. Il n'est pas rare que des maires attendent deux à trois ans leur diagnostic archéologique avant de démarrer les travaux, car l'Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap) qui les réalise en majorité est très sollicité.
Cela pénalise les collectivités locales, car il s'agit souvent de projets d'intérêt général majeur comme la construction d'hôpitaux. Ce retard peut parfois rendre caduques les offres de marchés lancées ou remettre en cause les subventions accordées. Cela a aussi des effets sur l'emploi et les entreprises.
Quelles actions le Gouvernement pendra-t-il pour mieux soutenir les collectivités afin de concilier au mieux développement économique et social de nos territoires et conservation de notre patrimoine culturel ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Ces mesures s'agissant du patrimoine archéologique national sont importantes.
Dans un contexte de fort dynamisme s'agissant de l'aménagement du territoire depuis 2020, l'Inrap peine à effectuer sa mission dans des délais raisonnables : en 2024, 2 000 diagnostics étaient réalisés, plus de 3 000 restant en stock.
Les services du ministère de la culture soutiennent les collectivités réalisant des diagnostics d'archéologie préventive avec un dispositif de subventions révisé en 2022 : soixante-trois services de collectivités sont habilités pour réaliser des diagnostics et les subventions allouées sont passées de 9,8 millions d'euros en 2017 à 12,3 millions en 2025.
Le projet de loi de simplification de la vie économique allègera cette procédure pour les projets d'intérêt national majeur. Madame la sénatrice, l'État s'efforce de concilier le développement économique et la conservation du patrimoine de nos territoires.
Fin de la gratuité sur une portion de l'A40
M. Cyril Pellevat . - L'Autorité de régulation des transports (ART) a décidé de supprimer la gratuité du tronçon de l'A40 reliant Annemasse à Saint-Julien-en-Genevois.
Cette mesure affectera les travailleurs frontaliers qui empruntent chaque jour cet axe structurant ; cela risque d'aggraver la congestion de la RD 1206, de reporter le trafic sur les routes secondaires et d'accroître les nuisances pour les riverains.
Ce nouveau péage est une charge supplémentaire pour les ménages. Il remet en cause l'accessibilité du territoire et fragilise son attractivité. Selon un sondage, 83 % des répondants sont opposés à cette mesure. Les élus locaux demandent le retour à la gratuité.
Le Gouvernement envisage-t-il de revenir sur cette décision ? À défaut, quelles mesures concrètes entend-il mettre en place ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Cette section de l'A40 n'a jamais été gratuite : entre 1991 et 2016, les frais d'exploitation étaient pris en charge par le département de la Haute-Savoie, qui n'a pas souhaité proroger cette convention, ce qui a conduit à une situation de non-droit dénoncée par la Cour des comptes en 2019.
Le principe du péage est inéluctable : il favorisera une tarification plus juste et une plus grande égalité entre usagers.
Des mesures d'accompagnement sont prévues : un abattement exceptionnel de 35 % dès le premier trajet pour les usagers disposant d'un badge et des réductions pour les usagers fréquents qui paieront moins d'un euro leur trajet.
Des aménagements amélioreront les conditions de circulation.
Enfin, les études montrent un impact infime - de l'ordre de 3 % - sur le réseau secondaire. Cela dit, une enveloppe de 750 000 euros est prévue pour des aménagements éventuels.
M. Cyril Pellevat. - Ce tronçon peut être considéré comme une autoroute de contournement du Grand Genève ; aussi, je regrette l'absence de réunion avec nos homologues suisses pour trouver des solutions de financement. L'impact sur le réseau secondaire sera plus important au regard de l'augmentation de la population. (Mme Sylviane Noël applaudit.)
Dérogation au calendrier d'intervention pour l'entretien des rivières
Mme Anne-Sophie Romagny . - Il s'agit d'une urgence primordiale, objet de deux questions écrites de ma part restées sans réponse. En raison des précipitations et des crues intenses, les syndicats d'aménagement des rivières et les riverains ont des difficultés pour l'entretien annuel des cours d'eau : les berges et les rives étant sous les eaux, les techniciens de rivière ne peuvent pas intervenir ; les entreprises compétentes sont de plus en plus rares et doivent allonger leur période d'intervention pour répondre aux demandes.
Depuis plus de deux ans, la période d'intervention, limitée à quelques mois par le calendrier préconisé dans les déclarations d'intérêt général (DIG), ne permet pas l'entretien des rivières et des ripisylves qui sont alors immergées.
Il est impératif de déroger à l'interdiction d'intervention sur les rives de mars à octobre. Je compte sur votre pragmatisme pour donner une réponse claire et favorable aux élus locaux.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - La possibilité d'adapter les périodes d'intervention existe déjà.
Tout d'abord, l'interdiction de tailler les haies du 16 mars au 15 août en raison de la nidification de nombreuses espèces d'oiseaux ne s'adresse qu'aux agriculteurs qui bénéficient de la PAC. Ensuite, dans les arrêtés de DIG, des dates sont souvent préconisées, mais rarement obligatoires ; elles sont parfois souples, sans mention de jours précis. Il est donc possible de les adapter aux conditions climatiques de l'année en cours. Enfin, ces prescriptions peuvent être modifiées ou adaptées à la demande du bénéficiaire ou à l'initiative du préfet : les syndicats de rivières peuvent déjà demander au préfet des adaptations en cas d'intempéries.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Il s'agit de l'entretien des rivières, non pas de la taille des haies. L'État doit encourager les préfets à procéder à de telles dérogations. Nous risquons des inondations et, si des barrages cèdent, la population en aval sera touchée.
Responsabilité élargie du producteur dans le bâtiment
M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de M. Didier Rambaud . - M. Didier Rambaud alerte le Gouvernement sur les dysfonctionnements du dispositif de responsabilité élargie du producteur (REP) dans le secteur du bâtiment, auquel il est soumis depuis mai 2023 en vertu de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire (Agec), qui visait à améliorer le recyclage des déchets de chantier, notamment en garantissant une reprise gratuite et simple des matériaux, en contrepartie d'une écocontribution.
La REP impose aux producteurs de matériaux de financer la collecte et le recyclage des déchets de chantier, dans un secteur qui en produit 46 millions de tonnes par an.
Le système vertueux promis ne correspond pas à la réalité : les performances de collecte des déchets de catégorie 1 sont identiques à celles réalisées avant la mise en place de la REP, et seuls 7 % des déchets de catégorie 2 sont effectivement repris.
La majorité des volumes ne sont pas couverts par les points de collecte existants et la reprise sur chantier.
Plus inquiétant, il n'y aurait pas de réelle contrepartie de service alors que les éco-organismes privés augmentent les tarifs des écocontributions sans préavis ni transparence, rendant toute anticipation impossible. La fédération du BTP de l'Isère souhaite une correction en profondeur du dispositif, pour plus de transparence, et une gouvernance équilibrée associant les acteurs de terrain.
Malgré un moratoire et diverses annonces de refondation de la REP et l'adoption le 15 mai dernier au Sénat de la proposition de loi introduisant un critère d'écomodulation, les professionnels craignent une réforme cosmétique. Quelle réforme le Gouvernement pourrait-il envisager ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - La REP visait à lutter contre les dépôts sauvages, en créant un réseau de points de collecte, et à développer le recyclage et l'écoconception des matériaux de construction. Cette filière était très attendue par les collectivités territoriales qui paient 400 millions d'euros par an pour gérer les dépôts sauvages.
Le déploiement de la filière repose sur la gratuité de la reprise des déchets lorsqu'ils sont triés et sur un maillage resserré de points de collecte. Les éco-organismes soutiennent financièrement les opérateurs pour couvrir les coûts de collecte, sans discrimination, dès lors qu'ils acceptent des contrats types.
Toutefois, des difficultés ont dégradé la maîtrise des coûts et ralenti le déploiement des points de collecte. Le 20 mars, Agnès Pannier-Runacher a annoncé un moratoire sur les mesures devant rentrer en vigueur en 2025 et a consulté la filière. Fin juin, le périmètre du moratoire et les orientations seront précisés, en vue d'aboutir à un nouveau cahier des charges à la fin de l'année.
Lutte contre le frelon asiatique
M. Michaël Weber . - Quand le décret d'application de la loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique sera-t-il publié, en concertation avec la filière ? Chaque année, la pression de cette espèce exotique invasive s'intensifie, devenant l'une des principales causes de surmortalité et de déclin des populations d'abeilles domestiques. Cela nécessite une réponse rapide des pouvoirs publics, à la mesure de l'urgence.
Tout retard d'application de la loi risque d'amplifier les dégâts causés par cette espèce et le danger que celle-ci fait peser sur la biodiversité, l'agriculture et la santé publique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - La loi, adoptée à l'unanimité en 2025, apportera des réponses concrètes. Le Gouvernement agit déjà avec le plan Pollinisateurs, en vue d'améliorer l'efficacité des instruments disponibles, mais aussi avec le fonds vert, qui finance des actions de lutte aux côtés des collectivités territoriales.
La loi prévoit un plan national décliné localement. Le décret d'application est en cours de préparation par le ministère de la transition écologique et de la biodiversité, en lien avec le ministère de l'agriculture ; il sera publié au plus vite.
La mise en oeuvre de la loi, ses déclinaisons locales et les mesures concrètes seront précisées lors de l'élaboration du plan national. Ce travail sera mené dans un esprit de concertation élargi, permettant d'être pertinent et pragmatique. Nous souhaitons pleinement mettre en oeuvre cette loi dans les plus brefs délais.
M. Michaël Weber. - Le plan Pollinisateurs est utile, mais insuffisant. J'espère que le temps consacré à la rédaction du décret est utilisé pour de bonnes raisons et non pour se fonde dans l'ambiance actuelle, hostile à l'environnement. Cette loi a été adoptée à l'unanimité et doit être mise en oeuvre le plus rapidement possible. Il y va de la biodiversité et de la vie sur Terre.
Pass numérique
Mme Karine Daniel . - La société Aptic, qui éditait le pass numérique pour lutter contre l'illectronisme, a été liquidée il y a plus d'un an. Sur 13 millions de Français éloignés du numérique, 400 000 personnes ont bénéficié du pass.
Les structures ayant favorisé cette inclusion numérique n'ont aucune nouvelle de leurs créances non payées par Aptic et sont en grande difficulté.
Que prévoyez-vous pour les aider et quel dispositif sera mis en place en 2025 pour remplacer le pass numérique ? Revient-il aux collectivités de se substituer au dispositif, dans un contexte financièrement difficile, et avec quelle équité d'accès ? Quelles seront les compensations financières ? Il y va de la cohésion sociale.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Le Gouvernement se mobilise dans la lutte contre l'illectronisme, à laquelle je suis particulièrement attachée à l'heure de l'intelligence artificielle.
Le pass numérique a été généralisé en 2019 aux collectivités avec le soutien de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : plus de 21 millions d'euros - 11,6 millions de l'État et 10,2 millions des collectivités - devaient permettre d'accompagner 440 000 personnes éloignées du numérique. Cependant, les lieux d'accueil ont été fermés durant dix-huit mois pendant le covid-19 ; des contraintes juridiques obligeaient les collectivités à créer des régies de distribution ; la labellisation des lieux et la distribution des pass a été longue ; et le dispositif était gourmand en ressources humaines. Les crédits parvenaient difficilement aux structures. Seules 40 000 personnes ont finalement bénéficié du pass, soit dix fois moins qu'attendu. Fin 2023, aucun appel à projets n'a donc été lancé.
Toutefois, le Gouvernement reste mobilisé : depuis 2021, 4 000 conseillers numériques ont réalisé 5 millions d'accompagnements. Dans la loi de finances pour 2025, 40 millions d'euros ont été préservés pour conserver 3 000 conseillers. Le renforcement économique des structures de médiation numérique reste une priorité pour la pérennité de l'accompagnement.
Mme Karine Daniel. - Avec 3 000 conseillers numériques pour tout le territoire, quid de l'égalité d'accès à l'accompagnement, notamment dans les territoires ruraux ou les quartiers prioritaires ?
Quand un dispositif ne fonctionne pas, on cherche d'abord à l'améliorer ! Sa suppression fragilise les structures d'accompagnement, sur lesquelles vous n'avez pas répondu.
Réforme de la taxe d'aménagement
M. Jean Sol . - La loi de finances pour 2021 a transféré la gestion de la taxe d'aménagement des directions départementales des territoires (DDT) à la direction générale des finances publiques (DGFiP). La taxe d'aménagement n'est désormais exigible qu'à l'achèvement des travaux sur déclaration volontaire des contribuables. Malgré les contrôles de la DGFiP, les collectivités observent des retards de perception et des pertes et doivent également contrôler. De nombreux oublis sont constatés, notamment de propriétaires étrangers, privant les collectivités de recettes.
Envisagez-vous de reporter, par exemple dans le PLF 2026, l'obligation déclarative du contribuable vers la collectivité concernée, qui s'en acquitterait au moment de la délivrance du permis de construire ?
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique . - Le transfert à la DGFiP de la gestion de la taxe d'aménagement s'est accompagné du report de la date d'éligibilité de la taxe à la réalisation définitive des travaux, unifiant les obligations déclaratives fiscales. Un système d'acompte neutralise les effets de ce décalage pour les collectivités pour de très grands projets, étalés sur plusieurs années. La liquidation de la taxe s'appuie sur la dématérialisation des déclarations, un référentiel des délibérations des collectivités et l'automatisation du calcul des taxes d'urbanisme. Cependant, des dysfonctionnements persistent. La vérification préalable de la DGFiP pour éviter l'envoi de titres de paiement erronés freine de fait la fluidité du système.
Depuis février 2025, la DGFiP propose un processus déclaratif plus lisible. Elle a commencé à sécuriser les éléments déclarés en 2024 pour relancer les redevables n'ayant pas déclaré. En cas de décalage de reversement, les collectivités bénéficieront in fine de la recette générée par l'achèvement des constructions. Le report de la ressource est aussi dû au report du paiement à l'achèvement des travaux, notamment dans un contexte d'allongement des délais de construction. La diminution des montants collectés est fortement liée à la réduction du nombre d'autorisations d'urbanisme - moins 21 % en 2023, moins 11 % en 2022. Le décalage de calendrier et l'alignement de la taxation ont permis d'éviter l'émission de taxes pour des projets abandonnés, qui induisait auparavant une annulation de taxation a posteriori.
M. Jean Sol. - Évaluer le dispositif serait bienvenu pour remédier aux dysfonctionnements signalés régulièrement par les élus.
Accompagnement des étudiants internationaux en France
M. Akli Mellouli . - Chaque année, la France accueille des milliers d'étudiants internationaux, attirés par la qualité de notre enseignement supérieur et par son image d'émancipation, d'égalité et d'ouverture au monde. Mais cette belle vitrine cache une sombre réalité. Ces jeunes se heurtent à une succession d'obstacles. Avant même leur arrivée, ils affrontent les lenteurs et les incohérences de Campus France, qui, loin de les accompagner, représente une première barrière. En France, les épreuves continuent : pour beaucoup, obtenir ou renouveler un titre de séjour est un cauchemar administratif.
La précarité juridique s'ajoute alors à la précarité sociale. La plupart de ces étudiants ne sont pas éligibles aux bourses du Crous ni au logement universitaire. Beaucoup doivent travailler pour survivre, au détriment de leurs études. Ils suivent des cours en français sans aide linguistique. Éloignés de leur famille, ils sont isolés, faute d'intégration efficace.
L'université française, censée garantir l'égalité des chances, devient un espace de sélection injuste - une sélection sociale et raciale, envers des étudiants de pays pauvres rejetés avec une violence symbolique et matérielle qui trahit les principes mêmes de notre République, sape notre prétention à l'universalisme et fragilise notre image internationale.
Mettrez-vous fin à la tarification discriminatoire pour les non-européens ? Garantirez-vous un titre de séjour pluriannuel pour toute la durée des études, sans conditionnalité abusive ? Ouvrirez-vous l'accès aux aides sociales à tous les étudiants, sans distinction de nationalité ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Nuançons vos constats bien sombres. Les frais de scolarité des étudiants internationaux en France sont parmi les plus faibles au monde. L'enseignement supérieur français reste particulièrement attractif.
Tout étudiant en mobilité est supposé pouvoir subvenir à ses besoins matériels : c'est même un critère d'obtention du visa. Nous devons attirer des jeunes internationaux, mais seulement si toutes les conditions sont réunies.
Le ministère de l'enseignement supérieur s'investit dans l'amélioration de leur accueil. Le label Bienvenue en France a fait ses preuves. Les droits différenciés ont précisément pour objet de soutenir les politiques d'accueil des établissements, qui peuvent choisir d'octroyer des bourses aux plus méritants.
Enfin, le ministère travaille avec l'ensemble des parties prenantes pour simplifier les démarches au bénéfice des étudiants comme des établissements d'accueil. Les outils de candidature sont en cours de simplification. Les premiers résultats devraient se faire sentir dès la rentrée de 2026.
Suppressions de postes et décharge des directeurs d'école à Paris
Mme Colombe Brossel . - Depuis plusieurs mois, nous sommes nombreux à interpeller le Gouvernement sur la situation de l'école publique à Paris. Nous nous étonnons du silence sur la décharge des directeurs d'école et sur les fermetures de classe, à quelques jours du conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN).
Alors que Paris demeure l'académie la plus ségréguée de France, une centaine de classes sont menacées de fermeture. On pourrait pourtant réduire les effectifs d'élèves. Les éléments de langage insistent sur le faible nombre d'élèves par classe à Paris - mais il s'agit d'une moyenne, dans une académie où près de 30 % des écoles sont classées en éducation prioritaire.
Nous soutenons le combat des directeurs pour leur décharge. Un moratoire a certes été décrété pour la rentrée prochaine, mais la concertation peine à associer les principaux concernés et aucune échéance n'est fixée, alors que la Cour des comptes plaide pour des directeurs d'école à temps plein.
Nous n'accepterons pas une école publique au rabais, privée de moyens. C'est en son sein que se crée la mixité sociale et scolaire dont notre pays a tant besoin.
Comment ferez-vous avancer la concertation sur la décharge ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Dans le cadre de la convention de 1982 entre l'État et la Ville de Paris accordant un régime dérogatoire de décharge des directeurs, la Ville remboursait à l'État la différence avec le régime commun. En 2019, elle a cessé de rembourser. Vous le savez, madame Brossel, puisque vous étiez adjointe à la mairie de Paris.
Le manque à gagner s'élevait à 120 millions d'euros à la fin de l'année scolaire 2024. La Cour des comptes a enjoint l'État de mettre fin à ce régime dépourvu de base légale ou réglementaire, qui entraîne une rupture d'égalité vis-à-vis des autres communes. Élisabeth Borne a donc demandé une concertation avec la Ville et décidé d'un moratoire pour la rentrée prochaine. Les échanges se poursuivent pour trouver une solution pérenne dans les meilleurs délais.
Sur les fermetures de classe : l'académie de Paris possède déjà le meilleur taux d'encadrement métropolitain, avec vingt élèves par classe dans le premier degré public. En éducation prioritaire, huit élèves sur dix sont scolarisés dans des classes de moins de vingt élèves. En outre, 3 200 élèves de moins sont prévus dans le premier degré à la rentrée prochaine. À ce jour, 167 classes fermeront. Chaque situation sera étudiée au cas par cas.
Cadre réglementaire de l'accueil familial
Mme Michelle Gréaume . - Dans le cadre de l'accueil familial, des particuliers hébergent contre rémunération des personnes âgées ou en situation de handicap. Les deux parties concluent un contrat, tandis que les conseils départementaux se chargent de l'agrément et de la formation des accueillants.
Méconnu, l'accueil familial offre de nombreux avantages alors que les établissements médico-sociaux manquent de personnel. Mais il connaît une baisse d'activité préoccupante. Le nombre d'accueillants familiaux, dont 48 % ont plus de 60 ans, diminue. En cause : complexité du statut, défaut du cadre réglementaire, absence de lisibilité et d'uniformité du dispositif, précarité et absence d'attractivité financière, avec une rémunération dérisoire de 25 euros net par jour, pour un engagement 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
On attend des réponses concrètes sur la révision du contrat d'accueil, la hausse du plancher de rémunération et l'ouverture des droits à l'assurance chômage pour les accueillants familiaux de gré à gré.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Ce mode d'accompagnement offre en effet aux personnes âgées ou en situation de handicap un cadre de vie familial, chaleureux, stable et sécurisant et un accompagnement individualisé. Il constitue une réponse légitime aux défis du handicap et de la perte d'autonomie.
L'accueil familial bénéficie depuis 1989 d'un encadrement réglementaire spécifique, régulièrement amélioré. La relation entre la personne accueillie et l'accueillant repose non sur un contrat de travail mais sur un contrat d'accueil, socle juridique qui garantit des droits essentiels aux accueillants : rémunération minimale, congés payés, couverture sociale, indemnités couvrant les frais d'accueil, entretien et mise à disposition du logement. Les accueillants employés par une personne morale bénéficient aussi de l'assurance chômage.
Le Gouvernement, conscient des difficultés, a engagé une démarche de consolidation de l'accueil familial pour faciliter la demande d'agrément. En parallèle, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a déployé un programme pluriannuel dans plus de soixante départements. Ce que vous dénoncez est bien identifié.
Hausse de la cotisation employeur à la CNRACL
M. Dany Wattebled . - Le décret du 30 janvier 2025 relatif au taux de cotisation vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) impose une hausse des cotisations pour les employeurs publics. C'est une charge considérable pour nos collectivités locales, dont les budgets sont déjà contraints. Ainsi, la ville d'Hazebrouck devra assumer un surcoût de 180 000 euros par an jusqu'en 2028, soit 700 000 euros au total.
Ce décret pose de sérieux problèmes juridiques. D'abord, il remet en cause le principe d'autonomie financière des collectivités garanti par l'article 72 de la Constitution, en imposant une contrainte budgétaire qui limite leur capacité d'action. Ensuite, il crée une inégalité entre employeurs publics et privés, en renchérissant le coût du travail pour les premiers, sans justification d'intérêt général suffisant.
Enfin, selon l'article 34 de la Constitution, c'est à la loi de fixer les principes fondamentaux de la sécurité sociale. Une telle décision aurait dû relever du Parlement.
Pourquoi cette charge supplémentaire, au mépris de la Constitution ? Le Gouvernement reverra-t-il ce décret ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - La situation financière de la CNRACL est très dégradée, en raison de la baisse du ratio démographique entre cotisants et pensionnés. En 2024, son déficit s'élève à 3,8 milliards d'euros ; sans ce décret, fruit d'une longue réflexion, il atteindrait 10 milliards d'euros en 2030. Le rapport des inspections missionnées recommandait d'augmenter les cotisations des employeurs de dix points dès 2025 et de huit points supplémentaires d'ici 2030. Le Gouvernement a choisi une solution de moindre ampleur, étalée sur quatre ans, avec trois points de cotisation supplémentaires chaque année jusqu'en 2028.
Le décret est conforme à l'ordre juridique et constitutionnel en vigueur. La Constitution confie au pouvoir réglementaire la détermination des paramètres techniques tels que les taux de cotisation.
Le Gouvernement est conscient des difficultés financières des collectivités locales. Un nouveau rapport précisera ses orientations.
Déchets d'activités de soins à risques infectieux
Mme Mireille Jouve . - Produits par les professionnels médicaux, les vétérinaires ou les patients en autotraitement, les déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) représentent 165 000 tonnes par an et leur traitement est quatre à huit fois plus cher que celui des ordures ménagères. Ils constituent des déchets dangereux, avec des risques d'infection pour les professionnels de santé, les patients et les personnels des sociétés de nettoyage, de collecte et de transport. Il est indispensable de respecter strictement les bonnes pratiques pour éviter tout contact cutanéomuqueux, piqûre, coupure, inhalation ou ingestion.
La révision du guide consacré à leur gestion, qui date de 2009, par la direction générale de la santé (DGS), inquiète les acteurs de terrain. Certains allèguent que les professionnels de santé devraient définir le caractère infectieux et risqué de leurs déchets, ce qui provoquerait des gestes de tri plus complexes pour les professionnels et des risques accrus pour les opérateurs chargés de la collecte. Quelles mesures entendez-vous prendre pour les rassurer ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - La DGS a engagé en 2022 une révision complète pour aboutir à un nouveau guide, qui sera publié très prochainement. Fruit d'un travail collaboratif avec l'ensemble des acteurs, il se veut pédagogique et rigoureux.
Conformément au code de la santé publique et au code de l'environnement, le risque infectieux est évalué par le producteur du déchet. Ce principe n'est pas mis en cause. Cependant, le guide, appuyé par les avis du Haut Conseil de la santé publique rendus en 2023 et 2024, fournit des critères objectifs et des exemples pour sécuriser les décisions. En cas de doute, le déchet doit être orienté vers la filière Dasri. Les professionnels bénéficieront de formations de terrain, appuyées par les ARS. Notre priorité est leur sécurité.
Prime Ségur pour les maisons d'accueil et de résidence pour l'autonomie
Mme Amel Gacquerre . - Les maisons d'accueil et de résidence pour l'autonomie (Marpa) jouent un rôle essentiel pour le bien vieillir en milieu rural en offrant un habitat adapté, sécurisé et inclusif à des personnes âgées en perte d'autonomie, mais la mise en oeuvre de l'accord du 4 juin 2024, sans compensation financière durable de l'État, les place en grande difficulté économique : dans le Nord-Pas-de-Calais, l'impact est estimé entre 25 000 et 30 000 euros par établissement. Cette charge supplémentaire les contraint à reporter le coût - plus de 100 euros par mois et par personne - sur les résidents, souvent modestes ; certaines structures pourraient devoir licencier, voire cesser leurs activités. Quelles mesures envisagez-vous pour assurer la viabilité financière des Marpa ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - L'activité des métiers des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux est une priorité inscrite au coeur de la feuille de route gouvernementale. En partenariat avec les conseils départementaux, les salariés du secteur ont perçu 4 milliards d'euros de revalorisations, soit 183 euros nets pour près de 700 000 salariés.
L'accord du 4 juin 2024 étend le Ségur à l'ensemble des professionnels du secteur de l'action sanitaire et sociale, avec un financement de la branche autonomie de 300 millions d'euros dès juillet 2024. Le Gouvernement a pris en compte les difficultés de financement de l'accord du 4 juin pour certains départements, et est parvenu à un accord avec Départements de France lors du comité des financeurs des politiques sociales du 29 avril dernier. Dès 2025, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) apportera un soutien à hauteur de 85 millions d'euros, soit 50 % du coût annuel de l'extension du Ségur pour les structures financées par les départements.
Mme Amel Gacquerre. - Merci pour cette réponse qui devrait rassurer les Marpa. Sans remettre en cause le principe de l'extension du Ségur, elles ont de forts besoins de financement. J'en profite pour appeler à une loi Grand Âge. En 2030, un Français sur quatre aura plus de 65 ans. Il est temps d'aller plus loin.
Drépanocytose
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Début 2025, en région parisienne, deux jeunes femmes sont décédées alors qu'elles attendaient aux urgences. Elles souffraient de drépanocytose - la maladie génétique la plus répandue en France, avec 400 000 porteurs et 30 000 malades exposés à des crises douloureuses.
Cette maladie, qui touche principalement les populations d'origine subsaharienne, méditerranéenne, antillaise et maghrébine, reste peu connue des professionnels. Il y a deux ans, les acteurs ont remis au Gouvernement un Livre blanc proposant des mesures concrètes pour améliorer sa prise en charge. Je me réjouis de la généralisation du dépistage néonatal sans ciblage ethnique depuis le 1er novembre dernier.
Mais il reste des priorités non traitées : renforcer la formation des professionnels de santé, lutter contre les discriminations et les inégalités d'accès aux soins, notamment outre-mer, faciliter l'accès aux traitements innovants.
À la veille de la journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, le 19 juin, quelles actions concrètes pour améliorer prise en charge des personnes atteintes, en France hexagonale ou outre-mer ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Ministre de la santé et médecin, je suis attentif au scandale silencieux de cette maladie génétique trop longtemps ignorée, mal connue, mal dépistée, mal soignée. Il est temps de regarder cette réalité en face.
Depuis le 1er novembre 2024, le dépistage néonatal de la drépanocytose est généralisé à tous les nouveau-nés, sur recommandation de la Haute Autorité de santé, face à l'augmentation continue de l'incidence : 684 cas dépistés en 2022 contre 431 en 2016.
La recherche a permis la commercialisation de plusieurs médicaments favorisant la fixation de l'oxygène sur l'hémoglobine ou réduisant les risques cardiovasculaires et vaso-occlusifs. Le troisième plan national Maladies rares a soutenu seize projets sur la drépanocytose, pour près de 3,7 millions d'euros. Des approches innovantes comme la thérapie génique ou l'érythraphérèse répétée sont en cours d'évaluation. Le quatrième plan entend renforcer le diagnostic, améliorer l'accès à l'innovation, mieux former les professionnels de santé et promouvoir le dépistage néonatal. Il n'y aura pas de République en santé tant qu'une partie de la population restera oubliée des politiques publiques.
Traitements contre la dépendance aux opioïdes
M. Franck Menonville . - Le fléau de la dépendance aux opioïdes frappe tous les territoires, engendrant des dégâts humains et financiers considérables. Les traitements de première génération, comme le Subutex et la méthadone, ont démontré leurs limites en matière de sevrage et leur trafic est en forte progression.
Le Buvidal, traitement à libération prolongée, permet de passer d'une prise quotidienne à une injection hebdomadaire, voire mensuelle ; cette dernière ne pouvant être effectuée que par un médecin, on évite le trafic.
Il est disponible et remboursé dans plusieurs pays européens, aux États-Unis et en Australie. Selon l'étude Opale 2, il éviterait chaque année 300 décès, 5 000 hospitalisations et 2 000 réincarcérations.
Mais son financement repose sur des crédits non reconductibles accordés par les ARS. L'accès est très inégalitaire selon les régions : le Grand Est le réserve aux patients sortant de détention. Seuls 700 patients y ont accès, sur les 180 000 qui pourraient en bénéficier. Comment comptez-vous déployer ce traitement sur tout le territoire et assurer un financement pérenne ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Oui, la dépendance aux opioïdes progresse, frappe grandes villes comme zones rurales, et entraine chaque année des morts, des hospitalisations, des réincarcérations. Ce drame humain se double d'un désastre social qui exige une mobilisation globale, cohérente et durable.
Le Gouvernement a lancé en mars 2023 une stratégie interministérielle contre la conduite addictive reposant sur trois piliers : prévention, prise en charge, réduction des risques et des dommages. Ce cadre d'action donne toute sa place aux innovations thérapeutiques.
Vous avez raison de souligner le potentiel du Buvidal, buprénorphine à action prolongée qui constitue une avancée thérapeutique et dont le ministère suit avec attention le développement, l'évaluation et l'accessibilité.
Dès l'an dernier, une première enveloppe pérenne de 1 million d'euros est venue soutenir les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) volontaires, répartie en fonction des besoins exprimés localement ; mais cette première étape ne permet pas encore de répondre à l'ensemble des besoins. Les disparités régionales sont bien réelles. Le Gouvernement entend y remédier et réexamine les modalités de financement dans le cadre d'arbitrages budgétaires sur les crédits des Csapa. Comptez sur ma détermination.
Urgences hospitalières dans le Calvados
Mme Corinne Féret . - Ce week-end, les urgences du centre hospitalier de la Côte fleurie à Cricqueboeuf ont dû fermer - c'était déjà le cas lors des ponts de mai. Les élus locaux sont inquiets pour cet été. Récemment, à Caen, les urgences de la Polyclinique du Parc et de l'Hôpital privé Saint-Martin étaient fermées la nuit, d'où un report sur le CHU.
En cause, le manque de personnel pour assurer la continuité des soins.
Les urgences du centre hospitalier Robert-Bisson à Lisieux ou du CHU de Caen accueillent beaucoup de personnes âgées qui nécessitent souvent une hospitalisation. Faute de lits, les malades attendent sur des brancards dans les couloirs, pendant des heures...
Pour remédier à cette situation, l'ARS appelle à développer la coopération public-privé, à harmoniser les rémunérations pour éviter la surenchère entre établissements. Il faut des règles de répartition de la patientèle dans l'accès aux urgences, mais aussi des règles de continuité et donc d'ouverture de ces dernières.
Pendant l'été, la population de certaines communes explose, et les besoins en soins avec elle. Comment prévenir les fermetures répétées des services d'urgence des hôpitaux calvadosiens, réduire les temps d'attente aux urgences et améliorer la prise en charge globale ?
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Difficile de répondre en deux minutes ! Ces difficultés ne sont pas isolées, le défi est national.
Dans le Calvados, une équipe médicale de territoire autour du CHU de Caen travaille à mieux répartir les ressources en médecine d'urgence. Une charte de solidarité interhospitalière, signée en février par les groupements hospitaliers de territoire (GHT), la Fédération hospitalière de France (FHF) et l'ARS, vise à renforcer le recrutement, mieux gérer les internes et éviter la concurrence entre établissements. Les acteurs se réunissent tous les quinze jours pour ajuster l'organisation en temps réel.
Nous lançons un plan de mobilisation pour gérer la période estivale. Une instruction sera adressée aux ARS dans la semaine. Ce plan prévoit un schéma territorial d'ouverture des urgences et Smur, ajusté aux ressources disponibles, le renforcement des points de garde libéraux, notamment sur la côte, le déploiement de Smur paramédicaux dans les zones tendues et enfin une régulation médicale à l'entrée des urgences.
Ces mesures s'inscrivent dans une grande transformation structurelle : réforme des autorisations de médecine d'urgence, avec les antennes de médecine d'urgence ; possibilité de réorientation à l'accueil, grâce au protocole relatif aux infirmiers d'accueil ; primo-prescription autorisée pour les IPA - j'ai signé le décret en avril ; déploiement des unités mobiles paramédicalisées. Des guides pratiques sont en cours de diffusion.
Nous devons changer d'échelle. Je lance donc une nouvelle étape, avec deux priorités : développer les alternatives aux urgences en aval - admissions directes non programmées, hospitalisation à domicile, accueil de crise en psychiatrie ; fluidifier le parcours en amont, grâce au bed management et aux cellules d'ordonnancement territorial.
Je recevrai les acteurs le 16 juin prochain pour décliner ce plan sur le terrain. Notre responsabilité collective est de garantir l'accès aux soins, y compris en période estivale. Tous les leviers sont mobilisés, dans le Calvados comme ailleurs.
M. le président. - Je vous ai laissé trois minutes...
Prise en charge des molécules onéreuses pour les bénéficiaires de l'Aide sociale à l'enfance
Mme Agnès Canayer . - La santé mentale est la grande cause nationale de l'année 2025. Les enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) présentent une double vulnérabilité : ils ont subi maltraitances ou abandon, et ils présentent souvent des troubles du comportement, des pathologies rares ou des troubles psychiatriques qui nécessitent un traitement spécifique - souvent à travers des molécules dites onéreuses, qui grèvent les budgets des établissements qui les prennent en charge.
Le coût de ces molécules représente ainsi 60 % du budget global du Bercail Saint-Denis, en Seine-Maritime, qui accueille plus de 80 % d'enfants en situation complexe. Cela compromet l'accompagnement des autres enfants, ou oblige l'établissement à exclure certains enfants de ces traitements faute de budget.
L'ARS Normandie recherche des solutions, malheureusement sans succès. Comment aider les établissements de l'ASE à mieux prendre en charge ces enfants ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les enfants protégés par l'ASE sont parmi les plus vulnérables. Leurs parcours de vie sont marqués par l'instabilité, la maltraitance, voire la violence, avec des effets sur leur développement, leur santé physique et mentale et leur capacité à accéder à des soins de manière continue. Nombre d'entre eux présentent des troubles chroniques, des troubles du neurodéveloppement ou sont en situation de handicap, notamment de polyhandicap. Nous devons leur garantir l'accès à des soins de qualité, y compris aux traitements les plus innovants.
Mon ministère s'attache à bâtir une politique de santé plus juste pour ces enfants. Dès 2026, nous généraliserons les enseignements des expérimentations Pégase et Santé Protégée, avec le déploiement systématique des bilans de santé à l'entrée de l'ASE. Les centres d'appui à l'enfance structureront la coordination entre acteurs sociaux et professionnels de santé.
Les établissements d'accueil ne peuvent porter seuls le poids budgétaire de traitements à base de molécules onéreuses qui, pour certains, représentent jusqu'à la moitié de leur budget. Ce n'est ni soutenable ni équitable.
Parmi les pistes, le conventionnement entre l'établissement et la caisse primaire d'assurance maladie, permettant le même remboursement qu'en ville. Nous travaillons également avec les ARS et l'assurance maladie pour définir les modalités opérationnelles.
L'État doit tenir sa promesse de solidarité envers les plus fragiles, en leur garantissant l'égal accès à l'innovation thérapeutique et à la dignité.
Mme Agnès Canayer. - Merci de votre réponse. Oui, il y a un enjeu de justice et de solidarité, pour donner une deuxième chance à ces enfants particulièrement vulnérables.
Nouveau barème de sanctions applicable aux bénéficiaires du RSA
Mme Pauline Martin . - Depuis le 1er janvier 2025, avec l'instauration des 15 heures d'activité hebdomadaire, un nouveau barème de sanctions s'applique aux bénéficiaires du RSA. En cas de non-respect des engagements, l'organisme référent peut suspendre tout ou partie du RSA, pour une durée déterminée.
Le décret portant ce barème respecte-t-il l'esprit de la loi ou traduit-il un infléchissement, voire un assouplissement des sanctions prévues ? On bascule d'une logique de suppression vers une logique de suspension, de 30 à 100 %, pendant un à quatre mois, le bénéficiaire recouvrant rétroactivement son allocation s'il régularise sa situation. Bref, on instaure un droit au rattrapage, là où nous voulions affirmer des obligations claires assorties de conséquences fermes.
Ce décret ne risque-t-il pas de vider la loi de sa portée ? N'y a-t-il pas un décalage préoccupant entre l'intention du législateur et sa traduction réglementaire ?
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Le décret du 31 mai 2025 précise le nouveau mécanisme de suspension-remobilisation, qui permet la suspension de l'allocation en cas de manquement et prévoit le reversement des sommes dues en cas de remobilisation du demandeur d'emploi.
Il traduit les orientations de la loi, très précise en matière de sanctions. Pour les bénéficiaires du RSA, la loi prescrit bien le reversement des sommes dues en cas de remobilisation, dans la limite des trois mois. Le débat parlementaire sur ce point a été nourri.
Fidèle à l'esprit de la loi, le décret étend cette mécanique à tous les demandeurs d'emploi, bénéficiaires ou non du RSA. Il fixe aussi les bornes dans lesquelles s'exerce cette possibilité, soit de 30 à 100 % - difficile d'aller au-delà !
Nous avons travaillé étroitement sur ce barème avec les acteurs et opérateurs - départements, France Travail, missions locales - auxquels nous laissons des marges de manoeuvre pour adapter les sanctions à la diversité des situations. Le conseiller à l'origine de la suspension aura son mot à dire sur les conditions permettant la reprise du versement, par exemple la présence à un rendez-vous ou la participation à une action d'insertion.
Le décret peut être perçu comme un assouplissement sur certains points, un durcissement sur d'autres. Mais pour l'essentiel, il reprend ce qu'a prescrit le législateur. En prévoyant un barème harmonisé, en privilégiant toujours la remobilisation à la radiation, en laissant des marges de décision aux acteurs de terrain, il est fidèle à l'esprit de la loi.
Mme Pauline Martin. - Je connais bien la pathologie qui contamine les ministères, consistant à modifier la substance du remède. J'en appelle donc à votre vigilance.
Dispositif national d'accompagnement des projets et initiatives des Cuma
M. Éric Kerrouche . - Le dispositif national d'accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d'utilisation de matériel agricole (DiNA Cuma) soutient des projets au service de l'emploi rural, du renouvellement des générations en agriculture, de la réduction des produits phytosanitaires, de l'adaptation au changement climatique et de la souveraineté alimentaire et énergétique.
Objet d'une nouvelle mouture en 2024, après un rapport et une concertation, le DiNA Cuma démultiplie l'impact des politiques publiques. Alors que cette aide unique en son genre est mobilisée par plus de 600 Cuma chaque année, soit plus de 14 000 agriculteurs, la coupe budgétaire annoncée suscite inquiétude et incompréhension.
Au vu de son efficience et de son coût modeste, quelle ambition pour ce dispositif, seule ligne budgétaire dédiée spécifiquement aux Cuma ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Étant donné le contexte budgétaire du pays, mon budget, comme d'autres, connaît une réduction sensible mais maîtrisée. Malgré tout, nous déployons des moyens importants pour soutenir l'agriculture en France. Ainsi, le DiNA Cuma sera maintenu en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres.
Lancé en 2016, à la suite des aides à l'investissement matériel sous forme de prêts, le DiNA Cuma a accompagné environ 30 % des Cuma. Parmi les Cuma ayant réalisé un conseil stratégique, un quart en ont réalisé au moins deux et 6 %, au moins trois. Nous envisageons donc de réduire d'un tiers l'enveloppe par rapport au réalisé en 2024, en passant de 1,2 million à 800 000 euros, soit une réduction similaire à celle votée pour le programme 149.
Malgré cette baisse des crédits, le DiNA Cuma peut toujours accompagner les Cuma en priorisant les dossiers, notamment ceux des Cuma n'ayant jamais bénéficié d'un conseil stratégique. Une grille de priorisation a été rédigée en 2023, en collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.
Une alternative serait de diminuer le taux d'aide publique de 90 à 80 ou 70 %, afin d'accompagner un nombre important de Cuma sans critères de priorisation. Nous travaillons en étroite collaboration avec la FN Cuma.
M. Éric Kerrouche. - Vous connaissez la place des Cuma et l'importance de ces initiatives dans les départements ruraux. Je mesure les difficultés financières, mais elles ne doivent pas freiner cette dynamique.
Coupes budgétaires dans la filière bio
M. Rémi Cardon . - Marc Fesneau, votre prédécesseur, se vantait d'avoir fixé un objectif de 18 % de bio en 2027, d'avoir alloué un budget communication de 5 millions d'euros à l'Agence bio et d'avoir doté le Fonds avenir bio de 10 millions d'euros.
Mais, depuis, vous avez quasiment tout raboté : moins 15 millions d'euros pour la filière, annihilant quarante ans d'efforts. Cette filière est votre bouc émissaire, alors qu'elle emploie 30 % de salariés de plus que l'agriculture conventionnelle, sur 60 000 fermes. Pendant ce temps, vous accordez 30 millions d'euros aux 365 producteurs de noisettes ! Où est la cohérence ? Chez moi, une fabrique de sucre risque de ne pas voir le jour à cause de votre politique. En dix ans, les aides à la filière ont diminué drastiquement.
Allez-vous revoir vos objectifs et votre stratégie ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Deux contrevérités ne font pas une vérité. On supprimerait toutes les aides au bio ?
M. Rémi Cardon. - Je n'ai pas dit cela...
Mme Annie Genevard, ministre. - Connaissez-vous le montant des aides au bio en 2025 ? C'est juste 700 millions d'euros ! (M. Rémi Cardon proteste.) Oui, j'ai supprimé une aide, mais c'était une aide exceptionnelle !
Où avez-vous vu que nous octroyions 30 millions d'euros aux producteurs de noisettes ? Soyons sérieux !
La filière bio est une grande filière, que je soutiens. Le crédit d'impôt a été revalorisé, pour 142 millions d'euros. La communication bénéficiera de 5 millions d'euros en 2025. Les programmes alimentaires territoriaux (PAT) seront dotés de 10 millions d'euros et les 20 % d'agriculture bio qu'ils prévoient rapportent 120 millions d'euros. La revalorisation des aides aux jeunes agriculteurs bénéficie aussi au bio, de même que les aides du Feader pour les mises aux normes.
Arrêtez de raconter des contrevérités : je soutiens ardemment la filière bio !
Bien sûr, certains budgets diminuent (M. Rémi Cardon s'exclame), comme dans d'autres domaines : comment faire autrement ? Je n'ai plus les fonds de la transition écologique.
Postes dans l'enseignement agricole public
M. Daniel Salmon . - Pour assurer le renouvellement des générations, la récente loi d'orientation agricole (LOA) prévoit de former 30 % d'actifs agricoles supplémentaires dans les cinq ans, ce qui suppose de renforcer les moyens de l'enseignement agricole public. Pourtant, vous supprimez, sans concertation, 45 ETP d'enseignants à la rentrée 2025, avec des conséquences immédiates : fermetures de classes, réduction de l'offre pédagogique. À l'heure où l'État devrait préparer la bifurcation écologique du secteur, cette baisse de moyens est catastrophique.
Alors que deux tiers des établissements publics locaux sont déjà en difficulté, comment atteindre l'objectif de 30 % d'apprenants supplémentaires si vous coupez les financements ? Allez-vous rectifier cette trajectoire ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - La rentrée scolaire 2025 se prépare, dans un contexte où mon ministère, comme d'autres, doit contribuer à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Cela se traduit par une diminution de 45 ETP, dans le public et le privé, soit un demi-poste par département. Nous répartissons les moyens selon deux critères objectifs : l'évolution des effectifs et le taux d'encadrement.
Cette diminution n'est pas une bonne nouvelle, mais cela ne nous empêche pas de porter un objectif ambitieux. Plusieurs outils vont nous permettre de former 30 % d'apprenants supplémentaires à l'horizon 2030 : le plan national de découverte des métiers agricoles, le volontariat agricole, le bachelor agro et les contrats territoriaux - pour objectiver les besoins en formation. Je me bats pour que l'enseignement agricole bénéficie de moyens adaptés à ses besoins en 2026.
M. Daniel Salmon. - On se fixe des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre : c'est la marque de fabrique de ce gouvernement. Des formations sur l'agroécologie ferment alors que de nombreux jeunes sont en attente !
Aviculteurs confrontés à la salmonellose
Mme Frédérique Puissat . - Je sais la ministre sensible à la situation des aviculteurs confrontés à la salmonellose.
Quand elle est détectée, le cheptel doit être abattu. Or les indemnisations sont insuffisantes et l'activité peut être mise en péril. L'aménagement des règles d'abattage inquiète les éleveurs. En effet, un arrêté d'août 2018 a supprimé les tests de confirmation avant abattage. Or l'offre assurantielle est rare et chère et l'indemnisation, souvent insuffisante.
Madame la ministre, vous avez répondu à mon collègue Christian Klinger le 26 mars dernier. Où en est l'étude de l'Anses sur les méthodes de prélèvement ? Ces travaux rendront-ils espoir à cette filière de souveraineté alimentaire ?
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Oui, la salmonelle, comme toutes les maladies animales, crée un préjudice moral et économique aux éleveurs.
L'intermittence de l'excrétion des volailles rend difficile la détection des salmonelles. C'est pourquoi les prélèvements de confirmation ont été supprimés : un seul prélèvement positif suffit désormais à démontrer la présence de salmonelles. Les conclusions de l'Anses sur le dépistage dans les élevages de pondeuses, attendues au début de l'automne, feront peut-être évoluer les modalités de prélèvement.
La lutte contre les maladies animales réglementées, dont la salmonellose, impose parfois l'abattage des animaux, sur décision de l'administration. C'est un crève-coeur et une perte pour leurs propriétaires, qui sont indemnisés par l'État. En 2024, les indemnisations liées à la salmonellose se sont élevées à près de 8 millions d'euros.
Mme Frédérique Puissat. - Les professionnels attendent cette étude avec impatience. Bien souvent, ce sont les aviculteurs eux-mêmes qui abattent leurs bêtes, faute d'équarrissage.
Polices municipales
M. Olivier Henno . - Pour 48 % des maires, la sécurité est un enjeu important, mais 56 % se sentent abandonnés par l'État. En première ligne face à la montée de la délinquance au quotidien, les maires investissent dans la sécurité - policiers municipaux, équipements, vidéoprotection - , mais ils déplorent souvent un manque d'efficacité sur le terrain.
Les lois qui encadrent la police municipale ont un quart de siècle et doivent être remises à plat, pour adapter les missions des policiers municipaux à la réalité de la délinquance.
Quelles sont les intentions du Gouvernement sur l'accès à certains fichiers et sur la demande de statut d'officier de police judiciaire (OPJ) ? Les maires souhaitent que les prérogatives des policiers municipaux soient renforcées, mais sans qu'ils passent sous l'autorité du procureur de la République. Un projet de loi sur les polices municipales est-il en préparation ? Selon quel calendrier ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Oui, un texte est prêt. Il devrait être examiné en Conseil des ministres au mois de juillet et débattu au Parlement à l'automne. Le rôle des polices municipales est essentiel dans notre continuum de sécurité. Le Beauvau des polices municipales, qui avait démarré au printemps 2024, a été relancé en début d'année. Le renforcement des moyens d'action de nos policiers municipaux fait consensus, tout comme leur rôle de proximité, essentiel.
Plutôt qu'un statut d'OPJ, nous envisageons l'élargissement de leurs compétences judiciaires, sans concurrence avec les forces de sécurité intérieures et sans autorité du procureur de la République. L'article 15 du code de procédure pénale pourrait être modifié à cette fin.
Leur droit de consultation de fichiers serait également élargi, qu'il s'agisse du système d'immatriculation des véhicules (SIV), du système national des permis de conduire (SNPC), du système d'information des fourrières, du fichier national unique des cycles identifiés ou du fichier des objets et véhicules signalés (FOVeS).
M. Olivier Henno. - Votre réponse ne me surprend pas - j'ai lu la presse. Ce projet de loi est très attendu, car les communes sont nombreuses à consacrer d'importants moyens à leur police municipale : le cadre juridique doit être adapté.
Sécurité publique dans le Pas-de-Calais
Mme Cathy Apourceau-Poly . - À compter de la fin juillet, le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil accueillera une centaine de détenus impliqués dans le narcotrafic. La transformation de l'établissement a été annoncée par le chef de l'État sur place au mois de mai, un an jour pour jour après l'assassinat de deux surveillants au péage d'Incarville.
La sécurité à proximité de cette prison où seront concentrés les chefs de réseau les plus dangereux nous inquiète. Le Pas-de-Calais compte deux ports - sans compter celui, tout proche, de Dunkerque - et un réseau routier dense : les trafics y sont nombreux, menaçant la tranquillité et la sécurité auxquelles nos concitoyens ont droit.
Depuis des années, nos effectifs de police et de gendarmerie sont insuffisants. Quels moyens supplémentaires comptez-vous attribuer à la police nationale dans le Pas-de-Calais, en particulier dans l'arrondissement de Lens ? Comment fera-t-on s'il faut conduire un détenu à l'hôpital au moment d'un match, d'une manifestation ou du transfert d'un autre détenu ?
Insécurité ou sentiment d'insécurité : je n'entrerai pas dans ce débat. Mais je constate que les élus sont de plus en plus victimes de violences physiques, verbales et morales ; une part non négligeable des démissions résulte d'ailleurs de ce phénomène. Quels moyens le Gouvernement entend-il déployer dans notre département pour assurer la sécurité des élus et de tous les citoyens ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Nous sommes bien conscients de l'attente de nos compatriotes en matière de sécurité.
Dans votre département, la police nationale compte 3 247 agents, contre 2 923 fin 2016.
En zone gendarmerie, les effectifs ont augmenté de 33 équivalents temps plein (ETP) entre 2015 et 2024. Dans le cadre du plan, 239 brigades, cinq unités seront créées d'ici à 2027. Conformément à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (Lopmi), le nombre de réservistes opérationnels a doublé, pour atteindre 780 l'année dernière. Résultat : la présence sur la voie publique a augmenté de 30 % entre 2023 et 2024.
Le Pas-de-Calais est, avec le Nord et la région parisienne, parmi les territoires les plus touchés par les atteintes aux élus. En plus des investigations et procédures qu'elles conduisent, les forces de l'ordre proposent aux élus des formations à la gestion des incivilités et conflits - 27 000 ont été formés depuis 2021, en liaison avec le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Le Sénat a adopté à l'unanimité un texte renforçant la protection des élus. Enfin, le centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae) prépare un « pack nouvel élu » dans la perspective des prochaines élections municipales.
Financement européen de l'islam radical
Mme Nathalie Goulet . - Je suis désolée d'avoir l'air de harceler le Gouvernement sur les financements européens pour l'islam radical et les Frères musulmans... De fait, j'ai posé sur le sujet nombre de questions écrites et orales, ainsi que plusieurs questions d'actualité.
Nous sommes nombreux à être préoccupés par cette question - la dernière frasque en date étant 10 millions d'euros pour un « Coran européen ». Au total, des centaines de millions d'euros sont distribués à des associations en lien avec les Frères musulmans et l'islam radical.
La Cour des comptes européenne a rendu un rapport alarmiste portant sur 7,4 milliards d'euros de subventions dont on ne retrouve pas trace.
Quelles mesures ont-elles été prises depuis que nous avons tiré la sonnette d'alarme ? Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour mettre un terme à ces dysfonctionnements ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La Commission européenne doit redoubler de vigilance sur l'attribution et l'emploi des fonds européens lorsque leur gestion est décentralisée dans des États tiers.
Elle a suspendu la procédure de convention avec l'université islamique de Gaziantep (Mme Nathalie Goulet s'en félicite) : inédite, cette décision témoigne du travail d'influence mené par les autorités françaises depuis plus de deux ans.
La France a été motrice dans les négociations sur le nouveau règlement financier, dont l'article 6 prévoit le respect de la Charte européenne des droits fondamentaux et des valeurs de l'Union européenne. Les institutions européennes devront se montrer encore plus vigilantes à l'avenir. En particulier, la procédure de filtrage doit être renforcée, pour éviter tout financement direct ou indirect de mouvements politiques ou religieux hostiles aux valeurs européennes.
Nous avons enjoint la Commission d'exercer un réel contrôle de l'utilisation par un pays tiers des financements décentralisés. Il nous paraît notamment indispensable d'exercer un meilleur contrôle a priori des projets retenus.
La Commission s'est récemment dotée d'outils pour guider les services instructeurs dans l'attribution des subventions. Sur la suggestion des autorités françaises, elle a lancé une réflexion sur des mécanismes d'échanges d'informations permettant aux États membres de signaler des organismes défavorablement connus. Le commissaire aux affaires intérieures et à la migration, Magnus Brunner, est très convaincu de la nécessité d'agir sur ce sujet.
Mme Nathalie Goulet. - Ces nouveaux dispositifs sont tout à fait bienvenus, en particulier la possibilité de signaler des associations indésirables. Mais celles-ci ne sont pas seulement situées dans des pays tiers - je pense au collectif contre l'islamophobie en France, interdit dans notre pays, mais que l'on a retrouvé en Belgique.
J'ajoute que l'université islamique de Skopje a bénéficié du programme Erasmus.
Nous sommes en très bonne voie. Nous sommes prêts, s'il le faut, à suspendre une partie de la contribution française au moment de l'examen du budget pour obtenir satisfaction.
Trafic de drogue à Paris
Mme Agnès Evren . - La loi sur le narcotrafic donne un cadre robuste pour durcir les peines et renforcer les moyens des forces de l'ordre. Elle doit se décliner concrètement sur le terrain, car nos concitoyens, en particulier les plus précaires, en ont ras le bol que les narcotrafiquants leur pourrissent la vie !
Avec le maire du XVe arrondissement de Paris, je tiens à attirer votre attention sur plusieurs de nos quartiers, notamment Falguière et Beaugrenelle. Règlements de comptes, rixes, trafics dans les halls d'immeuble : le narcotrafic, impliquant de nombreux mineurs, gangrène des secteurs entiers.
Il faut réduire la circulation de drogue, donc multiplier les saisies. Je salue la saisie récente de 200 grammes de cannabis au 24, rue Balard.
Hélas, à Paris, l'État n'est pas aidé. La Ville ne remplit pas sa part du contrat : elle n'a pas suffisamment secondé la police nationale dans les opérations de proximité. Ce laxisme est une invitation à recommencer pour les trafiquants. C'est inadmissible.
Comment comptez-vous intensifier la lutte contre le narcotrafic, notamment pour assécher son modèle économique ? Quels sont les effectifs déployés à Paris, en particulier dans le XVe arrondissement ? Les habitants de nos quartiers n'en peuvent plus : ils attendent du changement !
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée est une priorité du Gouvernement. La proposition de loi d'origine sénatoriale est en cours d'examen par le Conseil constitutionnel ; la procédure devrait aboutir rapidement.
À Paris, des opérations d'ampleur sont menées chaque semaine pour démanteler les réseaux et réaffirmer la présence constante de l'État dans les quartiers ; ces opérations sont prolongées par une occupation visible de l'espace public et des contrôles administratifs ciblés.
Nous intensifions également la lutte contre les trafics en ligne ; au sein de préfecture de police, quatre groupes d'enquêteurs de la police judiciaire sont spécialement affectés à la lutte contre les cyberstupéfiants.
Nous menons un travail partenarial au sein de l'agglomération parisienne. En 2024, plus de 1 800 réunions se sont tenues, permettant de résoudre 20 % des situations signalées.
Les résultats sont là : entre 2021 et 2024, les affaires traitées par la préfecture de police ont augmenté de 43 % ; celles liées aux trafics, de 22 %.
Dans le secteur Modigliani-Balard, un point de revente demeure autour de la fontaine des Polypores ; plusieurs individus font l'objet d'un suivi renforcé et des procédures judiciaires sont en cours. Le point de deal de la cité des Périchaux s'est déplacé vers les allées menant à la porte de Brancion ; depuis janvier 2024, cinq affaires majeures ont été résolues et d'autres investigations sont en cours.
Mme Agnès Evren. - Je connais votre engagement et celui de Bruno Retailleau contre le narcotrafic : les premiers résultats sont déjà là.
Malheureusement, la maire de Paris a décidé de prolonger l'expérimentation des salles de shoot, alors que la consommation de drogue alimente le narcotrafic et que ces salles occasionnent des nuisances pour les riverains. C'est un mauvais signal envoyé à nos jeunes et à toute la société.
Difficultés d'accès à l'examen du permis de conduire
M. Jean-Marc Delia . - Depuis la réforme permettant de passer le permis de conduire à 17 ans, menée sans accompagnement, les délais pour se présenter à l'examen s'allongent de façon préoccupante ; en cas d'échec à la première tentative, le délai est de six à douze mois.
Nombre de jeunes sont ainsi freinés dans leurs projets étudiants, professionnels et personnels, surtout dans les territoires où les transports en commun sont peu nombreux. Certains se découragent ; d'autres sont obligés d'accumuler les heures de conduite supplémentaires, ce qui alourdit considérablement le coût du permis.
Moniteurs et responsables d'auto-école confirment que le système de réservation des places d'examen, conjugué au manque d'inspecteurs, rend l'accès aux dates d'examen très difficile, dans les Alpes-Maritimes comme ailleurs. Ils constatent une recrudescence de comportements agressifs de la part de personnes excédées, pour qui le permis est un enjeu majeur d'insertion.
Le Gouvernement entend-il renforcer les effectifs d'inspecteurs ? Comment compte-t-il améliorer la plateforme RdvPermis pour garantir un accès équitable et rapide à l'examen sur tout le territoire ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Les Alpes-Maritimes se situent dans la moyenne des indicateurs nationaux annualisés du mois d'avril 2025. Le seuil formateur est, il est vrai, légèrement inférieur au seuil national - 5,3, contre 5,9. Le délai médian de passage d'une deuxième épreuve après un échec est de 80 jours, contre 79 au niveau national. Le taux de réussite est de 60,29 %, contre 59,06 % en moyenne nationale.
La tension conjoncturelle sur les délais est bien réelle. Elle résulte de la poussée démographique du début des années 2000 et de l'abaissement à 17 ans de l'âge minimal pour se présenter, qui a fait de 2024 une année charnière.
L'adéquation entre l'offre et la demande de places fait l'objet d'une attention particulière du Gouvernement. Les postes d'inspecteur ont augmenté de 15 ETP en 2023, puis 38 en 2024. Dans les Alpes-Maritimes, l'effectif vient d'être rééquilibré à sa cible, soit 20 ETP. Par ailleurs, le Gouvernement vient d'autoriser l'ouverture exceptionnelle d'une seconde session du concours en 2025. Enfin, des inspecteurs retraités volontaires peuvent continuer à réaliser des examens ; une personne est dans ce cas dans votre département.
Problèmes assurantiels des Sdis
M. Jean-Baptiste Blanc . - Les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) rencontrent d'importantes difficultés du fait de l'envolée spectaculaire des coûts d'assurance : certaines compagnies se retirent du marché, les primes explosent parfois à plus de 80 % pour des garanties identiques.
Dans le Vaucluse, les primes ont augmenté en 2022 de 62 % pour les risques statutaires, de 61 % pour les dommages aux biens et de 37 % pour la responsabilité civile. Une nouvelle hausse de 10 % est annoncée pour les dommages aux biens en 2025. Certains contrats de cybersécurité ne seront pas renouvelés.
Cette situation fait écho aux difficultés assurantielles considérables des collectivités territoriales - sujet dont le Sénat s'est emparé.
Les Sdis sont contraints à des négociations de gré à gré, souvent dans des conditions inacceptables, ce qui compromet leur couverture de risques et nuit à la sécurité de nos concitoyens.
Le Gouvernement entend-il repenser le modèle assurantiel des Sdis et revoir les responsabilités des assureurs dans la protection civile ? Il y a urgence.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - La sinistralité croissante a incité certains assureurs à quitter le marché d'assurance des collectivités. Nous ne pouvons pas en rester là. Le Gouvernement a donc engagé une concertation sur l'assurabilité des collectivités locales et des établissements publics. Une politique ambitieuse de prévention est nécessaire, car il existe notamment une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI), la fréquence des sinistres et la réduction de leur coût. L'État a porté à 300 millions d'euros le budget du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », dans la loi de finances pour 2025. Par ailleurs, des clauses permettent d'éviter l'augmentation excessive du montant des primes en cours de contrat.
Le Sénat a produit en mars 2024 un rapport d'information relatif aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales. Alain Chrétien et Jean Yves Dagès ont ensuite finalisé un rapport sur le sujet à la demande du Gouvernement. La mission n'a pas examiné spécifiquement la situation des Sdis, mais ses recommandations visent à améliorer les relations entre les assureurs et les établissements publics locaux dont les Sdis font partie.
Statistiques pénales en matière de contrebande de tabac
M. Laurent Burgoa . - Le Gard est fortement touché par le trafic de tabac. Selon une étude de KPMG parue en septembre 2024, 16,8 milliards des cigarettes consommées en France en 2023 étaient issues de la contrebande et de la contrefaçon. Or ce phénomène constitue un risque sanitaire majeur pour les consommateurs. Il représente en outre un marché de 2,3 milliards d'euros par an pour les organisations criminelles impliquées et 3,8 milliards d'euros de manque à gagner fiscal.
Selon le dernier bilan des douanes, 26 % des réseaux de criminalité organisée démantelés en 2024 relevaient de la fraude sur le tabac. Or les statistiques relatives aux poursuites judiciaires et condamnations liées à la contrefaçon et à la contrebande de tabac en France ne sont plus publiées depuis 2019.
Pourriez-vous nous communiquer le nombre d'affaires traitées et de condamnations définitives prononcées depuis lors, le nombre de peines d'emprisonnement ferme prononcées, le nombre de peines d'emprisonnement avec sursis, le nombre de peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution au 1er janvier 2026 ainsi que le montant total des amendes infligées ?
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Le nombre de personnes mises en cause et orientées pour une infraction douanière liée au tabac a été multiplié par 2,6, passant de 893 personnes en 2019 à 2 314 en 2024. Le nombre de condamnations prononcées pour une infraction liée à la contrebande de tabac est passé de 474 en 2019 à 1 099 en 2024.
En 2024, le quantum d'emprisonnement ferme a augmenté de 8,7 mois ; 298 peines d'emprisonnement ferme et 552 peines d'emprisonnement avec sursis total ont été prononcées, ainsi que 923 peines d'amende fermes, avec une moyenne de 134 927 euros.
Ces données, extraites du système d'information décisionnel pénal (SID) produit par la sous-direction des statistiques et des études du secrétaire général du ministère de la justice à partir des données enregistrées par l'applicatif Cassiopée, n'incluent pas le total des peines d'emprisonnement fermes en attente d'exécution.
M. Laurent Burgoa. - Merci d'avoir éclairé notre lanterne. Nous connaissons la volonté du ministre de l'intérieur et la vôtre pour mener une lutte acharnée contre les trafiquants. Vous aurez tout notre soutien.
Prolifération des faux salons de massage
Mme Catherine Dumas . - La prolifération des faux salons de massage pose d'importants problèmes à Paris, en matière de sécurité et de respect de la dignité humaine. Près de 430 établissements sont recensés dans la capitale, dont 50 dans le 17e arrondissement. Ces établissements cachent des réseaux de traite d'êtres humains et de proxénétisme, générant un climat d'insécurité et des nuisances pour les riverains. Or la mobilisation des forces de l'ordre se heurte systématiquement à un vide juridique. Faute de preuves suffisantes ou d'éléments à charge, celles-ci ne peuvent retenir à l'encontre de ces établissements ni les faits de trafic de stupéfiants ni ceux de proxénétisme. Ces commerces peuvent s'ouvrir très facilement, et leur fermeture reste temporaire même lorsqu'une enquête judiciaire est en cours.
Face à l'objectif de fermeture totale de ces établissements fixé par le projet de circulaire interministérielle pour l'égalité entre les femmes et les hommes, quelles mesures concrètes pourrions-nous envisager pour réguler ces activités illégales ? Quels moyens supplémentaires seront-ils attribués aux forces de l'ordre ?
Mme Aurore Bergé, ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Je salue votre engagement sur ce sujet déterminant. Derrière les façades de ces salons se cache la réalité sinistre de l'exploitation sexuelle. Nous voulons mobiliser tous les leviers possibles, dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la prostitution, pour lutter contre ce phénomène.
En lien avec les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), les procureurs de la République et l'inspection du travail, nous renforçons les contrôles pour détecter et signaler toute situation de fraude : fraude fiscale, fraude financière, travail illégal. Nous coordonnons l'action de l'ensemble des acteurs, avec l'appui des groupes interministériels de recherche (GIR).
Des mesures directes sont aussi prises à l'encontre des proxénètes, avec l'accélération de toutes les procédures de retrait ou de non-renouvellement des titres de séjour.
La circulaire que vous avez mentionnée paraîtra dans les prochaines heures. C'est la première fois qu'une circulaire sera ainsi signée à la fois par le ministre de l'intérieur, le ministre de la justice, le ministre du travail, le ministre de la santé et moi-même. Par le biais d'un décret en Conseil d'État, nous compléterons la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel de manière à ce que les mineurs soient aussi pris en charge par les commissions départementales.
Mme Catherine Dumas. - Merci pour votre réponse complète qui montre bien votre engagement et celui du Gouvernement sur ce sujet. La mise en application prochaine de la circulaire est une bonne nouvelle.
La séance est suspendue à midi dix.
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.
Impact environnemental de l'industrie textile (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile.
Explications de vote
Mme Mireille Jouve . - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC) Le climat change et notre planète se porte mal. Nous sommes aux portes d'un territoire inconnu.
Selon BioScience, en 2023, vingt des trente-cinq paramètres vitaux liés au climat ont atteint des niveaux record. L'actualité égrène les catastrophes - canicules, orages... -, mais les climatosceptiques refusent d'entendre les signaux d'alarme.
Avec une feinte sérénité, nous continuons à donner raison à Adam Smith, qui estimait que la consommation est la seule fin et la seule raison d'être de toute production. Je vois vos mines interrogatives : quand parlera-t-elle enfin du texte ? C'est ce que je fais !
Les Français achètent en moyenne quarante-huit nouveaux produits chaque année et 3,3 milliards de vêtements sont mis annuellement sur le marché - 1 milliard de plus en dix ans, avec des prix qui ont baissé de 30 %. Cette consommation de produits textiles à bas coût induit une catastrophe sociale et environnementale, au détriment de nos commerces et de notre industrie textile.
Cet emballement est le fruit d'une grande liberté prise par rapport aux règles environnementales, mais aussi sociales : travail forcé, travail des enfants, exploitation d'une main-d'oeuvre féminine sous-payée.
Le textile occasionne 20 % de la pollution des eaux dans le monde, alors que les vêtements finissent soit dans nos placards, soit dans les dépotoirs du Sud global. Il pourrait être responsable de 26 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050.
Certes, cette proposition de loi n'est pas parfaite et ne répond pas à l'explosion de la mode ultra-express, mais elle est bienvenue : elle incite à acheter moins mais mieux.
Elle sera un support pour les négociations européennes, même si les propos du Président de la République au sommet Choose France au sujet de la directive sur le devoir de vigilance peuvent inquiéter.
Oui à la nouvelle définition de la mode ultra-express. Je me réjouis de l'adoption des amendements du RDSE à l'article 1er : extension du champ de la définition aux pratiques industrielles et comptabilisation de toutes les références si la plateforme est le canal principal de vente.
Oui à l'identification des conséquences de la mode ultra-express sur la durée d'usage ou de vie d'un produit neuf.
Oui à la suppression du crédit d'impôt sur les invendus.
Oui à la base juridique permettant l'échange d'informations entre la DGCCRF et la Cnil.
Oui au dispositif d'écomodulation des contributions financières : il faut flécher les contributions vers les installations de recyclage situées en France.
Même si j'aurais aimé que nous allions plus loin sur l'affichage environnemental, oui à l'article 3, qui interdit la publicité.
Cette proposition de loi renforce la place de la France dans les négociations à l'échelle européenne. Nous regrettons cependant que l'ajout d'un message complémentaire à caractère environnemental pour éviter le greenwashing n'ait pas été retenu.
Oui à l'interdiction de la promotion des marques de la mode ultra-express, qu'il s'agisse de prestations rémunérées ou gratuites, en l'assortissant d'une sanction administrative de 100 000 euros.
Cette proposition de loi est le fruit d'un travail constructif dans le bon sens ; le RDSE, avec sa bienveillance habituelle, la votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.) Ce texte est un tournant pour le secteur textile, mais interroge plus largement notre rapport à la consommation, à la durabilité, à la responsabilité écologique.
Cette proposition de loi, profondément travaillée par notre commission et par Sylvie Valente Le Hir n'est pas un texte de circonstances : elle s'inscrit dans un temps long et promeut un nouveau pacte entre le consommateur, le producteur et la planète.
Ce texte équilibré, pragmatique, mais ambitieux honore le rôle du Sénat dans notre démocratie, celui d'une chambre raisonnée et raisonnable où le dialogue prévaut.
Nous avons pris de la hauteur et évité les effets de manche pour construire un cadre juridique rigoureux et opérationnel.
Premier apport majeur du Sénat : la redéfinition de la fast fashion. Nous avons introduit une distinction entre mode express et mode ultra-express qui manquait dans le texte initial ; il ne faut pas confondre un modèle d'accélération raisonnable souvent assumé par les entreprises européennes et un modèle ultra-accéléré fondé sur la rotation incessante des collections.
Cette précision cible les dérives sans fragiliser les acteurs qui, pour certains, engagent de réels efforts.
Je me réjouis que nous ayons élargi la définition de la mode express en y intégrant les pratiques industrielles. Il faut aussi interroger le marketing, mais aussi la chaîne de valeurs et les choix stratégiques. Ces clarifications ciblent les acteurs faisant fi des réalités sociales et environnementales, notamment Shein et Temu.
Le Sénat a procédé à plusieurs ajustements certes techniques, mais cruciaux. Le seuil de définition de la fast fashion doit être apprécié au regard du canal principal de vente : si une marque est massivement distribuée via une plateforme en ligne, c'est bien celle-ci qui doit être comptabilisée : cela permet d'éviter la création de marques écrans. En d'autres termes, nous coupons l'herbe sous le pied aux stratégies de façade.
Autre avancée : l'interdiction de la livraison gratuite, car rien n'est gratuit : la livraison a un coût environnemental et logistique. Il faut mettre fin à une illusion de gratuité qui entretient l'impulsivité d'achat.
La mention claire de l'origine des vêtements est une mesure de bon sens. Le numérique ne doit pas être l'angle mort de la traçabilité.
L'article 2, qui porte sur l'écomodulation des contributions, est le plus structurant. En tant que défenseur de la responsabilité élargie du producteur (REP), je me réjouis que la pénalité financière pour pratique de mode ultra-express soit désormais liée au coefficient de durabilité du produit. C'est une orientation cohérente avec la logique d'écoconception que nous défendons depuis longtemps : nous sortons du punitif pour inciter l'entreprise à produire mieux, de manière durable.
Le texte adapte le montant des pénalités selon le type de produit, avec une réhausse du plafond à 50 % du prix de vente lorsqu'il s'agit d'une mode ultra-éphémère. C'est à la fois proportionné et dissuasif.
Je salue également l'obligation désormais faite aux éco-organismes et aux opérateurs de déchets de contractualiser leurs relations.
Le complément apporté à l'article 3 bis, notamment la sanction applicable aux influenceurs, marque une volonté claire de ne pas laisser les nouveaux canaux de communication hors du champ de la régulation. Les influenceurs ont une responsabilité importante dans le développement de la fast fashion.
Je salue l'ajout d'un message incitatif pour une mode plus durable.
Je salue l'adoption de deux mesures en séance : l'inscription de la mode écoresponsable dans les programmes de développement durable, car sensibiliser les plus jeunes, c'est semer les graines d'une société de consommation plus éclairée ; la création d'une taxe sur les petits colis envoyés de pays extérieurs à l'Union européenne pour anticiper les effets délétères du dumping écologique et fiscal.
Ce texte à la fois symbolique et structurant marque une étape vers une consommation plus responsable, vers une industrie textile plus transparente, vers une économie plus durable. En votant cette proposition de loi, nous envoyons un signal fort non seulement aux géants de la mode ultrarapide, mais aussi aux consommateurs, aux jeunes, aux PME du textile et à nos partenaires européens : celui d'une volonté politique assumée de réguler.
En toute cohérence, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du RDPI, du RDSE et du groupe Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
Mme Marie-Claude Varaillas . - L'industrie textile est l'une des plus polluantes au monde : elle est le troisième plus fort consommateur d'eau au monde. Un jean parcourt 65 000 km et sa production exige 7 000 à 10 000 litres d'eau. Sans parler des droits humains : les travailleurs subissent des conditions déplorables.
La fast fashion repose sur un modèle de renouvellement permanent : au lieu de quatre collections par an, les marques peuvent en produire cinquante-deux - une par semaine ! Ces marques copient les créateurs, produisent en grande quantité, voire trop, allant jusqu'à brûler les invendus. Résultat : 932 millions de déchets textiles par an, dont très peu sont recyclés.
Entre 2000 et 2020, nous sommes passés de 58 à 109 millions de tonnes de vêtements produits, et nous nous dirigerons vers une production annuelle de 145 millions de tonnes en 2030. Le nombre de vêtements mis sur le marché est passé de 2,3 milliards à 3,25 milliards entre 2010 et 2023.
Cette évolution est en décalage complet avec les besoins de la population : c'est surtout l'appétit du secteur qui explique cette consommation exponentielle. Les Français consommeraient 9 kg par an. L'Europe génère 4 milliards de tonnes de déchets issus de vêtements par an.
Ces plateformes veulent faire de nous des prisonnières et des prisonniers victimes de la surconsommation.
La fast fashion est une concurrence déloyale à nos industries textiles françaises, dont l'emploi a été divisé par trois depuis 1990.
Avec la désindustrialisation, la distribution est touchée : Camaïeu, Kookaï, Pimkie, San Marina, Jennyfer et Naf Naf ont été victimes.
Roubaix, l'ancienne ville aux 1 000 cheminées, compte 30 % de chômage. La cause ? Un report vers les enseignes low cost, sans oublier l'inflation ou les vagues de délocalisation massive.
Des plateformes comme Shein et Temu nous ont conduits à une économie de produits jetables. L'envers du décor, c'est l'exploitation des ressources naturelles, la pollution de l'environnement et la production de nombreux déchets. Chaque étape de la confection d'un vêtement participe de ce lourd bilan, insupportable pour la planète et les travailleurs.
En 2013, 1 130 ouvriers ont perdu la vie dans l'effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh. Les consignes d'évacuation avaient été ignorées par les responsables d'ateliers : les vies humaines valent parfois moins que les marchandises. Les profits des multinationales se font au détriment des travailleuses - car les femmes représentent 80 % des travailleurs du secteur.
Alors que Shein engrangeait 2 milliards de bénéfices en 2023 et Zara 5,8 milliards de dollars, le salaire d'un ouvrier ou d'une ouvrière est de 100 dollars par mois.
J'avais proposé un système de bonus et de malus dans l'un de nos amendements, malheureusement non retenu.
Cette proposition de loi est une étape. Elle incitera fortement l'industrie textile à repenser sa façon de produire.
Avec le rétablissement de l'article 3, l'interdiction de la publicité, nous nous attaquons à la racine : Shein a investi 48,3 millions d'euros dans la publicité digitale et Temu, 27,5 millions.
Nous aurions voulu plus d'ambition, notamment pour le soutien aux filières de recyclage.
Ce texte est néanmoins une étape encourageante dans la régulation du secteur - j'en remercie Mme la rapporteure. S'il reste beaucoup à faire pour réindustrialiser et décarboner le transport de marchandises, nous devons agir pour favoriser la sobriété et la relocalisation. Acheter moins, mais acheter mieux ! Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Sylvie Valente Le Hir applaudit également.)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Plus d'un an après son adoption unanime à l'Assemblée nationale, il est temps de passer à cette étape décisive, prélude à une CMP - pas avant l'automne, nous dit-on - avant une phase de notification à la Commission européenne. Autrement dit, il faudra encore des mois pour limiter la déferlante de la fast fashion.
Cette proposition de loi est une étape relativement positive. Alors que l'on disait que le Sénat atténuerait la version des députés, le travail en séance a permis des modifications significatives, notamment en matière d'écomodulation et d'interdiction de la publicité.
Face aux disparitions d'emplois, aux liquidations, aux fermetures en série, à l'accumulation de déchets, la chambre des territoires a su dépasser un scénario connu d'avance et calamiteux, car elle partage un diagnostic : celui d'un modèle fondé sur la surproduction et la surconsommation, recherchant une main-d'oeuvre au coût toujours plus bas en faisant fi du droit du travail.
Shein, Temu, Amazon représentent 80 % des mises sur les marchés et 72 % du chiffre d'affaires du secteur. Ces entreprises poussent le modèle à son paroxysme, dévitalisant nos coeurs de ville. Mais la mode ultra-express et express, c'est la même logique d'une mode low cost, éphémère, jetable, qu'imposent les stratégies marketing.
Le Sénat a resserré le texte sur la mode ultra-express, à savoir Shein et Temu. Il ne serait pas question, selon vos propres termes, madame la rapporteure, de faire payer un euro aux entreprises françaises et européennes, qui contribuent certes à la vitalité économique de nos territoires, mais misent aussi sur la consommation compulsive.
On voit mal comment le malus ne s'appliquerait pas à tout le monde. L'écomodulation, la filière REP textile, le conventionnement obligatoire pour les déchets : autant de mesures permettant de faire reculer la mode jetable des plateformes étrangères, mais aussi des entreprises françaises et européennes. Ce que nous devons promouvoir, c'est la mode durable, quelle que soit la nationalité de l'émetteur.
Une voix à gauche. - Bravo !
M. Jacques Fernique. - Peut-on encore sauver une filière en perte de repères ? Nous n'y parviendrons qu'en promouvant la durabilité.
À l'article 1er, nous regrettons que trop d'éléments soient renvoyés au décret : la loi devrait prévoir un plancher. Cela dit, avoir introduit la comptabilisation pour chaque produit est une bonne chose. Nous éviterons ainsi les détournements par des acteurs dont on connaît l'inventivité commerciale.
Pour l'article 2, si nous pouvions entendre en mars, madame la rapporteure, qu'il était risqué de baser les écocontributions sur la méthodologie de l'affichage environnemental textile, ce n'est plus le cas depuis la validation du projet de cadre réglementaire relatif à l'affichage volontaire du coût environnemental des vêtements le 15 mai par la Commission européenne.
C'est sur une position moyenne que le Sénat s'est prononcé.
Malgré le risque d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité, l'abandon de l'interdiction de la publicité représentait un recul considérable.
Une voix à gauche. - Absolument !
M. Jacques Fernique. - Il faudrait peser pour que l'Europe débloque le verrou de la directive e-commerce qui nous empêche d'agir sur les plateformes, soumises le plus souvent au droit de l'Irlande, pays soi-disant d'origine...
Le rétablissement de l'interdiction limitée aux seuls médias classiques et aux marques est une première étape, et nous la soutenons. Mais nous devrons aller plus loin. La fast fashion envahit nos smartphones. Seule une interdiction globale sera efficace.
C'est ce signal fort que le Sénat envoie à la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Avec l'adoption de l'amendement d'Antoinette Guhl, nous pointons l'impact environnemental, social et sur les droits humains et la nécessité de mesures miroirs pour changer la donne.
Nous voterons ce texte. C'est le dialogue européen et la CMP qu'il faut désormais mener à bien pour que l'avenir du textile soit à l'économie circulaire durable. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et INDEP)
Mme Nicole Bonnefoy . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La mode jetable nous confronte à la dérive d'un capitalisme autodestructeur à laquelle nous contribuons tous et qui se caractérise par l'effacement intentionnel de l'exploitation économique et sociale des travailleurs, l'invisibilisation du coût écologique et sanitaire et la surproduction érigée en système.
Nous ne voyons plus les dégâts de nos comportements, mais les faits sont là : la production textile pèse 10 % des émissions de gaz à effet de serre, soit l'équivalent des émissions cumulées des transports aérien et maritime.
Que vaut un t-shirt à 2 euros quand il dégrade notre environnement, exploite hommes, femmes et enfants et menace l'économie française, voire européenne ?
Les grandes firmes sont les principales à tirer profit de ce modèle : à part elles, il n'y a que des perdants. Elles entretiennent notre indolence au travers de la publicité, du lobbying et du marketing.
Même face à des géants, une société attentive peut se ressaisir par la délibération et la régulation. Cette loi protège l'environnement et l'avenir de nos enfants. Elle se donne les moyens de ses ambitions, à l'heure où l'écologie est mise à mal par le court-termisme, la course à la compétitivité et au profit, et une fausse idée de la capacité d'entreprendre.
Le texte s'est enrichi en cours d'examen. L'article 3 a été réintroduit. C'est un des leviers les plus efficaces à notre disposition face aux matraquages des entreprises du secteur. Le Sénat, chambre des territoires, connaît les conséquences de l'expansion de l'e-commerce sur nos villes. L'article 3 est une base de négociation pour demander une renégociation de la directive e-commerce. Sans quoi, ce ne sera qu'un coup d'épée en eaux troubles.
Nous saluons les amendements visant à réconcilier les terminologies nationales et européennes. Autre point important : l'intégration d'une information sur l'impact social du produit que nous avons portée - transparence indispensable.
Autre progrès : un droit à l'information sur l'impact environnemental de la livraison des marchandises, complété par l'interdiction de la mention trompeuse de livraison gratuite, qui tord le cou à l'idée mensongère que les livraisons n'ont aucun coût, alors que la mode ultra-express entraîne l'explosion du transport routier de marchandises.
Nous saluons la suppression de l'abattement applicable aux dons des invendus aux associations, qui constitue un outil d'optimisation fiscale pour les grands groupes à hauteur de plusieurs millions d'euros d'argent public, asphyxie les recycleries et encourage directement la surproduction.
Nous sommes parvenus à un texte ambitieux, mais il serait regrettable que les possibilités de contournement le rendent inefficace. Nous aurions souhaité, à l'article 1er, la fixation d'un seuil plus strict pour la mode ultra-express : 1 million de références ne concernent qu'une minorité d'acteurs.
L'instauration d'un mécanisme de révision du seuil offrait un outil d'amélioration important.
Le jalon important qu'est ce texte a fait réagir positivement la société civile et les médias qui s'en sont emparés.
Cela fera réfléchir ceux qui, au Gouvernement et au Parlement, veulent faire de l'environnement un bouc émissaire. Ce texte ouvre la porte à une régulation, aussi le groupe SER le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
M. Christopher Szczurek . - (M. Aymeric Durox applaudit.) Il est des textes qui tombent tard, mais bien. Reconnaissez-nous au moins le mérite de la constance sur quelques sujets ; au-delà de la dénonciation du désordre migratoire - qui est passé du désordre aux frontières au désordre dans nos rues (protestations sur quelques travées à gauche) -, je pense à la lutte constante contre la mondialisation et le libre-échange dérégulé.
Beaucoup ici ont participé à des gouvernements qui ont validé l'entrée de la Chine dans l'OMC. D'autres ont soutenu avec la dernière servilité les commissions européennes successives multipliant les traités de libre-échange.
Il y a des années déjà, Marine Le Pen dénonçait un système faisant produire par des esclaves exploités cyniquement des biens vendus à des chômeurs appauvris sciemment. (On ironise sur les travées du groupe SER.)
Ce texte n'est qu'un pansement sur une plaie béante. Le problème n'est pas Shein - qu'a rejoint Christophe Castaner - ou Temu, mais le système qui permet aux entreprises de déverser chaque jour des tonnes de vêtements bon marché dans nos ports, nos aéroports, nos boîtes aux lettres ; c'est l'idéologie du déracinement, du dumping social généralisé et de l'abolition des frontières.
Ce texte est un début de réponse, mais surtout un aveu tardif : que le libre-échange n'est pas un dogme sans conséquence, que notre tissu économique, notre environnement, nos savoir-faire, nos travailleurs, nos jeunes paient le prix de la trahison de l'intérêt national et d'un juste échange, protecteur des producteurs d'ici contre les exploiteurs de là-bas.
Ne nous trompons pas de cible : ce ne sont pas les consommateurs qu'il faut blâmer si la production locale est devenue inabordable pour beaucoup. Les Français ne doivent pas être culpabilisés pour avoir cédé à une offre qui s'impose à eux, sans alternative.
Nous voterons ce texte, car tout pas vers la régulation est préférable à la servitude complète - mais sans illusion, sans naïveté, sans hypocrisie. Le jour viendra et il ne s'agira plus de compenser les dégâts de ce système, mais d'en changer : restaurer les frontières et imposer une préférence nationale, économique et écologique, redonner à nos artisans, à nos ouvriers, à nos territoires, la place qu'ils n'auraient jamais dû perdre. (MM. Aymeric Durox et Stéphane Ravier applaudissent ; Mme Laurence Rossignol ironise.)
M. Pierre Jean Rochette . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Pendant des années, on nous a fait une fausse promesse, celle qu'en délocalisant, les prix seraient plus bas. Or nous avons créé des dépenses futures. Les vêtements de la fast fashion ne reflètent pas leur coût réel. Au Sénat, nous percevons leurs coûts indirects à travers les déchets, à la charge des collectivités territoriales, ou les délocalisations et les fermetures d'enseignes françaises ; mais nous ne mesurons pas encore tous les coûts cachés. Nous devrons payer l'impact écologique. Les territoires sont durement touchés avec les fermetures d'entreprises, qui auront des conséquences en cascade, notamment la perte de savoir-faire de nos régions.
Le coût est aussi économique. Alors que l'Europe cherche à se réindustrialiser, nos décisions d'aujourd'hui influencent nos actions de demain.
Des amendements adoptés en séance, dont celui de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, proposent de comptabiliser les références au titre des plateformes, dès lors qu'elles constituent le canal principal de vente de la marque. Cela permettra de centrer cette proposition de loi sur les géants chinois en évitant les effets de bords sur les entreprises françaises et européennes.
La production textile est responsable de 20 % de la pollution des eaux potables. La durée moyenne d'usage des produits d'habillement a été divisée par deux depuis 2000. Chaque seconde, 145 petits colis entrent en Europe : cela en fait 17 000 depuis le début de mon discours ! Pas moins de 800 millions de colis sont entrés en France en 2024, dont plus de 90 % en provenance de Chine.
L'Union européenne génère 12,6 millions de tonnes de déchets textiles par an et l'industrie textile a perdu 40 % de ses emplois en dix ans en France.
Nous faisons de la politique. Parfois, il faut envoyer des messages ; ce texte envoie un signal positif à nos entreprises françaises et européennes. Mais nous devrons aller plus loin. Notre manière de consommer évolue. On nous invente des besoins par une illusion du manque. Des publicités intempestives, des partenariats commerciaux, des promotions éphémères nous poussent à consommer dans une frénésie d'achats dictés par l'urgence et les réseaux sociaux, dopés par les influenceurs, eux-mêmes ambassadeurs de l'éphémère. Il faut encadrer ces publicités sournoises.
Il faut aussi des réponses concrètes pour freiner l'envoi de ces millions de colis qui échappent à toute forme de tarification. Je me réjouis de l'adoption de mon amendement, défendu avec brio par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, pour taxer les petits colis de moins de 2 kg - idée reprise par les ministres de l'économie et du budget lors du conseil des entreprises. Peut-être figurera-t-elle au prochain projet de loi de finances.
Des dispositions similaires sont en cours de négociation à Bruxelles. Nous ne protégerons pas seuls en France notre planète et notre industrie. Nous attendons des réponses fortes sur la révision de la directive déchets et sur la réforme de l'union douanière.
Agissons avant l'overdose de déchets, dès aujourd'hui. N'oublions que si les économies sont illusoires et immédiates, le coût réel est différé. (Applaudissements et « bravo ! » sur les travées du groupe INDEP ; M. Daniel Gueret applaudit également.)
Mme Sylvie Valente Le Hir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Ce texte est un bel exemple de ce que le Sénat produit de plus utile : une réponse lucide forgée dans le dialogue, enrichie par de multiples contributions et portée par un large consensus. Je salue cet esprit qui a donné à ce texte une dimension transpartisane. La proposition de loi trace une voie et pose des bornes ; c'est pourquoi nous la voterons avec détermination. Le Sénat n'a pas affaibli ce texte, il l'a renforcé en refusant la caricature et en prenant ses responsabilités : affirmer qu'il est temps d'encadrer les excès de la mode express sans pénaliser une mode plus responsable.
Il a su distinguer ce qui relève de la surconsommation programmée et ce qui relève de l'innovation soutenable. Nous avons tracé une ligne nette entre la mode ultra-express et la mode accessible, mais enracinée que nous voulons préserver, celle qui emploie en France et soutient le tissu économique local.
Nous avons aussi innové : pour la première fois, la logistique est intégrée au champ du textile. L'interdiction de la mention « livraison gratuite » et l'obligation d'information sur l'impact des livraisons marquent une avancée structurante issue des recommandations d'une mission d'information de 2021 dont Nicole Bonnefoy et Rémi Pointereau étaient les rapporteurs. La livraison n'est jamais gratuite ; elle a un coût environnemental et logistique qu'on ne peut plus éluder.
Enfin, nous avons renforcé les leviers de contrôle de la mode express. La suppression de l'avantage fiscal sur les dons d'invendus est une mesure de cohérence.
Le renforcement du partage d'information entre administrations permettra de mieux lutter contre les fraudes.
Nous avons pris une position équilibrée s'agissant de la modulation des écocontributions. Nous retenons l'essentiel, le coefficient de durabilité, fondé sur trois critères : la fréquence de renouvellement, la largeur de gamme, la transparence sur la chaîne de production.
Les sommes récoltées serviront un objectif stratégique : le renforcement des capacités nationales de recyclage textile. Car il ne s'agit pas seulement de punir, mais de reconstruire, de donner à notre pays les moyens de traiter ses déchets sur son sol, de créer des emplois dans la valorisation des matières, de réinventer un tissu industriel que la délocalisation a trop longtemps effiloché.
Fallait-il interdire toute publicité sur la mode express malgré les risques d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité ? Cette question est révélatrice de la complexité de notre tâche : conjuguer l'exigence démocratique avec la rigueur juridique, défendre l'intérêt général sans faire fi des équilibres constitutionnels.
Le Sénat a rétabli l'interdiction générale, ...
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Sylvie Valente Le Hir. - ... tout en maintenant les mesures d'encadrement proportionné de la publicité. Il faut retenir le message politique fort : la publicité ne saurait être une zone de non-droit ; en démocratie, il est légitime de poser des repères dans un univers dérégulé.
Réguler, ce n'est pas restreindre les libertés, mais donner un cadre commun. Le pouvoir d'achat ne peut justifier n'importe quelle marchandisation. Défendre la dignité des consommateurs, ce n'est pas leur proposer des vêtements jetables, parfois toxiques, souvent conçus dans des conditions inhumaines ; c'est leur permettre d'acheter mieux, dans la durée, avec conscience.
Ce texte défend une certaine idée de notre société : une société où le progrès ne se mesure plus au nombre de colis livrés dans la journée, mais à la qualité du lien entre producteurs et consommateurs, entre humains et environnement, entre présent et avenir.
Votons ce texte qui ne défend pas seulement un autre modèle de mode, mais un autre modèle de modernité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jérôme Durain applaudit également.) Depuis quelques années, un modèle économique particulier s'est imposé dans le secteur de l'habillement : la fast fashion, qui renouvelle à un rythme effréné des collections toujours plus nombreuses à des prix toujours plus bas. Mais derrière cela, se cache une autre réalité environnementale, sociale et économique qu'il n'est plus possible d'ignorer.
Entre 2010 et 2023, le nombre de vêtements mis sur le marché français est passé de 2,3 à 3,2 milliards de pièces : cette hausse vertigineuse de près de 40 % en à peine 13 ans n'est pas anodine ; elle traduit une logique de surconsommation qui s'emballe avec des impacts majeurs.
Ces vêtements sont fabriqués en majorité en Asie du Sud-Est avec une empreinte carbone massive. L'industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde, représentant près de 10 % des émissions de gaz à effet de serre.
Mais réduire la fast fashion à un enjeu écologique serait une erreur : cette distorsion de concurrence met à mal notre souveraineté industrielle et nos savoir-faire. La loi Agec et la loi Climat et résilience ont posé des jalons importants, mais sans permettre de renverser la dynamique.
Cette proposition de loi est donc une avancée essentielle en introduisant une définition claire et complète de la mode éphémère.
Elle prévoit des mécanismes de sanction et de responsabilisation dissuasifs pour les entreprises qui contreviendraient aux règles. Je salue la réintroduction de l'article 3 interdisant toute publicité, qui complète l'interdiction de la promotion par les influenceurs, à l'article 3 bis.
Nous ne proposons pas d'interdire de s'habiller, mais de redonner du sens à nos achats, de sortir de la logique d'accumulation au profit de celle de responsabilité. Pour toutes ces raisons, le RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Audrey Linkenheld applaudit également.)
Scrutin public solennel
La proposition de loi est mise aux voix par scrutin public solennel.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°303 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 337 |
Contre | 1 |
La proposition de loi est adoptée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire . - Je remercie le président Longeot, qui a pris l'initiative d'inscrire ce texte à votre ordre du jour et lui a donné une résonance particulière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.) Merci à la rapporteure Valente Le Hir avec qui nous avons travaillé pour l'améliorer, merci aux sénateurs qui l'ont rendu plus robuste : je pense à l'interdiction de la publicité sur la mode ultra-express, à la fixation d'un minimum de pénalité, au malus assis sur le coefficient de durabilité et l'affichage environnemental.
Ce texte a deux ambitions : protéger notre environnement, mais aussi protéger notre commerce et la vitalité de nos centres-villes.
Dès demain, nous notifierons ce texte à la Commission européenne qui aura trois à quatre mois pour faire part de ses observations. Nous convoquerons la CMP et préparerons les décrets. Avec Agnès Pannier-Runacher, nous travaillons, avec la DGCCRF et auprès de la Commission européenne, pour lutter contre les pratiques des plateformes ; une action a d'ailleurs été intentée.
Le Gouvernement et le Parlement sont alignés sur ces priorités, c'est gage d'efficacité. Merci pour ce vote engageant qui nous permettra de poursuivre notre action. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains)
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Merci pour cette belle unanimité. C'était mon premier rapport (applaudissements sur de nombreuses travées) - un rapport hors norme, la revue de presse du jour en témoigne ! Face à l'adversité, je remercie la commission, son président et mon groupe de m'avoir soutenue. (Applaudissements)
Merci au président Larcher pour son soutien particulier. (Nouveaux applaudissements) Nous avons dû nous battre pour que ce texte arrive au Sénat. (Mêmes mouvements)
La séance est suspendue quelques instants.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
Mise au point au sujet d'un vote
M. Rachid Temal. - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Lors du scrutin public n°303, je voulais voter pour. La machine n'a pas fonctionné : j'ai pourtant bien appuyé sur bleu ! (Rires)
Acte en est donné.
Organisation, gestion et financement du sport professionnel (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, présentée par M. Laurent Lafon, à la demande de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
Discussion générale
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le sport incarne des valeurs d'excellence, de dépassement de soi et de solidarité. Il rassemble et fédère. Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) ont montré à quel point il transcendait les différences et participait au rayonnement international de la France.
Le sport professionnel doit être un modèle et un soutien pour le sport amateur - ce qui suppose une éthique, une exigence. C'est pourquoi la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a créé, l'an dernier, une mission d'information sur les fonds d'investissement dans le football professionnel français. Je remercie son rapporteur, Michel Savin, et tous ceux qui ont participé à ses travaux.
Cette proposition de loi est la suite logique des conclusions de la mission d'information. Nos travaux ont mis en évidence des difficultés économiques structurelles, des problèmes de gouvernance et de conflits d'intérêts, voire des dérives. La perte d'attractivité du championnat de France de football entraîne des difficultés économiques pour les clubs, essentiels à la vitalité de nos territoires.
Notre mission d'information a suscité une prise de conscience : aux certitudes initiales a succédé une remise en question, amplifiée avec le retrait du principal diffuseur du championnat début 2025 qui a entraîné pour les clubs un saut dans l'inconnu.
La Fédération française de football (FFF) a convoqué des états généraux, dont les conclusions rejoignent largement les nôtres. Cette dynamique inédite ne doit pas s'essouffler.
Nous avons élargi le champ de la proposition de loi à l'ensemble du sport professionnel. Les situations de blocage sont nombreuses dans les disciplines autres que le football, en raison de désaccords entre fédérations et ligues. Le piratage des contenus audiovisuels fragilise l'économie du sport. Son ampleur témoigne de l'attractivité des contenus sportifs : si nous parvenons à créer un modèle économique viable, comme pour la musique, le potentiel de valorisation est considérable.
Une réforme est urgente. Ses différents volets sont indissociables.
La mission d'information a montré les lacunes de la loi du 2 mars 2022, qui a fixé les conditions dans lesquelles une ligue peut créer une société pour la commercialisation et la gestion des droits d'exploitation.
Nous y remédions, tout en cherchant à rendre plus efficace la gouvernance du sport professionnel. Quand les droits ont été cédés aux clubs, je propose que la fédération puisse créer une société commerciale l'associant aux sociétés sportives propriétaire de ces droits, pour clarifier une gouvernance opaque et déresponsabilisante. La fédération bénéficierait d'une action préférentielle. L'architecture pyramidale est consubstantielle au modèle sportif français, dans lequel l'État délègue une mission de service public aux fédérations.
Cette proposition de loi renforce également le contrôle et le suivi de la gestion des clubs, des ligues et de leurs sociétés commerciales. Elle introduit un contrôle de la Cour des comptes.
Sur le piratage, nous avons travaillé avec les titulaires de droits et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour permettre le blocage en temps réel, gage d'efficacité. Nous avons intégré des garanties pour sécuriser le dispositif.
Cette proposition de loi résulte d'un travail collectif. L'examen parlementaire offre une nouvelle occasion de l'enrichir.
Madame la ministre, votre engagement nous est précieux. Il y a urgence. J'espère que vous engagerez la procédure accélérée, et que le texte sera rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE-K)
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Cette proposition de loi est issue des travaux de la mission d'information sur la financiarisation du football. Adopté à l'unanimité en octobre, le rapport contient 35 recommandations pour clarifier la gouvernance, mieux contrôler les budgets des clubs et ligues, partager plus équitablement les ressources issues des droits audiovisuels, renforcer les exigences en matière d'éthique et de démocratie, réinventer l'économie du sport professionnel face à la progression du piratage.
Depuis, nos constats se sont confirmés : retrait anticipé d'un diffuseur du championnat de France de football, banalisation du piratage, déficit cumulé dépassant le milliard d'euros pour l'ensemble des clubs.
Notre travail a mis en lumière des dysfonctionnements dus au manque de transparence. Il est regrettable que les acteurs du milieu ne se soient pas engagés plus tôt en faveur d'une rénovation de ce modèle.
Véritable épée de Damoclès, ce marasme économique plonge les clubs dans l'incertitude, leur survie dépendant de leur actionnaire.
Les états généraux du football ont abouti des propositions de réforme, tant sur la gouvernance que le développement économique, le contrôle et la discipline. Parallèlement, certains blocages appellent des ajustements législatifs.
Nous avons entendu l'ensemble des acteurs concernés. Si certains étaient interrogatifs, beaucoup reconnaissent aujourd'hui le bien-fondé de nos travaux. Une réponse législative s'imposait ; elle devient impérative. Le sport professionnel n'est pas une zone de non-droit, c'est un secteur stratégique qui mérite un cadre à la hauteur de son impact.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. - Certains défis s'imposent aussi aux autres sports : piratage, développement du sport féminin, contrôle des fédérations délégataires ; le rapport de Rémy Schwartz de 2023 souligne ainsi le manque de contrôle des subdélégations de service public.
Fruit d'un travail approfondi, enrichi en commission par seize amendements, ce texte répond à différents besoins. D'abord, rééquilibrer la gouvernance entre les fédérations et les ligues professionnelles. Chaque ligue devra rendre compte de l'exercice de sa subdélégation au ministère des sports et à la fédération qui l'a investie. L'article 2 encadre les conditions et conséquences du retrait de la subdélégation et introduit une mesure dissuasive pour sécuriser le dispositif.
Deuxièmement, octroyer au sport féminin les moyens de son développement et de son autonomie, avec la possibilité de créer une seconde ligue professionnelle dédiée.
Troisièmement, clarifier la gouvernance économique avec la possibilité pour la fédération de créer une société commerciale avec les clubs, chaque club ayant un droit de vote égal et la fédération un droit de véto. L'article 5 permet de céder les droits d'exploitation en un seul ou plusieurs lots. Les dirigeants ne pourront plus cumuler leurs fonctions avec un poste dans une entreprise de diffusion audiovisuelle.
Quatrièmement, plafonner les rémunérations.
Cinquièmement, renforcer le contrôle financier. Les organismes de contrôle pourront prononcer des sanctions financières et sportives. Un plafond de répartition des produits audiovisuels sera instauré : dans un souci d'équité, le rapport entre clubs d'une même compétition ne pourra plus dépasser un à trois.
Sixièmement, encadrer la profession d'agent sportif. Il faudra désormais être titulaire d'un bac+3, réussir un examen écrit, suivre une formation continue et respecter des obligations de transparence éthique.
Septièmement, entendre la voix des supporters. Les associations de supporters seront consultées annuellement au sein de chaque fédération. Nous reconnaissons ainsi leur place dans la vie des clubs.
Huitièmement, faire la chasse au piratage des contenus sportifs. En lien avec l'Arcom, les diffuseurs, les ligues, les fournisseurs d'accès à internet (FAI), un système automatisé de blocage des sites illégaux sera instauré, avec des sanctions renforcées - jusqu'à sept ans de prison et 750 000 euros d'amende - et des garanties procédurales.
Ce texte est une refondation inédite, pour un sport professionnel français plus solide, plus juste, plus moderne. Ces dispositions, très attendues, amélioreront la gouvernance et remettront la transparence, la solidarité et l'attractivité au centre du jeu. Certaines sont urgentes. Compte tenu des enjeux, il faudrait que ce texte soit adopté dans les meilleurs délais. Je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative . - Cette proposition de loi fait suite au rapport de votre mission d'information sur la financiarisation du football professionnel, qui comportait 35 recommandations.
Je salue le travail de Laurent Lafon et Michel Savin, qui trouve tout son sens alors que le football professionnel français traverse une crise profonde depuis le départ de Mediapro en 2020, entre baisse des droits audiovisuels et choix de gouvernance contestés. Le partenariat entre la Ligue de football professionnel (LFP) et CVC a permis de traverser la crise mais pas de faire évoluer le modèle. La coexistence d'une ligue et d'une société commerciale a abouti à votre mission. Les conditions d'attribution du dernier appel d'offres et le conflit entre la LFP et le diffuseur DAZN ont mis en lumière les difficultés.
Le football traverse une crise non pas conjoncturelle, mais structurelle. Les états généraux ont rendu leurs conclusions le 12 mai dernier ; certaines trouvent leur place dans cette proposition de loi.
Son article 1er précise les obligations des ligues, notamment au niveau des subdélégations.
L'article 6 autorise une fédération à créer une société commerciale l'associant aux sociétés sportives auxquelles elle a cédé ses droits.
L'article 8 renforce les obligations de déclaration auprès de la HATVP pour les dirigeants de ligues et de fédération. L'article 9 vise à mieux contrôler les ligues et les sociétés sportives.
L'article 10 renforce les moyens de l'Arcom pour lutter contre le piratage. C'est crucial pour rassurer les diffuseurs potentiels.
La commission a adopté un amendement autorisant la création de deux ligues au sein d'une même fédération, l'une masculine, l'autre féminine. Elle a intégré une procédure de conciliation bornée dans le temps, qui remet le ministère au centre afin de privilégier l'intérêt général aux conflits de personne. À l'article 9, elle a précisé le rôle de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) et son positionnement.
Le Gouvernement souhaite accompagner ce texte, sans le limiter au football professionnel. Je défendrai plusieurs amendements qui en préservent la philosophie et les équilibres.
L'un vise à contraindre les clubs français à mettre à disposition les joueurs français pour les JOP. Nous avons tous regretté que certains de nos champions ne puissent participer au tournoi de football des Jeux de Paris. Nous aurions sans doute remporté l'or !
La commission a prévu une obligation de formation continue pour les agents sportifs. Je défendrai un amendement imposant aux fédérations de la dispenser et d'en assurer le suivi.
Une ligue est assujettie à un principe de solidarité entre monde amateur et professionnel ; à l'article 7, je proposerai d'étendre ce principe de solidarité en cas de subdélégation à une société de clubs.
Votre commission a voté la possibilité pour une fédération de créer une ligue masculine et une ligue féminine ; je proposerai qu'un club puisse avoir à la fois une société sportive masculine et une société féminine. Une association sportive pourra financer l'un indépendamment de l'autre. Le secteur féminin pourra ainsi se développer en tant que modèle économique propre. Nous avons besoin de cette locomotive pour encourager la pratique sportive chez les jeunes filles.
D'autres amendements visent à introduire les mesures de ce texte dans le code du sport.
À l'heure où le PSG a remporté sa première Ligue des champions, où un club français remporte la Champions Cup pour la cinquième année consécutive, où Monaco brille en Euroligue de basket et Montpellier Handball en European League, ne perdons pas de vue les enjeux structurels auxquels ce texte apporte des réponses.
C'est en responsabilité que le Gouvernement apportera son soutien à ce texte, sur lequel il engagera la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Laurent Lafon. - Très bien !
M. Claude Kern . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Je salue l'initiative de Laurent Lafon et le travail de ciselage de Michel Savin. Fruit de la mission d'information sur la financiarisation du football professionnel, ce texte propose un nouvel équilibre pour le sport professionnel, tant en matière de gouvernance que de développement économique. Il sécurise les dispositifs, accroît la solidarité en matière de gestion et renforce les contrôles.
Il consolide l'existant, apaise et rééquilibre les relations entre ligues et fédérations ; il était urgent de clarifier les responsabilités, notamment s'agissant des subdélégations. Chevauchements, blocages, conflits d'intérêts se font au détriment de la transparence et de l'efficacité.
La subdélégation de certaines missions aux ligues nécessite un encadrement juridique garantissant l'intérêt général et l'éthique sportive. En ce sens, les modifications apportées en commission par le rapporteur emportent notre adhésion.
Toutefois, j'ai proposé quelques ajustements préservant le périmètre de compétences et l'autonomie d'action de chacun. Nous devons garantir la continuité du service public avec des procédures claires, placées sous l'égide du ministre des sports, pour surmonter les blocages éventuels. (Mme Marie Barsacq hoche la tête.)
Ce texte renforce notre arsenal de lutte contre le piratage, qui menace l'écosystème audiovisuel et l'économie du sport - nous souscrivons donc à l'article 10. En 2023, le manque à gagner est estimé à 1,5 milliard d'euros, dont 290 millions d'euros pour le secteur du sport. Lutter contre le piratage est donc une réponse à la sous-budgétisation chronique du sport en France. Comment expliquer que nous subissions encore une telle forfaiture ? L'Espagne, l'Italie ou le Royaume-Uni font montre de plus d'engagement et d'efficacité sur le sujet.
Notre réponse doit être adossée à des moyens techniques plus réactifs : il faut bloquer en temps réel les serveurs diffusant illégalement les contenus sportifs pour que cesse cette atteinte aux droits des diffuseurs, qui touche les clubs et donc nos territoires.
Nous attendons un positionnement ferme du Gouvernement. Tout atermoiement perturberait encore davantage l'écosystème.
Le sport, c'est du spectacle, de la passion, mais aussi des emplois et des ressources. Il faut protéger sa valeur, en assurant une juste rémunération des acteurs et en dissuadant les pratiques illégales.
Dans la mesure où cette proposition de loi réforme le sport professionnel en le préservant des logiques purement commerciales, le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, du RDPI et du groupe CRCE-K)
M. Jérémy Bacchi . - Ce texte marque une étape décisive pour la refondation du sport professionnel français, notamment le football. J'en remercie Laurent Lafon et Michel Savin.
Le modèle économique actuel est surfinanciarisé et à bout de souffle. Dépendance excessive aux droits télévisuels, gouvernance fragmentée et opaque, inégalités croissantes entre clubs, piratage massif : autant de difficultés auxquelles ce texte apporte des réponses utiles.
Avec le souci d'une meilleure justice entre clubs, l'article 7 plafonne les écarts de répartition des droits audiovisuels, faisant de l'équité sportive la condition de la viabilité économique. Le mythe d'une locomotive tirant les autres clubs vers le haut n'a que trop vécu.
L'encadrement des rémunérations, les obligations déclaratives auprès de la HATVP, le contrôle de la Cour des comptes sur les ligues permettront de sortir des conflits d'intérêts et du manque de contrôle qui ont trop longtemps gangrené le secteur.
L'article 3 renforce - timidement - la place des supporters dans la gouvernance du sport professionnel : c'est un premier pas. Je regrette toutefois que l'on s'en tienne à un avis purement consultatif de l'Instance nationale du supportérisme (INS), car c'est la dimension populaire du sport qui se joue ici.
Nous saluons l'article 10, qui permet de bloquer les contenus illégaux en temps réel. Le piratage prospère sur un terreau fertile : scandale Mediapro, changement régulier d'opérateur... Le coût mensuel de l'abonnement est un frein pour de nombreux foyers. Ces logiques à court terme n'ont fait que dévaloriser le produit. Là où il était possible de faire grandir le football français, ces choix l'ont en fait affaibli. Sans être un doux rêveur, je crois qu'il existe une voie pour mieux réguler les dérives du football professionnel mais aussi renforcer son caractère populaire.
Ce texte ne réglera pas tout. Depuis les décrets Pasqua de 1995, le football, désormais détenu par des fonds d'investissement, est devenu un objet économique mondialisé. La multipropriété posera des problèmes sportifs, économiques, mais aussi moraux. Au-delà de la concurrence déloyale, comment accepter qu'un club se fasse dépouiller jusqu'à son âme au nom de la multipropriété ?
Nous voterons ce texte, en plaidant pour renforcer la dimension populaire du sport, ce qui implique aussi d'agir sur le prix des places. Le sport doit rester un bien précieux et universel ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et Les Républicains)
Mme Mathilde Ollivier . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le sport profil traverse une crise profonde et grave ; aussi fallait-il légiférer. Mais le présent texte est avant tout une réponse aux errements de la LFP et des dérives du football français.
Le rapport de la mission d'information est accablant : gouvernance opaque, enrichissement injustifiable de certains dirigeants, gestion financière irresponsable, alors que le déficit cumulé des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 s'élève à 1,2 milliard d'euros. Cette dérive est le résultat d'un modèle ultra-financiarisé où les clubs vivent au-dessus de leurs moyens, alors que les droits télévisuels chutent et que les recettes vont à des fonds d'investissement étrangers.
En tant que législateurs, nous devons promouvoir une nouvelle forme de gouvernance : c'est chose faite avec ce texte. Je salue le travail de Laurent Lafon et de Michel Savin, et les nombreuses auditions menées.
Certaines mesures vont dans le bon sens. L'encadrement des sociétés commerciales de gestion des droits audiovisuels pour le football, notamment. Le contrôle accru de l'État et des fédérations est également à saluer, de même que le plafonnement des rémunérations des dirigeants. C'est un signal fort : l'exemplarité doit venir d'en haut. Revenir sur cette mesure serait une grave erreur.
La lutte contre le piratage et le renforcement de la transparence dans la gouvernance permettront de restaurer la confiance entre les clubs, les supporters et les citoyens.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens, mais nous voulons aller plus loin.
Premièrement, les citoyens-supporters sont mis de côté. Les associations de supporters sont pourtant les garantes de l'identité dans les clubs : nous voulons qu'elles intègrent les instances dirigeantes.
Thomas Dossus défendra un amendement pour que les arrêtés du ministre de l'intérieur ou du préfet concernant les interdictions de déplacement soient pris au moins deux semaines avant la rencontre.
Nous proposons de changer de logique, en tendant la main aux associations. Nous demandons également que les associations de lutte contre les discriminations soient intégrées ou à tout le moins consultées, car on ne peut continuer à fermer les yeux sur le racisme, le sexisme ou l'homophobie dans le sport.
Deuxièmement, en nous inspirant du rapport de la députée Sabrina Sebaihi, nous proposons d'intégrer un contrat anticorruption dans les contrats de délégation entre l'État et les fédérations et les ligues, avec avis conforme de l'Agence française anticorruption (AFA).
Enfin, les questions écologiques avaient été oubliées.
Le GEST votera ce texte avec exigence et vigilance.
C'est aux joueurs, aux supporters, aux bénévoles et aux territoires que nous devons rendre des comptes, pour un sport intègre, populaire et accessible à toutes et tous. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Jean-Jacques Lozach . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette proposition de loi tire les enseignements de la mission d'information sur la financiarisation du football professionnel, pour l'ensemble du sport professionnel.
Comporte-t-elle des avancées en matière de transparence, de solidarité, de démocratie ? Certes, mais sans épuiser tous les sujets.
Il y a neuf mois, nous saluions le bilan sportif français aux JOP de Paris, avec 64 médailles, des résultats que nous devons essentiellement à des sportifs professionnels - le sport professionnel ne se porte donc pas si mal ! Mais la donne diffère entre sports collectifs et individuels, comme en témoignent nos échecs en athlétisme. Le sport professionnel ne doit pas être appréhendé au travers d'une seule discipline.
Gardons-nous d'une vision manichéenne, avec les bons présidents de fédération et les mauvais présidents de ligue, ou l'inverse...
Dans la recherche d'un équilibre entre autorégulation et interventionnisme, le curseur penche trop vers ce dernier. Il conviendra, le moment venu, d'évaluer cette proposition de loi.
Dans la quasi-totalité des cas, les relations entre fédération et ligue sont au beau fixe. Les projets de ligues privées ou de compétitions internationales semi-fermées fragilisent les ligues nationales.
Nous sommes attachés à la solidarité entre les différentes divisions des championnats, entre les équipes de France et les clubs, entre les activités professionnelles et amateures, solidarité mise à mal durant le covid avec la demande de suppression de la taxe Buffet.
En juillet 2020, l'Assemblée nationale a publié un rapport d'évaluation de la loi du 1er mars 2017, recommandant des chartes et des comités d'éthique et de déontologie dans toutes les disciplines, des moyens pour la DNCG, des sanctions pour les sportifs et les clubs qui font appel à des personnes n'ayant pas la qualité d'agent sportif, et la prise en compte des recommandations des chambres régionales des comptes (CRC).
Le grand absent du texte, c'est l'argent public, souvent issu des collectivités territoriales. Nous avions ici l'occasion de faire le bilan de la loi du 28 décembre 1999, qui avait créé les sociétés anonymes sportives professionnelles pour soulager les collectivités territoriales.
La France, patrie de Pierre de Coubertin et des trois plus grands événements sportifs internationaux, a un rôle à jouer au niveau européen. Or, depuis le traité de Lisbonne, la politique sportive européenne a-t-elle vraiment progressé ? Non, voyez la multipropriété.
Il aurait été souhaitable de faire précéder toute réforme d'une grande conférence nationale sur le sport professionnel.
Pour se développer, le sport, facteur de cohésion sociale, a besoin d'un sport professionnel exemplaire. Nous voterons ce texte, qui y contribue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Cyril Pellevat . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Le foot fédère et émancipe. C'est un vecteur de cohésion sociale. Mais le football professionnel est en danger. Son modèle économique actuel est à bout de souffle, avec 1,2 milliard d'euros de déficits cumulés des clubs de football. Depuis 2020, le secteur connaît une crise sans précédent : partenariat décevant entre la ligue et CVC, départs successifs de Mediapro et d'Amazon, piratage...
Nos territoires sont aussi concernés par cette réforme, car le sport professionnel fait partie de nos identités locales.
La proposition de loi prévoit des mesures pour garantir une gestion plus transparente : les obligations des ligues en matière de subdélégation sont précisées et les conditions d'un retrait ou d'un refus de subdélégation sont détaillées. Je salue la possibilité de créer une deuxième ligue pour le sport féminin.
La commission a aussi encadré la profession d'agent sportif - formation, rémunérations, sanctions en cas d'exercice illégal.
L'article 9 instaure un contrôle de la Cour des comptes sur les ligues professionnelles et les sociétés commerciales.
La loi du 25 octobre 2021 permet à l'Arcom de bloquer des sites retransmettant illégalement des événements sportifs : en 2022, 7 000 noms de domaines avaient ainsi été bloqués. Mais il fallait aller plus loin : l'article 10 autorise donc l'Arcom à mettre en place un système de blocage automatisé en temps réel. Le texte prévoit aussi des délits spécifiques inspirés de la lutte contre la contrefaçon de droits d'auteur.
Le groupe INDEP votera ce texte, mais sera attentif aux modifications apportées en séance.
Lors des états généraux de la FFF, Philippe Diallo a dénoncé le problème structurel du modèle économique du football professionnel, fondé sur les droits audiovisuels et les transferts. Ce texte comporte des mesures ambitieuses, mais une restructuration du secteur reste à mener, avec tous les acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Jean-François Longeot et Laurent Lafon applaudissent également.)
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est le fruit du travail exigeant de Michel Savin et Laurent Lafon. La loi de 2022, qui a marqué un tournant pour un sport plus inclusif et transparent, n'a pas résolu les dysfonctionnements institutionnels et économiques du sport professionnel, à bout de souffle. La domination du PSG ne masque pas les difficultés des clubs, dont les pertes sont estimées à 270 millions d'euros. Les épisodes Mediapro, CVC et DAZN ont accentué les difficultés. S'y ajoutent des problèmes de gouvernance, qui ternissent l'image du sport de haut niveau - voyez les affaires... Cette hémorragie prospère dans l'omerta qui gangrène les fédérations - le mot est fort, mais je l'assume. Face à cette gouvernance obsolète et antidémocratique, une réponse législative était nécessaire.
Ce texte vise tout d'abord à restaurer la confiance dans les institutions sportives, avec le plafonnement des rémunérations des dirigeants et la limitation du poids des clubs professionnels au sein de la fédération, pour mettre fin au clanisme. L'association des supporters à la gouvernance est une avancée.
Le texte sécurise la délégation, encadre les montages capitalistiques, renforce les obligations des ligues et donne la possibilité aux fédérations de leur retirer la subdélégation.
Lors de sa conférence de presse du 12 mai dernier, Philippe Diallo a proposé de calquer notre modèle sur celui de la Premier League anglaise. Cette proposition est tentante, mais est-elle adaptée à la France ? Pour réconcilier compétitivité et solidarité, ne prenons pas exemple sur le système anglais, qui favorise les meilleures équipes.
Concernant la gestion de ligues et des sociétés sportives, je m'interroge sur les pouvoirs de la DNCG.
Le piratage coûte chaque année des dizaines de millions d'euros à l'écosystème du sport et à l'État. Mais l'Arcom réussira-t-elle à bloquer efficacement les sites pirates, souvent hébergés sur des sites miroirs difficiles à détecter et à fermer ? Attention aussi à ne pas fermer par erreur des sites légaux...
Mais c'est surtout aux causes économiques du piratage qu'il faut s'attaquer : prix des abonnements trop élevés et droits de diffusion inaccessibles pour des diffuseurs locaux. Il est essentiel de construire une offre légale, riche et accessible, en organisant les états généraux de la diffusion des contenus sportifs.
J'ai une pensée pour le FC Sochaux-Montbéliard, berceau du football professionnel : même les clubs les plus anciens peuvent tomber.
Le groupe Les Républicains votera ce texte qui conjugue responsabilité et performance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Adel Ziane applaudit également.)
M. Didier Rambaud . - Comme beaucoup, j'aime le sport et je suis un fervent supporter, surtout de l'Ovalie en Isère... Mais l'évolution du football professionnel fait peine à voir : dérives, inégalités croissantes entre clubs, multiplication du nombre de diffuseurs, piratage - avec un manque à gagner considérable pour les clubs et l'État.
Le rapport de la mission d'information sénatoriale a été déterminant dans la rédaction de ce texte, utile, nécessaire et équilibré.
Il s'agit tout d'abord de transformer la gouvernance du football professionnel. Avec l'article 6, la FFF pourra créer une société commerciale avec les clubs détenteurs des droits audiovisuels, sur le modèle de la Premier League - qui a fait ses preuves. Je défendrai un amendement à l'article 11 bis pour allonger le délai de trois à six mois.
Ce texte propose aussi une refonte de l'organisation du sport professionnel, avec l'encadrement des rémunérations des dirigeants, de nouvelles obligations de déclaration à la HATVP, de nouvelles incompatibilités, ainsi qu'un contrôle de la Cour des comptes sur les ligues professionnelles et les sociétés commerciales.
Les ligues professionnelles auront aussi de nouvelles obligations : rapport sur la subdélégation, encadrement des rémunérations et incompatibilités de fonctions. S'agissant des rémunérations, je proposerai d'exclure la référence à la convention de subdélégation, afin d'éviter d'empoisonner les relations entre fédération et ligue.
L'article 2 écarte la tacite reconduction d'une convention de subdélégation, afin de maintenir le dialogue entre les structures. Je proposerai de supprimer l'alinéa 6 concernant la difficulté sérieuse de financement et d'allonger le délai prévu de deux à quatre mois. Un début de rééquilibrage a eu lieu en commission, allons plus loin en séance.
L'autorisation de création d'une seconde ligue féminine est bienvenue, à l'heure où le sport féminin gagne en visibilité.
L'article 2 bis, adopté en commission, encadre la profession d'agent sportif.
L'article 10 permet à l'Arcom de bloquer en temps réel la diffusion de contenus sportifs piratés, en dehors de toute décision judiciaire.
J'espère que nos débats aboutiront à un texte équilibré, permettant à mon groupe de le voter avec autant de fierté que lorsque nous voyons des sportifs français gagner.
M. Ahmed Laouedj . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je salue la qualité du travail mené sur ce texte qui offre au sport professionnel un cadre juridique à la hauteur de ses enjeux économiques, sociaux et éthiques.
Ce n'est pas une réforme technique, mais l'occasion de rééquilibrer le monde du sport et de redonner du souffle à un modèle en bout de course. Les défis sont multiples : instabilité économique, gouvernance peu lisible, tensions croissantes sur les droits audiovisuels...
La proposition de loi propose des avancées sur l'encadrement des ligues, le recentrage des fédérations, la lutte contre les conflits d'intérêts et les rémunérations excessives, la transparence via le contrôle de la Cour des comptes et l'ouverture timide - mais bienvenue - aux supporters et aux territoires.
Mais il faut aller plus loin, sans oublier le sport amateur, car le monde du haut niveau et nos clubs de quartier, qui forment les champions de demain, ne se parlent plus... Ceux qui font le sport dans nos territoires doivent être associés. C'est dans cet esprit que le RDSE a déposé plusieurs amendements : fin de la multipropriété, protection de l'intégrité du joueur, contrôle des capitaux étrangers.
N'oublions pas les clubs amateurs ni les milliers de bénévoles qui font vivre le sport dans nos territoires. Le sport est un outil de cohésion, d'émancipation, de santé, d'éducation et aussi d'intégration sociale, notamment dans mon département de Seine-Saint-Denis.
Je salue les acteurs du monde sportif qui s'engagent avec passion : ne dressons pas les uns contre les autres, mais bâtissons ensemble un modèle plus juste, plus solidaire et plus durable.
Le RDSE, vigilant, votera cette proposition de loi.
M. Adel Ziane . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Monique de Marco applaudit également.) Je salue le travail de Laurent Lafon et Michel Savin. Leur mission d'information a mis en lumière une crise profonde : chute des droits audiovisuels, hausse du piratage, problèmes de gouvernance à la ligue, clubs au bord du dépôt de bilan... Les signaux d'alerte sont nombreux dans le football, mais il n'est que le laboratoire avancé des transformations du sport professionnel.
L'ancrage territorial du sport professionnel doit être impérativement préservé. La baisse des recettes et le désengagement des acteurs français ouvrent la porte à des prises de contrôle de clubs par des fonds d'investissement étrangers, qui, à Saint-Ouen, Bordeaux ou Montbéliard, arrivent et repartent à la faveur d'arbitrages financiers... Et pour lutter contre le fléau de la multipropriété, la FFF doit intervenir auprès de l'UEFA et de la Fifa. Le groupe SER fera des propositions pour plus de transparence, pour encadrer les investissements et pour préserver la souveraineté du sport professionnel français.
Enfin, le rôle des supporters doit être mieux reconnu. L'article 3 leur fait une place dans la gouvernance, mais le groupe SER défendra des amendements pour les associer aux décisions qui les concernent : compétitions, déplacements, droits audiovisuels...
Le sport joue un rôle structurant, forge des identités communes et soutient des dynamiques sociales et économiques. Mais pour cela, il faut que les clubs restent liés à leur territoire, à leur public et à leur histoire.
Le groupe SER votera ce texte et défendra des amendements pour en renforcer la portée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 23 mai 2006, une ordonnance instituait un code du sport. Nous aurions pu penser que cela serait source de stabilité législative. Que nenni ! Depuis, le législateur et le Gouvernement n'ont eu de cesse de modifier le droit relatif au sport.
Il faut une réforme globale, mais ce n'est pas du tout le cas avec ce texte. Le rapport commis l'an dernier par Laurent Lafon et Michel Savin avait pour curieux titre : « Football-business : stop ou encore ? »
Le football est une discipline sportive, mais aussi un spectacle à part entière et un phénomène économique de première importance, avec 5,5 milliards d'euros de valeur ajoutée et 1,3 milliard d'euros de contributions sociales et fiscales. Pourquoi le Président de la République a-t-il voulu faire revenir à Paris le siège de la Fifa ? Le football professionnel est et restera une activité économique.
Mais généraliser les conclusions d'un tel rapport à charge à toutes les disciplines sportives professionnelles est périlleux. (M. Pierre Ouzoulias s'exclame.) Les ligues ont montré leur capacité à réguler le secteur professionnel, dans un contexte de recul massif du soutien des collectivités territoriales et de concurrence internationale exacerbée. Évitons que le remède soit pire que le mal. Nous avons moins besoin d'une organisation tarabiscotée que du respect scrupuleux des règles, de rationalité économique et de bon sens.
Le football français est le reflet caricatural de la situation du pays : il vit au-dessus de ses moyens ; il traîne un boulet fiscal qui ne lui permet pas de lutter à armes égales avec les autres pays européens ; il s'abîme dans des guerres picrocholines et de pitoyables querelles de personnes.
Pourtant, la formation française est l'une des meilleures au monde, l'Île-de-France est l'un des deux plus importants viviers de talents au monde, les ligues font bénéficier les clubs amateurs des revenus générés par les championnats professionnels...
De grâce, plutôt que d'être des redresseurs de torts ou des donneurs de leçons, soutenons le sport professionnel français. Ce n'est pas le cas avec ce texte qui fleure bon les années 1970 et met le sport professionnel sous la coupe d'un fédéralisme d'un autre temps. C'est profondément navrant. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Baptiste Blanc . - Cette proposition de loi témoigne d'une volonté forte, sincère et partagée d'adapter notre droit aux mutations du sport professionnel. Je salue le travail approfondi de Laurent Lafon et Michel Savin.
Parmi les avancées notables, je salue, à l'article 3, le dialogue structuré avec les supporters, qui auront une place plus lisible et les dispositions relatives à la lutte contre le piratage, à l'article 10.
D'autres mesures méritent d'être affinées, comme l'article 11 bis qui transforme les ligues professionnelles en sociétés commerciales. Le secteur n'y est pas opposé par principe, un dialogue est en cours et un modèle associant club, fédération et investisseurs est envisageable.
Mais la dissolution automatique d'une association soulève des incertitudes constitutionnelles. Il pourrait y avoir un déséquilibre entre les parties, fragilisant la logique de consensus.
La dissolution de la Ligue de football professionnel entraînerait aussi la reprise de ses actifs par la fédération, avant un transfert au club. Or le principal actif de la société commerciale sera constitué à 87 % par les parts dans LFP Media, valorisées à 10 milliards d'euros - un gros cadeau fait aux clubs ! CVC, qui a payé 1,5 milliard d'euros pour acquérir 13 % du capital, pourrait s'émouvoir que les clubs en acquièrent 87 % gratuitement ! Cela aura aussi des conséquences fiscales pour les clubs, puisque les actifs acquis à titre gratuit seront inscrits à leur bilan à leur valeur de marché, d'où un enrichissement considérable imposé à 25 %...
Le texte ne dit rien sur la gouvernance de la future société, alors que la gouvernance actuelle des ligues est très encadrée. Toutes les parties prenantes devront être présentes, pour garantir un équilibre démocratique et transparent. Le ministère des sports pourrait jouer un rôle important pour préserver un climat de confiance et de responsabilité au service de l'intérêt général. (Mme Marie Barsacq acquiesce.)
Une société de clubs, avec la fédération actionnaire et un investisseur minoritaire, peut être un modèle vertueux, à condition d'être suffisamment sécurisée juridiquement.
Cette proposition de loi mérite d'être soutenue. Les grandes réformes du sport doivent avoir des fondations solides, concertées et durables. Le sport professionnel doit continuer à être un secteur économique attrayant, tout en permettant à nos concitoyens d'en profiter pleinement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Avant l'article 1er A
Mme la présidente. - Amendement n°25 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Les clubs professionnels ont des relations très ambiguës avec les collectivités territoriales. Ces dernières n'aident pas directement les clubs professionnels, mais peuvent parfois être amenées à les financer via leurs missions d'intérêt général ou l'achat de places - le volley féminin n'existerait pas sans ces aides publiques. Il faut préciser cette mission d'intérêt général des collectivités territoriales.
Attention à ce que les contribuables locaux ne participent pas à l'enrichissement de fonds d'investissement, bien souvent étrangers !
Il faut continuer à aider certains clubs, dans certaines disciplines, pour développer le sentiment d'appartenance au territoire.
M. Michel Savin, rapporteur. - Aux termes de l'article L. 100-2 du code du sport, l'État et les collectivités territoriales, notamment, contribuent à la promotion et au développement du sport. Ils veillent à l'égal accès aux pratiques sportives et luttent contre les discriminations et les violences. Les collectivités territoriales contribuent aussi au développement du sport de haut niveau.
La précision n'est donc pas utile et sa portée juridique serait incertaine. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'article L. 100-1 du code du sport mentionne déjà que le soutien au sport de haut niveau est d'intérêt général. Votre précision nous semble induite par cet article, mais nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Mme la présidente. - Amendement n°63 rectifié de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Les clubs sportifs doivent élaborer une stratégie de réduction de leur impact environnemental. Le football génère à lui seul 275 000 tonnes de CO2 chaque année : transports, équipements, sponsors, tout doit être repensé. Le sport doit s'adapter au dérèglement climatique.
M. Michel Savin, rapporteur. - Ne soumettons pas les sociétés sportives aux obligations prévues en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), sauf à fragiliser davantage les clubs dont l'équilibre économique est précaire. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le dérèglement climatique est un enjeu majeur pour le ministère des sports. Depuis 2017, en collaboration avec le WWF, nous avons proposé une charte des quinze engagements écoresponsables aux fédérations et aux ligues - soixante-dix-sept l'ont signée. Ces démarches sont évaluées dans le cadre des contrats de délégation. De plus, la Ligue de football professionnel a introduit de nombreux critères pour renforcer la RSE dans les clubs. Avis défavorable.
L'amendement n°63 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°14 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Nous voulons améliorer le contrôle de l'honorabilité des dirigeants.
M. Michel Savin, rapporteur. - La loi du 8 mars 2024 a imposé un contrôle de l'honorabilité des encadrants sportifs bénévoles, notamment pour protéger les mineurs. Bien que plus éloignées du terrain, les instances fédérales ont aussi pour mission de veiller au respect des règles éthiques. Il est donc cohérent de les inclure. Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le code du sport prévoit un régime d'incapacité, pour une personne condamnée, de diriger un club sportif, y compris par le biais d'un tiers - ce qui permet d'inclure les dirigeants des fédérations sportives, qui sont donc soumis au contrôle d'honorabilité.
Votre amendement, qui est donc satisfait, pose une question de constitutionnalité au regard de la liberté d'entreprendre et de la liberté d'association. Avis défavorable.
L'amendement n°14 est adopté et devient un article additionnel.
Article 1er A
Mme la présidente. - Amendement n°81 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Nous souhaitons supprimer l'article 1er A. La loi du 2 mars 2022 dispose qu'au sein de l'assemblée générale élective de la fédération, les présidents de chaque association affiliée, de façon doivent représenter au moins 50 % du collège électoral et 50 % des voix de chaque scrutin, ce qui garantit une bonne représentation des clubs ainsi qu'un fonctionnement démocratique.
L'article 1er A prévoit également un plafond de rémunération pour les présidents de fédération, fixé dans le contrat de délégation. Laissons plutôt chaque discipline définir son plafond au regard de ses enjeux et de ses moyens.
Le fonctionnement actuel des fédérations ne pose pas problème.
M. Michel Savin, rapporteur. - La commission a souhaité inscrire dans la loi le plafond déjà appliqué par les fédérations sportives qui veulent maintenir une gestion désintéressée et leur reconnaissance d'utilité publique. Ce plafond de 11 800 euros par mois ne concernerait que les dirigeants, pas les salariés.
Nous voulons aussi ramener le poids des clubs professionnels dans la fédération de 33 à 25 %, car la FFF est la seule à bénéficier de ces dispositions. Le seuil de 33 % est trop élevé, avec un risque de pression des clubs au moment de l'élection du président de la fédération. N'oublions pas que la FFF représente aussi les ligues régionales et les 12 000 clubs amateurs. Avis défavorable.
Mme Mathilde Ollivier. - Le plafonnement de la rémunération des présidents de fédération est important, d'autant plus que le président de la FFF cumule sa rémunération avec des revenus de l'UEFA... En tant que sénateurs, notre rémunération est elle aussi plafonnée.
M. Jean-Jacques Lozach. - Il y a eu peu de dérapages, mais à fort impact médiatique. Cette rémunération vise à favoriser la disponibilité des dirigeants, mais ne doit pas scandaliser les bénévoles associatifs, qui doivent se reconnaître dans la déontologie de leurs dirigeants.
À la demande de la commission de la culture, l'amendement n°81 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°304 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 20 |
Contre | 321 |
L'amendement n°81 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°105 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Rédactionnel.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Par cohérence avec mon avis défavorable sur l'article, avis défavorable.
L'amendement n°105 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°51 rectifié de M. Laouedj et alii.
M. Ahmed Laouedj. - Nous voulons renforcer les liens entre les ligues professionnelles et les fédérations. Il est essentiel que les acteurs participent aux missions d'intérêt général, comme la formation des jeunes talents et le développement des clubs dans tous les territoires. Dans le cadre de la subdélégation, il faut une responsabilité partagée entre la base et le sommet de la pyramide. Le Gouvernement, qui propose un amendement similaire, devrait y être favorable...
M. Michel Savin, rapporteur. - Vous souhaitez intégrer dans la convention de subdélégation l'obligation de définir une stratégie de développement des clubs et de formation. La formulation proposée nous paraît insuffisamment précise. En outre, c'est à la fédération de définir conjointement avec la Ligue leurs objectifs communs. N'imposons pas de contrainte supplémentaire. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°51 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°16 rectifié de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - L'organe collégial d'administration de la fédération délégataire doit pouvoir s'opposer, sur proposition de l'organe de contrôle, à la prise de participation d'un nouvel actionnaire qui mettrait en péril la stabilité financière du club. Depuis une quinzaine d'années, certains clubs sont considérés comme de purs objets spéculatifs, ce qui conduit à des prises de risque inconsidérées.
L'amendement n°16, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°68 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - La part des représentants des clubs professionnels au sein de l'assemblée générale de la fédération résulte d'une négociation entre cette dernière et la ligue, traduite dans la convention de subdélégation. Elle ne peut être remise en cause dans l'un de ses aspects seulement.
M. Michel Savin, rapporteur. - Je me suis déjà exprimé sur le sujet. Nous ne voulons pas supprimer la participation des clubs professionnels, mais qu'elle soit raisonnable. La FFF est la seule fédération où le poids des clubs professionnels est aussi important. La proportion de 33 % peut entraîner des pressions assez malsaines au moment des élections ; 25 % nous paraît un bon équilibre.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Avis favorable, pour les raisons précédemment exposées.
L'amendement n°68 n'est pas adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er A
Mme la présidente. - Amendement n°83 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Lors des JOP de Paris, certains sportifs français n'ont pas été libérés par leur club. De fait, rien n'oblige les clubs à mettre à disposition leurs sportifs pour un événement ne correspondant pas à une date dite Fifa. Nous voulons rendre obligatoire la mise à disposition par un club français d'un sportif français convoqué par sa fédération pour les JOP.
M. Michel Savin, rapporteur. - L'année dernière, en effet, certains clubs ont renâclé, voire refusé de libérer leurs joueurs pour des motifs économiques. Cela porte préjudice à la carrière des athlètes concernés, mais aussi à la qualité des compétitions et à la performance des équipes de France. De tels mécanismes existent à l'étranger. Avis favorable.
Toutefois, ce dispositif ne concerne que les clubs français : sa portée sera donc limitée. Et quid des autres compétitions internationales, championnats du monde, d'Europe ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'Espagne a fait jouer ses meilleurs éléments, après avoir légiféré pour le permettre : elle a remporté le tournoi olympique de football. Cette mesure doit être prise pays par pays, les JOP n'étant pas un événement Fifa. S'agissant de son extension à d'autres compétitions, ses incidences doivent être mesurées ; nous pouvons y travailler.
M. Michel Savin, rapporteur. - Merci pour votre réponse. Si l'on peut y revenir dans la suite de la navette, ce sera parfait. Un certain nombre de présidents de fédération nous ont sollicités en ce sens.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Tout le monde a compris que l'heure était à la rigueur et à la contrainte - y compris donc pour le football professionnel.
Sauf votre respect, madame la ministre, votre amendement montre que vous ne connaissez pas la vie d'un club professionnel (Exclamations à gauche et sur certaines travées au centre ; M. Pierre Ouzoulias proteste.) ni les contraintes pesant sur les joueurs professionnels. Vous pouvez prévoir toutes les règles du monde : tout cela restera lettre morte.
L'amendement n°83 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°61 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Cet amendement intègre un volet sur la prévention des atteintes à la probité dans les contrats de délégation et de subdélégation, avec un avis conforme de l'Agence française anticorruption (AFA). Les contrôles ont montré une faible maîtrise des risques en la matière. Il s'agit de concrétiser une recommandation claire de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les défaillances de fonctionnement au sein des fédérations en instaurant un cadre exigeant et transparent pour lutter efficacement contre les dérives.
M. Michel Savin, rapporteur. - L'AFA peut utilement accompagner les clubs, mais lui demander systématiquement un avis sur les conventions n'est pas pertinent. Nous risquerions de voir apparaître des clauses types, sans efficacité réelle. À l'État de veiller à ce que les fédérations et les ligues se conforment aux règles de probité. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le ministère est fermement engagé dans la lutte contre les atteintes à la probité. Un volet spécifique est intégré dans les nouveaux contrats de délégation. Les fédérations doivent s'engager à prévenir les risques d'atteintes à la probité et, lorsqu'elles créent une ligue professionnelle, s'assurer que celle-ci respecte les règles d'éthique, d'intégrité et de protection des publics. Votre amendement est donc satisfait : retrait ?
Mme Mathilde Ollivier. - Quand cette évolution est-elle intervenue ? Est-ce depuis les travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - La campagne de délégation est en cours, nous recevrons les réponses des fédérations le 30 juin. Nous procéderons aux analyses nécessaires dans les prochains mois. Ce travail est donc devant nous.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°84 rectifié du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Cet amendement vise à assurer la clarté et l'intelligibilité de la loi. Il s'agit de faire figurer à l'article L.131-14 du code du sport l'expression « une ou plusieurs ligues professionnelles », par cohérence avec l'article L. 132-1 du même code, qui prévoit la possibilité d'une ligue pour le secteur féminin et d'une autre pour le secteur masculin.
M. Michel Savin, rapporteur. - Compte tenu de la rectification, avis favorable.
L'amendement n°84 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°86 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'article L.131-14 du code du sport donne un fondement à la subdélégation. Il convient de le modifier pour prévoir expressément la possibilité de confier des prérogatives de la fédération à la société commerciale.
L'amendement n°86, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.
Article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°82 rectifié du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La possibilité de créer plusieurs ligues professionnelles répond à l'objectif de distinguer les secteurs féminin et masculin d'une même discipline, conformément au rapport d'information de l'Assemblée nationale de juin 2024 sur le développement du sport féminin.
Saisi par le ministère, le Conseil d'État a estimé, en mars 2024, que le code du sport ne permettait pas, en l'état, la création de plusieurs ligues professionnelles par une même fédération. Cet amendement réécrit l'article 1er pour y remédier.
L'amendement n°82 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié de M. Piednoir et alii.
M. Stéphane Piednoir. - Nous supprimons l'alinéa 6, qui plafonne la rémunération d'un dirigeant ou salarié d'une ligue professionnelle. Il n'appartient pas au législateur d'instaurer un tel plafond : la fixation des rémunérations relève du conseil d'administration. Nous qui défendons souvent la libre administration des collectivités territoriales, ne nous immisçons pas dans la gestion de structures autonomes.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Très bien !
Mme la présidente. - Amendement identique n°85 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°95 rectifié de M. Rambaud et du RDPI.
M. Didier Rambaud. - Il ne nous appartient pas, en effet, de nous immiscer dans la gestion de ces structures dotées de la personnalité morale.
Mme la présidente. - Amendement n°41 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Un plafond est légitime, mais il ne doit pas être fixé par la fédération, pour ne pas constituer un enjeu de la négociation de la convention de subdélégation.
Mme la présidente. - Amendement identique n°66 rectifié de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°28 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Oui, il faut un plafonnement, car il y a eu des dérapages ; il est opportun que le législateur intervienne. En revanche, ce plafonnement ne peut pas être un enjeu des discussions entre la fédération et la ligue, sauf à devenir un objet de pressions. Il convient donc qu'il soit établi par décret.
Mme la présidente. - Amendement n°67 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - S'agissant de sociétés privées commerciales, les rémunérations doivent être fixées dans les conditions de droit commun, faute de quoi les acteurs français peineront à attirer les meilleurs.
M. Michel Savin, rapporteur. - C'est un point essentiel des travaux de notre mission d'information.
J'entends les arguments visant à responsabiliser les membres du conseil d'administration. Mais nous avons fait des constats assez surprenants : le président de la ligue de football a vu sa rémunération passer de 400 000 à 1,2 million d'euros - avant d'être ramenée à 800 000 euros -, alors même que les revenus baissaient.
Nous proposons un seuil de 450 000 euros, correspondant à celui applicable aux PDG de la SNCF et de La Poste, des sociétés réalisant 43 et 34 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Mme Annick Billon. - Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. - Si les dirigeants de la ligue avaient pris les mesures nécessaires au vu de la situation catastrophique du football professionnel français, nous n'interviendrions pas. Mais on a continué comme si de rien n'était. Il revient donc au législateur de faire cesser des pratiques qui font hurler les supporters : ils ne comprennent pas que le président de la ligue perçoive 800 000 euros quand le football français est en pleine déconfiture.
M. Pierre Ouzoulias. - Très bien !
M. Michel Savin, rapporteur. - Madame la ministre, que le Gouvernement dépose cet amendement me laisse sans voix. (Applaudissements sur de nombreuses travées) Qui donc l'a écrit ?
M. Pierre Ouzoulias. - Regardez du côté du Qatar !
M. Max Brisson. - Nous non plus.
M. Michel Savin, rapporteur. - Alors, qui ?
Alors que le Premier ministre s'apprête à demander aux Français 40 milliards d'euros d'économies, il serait incompréhensible que certains soient dispensés de l'effort.
En revanche, nous sommes favorables aux amendements identiques de MM. Kern et Hugonet : ce n'est pas à la fédération de décider des montants. Mais l'établissement d'un plafond est nécessaire, c'est une question d'équité. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Jacques Grosperrin. - Bravo !
Mme Marie Barsacq, ministre. - Avis favorable aux amendements identiques nos41 rectifié bis et 66 rectifié, ainsi qu'aux amendements nos28 et 67.
M. Pierre Ouzoulias. - Je remercie vivement le rapporteur pour la clarté et la force de son propos. Le rapport de notre mission d'information n'est pas à charge, c'est un rapport lucide qui montre l'ampleur des dérives dans le football professionnel.
Les fédérations ont une mission de service public. Dès lors, il est légitime que le législateur fixe une limite à des rémunérations qui ont parfois atteint des niveaux scandaleux.
M. Jean-Michel Arnaud. - Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. - Dans le rugby, la rémunération des joueurs est plafonnée, et c'est très sain. Et on ne plafonnerait pas la rémunération des dirigeants ?
M. Philippe Folliot. - Au regard des explications convaincantes du rapporteur et de l'absence d'explications de la ministre, en un sens très explicite, je retire mon amendement au profit de celui de M. Kern.
L'amendement n°28 est retiré.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - J'abonde dans le sens du rapporteur. Le football connaît une crise financière et institutionnelle, mais aussi de confiance. Les sommes perçues par certains dirigeants sont déconnectées des réalités, surtout par rapport à la situation financière actuelle du football français. Je suis sensible à l'argumentation de M. Piednoir, mais, compte tenu des dérives constatées, qui ont creusé un fossé entre dirigeants et supporters, il faut fixer une règle. Rejetons les trois premiers amendements pour adopter ceux de MM. Kern et Hugonet.
M. Didier Rambaud. - Je retire l'amendement n°95 rectifié. Nous l'avions déposé après avoir consulté tous les présidents de ligue, qui estimaient que cette mesure était ciblée sur le football, mais qu'eux-mêmes n'étaient pas concernés.
L'amendement n°95 rectifié est retiré.
À la demande de la commission, les amendements identiques nos6 rectifié et 85 sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°304 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 3 |
Contre | 337 |
Les amendements identiques nos6 rectifié et 85 ne sont pas adoptés.
Les amendements identiques nos41 rectifié bis et 66 rectifié sont adoptés.
L'amendement n°67 n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié bis de M. Vidal et alii.
M. Paul Vidal. - L'article 1er prévoit que la fonction de dirigeant ou de membre de l'organe délibérant d'une ligue professionnelle ou d'une société commerciale créée pour la gestion des droits audiovisuels est incompatible avec la détention d'intérêts ou l'exercice de fonctions au sein d'une entreprise de diffusion audiovisuelle. L'objectif est de prévenir les conflits d'intérêts.
Nous étendons ce principe à la détention d'intérêts dans une société de paris sportifs, susceptible de conduire à des situations où l'impartialité et l'intégrité de la gestion des compétitions seraient mises en cause.
M. Michel Savin, rapporteur. - L'élargissement proposé renforce les exigences éthiques. Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Votre amendement est satisfait par la loi du 1er février 2012. Toutefois, les changements substantiels opérés par cette proposition de loi, notamment la possibilité de créer des sociétés commerciales de club, peuvent nécessiter de repréciser ce point. Dès lors, sagesse.
M. Jean-Jacques Lozach. - Nous voterons cet amendement. Chaque année, lors du débat budgétaire, nous demandons le déplafonnement du produit des paris sportifs, qui battent des records : 1,7 milliard d'euros de mises en 2024 ! On aimerait que cet argent contribue au financement de la politique sportive.
La loi de 2010 prévoit un droit au pari, mais aussi la lutte contre les manipulations sportives et le financement d'actions de prévention contre les comportements addictifs, alors que 30 % du chiffre d'affaires des paris sportifs est lié aux joueurs pathologiques, dont le nombre ne cesse d'augmenter.
L'amendement n°3 rectifié bis est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
Mme la présidente. - Amendement n°8 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - L'efficacité de la lutte antidopage suppose l'implication de tous les acteurs, dont les ligues. Le fléau du dopage est un problème de santé publique et pour l'équité sportive. Les conventions de subdélégation doivent préciser les engagements des uns et des autres, afin que chacun soit placé devant ses responsabilités.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le code du sport prévoit une responsabilité des fédérations en matière de santé des licenciés et de lutte contre le dopage. Or il est étonnant de tenir une fédération pour responsable des actions qu'elle n'aurait pas elle-même mises en oeuvre du fait d'une subdélégation à une ligue qui ne l'aurait pas informée sur les actions entreprises. Cet amendement donne autorité à la fédération pour demander des informations à la ligue et superviser les mesures prises. Avis favorable
L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°15 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Pour garantir l'honorabilité des dirigeants des ligues, excluons la possibilité qu'ils aient été condamnés pour un crime ou un délit mentionné à l'article L. 212-9 du code du sport.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Satisfait : retrait ?
L'amendement n°15 est adopté et devient un article additionnel.
Article 2
M. Philippe Folliot . - Cet article traite des subdélégations accordées par les fédérations aux ligues. Nous avons compris que la commission cible les dérives du football, que nous déplorons tous, mais le sport professionnel français n'est pas à l'image du football.
Président de l'amicale parlementaire du rugby, je rappelle que la France dispose, avec le Top 14, du meilleur championnat au monde ; pour la sixième année consécutive, un club français est champion d'Europe. Les bonnes relations entre la fédération et la ligue de rugby ont montré leur efficacité. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain !
Mme la présidente. - Amendement n°30 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Assurons des relations plus équilibrées et équitables entre ligues et fédérations.
Mme la présidente. - Amendement identique n°45 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°72 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
Mme la présidente. - Sous-amendement n°111 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Monsieur Folliot, si le football est aujourd'hui sous les projecteurs, d'autres sports ont connu ou connaissent des difficultés liées aux relations entre la fédération et la ligue. Il s'agit souvent de problèmes de personnes.
Les amendements nos30, 45 rectifié bis et 72 prévoient la désignation d'un médiateur en cas de désaccord sur la convention de subdélégation ; en cas d'échec, le ministre peut donner force exécutoire à son propre projet de convention, pour une durée non précisée. Ce sous-amendement lui permet de prolonger pour trois mois la convention expirée, avant de donner force exécutoire à son projet.
Mme la présidente. - Amendement n°29 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Il s'agit de placer le ministre en position d'arbitre en cas de différend.
Mme la présidente. - Amendement identique n°42 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°69 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable aux amendements nos30, 45 rectifié bis et 72, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement. Avis défavorable aux autres amendements.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Avis favorable aux amendements nos30, 45 rectifié bis et 72, sous réserve de l'adoption du sous-amendement. Sagesse sur les autres amendements.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Il y a une spécificité du football, mais des tensions existent aussi dans d'autres disciplines ; des procédures sont d'ailleurs en cours devant le Conseil d'État. Cet article vise à combler vides existent s'agissant du règlement de ces conflits, et cet article vise à les combler - s'il sert peu, ce sera tant mieux ! Le rapporteur propose deux temps, pour apaiser les esprits : une phase de médiation, puis l'intervention du ministère.
Le sous-amendement n°111 est adopté.
Les amendements identiques nos30, 45 rectifié bis et 72, sous-amendés, sont adoptés.
Les amendements identiques nos29, 42 rectifié bis et 69 n'ont plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°106 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Amendement rédactionnel.
Mme la présidente. - Amendement n°34 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - En cas de dissolution d'une ligue, le transfert de ses actifs devrait suivre les règles de droit commun, dans un esprit de simplification.
Mme la présidente. - Amendement identique n°47 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°74 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
M. Michel Savin, rapporteur. - La proposition de loi clarifie les conséquences d'un retrait de subdélégation. L'ensemble des biens et prérogatives de la ligue reviennent alors à la fédération, y compris les contrats de travail. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°106. Avis défavorable aux autres.
Les amendements identiques nos34 et 47 rectifié bis sont retirés.
L'amendement n°106 est adopté.
L'amendement n°74 n'a plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°23 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Le critère lié à des considérations économiques pour justifier le retrait d'une subdélégation est trop vague et pourrait ouvrir la voie à des décisions arbitraires. Supprimons-le.
Mme la présidente. - Amendement identique n°31 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Cette notion trop vague risque, en effet, d'être source de contentieux.
Mme la présidente. - Amendement identique n°43 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°70 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°96 rectifié de M. Rambaud et du RDPI.
M. Didier Rambaud. - Défendu.
M. Michel Savin, rapporteur. - Des difficultés financières sérieuses peuvent justifier un retrait de subdélégation. Les travaux de notre mission d'information ont montré que des décisions votées par le conseil d'administration ont mis en difficulté la LFP : nouveau siège pour 130 millions d'euros, distribution de bonus, hausses de rémunérations, le tout en l'absence de visibilité sur les droits télévisés.
Délégataire d'une mission de service public, la fédération est responsable du bon déroulement des compétitions : elle doit pouvoir agir en cas de difficultés économiques sérieuses, d'autant que le sport professionnel finance le sport amateur.
Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Les alinéas qui précèdent l'alinéa 7 peuvent paraître suffisants. Toutefois, il convient d'être vigilant sur l'équilibre financier. Si des difficultés ponctuelles ne doivent pas nécessairement conduire à remettre en cause la subdélégation, nous ne pouvons laisser s'installer des difficultés pérennes. Sagesse.
M. Laurent Lafon, président de la commission. - Je ne pense pas que la rédaction soit floue. Intégrer une dimension financière aux critères de crise justifiant que l'on mette fin à une subdélégation me semble pertinent. Car à quoi les ligues servent-elles, sinon à financer le sport professionnel ?
La crise financière qu'ont connue les clubs a suscité une prise de conscience. Supprimer toute référence à une situation financière dégradée introduirait de la confusion. La navette permettra d'améliorer la rédaction.
M. Michel Savin, rapporteur. - Très bien.
Les amendements identiques nos23, 31, 43 rectifié bis, 70 et 96 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°21 rectifié de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Dissoudre une ligue professionnelle est un acte grave. Derrière une ligue, il y a des clubs, donc des salariés, des animations territoriales, des enthousiasmes, des supporters, des populations qui se mobilisent. L'État a un rôle à jouer en cas de contentieux, car c'est lui qui attribue les délégations aux fédérations.
Mme la présidente. - Amendement identique n°114 rectifié de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Cet amendement permet au ministre des sports de s'opposer au retrait de la convention de subdélégation si cette décision s'avère infondée ou disproportionnée. Nous faisons confiance au ministre. Il est hors de question que des problèmes de personnes entrent en ligne de compte.
Mme la présidente. - Amendement n°32 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Nous voulons que le Gouvernement puisse donner son accord - et non seulement un avis - au retrait de la subdélégation, pour sortir de querelles interpersonnelles. Replaçons l'État au coeur de ses responsabilités.
Mme la présidente. - Amendement identique n°46 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°73 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Madame la ministre, dans le cas du retrait d'une subdélégation, mon petit doigt me dit que la décision sera peut-être prise par la personne dont vous ne pouviez nous révéler l'identité lorsque le rapporteur vous interrogeait à ce sujet...
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos32, 46 rectifié bis et 73. Monsieur Folliot, le ministre est au coeur de notre dispositif. C'est lui qui est décisionnaire, afin d'éviter les conflits de personnes.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Sagesse sur les amendements identiques nos21 rectifié et 114 rectifié : si j'y suis favorable par parallélisme des formes, l'accord du ministre étant requis pour l'adoption de la convention de subdélégation, la caractérisation du caractère infondé ou disproportionné du retrait de celle-ci peut s'avérer complexe.
Avis favorable aux amendements identiques nos 32, 46 rectifié bis et 73, il est pertinent d'avoir le même niveau d'engagement du ministre pour l'adoption et le retrait de la convention.
Les amendements identiques nos21 rectifié et 114 rectifié sont adoptés.
Les amendements identiques nos32, 46 rectifié bis et 73 n'ont plus d'objet.
Mme la présidente. - Amendement n°33 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Le non-renouvellement de la subdélégation dans les deux mois suivant le terme de la convention ne saurait entraîner la dissolution automatique de la ligue. Cela aurait des conséquences dramatiques. Il faut une concordance des temps avec la phase de conciliation.
Mme la présidente. - Amendement identique n°44 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°71 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Bis repetita placent. On tombe dans le kolkhoze... (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST) Ce délai est inadapté. Un peu de sérieux !
Mme la présidente. - Amendement n°22 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Prenons le temps du dialogue. Passer de deux à six mois permet de rapprocher les points de vue.
Mme la présidente. - Amendement n°97 rectifié de M. Rambaud et du RDPI.
M. Didier Rambaud. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°112 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous étendons le délai de discussion de deux à trois mois avant la dissolution de la ligue professionnelle.
Avis défavorable aux autres amendements.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Si l'on peut s'interroger sur le délai, l'impératif de dissolution de la ligue en cas de retrait ou non-renouvellement de la convention s'impose.
Avis défavorable aux amendements identiques nos33, 44 rectifié bis et 71.
Sur les amendements nos22, 97 rectifié et 112 : deux mois, c'est trop court. Il faut un délai raisonnable. Avis favorable.
Les amendements identiques nos33, 44 rectifié bis et 71 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°22 et l'amendement n°97 rectifié.
L'amendement n°112 est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
Mme la présidente. - Amendement n°35 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Cet amendement s'inscrit dans la continuité de la loi du 24 août 2021 en donnant aux fédérations les moyens de contrôler l'exécution de la convention de subdélégation et de s'opposer aux décisions des ligues. Dotons les fédérations d'un arsenal complet et gradué en introduisant, en sus de la possibilité de retrait de la subdélégation, un droit de reformation, déjà reconnu par la jurisprudence du Conseil d'État.
M. Michel Savin, rapporteur. - Toute fédération sportive peut récuser les décisions de la ligue qu'elle a créée, aux termes de l'article R.132-15 du code du sport. Ce droit de réforme a été confirmé par la jurisprudence du Conseil d'État. Avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Votre proposition est satisfaite par le volet réglementaire du code du sport. Avis défavorable.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable néanmoins, pour le vérifier durant la navette, quitte à revenir dessus ensuite.
L'amendement n°35 est adopté et devient un article additionnel.
Article 2 bis
Mme la présidente. - Amendement n°53 rectifié de M. Fialaire et alii.
M. Bernard Fialaire. - Nous interdisons toute participation d'un agent sportif à un mécanisme de propriété par des tiers sur un joueur, communément appelé Third Party Ownership (TPO).
Ce montage consiste à transférer à un tiers un droit économique sur tout ou partie de l'indemnité de transfert, de mutation ou de formation attachée à un joueur. Il est interdit par la Fifa depuis 2015. Il faut inscrire cette disposition dans le code du sport. Sinon, le joueur est réduit à une simple valeur patrimoniale. Préservons sa liberté contractuelle, son autonomie dans sa gestion de carrière et l'intégrité des compétitions.
M. Michel Savin, rapporteur. - La commission se rangera à l'avis du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Cet amendement n'interdit pas le mécanisme de tierce propriété mais empêche les agents d'intervenir dans une opération de ce type. Or un agent ne peut récupérer une part de l'indemnité de mutation, il est rémunéré par contrat avec le sportif et n'est donc pas intéressé. L'interdiction que vous proposez ne répond pas à l'objectif poursuivi, à savoir le renforcement de la protection juridique du sportif, qu'elle laisserait seul dans le cadre des mutations.
Avis défavorable, mais il faudra trouver une solution.
M. Bernard Fialaire. - Votre avis m'étonne, car la Fifa prohibe ce type de montage. Le sportif n'est pas seul : il peut être accompagné par des avocats et des notaires qui ont d'autres règles déontologiques que les agents.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Votre proposition est sympathique mais il existe déjà bien des règles pour réguler les agents sportifs... Il ne faut pas qu'une minorité de personnes qui se conduisent mal fassent trinquer les autres. De plus, la législation qui encadre les transferts et négociations contractuelles est très précise : les avocats ne peuvent pas faire n'importe quoi.
L'amendement n°53 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°87 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'obligation de formation continue des agents sportifs doit incomber à la fédération délégataire compétente. Actuellement, il s'agit d'une simple faculté. Seule la Fédération française de basket-ball (FFBB) a mis en place une formation obligatoire des agents sportifs et conditionne la validité des licences d'agent à son suivi.
Désormais, les fédérations devront assurer ces temps de formation. Les agents pourront partager leurs bonnes pratiques. Un décret en Conseil d'État déterminera les domaines abordés pendant ces formations ainsi qu'une périodicité minimale.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous partageons le même objectif : un meilleur encadrement des agents sportifs pour mieux protéger les joueurs. Avis favorable.
L'amendement n°87 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°52 rectifié de M. Fialaire et alii.
M. Bernard Fialaire. - Cet amendement, plus consensuel que le précédent, vise à prévenir les conflits d'intérêts lorsqu'un même agent représente plusieurs joueurs dans une même opération. Il impose d'obtenir préalablement l'accord écrit de chaque joueur, garantissant le consentement éclairé et la loyauté des négociations. Les sportifs peuvent se faire accompagner d'avocats ou notaires.
Cet amendement s'inscrit dans un mouvement plus large de moralisation et de sécurisation des relations contractuelles dans le secteur sportif. Il protège les sportifs des manoeuvres toxiques suscitées par la surfinanciarisation du secteur.
L'amendement n°52 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 bis, modifié, est adopté.
Après l'article 2 bis
Mme la présidente. - Amendement n°9 rectifié de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Nous demandons, dans chaque discipline sportive professionnelle, la présence d'un médecin dans les instances dirigeantes des fédérations. Si le médecin fédéral est souvent présent dans ces instances, ce n'est pas le cas partout.
Alors qu'on parle de sport santé, de lutte antidopage, de protection des sportifs et de violence dans le sport, il faut combler un manque.
La semaine dernière, Provale, le syndicat des rugbymen, organisait le Grenelle des commotions cérébrales.
M. Michel Savin, rapporteur. - L'article R.131-3 du code du sport dispose que les statuts des fédérations comprennent les dispositions obligatoires prévues à l'annexe I-5 du même code, selon lesquelles un médecin siège au sein d'une des instances dirigeantes. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.
Article 3
Mme la présidente. - Amendement n°58 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Nous voulons que les fédérations et les ligues sportives consultent régulièrement les associations de lutte contre les discriminations. Le sport professionnel est encore trop souvent marqué par des actes homophobes, racistes ou sexistes. Faisons du sport un espace vraiment inclusif et respectueux.
Mme la présidente. - Amendement n°57 de Mme Ollivier et alii.
M. Thomas Dossus. - Nous voulons revenir à la version initiale du texte et réintégrer les associations de supporters au sein des instances dirigeantes de la fédération délégataire ou de la ligue, afin de responsabiliser les supporters, pour que les matchs se déroulent mieux. Cela améliorera le dialogue et renforcera la confiance.
Mme la présidente. - Amendement n°99 rectifié bis de M. Rochette et alii.
M. Jean-Pierre Grand. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°100 rectifié bis de M. Rochette et alii.
M. Jean-Pierre Grand. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°103 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - C'est un amendement de repli de l'amendement n°57. Intégrons de façon expérimentale les associations de supporters dans les instances dirigeantes de certaines fédérations ou ligues choisies par le ministère des sports.
Mme la présidente. - Amendement n°19 de M. Ziane et du groupe SER.
M. Adel Ziane. - Nous souhaitons préciser que les associations de supporters consultées dans le cadre du dialogue doivent être de portée nationale et titulaires de l'agrément préfectoral.
La mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français avait mis en lumière dans son rapport le manque d'association des supporters aux orientations du football professionnel.
La reprogrammation au dernier moment, à la demande du diffuseur, des matchs de ligue 2 en semaine a été source de difficultés pour les clubs de supporters. Et la montée en puissance des fonds d'investissement suscite des inquiétudes sur l'identité et l'ancrage territorial des clubs. Sur ces deux points, de nombreux sénateurs se sont mobilisés.
Les supporters doivent avoir leur place au sein des institutions, comme les arbitres, les médecins, ou les personnels administratifs. Ciblons les associations reconnues de portée nationale, pour une représentation légitime, structurée et pluraliste.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous partageons le constat de nos collègues, tant pour le sport professionnel que pour le sport amateur : tous les week-ends, nous sommes témoins de discriminations se produisant sur les terrains.
Mais la lutte contre les discriminations revient à l'État et aux fédérations, notamment dans le cadre du contrat d'engagement républicain (CER) : nul besoin de déléguer ce rôle aux associations.
Dans le football, certaines associations commencent à se structurer : il y a un début de travail collectif. Mais les autres sports en sont loin. Or la loi s'applique à tous les sports, et non seulement au football.
L'instance de concertation, qui se réunirait chaque année, serait un premier pas. Mais on ne peut pas aller plus loin : Avis défavorable aux amendements nos58, 57, 99 rectifié bis, 100 rectifié bis et 103.
En revanche, avis favorable à l'amendement n°19, car les associations sont bien reconnues en ce cas.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La lutte contre les discriminations dans le sport me tient particulièrement à coeur. Il faut travailler avec les associations qui oeuvrent dans ce domaine ; le ministère en subventionne une partie.
Il est aussi demandé aux fédérations et aux ligues d'instaurer une stratégie de prévention des discriminations et des violences : dans ce cadre, il leur est fortement recommandé de faire appel aux associations spécialisées.
Par ailleurs, le ministère des sports est pleinement engagé dans le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. À ce titre, il a associé la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) aux travaux de l'INS.
L'enjeu des VSS est pris à bras-le-corps par les ligues professionnelles de football et de rugby : la Ligue 1, la Ligue 2, le Top 14 et la Pro D2 s'engagent pour la saison prochaine. Nous travaillons aussi dans le cadre du label Terrain d'égalité. Avis défavorable à l'amendement n°58.
Sur les amendements nos57, 99 rectifié bis, 100 rectifié bis et 103, les supporters font vivre les clubs, mais ils n'ont pas à prendre part à tous les sujets examinés au sein des instances dirigeantes. Cela reviendrait en outre à instaurer un dialogue parallèle à celui qui se tiendra dans l'INS. L'action de l'État s'en trouverait amoindrie.
L'article 3 répond déjà à cet enjeu du dialogue. Des travaux sont en cours dans des groupes de travail au sein de l'INS.
Avis défavorable à ces amendements.
En revanche, instaurer un lien entre l'agrément et la participation des associations légitime leur présence. Avis favorable à l'amendement n°19.
Mme Laurence Harribey. - J'ai l'honneur de représenter le Sénat au sein de l'INS.
Adopter l'amendement d'Adel Ziane serait un grand progrès.
Consulter les supporters est très important. Madame la ministre, cela ne remettrait pas en cause le travail de l'INS, bien au contraire : cette instance est aujourd'hui entre deux eaux... C'est une instance de dialogue, mais les supporters n'ont pas de place précise dans le monde sportif.
Je comprends les arguments du rapporteur Savin : certes, c'est peut-être un peu tôt, mais nous connaissons des avancées, à l'instar des référents supporters. Les supporters devraient être partie prenante à la réflexion. Bien sûr, je voterai l'amendement n°19, complémentaire à mon amendement n°18.
M. Thomas Dossus. - Le CER a-t-il déjà été utilisé à l'occasion d'actes sexistes, homophobes ou racistes dans les clubs ? Cela n'a jamais été le cas, à ma connaissance.
Il est important d'encourager la structuration du dialogue avec les associations de supporters : l'amendement n°103 y pourvoit. Dans le football, certaines associations sont déjà bien implantées et structurées, même représentées dans un syndicat. C'est aussi le sport qui concentre le plus de problèmes, d'où l'intérêt de l'amendement n°103, qui répond aux objectifs du rapporteur.
Mme Mathilde Ollivier. - Madame la ministre, vous avez souligné que le dialogue existait déjà entre les associations et les fédérations. Dès lors, je ne comprends pas votre avis défavorable à mon amendement n°58, qui inscrit cet élément dans la loi.
M. Philippe Folliot. - Les situations sont très différentes selon les sports. Nous pensons tous au football : lorsque les équipes se déplacent, on parque les supporters, pour qu'ils n'aient pas de contacts entre eux. Dans d'autres sports, le rugby, notamment, les supporters sont tous ensemble, mélangés. Une réunion de l'association des clubs de supporters de Top 14 et de D2 à laquelle j'ai assisté en juin dernier à Castres s'est ainsi déroulée dans une grande convivialité.
Soyons prudents dans notre façon de légiférer, même s'il peut y avoir des débordements au rugby - mais c'est l'exception, non la règle. Faisons en sorte que la culture ovale - ou celle d'autres sports - puisse essaimer dans le milieu du football.
M. Michel Savin, rapporteur. - Mme Harribey l'a dit : avec ce texte, nous faisons un pas important en direction des supporters. Mais nous leur envoyons aussi un message : il faut qu'ils se structurent. D'où l'avis favorable donné à l'amendement n°19.
Monsieur Folliot, en effet, nous n'avons pas de problème dans les autres sports : au handball, au basket ou au volley, les supporters n'ont pas besoin d'être membres d'un club. Ce texte ne saurait se limiter aux spécificités du seul football.
L'amendement n°58 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos57 et 99 rectifié bis.
Les amendements identiques nos100 rectifié bis et 103 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°19 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°18 de Mme Harribey et du groupe SER.
Mme Laurence Harribey. - Monsieur le rapporteur, madame la ministre, faites un pas supplémentaire. Cet amendement prévoit que les associations de supporters de portée nationale et titulaires de l'agrément préfectoral sont consultées sur l'élaboration des orientations relatives à l'organisation des compétitions sportives : calendriers, conditions de déplacement et droits d'exploitation audiovisuelle et commerciale.
Ce serait un premier pas, plus positif pour les associations qui se sont structurées.
M. Michel Savin, rapporteur. - Mêmes arguments que tout à l'heure : la balle est désormais dans le camp des supporters. Testons le dispositif que nous avons adopté en commission, nous verrons ensuite s'il faut aller plus loin. Dès lors, avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'organisation des compétitions sportives relève des fédérations ou des ligues professionnelles. Impliquer les supporters dans la définition du calendrier serait complexe. En revanche, il faut les associer lorsqu'il s'agit de traiter de l'accueil des supporters lors des rencontres sportives.
Votre proposition serait difficile à mettre en oeuvre de façon uniforme dans toutes les disciplines.
Nous avons encore du chemin à parcourir pour structurer le supportérisme. C'est tout l'enjeu de l'INS.
J'émets donc un avis défavorable à cet amendement, tout en restant vigilante et mobilisée sur ces sujets.
Mme Laurence Harribey. - Je retire mon amendement, tout en demandant à la commission de bien vouloir poursuivre les travaux en la matière.
L'amendement n°18 est retiré.
L'article 3, modifié, est adopté.
Après l'article 3
Mme la présidente. - Amendement n°27 de M. Bacchi et du groupe CRCE-K.
M. Jérémy Bacchi. - Le rapport remis en mai 2020 par les députés Marie-George Buffet et Sacha Houlié comptabilise 55 associations de supporters agréées. Ce faible nombre tient au fait que la procédure d'agrément est peu avantageuse pour les groupes de supporters.
Nous voulons favoriser la prise de cet agrément en intégrant les représentants des supporters au sein des fédérations sportives pour faire mieux vivre la démocratie sportive. Certes, l'INS est un outil indispensable, mais la consultation des supporters ne saurait se réduire à ce seul outil.
L'amendement n°27, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Article 4
Mme la présidente. - Amendement n°24 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Cet amendement vise à interdire aux présidents ou aux dirigeants de fédération ou de club de toucher une commission lors des transactions qu'ils effectuent sur les droits d'exploitation des compétitions et manifestations sportives.
M. Michel Savin, rapporteur. - Cela s'inscrit dans le prolongement des conclusions de la mission d'information du Sénat. Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°24 est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Mme la présidente. - Amendement n°62 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Le football professionnel devient de moins en moins accessible : avec la multiplication des plateformes et des abonnements, le public décroche et le piratage progresse.
Notre amendement prévoit une solution simple : attribuer une partie des droits de diffusion à des chaînes, publiques ou privées, diffusant en clair.
Cette mesure avait déjà été adoptée à l'Assemblée nationale : le football ne doit pas devenir un produit de luxe, mais rester populaire et accessible à tous.
M. Michel Savin, rapporteur. - Le présent texte prévoit la possibilité de commercialiser les droits audiovisuels en un ou plusieurs lots, afin de favoriser la diffusion au plus grand nombre.
L'effet de cet amendement est incertain, mais nous pouvons nous poser la question : rien n'interdit à une ligue de prévoir une rencontre en clair. L'impact financier serait-il positif ou négatif ? Nous ne le savons pas. Avis défavorable, mais il appartient aux instances d'examiner cette possibilité.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°62 n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
Après l'article 5
Mme la présidente. - Amendement n°98 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Le Sénat a déjà adopté en 2023, dans le cadre la proposition de loi de Laurent Lafon relative à la réforme de l'audiovisuel public, cette disposition visant à corriger certaines asymétries entre les acteurs de la diffusion.
M. Michel Savin, rapporteur. - Je fais confiance à l'auteur de l'amendement et à celui de la proposition de loi votée en 2023. (Sourires) Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public, qui poursuit sa navette, est le bon vecteur. Avis défavorable.
L'amendement n°98 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.
Article 6
Mme la présidente. - Amendement n°36 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°48 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°75 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis défavorable, par cohérence avec l'article 2.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos36, 48 rectifié bis et 75 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°88 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Il s'agit de conditionner la création d'une société commerciale à l'approbation par le ministre des sports, pour éviter que certaines fédérations n'écartent la ligue professionnelle au profit d'une société commerciale. Le ministre des sports doit pouvoir s'y opposer afin qu'un dialogue s'instaure. La création d'une société commerciale doit être motivée par des intérêts économiques et sportifs.
La convention de subdélégation doit aussi être approuvée par le ministère. Nous renvoyons les modalités à un décret en Conseil d'État.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°88 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°13 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Nous précisons les domaines dans lesquels l'action préférentielle de la fédération peut s'appliquer.
Mme la présidente. - Amendement n°107 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Les fédérations sportives concernées par le dispositif sont les fédérations délégataires.
Avis défavorable à l'amendement n°13. La proposition de loi prévoit un droit de vote préférentiel de la fédération au sein de la société commerciale. Le renvoi au décret assure une certaine souplesse ; il définira les standards de bonne gouvernance.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La création d'une société commerciale étant d'initiative fédérale, il revient à la fédération d'envisager les domaines dans lesquels elle peut exercer son action préférentielle. Avis défavorable à l'amendement n°13.
Avis favorable à l'amendement n°107.
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
L'amendement n°107 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°59 de Mme Ollivier et alii.
Mme Mathilde Ollivier. - Nous souhaitons intégrer les associations de lutte contre les discriminations au sein de la société des clubs. Ce dialogue structuré permettra de construire une réponse forte. Je regrette que tous mes amendements sur les discriminations racistes, homophobes et sexistes dans le sport professionnel aient été rejetés, car l'enjeu est réel. Il faut avancer. (Mme Marie Barsacq acquiesce.)
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis défavorable. Nous partageons votre inquiétude, mais c'est à l'État et aux fédérations de porter cette responsabilité.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis. Toutefois, je prendrai attache avec vous pour y travailler. Je suis exigeante avec les fédérations et les ligues pour que nous avancions avec ambition sur ces sujets majeurs.
L'amendement n°59 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°76 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Si l'organisation des paris est exclue du périmètre des sociétés commerciales créées pour commercialiser et gérer les droits d'exploitation des compétitions professionnelles, il est cohérent que le calcul des dividendes des investisseurs extérieurs aux fédérations puisse intégrer le produit du droit aux paris sportifs.
M. Michel Savin, rapporteur. - Les revenus tirés des paris sportifs vont au fonctionnement du sport professionnel, mais aussi à la prévention de l'addiction au jeu et à la lutte contre les manipulations sportives. C'est pourquoi la loi du 2 mars 2022 les a exclus du champ des droits d'exploitation susceptibles d'être confiés à une société commerciale. Avis défavorable, en espérant que les ligues et fédérations mènent des actions de prévention contre l'addiction aux jeux en ligne.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le secteur des paris sportifs est très encadré. Si ces revenus participent au financement du sport grâce à la taxe affectée, les fédérations et ligues sont tenues de mettre en place une stratégie de prévention de la manipulation des compétitions, de protection de la santé des joueurs et de sensibilisation aux interdictions liées aux paris. Votre amendement accroîtrait le risque de conflits d'intérêts, alors que les revenus des paris sont liés à la visibilité des compétitions. Les sociétés commerciales n'ont aucune obligation relative à la lutte contre la manipulation des compétitions ou la lutte contre les addictions. Avis défavorable.
L'amendement n°76 n'est pas adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
Mme la présidente. - Amendement n°89 rectifié du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Nous étendons le principe de solidarité entre sport professionnel et sport amateur au cas où il n'y a pas de ligue, mais une société commerciale créée par la fédération.
Une convention déterminera la part du produit revenant à la fédération et prévoira un mécanisme de solidarité entre les clubs professionnels d'une division différente.
L'établissement des critères doit revenir à la fédération compétente.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°89 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°37 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°49 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Il ne revient pas à la fédération de fixer un écart maximal de distribution des revenus entre les sociétés sportives.
Mme la présidente. - Amendement identique n°77 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
M. Michel Savin, rapporteur. - La proposition de loi réduit les écarts dans la redistribution des revenus. Dans le football, la répartition est de 1 à 5 ; nous voulons la ramener de 1 à 3, soit le ratio en vigueur dans les championnats espagnol et italien. Cela permettrait aux clubs les moins importants de disposer de plus de revenus. Il s'agit ici des droits domestiques, non des droits que peuvent percevoir les clubs qui participent à des compétitions européennes. C'est une question d'équité et de solidarité. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis.
Les amendements nos37 et 49 rectifié bis sont retirés.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
Article 8
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié bis de M. Vidal et alii.
M. Paul Vidal. - Nous étendons l'incompatibilité des fonctions à la détention d'intérêts dans les sociétés de paris sportifs, au même titre que pour les entreprises de diffusion audiovisuelle, pour plus d'intégrité.
M. Michel Savin, rapporteur. - Cet amendement renforce la prévention des conflits d'intérêts, dans le même esprit que celui adopté à l'article 1er. Les dispositions visant les dirigeants de ligues doivent s'appliquer aux dirigeants des sociétés commerciales, par cohérence. Avis favorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis.
L'amendement n°4 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié de M. Piednoir et alii.
M. Stéphane Piednoir. - L'article 8 renforce les obligations déclaratives auprès de la HATVP pour les directeurs généraux des ligues et les dirigeants des sociétés commerciales commercialisant les droits.
Toutefois, les membres du conseil d'administration de la LFP et de la FFF effectuent déjà une déclaration d'intérêts auprès du Conseil national de l'éthique, et les principaux responsables de la LFP et de la FFF sont déjà soumis à cette obligation auprès de la HATVP.
Nous connaissons les pièges des déclarations auprès de la HATVP, sans compter les moyens que cela mobilise. Cela ne me paraît pas indispensable.
Mme la présidente. - Amendement n°78 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - La rémunération des dirigeants de sociétés de droit privé doit se faire dans les conditions du droit commun, faute de quoi les sociétés commerciales de gestion des droits peineront à attirer les meilleurs.
Je rejoins Stéphane Piednoir : on assiste à une véritable contagion des obligations de déclarations auprès de la HATVP.
M. Michel Savin, rapporteur. - Je ne me fais pas des amis... (Sourires)
M. Piednoir a bien précisé les choses. La proposition de loi soumettait initialement l'ensemble des membres des conseils d'administration à cette obligation déclarative. Lors des auditions, nous avons été sensibilisés au risque de décourager les bénévoles qui siègent dans les conseils d'administration. Nous avons donc limité l'ajout aux directeurs généraux, qui ont un rôle pivot et interviennent dans les négociations avec les acteurs économiques. Avis défavorable aux amendements nos7 rectifié et 78.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La transparence et la prévention des conflits d'intérêts sont une priorité du Gouvernement. Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié : la HATVP doit pouvoir contrôler les directeurs généraux.
Avis favorable à l'amendement n°78, par cohérence avec mes positions précédentes.
L'amendement n°7 rectifié est retiré.
L'amendement n°78 n'est pas adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
L'article 8 bis est adopté.
Avant l'article 9
Mme la présidente. - Amendement n°55 rectifié de Mme Billon et alii.
Mme Annick Billon. - Le sport féminin est trop souvent considéré comme un sport de second rang. Quand l'argent manque, il en fait les frais. Les athlètes féminines ont besoin d'un environnement stable : l'Olympique lyonnais a ouvert la voie en créant une société commerciale spécifique, l'OL féminin SAS, avec une gouvernance, un budget et une stratégie dédiés, pour plus d'autonomie et de rayonnement.
Toutefois, l'avis du Conseil d'État du 12 mars 2024 a freiné cette dynamique en précisant que le droit actuel ne permettait pas expressément de créer deux sociétés commerciales distinctes, ce qui dissuade les investisseurs. Levons les incertitudes en clarifiant la loi. Donnons au sport féminin les moyens de son rayonnement, à quelques semaines de l'Euro féminin. En 2019, la délégation aux droits des femmes avait déjà mené un travail sur ce sujet.
Mme la présidente. - Amendement identique n°90 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Il fallait passer par la loi, après la jurisprudence du Conseil d'État. C'est une belle opportunité pour accompagner le développement du sport professionnel féminin, locomotive pour donner le goût de la pratique sportive aux Françaises.
M. Michel Savin, rapporteur. - Cet amendement complète le dispositif adopté par la Commission sur les ligues professionnelles féminines. Avis favorable.
M. Pierre Ouzoulias. - Bravo !
Les amendements identiques nos55 rectifié et 90 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
Article 9
Mme la présidente. - Amendement n°109 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Cet amendement précise que le contrôle de la Cour des comptes s'exerce sur les cinq exercices clos avant la promulgation de la loi.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°109 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°91 rectifié du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Dans un souci de clarté et d'intelligibilité de la loi, il s'agit de mentionner à l'article L. 132-2 du code du sport la possibilité d'avoir une ligue professionnelle dédiée au secteur masculin et une ligue dédiée au secteur féminin.
L'amendement n°91 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°11 de M. Lozach et alii.
M. Jean-Jacques Lozach. - Cet amendement vise à garantir l'expertise et l'indépendance des organismes de contrôle de gestion.
L'amendement n°11, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°92 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Il s'agit d'articuler les différentes dispositions du code du sport avec la possibilité de créer une deuxième société sportive dédiée au secteur féminin.
L'amendement n°92, accepté par la commission, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°10 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Tracfin doit pouvoir contrôler la traçabilité des fonds qui financent les ligues et leurs sociétés commerciales, ainsi que les clubs.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis défavorable, car satisfait par l'amendement n°113 de la commission.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis : la DNCG travaille déjà étroitement avec Tracfin.
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°54 rectifié bis de M. Fialaire et alii.
M. Bernard Fialaire. - Aucune prise de contrôle d'une société sportive professionnelle ne doit pouvoir intervenir sans contrôle préalable visant à apprécier la compatibilité de l'opération avec l'indépendance des compétitions, l'intégrité du sport et la pérennité économique des structures concernées. Le rapporteur a souvent alerté sur les problèmes liés à la multipropriété des clubs, source de conflits d'intérêts et de déséquilibres concurrentiels.
M. Michel Savin, rapporteur. - Ce sujet, récurrent, devrait être traité à l'échelon européen. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Vous avez raison : la multipropriété occupe une place croissante dans le football. Il faut traiter le problème au niveau européen, car cela affaiblit les clubs français. Avis défavorable.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous pourrions voter cet amendement pour faire avancer le sujet au cours de la navette. Dès lors, avis favorable.
L'amendement n°54 rectifié bis est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°113 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Pour lutter contre le blanchiment, les organismes de contrôle financier créés par les fédérations devront effectuer des déclarations de soupçon auprès de Tracfin, le cas échéant.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Sagesse. Le rapporteur est très engagé sur ce sujet important.
L'amendement n°113 est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
Après l'article 9
Mme la présidente. - Amendement n°93 rectifié de M. Dossus et alii.
M. Thomas Dossus. - Cet amendement soumet les investissements étrangers au ministère de l'économie. Nous avons besoin d'expertise, alors que les structures de financement sont de plus en plus complexes.
Mme la présidente. - Amendement identique n°101 rectifié ter de M. Rochette et alii.
L'amendement n°101 rectifié ter n'est pas défendu.
Mme la présidente. - Amendement n°20 rectifié de M. Ziane et du groupe SER.
M. Adel Ziane. - Même chose. Les fonds d'investissement étrangers investissent dans des clubs français avec des objectifs de court terme. Quant à la multipropriété, elle pose des problèmes d'équité sportive.
Mme la présidente. - Amendement n°104 rectifié bis de M. Masset et alii.
M. Bernard Fialaire. - Cet amendement crée un dispositif de vigilance renforcée applicable aux prises de contrôle de clubs par des entités étrangères lorsque celles-ci sont susceptibles de porter atteinte à l'indépendance des clubs, à l'intégrité des compétitions ou aux principes fondamentaux du sport.
Mme la présidente. - Amendement n°1 rectifié de Mme Gosselin et alii.
Mme Pauline Martin. - Nous instaurons un mécanisme de vigilance souveraine sur les prises de contrôle de clubs professionnels français par des entités étrangères.
M. Michel Savin, rapporteur. - Ces amendements s'inspirent de l'article L.151-3 du code monétaire et financier, qui soumet les investissements étrangers à autorisation préalable dans les secteurs touchant à la défense nationale, à l'ordre public, aux activités essentielles et à la garantie des intérêts du pays. Ce dispositif n'est pas adapté aux achats et cessions dans le domaine sportif. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°93 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos20 rectifié, 104 rectifié bis et 1 rectifié.
Article 10
Mme la présidente. - Amendement n°108 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
L'amendement rédactionnel n°108, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°110 de M. Savin, au nom de la commission de la culture.
M. Michel Savin, rapporteur. - Amendement de précision et de cohérence avec le code de la propriété intellectuelle.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Sagesse.
L'amendement n°110 est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
Après l'article 10
Mme la présidente. - Amendement n°38 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Certaines situations sont spécifiques : les ligues peuvent négocier des contrats allant au-delà de la durée de la subdélégation. L'amendement apporte une sécurisation juridique, notamment pour la négociation des droits audiovisuels.
Mme la présidente. - Amendement identique n°79 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - La délégation aux ligues de la commercialisation et de la gestion des droits d'exploitation des compétitions est potentiellement sujette à interprétation à chaque renégociation de la convention conclue avec la fédération. Cette mission doit faire partie du socle de compétences des ligues.
M. Michel Savin, rapporteur. - Le champ de compétence de la ligue est défini avec la fédération dans le cadre de la convention de subdélégation. Avis défavorable.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Même avis.
Les amendements identiques nos38 et 79 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°39 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Cet amendement porte sur les hospitalités : il intègre la billetterie, avec ou sans prestation de service associée, au périmètre du droit d'exploitation. L'inscrire dans le code du sport nous permettra peut-être de faire prospérer certaines propositions lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Certaines Urssaf créent des difficultés, tant pour les clubs professionnels que pour les clubs amateurs. Nous posons la première pierre d'une évolution.
M. Michel Savin, rapporteur. - La commission a sollicité l'avis du Gouvernement. Toutefois, à titre personnel, je suis plutôt favorable à cet amendement qui permettrait aux clubs d'augmenter sensiblement leurs revenus. La pratique des hospitalités est remise en cause par une interprétation trop stricte de la loi Sapin II. Pourquoi ne pas voter cet amendement et y revenir au cours de la navette ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Les acteurs économiques disposent déjà d'un monopole d'exploitation de la billetterie. Sans doute faut-il engager une réflexion sur les hospitalités, mais la prétendue rigidité de la loi Sapin II ne saurait être atténuée par la simple reconnaissance formelle d'un droit d'exploitation de la billetterie. Je doute que le temps de la navette suffise pour régler le problème. Je propose plutôt de créer un groupe de travail sur ce sujet majeur, dont m'ont saisie toutes les ligues. Dès lors, avis défavorable à cet amendement.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous avons trop l'habitude que les ministres annoncent des groupes de travail qui restent lettre morte... Voter cet amendement donnerait un coup de booster !
L'amendement n°39 est adopté et devient un article additionnel.
L'article 11 est adopté.
Article 11 bis
Mme la présidente. - Amendement n°40 de M. Folliot.
M. Philippe Folliot. - Défendu.
Mme la présidente. - Amendement identique n°50 rectifié bis de M. Kern et alii.
M. Claude Kern. - Il importe de sécuriser le modèle actuel jusqu'au terme des conventions de subdélégation en cours.
Mme la présidente. - Amendement identique n°80 de M. Hugonet et alii.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Défendu.
Les amendements identiques nos40, 50 rectifié bis et 80, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°12 de M. Lozach et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Lozach. - Nous donnons plus de temps à la fédération - six mois, au lieu de trois - pour organiser la gestion de la société commerciale par la société de clubs.
Mme la présidente. - Amendement identique n°94 rectifié de M. Rambaud et du RDPI.
M. Didier Rambaud. - Défendu.
M. Michel Savin, rapporteur. - Nous voulons que la réforme entre en vigueur au plus vite, dès la saison 2026-2027. J'espère que les acteurs - Ligue et FFF - ont déjà commencé à travailler. D'ici la promulgation de la loi, du temps aura passé. Avis défavorable : il sera toujours temps de réajuster le délai à l'issue du débat à l'Assemblée nationale. Mettons la pression pour que les choses avancent.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Il faut un délai plus long afin de laisser aux acteurs le temps de prévoir des mesures transitoires. L'allongement du délai ne doit toutefois pas être un frein aux évolutions. L'objectif est bien d'être prêts pour la saison 2026-2027. Avis favorable.
Les amendements identiques nos12 et 94 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 11 bis est adopté.
Article 12
Mme la présidente. - Amendement n°115 du Gouvernement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Cet amendement lève le gage sur ce texte, preuve que le Gouvernement veut avancer. Je salue la teneur des débats et les améliorations apportées au texte. Il reste des points à étudier dans la navette, mais nous allons dans le bon sens. Le sport professionnel français a besoin de ces évolutions législatives.
M. Michel Savin, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°115 est adopté.
L'article 12 est supprimé.
Vote sur l'ensemble
Mme Mathilde Ollivier . - Merci à l'auteur et au rapporteur pour le travail mené ces derniers mois. Ce texte sera sans doute voté à l'unanimité. Toutefois, je réitère ma frustration sur le sujet de l'inclusion des femmes ou des personnes victimes de discriminations.
Les associations de supporters seront davantage associées aux instances. Il faut maintenant avancer sur l'inclusion : 40 % des Français ont déjà été témoins de propos homophobes lors de rencontres sportives. Mes amendements auraient été utiles en la matière. Seules trois femmes sur 39 sont présidentes de fédérations ! Lutter contre les discriminations, c'est permettre à une nouvelle génération de femmes de s'inscrire dans l'encadrement du sport professionnel.
M. Max Brisson . - Je remercie le président Lafon pour son travail, ainsi que le rapporteur. Le club des sénateurs sportifs s'est fait entendre, et les débats ont été de qualité. Jean-Jacques Lozach, Claude Kern, Michel Savin : la commission a joué groupé.
Michel Savin a rappelé l'originalité de l'organisation française : le rôle essentiel de l'État, puis la délégation aux fédérations et enfin la subdélégation aux ligues.
Madame la ministre, nous comptons sur vous pour défendre ce beau texte à l'Assemblée nationale.
Mme Frédérique Puissat. - Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet . - J'ai frappé quinze fois au but, mais je n'ai marqué qu'une fois... (Sourires)
Je remercie nos collègues pour leur travail, mais ce texte vise à côté de la cible. Si l'on veut vraiment aider le sport professionnel, et notamment le football, il faut diminuer les charges sociales qui pèsent sur les clubs (on ironise sur les travées du GEST) et leur permettre de lutter à armes égales avec leurs homologues européens. Cela n'a pas de sens de fêter la coupe aux grandes oreilles à l'Élysée, mais de faire l'autruche sur la réalité du football professionnel en France !
M. Claude Kern . - Je remercie l'auteur et le rapporteur pour cet excellent travail et les sénateurs pour ces débats nourris et cette ambiance fructueuse et conviviale. Bravo à la présidente d'avoir tenu les délais. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) Madame la ministre, il faut maintenant transformer l'essai ! (Sourires)
M. Jean-Jacques Lozach . - Merci à tous ; nous sommes parvenus à un texte consensuel, qui bouscule certaines habitudes mais ne déresponsabilise personne, bien au contraire. Il intègre l'actualité : le problème des hospitalités, les enjeux de formation dans les centres.
Il existe une fédération nationale des supporters de handball, qui dialogue avec la fédération : pourquoi ne pas s'en inspirer ?
Parmi les sujets devant nous, la multipropriété, qui finira par tuer la glorieuse incertitude du sport, et la tierce propriété, dite TPO, qui aboutit à la déshumanisation du sportif professionnel.
On peut très bien plafonner les salaires des joueurs et briller sur le plan sportif : le rugby en est l'exemple. Il n'y a pas d'incompatibilité entre interventionnisme et performance !
M. Adel Ziane . - Merci à Laurent Lafon et à Michel Savin pour le long chemin parcouru depuis la mission d'information.
Le football français a été frappé d'hubris, on l'a vu sur avec la course à l'échalote sur les droits audiovisuels : personne ne s'est soucié de la pérennité du système. Enfin, nous avons abouti à cette proposition de loi. Je salue l'avancée faite en direction des supporters.
Madame la ministre, je retiens que vous avez ouvert la voie à une réflexion sur la multipropriété.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - Beaucoup a été fait en un an. Lors du lancement de la mission d'information, nous ne pensions pas aboutir à une proposition de loi aussi structurante.
Ce texte est attendu. Le football est au pied du mur. La fenêtre de tir est là : ne la manquons pas. Ce texte devra être rapidement examiné par l'Assemblée nationale.
Nous avons entendu les remarques des uns et des autres. Merci au rapporteur pour son travail très fourni et attentif au secteur sportif.
Cette loi trouve son origine dans le football, mais porte sur tous les sports. Grâce à vos amendements, nous sommes parvenus à un bon équilibre.
Merci enfin au Gouvernement, qui a déclaré la procédure accélérée et levé le gage. C'est le signe qu'il soutiendra le texte jusqu'à son vote définitif.
M. Michel Savin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport . - Merci à tous les collègues, pour cette oeuvre collective. Merci au président Lafon, auteur du texte. Après les missions d'information et les commissions d'enquête, le travail du Sénat se poursuit avec des propositions de loi. Merci également au Gouvernement, même si nous n'étions pas toujours d'accord sur tout.
Nous avons tenu un cap : suivre les recommandations de la mission d'information. Cela ne faisait pas plaisir à tout le monde, des dents ont grincé, mais notre main n'a pas tremblé.
Nous allons adopter une refondation inédite du sport professionnel : clarification de sa gouvernance, renforcement du contrôle des clubs et des ligues, lutte contre le piratage, renforcement des exigences éthiques, réinvention de l'économie du sport professionnel, création de ligues féminines... Toutes ces dispositions sont issues de nos travaux.
À la demande de la commission et du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°306 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l'adoption | 338 |
Contre | 1 |
La proposition de loi est adoptée.
La séance est suspendue à 20 h 35.
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
La séance reprend à 22 h 05.
Mises au point au sujet d'un vote
M. Jean-Claude Anglars. - Lors du scrutin public n°303, Mmes Marie-Do Aeschlimann et Lauriane Josende souhaitaient voter pour ; M. Étienne Blanc souhaitait s'abstenir.
Acte en est donné.
Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI) Ce texte transpartisan, que je porte avec Guylène Pantel, Bernard Delcros et les membres de la délégation aux collectivités territoriales, traite d'un enjeu de bon sens : la simplification des normes et l'efficacité de l'action publique. C'est une proposition de loi écrite à l'encre du terrain, qui transforme le verbe en action.
Je remercie le président Mathieu Darnaud d'avoir inscrit ce texte à l'ordre du jour et notre rapporteure Nadine Bellurot pour son travail exemplaire.
Cette initiative est née d'une mission flash. La confiance des 2 600 élus qui ont répondu à notre consultation nous obligeait. Notre rapport a démontré que le pouvoir de dérogation peine à trouver sa place, dans un pays marqué par les principes d'égalité et de légalité. Bruno Retailleau nous l'a dit : l'administration fait trop souvent prévaloir la procédure sur le résultat. Nous devons passer de l'addiction à la norme à l'obsession de son efficacité - un changement de culture administrative. Nous devons aller vers un État territorial accompagnateur des projets locaux, comme le recommandait le rapport d'Éric Kerrouche et Agnès Canayer de 2022.
S'agit-il d'une recentralisation ? Le pouvoir de dérogation n'a jamais été centralisé : il faut mieux organiser et libérer un pouvoir existant.
Le préfet reste trop souvent en marge de domaines majeurs - santé, éducation - et les décisions des opérateurs de l'État doivent elles aussi pouvoir être adaptées aux réalités locales.
Le décret du 8 avril 2020 restreint le pouvoir de dérogation à une liste de sept domaines, avec toute une série de conditions cumulatives. Résultat : 1,5 arrêté par département et par an ; douze préfectures n'y ont jamais eu recours, douze autres ne l'ont utilisé qu'une fois. Certains préfets l'ont utilisé judicieusement, mais leurs marges de manoeuvre sont étroites.
À Blois, un préfet a relevé le taux de subvention pour permettre la revitalisation de certains quartiers. Dans le Lot, une préfète a adapté le taux d'encadrement pour permettre l'accueil des mineurs dans une commune. Des décisions pragmatiques et justifiées.
L'article 1er inscrit le pouvoir de dérogation dans la loi, et l'étend aux décisions des agences de l'État. Il offre la possibilité de déroger aux règles de fond notamment pour alléger la charge financière des collectivités territoriales.
Les articles 2, 3 et 4 instaurent de nouveaux régimes législatifs de dérogation à des normes. J'entends déjà les critiques. Nous aurons un débat nourri sur l'article 3, qui touche au code de l'environnement. Le législateur a déjà prévu des régimes spécifiques pour reconnaître à l'État un pouvoir d'adaptation locale, sur le repos dominical par exemple. Il nous a semblé nécessaire d'élargir cette dérogation dans une logique de différenciation locale.
M. André Reichardt. - Très bien !
M. Rémy Pointereau. - Nous proposons d'alléger la participation minimale des collectivités territoriales au financement d'un projet ou de déroger au code de l'environnement afin de préserver des moulins ou de nettoyer un fossé. Certains d'entre vous ont déposé des amendements de suppression ; je suis surpris qu'ils ne proposent pas de solution alternative. Cet article n'est pas le fruit du hasard. Il découle d'échanges sur le terrain et son dispositif est encadré puisque la dérogation ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis.
L'article 5 renforce le dialogue entre le préfet et les élus, au travers des comités locaux de cohésion territoriale (CLCT). Ce n'était pas l'instance envisagée initialement, mais nous souscrivons à la proposition de la rapporteure. Ce dialogue est crucial, car pas moins de 80 % des élus consultés ignorent l'existence du pouvoir de dérogation.
L'article 6 traite de la responsabilité pénale des préfets. Comme le souligne le rapport de Christian Vigouroux de mars dernier, les préfets sont unanimement convaincus du bien-fondé de cette réforme, mais inquiets des risques qu'ils courent.
Avec cette proposition de loi, nous répondons à l'appel du Gouvernement de porter des initiatives de simplification. Chiche ! Nous relevons le défi. Je me réjouis de la procédure accélérée. Il faudra aller jusqu'au bout : examen à l'Assemblée nationale, puis promulgation.
Nous voulons donner corps à la différenciation territoriale à travers un outil simple, utile et attendu. Faire confiance à l'intelligence des territoires, c'est faire confiance aux élus, mais aussi aux préfets. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois . - Nous dénonçons régulièrement entre ces murs le carcan normatif qui freine les projets des élus. Le Sénat a pris plusieurs initiatives pour favoriser l'action publique locale : la charte de la simplification en 2023 et les assises de la simplification, organisées chaque année.
Cette proposition de loi de Rémy Pointereau et Guylène Pantel a été cosignée par 130 parlementaires. Je salue le travail remarquable de la délégation aux collectivités territoriales, dont la proposition de loi traduit les recommandations.
Le pouvoir de dérogation des préfets fut d'abord institué à titre expérimental en 2017, puis pérennisé en 2020, après un bilan positif de l'expérimentation. Depuis, 900 arrêtés de dérogation ont été pris par les préfets, en concertation avec les élus locaux. D'où une quasi-absence de contentieux et 90 % des arrêtés qui concernent les collectivités territoriales.
Mais plusieurs obstacles persistent : la liste des matières concernées est limitative et exclut la santé et les transports ; les normes des opérateurs de l'État ne sont pas concernées ; la dérogation ne doit porter que sur des règles de forme ; les dérogations se heurtent parfois à des règles législatives ou européennes ; l'administration est très attachée au principe d'égalité ; certains préfets craignent le risque pénal.
Les six articles de la proposition de loi lèvent certains de ces freins.
L'article 1er consacre au niveau législatif le pouvoir de dérogation du préfet en matière réglementaire. Il s'inspire du décret de 2020, mais l'élargit à toutes les matières. Le préfet pourra prendre des décisions individuelles et réglementaires, déroger aux normes relevant des agences, ainsi qu'à des normes de fond sous conditions.
Les articles 2, 3, 4 et 4 bis prévoient des dérogations législatives ponctuelles au bénéfice des collectivités territoriales : dérogation à la règle de la participation financière minimale, suivant la proposition de loi de Dany Wattebled et de Marie-Claude Lermytte ; dérogation aux règles de construction d'ouvrages d'art hydrauliques ; dérogation aux règles de mise en conformité des installations sportives, notamment lorsque les travaux sont disproportionnés par rapport aux moyens de la collectivité ; versement de la compensation au titre du FCTVA en année N et non en N+2, afin de soutenir la trésorerie des petites communes qui investissent.
L'article 5 prévoyait une conférence de dialogue pour associer les élus locaux à l'exercice du pouvoir de dérogation. Nous avons préféré faire vivre les CLCT déjà existants. Chaque année, le préfet devra présenter un bilan exhaustif de l'exercice de son pouvoir de dérogation. Les parlementaires seront membres de ce comité, qui formulera des propositions de dérogation et de simplification. Il faudra recourir plus souvent à la procédure de délégalisation, quand des dispositions législatives empiètent sur le domaine réglementaire.
L'article 6 modifie le code pénal pour sécuriser les préfets, en reprenant le régime de la loi Fauchon de 2000.
Je vous proposerai deux amendements : l'un pour faire du préfet le délégué territorial des agences de l'État ; l'autre pour appliquer ces dispositions aux collectivités d'outre-mer.
Il y a urgence à agir. Le renforcement du pouvoir de dérogation du préfet facilitera l'action publique locale, en permettant aux collectivités territoriales de réaliser des actions plus rapides et répondra aux souhaits de nos concitoyens, qui se heurtent à des délais trop longs.
Sous réserve de l'adoption de mes amendements, je vous propose d'adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE) Je ne m'adresse pas seulement à des parlementaires, mais avant tout à des élus locaux. Je crois à la France communale, à la démocratie locale, qui fait rimer efficacité et proximité.
La bureaucratie excessive démotive les élus locaux et même les préfets. Déroger, c'est aussi apporter aux élus locaux le soutien de l'État dont ils ont besoin.
Ce texte bénéficie du soutien total du Gouvernement.
Place Beauvau, nous croyons dans ce principe de subsidiarité, qui rime avec efficacité : nous donnons aux acteurs de terrain les moyens de leurs ambitions, avec les plans locaux de restauration de la sécurité du quotidien et la réforme des polices municipales. Nous franchissons ici une nouvelle étape pour renforcer les libertés locales.
Le pouvoir de dérogation est ancien, reconnu par un décret de 2017, avant d'être pérennisé et généralisé par un décret de 2020. Mais peu de préfets s'en sont emparés : on ne compte que 628 arrêtés pris par des préfets de département, 152 par des préfets de région, et les deux tiers concernent des subventions.
Cette proposition de loi est issue de la mission flash de la délégation aux collectivités territoriales. Au-delà du constat, ce rapport mettait en évidence certains freins, que ce texte lève, en sécurisant le pouvoir de dérogation du préfet et en l'élargissant.
La sécurisation passe par l'inscription du pouvoir de dérogation dans la loi, mais aussi par la responsabilité pénale des préfets : celle-ci ne pourra désormais être engagée qu'en cas de violation manifestement délibérée des conditions de recours au pouvoir dérogatoire ou de faute caractérisée qui exposerait autrui à un risque d'une particulière gravité ne pouvant être ignorée.
L'élargissement, ensuite, avec la suppression des listes limitatives, la possibilité de procéder à des adaptations mineures des règles de fond, l'autorisation de déroger aux règles fixées par les établissements publics de l'État. Cette dernière évolution apparaît quelque peu discutable, car les préfets ne prennent pas de décisions pour les établissements publics, qui sont autonomes. C'est pourquoi le Gouvernement soutient un amendement faisant du préfet le délégué territorial des établissements publics ayant des missions territoriales.
M. Michel Masset. - Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre. - Le législateur a reconnu aux préfets un pouvoir de dérogation aux lois - je pense par exemple au travail dominical. Les préfets pourront bénéficier de sept régimes supplémentaires - quatre issus de la proposition de loi et trois proposés par le Gouvernement -, dont la création de conseils de développement, de caisses des écoles ou de conseils citoyens.
Le Gouvernement est favorable à ce que le préfet puisse déroger au cas par cas à la participation financière minimale de 20 % pour les collectivités maîtres d'ouvrage, mais 5 % pour les communes rurales, c'est prendre le risque de les mettre en situation financière périlleuse.
Outre son coût considérable pour l'État, le versement anticipé du FCTVA serait impossible à réaliser en raison de l'automatisation.
Nonobstant ces remarques, le Gouvernement apporte son soutien au texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
Mme Michelle Gréaume . - Nous partons de constats similaires, madame la rapporteure : les préfets utilisent peu leur pouvoir de dérogation et la complexité des normes est un fardeau pour les collectivités. Mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions.
Lorsque nous interrogeons les préfets, ceux-ci nous expliquent que ce n'est pas parce que leur pouvoir serait trop restreint ou que le risque pénal serait trop grand qu'ils n'ont pris que 900 arrêtés. Non ! C'est simplement parce que cela n'était pas utile.
Le corps préfectoral serait frileux à utiliser cet outil ? Mais cette frilosité est le socle de notre République, une et indivisible. Nos principes d'égalité et d'indivisibilité garantissent l'homogénéité des droits et des devoirs. Aucun individu ne peut s'arroger l'exercice de la souveraineté, qui appartient aux citoyens dans leur ensemble. D'où une application de la loi sur l'ensemble du territoire, un et indivisible. Les intérêts privés ne peuvent prendre le pas sur nos fondamentaux.
Les préfets doivent donc appliquer la loi de manière homogène, partout. Ils savent s'adapter aux situations complexes, en conciliant intérêts républicains et locaux. Mais à trop consacrer le droit à la dérogation, c'est la République que nous abîmons.
Cela dit, les collectivités souffrent d'un excès de normes. L'inflation législative va bon train ! On nous propose souvent la solution magique : une nouvelle loi de simplification ou de dérogation. Comme le disait Max Weber, « capitalisme et bureaucratie se sont rencontrés et sont devenus inséparables. » Nous avons construit un système fondé sur la hiérarchie, l'ordre, les règles et les procédures. Enfermés dans cette logique, nous ne créons que davantage de normes. La présente proposition de loi ne déroge pas à la règle, avec de nouvelles exceptions.
Résultat : nous agissons au détriment de l'intérêt commun. Les collectivités, toujours plus pauvres, ont recours à des conseils pour comprendre la norme. Le groupe CRCE-Kanaky lutte contre l'hyperspécialisation des collectivités territoriales, car la disparition de la compétence générale a laissé place à des règles complexes et indigestes. Les compétences de nos collectivités doivent être redéfinies de manière logique, cohérente et humaine.
Nous voterons donc contre ce texte, qui aggrave le problème et qui continue d'enfoncer nos collectivités dans une bureaucratie libérale complexe, sans accompagnement. (M. Guy Benarroche applaudit.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La présente proposition de loi est issue des travaux de la délégation aux collectivités territoriales, qui faisait le constat des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de leurs projets.
Le Sénat s'empare de ces sujets, mais souvent avec des résultats décevants, à l'instar de la loi dite 3DS. La proposition de loi sur la rénovation énergétique a proposé une réponse ponctuelle. Il vaut toujours mieux bien écrire la norme, que de devoir y déroger.
J'avais rédigé un rapport sur la transition environnementale des collectivités avec Laurent Burgoa et Pascal Martin. Notre groupe a toujours soutenu l'action locale, la simplification et la différenciation. Déroger aux normes ne nous pose pas problème. Le problème, c'est le renforcement de la compétence discrétionnaire accordée aux préfets : nous avons toujours combattu cette recentralisation du pouvoir au profit d'un représentant du ministère de l'intérieur.
Le pouvoir de dérogation existe déjà : lorsque la dérogation est demandée, elle est accordée. Mais ce pouvoir est trop méconnu et trop peu utilisé - le non-recours ne concerne pas que les particuliers. Élargir le champ d'action du préfet nous semble précipité, alors que l'outil actuel n'est pas pleinement utilisé.
La proposition de loi détricote le cadre actuel : le préfet peut déjà agir dans sept domaines, qui recouvrent les problématiques les plus fréquentes comme le logement ou l'agriculture. Nous nous inquiétons d'une absence de limites et de critères bien trop flous justifiant les dérogations. Ce nouveau cadre aboutira à un mauvais équilibre.
Les opérateurs de l'État fondent leur travail sur des travaux scientifiques. Or déroger aux normes sans en connaître les conséquences est dangereux. Surtout, le préfet sera soumis à des pressions locales, des élus ou même d'entreprises faisant du chantage au chômage. Peut-on imaginer un directeur de cabinet ministériel faisant pression sur le représentant de l'État pour déroger aux règles sanitaires relatives à la qualité d'eaux minérales pour répondre aux sollicitations d'une puissante multinationale ? (M. André Reichardt s'en offusque.)
Notre chambre ne semble pas prendre en compte les remarques des acteurs de terrain : les préfets ne sont pas demandeurs.
Surtout, ce texte risque de conduire à de dangereux reculs environnementaux, dans un contexte où le ZAN, les ZFE et la réglementation sur les pesticides reculent déjà.
Notre groupe a déposé des amendements afin de faire mieux entendre la voix des élus locaux.
Faire plus et mieux pour l'action locale, oui. Mais notre groupe, dans sa grande majorité, considère que ce texte n'est pas adapté : nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pierre-Alain Roiron . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La complexité normative et l'empilement des procédures constituent une difficulté structurelle pour les territoires. Reconnaissons que, depuis longtemps, l'État se montre généreux en normes et parcimonieux en accompagnement.
Nous ne cessons de dénoncer l'inflation normative, qui entrave les collectivités territoriales : trop souvent, des règles conçues à Paris s'appliquent dans les territoires sans tenir compte des réalités locales.
Résultat : des projets bloqués, des élus découragés et des citoyens désabusés.
Généralisé en 2020, le pouvoir de dérogation préfectoral est resté marginal : à peine plus d'un arrêté par an et par département en moyenne. Cette frilosité est la conséquence d'un dispositif trop complexe et des risques de contentieux que les préfets redoutent.
Il est temps de changer de paradigme, mais pas sans conditions. Notre famille politique croit en une République décentralisée et déconcentrée, dans laquelle l'État adapte ses règles aux réalités locales.
Ce texte semblait marqué par le discernement et l'équilibre, traduisant un compromis entre souplesse administrative et appui aux initiatives locales qui pouvait justifier notre soutien. Nous nous félicitons notamment de l'adoption en commission de l'amendement de Hussein Bourgi assouplissant la participation financière minimale des communes de moins de 2 000 habitants aux projets structurants lorsque leur potentiel financier est faible. C'est un signal fort envoyé aux petites communes.
Trop souvent, les communes sont empêchées de réhabiliter un gymnase ou un terrain, faute de pouvoir répondre aux prescriptions des fédérations, parfois disproportionnées. Il s'agit de réintégrer les contraintes locales dans l'équation normative pour permettre aux projets d'aboutir. La possibilité de déroger aux règles des fédérations est donc bienvenue.
De même, l'amendement de la rapporteure créant une faculté de dérogation en matière de FCTVA va dans le bon sens. Il remettra en mouvement des projets gelés et redonnera de l'oxygène aux maires. Nous aurions toutefois préféré que les modalités de versement du FCTVA soient revues dans le cadre d'une réforme systémique.
Nombre de préfets renoncent au pouvoir de dérogation non par inertie, mais par crainte d'être personnellement mis en cause. Ce texte lève ce frein en garantissant un cadre clair et proportionné, sans établir une immunité absolue.
Nous plaidons pour un pouvoir de dérogation collégial et transparent, relativisant la verticalité préfectorale et associant les parlementaires. La mise en place d'un contrôle démocratique a posteriori dans le cadre des CLCT marque une volonté de dialogue renouvelée et envoie un signal de confiance.
Si le texte a gagné en solidité juridique, des zones d'ombre persistent qui appellent de notre part des réserves sérieuses, voire des oppositions.
Ainsi, le pouvoir de dérogation ne se limiterait pas à certains domaines ou à des actes individuels : comment justifier des mesures générales censées s'appliquer à des situations locales et comment garantir la sécurité juridique quand on déroge à des normes de fond ? Ces incertitudes risquent de dissuader les préfets d'agir.
Un principe de dérogation n'est pas une dérogation de principe : nous avons une opposition de fond à l'article 3, qui dépasse largement la seule question des moulins à eau. Il permettrait de s'affranchir de mesures essentielles du code de l'environnement et conduirait à la fragilisation des écosystèmes. Nous proposerons la suppression de cet article. L'environnement ne saurait devenir la variable d'ajustement d'un pouvoir de dérogation élargi.
D'autre part, les amendements du Gouvernement modifient sensiblement l'équilibre du texte. Le Gouvernement semble essayer de se servir d'une proposition de loi consensuelle pour faire passer certaines mesures. L'amendement n°13 vise ainsi à exempter certains EPCI de la création d'un conseil de développement. Or notre groupe a toujours défendu ces instances, leviers de légitimité. L'imprécision de cette disposition risque de déboucher sur des traitements différenciés, voire un clientélisme institutionnalisé. De même, l'amendement autorisant une commune à ne pas créer un conseil citoyen nous laisse sceptiques.
Notre groupe est largement favorable à ce texte ; nous en saluons les avancées concrètes et l'esprit pragmatique. Néanmoins, cet élan est freiné par l'article 3 et les amendements du Gouvernement. Si l'équilibre et la rigueur initiaux de ce texte n'étaient pas respectés, nous ne serions peut-être pas en mesure, hélas, de lui apporter le soutien attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Corinne Bourcier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Rémy Pointereau applaudit également.) La France souffre de deux terribles maux : une dette publique excessive et une inflation normative hors de contrôle.
Certains imaginent qu'il suffirait de ne pas rembourser notre dette. Mais les Français la paient déjà, et très cher. Le service de la dette deviendra bientôt notre premier poste de dépenses. La France prélève la moitié de la richesse produite et dépense davantage encore, grâce à l'emprunt. Quand reconnaîtrons-nous que notre problème tient à l'excès de dépenses publiques ?
Les effets de l'inflation normative ne sont pas moins délétères. Nul n'est censé ignorer la loi, mais qui peut connaître les 96 000 articles de loi en vigueur, sans parler des 263 000 normes réglementaires ? En volume, le droit a doublé en vingt ans. Il est, en outre, de plus en plus complexe. Agriculteurs, entrepreneurs, élus, tous le disent : ils ne s'en sortent plus.
Certes, ce texte ne réglera pas tout, mais il a le mérite de rappeler que c'est à l'échelle locale qu'on peut le mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire.
M. Rémy Pointereau. - Très bien !
Mme Corinne Bourcier. - Plusieurs membres du groupe INDEP ont cosigné ce texte. Nous préférons l'État déconcentré à l'État concentré, mais nous aimerions mieux encore l'État décentralisé. (M. André Reichardt renchérit ; M. Guy Benarroche ironise.)
La rapporteure a élargi le pouvoir de dérogation préfectoral et sécurisé son exercice pour limiter le risque pénal qui paralyse l'action publique - comme, du reste, l'action privée. Nous saluons l'adoption en commission d'un amendement de Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte qui va dans le même sens : nous sommes surpris de votre volonté de supprimer ce dispositif, monsieur le ministre, alors que vous le souteniez comme président de la commission des lois.
Face à l'inflation normative, ne nous contentons pas de déroger - ce qui revient à ajouter de la complexité. Nous devons simplifier, voter moins de lois, mieux légiférer. En attendant cette réelle simplification du droit, le groupe Les Indépendants votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, Les Républicains et du RDSE)
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.) L'action des élus locaux ne peut se faire sans véritable accompagnement de l'État. Une vraie décentralisation suppose une déconcentration réelle.
Simplifier les normes et les adapter aux réalités locales est un objectif constant du Sénat. Le renforcement et la sécurisation du pouvoir de dérogation préfectoral y participent.
Dans notre rapport de 2022, Éric Kerrouche et moi-même faisions le constat de la dégradation du service de l'État dans les territoires et appelions à une plus grande agilité pour une meilleure efficacité de l'action publique.
Le rapport de 2025 met en avant les difficultés d'application du pouvoir préfectoral de dérogation.
Depuis le décret du 8 avril 2020, ce dispositif n'a pas produit ses pleins effets : seuls 900 arrêtés de dérogation ont été portés à la connaissance de l'administration centrale. Leur application reste très inégale sur le territoire.
Comme souvent en droit français, une bonne idée - adapter la règle aux spécificités locales - devient une usine à gaz.
La décentralisation n'est pas aboutie : trop souvent, l'État cherche à reprendre de l'autre main ce qu'il a octroyé aux collectivités territoriales.
La proposition de loi vise à lever des verrous normatifs en élargissant le pouvoir du préfet et en sécurisant son recours. (Mme Nadine Bellurot renchérit.)
Ce texte apporte quatre améliorations pour les élus locaux. La dérogation à la participation minimale des collectivités territoriales au financement des projets est très attendue ; de même que les procédures du code de l'environnement qui allongent les délais pour des projets hydrauliques ; idem pour les infrastructures sportives : qui ne connaît pas un maire ayant renoncé au stade de foot après les changements de normes incessants de la fédération ?
Beaucoup souhaitent un assouplissement des règles d'urbanisme.
Le coût des normes, 5 milliards d'euros, pèse lourdement.
Le groupe Les Républicains votera ce texte avec conviction, pour rendre l'État local plus agile et répondre aux attentes des élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDSE)
M. Bernard Buis . - Dans l'histoire française, la fonction de préfet a survécu du Premier Empire à la Ve République. Descendants des intendants de François Ier et réinventés par Napoléon après son coup d'État du 18 Brumaire, ils deviennent les représentants de l'État dès 1800 et sont appelés à seconder le Gouvernement dans le noble dessein de restituer la France à son antique splendeur et d'asseoir enfin ce magnifique édifice sur les bases de la liberté et de l'égalité.
Encadrés par la loi du 2 mars 1982, ils restent des acteurs déterminants, poutres sur lesquelles repose la charpente étatique. Mais la fonction préfectorale se complexifie, en raison de l'enchevêtrement des normes. Le pouvoir de dérogation, conforté par la dynamique de différenciation de la loi 3DS reste utilisé de manière sporadique. Depuis 2020, 600 arrêtés ont été pris.
Malgré des différences entre territoires, ce pouvoir est insuffisamment libéré, alors qu'il permet de prendre des décisions utiles.
Je salue les propositions de Guylène Pantel et Rémy Pointereau. Il faut élargir le pouvoir préfectoral de dérogation pour que la loi nationale s'adapte avec parcimonie dans les territoires en fonction des situations.
Les préfets ne doivent plus hésiter à utiliser ce pouvoir de dérogation.
Ce texte est particulièrement utile pour renforcer le pouvoir de dérogation des préfets, mettant en place un cadre plus incitatif. L'article 5 renforce les CLCT pour qu'ils identifient les possibilités de dérogation.
Le texte sécurise pénalement les préfets. Il redessine les modalités du pouvoir législatif : les possibilités de dérogation doivent être élargies.
L'article 1er ne limite plus les possibilités de dérogation. Le travail en commission a clarifié la rédaction de l'article et l'a bordé.
L'article 3 prévoit des dérogations pour préserver des ouvrages hydrauliques. Je l'ai rappelé en mai : l'hydroélectricité mérite une plus grande place. Dans la Drôme, nous avons des moulins et petits barrages pouvant produire une électricité locale, propre et pilotable, mais la réglementation est complexe. Élargir le pouvoir préfectoral de dérogation à l'hydraulique est donc une bonne mesure.
L'article 4, relatif aux installations sportives, sera utile.
Je souligne le travail de la commission sur le FCTVA, avec une possibilité de versement anticipé en cas d'investissement substantiel.
Ce texte n'est pas une révolution en matière de décentralisation, mais tel n'était pas son objectif initial. Il répond aux attentes des élus locaux et sera très utile. Le RDPI le votera. (Applaudissements au banc des commissions ; MM. Rémy Pointereau et Jean-Gérard Paumier applaudissent également.)
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mmes Corinne Bourcier et Nadine Bellurot applaudissent également.) Nous traversons une période où l'efficacité de l'action publique est plus que jamais scrutée. Notre administration doit répondre aux défis de chaque territoire.
Je suis heureuse de soutenir, avec Rémy Pointereau, notre proposition de loi, issue d'une mission de la délégation aux collectivités territoriales.
Cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans une logique de simplification et d'adaptation. C'est non pas une révolution, mais une respiration : elle allège, permet, adapte. Elle fait preuve d'intelligence territoriale. Une norme, pour être intelligente, doit être applicable.
Nos préfets doivent disposer des outils nécessaires pour répondre avec agilité aux besoins de leurs départements.
Introduit par le décret du 29 décembre 2017, le pouvoir de dérogation est un changement significatif et permet de déroger aux normes établies par l'administration centrale, sous condition.
Le Gouvernement a publié, le 8 avril 2020, le décret sur la dérogation des préfets. Depuis, seulement 628 arrêtés ont été pris par les préfets de département, soit 1,5 par département et par an.
La plupart des arrêtés concernent des subventions. Mais celles-ci ne sauraient compenser les nombreuses contraintes réglementaires. La multiplicité des normes pèse sur la capacité opérationnelle des collectivités territoriales. Il faut sécuriser la dérogation préfectorale, certains préfets s'inquiétant de leur responsabilité.
Cela renforcera la confiance et une meilleure articulation entre souplesse administrative et respect du droit.
L'article 3 fait débat. Pour nous, c'est une avancée majeure pour la préservation du patrimoine hydraulique. Les moulins à eau sont des joyaux de notre patrimoine culturel, mais dont la charge est trop lourde. Il faudrait que le préfet déroge aux règles, pour concilier protection de l'environnement, préservation du patrimoine et soutien à l'économie locale.
L'article 5 transforme la commission départementale de conciliation en véritable instance de dialogue. Elle renforcera l'efficacité du dispositif.
Le RDSE estime que ce texte répond aux exigences de notre époque, et nous apporterons notre soutien plein et entier à son adoption. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Bernard Delcros . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Empilement de normes contraignantes, coûteuses et inadaptées : tous les élus font le même constat. Les procédures sont toujours plus complexes, freinant et renchérissant les projets, dont certains sont parfois abandonnés.
Les normes sont nécessaires. Mais dans les différentes fonctions que nous avons exercées, combien de fois avons-nous été confrontés à des obligations ou des refus inadaptés, dénués de bon sens ?
Dans une période de nécessaire réduction des déficits, le surcoût lié à l'inflation normative doit nous faire réfléchir : 1 milliard d'euros de plus tous les ans, d'après Gilles Carrez, président du Conseil national d'évaluation des normes (Cnen) - même si les dépenses concernées sont de natures très diverses.
L'enjeu de la simplification des normes est prioritaire. À la demande du président du Sénat, la délégation aux collectivités territoriales s'est emparée du sujet. Nous avons organisé des assises de la simplification en avril dernier en présence du Premier ministre et j'ai participé au Roquelaure de la simplification organisé par le Gouvernement. Plusieurs leviers d'action ont été identifiés pour des solutions concrètes.
Je salue l'excellent travail de Rémy Pointereau et Guylène Pantel. Leur proposition de loi élargit la possibilité pour le préfet de déroger à certaines normes pour les adapter à la réalité des territoires. C'est un premier pas, qui simplifiera rapidement et concrètement la vie des élus locaux. Nous travaillons avec le Gouvernement à d'autres mesures de simplification, dont je salue l'engagement en la matière.
Le groupe UC votera cette proposition de loi, non sans proposer quelques pistes d'amélioration par voie d'amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et du RDSE)
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai cosigné cette proposition de loi et la voterai naturellement.
Il faut sécuriser et renforcer le pouvoir de dérogation des préfets, pour que ces derniers l'utilisent davantage sans risque de contentieux administratif et pénal. Nos normes doivent être adaptées aux réalités locales : c'est une demande massive de nos concitoyens.
Pour autant, comme je l'ai dit d'emblée à M. Pointereau, ce pouvoir de dérogation est un pis-aller, tant le besoin de différenciation dans notre pays est fort. Nous avons besoin d'une vraie grande réforme décentralisatrice ! La règle doit-elle être la même partout ? Poser la question, c'est y répondre.
Je milite pour une vraie différenciation permettant aux collectivités territoriales de mieux répondre aux besoins de leur population et de décliner localement les grands principes. Hélas, en France, on veut tout maîtriser, tout prévoir, tout régimenter, dans les moindres détails.
J'appelle à une nouvelle étape de décentralisation. Certains pays, même non fédéraux, sont organisés de la sorte ! En Alsace-Moselle, le droit local est un bel exemple de différenciation : c'est un droit national d'application locale depuis plus de cent ans, qui n'a jamais fragilisé l'unité de la République. Tout en le reconnaissant comme un principe fondamental des lois de la République, le Conseil constitutionnel estime qu'il ne peut évoluer que dans le sens du droit national : comprenne qui pourra... Il est temps que la différenciation devienne la règle dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « Ne soyez jamais les hommes de la Révolution, mais les hommes du Gouvernement (...) et faites que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures » : on connaît cette recommandation du général Bonaparte aux préfets.
L'adaptation des politiques publiques aux réalités de terrain est une demande de nos concitoyens. Il s'agit aussi de simplifier l'action des collectivités territoriales.
Introduit en 2017 à titre expérimental, le pouvoir préfectoral de dérogation permet l'adaptation des normes aux situations locales. Mais cet outil a été très peu utilisé : seulement 900 arrêtés depuis 2020.
Ce texte élargit les domaines dans lesquels il peut être mis en oeuvre et en améliore la lisibilité. Ce dispositif ne concerne pas les normes législatives : l'égalité devant la loi n'est donc pas menacée.
« On peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près », selon le décret du 25 mars 1852. Cette proposition de loi permettra de déroger à des normes de fond et allégera les charges des collectivités territoriales.
Au-delà du pouvoir de dérogation, le préfet doit avoir le plein contrôle de son administration, ce qui suppose une autorité fonctionnelle et hiérarchique sur tous les échelons administratifs locaux, comme les Dreal et les ARS.
La CLCT, instance de dialogue locale, doit être renforcée.
J'ai entendu l'inquiétude sur la responsabilité pénale des préfets. En tant que maire, cela me fait sourire : nous assumons ce risque sans difficulté. (Mme Nadine Bellurot renchérit.)
Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)
M. Hugues Saury . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est une étape sur le chemin de la différenciation - notion peu commode à appréhender pour notre nation jacobine. Nous avons la passion de l'égalité, comme disait Tocqueville, et pouvons en être fiers. La loi doit être la même pour tous, énonce la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Mais lorsque les mêmes règles s'appliquent de la petite commune à la métropole, du département opulent au département indigent, de la sécheresse à l'inondation, l'égalité n'est que formelle. Où est l'égalité quand les moyens d'ingénierie sont aussi différents d'une collectivité à l'autre ?
L'égalité n'est pas l'uniformité. Alors que le pouvoir de dérogation des préfets présente un bilan mitigé, ce texte vise à le renforcer, l'étendre et le clarifier.
Attention : ce dispositif ne créera pas un service public à la carte. Le texte ne revient pas sur les grands principes structurants de notre droit. Le préfet pourra, pour un motif d'intérêt général et pour tenir compte de circonstances locales, déroger à des normes arrêtées par l'administration de l'État : normes d'origine réglementaire voire, dans certains cas, normes de fond.
Cette proposition de loi est un témoignage de confiance envers les préfets, mais aussi envers les collectivités. L'article 5 institue une conférence de dialogue pour renforcer les échanges entre préfectures et élus locaux. Sans renier nos principes, il est temps pour nous d'avoir une administration plus souple, plus flexible, adaptée à son temps, à la diversité de nos territoires et aux besoins de nos concitoyens.
C'est avec conviction que je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
M. Jean-Gérard Paumier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la chambre des territoires, chacun sait qu'on n'administre bien que de près. La multiplicité des normes et des textes ne peut répondre à la diversité des situations. Dans une circulaire du 28 octobre 2024, le Premier ministre Michel Barnier écrivait : « Nous avons besoin de simplifier massivement l'action publique. Nos concitoyens ont besoin de constater, près de chez eux, que nous avons encore collectivement la capacité à agir pour développer leur territoire et répondre à leurs besoins. Nous devons démontrer que la complexité n'est pas une fatalité. »
Or la simplification passe parfois par la dérogation, nous l'avons vu pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ou la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) : il faut une loi pour s'affranchir des règles. De même, le renforcement et la sécurisation du pouvoir de dérogation des préfets répondent à une demande forte des maires.
Le préfet est le mieux placé pour apprécier la pertinence des règles dans des contextes très divers.
Ce texte renforce donc son pouvoir de dérogation en vue de répondre aux besoins des collectivités, sans remettre en cause les principes de notre droit. Il s'agit d'un outil de bon sens au service de l'intérêt général visant à redonner du pouvoir de décision au terrain : exigence d'efficacité pour les élus locaux et marque de confiance pour nos préfets.
Ce pouvoir de dérogation élargi doit demeurer un outil de discernement, un accélérateur de projets simplifiant les démarches des élus et les soulageant de contraintes parfois excessives. Ce texte est un pas de plus vers une administration plus agile. Il renforcera le lien de confiance entre les élus locaux et les services préfectoraux.
C'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)
Discussion des articles
Article 1er
M. Grégory Blanc . - La décentralisation est récente à l'échelle de l'histoire de nos institutions - quarante ans seulement. Le travail est en cours, et le mouvement de balancier entre décentralisation et recentralisation est constant. Ce mouvement soulève peu de débats s'agissant de droits anciens. En revanche, soyons prudents lorsque nous souhaitons modifier le droit de l'environnement, un droit récent, pour lequel on oppose toujours planification et contractualisation.
Face au dérèglement climatique, nous n'avons pas le choix : il faut un pilotage fort et une planification ferme. D'où un pouvoir d'ajustement laissé à l'appréciation du préfet. Je voterai cet article 1er, qui me semble toutefois nécessiter pour corollaire un contrôle renforcé, dont nous débattrons lors de l'examen de l'article 5.
La contractualisation fait débat dans cet hémicycle : certains en veulent davantage, mais, alors, il ne faut pas renforcer le pouvoir des préfets dans d'autres textes. Le législateur doit être clair.
M. le président. - Amendement n°9 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nos collectivités rencontrent parfois des difficultés dans l'instruction de leurs dossiers de demande de subventions. Des possibilités de dérogation existent déjà pour les préfets, mais l'article 1er va plus loin en leur octroyant un pouvoir général de dérogation. Nous sommes opposés à cette recentralisation du pouvoir, d'autant qu'un quart des arrêtés de dérogation pris depuis 2020 concernent l'environnement. La défense de l'environnement doit rester centrale. Avec la différenciation, nous pourrions aboutir à des situations de moins-disant. De plus, l'acceptabilité des normes se trouverait compromise dans les territoires où la dérogation ne se serait pas appliquée. Et les normes modifiées pourraient être de nature scientifique - taux de certains polluants, par exemple - , avec un risque de rupture d'égalité.
Ce pouvoir de dérogation étendu nous pose d'autant plus de difficultés que cette faculté n'est pas demandée par le corps préfectoral.
Nous souhaitons donc supprimer cet article. Ronan Dantec présentera des possibilités d'amélioration des dispositifs existants.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis défavorable. Monsieur Benarroche, vous voulez supprimer le coeur du texte ! (On s'en amuse sur les travées du GEST.) La commission ne peut vous suivre.
Il faut aider les collectivités et les élus à réaliser leurs projets : nous écrivons dans la loi ce que les préfets font déjà. Faisons confiance à nos élus et aux représentants de l'État.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Même avis : même s'il n'est pas totalement en phase avec sa rédaction actuelle, le Gouvernement n'en est pas moins favorable à cet article.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°30 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Nous voulons renforcer la sécurité du pouvoir de dérogation, en rendant les dispositions plus opérationnelles, notamment pour piloter les établissements publics. L'action des préfets doit être cohérente avec l'ensemble des politiques publiques. Nous voulons donc leur donner de nouvelles prérogatives à l'égard des opérateurs.
La rédaction actuelle de l'article 1er présente un risque d'inconstitutionnalité, notamment au regard du principe d'égalité devant la loi. Nous renvoyons donc à un décret en Conseil d'État.
M. le président. - Amendement n°10 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Je m'attendais à des avis défavorables, d'où cet amendement de repli. Une possibilité de dérogation sans limites nous semble une dérive dangereuse. La norme réglementaire deviendrait une variable d'ajustement selon les circonstances locales, voire une source possible de pressions. Je suis heureux d'avoir entendu le ministre pointer un risque d'inconstitutionnalité.
C'est pourquoi nous voulons limiter le pouvoir de dérogation à certaines dispositions réglementaires de forme ayant pour objet d'alléger les démarches administratives, d'adapter les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques : cela nous semble largement suffisant.
Cet amendement répond à la volonté du Sénat et prévient les ruptures d'égalité et les potentielles pressions.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié ter de M. Sautarel et alii.
M. Stéphane Sautarel. - Les décisions prises par l'État concernant la carte scolaire ne sont souvent pas en adéquation avec les réalités locales. Cet amendement y remédie.
J'avais déposé un autre amendement qui allait plus loin : il offrait aux préfets la possibilité de déroger à l'avis du directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) lorsque la décision est contraire aux positions du Conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN). Je regrette qu'il ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40, tout comme le sous-amendement déposé par Anne Ventalon.
Comme son prédécesseur, Michel Barnier, François Bayrou souhaite renforcer le pouvoir du préfet sur la carte scolaire : traduisons ces paroles en actes.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié quinquies de M. Delcros et alii.
M. Bernard Delcros. - La liste prévue à l'article 1er est trop limitative. Je propose de la compléter, afin d'alléger le poids des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis de M. Pointereau et alii.
M. Rémy Pointereau. - Cet amendement est quasi rédactionnel, puisqu'il supprime le terme « mineur » de l'alinéa 4, trop réducteur. Accessoire, cosmétique, secondaire : voilà les synonymes de « mineur » dans le dictionnaire. Soyons plus volontaristes.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié quater de M. Delcros et alii.
M. Bernard Delcros. - Cet amendement complète la liste figurant à l'alinéa 4 en précisant que l'adaptation mineure peut aussi contribuer au développement des territoires.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié quinquies de M. Delcros et alii.
M. Bernard Delcros. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°5 de M. Parigi.
L'amendement n°5 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°28 de Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Cet amendement vise à conférer le rôle de délégué territorial au préfet.
M. le président. - Sous-amendement n°31 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Nous voulons revenir à l'esprit de l'amendement n°30 - il s'agit presque d'un amendement de repli.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis défavorable au sous-amendement n°31. Souvent, les ARS bloquent des projets pour des raisons ubuesques : le préfet doit pouvoir assurer la cohérence de l'action publique locale, en coordonnant l'action des ARS avec celle des autres agences et services déconcentrés.
Cet amendement réintroduirait également la possibilité offerte au préfet de demander à une agence de réexaminer une décision qu'elle aurait prise.
L'amendement n°30 du Gouvernement supprimerait la possibilité pour le préfet de prendre des arrêtés de dérogation relevant de la compétence des agences. Avis défavorable.
Même avis pour l'amendement n°10 de Guy Benarroche.
Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°3 rectifié ter, car l'objectif poursuivi est déjà satisfait.
Retrait des amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies au profit de l'amendement n°22 rectifié quater, pour lequel j'émets un avis favorable. Les amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies sont déjà satisfaits par l'article 1er du texte : ses dispositions autorisent le préfet à déroger aux règles de forme pour alléger des démarches administratives et aux règles de fond pour faciliter la réalisation de projets locaux.
Sagesse à l'amendement n°2 rectifié bis de Rémy Pointereau ; je voterai cet amendement à titre personnel.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°10.
L'amendement n°3 rectifié ter est satisfait : retrait.
Même chose pour l'amendement n°17 rectifié quinquies.
Sagesse sur l'amendement n°2 rectifié bis, de même que sur l'amendement n°22 rectifié quater.
Retrait ou avis défavorable pour l'amendement n°19 rectifié quinquies.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n°28, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement.
M. Guy Benarroche. - L'amendement n°30 du Gouvernement a fait l'objet d'une présentation soft du ministre. Pourtant, il remet en cause certaines dispositions fragiles du texte et pointe ses faiblesses constitutionnelles.
Je n'ai pas vocation à défendre l'amendement du Gouvernement, mais, le ministre ne l'ayant pas présenté avec autant de fougue qu'il l'aurait fait s'il ne s'était pas trouvé, au Sénat, devant certains de ses pairs, je me permets de me substituer à lui. Votez cet amendement, qui nous épargnera de nombreuses déconvenues et pertes d'illusions.
Vous voulez donner tout le pouvoir dérogatoire à l'État, et étendre toutes les possibilités de dérogation, alors même que nous ne cessons de voter des propositions de loi porteuses de nouvelles normes.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Guy Benarroche. - En outre, vous dites que les opérateurs de l'État prennent des décisions ubuesques : vous jugez que ces gens-là ne servent à rien. Vous nous racontez une histoire qui n'est pas la réalité ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, l'orateur ayant dépassé son temps de parole.)
M. Bernard Delcros. - Je retire les amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies, je maintiens l'amendement n°22 rectifié quater.
Les amendements nos17 rectifié quinquies et 19 rectifié quinquies sont retirés.
M. Stéphane Sautarel. - Je retire l'amendement n°3 rectifié ter. Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que si l'article 1er était adopté, le préfet disposerait bien d'un pouvoir de dérogation sur le projet de carte scolaire présenté par le Dasen ?
L'amendement n°3 rectifié ter est retiré.
M. Guillaume Gontard. - Nous sommes tous d'accord pour simplifier et faciliter l'exercice des élus locaux. Nous aimons déroger aux règles, notamment à la droite de cet hémicycle, c'est toujours une tentation...
Les normes sont toujours contraignantes. Mais je n'ai pas l'impression que ce texte simplifiera la vie des préfets, notamment sur le plan juridique.
Ce texte flou, complexe, rendra leurs décisions difficiles à assumer.
Même si je n'en partage pas totalement la philosophie, l'amendement n°30 du Gouvernement pointe l'ensemble des difficultés et dérives potentielles du texte.
Monsieur le ministre, la rapporteure est défavorable à votre amendement de sécurisation juridique. Si ce dernier n'était pas voté, quelle serait la position du Gouvernement sur la proposition de loi ?
M. François-Noël Buffet, ministre. - Monsieur Sautarel, le préfet a bien le pouvoir d'apprécier la carte scolaire pour l'adapter au local.
L'amendement n°30 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°10.
L'amendement n°2 rectifié bis est adopté.
L'amendement n°22 rectifié quater est adopté.
Le sous-amendement n°31 n'est pas adopté.
L'amendement n°28 est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Après l'article 1er
M. le président. - Amendement n°24 de M. Mérillou.
M. Serge Mérillou. - Cet amendement adapte le cadre juridique des baux saisonniers pour mieux répondre aux besoins des commerçants et des consommateurs. Le droit actuel ne fixe pas précisément la durée du bail, mais la jurisprudence ne l'étend pas au-delà de six mois. Toutefois, en Dordogne, à Sarlat, notamment, cette limite est inadaptée avec l'étalement de la saison touristique au-delà de l'été.
À la demande motivée du maire, le préfet pourra reconnaître, localement, que la saison touristique dure jusqu'à neuf mois. Ce n'est pas une dérogation arbitraire, mais une possibilité d'adaptation fondée sur des données objectives : fréquentation, événements, pratiques économiques. Ainsi, les commerçants pourront ouvrir plus longtemps sans risque juridique. Ce levier souple et simple reste facultatif et ciblé.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Même si je comprends votre souci, cela relève du réglementaire. Retrait, sinon avis défavorable. La durée des baux saisonniers n'est pas fixée par la loi : un bail saisonnier est inférieur à un an. Il coïncide avec la durée d'une saison, qui varie en fonction des activités et des régions. Si la durée usuelle est de six mois, cela ne relève pas de la loi : le juge a pu accepter un bail de sept mois. En outre, deux baux peuvent être faits pour une saison d'été et une saison d'hiver.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°24 n'est pas adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°23 rectifié quater de M. Delcros et alii.
M. Bernard Delcros. - Dans le droit actuel, le préfet peut déroger à la règle de droit commun d'un plafond de 80 % de subventions pour les opérations concernant le patrimoine classé - règle étendue au patrimoine non classé par la loi Engagement et proximité de 2019.
Cette dérogation est utile pour les petites communes devant restaurer une église en très mauvais état, par exemple.
L'article 2 prévoit d'abaisser à 5 %, par dérogation du préfet, la quotité d'autofinancement pour les communes de moins de 2 000 habitants à faible potentiel financier. Mon amendement complète la rédaction de la commission des lois pour ne pas priver ces petites communes d'un financement dépassant ce taux de 80 %.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - En effet, cela existe...
M. le président. - Amendement n°16 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Le Gouvernement souhaite revenir au dispositif prévoyant un seuil minimum d'autofinancement de 20 %, avec la possibilité pour le préfet de le réduire à 5 %. Il ne faut pas que des communes investissent lorsqu'elles n'en ont pas les moyens. Attention à ne pas généraliser les 5 %, car l'État aura du mal à financer les projets.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°16 : ce dispositif incluant un seuil de 5 % avait été introduit par le Sénat en 2004 pour les communes de moins de 2 000 habitants, pour venir en aide aux territoires ruraux.
En revanche, avis favorable à l'amendement n°23 : il existe certains cas où des collectivités territoriales atteignent 100 % de subventions.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°23 rectifié quater.
L'amendement n°23 rectifié quater est adopté.
L'amendement n°16 n'a plus d'objet.
L'article 2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°6 rectifié quater de M. Mérillou et alii.
M. Serge Mérillou. - Nous voulons intégrer un dispositif dérogatoire en matière de conventionnement des logements locatifs sociaux, pour redonner des marges de manoeuvre aux bailleurs sociaux dans les petites et moyennes villes, là où la vacance progresse. Certains immeubles anciens sont invivables, car trop énergivores. À Périgueux, un immeuble art déco affiche un taux de vacance de 50 %.
La réhabilitation complète est souvent hors de portée, pour des raisons financières. Souvent, ces logements restent vides ; c'est un non-sens social, économique et écologique. Nous voulons le déconventionnement-reconventionnement. Ce n'est ni une privatisation déguisée, ni une requalification de l'offre sociale, mais une réponse concrète pour revitaliser les centres-bourgs, lutter contre la vacance et offrir un logement digne.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Retrait, sinon avis défavorable. Cet amendement est satisfait, et sa rédaction n'est pas opérationnelle. En effet, le dispositif concerne les logements pour lesquels une convention APL a été conclue avant le 1er janvier 1977. Or il ne peut exister de telle convention avant cette date, puisqu'elle a été créée le 3 janvier 1977.
Les logements anciens conventionnés en APL peuvent d'ores et déjà être déconventionnés, les préfets pouvant résilier unilatéralement la convention APL pour un motif d'intérêt général. Un délai de carence de dix ans est alors nécessaire pour l'obtention d'un nouveau prêt, délai auquel le préfet peut également demander à déroger, de sorte que les logements peuvent être reconventionnés sous couvert d'un nouveau financement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Demande de retrait, pour les mêmes raisons.
L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.
Article 3
M. le président. - Amendement n°1 de M. Roiron et du groupe SER.
M. Pierre-Alain Roiron. - Tel qu'il est rédigé, le périmètre de cet article 3 va bien au-delà de la seule question des moulins à l'eau : les préfets pourront déroger aux normes environnementales pour tous les ouvrages hydrauliques. Cela constituerait un grave recul, alors que la France ne respecte pas toujours ses engagements européens en matière de bon état écologique des cours d'eau...
M. le président. - Amendement identique n°11 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - L'article 3 permet de déroger aux normes environnementales pour tous les ouvrages hydrauliques. L'attaque est directe et frontale : les normes environnementales sont vues comme un obstacle, non comme la clé du développement durable de nos territoires.
La protection des cours d'eau classés est pourtant indispensable pour la reconquête de la biodiversité, la circulation des poissons migrateurs et le transport des sédiments.
Supprimons cet article scandaleux.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis défavorable. Je connais votre sensibilité écologique. L'objectif n'est pas de s'attaquer à la continuité écologique des cours d'eau, mais une faculté limitée de dérogation aux normes applicables protégerait les ouvrages existants tels que les moulins, sans leur imposer des travaux colossaux et ruineux.
Le dispositif est strictement encadré. Le préfet connaît son territoire. Il est précisé que ces dérogations doivent être compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France. (M. Guillaume Gontard écarte les bras.)
M. François-Noël Buffet, ministre. - Même avis.
M. Grégory Blanc. - J'ai cosigné ce texte, qui va dans le bon sens. Les préfets doivent pouvoir déroger aux normes pour rendre la loi applicable en cas de blocages locaux.
Cet article 3, lui, va à rebours de l'objectif souhaité. Que l'on déroge aux normes des fédérations sportives pour utiliser un terrain qui dépasse de quelques centimètres, soit. Mais il s'agit ici de normes environnementales. Face au dérèglement climatique, il faut une planification puissante. Cela suppose que les textes soient applicables. Or on fait l'inverse... C'est une erreur, qui déséquilibre le texte.
M. Michaël Weber. - Nous avions abouti à un texte acceptable, mais les positions peuvent se crisper sur cet article 3, qui est à contre-courant - c'est le cas de le dire - de l'opinion publique, très sensible sur la question de l'eau.
Quid du respect du droit européen ? Les zones Natura 2000 font référence à la continuité écologique des cours d'eau.
Cet article méconnaît ce qui se passe dans les territoires. Dans les Vosges du Nord, trois mille étangs installés en embâcle ont vu leur continuité écologique rétablie. Appuyons-nous sur ces réussites, loin des postures !
M. Philippe Folliot. - Il y a la théorie, et il y a les réalités de terrain.
La centrale hydroélectrique de Mirandol-Bourgnounac, dans le Tarn, doit être rénovée. La commune est prête à investir plusieurs centaines de milliers d'euros pour une énergie décarbonée. En amont, il y a un barrage EDF avec une digue de 20 mètres de haut. On impose à la commune d'investir 300 000 euros pour une passe à poissons - qui ne pourront pas remonter 5 km plus loin. C'est stupide ! Laissons le préfet tenir compte des réalités de terrain. Il ne s'agit pas de refuser la continuité écologique, mais de favoriser le développement d'énergies renouvelables. Il faut savoir ce qu'on veut. Je préférerais que la commune de Mirandol-Bourgnounac investisse 300 000 euros dans autre chose qu'une passe à poisson inutile !
Mme Guylène Pantel. - Je partage totalement ces propos. L'énergie hydraulique des moulins est une énergie renouvelable et propre, son impact environnemental est minimal. Les moulins à eau traditionnels ne nécessitent que de petits ouvrages de dérivation que les poissons peuvent franchir ; la continuité écologique est maintenue. La production est décentralisée, on évite les pertes liées au transport électrique sur de longues distances. On produit ainsi plusieurs tonnes de farine biologique sans aucune émission nette de carbone.
Les retenues des moulins créent des zones humides qui favorisent une faune et une flore spécifiques. Ces installations sont un modèle de sobriété énergétique et de valorisation de la ressource naturelle. Leur réhabilitation s'inscrit dans une démarche de développement durable.
M. Guillaume Gontard. - Ce n'est plus une dérogation, mais une remise en cause du droit environnemental ! Bon courage au préfet et à ses services pour traiter ces sujets au cas par cas...
Les moulins sont sympathiques. Nous avons tous été confrontés aux choix à faire entre continuité écologique et production d'hydroélectricité. Idem pour les éoliennes, dont l'implantation se heurte parfois au droit environnemental, ou pour le solaire sur des bâtiments classés. Va-t-on avoir un article dédié sur chaque sujet ? Voilà où nous emmènent ces textes fourre-tout.
Les amendements identiques nos1 et 11 ne sont pas adoptés.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
Article 4 bis
M. le président. - Amendement n°15 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Amendement de suppression. Le Gouvernement entend la volonté de la commission d'aider les collectivités à mener à bien leurs investissements, mais la contemporanéisation du FCTVA présenterait un risque inflationniste pour l'État, avec le décaissement anticipé de plusieurs centaines de millions d'euros. Cela mettrait en péril le solde budgétaire de l'État.
Alors que l'application Alice a simplifié le fonctionnement du FCTVA, cet article supposerait de rétablir les états déclaratifs, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification.
La notion de capacité financière, imprécise, laisse augurer une interprétation variable selon les préfectures, d'où un risque juridique.
Enfin, il existe déjà un mécanisme d'acompte.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis défavorable. L'amendement est contraire à la position de la commission. Le FCTVA est un instrument de soutien à l'investissement des collectivités, à la main du préfet. Nul surcoût pour les finances publiques, puisque ces sommes seront versées un jour ou l'autre.
Nous connaissons bien la notion de capacité financière, qui figure dans le code général des collectivités territoriales.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
L'article 4 bis est adopté.
Après l'article 4 bis
M. le président. - Amendement n°13 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - L'amendement n°13 rend facultative la création d'un conseil de développement.
M. le président. - Amendement n°12 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - L'amendement n°12 assouplit la nature et les modalités de fonctionnement de la caisse des écoles.
M. le président. - Amendement n°14 du Gouvernement.
M. François-Noël Buffet, ministre. - L'amendement n°14 rend facultative la création des conseils citoyens.
Ces mesures sont puisées dans le Roquelaure de la simplification et le rapport de Boris Ravignon.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Avis favorable sur ces trois amendements, qui offrent plus de souplesse aux collectivités.
M. Éric Kerrouche. - Je ne comprends pas ces amendements. Le Gouvernement est rétif aux projets de loi - et pour cause ! - mais ces trois sujets mériteraient un texte spécifique, dédié à la simplification.
M. Grégory Blanc. - Je ne comprends pas. Cette proposition de loi vise à rendre les lois applicables au regard des spécificités de certains territoires. Ce n'est pas un texte de simplification !
Va pour les caisses des écoles, supprimées dans la quasi-totalité des communes, mais rendre facultatifs les conseils de développement, les bras m'en tombent ! Nous avons besoin de ces instances de débat et de contrôle démocratique. Que la société civile organisée ne puisse émettre un avis me semble contraire à ce que nous essayons de faire. Nous devons renforcer le compromis.
Ces amendements, déposés à la dernière minute, me semblent contreproductifs.
M. Pierre-Alain Roiron. - Je ne comprends pas l'amendement n°13. On nous a expliqué qu'il fallait faire des conventions citoyennes. Et on voudrait rendre les conseils de développement facultatifs ?
Les caisses des écoles datent d'un siècle : pourquoi les supprimer dans ce texte ? Nous voterons contre.
M. Guillaume Gontard. - Où est la simplification en rendant les conseils de développement optionnels ?
Le Premier ministre a parlé de sérieux budgétaire. À l'heure de la préparation du budget, ce texte multiplie les articles sans vision ni chiffrage : je pense au FCTVA ou aux subventions pour les petites communes, par exemple. Mais tout cela a un coût que je ne connais pas. Cette façon de faire relève de l'amateurisme.
À la demande du groupe SER, l'amendement n°13 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°307 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 241 |
Contre | 99 |
L'amendement n°13 est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°12 est adopté et devient un article additionnel.
L'amendement n°14 est adopté et devient un article additionnel.
Article 5
M. le président. - Amendement n°7 de M. Dantec et alii.
M. Grégory Blanc. - Ronan Dantec et moi étions favorables à l'article 1er, dès lors qu'il y a un suivi précis des dérogations préfectorales : le texte initial prévoyait un comité associant les élus pour vérifier le bon exercice de ce pouvoir.
L'amendement n°8 permet aux acteurs du comité d'émettre un avis simple et au préfet de consulter les forces vives du territoire.
M. le président. - Amendement n°25 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement complète l'amendement n°7 de Ronan Dantec. Les dérogations doivent être évaluées par les acteurs de terrain et non par le préfet, projection du ministre de l'intérieur dans les territoires.
Réunir un comité associant les élus rendrait visible cette faculté préfectorale, que 80 % des élus consultés ne connaissent pas. Ce serait un gage de démocratie, d'égalité entre collectivités et de transparence.
Les élus doivent être associés en amont, en ayant connaissance des demandes et en se prononçant sur certaines d'entre elles.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Le CLCT existe déjà : nul besoin de créer un nouveau comité, comme le prévoit l'amendement n°7. Demande de retrait.
L'information des élus est bien prévue par le dispositif que nous proposons, puisque le préfet devra présenter un bilan annuel. (M. Guy Benarroche ironise.) Avis défavorable à l'amendement n°25.
L'amendement n°8 alourdit aussi la procédure : avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, ministre. - Demande de retrait de ces trois amendements, satisfaits. À défaut, avis défavorable.
M. Grégory Blanc. - Nous maintenons ces amendements : l'instance évoquée ne rassemble que les élus locaux, alors que les dérogations pourront aussi concerner des particuliers et des entreprises. Alors que nous venons de rendre les conseils de développement optionnels, nous avons besoin d'espaces où les acteurs peuvent échanger. Les décisions dérogatoires du préfet doivent être davantage éclairées.
Je regrette les avis défavorables de la rapporteure et du ministre, d'autant que ces amendements s'inscrivent dans l'esprit initial du texte.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié ter de Mme Martin et alii.
Mme Pauline Martin. - L'évaluation des politiques publiques décentralisées se concentre essentiellement sur les nouvelles normes. Cet amendement élargit les missions du CLCT, afin qu'il puisse aussi se saisir de normes plus anciennes.
M. Laurent Somon. - Excellent !
L'amendement n°26 rectifié ter, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°8 de M. Dantec et alii.
M. Grégory Blanc. - Défendu.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
L'article 6 est adopté.
Après l'article 6
M. le président. - Amendement n°29 de Mme Bellurot, au nom de la commission des lois.
L'amendement de coordination n°29, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
Vote sur l'ensemble
M. Pierre-Alain Roiron . - Dans mon intervention liminaire, j'avais indiqué que ce texte allait dans le bon sens. Mais quelques points nous inquiétaient. Premièrement, l'article 3 : il n'a pas évolué, nous n'avons pas pu le voter. Deuxièmement, le Gouvernement a déposé des amendements sur les conseils de développement et les caisses des écoles, au dernier moment.
Dans ces conditions, nous nous abstiendrons.
Mme Ghislaine Senée . - Je suis inquiète pour les municipalités, confrontées à des préfets qui voudront leur imposer des projets ne correspondant pas à leurs orientations.
Je suis inquiète pour nos concitoyens, compte tenu de la possible suppression des conseils citoyens et des conseils de développement.
Je suis inquiète pour l'environnement, car une fois de plus, le Sénat a offert la possibilité de passer outre le droit de l'environnement, au mépris des règles européennes.
Cette proposition de loi ne simplifiera rien. Elle crée juste de l'injustice et de la défiance.
M. Grégory Blanc . - Je salue le travail de Rémy Pointereau et de Guylène Pantel.
Mes réserves sur l'article 3 ne me paraissaient pas de nature à m'empêcher de voter ce texte. Mais je déplore les amendements « de simplification » du Gouvernement, qui n'ont pas leur place dans ce texte. Alors que j'en suis cosignataire, je vais donc devoir m'abstenir. Un vote unanime aurait pourtant permis de donner de la force à la parole du Sénat. Je regrette sincèrement que le Gouvernement ait déséquilibré un texte patiemment construit.
M. Rémy Pointereau . - Je remercie la présidente de la commission des lois et la rapporteure pour leur travail. Sans présager du vote, je remercie mes collègues qui voteront cette proposition de loi, un pas de plus vers la simplification et la différenciation. Nous avançons, colline après colline !
Le préfet deviendra ainsi le dernier kilomètre de la simplification. Les élus locaux l'attendent avec impatience.
Mme Guylène Pantel . - Je partage les propos de Rémy Pointereau et remercie la rapporteure et la présidente de la commission des lois, ainsi que le président Delcros. Cette proposition de loi est un pas de plus pour aider nos collectivités territoriales, qui l'attendent avec impatience.
À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°308 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 273 |
Pour l'adoption | 241 |
Contre | 32 |
La proposition de loi est adoptée.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Je remercie tous les collègues sénateurs pour nos échanges, quels qu'aient été nos désaccords.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 11 juin 2025, à 15 heures.
La séance est levée à 1 h 05.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 11 juin 2025
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30, le soir et la nuit
Présidence : M. Gérard Larcher, président du Sénat M. Alain Marc, vice-président, M. Didier Mandelli, vice-président
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Véronique Guillotin
1. Questions d'actualité
2. Proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présentée par Mme Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°683, 2024-2025) (demande du groupe UC)
3. Proposition de loi portant diverses dispositions en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi), présentée par Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n°664, 2024-2025) (demande du groupe Les Républicains)
4. Proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales, présentée par M. Jean-François Husson et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°696, 2024-2025) (demande de la commission des finances)