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Table des matières



Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur (Conclusions de la CMP)

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Laure Darcos

M. Max Brisson

Mme Samantha Cazebonne

M. Bernard Fialaire

M. Laurent Lafon

Mme Mathilde Ollivier

M. David Ros

M. Pierre Ouzoulias

Renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

M. Max Brisson

Mme Samantha Cazebonne

M. Ahmed Laouedj

Mme Annick Billon

M. Pierre Ouzoulias

Mme Mathilde Ollivier

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Laure Darcos

M. Cédric Vial

Discussion des articles

Article 1er

M. Yan Chantrel

Après l'article 1er

Article 1er bis

Après l'article 1er bis

Article 1er ter

Article 2 (Supprimé)

Après l'article 2 (Supprimé)

Article 3

Après l'article 3

Article 3 bis A (Supprimé)

Article 3 bis B

Après l'article 3 bis B

Article 3 bis C

Article 3 octies (Supprimé)

Après l'article 3 octies (Supprimé)

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

Mme Colombe Brossel

M. Max Brisson

Mme Annick Billon

M. Cédric Vial

Mme Marie-Do Aeschlimann

Profession d'infirmier (Conclusions de la CMP)

M. Jean Sol, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins

M. Xavier Iacovelli

Mme Véronique Guillotin

Mme Anne-Sophie Romagny

Mme Céline Brulin

Mme Anne Souyris

M. Bernard Jomier

Mme Corinne Bourcier

Mme Marie-Pierre Richer

Projet parental et discriminations au travail

Discussion générale

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap

Mme Annick Petrus, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Maryse Carrère

Mme Élisabeth Doineau

Mme Silvana Silvani

Mme Raymonde Poncet Monge

Mme Laurence Rossignol

Mme Corinne Bourcier

Mme Marie-Pierre Richer

M. Dominique Théophile

Discussion des articles

Ordre du jour du lundi 23 juin 2025




SÉANCE

du jeudi 19 juin 2025

105e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : Mme Nicole Bonnefoy, Mme Alexandra Borchio Fontimp.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Il y a un peu moins d'un an, la commission de la culture adoptait les conclusions de la mission d'information sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, qui révélait la banalisation de l'antisémitisme dans nos universités, l'insuffisance des dispositifs de prévention et le sentiment d'abandon ressenti par de nombreux étudiants juifs.

Le 10 octobre dernier, Bernard Fialaire et moi-même déposions une proposition de loi, adoptée par le Sénat et l'Assemblée nationale, puis par la CMP à l'unanimité moins une voix le 27 mai. Je suis heureux que ce texte arrive à son terme, à rebours d'un débat public dans lequel beaucoup se sont fourvoyés.

Cette unanimité parlementaire est un signal fort et nécessaire. Cette version de la proposition de loi comprend des enrichissements. L'article 1er généralise l'obligation pour tous les établissements d'assurer une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. L'article 2 renforce les obligations de prévention et de signalement ; les présidents d'université devront aussi rendre compte des actions menées.

L'article 3 modernise le régime disciplinaire.

Cette rédaction reflète l'équilibre défendu par le Sénat. Le texte ne cherche pas à hiérarchiser les haines, ce qui serait contreproductif : il bénéficiera à la lutte contre l'ensemble de ces dérives. Il reconnaît une place singulière à l'antisémitisme, haine spécifique par son ancienneté, son ancrage, ses formes. Si les données précises restent difficiles à établir, les témoignages révèlent une réalité alarmante : de nombreux étudiants juifs ont envisagé de dissimuler leur identité.

C'est inacceptable dans la République française. C'est l'essence même de l'université qui est menacée.

Je remercie le président Laurent Lafon, Bernard Fialaire, Constance Le Grip et Pierre Henriet, ainsi que monsieur le ministre. Je salue l'esprit de concorde qui a régné dans notre assemblée. C'est l'honneur du Parlement.

Ce texte ne réglera pas toutes les difficultés, mais c'est un jalon pour que le poison de l'antisémitisme ne s'insinue pas dans les universités, qui doivent redevenir le lieu du débat et de l'ouverture humaniste.

Je vous engage donc à voter pour l'adoption de ces conclusions pour une application dès la prochaine rentrée. Avec ce texte, nous envoyons un message : la République ne transige pas avec l'antisémitisme et l'université restera un espace de liberté et de dignité pour tous ses enfants. (Applaudissements)

M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Il y a un mois à l'Assemblée nationale, quatre mois au Sénat, j'apportai mon soutien à cette proposition de loi. Revenir ici pour l'adoption des conclusions de la CMP est l'un des plus grands plaisirs que j'ai vécus ces derniers mois. Merci aux rapporteurs Levi et Fialaire, à Constance Le Grip et à Pierre Henriet.

Le vote à l'unanimité au Sénat était déjà un message très fort ; l'accord en CMP marque une nouvelle étape. Ce texte donnera des outils supplémentaires au ministère et aux présidents d'université.

Nous vivons dans un moment de hausse préoccupante des actes antisémites, qui n'ont pas épargné le monde universitaire.

J'ai agi résolument contre.

Sur le plan disciplinaire, mon discours n'a pas varié. Aucune tolérance n'est permise. Je m'appuie sur les recteurs pour des remontées rapides et précises, et nous coopérons pleinement avec les ministres de la justice et de l'intérieur.

Ces mesures de suivi étaient nécessaires et répondaient aux besoins remontés par l'Union des étudiants juifs de France (UEJF).

Au-delà, nous devons comprendre comment il est possible d'assister à une telle résurgence de l'antisémitisme : j'ai lancé un programme de recherche avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et la Fondation pour la mémoire de la Shoah.

Ce texte permet de réelles avancées, avec des référents racisme et antisémitisme dans les établissements et une offre nationale de formation.

Autre avancée : la mise en place de sections disciplinaires interacadémiques, qui figurait dans le rapport de Khaled Bouabdallah et de Pierre-Arnaud Cresson ; cette proposition a été reprise dans un amendement de Stéphane Piednoir. Les procédures disciplinaires seront plus rapides et plus efficaces.

L'antisémitisme n'est pas spécifique à l'université. Nous ne réglerons pas d'un coup ni l'erreur, ni l'ignorance, ni la violence trempée dans la bêtise et dans les préjugés.

Marc Bloch nous avait mis en garde : « l'erreur ne se propage, ne s'amplifie, ne vit enfin qu'à une condition : trouver dans la société où elle se répand un bouillon de culture favorable. En elle, inconsciemment, les hommes expriment leurs préjugés, leurs haines, leurs craintes, toutes leurs émotions fortes. » Nous pouvons contribuer à y répondre, à la prévenir et à la corriger. Le texte nous y invite et vous pouvez compter sur mon engagement et sur celui de tout le ministère. (Applaudissements)

Mme Laure Darcos .  - « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s'ouvrir ! » Ces propos d'Émile Zola dans sa Lettre à la jeunesse de 1897 résonnent encore aujourd'hui.

Malgré la Shoah, l'antisémitisme est bien vivace. Il s'est fait une place de premier plan dans de nombreuses universités occidentales. Le pogrom du 7 octobre 2023 lui a donné une dimension nouvelle. Neuf étudiants juifs sur dix y ont été confrontés dans les universités.

La réalité est glaçante : agressions physiques, harcèlement, refus de côtoyer les étudiants juifs, bousculades dans les couloirs sont une dure réalité. Or l'université doit demeurer un lieu de débats et d'échanges.

Rien ne doit nous empêcher de critiquer Benyamin Netanyahu, qui a fait de Gaza un champ de ruines et un tombeau à ciel ouvert. Mais La France insoumise emploie sans complexe la pire rhétorique antisémite ; ce texte est une urgence absolue.

Je salue Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire dont le travail a été décisif. Je salue la qualité de nos échanges au sein de la CMP. Malgré les manoeuvres dilatoires de certains, nous sommes parvenus à un accord fidèle au texte du Sénat.

Mais ne soyons pas dupes : l'antisémitisme d'atmosphère ne se réglera pas avec une seule proposition de loi. Une prise de conscience collective s'impose et tout doit être fait pour lutter contre les préjugés. En aucun cas, les étudiants juifs ne doivent être les victimes de la fuite en avant électoraliste de l'extrême gauche.

La France sera toujours plus forte que les tentatives de déstabilisation et de fracturation.

Elle sera toujours plus forte que l'antisémitisme et la division. Je vous invite à voter sans réserve les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du RDSE et des groupes UC et Les Républicains)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.) Notre vieux pays ne fut pas épargné par l'antisémitisme. Mais il fut aussi érigé en modèle pour les juifs du monde entier : « heureux comme Dieu en France », disait-on dans les ghettos du Yiddishland.

Désormais, ce modèle est malmené. Quelque 91 % d'étudiants juifs se disent victimes d'actes antisémites, 7 % ont été agressés physiquement, 91 % vont à l'université la boule au ventre.

Au-delà des actes, se répand un antisémitisme d'atmosphère, fait de blagues répétées et de tags anonymes.

Avec ce texte, nous posons une première pierre. Merci du fond du coeur, chers Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire.

Nous aurions pu croire que le parcours législatif de ce texte serait une formalité ; or, à l'Assemblée nationale, celui-ci fut victime d'une méthode indécente, faite d'une rhétorique finement rodée. Je le réaffirme ce matin : oui, il y a une spécificité intrinsèque de l'antisémitisme ; non, nous ne pouvons mettre sur le même plan la lutte contre les discriminations ou les violences sexuelles, aussi légitimes soient-elles, et la lutte contre l'antisémitisme. Car l'antisémitisme est la pire des alertes : il annonce le triomphe de l'obscurantisme.

Oui, il est lié à la montée de l'islamisme ; oui, il y a un lien entre wokisme, islamisme et antisémitisme. (Mme Monique de Marco s'exclame.) Oui, si la politique d'Israël peut, doit être critiquée, cet État est le seul dont on réclame la disparition.

S'il y a un lieu où l'engrenage de la haine des juifs doit être arrêté, c'est bien à l'université.

C'est tout le rôle de ce texte : sanctionner, créer une section disciplinaire commune au sein d'une même région académique, autant de mesures qui rompront avec l'impuissance de l'institution universitaire, qui se contente trop souvent de renvoyer à la justice, sans sanctions internes.

Cette proposition de loi marque un point de départ d'une action forte que seul le ministère peut diligenter. Monsieur le ministre, il faut combattre ce cancer. Je souhaite ne plus jamais revivre ce que j'ai vécu pendant les auditions : des étudiants juifs, les larmes aux yeux, qui disaient qu'ils se sentaient mal en France.

Les juifs de France ont toute leur place dans notre République. C'est à l'université qu'il faut apprendre que les juifs sont des Français à part entière. Monsieur le ministre, nous ne devons plus revoir ces larmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur les travées du RDSE)

Mme Samantha Cazebonne .  - Je me réjouis de voir aboutir ce texte important pour une application dès la prochaine rentrée. Notre pays, notamment depuis le 7 octobre, connaît une nouvelle vague d'antisémitisme, particulièrement visible dans l'enseignement supérieur.

Le Sénat a souhaité envoyer un signal clair et sans appel, en reconnaissant la place de l'antisémitisme parmi toutes les formes de haine. Il l'a fait en témoignant de la peur bien réelle de ces étudiants. Il faut prendre conscience de la gravité de la situation : 1 570 plaintes en 2024, contre 436 en 2022.

Or ces actes sont sous-déclarés, puisque neuf étudiants juifs sur dix se déclarent victimes d'actes antisémites.

Les étudiants doivent pouvoir se sentir en sécurité à l'université. Cette proposition de loi fournit des outils dans ce sens. Le RDPI salue les travaux de la CMP.

Merci encore aux auteurs de ce texte, que le RDPI votera. Il faut garantir que l'enseignement supérieur soit un lieu de débat et de lumière, un espace sûr. Ne baissons pas les bras face à l'obscurantisme. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Bernard Fialaire .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions) Merci à tous pour votre soutien dès la création de la mission d'information sur l'antisémitisme ; merci, monsieur le ministre, pour votre coopération.

La CMP a été conclusive grâce au travail de Constance Le Grip, dont je salue la présence en tribune, et de Pierre Henriet.

Il n'aura manqué qu'une voix en CMP pour parvenir à l'unanimité. Cette voix manquante et les oppositions qui se sont exprimées à l'Assemblée nationale confortent la nécessité de ce texte.

Ce dernier ne réprime pas les étudiants mobilisés pour la Palestine, comme l'ont écrit ceux qui profitent de ce combat légitime pour répandre l'antisémitisme -  un jeu dangereux. C'est bien à la suite des réactions au 7 octobre que nous avons rédigé notre rapport, qui est édifiant.

Si la liberté d'expression et la liberté académique doivent être défendues sans faiblesse, il est des limites à ne pas franchir.

Tous les racismes, toutes les discriminations doivent être combattus. L'antisémitisme ne doit pas être exclu ou oublié parce qu'on le croirait révolu - en particulier à l'université, où nous attendrions des esprits éclairés. Nous n'avons pas à choisir entre la mémoire de la Shoah et celle de l'esclavage ou du colonialisme, par exemple. Rien ne doit nous empêcher de combattre un antisémitisme nouveau, qui, à côté de l'antisémitisme primaire de l'extrême droite, est exploité par une extrême gauche inconséquente. (M. Laurent Lafon renchérit.)

Ce texte est une réponse claire et mesurée à la lutte contre l'antisémitisme. Il vise à prévenir, détecter et signaler les actes antisémites, et adapte la procédure disciplinaire applicable aux actes d'antisémitisme, de racisme, de violence et de discriminations.

L'actualité nous en rappelle hélas l'intolérable gravité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)

M. Laurent Lafon .  - (M. Pierre-Antoine Levi applaudit.) Par un hasard du calendrier, nous sommes appelés à nous exprimer le lendemain de la parution du rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), particulièrement sévère : la réponse politique paraît inexistante, dit-il, alors que le racisme et l'antisémitisme n'ont jamais été aussi forts. La présidence de la Dilcrah est restée vacante durant six mois...

Le Sénat et sa commission de la culture ont pris la mesure de la situation en lançant une mission d'information dès 2024, puis en inscrivant à l'ordre du jour la proposition de loi qui en est issue. Je remercie les auteurs et rapporteurs pour leur sérieux et leur détermination.

Nous avons mis en évidence le développement d'un antisémitisme d'atmosphère dans les lieux de transmission du savoir. Nous avons préconisé d'organiser la lutte en trois volets : éducation, prévention et sanction. Lors de la navette, des ajustements ont été proposés sur chacun de ces trois volets. Je remercie Constance Le Grip pour le travail qu'elle a mené dans un contexte plus difficile qu'ici.

Nous avons rénové le cadre disciplinaire, avec des ajouts du Sénat, puis de l'Assemblée. Les victimes verront leurs dossiers instruits avec le professionnalisme nécessaire, sous le contrôle d'un magistrat.

La position du Sénat a prévalu sur le refus d'inscrire dans la loi la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (Ihra). Le rapport des Assises de lutte contre l'antisémitisme souligne la singularité de l'antisémitisme et recommande un usage strictement pédagogique et opérationnel de cette définition.

Les autres préconisations de la mission relèvent du Gouvernement, mais aussi des établissements ; je pense à la création d'une structure publique de recherche et de formation interuniversitaire chargée de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, ou à la désignation de vice-présidents chargés de lutter contre ces dérives, qui est une réussite.

Cette proposition de loi aura des effets concrets sur la vie des établissements dès la rentrée. La qualité et la sérénité des débats dans cet hémicycle envoient aux étudiants victimes et à l'ensemble de nos concitoyens un message d'unité et de mobilisation des pouvoirs publics. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, et Les Républicains ; Mme Colombe Brossel applaudit également.)

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Notre pays fait face à une résurgence des paroles et des actes racistes et antisémites qui n'épargne pas les universités.

L'université, lieu d'apprentissage et d'ouverture, ne saurait être un espace de peur et d'exclusion. Nous sommes conscients du contexte : lutter contre les amalgames, c'est lutter contre le racisme et l'antisémitisme. Nous ne pouvons pas accepter que les juifs de France soient assimilés aux crimes de Benyamin Netanyahu.

Relativiser les crimes commis envers des juifs, des Israéliens, c'est ne pas reconnaître aux juifs le statut de victime. Mettre des mots sur le génocide en cours à Gaza, se battre pour un État palestinien, réclamer des sanctions face aux crimes commis par le gouvernement israélien, tout en reconnaissant le droit à la sécurité et à la souveraineté d'Israël, ce n'est pas être antisémite. Les mots ont un sens.

Comme en première lecture, le GEST soutient les outils de prévention, de détection et de sanction. L'antisémitisme, le racisme, les violences, la haine et les discriminations doivent être abordés de manière conjointe, et non séparée, pour les combattre.

Mais pourquoi refuser de maintenir la référence au racisme dans l'intitulé ? Cela aurait évité une instrumentalisation, d'autant que nous assistons à une résurgence des actes racistes et islamophobes - j'ai une pensée pour Aboubakar Cissé et Hichem Miraoui.

Nous nous opposons fermement à ce que l'on interdise l'accès aux locaux universitaires à des étudiants faisant l'objet d'une simple procédure disciplinaire pour troubles à l'ordre public. Ce glissement est préoccupant : il sanctionnerait des étudiants engagés dans des blocages pacifiques, forme classique de mobilisation. Ce point a été ajouté en CMP, sans avoir été débattu avant.

Nous ne partageons pas la posture adoptée par le Gouvernement sur ce texte. Nous nous étions indignés de propos tenus lors d'une réunion de commission. Dans notre hémicycle, le débat a été constructif ; pas à l'Assemblée nationale, malheureusement.

La définition de l'antisémitisme proposée par l'Ihra et reprise par un amendement de la députée Caroline Yadan n'a pas été retenue : elle est rejetée par de nombreux organismes, dont la CNCDH.

Autant d'éléments qui suscitent une légitime inquiétude sur la mise en oeuvre de la loi. Le GEST s'abstiendra. (M. Patrick Kanner lève les bras au ciel.) La lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les discours de haine doit se poursuivre. Partout, le combat continue. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. David Ros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En avril, nous votions à l'unanimité cette proposition de loi, avant un passage à l'Assemblée nationale puis une CMP conclusive, qui est revenue au texte adopté par le Sénat.

Les rapporteurs ont pris le temps, après leur mission flash, pour que nos échanges soient libres et non faussés. Merci pour ce travail exemplaire.

Le monde de l'éducation et de l'enseignement supérieur symbolise la connaissance et la transmission. En 2024, 1 570 actes antisémites ont été recensés, contre 436 en 2022 ; en 2024, on en dénombrait 192 dans le milieu scolaire, et 78 dans l'enseignement supérieur en 2023.

Le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine (Prado), lancé en janvier 2023, prévoyait des actions préventives en milieu scolaire. Mais les attentats terroristes du Hamas ont révélé un antisémitisme tapi dans l'ombre, nourri par la haine, la jalousie, la bêtise et l'ignorance, alimenté par certains à des fins électoralistes. C'est un risque majeur pour notre République, en témoigne la non-unanimité en CMP.

Comme disait Frantz Fanon : « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous ».

Les objectifs du texte sont multiples : la formation à la lutte contre l'antisémitisme ; la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites ; l'encadrement juridique des procédures disciplinaires. Les auditions ont permis de retisser des liens avec des chefs d'établissements et des présidents d'université qui s'étaient sentis injustement accusés de passivité.

L'Assemblée nationale a apporté des modifications louables. Cependant, nous souhaitons restreindre le titre du texte à la seule lutte contre l'antisémitisme, afin d'en montrer la singularité.

Ce texte prévoit la création d'une section disciplinaire commune aux établissements d'une région académique. Il définit la sanction disciplinaire applicable aux faits susceptibles de porter atteinte à l'ordre et au bon fonctionnement de l'établissement, tout en garantissant la continuité pédagogique des étudiants concernés.

Nous serons vigilants à ce que les autres manifestations étudiantes puissent continuer à avoir lieu et continuerons à défendre la liberté académique.

Nous voterons les conclusions de cette CMP et veillerons à ce que des moyens adéquats soient prévus pour son application. (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias .  - « Être juif en France aujourd'hui, c'est être seul », écrit M. Paul Bernard dans une tribune récente à un grand quotidien - en écho, un siècle plus tard, au constat de Charles Péguy dans Notre jeunesse : « Ce n'est pas facile d'être juif. »

« Quand ils demeurent insensibles aux appels de leurs frères, aux cris des persécutés, aux plaintes, aux lamentations de leurs frères meurtris dans le monde, vous dites : ce sont de mauvais juifs. Et s'ils ouvrent seulement l'oreille aux lamentations qui montent du Danube et du Dniepr, vous dites : ils nous trahissent, ce sont de mauvais Français. » Ces lignes, Péguy les écrit deux ans après avoir été visé par une tentative d'assassinat lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon. Son agresseur, le journaliste antisémite et nationaliste Louis Grégori, reçut le soutien de l'Action française et fut acquitté.

Vinrent ensuite les lois antisémites de Vichy et la Shoah, puis les pogroms du 7 octobre. Aujourd'hui, d'après M. Paul Bernard, la haine antisémite tranquille devient dans notre pays une pensée dominante, y compris dans les amphithéâtres. Il lance cet appel : « il ne dépend que des autres, de tous les Français, que cette solitude soit abolie. »

Cette proposition de loi y répond avec humilité, dans la continuité d'une mission d'information qui a établi de manière incontestable l'accroissement sans précédent des actes antisémites -  manifestes ou latents  - dans nos universités.

En CMP, le Sénat a tenu à conserver le seul terme « antisémitisme » dans l'intitulé du texte : symbolique, ce choix est une marque de respect que nous devons aux étudiants juifs, une distinction à la fois compassionnelle, réparatrice et mobilisatrice.

Dans le texte lui-même, la lutte contre l'antisémitisme est systématiquement associée à celle contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine. J'ai lu avec consternation que ce texte serait une criminalisation des voix de la paix et que son article 3 ouvrirait la voie à des sanctions arbitraires contre les étudiants mobilisés pour la Palestine. Comment peut-on confondre lutte contre l'antisémitisme et engagement pour la Palestine, sinon en supposant que tout étudiant juif est complice des crimes commis par le gouvernement Netanyahu à Gaza ? Déduire les opinions d'un individu de sa confession supposée est une forme de racisme et d'antisémitisme.

Notre droit ne définit pas l'antisémitisme. Seule la loi du 13 juillet 1990, dite Gayssot, comporte une précision indirecte en sanctionnant la négation des crimes contre l'humanité définis à l'article 6 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg, en particulier la Shoah et les lois antisémites de Vichy. Le Front national a toujours réclamé l'abrogation de cette loi, et un candidat à la dernière élection présidentielle, Éric Zemmour, a estimé qu'elle portait atteinte à la liberté d'expression.

Cette proposition de loi ne changera pas les mentalités, mais je suis persuadé qu'il est possible de lutter contre les préjugés antisémites par une meilleure connaissance de leurs ressorts et un effort accru en faveur des études juives. Hélas, celles-ci ne sont plus pratiquées que dans trois centres de recherche ; et, en 2023, six thèses seulement ont été soutenues dans ce champ, contre seize en 2010. Nous avons besoin d'une politique nationale ambitieuse en faveur des études juives. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

À la demande des groupes UC et SER, le texte élaboré par la CMP est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°327 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 326
Contre     0

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers.

Discussion générale

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le parcours des élèves en situation de handicap et, plus largement, des élèves à besoins éducatifs particuliers est un enjeu majeur. Tout commence à l'école : c'est là que se jouent l'avenir de nos enfants, leur autonomie et leur épanouissement.

Sous l'impulsion du Président de la République, les gouvernements formés depuis 2017 se sont engagés avec détermination en faveur de l'école inclusive : le nombre d'élèves accueillis en milieu scolaire a progressé de 320 000 à 520 000, pour un engagement financier passé de 2 à 4,5 milliards d'euros.

Cet engagement massif a notamment permis d'étendre les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), qui sont désormais plus de 11 000, bénéficiant à 124 000 élèves. Nous en ouvrons chaque année 300 supplémentaires, y compris dans les lycées professionnels, afin de garantir à chaque jeune une formation et une insertion adaptées.

Dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, nous avons mis en place une cellule autisme par département.

Nous consentons un effort constant de recrutement d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) : au nombre de 93 000 en 2017, ces professionnels étaient 143 000 en 2024.

Nous menons une action résolue fondée sur des dispositifs adaptés, des outils de suivi individualisés, une amélioration de la formation et des conditions de travail des professionnels, une collaboration étroite avec les familles et une meilleure articulation entre scolaire et périscolaire.

Cette proposition de loi vise à répondre aux défis persistants mis en lumière par la Cour des comptes dans son rapport de septembre dernier : démarches administratives complexes, coordination insuffisante entre l'éducation nationale et le médico-social, accessibilité perfectible des locaux et des supports pédagogiques. Nous partageons ces constats et travaillons en liaison étroite avec le ministère de l'autonomie et du handicap.

Ce texte comporte des mesures relevant du domaine réglementaire, mais il ouvre aussi la voie à des avancées structurantes, notamment les pôles d'appui à la scolarité (PAS).

L'article 1er généralise le livret de parcours inclusif (LPI), qui permet un suivi individualisé des élèves. Des progrès notables ont été accomplis depuis le dépôt de ce texte, en octobre dernier : le nombre de LPI est passé de 309 000 à 450 000, dont 70 % dans le premier degré. Ce livret centralise les besoins de l'élève et les aménagements mis en oeuvre sur un large éventail de situations, allant de difficultés passagères à des troubles reconnus par la MDPH.

Nous l'élargissons à tous les élèves rencontrant des difficultés pour fluidifier leur suivi d'une classe ou d'un établissement à un autre. Les familles pourront y accéder, de même que la MDPH pour y déposer un projet d'accompagnement. Ce déploiement témoigne d'une grande appropriation par les acteurs, dont je me réjouis. Mais la généralisation du dispositif doit être confortée par une base législative claire. La proposition de loi sécurisera ce dispositif et permettra la poursuite de sa montée en puissance.

L'article 1er consacre également la pleine reconnaissance des 140 000 AESH comme membres à part entière des équipes pédagogiques.

L'article 3 crée les pôles d'appui à la scolarité, expérimentés dans quatre départements auprès de 3 300 élèves, notamment du premier degré. Les premières évaluations sont très encourageantes. Le partenariat entre l'éducation nationale et le médico-social donne de bons résultats, à la satisfaction globale des familles. L'objectif est de garantir à chaque élève un accompagnement adapté, lisible et compatible avec l'égalité d'accès à l'école pour tous.

Ce texte nous permettra de progresser davantage encore vers une école véritablement inclusive et fidèle à l'exigence républicaine d'égalité et de fraternité.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap .  - Je remercie la rapporteure Catherine Belrhiti et l'ensemble de la commission pour leur travail sur ce texte de la députée Julie Delpech, adopté par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement réaffirme tout son soutien aux familles pour permettre l'épanouissement de tous les enfants et adolescents. Nous remercions tous les professionnels pour leur expertise et leur engagement quotidien.

Les enjeux de l'inclusion dépassent les clivages politiques. C'est pourquoi j'ai lancé un groupe de travail transpartisan réunissant toutes les forces représentées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous nous réunirons à nouveau début juillet. L'objectif est d'avancer ensemble vers une société pleinement inclusive.

Depuis la loi fondatrice de 2005, énonçant le droit à la scolarisation en milieu classique, notre pays a accompli un long chemin, pour atteindre 520 000 élèves en situation de handicap accueillis. C'est le signe d'une transformation majeure du regard porté sur le handicap.

Notre approche n'oppose en rien l'école au secteur médico-social, mais place l'école en première ligne, avec un accompagnement progressif en fonction des besoins de chaque enfant. À chaque rentrée, nous mobilisons plus de moyens humains pour mieux articuler les gestes professionnels de l'école avec ceux du secteur médico-social. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 400 millions d'euros supplémentaires pour l'école inclusive, 400 millions d'euros pour l'accompagnement des enfants et 110 millions d'euros pour le repérage précoce, conformément aux annonces du Président de la République, et plus de 11 000 Ulis.

Grâce à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, 326 unités d'enseignement en maternelle autisme (UEMA) et plus de 100 unités d'enseignement en élémentaire autisme (UEEA) sont réparties dans les académies. Par ailleurs, nous poursuivons la création de places en instituts médico-éducatifs (IME) et développons de nouvelles solutions pour les jeunes adultes à la sortie de ces structures.

Mais le chemin reste exigeant : inclure un élève ne signifie pas seulement le scolariser, mais aussi l'accueillir, l'accompagner et adapter les pratiques.

C'est dans cet esprit que s'inscrivent les PAS. Cent d'entre eux sont déjà en fonctionnement et leur extension est en cours, notamment à La Réunion, dans la Meuse et dans la Collectivité européenne d'Alsace. Chaque académie en disposera. À la rentrée prochaine, 400 pôles supplémentaires seront ouverts ; nous atteindrons 3 000 structures à la rentrée 2026. Les évaluations quantitatives et qualitatives menées confirment l'intérêt des PAS, grâce à une meilleure articulation des interventions.

L'inscription dans la loi du LPI pour chaque enfant à besoins éducatifs particuliers facilitera le suivi de ces enfants tout au long de leur scolarité. La formation initiale et continue des enseignants et des personnels administratifs et techniques abordera désormais les adaptations pédagogiques aux besoins des élèves. Quant à la généralisation des PAS, elle permettra de mieux soutenir enseignants et accompagnants et de coordonner les moyens matériels et humains de l'éducation nationale et du médico-social.

Je vous invite à voter ce texte qui nous engage à aller plus loin pour que chaque enfant ait pleinement sa place à l'école. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon applaudit également.) La loi du 11 février 2005 consacre le droit de chaque enfant à une scolarité en milieu ordinaire. En vingt ans, de nombreux progrès ont été accomplis, grâce à l'engagement des gouvernements successifs : le nombre d'enfants inclus a augmenté de plus de 180 %.

Mais il reste des progrès à faire pour que l'école inclusive réponde aux attentes des familles. La proposition de loi de Mme Delpech vise à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins particulier. Il s'agit notamment de faciliter et sécuriser le développement du LPI, qui renforce le partage d'informations entre tous les intervenants, comme l'a recommandé la cinquième Conférence nationale du handicap (CNH).

Le texte visait aussi à renforcer la formation des enseignants et accompagnants. Si la commission a supprimé les dispositions correspondantes, ce n'est évidemment pas qu'elle serait contre cet objectif ; mais le Gouvernement n'a pas besoin d'une loi pour agir.

Le coeur du texte est la transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en PAS. Il est regrettable que le Gouvernement ait déposé cet amendement à l'Assemblée nationale moins de trois heures avant la séance, de sorte que la commission n'a pu l'examiner. Je ne puis que vous exhorter, mesdames les ministres, à laisser aux parlementaires le temps de faire leur travail, en particulier sur des mesures aussi structurantes.

La création des PAS est une mesure intéressante : leur champ sera plus large, incluant tous les élèves à besoins éducatifs particuliers. Les trois quarts des enseignants déclarent rencontrer des difficultés avec des enfants présentant un trouble du comportement. Or le délai moyen pour l'examen d'un dossier par la MDPH est de 170 jours - jusqu'à 250 dans certains départements.

Les enseignants des quatre départements préfigurateurs disent avoir trouvé une valeur ajoutée à ce système grâce au regard croisé de l'éducation nationale et du monde médico-social. Une difficulté nous a toutefois été rapportée : certains PAS prêtent des ordinateurs ou des stylos lecteurs à des élèves pour les tester, mais, lorsque le test est concluant, la prise en charge financière de la pérennisation est longue, car elle passe par la MDPH. Il faudrait réfléchir à une procédure accélérée de notification en pareil cas.

La mise en place des PAS suscite certaines craintes, que nous avons entendues. Nous avons prévu que chaque pôle inclue une participation du secteur médico-social : pour de nombreux enseignants, là est la valeur ajoutée du dispositif. De nombreuses familles craignent que la prise en charge des enfants dépende non pas des besoins, mais des moyens de l'éducation nationale : nous avons prévu que les notifications à la MDPH soient soumises à l'avis conforme d'un expert qualifié, spécifiquement désigné en fonction des besoins de l'enfant. Enfin, pour éviter de complexifier les procédures, nous avons supprimé l'obligation de passer par les PAS pour saisir les MDPH.

Reste la question des moyens. Je comprends les familles qui redoutent une extension des PAS à moyens constants, qui entraînerait une dilution. Ce n'est pas une raison suffisante pour rejeter le texte, mais cela fait peser sur vous, madame la ministre d'État, un impératif moral : donnez des moyens suffisants à l'école inclusive. Un nouvel échec après celui des Pial, dont le rôle s'est cantonné à la gestion des AESH, serait facteur de grave désillusion pour les familles.

De nombreux progrès ont été faits sur le plan quantitatif, mais il faut un saut qualitatif en faveur de l'école inclusive, aujourd'hui au bord de la rupture. Ce texte tente d'apporter des réponses : son principal intérêt est de mieux prendre en compte tous les enfants à besoins particuliers, une attente forte des familles et des enseignants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Max Brisson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Il y a vingt ans, sous l'égide de Jacques Chirac, la France ouvrait la voie à l'école inclusive. Depuis, l'inclusion est devenue une composante essentielle de nos politiques publiques. Mais reconnaissons avec humilité que beaucoup reste à faire : tous, nous n'avons jamais été véritablement au rendez-vous de cette ambition.

Ce texte y remédiera-t-il ? J'en doute. Il se limitait initialement à des mesures éparses, relevant souvent du champ réglementaire. Le code de l'éducation n'est-il pas déjà assez dense, pour ne pas dire obèse ? Si le ministre le souhaite, ne peut-il pas décider de faire distribuer des LPI ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Bien sûr !

M. Max Brisson.  - Et que dire de l'article 3 bis B, le coeur du texte, introduit par un amendement du Gouvernement déposé trois heures avant la séance ? La méthode est surprenante pour une mesure qui mériterait étude d'impact et bilan chiffré. Pis, le rôle du binôme médico-social - éducation nationale n'était à l'origine pas précisé. Il est impératif que l'expertise réalisée par l'éducation nationale avant l'intervention de la MDPH soit assurée par des personnels compétents, en particulier pour les handicaps comme l'autisme. Notre rapporteur a proposé une réécriture judicieuse, fixant clairement le rôle de chacun. Des amendements visent à introduire encore davantage de précisions, avec toutefois le risque d'écrire le règlement dans la loi, ce à quoi nous contraint, hélas, le texte d'origine.

Ouvrir les PAS à tous les enfants à besoins éducatifs particuliers est compréhensible. Tous ces enfants n'ont pas besoin de passer par la MDPH, qu'il faut se garder d'engorger. Mais un écueil se profile : utiliser les PAS pour adapter l'école inclusive au nombre d'AESH - bref, une détection pilotée par les moyens. Si nous pensons qu'il faut faire preuve de responsabilité face à l'augmentation substantielle du budget de l'école inclusive, la vigilance s'impose sur ce point. Je salue les amendements de Cédric Vial, qui prévoient notamment un référentiel commun d'évaluation du handicap et des indicateurs de prescription.

Si votre intention est louable, mesdames les ministres, une proposition de loi n'était pas adaptée à l'ambition que nous devons avoir pour l'école inclusive. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) Je me félicite que notre rapporteur ait remis d'aplomb ce texte pour le moins bancal et l'ai rendu à peu près à la hauteur de l'enjeu. Le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Samantha Cazebonne .  - Ce texte est important. En l'adoptant, nous faisons un pas de plus vers une école pleinement inclusive et ouverte à tous, vingt ans après la loi de 2005.

Des progrès ont été accomplis : 513 000 élèves en situation de handicap scolarisés en 2024, contre 130 000 en 2005 ; le nombre d'AESH a augmenté de 93 % depuis 2013, pour atteindre 134 000.

Mais les défis sont nombreux : pas moins de 41 000 élèves à besoins éducatifs particuliers sont scolarisés dans l'enseignement français à l'étranger ; 474 élèves y bénéficient d'un AESH. Il faut prendre en compte la complexité de la situation de ces élèves et leur offrir la même qualité d'éducation qu'en France.

L'article 1er généralise les LPI. L'article 1er ter vise rend obligatoire l'attribution d'un AESH dans l'enseignement français de l'étranger. Même s'il existe des bourses depuis 2021, le recrutement de l'AESH par la famille est souvent un parcours du combattant.

Il n'y a pas de MDPH pour les Français de l'étranger. Les dossiers sont gérés à distance, les délais sont allongés, occasionnant des ruptures de prise en charge. Il faudrait une MDPH dédiée ou à tout le moins un guichet unique dans une MDPH, avec des agents formés.

La formation des personnels prévue à l'article 3 est un enjeu clé via les instituts régionaux de formation (IRF) et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Il faut aussi former des référents dans les établissements pour accompagner les familles.

L'article 3 bis C est relatif à la formation des AESH. Sachez qu'à l'étranger, aucune formation n'est requise. Pourquoi ne pas généraliser voire rendre obligatoires les formations ponctuelles dispensées ?

Vingt ans après la loi de 2005, nous avons le devoir de poursuivre cette ambition. Partout où se trouve un élève français, il doit bénéficier des mêmes droits. Je remercie Julie Delpech et la commission.

Le RDPI votera cette proposition de loi et je veillerai à ce qu'elle bénéficie aux Français de l'étranger.

M. Ahmed Laouedj .  - Ce texte est dans la lignée des engagements républicains pour l'égalité des chances.

D'importants progrès ont été accomplis, mais la dynamique a été freinée : manque de lisibilité des parcours, complexité administrative, inégale répartition des moyens, coordination imparfaite. Il faut agir.

Le LPI garantira la continuité des aménagements pédagogiques et la coordination de tous les acteurs autour de l'enfant. Il faut aussi une culture professionnelle partagée. Le texte renforce la formation, mais il faut aller plus loin dans les synergies.

Les AESH souffrent de précarité : contrats courts, salaire faible, reconnaissance quasi inexistante. Pour que l'école inclusive fonctionne, il leur faut un cadre statutaire, avec de la formation et un parcours de carrière ménageant des passerelles vers les professions médico-sociales. Les AESH sont des héros de l'ombre qui méritent notre respect.

Le développement des PAS interroge. Il ne doit pas être une solution uniforme, mais s'adapter aux spécificités locales : outre-mer ou zones rurales, par exemple. Leur pilotage doit être flexible pour répondre aux besoins des élèves. L'avis conforme des professionnels médico-sociaux et le lien avec les MDPH sont des avancées importantes, mais insuffisantes. Pour que l'école inclusive devienne une réalité, il faut un agenda budgétaire et statutaire clair.

L'inclusion des élèves en situation de handicap ne doit pas être une promesse creuse : elle doit se traduire dans des actions concrètes. Le RDSE votera ce texte, mais avec des amendements pour aller plus loin sur les AESH et les PAS. Ne laissons personne de côté. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Marie-Pierre Monier applaudissent également.)

Mme Annick Billon .  - Je remercie Catherine Belrhiti pour son travail rigoureux de réécriture.

Depuis vingt ans, l'inclusivité a fait son entrée dans l'école de la République, avec 500 000 élèves en situation de handicap désormais scolarisés. Dans certaines classes, jusqu'à un tiers des effectifs sont à besoins particuliers -  les enseignants sont parfois dépassés.

Le dernier rapport de la Cour des comptes dénonce un parcours administratif du combattant et des délais trop longs -  jusqu'à 250 jours pour une réponse de la MDPH ; un statut précaire des AESH ; des liens insuffisants avec le médico-social.

Le LPI est devenu un outil clé : 450 000 ont été ouverts. Il doit couvrir tout type de profil et de parcours. J'ai déposé un amendement pour renforcer son effectivité dans la voie professionnelle.

Les psychologues recrutés par les directions diocésaines de l'enseignement privé sous contrat ne sont pas reconnus comme personnels de l'éducation nationale et ne peuvent pas utiliser le LPI. Les décrets d'application pour lever ces freins sont attendus.

L'ouverture d'un LPI est conditionnée à un diagnostic médical, or nous manquons de médecins scolaires -  un pour 13 000 élèves...

Je salue l'effort constant réalisé sur l'accompagnement humain : le nombre d'AESH a triplé en sept ans. Le texte prévoit un délai maximal d'un mois entre la notification MDPH et l'affectation. Mais il faut des moyens pour respecter ce délai, sinon il y aura des frustrations.

Deuxième métier de l'éducation nationale, les AESH demandent une vraie reconnaissance. L'année dernière, la loi Vial a permis de prendre en charge le temps méridien, mais il reste beaucoup à faire, notamment sur le plan statutaire.

Espérons que le changement de nom des Pial en PAS ne soit pas un simple ravalement de façade. Les résultats dans les départements pilotes sont encourageants, avec des délais réduits - onze jours contre plusieurs mois pour les MDPH. Mais l'expérimentation est portée par des départements pionniers sur l'inclusivité. Les PAS devront être de vrais espaces de coopération pilotés par un binôme éducation nationale - médico-social. L'État ne peut pas être à la fois évaluateur des besoins et attributeur des moyens : il faut un juste équilibre.

Les PAS laissent le privé sous contrat sur le pas de la porte, alors qu'il a une expertise propre. Pourquoi ne pas instaurer un coordonnateur, dans chaque académie, issu du privé sous contrat sur le modèle des enseignants référents ?

Les AESH du privé sous contrat doivent aussi être formés, mais les établissements n'ont pas les moyens de financer cette formation.

Un élève en situation de handicap sur trois n'est pas accueilli en centre de loisirs ou en temps d'activité périscolaires (TAP) : 40 % des communes disent manquer de moyens pour les accueillir.

Ce texte est une étape, mais il faut y consacrer les moyens nécessaires. Le coût global de cette politique s'élève à 3,7 milliards d'euros. L'investissement doit être efficace. Mais avec six ministres en trois ans, comment maintenir un cap ?

Le groupe UC votera ce texte et sera vigilant sur sa mise en oeuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER)

M. Pierre Ouzoulias .  - J'exprime mon désarroi face à cette proposition de loi. L'accueil des élèves en situation de handicap est une cause juste et noble. Un grand nombre d'entre eux ont tout à gagner à suivre un cursus traditionnel, à la condition d'être aidés, comme le prévoit la loi de 2005.

Mais vingt ans plus tard, le constat est amer : les 500 000 enfants scolarisés sont loin de bénéficier de cet accompagnement. Ce décalage entre objectifs et moyens engendre beaucoup de déceptions, voire de la souffrance. Sans l'extrême dévouement des AESH et des enseignants, la situation serait encore bien plus difficile. Qu'ils en soient remerciés.

Les enseignants nous alertent sur des situations complexes : ils se retrouvent parfois en grande difficulté sur le plan pédagogique, voire physique, face à des situations extrêmes.

Au regard de l'ampleur et de la complexité de ces défis, cette proposition de loi semble dérisoire. Après la réécriture de Mme Belrhiti, dont je salue la tentative désespérée de sauvetage (on s'en amuse au banc des commissions), ce texte ne comprend quasi rien, si ce n'est l'article 3 bis B. Les autres dispositions relèvent de l'infra-législatif, voire de la simple circulaire.

M. Max Brisson.  - Absolument !

M. Pierre Ouzoulias.  - Conformément à l'article 24 de la Constitution, le Parlement contrôle l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. Il n'a pas besoin de demander au Gouvernement des rapports... (MM. Laurent Lafon et Max Brisson le confirment.) Je regrette que l'article 3 bis B, seul restant, n'ait pas fait l'objet d'un projet de loi spécifique.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Tout à fait !

M. Pierre Ouzoulias.  - Dans un contexte de grave pénurie de soins en santé mentale, veillons à ce qu'il n'y ait pas de nouveau transfert de charges vers les collectivités territoriales !

M. Max Brisson.  - Vigilance !

M. Pierre Ouzoulias.  - Cela aurait mérité une véritable concertation avec les collectivités territoriales concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du GEST, du RDSE et du groupe Les Républicains)

Mme Mathilde Ollivier .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Depuis la loi de 2005, l'école inclusive est un principe inscrit dans la loi. Malheureusement, cette promesse républicaine n'est pas toujours tenue : 23 % des élèves en situation de handicap ne sont toujours pas scolarisés, 11 000 enfants attendent une place en IME ; 450 000 élèves doivent se partager 127 000 AESH...

Ce texte part d'un constat juste et d'un bon objectif, mais il n'apporte aucune réponse structurelle. Il traite essentiellement d'outils de suivi. Mais a-t-on besoin d'une proposition de loi pour généraliser le LPI ?

Il met les AESH sous le tapis ! Ce sont les variables d'ajustement du système éducatif, leurs contrats sont précaires, leurs salaires sont indécents et ils ne sont pas reconnus. Ce mépris organisé n'est pas une négligence, c'est un choix politique. Il faut un véritable statut. (Mmes Marie-Pierre Monier et Colombe Brossel renchérissent.)

Sur la méthode comme sur le fond, la généralisation précipitée des PAS nous pose problème. Nous n'avons pas de recul suffisant et ne disposons d'aucun bilan sur leur efficacité.

Quel sera leur impact budgétaire ? On nous parle de 500 PAS à la rentrée, mais avec quelles ressources humaines, et au détriment de quoi ? Des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) ? Alors que l'on se bat pour demander des postes en projet de loi de finances, vous allez affecter 500 ETP d'un claquement de doigts dans des structures non éprouvées ? Ce n'est pas sérieux.

Cette proposition de loi est insuffisante et ses effets incertains.

L'enjeu, ce sont des AESH mieux reconnus, moins d'enfants par classe, des réseaux d'aide avec enseignants spécialisés et psychologues scolaires, plus de professionnels de santé scolaire. Nous sommes prêts à nous emparer de ces sujets, mais ce texte est une occasion manquée Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)

Mme Marie-Pierre Monier .  - Cette proposition de loi est la troisième en moins de trois ans sur l'inclusion scolaire, après celle sur la lutte contre la précarité des AESH et celle sur l'accompagnement lors du temps méridien. Nous améliorons la situation brique par brique, mais cela n'est pas à la hauteur. Et la mise en oeuvre de ces textes relève du parcours du combattant. Voyez la note de service sur le temps méridien, abrogée !

Vingt ans après la si belle loi de 2005, nous bricolons.

Pourtant, les signaux d'alerte se multiplient : manque de personnel dédié, délais d'attente douloureux pour les familles, augmentation des risques psychosociaux des personnels.

Notre école a besoin de moyens financiers et humains à la hauteur, d'un pilotage national renforcé coordonnant éducation nationale et médico-social et d'indicateurs solides ne s'inscrivant pas dans une approche purement quantitative.

Ce n'est pas cette proposition de loi qui résoudra le problème. Sa mesure phare est la généralisation des PAS, introduite subrepticement par amendement du Gouvernement.

La généralisation du LPI répond, sur le papier, aux besoins de coordination. Mais gare aux difficultés de prise en main de l'outil sur le terrain. Nous défendrons des amendements sur les modalités d'accès des différents publics.

Nous saluons l'article 1er ter : un AESH interviendra dans un délai d'un mois suivant la notification.

Nous regrettons la disparition de l'Observatoire national de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap prévu à l'article 2, alors que la Cour des comptes nous a rappelé que nous manquions de données quantitatives. Nous vous proposerons de le réintroduire.

La formation initiale et continue des personnels mérite d'être renforcée. La formation continue doit être effectuée pendant le temps de service. L'un de nos amendements prévoit des formations pluricatégorielles permettant de créer une culture commune.

Il y a urgence à professionnaliser le recrutement et l'exercice des AESH. Nous demandons un rapport qui étudie leur intégration dans la fonction publique d'État, une idée forte qui progresse dans notre hémicycle.

La réorganisation des PAS survient en catimini, alors que les résultats des expérimentations dans les quatre départements préfigurateurs sont très hétérogènes. La rapporteure a précisé le dispositif, mais il serait dangereux, à ce stade, de procéder à une telle évolution systémique dans la précipitation, sans étude d'impact ni garantie de moyens.

Dans nos décisions, ayons toujours en tête les attentes des premiers concernés : les élèves et leurs familles. Ayons pour eux la main qui tremble. À ce stade, le groupe SER réserve son vote. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Laure Darcos .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Il y a vingt ans, la loi de 2005 posait le principe du droit à la scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants en situation de handicap. Leur nombre a triplé depuis ; ils sont 513 000. Mais il reste des progrès à faire ; les moyens mobilisés sont insuffisants.

Je salue le travail de notre rapporteure Catherine Belrhiti et de la députée Julie Delpech, à l'origine de cette proposition de loi.

Mesure emblématique, le LPI vise à renforcer le partage d'informations entre les acteurs afin de fluidifier le parcours scolaire et à en garantir la continuité.

Mais le texte ne traite pas certaines problématiques récurrentes. Le nombre d'AESH a augmenté de 90 % depuis 2013 : ils sont indispensables, mais leur salaire est indécent, leur formation insuffisante et leurs conditions de travail complexes. Notre pays n'est pas à la hauteur des enjeux, estime la Défenseure des droits. Il faudrait créer un corps dédié, revendication ancienne mais toujours inaboutie.

La transformation des Pial en PAS interroge : cinq années ne suffisent pas pour évaluer la pertinence d'un tel dispositif. N'aurait-il pas été plus judicieux d'ouvrir les Pial aux élèves à besoins éducatifs particuliers, plutôt que de créer ex nihilo un nouvel outil ?

Les jeunes sourds accèdent à la langue parlée grâce à un code manuel syllabique, la langue française parlée complétée. Or l'absence de toute mention dans le code de l'éducation empêche le ministère de déployer les ressources nécessaires dans l'environnement scolaire ordinaire. Il ne s'agit pas de matériel technique, mais d'une personne, codeur professionnel, bac+3. Mon amendement qui y remédiait s'est vu opposer l'article 40, au motif qu'il obligerait l'éducation nationale à prévoir « l'accessibilité à des matériels spécifiques dans ce langage ». C'est absurde ! Je compte sur Mme la ministre pour que notre école s'ouvre réellement aux jeunes sourds.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, mais restera vigilant. À nous, législateurs, d'être au rendez-vous pour que l'inclusivité ne soit pas un voeu pieux. (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Pierre Ouzoulias et Laurent Somon applaudissent également.)

M. Cédric Vial .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'intitulé ambitieux de ce texte est une promesse à la hauteur de l'attente des familles, mais aussi du défi républicain de l'égalité des chances. Je salue le travail de Catherine Belrhiti : elle a su transformer un texte modeste en texte utile, qui aura je l'espère un effet levier. Mais il nous faut encore l'amender.

Nous avons mis beaucoup de moyens pour l'école inclusive. Pourtant, les résultats ne sont pas là. Pis, les tensions s'accroissent dans les classes. Les enseignants sont en souffrance, les AESH sont démunis et l'accompagnement trop souvent inadapté. (M. Pierre Ouzoulias et Mme Marie-Pierre Monier le confirment.)

Les besoins de l'élève doivent être au centre de notre politique d'accompagnement. Celle-ci doit favoriser les apprentissages et l'autonomie de l'élève. Si un enfant perd du temps d'accompagnement par un AESH faute de moyens, c'est un échec. Mais s'il en perd car il n'en a plus ou moins besoin, alors c'est un succès.

Ce texte transforme les Pial en PAS, en les ouvrant à tous les enfants à besoins éducatifs particuliers. Nous avions déjà du mal à mettre en place un accompagnement adapté pour les 513 000 élèves en situation de handicap ; va-t-on y arriver mieux en augmentant significativement le nombre d'enfants à prendre en charge, dans le contexte budgétaire actuel ? Cela me fait penser à l'histoire, bien connue dans nos montagnes alpines, de la marmotte qui met le papier-alu sur le chocolat... (Sourires)

L'éducation nationale sera à la fois prescriptrice et payeuse. Ce mélange des rôles est un biais potentiellement délétère. L'apport de la commission limite ce risque, sans l'éviter totalement pour autant.

Nous devons redonner du sens à l'école inclusive. Chacun doit être à sa place selon ses besoins. La compensation humaine doit être un levier, non un palliatif. Cela passe par la formation des AESH, leur reconnaissance statutaire, des référentiels communs pour évaluer les besoins. Oui, nous avons besoin d'un pilotage renforcé. Nous devons accompagner les enfants avec humanité et discernement.

Ce texte sera un pas en avant, mais j'attends que le ministère reprenne la main. C'est à la manière dont une société traite ses enfants, notamment les plus fragiles, qu'on la juge. (Applaudissements)

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

Discussion des articles

Article 1er

M. Yan Chantrel .  - La France s'est engagée à garantir l'égalité des droits et des chances pour les personnes en situation de handicap, conformément à la convention des Nations unies. Cet engagement s'applique à l'ensemble de ses ressortissants.

Or les familles françaises résidant hors de France rencontrent des obstacles pour scolariser leurs enfants en situation de handicap dans les établissements du réseau de l'enseignement français à l'étranger. Absence de personnel formé, coût parfois prohibitif de l'accompagnement, vide juridique autour de la reconnaissance du handicap à l'étranger créent de profondes inégalités. Il est urgent de mettre fin à une inégalité systémique entre les élèves en situation de handicap, selon qu'ils résident en France ou à l'étranger, et d'assurer la continuité du service public.

J'avais déposé deux amendements, l'un pour inscrire dans le code de l'éducation l'obligation de recrutement d'AESH dans les établissements directement gérés par l'AEFE, l'autre pour confier à l'AEFE la formation, la coordination et la gestion de ces AESH. Ils se sont heurtés à l'article 40. Madame la ministre, je vous demande d'agir en ce sens en vous appuyant sur l'expertise de l'AEFE. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié quater de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement et le suivant remédient à l'insuffisante association des collectivités territoriales.

L'enfant évolue dans des bâtiments scolaires gérés par les collectivités. Ne pas les associer aux adaptations et aménagements nécessaires pour accueillir les élèves à besoins éducatifs particuliers dans de bonnes conditions est une erreur.

Pour accueillir un enfant ayant un déficit visuel, la collectivité doit prévoir des rampes et des surfaces podotactiles. Pour un enfant en fauteuil, il faut aménager les classes, mais aussi la cantine et les installations sportives. Elle a donc intérêt à être informée au plus tôt.

Dans cette chambre des collectivités, nous devons veiller à ce que la commune, le département et la région soient plus étroitement associés.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié quater de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Amendement de repli.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Le LPI concerne des enfants qui ont un plan d'accompagnement personnalisé (PAP) ou un projet d'accueil individualisé (PAI), qui requièrent l'avis d'un médecin. Mieux vaut donc le rattacher au chapitre relatif aux enfants en situation de handicap ou présentant une maladie chronique ou de longue durée.

Le LPI est déjà ouvert à tous les professionnels intervenant auprès de l'enfant : l'école, les médecins, les personnels du secteur médico-social, les éducateurs spécialisés, voire les personnels du périscolaire. Il n'est pas opportun de l'ouvrir à des élus locaux. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

Monsieur Chantrel, le cadre est très différent à l'étranger, notamment en raison de l'absence de MDPH. Avec Charlotte Parmentier-Lecocq, nous sommes favorables à une réflexion sur l'accompagnement des élèves en situation de handicap scolarisés dans le réseau de l'AEFE. Je vous propose d'y travailler ensemble, avec Samantha Cazebonne.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - J'ai posé la question à tous les niveaux : ni la commune, ni le département, ni la région ne sont associés au LPI. Madame la ministre, confirmez-vous que les personnels des collectivités sont bien associés ? Si oui, je retirerai mon amendement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Il n'y a pas de connexion entre bases de données, mais je vous confirme que les personnels des collectivités qui interviennent dans nos établissements ont bien l'information sur les handicaps et les aménagements nécessaires.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Je maintiens qu'il serait préférable que les collectivités soient informées le plus tôt possible de l'arrivée d'un élève en situation de handicap, pour décider des éventuels investissements à réaliser pour l'accueillir. C'est un gage d'efficacité et de rapidité. Vous me dites qu'elles sont informées a posteriori, mais je vous demande une association en amont.

L'amendement n°45 rectifié quater est retiré.

M. Max Brisson.  - Notre collègue pose une vraie question, mais sa réponse n'est pas la bonne. Le LPI comporte certaines informations qui ne doivent être communiquées qu'aux professionnels concernés.

On peut toujours améliorer le dialogue et la circulation de l'information, mais l'accueil est une compétence de l'État, qu'il doit assumer. Souvenons-nous du débat sur le financement des AESH par les collectivités pendant la pause méridienne... Gare au transfert de charges sur les collectivités !

Mme Mathilde Ollivier.  - Je partage le constat de Mme Aeschlimann sur la nécessité d'associer les collectivités, mais le LPI comporte des informations personnelles. Nous défendrons d'ailleurs des amendements pour renforcer la protection des données personnelles. Ouvrir plus largement ce livret aux élus locaux ne nous semble pas adapté.

L'amendement n°48 rectifié quater n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié ter de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Amendement de cohérence avec un autre qui reviendra sur l'extension aux élèves à besoins éducatifs particuliers.

Ces derniers ont certes besoin d'être accompagnés, mais je crains que l'extension des PAS n'obère l'accompagnement des 513 000 enfants en situation de handicap. On élargit le périmètre à l'ensemble des élèves à besoins éducatifs particuliers, sans définition claire de ce que cela recouvre ni évaluation de leur nombre. Madame la ministre, combien sont-ils ? Cent mille, cinq cent mille, un million ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Votre amendement limite le périmètre du LPI aux seuls élèves en situation de handicap. Or 80 % des LPI sont ouverts pour des élèves à besoins éducatifs particuliers, non suivis par la MDPH. Le partage d'informations est nécessaire pour mieux les accueillir et les accompagner. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Je comprends votre crainte : qu'à trop embrasser, on risque de délaisser les enfants en situation de handicap.

Mais il faut bien accompagner les élèves à besoins éducatifs particuliers. Cela ne se fait pas au détriment des premiers. Le LPI est un outil de suivi précieux de ces élèves qui requièrent une attention particulière. Avis défavorable.

M. Cédric Vial.  - C'est mon seul point de désaccord avec la rapporteure. Au-delà, entendez mon inquiétude : nous généralisons un dispositif expérimental sans évaluation sérieuse ni moyens dédiés. Ce faisant, on affiche une intention louable sans savoir où nous mettons les pieds.

Des difficultés techniques m'ont été rapportées sur les LPI, qui sont des outils complexes, avec des droits d'accès différenciés. Il faudra aussi prévoir un droit à l'oubli.

L'appréciation d'un besoin éducatif particulier est très large : il ne s'agit pas d'un certificat médical. La gestion des données sera plus délicate, vos services devront y être attentifs.

L'amendement n°33 rectifié ter est retiré.

La séance est suspendue à 13 heures.

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Le LPI constituait le coeur de la proposition de loi, jusqu'à ce qu'elle soit phagocytée par un amendement intempestif du Gouvernement.

Nous nous réjouissons que cet outil ait désormais une base légale. Dans son avis du 5 juin dernier, la Défenseure des droits s'est dite favorable à la généralisation du LPI, mais a demandé que le coordinateur du PAS et les professionnels de la MDPH n'y aient accès que lorsque la situation de l'enfant le nécessite.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Cela limite les informations portées à la connaissance de ces personnels, alors qu'ils ont besoin d'une vision globale. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Avis favorable à cet amendement qui suit la recommandation de la Défenseure des droits.

L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter de Mme Billon et alii.

Mme Annick Billon.  - Cet amendement garantit la portabilité du LPI des élèves en alternance, qu'ils soient sous statut scolaire ou en contrat d'apprentissage.

Les élèves en situation de handicap sont surreprésentés en lycée professionnel et sont de plus en plus nombreux à être en apprentissage. Mais les ruptures de parcours sont fréquentes, avec davantage d'échecs. Le LPI permettrait de suivre leurs besoins. Bien entendu, l'employeur n'y aurait pas accès.

M. le président.  - Sous-amendement n°56 du Gouvernement.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Il s'agit de circonscrire l'amendement aux apprentis sous statut scolaire.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Un jeune peut changer de statut en cours d'année. Il n'y aurait donc plus de suivi quand le jeune travaille, puis le suivi reprendrait quand il reviendrait sous statut scolaire... Cela revient à mettre en place deux modalités de partage des informations ! La commission n'a pas eu le temps d'examiner ce sous-amendement qui nous est parvenu ce matin, mais avis défavorable à titre personnel. Avis favorable à l'amendement n°1 rectifié ter.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Avis défavorable à l'amendement n°21 rectifié ter s'il n'est pas sous-amendé.

Mme Annick Billon.  - Il devrait être possible de surmonter cette difficulté technique ! Je ne comprends pas ce sous-amendement qui va mettre les élèves en difficulté. Je voterai contre.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Vous avez raison, nous devons dépasser les statuts. Mais en l'état, nous ne pouvons avancer sans évaluation des impacts.

Mme Colombe Brossel.  - Nous voterons l'amendement de bon sens de Mme Billon. Je suis taquine : si le Gouvernement nous avait donné sa vision de l'école inclusive, ou s'il avait déposé un projet de loi avec étude d'impact, nous n'aurions pas ces discussions de marchands de tapis. Nous parlons pourtant de la scolarisation de près de 500 000 enfants ! Le Gouvernement a fait un hold-up sur cette proposition de loi et ne respecte pas le travail du Parlement. Que chacun assume ses responsabilités !

M. Max Brisson.  - Je suis d'accord avec Mme Brossel. (Sensation)

Mme Colombe Brossel.  - (Levant les bras au ciel) Miracle laïc !

M. Max Brisson.  - Madame la ministre, vous venez d'évoquer pudiquement des évaluations à conduire. Mais vous démontrez ainsi par A + B que votre méthode n'est pas la bonne : il fallait un projet de loi, avec une étude d'impact, et non pas un amendement déposé trois heures avant l'examen à l'Assemblée nationale !

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien.

Le sous-amendement n°56 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - La notion de « situation » n'est pas définie dans la loi. Ce flou législatif pourrait entraîner insécurité juridique, contentieux et disparités territoriales. Nous renvoyons donc à un décret.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - L'amendement est satisfait par le décret prévu. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°8 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°28 de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Les familles et les élèves doivent avoir accès au LPI, comme le suggère la Défenseure des droits. Je suis prête à retirer la mention des familles, qui serait satisfaite.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - L'amendement est satisfait : les représentants légaux de l'élève ont accès aux informations. Avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. Le livret est déjà présenté à l'enfant.

Mme Mathilde Ollivier.  - D'accord pour les représentants légaux de l'élève. Mais les élèves doivent y figurer également.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°29 de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Les données personnelles consignées dans le LPI doivent être protégées. Seuls des professionnels formés doivent y avoir accès, ainsi que le préconise la Défenseure des droits.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - N'alourdissons pas le texte au risque de le rendre illisible. Retrait, sinon avis défavorable.

Madame la ministre, j'insiste sur le besoin de formation des enseignants. Quid de la nouvelle maquette de formation initiale ? Une formation à l'utilisation du LPI est-elle prévue ? (M. Max Brisson renchérit.)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. Cinquante heures de formation sur l'école inclusive sont prévues.

Mme Mathilde Ollivier.  - Je suis prête à retirer mon amendement, mais j'ai besoin de garanties du Gouvernement sur la protection des données du LPI.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Je prends cet engagement. Cela sera précisé par décret.

L'amendement n°29 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié de M. Laouedj et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Les AESH font partie de l'équipe éducative, mais leur participation aux réunions est aléatoire. Nous la prévoyons, dans la limite de leurs obligations de service. Cela va dans le sens de leur professionnalisation.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Demande de retrait au profit de l'amendement n°34 rectifié ter de Cédric Vial, qui propose des réunions trimestrielles incluant les AESH. Sinon, avis défavorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Après l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

M. Pierre Ouzoulias.  - Cet amendement veut rendre cohérentes les conditions de formation avec les conditions de passage des examens. On demande aux élèves en situation de handicap - souffrant par exemple d'un trouble du comportement - de passer des examens dans des conditions qui ne sont pas adaptées à leur handicap.

Sur proposition de la commission, nous avons rectifié l'amendement pour viser les critères du barème de notation.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - À l'heure où les élèves passent le bac, nous aimerions connaître les adaptations proposées à ceux qui sont en situation de handicap. Avis favorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Les conditions de passage de l'examen et les conditions d'évaluation doivent permettre de mesurer les compétences de l'élève, tout en tenant compte de son handicap. Mais revenir sur les critères d'évaluation remettrait en cause la valeur de l'examen et créerait une rupture d'égalité entre élèves. La position du Gouvernement est alignée sur la jurisprudence du Conseil d'État.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ce n'est pas le Conseil d'État qui fait la loi, mais le Parlement. Un enfant souffrant de troubles de l'autisme ne peut pas passer un oral comme les autres.

Le cadre légal n'est pas satisfaisant : il faut le changer pour le rendre plus favorable aux élèves. À quoi cela sert-il d'adapter les conditions d'enseignement si in fine, ils ne peuvent pas passer leur examen dans des conditions adaptées à leur handicap ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Je ne peux vous laisser dire cela : nous adaptons les conditions de passage des examens. Vous confondez les conditions et les critères de notation.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ce n'est pas ce qui se passe en pratique !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Je veux bien le reconnaître, mais là, vous proposez tout autre chose.

L'amendement n°6 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°52 de Mme Belrhiti, au nom de la commission de la culture.

L'amendement rédactionnel n°52,accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié ter de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Nous prévoyons une réunion trimestrielle entre l'équipe pédagogique, qui intègre désormais l'AESH, et la famille, pour faire un bilan et échanger. Aujourd'hui, l'AESH n'a pas le droit de contacter directement les parents.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure, et M. Pierre Ouzoulias.  - C'est fou !

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Ce temps d'échange avec l'AESH et les parents est essentiel. Avis favorable.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Merci à M. Vial pour cet amendement, auquel je donne un avis favorable. Ces temps d'échange autour de l'enfant sont nécessaires pour s'assurer que les adultes autour de lui avancent de concert.

M. Max Brisson.  - Nous améliorons un texte qui manquait un peu de cohérence. Attention toutefois, la communauté éducative n'est pas la communauté pédagogique : les AESH ne sont pas des enseignants.

Ce temps de dialogue est bienvenu, mais il aurait mérité d'être défini par voie réglementaire, plutôt que d'augmenter encore la taille du code de l'éducation...

M. Pierre Ouzoulias.  - Je suis d'accord : il est curieux de l'inscrire dans la loi. Mais cela a le mérite d'octroyer un statut d'éducateur aux AESH. Nous n'avions pas pu le faire jusqu'ici en raison de l'article 40. C'est une légitime reconnaissance de leur rôle.

L'amendement n°34 rectifié ter est adopté.

L'article 1er bis, modifié, est adopté.

Après l'article 1er bis

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié de Mme Monique de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Douze ans après la loi sur l'école inclusive, vingt ans après celle de 2005, le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés a beaucoup augmenté. Statistiquement, le progrès est indéniable, mais la situation sur le terrain est plus contrastée : le parcours pour recruter une AESH est éprouvant ; les moyens ne sont toujours pas à la hauteur ; les conditions de travail sont insatisfaisantes ; certaines collectivités compensent les insuffisances budgétaires de l'État.

Mettre en oeuvre l'acte II de l'inclusion paraît prématuré.

Certains enfants ne peuvent pas être scolarisés en milieu ordinaire. Or la disparition d'établissements spécialisés risque de les priver de toute scolarisation. Nous voulons instaurer un droit des élèves en situation de handicap à être accueillis dans une structure adaptée avec enseignement, pour qu'il n'y ait pas d'enfants sans solution.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis favorable. Il est vrai que le handicap de certains enfants ne leur permet pas d'être scolarisés en milieu ordinaire.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Cela figure déjà dans la loi de 2005, ainsi que dans le décret de juillet 2024. Avec le plan « 50 000 solutions », nous développons des solutions médico-sociales, notamment des places en IME. Tout dépend ensuite des notifications de la MDPH. Votre amendement est donc satisfait : retrait, sinon avis défavorable.

Mme Colombe Brossel.  - Vous nous demandez de généraliser les PAS, un dispositif non évalué, sans nous inquiéter des moyens... Nous répondrez-vous aussi, dans quelques mois, que ce n'est qu'une question de moyens ? Vous nous demandez de jouer aux apprentis sorciers avec l'avenir des enfants en situation de handicap. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

L'amendement n°49 rectifié est adoptéet devient un article additionnel.

Article 1er ter

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié ter de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - L'école inclusive repose sur une notification de la MDPH dans les quatre mois. Mais l'éducation nationale ne suit pas, et tout le système s'en trouve désorganisé. En cours d'année, on répond aux besoins d'un nouvel élève en baissant le nombre d'heures d'accompagnement de trois autres...

Il conviendrait de gérer les affectations d'AESH par session, à chaque rentrée de vacances scolaires, pour plus de fluidité.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis favorable. Les AESH seraient recrutés au début des vacances, ce qui leur permettrait d'être formés avant la prise de poste, sur leur temps de travail, mais en dehors du temps de présence de l'élève. C'est un compromis intéressant.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - C'est une avancée importante pour la formation préalable des AESH. Avis favorable.

L'amendement n°35 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié quater de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Nous voulons garantir la continuité de l'accompagnement des élèves, y compris en dehors du temps scolaire. La MDPH informerait sans délai la collectivité pour qu'elle puisse anticiper l'accompagnement sur les temps périscolaires. Car l'inclusion ne se décrète pas d'en haut, elle s'organise sur le terrain, en lien étroit avec tous les acteurs. Mais il faut aussi que les MDPH aient des moyens à la hauteur des besoins. Dans les Hauts-de-Seine, les délais de traitement atteignent douze mois...

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Il est important que la collectivité soit prévenue sans délai pour mettre en place un accompagnement adapté. Avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

M. Cédric Vial.  - Je m'en réjouis, mais je suis surpris. Selon moi, la notification se faisait à la famille, qui ensuite la portait - ou non - à la connaissance des acteurs concernés, comme un avis médical.

S'agissant du temps périscolaire, la collectivité serait directement notifiée, mais s'agissant du temps scolaire et méridien, la famille resterait seule détentrice de l'information... La CMP devra harmoniser cela.

Mme Annick Billon.  - Je remercie Marie-Do Aeschlimann de son initiative et regrette de ne pas y avoir pensé moi-même... Je le répète, un enfant en situation de handicap sur trois n'a pas de solution en centre de loisirs ou en accueil périscolaire.

L'amendement n°47 rectifié quater est adopté.

L'article 1er ter, modifié, est adopté.

Article 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Cet amendement rétablit l'Observatoire national de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. La Cour des comptes a souligné les lacunes dans le suivi statistique de ces élèves. La direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) dit ne pas disposer d'outil pour mesurer l'impact de la politique d'inclusion sur la réussite des élèves. Même les acteurs de terrain disent manquer d'indicateurs.

M. le président.  - Amendement identique n°22 rectifié de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Mon amendement a été rectifié pour le rendre identique au précédent. J'insiste sur la recommandation de la Cour des comptes.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis favorable, même si je m'interroge sur la pertinence de cette mesure. (Rires)

Mme Colombe Brossel.  - On a connu meilleur soutien ! (Rires)

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Oui, nous avons besoin de données précises pour améliorer le pilotage. D'où l'idée d'un rapport, retenue à l'Assemblée nationale. Il existe déjà le Comité national de suivi de l'école inclusive. N'en rajoutons pas et renforçons plutôt cette instance.

Mme Annick Billon.  - Je partage l'objectif de mes collègues, mais il est inutile de créer un tel observatoire, au moment où nous essayons de simplifier. Je ne voterai pas ces amendements.

M. Max Brisson.  - Nos collègues ont raison : nous manquons de connaissances sur l'école inclusive.

La rapporteure souhaite ne pas charger la barque du code de l'éducation avec de nouvelles demandes de rapports et le Sénat peut décider de lancer des missions d'information. Mais nous voulons faire la chasse aux comités Théodule, aux observatoires de ceci ou de cela. L'avis de la rapporteure était tout en nuances. (Rires) Rejetons ces amendements.

Mme Mathilde Ollivier.  - Nous sommes tous d'accord pour constater que nous manquons de données. Le comité évoqué par la ministre pourrait écrire ce rapport. La création d'un observatoire répond aussi à ce besoin. Je vous encourage à voter ces amendements !

M. Cédric Vial.  - Nous nous accordons sur l'intention, mais nous ne sommes pas d'accord sur la création d'un observatoire. Je vous renvoie à l'excellent rapport sur les modalités de gestion des AESH, rédigé sous la présidence de M. Lafon.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.  - C'est lui l'auteur ! (Sourires)

M. Cédric Vial.  - Dans sa recommandation n°17, il prévoit de confier à la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) la mise en place et le suivi d'indicateurs : c'est le boulot du ministère ! On parle de milliards d'euros : il faut pouvoir évaluer !

Mme Colombe Brossel.  - Parlementaires, nous n'avons aucun moyen d'avoir des informations complètes sur lesquelles travailler. Nous comptons 500 000 élèves en situation de handicap, mais nous ne disposons d'aucun outil nous permettant d'exercer notre mandat parlementaire. Mesdames les ministres, avez-vous les moyens de piloter et d'évaluer votre politique ?

M. Max Brisson.  - Il faut espérer...

Mme Colombe Brossel.  - Sans outil d'évaluation, il n'y a pas de bonne politique publique. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.)

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous ne manquons pas d'instances. Il faudrait peut-être associer les parlementaires au Comité national de suivi de l'école inclusive...

M. Cédric Vial.  - J'y suis !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Formidable !

Nous devons mieux structurer notre évaluation, sans créer de nouvelles instances. Je m'engage à ce que mes services mènent ce travail, en lien avec le Parlement.

Les amendements identiques nos9 rectifié ter et 22 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 2 demeure supprimé.

Après l'article 2 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°23 de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Nous manquons de données fiables. D'où notre idée de confier à l'éducation nationale le développement d'outils statistiques solides, la publication de données et l'évaluation de ses politiques.

L'amendement n°23, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Nous demandons un rapport du Gouvernement au Parlement, mais pas n'importe lequel : celui qui ferait le bilan de l'expérimentation des PAS.

Le Gouvernement a déposé un amendement coucou, ou hold-up, pour généraliser les PAS, sans évaluation ni chiffrage. Demander un rapport d'évaluation n'est quand même pas extraordinaire...

Les seuls éléments dont nous disposons, provisoires et non consolidés, nous ont été transmis par votre cabinet, après le dépôt de l'amendement. Demander un vrai rapport d'évaluation, en toute transparence, n'est pas illégitime.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis. Nous vous avons transmis une évaluation d'étape. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) et la Dgesco ont fait un travail sérieux et vous serez destinataires du rapport définitif. Comptez sur moi pour vous transmettre les éléments qui nous ont convaincus de la nécessité d'accélérer la généralisation des PAS.

Mme Mathilde Ollivier.  - L'expérimentation a commencé en septembre 2024, nous sommes le 19 juin. Votre évaluation se fonde donc sur six mois d'expérimentation du PAS ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Il est vrai que nous manquons de visibilité sur l'évaluation ; les outils en la matière seront complétés. Mais, avant tout, il faut des moyens supplémentaires pour l'école inclusive, pour répondre aux besoins criants que vous avez décrits. C'est le sens des PAS, qui ont été présentés devant le Conseil national de l'école inclusive et que les acteurs plébiscitent là où ils sont expérimentés.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Je ne suis même pas sûre qu'on atteigne six mois d'expérimentation dans ces quatre départements... La MDPH de Paris annonce 90 PAS, contre 160 Pial. J'ai l'impression qu'on cherche à faire au minimum et à récupérer des moyens. Pourquoi ne pas attendre une année complète d'expérimentation ? Où est l'urgence ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - L'urgence, c'est de répondre aux besoins des enfants en faisant travailler ensemble des personnels de l'éducation nationale et des personnels médico-sociaux, pour mettre en place rapidement des réponses adaptées.

Mme Colombe Brossel.  - Je ne suis pas sûre qu'il faille toujours légiférer dans l'urgence. Ce n'est pas aux parlementaires d'assumer la responsabilité de problèmes que les ministères auraient dû traiter en amont. Un exemple, issu de nos auditions : les PAS mettent à disposition des matériels adaptés sans passer par une notification MDPH, ce qui est très bien, mais il faut parfois trois heures d'accompagnement par un ergothérapeute pour leur prise en main. Pourquoi ne pas avoir prévu un forfait pour cet accompagnement ? On nous demande de généraliser un dispositif sans avoir résolu les difficultés : c'est zinzin ! Et il faudrait que nous, parlementaires, disions aux familles que les problèmes sont réglés ? Mentir est délétère quand on élabore des politiques publiques. (Mme Élisabeth Borne s'offusque.)

M. Pierre Ouzoulias.  - Les arguments des ministres, même intéressants, ne constituent pas une étude d'impact. Nous examinons une proposition de loi d'appel, sur laquelle un amendement gouvernemental a été déposé au dernier moment. Nous ne rendons pas service à l'école inclusive en travaillant de la sorte.

M. Max Brisson.  - C'est vrai : cette façon de faire du bricolage sans aucun recul est exécrable. Mais je reviens à l'amendement n°9 rectifié ter - encore une demande de rapport ! Épargnons le code de l'éducation...

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Précisément : le PAS permet de faire bénéficier l'enfant de l'accompagnement par un ergothérapeute tout de suite, sans notification à la MDPH. C'est pourquoi nous souhaitons généraliser ce dispositif. Les PAS, ce sont des moyens supplémentaires pour répondre aux difficultés. Voilà pourquoi nous voulons accélérer.

L'amendement n°10 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 3

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - La formation continue des enseignants et des AESH doit avoir lieu sur leur temps de service. Ces personnels se voient confier des missions sans cesse plus nombreuses, et leur temps hors des classes est déjà bien occupé : corrections, rencontres avec les parents, réunions multiples. Dans le second degré, où la formation continue n'est pas obligatoire et où il n'y a pas de distinction entre temps de service et temps devant les élèves, la tentation est grande d'imposer des temps de formation continue hors des temps de service.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Au nom de la commission des finances, Olivier Paccaud a montré que le nombre d'absences de longue durée non remplacées dans le secondaire a doublé entre 2018 et 2024. Cet amendement aggraverait encore le phénomène. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°13 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Après l'article 3

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - La Défenseure des droits souligne que certains élèves en situation de handicap se voient refuser le renouvellement de leurs aménagements d'épreuves peu de temps avant le brevet ou le baccalauréat. Ces décisions injustes entraînent une rupture dans leur droit à une éducation adaptée. Nous garantissons que les conditions et délais d'octroi des aménagements ne puissent priver un élève de son droit en la matière en cours d'année scolaire.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis défavorable. Mais, madame la ministre d'État, pouvez-vous apporter des éléments pour rassurer les élèves et les familles ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous voulons évidemment permettre aux élèves en situation de handicap de passer leurs examens dans de bonnes conditions. Pour le bac 2025, 110 000 élèves sont concernés par des aménagements. Les conditions d'attribution sont déjà encadrées par une circulaire. Avis défavorable.

Mme Mathilde Ollivier.  - Après la réunion de commission, j'ai remplacé « scolarité » par « année scolaire », espérant un avis favorable...

M. Yan Chantrel.  - C'était bien essayé !

M. Max Brisson.  - La Défenseure des droits a souligné des dysfonctionnements ; elle n'a pas dit qu'il fallait des modifications législatives. L'administration déconcentrée a une interprétation des règles parfois crispante pour les familles et angoissantes pour les élèves. Mais cette question peut être réglée par voie de circulaire, voire par une simple lettre aux recteurs. (Mme Élisabeth Borne le confirme.)

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié de M. Laouedj et alii.

M. Philippe Grosvalet.  - Cet amendement vise à instaurer une formation annuelle conjointe au sein des établissements entre enseignants et AESH, pour favoriser la coopération. Cela répond aussi à la forte demande de reconnaissance des AESH.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Le principe est intéressant, mais n'alourdissons pas le code de l'éducation. Il appartient au ministère de promouvoir cette culture commune. Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°31 rectifié n'est pas adopté.

Article 3 bis A (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Nous voulons rétablir cet article supprimé en commission. Les nouveaux enseignants doivent pouvoir suivre un stage pratique dans une classe accueillant des élèves en situation de handicap. Nombre de jeunes enseignants se disent désarmés lorsqu'ils doivent accueillir des élèves en situation de handicap sans y avoir été préparés, ou seulement de manière théorique.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Nous partageons l'objectif, mais la rédaction proposée est floue. Par ailleurs, la maquette pédagogique des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) a perdu tout sens, à force de multiplier les thématiques. Avis défavorable, mais la ministre d'État pourra nous dire si de tels stages sont prévus.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Oui, des stages pratiques sont prévus dès la licence pluridisciplinaire : les jeunes professeurs seront en situation, dans des classes. Faut-il l'inscrire dans la loi ? Je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.

L'amendement n°15 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 3 bis A demeure supprimé.

Article 3 bis B

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - La généralisation des PAS dès la rentrée prochaine nous inquiète. À tout le moins, il faudrait un véhicule législatif spécifique, avec avis du Conseil d'État et étude d'impact. Seule l'expérimentation menée dans l'Aisne est positive, car l'ARS et la direction académique des services de l'éducation nationale (Dasen) mènent un travail coopératif qui porte ses fruits. Dans les autres départements, la coopération est difficile. En outre, l'éducation nationale aura plus de poids dans les PAS que dans les Pial : on peut craindre qu'elle n'influe sur les notifications pour gérer la pénurie d'AESH.

M. le président.  - Amendement identique n°24 de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Le Gouvernement parle de moyens pour mieux répondre aux besoins de l'école inclusive. De quels moyens s'agit-il ? Y aura-t-il des enseignants spécialisés ? Vous contenterez-vous de déplacer des moyens, au détriment d'autres élèves ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - La question des moyens est fondamentale, tant pour l'éducation nationale que pour le médico-social. Avis défavorable, mais nous attendons un engagement fort du Gouvernement.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Avis défavorable, sans surprise. Pour avoir été parlementaire pendant plusieurs années, je puis comprendre que vous trouviez désagréable le dépôt tardif de l'amendement dont cet article est issu.

Cela dit, il faut répondre au besoin urgent des élèves et des enseignants d'être soutenus par des professionnels. Oui, le PAS apportera des moyens supplémentaires pour les élèves : outils pédagogiques, temps médico-social, accompagnement par des ergothérapeutes. Ainsi, aucun enfant ne restera sans solution avant l'intervention de la MDPH.

Les moyens, c'est un enseignant spécialisé et deux ETP de professionnels du médico-social recrutés par pôle. Pour la prochaine rentrée, 400 millions d'euros sont prévus, ainsi que 800 professionnels médico-sociaux. Au total, nous atteindrons plus de 500 enseignants et plus de 1 000 ETP médico-sociaux.

Ce dispositif n'a pas été pleinement évalué et j'entends les craintes exprimées, mais il faut accélérer pour aider les élèves et leurs parents en rapprochant la culture des enseignants et celle des acteurs du médico-social. La CNSA et l'Anap accompagnent la mise en oeuvre de ces pôles, qui comblent un vide entre les dispositifs de droit commun et les notifications MDPH. L'un de leurs atouts est la rapidité de prise en charge : dix à quatorze jours. Les enseignants se sentent écoutés et les familles, aidées.

Nous poursuivons le déploiement des PAS et leur évaluation au côté de la représentation nationale, pour apporter la réponse la plus adaptée et la plus rapide possible.

M. Cédric Vial.  - Je vais faire acte de contrition... (Sourires)

L'histoire des PAS avait mal commencé : ce dispositif a été introduit par un amendement de dernière minute au projet de loi de finances pour 2024, rejeté par le Sénat, retenu dans le 49.3, puis censuré par le Conseil constitutionnel. Vous avez lancé l'expérimentation sans le feu vert du Parlement et, parce qu'il vous faut une mesure législative, vous la réintroduisez à la faveur d'un véhicule législatif qui passait par là...

Potentiellement, on a envie de vous croire, mais, concrètement, on a des doutes. Nous allons toutefois vous faire confiance, au bénéfice du travail mené par la commission et des améliorations qui ont pu être apportées au dispositif grâce à l'écoute de Mme Borne. C'est pourquoi je n'ai pas redéposé en séance mon amendement de suppression. Je voterai contre ces amendements.

Je maintiens que ce que vous souhaitez faire aurait pu être fait dans le cadre des Pial. Maintenant que vous avez fait passer le dispositif dans ce véhicule, ouvrez le capot et mettez les mains dans le moteur !

M. Max Brisson.  - Rapporteur du projet de loi Pour une école de la confiance, je me souviens que nos collègues de gauche étaient opposés à la mise en place des Pial. Je constate avec satisfaction qu'ils ont changé d'avis, puisqu'ils les défendent aujourd'hui...

Dans le long avis qu'elle vient d'exposer, Mme la ministre a décrit le système résultant de nos travaux en commission, qui assure l'équilibre entre le médico-social et l'éducation nationale. Nous avons d'ailleurs eu de vrais débats avec certains collègues de la commission des affaires sociales, réticents à donner la main à l'éducation nationale.

Tout ce travail aboutit à un texte équilibré, et je regrette que nos collègues de l'opposition veuillent supprimer l'article issu de la commission.

Mme Colombe Brossel.  - Merci, madame la ministre, d'avoir pris le temps de nous exposer ce qui était pour nous un mystère. Mais, pour vous engager à la création de 400 postes d'enseignants spécialisés et de 800 postes de professionnels du secteur médico-social, avez-vous obtenu des garanties en vue du prochain budget ? Vous nous demandez de vous accompagner dans une aventure sur laquelle nous avons très peu d'informations... Dans lequel des quatre départements ce dispositif fonctionne-t-il le mieux ? Quelles conclusions en tirez-vous ? La confiance, c'est comme l'amour : il y a les déclarations et les preuves.

M. Pierre Ouzoulias.  - Ni contrition ni conversion ! (Sourires)

Nous partageons votre volonté d'aller vite pour offrir le meilleur accompagnement aux enfants.

J'ai visité un établissement scolaire avec Nicole Belloubet au printemps 2024. Les enseignants l'avaient clairement alertée sur l'urgence d'aménager le dispositif de l'école inclusive. Elle m'avait indiqué que son cabinet y travaillait et qu'un texte serait prochainement déposé.

Dans notre pays, les ministres passent, mais les administrations restent et travaillent. Un tout autre calendrier était donc possible, et un dispositif beaucoup plus ambitieux.

En particulier, nous aurions pu répondre à une question de fond : est-ce à l'école seule d'assumer la mission de scolariser les élèves en situation de handicap ? Un ministre manque sur ces bancs : celui de la santé. Nous aurions aimé un grand texte programmatique vous associant tous. Hélas, nous ne l'avons pas, et c'est une immense frustration.

Mme Mathilde Ollivier.  - Nous sommes d'accord sur la nécessité de recruter des personnels supplémentaires. Vous dites que les familles sont très satisfaites des PAS. Il est évident que les parents sont satisfaits de bénéficier d'un accompagnement supplémentaire pour leur enfant, mais les PAS sont-ils plus efficaces que d'autres dispositifs ? Faute d'évaluation, nous ne pouvons répondre à cette question.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Lorsque vous parlez de création de postes, s'agit-il bien de postes nouveaux que vous ne prendrez pas ailleurs ? Avec les Pial, nous avons eu une perte de proximité et d'individualisation. Les AESH redoutent les conséquences d'une mutualisation accrue et ne veulent pas devenir de simples ressources mobilisables déconnectées du terrain. Quel sera leur périmètre d'intervention ?

M. Pascal Savoldelli.  - Le statut des AESH n'évolue pas, et l'article 40 nous interdit toute initiative en la matière. Pourtant, les AESH représentent la deuxième catégorie de personnels de l'éducation nationale ! Je constate que la question de leur statut est éludée.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous ne pouvons pas aborder l'ensemble des sujets dans le cadre de ce texte.

Le budget pour 2025 prévoyait initialement la suppression de 4 000 postes, compte tenu de la déprise démographique. Ces postes ont finalement été maintenus, et une partie a été affectée à la création des pôles. Il y a donc bien des moyens dédiés.

La présence de ma collègue au banc montre bien que l'éducation nationale n'est pas seule ; nous avons besoin des PAS pour assurer un accompagnement de qualité.

Enfin, j'ai confié à l'inspection générale de mon ministère une mission sur le statut des AESH : sur la base de ce travail, je ferai des propositions pour un temps de travail moins éclaté entre plusieurs établissements. La situation actuelle n'est pas satisfaisante et je remercie M. Vial pour son amendement relatif à la prise de fonction des AESH.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos11 rectifié ter et 24 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°328 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 114
Contre 206

Les amendements identiques nos11 rectifié ter et 24 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°25 de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Défendu.

L'amendement n°25, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 de Mme Belrhiti, au nom de la commission de la culture.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Lorsque la MDPH notifie une aide mutualisée, elle doit préciser les principales activités sur lesquelles porte l'accompagnement. Cet amendement prévoit les mêmes modalités de notification dans le cadre des PAS que des Pial.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°53 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié de Mme Carrère et alii.

M. Philippe Grosvalet.  - La République est indivisible, mais la France est diverse. Substituons donc une logique d'adaptation territoriale à une logique de déploiement uniforme.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié de Mme Carrère et alii.

Mme Maryse Carrère.  - Amendement de repli, pour un déploiement progressif et concerté avec les collectivités territoriales.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié ter de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Il s'agit, en quelque sorte, d'un amendement de coordination avec mes amendements précédemment rejetés... (Sourires) Il y a encore beaucoup à faire pour les enfants en situation de handicap, mais, compte tenu des évolutions du texte et de l'accord trouvé avec Mme Borne, je le retire.

L'amendement n°39 rectifié ter est retiré.

Les amendements nos3 rectifié et 2 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié quater de Mme Aeschlimann et alii.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - Cet amendement vise à associer les collectivités territoriales aux PAS, suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes. Il serait regrettable que les PAS n'associent pas les collectivités territoriales à leurs travaux. Pour ceux qui, comme M. Brisson, s'inquiéteraient d'un risque de transfert de charges vers les collectivités territoriales, je rectifie l'amendement pour supprimer la mention du fonctionnement des centres.

M. le président. - Il devient l'amendement n°46 rectifié quinquies.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Votre proposition rigidifie le dispositif et, alors que nous venons à peine de régler le problème de la prise en charge des AESH sur le temps méridien, risque d'ouvrir une nouvelle brèche vers la participation des collectivités territoriales au financement de l'école inclusive. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous avons besoin de travailler avec les collectivités territoriales sur ces questions. Je m'y suis d'ailleurs engagée dans un protocole avec l'AMF. Le Gouvernement est favorable à l'amendement, sans qu'il s'agisse d'engager des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales.

M. Max Brisson.  - La collectivité doit mener dans les locaux les transformations nécessaires pour accueillir les élèves qui en ont besoin : cela est déjà prévu. Il s'agit ici du rôle des collectivités territoriales dans l'organisation des pôles eux-mêmes. Si celles-ci y sont associées, il est certain que, un jour, elles devront participer au financement.

Mme Marie-Do Aeschlimann.  - C'est rare, mais M. Brisson n'a pas tout à fait saisi ma pensée. Une concertation approfondie entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales est nécessaire pour l'école inclusive. Aucun élu local ne peut le nier. Je propose de rendre cette concertation obligatoire, sans charges supplémentaires pour les collectivités - c'est le sens de la rectification de mon amendement. Je serais surprise que le Sénat refuse d'associer davantage les collectivités territoriales à une politique publique que nous jugeons essentielle.

L'amendement n°46 rectifié quinquies n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54 de Mme Belrhiti, au nom de la commission de la culture.

L'amendement rédactionnel n°54, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié ter de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Cet amendement prévoit que le coordonnateur du PAS établisse un bilan trimestriel sur la mise en oeuvre des notifications, en vue de renforcer le dialogue entre les pôles et la MDPH. Il s'agit de responsabiliser les MDPH sur les mesures prises.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Cet amendement favorise un dialogue régulier entre l'éducation nationale et la MDPH : avis favorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°41 rectifié ter est adopté.

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié quater de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Il s'agit d'améliorer le dispositif actuel et la relation entre prescripteur et payeur. La MDPH fait des prescriptions sans connaître le contexte de l'enfant, comme sa classe par exemple.

Cet amendement, issu du rapport de la mission d'information que j'ai conduite, permet à l'équipe pluridisciplinaire de formuler des contre-propositions, à condition que celles-ci soient validées par la MDPH. Il faut s'adapter à la diversité des situations et aussi tenir compte des besoins de l'enfant et de l'expérience, diverse, des enseignants.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis favorable. La notification doit correspondre au plus près des besoins des élèves. La MDPH, compétente pour en définir le contenu, est libre de refuser les contrepropositions.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis. Cela fluidifie le dialogue entre la MDPH et les équipes pluridisciplinaires.

M. Max Brisson.  - Ces deux amendements améliorent grandement le texte. À l'issue de nos travaux, l'article 3 bis B devient intéressant, alors que certains voulaient le rejeter. Cela dit, il faudra veiller à sa mise en oeuvre...

L'amendement n°37 rectifié quater est adopté.

Mme Colombe Brossel.  - Au nom du groupe SER, je remercie la rapporteure pour son travail. Toutefois, certaines de nos questions sont restées sans réponse, notamment sur l'évaluation.

Nous ne sommes pas non plus convaincus par la méthode. Vingt ans après la loi de 2005, le Gouvernement aurait dû déposer un projet de loi global.

Ne prenons-nous pas le risque de créer de la désillusion ? Nous n'avons pas réglé le sujet du statut et de la rémunération des AESH. C'est pourquoi nous voterons contre cet article.

M. Pascal Savoldelli.  - Dans mon département, le père d'un jeune autiste de 14 ans, Nils Ordonez, cherche une solution d'accueil adaptée. Zéro réponse. Ce n'est pas l'école inclusive. (Mmes Colombe Brossel et Marie-Pierre Monier renchérissent.) Une petite fille a reçu une notification de la MDPH validant son orientation vers une UEMA. Aucune place disponible. Scolarité sans accueil, famille laissée seule. Voilà ce qui nous préoccupe ! Sans statut ni augmentation de la rémunération des AESH, nous serons confrontés à une crise durable du recrutement et les familles seront abandonnées.

Il ne peut y avoir d'école inclusive digne de ce nom si on ne change pas d'ambition, sans parler de la situation de la médecine scolaire. Nous voterons contre cet article.

L'article 3 bis B, modifié, est adopté.

Après l'article 3 bis B

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié ter de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Je souhaite confier une nouvelle compétence à la CNSA : définir, en concertation avec les MDPH, un référentiel commun d'évaluation du handicap et des indicateurs de prescription pour les élèves en situation de handicap. Nous avons besoin d'une politique nationale du handicap. Chaque MDPH a ses propres habitudes, or nous avons besoin de lignes directrices. Il aurait fallu les édicter bien plut tôt !

Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis a décidé de reconnaître le « handicap social » : l'État finance cela, sans se poser de questions. Il est temps de s'en poser, des questions !

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis favorable. Cet amendement permettra une prise en charge uniforme du handicap en France et évitera les divergences dans l'interprétation de la loi de 2005 selon les départements.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°38 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

Article 3 bis C

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous voulons garantir une formation aux AESH avant leur première affectation. On ne peut les autoriser à intervenir sans formation, même pendant deux mois. Parfois, celle-ci consiste en une réunion sur Zoom, la veille de la rentrée...

La formation prévue actuellement est anecdotique. Pourtant, les AESH se retrouvent face à des enfants en difficulté ou présentant des handicaps multiples. Certains AESH financent eux-mêmes des formations sur leurs deniers personnels !

M. le président.  - Amendement n°55 du Gouvernement.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Nous reprenons une proposition de Cédric Vial, déclarée irrecevable, qui prévoit qu'une partie au moins de la formation des AESH est assurée avant leur prise de fonctions.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Je demande le retrait de l'amendement n°14 rectifié ter au profit de l'amendement n°55 du Gouvernement. À titre personnel, avis favorable à l'amendement n°55, que nous n'avons pu examiner en commission. Mais les AESH devront bénéficier de l'intégralité de la formation : la seconde partie ne doit pas passer à la trappe.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°14 rectifié ter.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Je partage les inquiétudes de la rapporteure. L'amendement évoque une « formation minimale ». Or les AESH n'ont jamais exercé auprès d'élèves. Ce n'est qu'un début... Nous voterons l'amendement du Gouvernement, car j'ai compris que le mien risque de ne pas être adopté.

M. Cédric Vial.  - Cette formation est rendue possible par les amendements votés précédemment - c'est le sommet de la pyramide. Les AESH doivent suivre soixante heures de formation ; concrètement, ces sessions ont lieu au second semestre... Certains agents se forment en faisant des recherches sur Google pendant les six premiers mois ; ce n'est pas raisonnable ! Les AESH doivent bénéficier d'une formation - même minimale - avant leur prise de poste. Ils suivront le reste de la formation après leur entrée en fonction.

Madame Monier, vous pourriez rendre votre amendement identique à celui du Gouvernement ; vous montreriez ainsi le caractère transpartisan de notre position.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Soit.

M. le président.  - Il devient l'amendement n°14 rectifié quater.

M. Max Brisson.  - Je regrette que le ton soit monté lorsque nous avons eu ce débat dans l'hémicycle, chère Marie-Pierre Monier. Vous proposez un idéal par rapport à une situation actuellement insupportable. Cédric Vial avait proposé une réponse raisonnable et responsable. Mais l'article 40 est passé par là. La ministre a bien voulu reprendre son amendement et proposer une solution médiane, qui constitue un nouveau pas pour améliorer la situation des AESH.

Les amendements identiques nos14 rectifié quater et 55 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Nous souhaitons que la formation des AESH comporte des modules différenciés selon les types de handicap.

Un AESH, un jeune homme - ils sont rares - accompagnant un enfant autiste, m'a raconté sa détresse. Il était précédemment animateur dans un centre de loisirs. Ne connaissant rien à l'autisme, il a appris les bases sur son téléphone. Il en était le premier désolé...

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Retrait. N'alourdissons pas le code de l'éducation. Ce serait du saupoudrage, sans réelle valeur ajoutée pour les AESH.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis. Le référentiel prévoit bien de former les AESH aux différents types de handicap : votre amendement est satisfait.

L'amendement n°17 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié de M. Laouedj et alii.

Mme Maryse Carrère.  - La formation repose sur un tronc commun uniforme de soixante heures. Or un AESH affecté en maternelle fait face à des défis spécifiques, qui exigent une formation adaptée.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Là encore, n'alourdissons pas le code. La formation pourrait être adaptée après l'affectation pour répondre à ces particularités. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°30 rectifié est retiré.

L'article 3 bis C, modifié, est adopté.

Article 3 octies (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous rétablissons une disposition adoptée par l'Assemblée nationale et supprimée en commission au Sénat. Les intervenants auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers, qu'ils soient issus de l'éducation nationale ou du secteur médico-social, doivent bénéficier d'une formation commune pour apprendre à gérer ensemble les problèmes et le parcours de ces élèves. Évitons le cloisonnement. Cette disposition favoriserait l'apparition d'une culture commune, au bénéfice de tous les élèves. C'est avec ce type de solutions en prise avec la réalité du terrain que nous pourrons avancer.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis défavorable. Le droit permet déjà l'organisation de telles formations.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Même avis. Nous développons déjà cette culture commune entre les professionnels du secteur médico-social et de l'éducation nationale.

L'amendement n°18 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 3 octies demeure supprimé.

Après l'article 3 octies (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié ter de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Nous voulons étudier la possibilité d'intégrer les AESH dans un corps spécifique de catégorie B de la fonction publique.

Seuls 2 % des AESH exercent à plein temps. Leur salaire est indigne -  souvent moins de 900 euros nets par mois, en raison du temps partiel subi. La plupart sont des femmes, souvent des mamans solos.

Le nombre d'AESH est très insuffisant par rapport aux besoins. Certains prennent en charge neuf enfants par semaine. La mutualisation est de rigueur. On gère la pénurie en exploitant leur précarité. Il est temps que les AESH bénéficient du statut de la fonction publique.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Défendu.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Avis défavorable.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État.  - Un rapport de l'Igas et de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) est en cours ; il fera des propositions pour améliorer la situation des AESH. Retrait.

L'amendement n°7 rectifié ter n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°27 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié quater de M. Chantrel et du groupe SER.

M. Yan Chantrel.  - Rien n'est prévu pour les familles d'élèves en situation de handicap vivant hors de France : aucune procédure consulaire, aucun équivalent de la MDPH. Les Français de l'étranger sont donc victimes de discriminations.

Actuellement, les familles reçoivent une notification émise en France par une MDPH. Or celle-ci ne prend pas en compte les spécificités locales de l'expatriation. Les familles doivent gérer des dossiers complexes, sans soutien, et les délais de traitement sont très longs.

Aussi, nous proposons de faciliter la reconnaissance du handicap à l'étranger par l'instauration de commissions d'évaluation auprès des postes consulaires. Ses membres seraient bénévoles : cela serait sans coût pour l'État.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - En effet, le système actuel manque d'efficacité, mais votre amendement ouvre une brèche dans le monopole de définition du handicap et de l'évaluation des besoins par les MDPH. Toutefois, la proposition de M. Chantrel est bienvenue. Sagesse.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée.  - Vous pointez la lourdeur des procédures et la disparité de réponses selon les MDPH. Nous travaillons avec la CNSA, les départements et le ministère de l'éducation nationale pour renforcer l'harmonisation entre les acteurs et accélérer le traitement des dossiers. Cela dit, ce sont les départements qui sont à la manoeuvre dans les MDPH. Une instance complètement déconnectée des conseils départementaux serait un ovni juridique. Avis totalement défavorable.

M. Yan Chantrel.  - Cette commission ne remplace pas les MDPH ; elle leur apporterait une expertise, afin de leur faciliter la vie.

J'ai d'ailleurs rectifié mon amendement pour renvoyer au décret les modalités de travail de la commission : vous auriez donc la main.

L'amendement n°21 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

Intitulé de la proposition de loi

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié ter de M. Vial et alii.

L'amendement n°42 rectifié ter est retiré.

Vote sur l'ensemble

Mme Colombe Brossel .  - Reprenons le calendrier d'examen de cette proposition de loi : le 5 mai à l'Assemblée nationale, le 19 juin au Sénat ; moins de deux mois d'examen, quatre heures de discussion au Sénat, pour modifier de façon structurante l'accompagnement des élèves en situation de handicap.

J'ai entendu vos explications, mais je maintiens que la méthode n'était pas la bonne. Nos inquiétudes n'ont pas été levées. Nous craignons que le pilotage de cette politique se fonde non sur les besoins, mais sur les moyens disponibles. Nous redoutons une baisse du nombre d'AESH.

Nous aurions voté cette proposition de loi si elle s'était limitée au LPI. En l'état, nous ne pouvons que nous abstenir, en espérant ne pas avoir à déplorer bientôt les désillusions des parents et des éducateurs.

M. Max Brisson .  - La méthode n'est pas bonne, c'est vrai. Cela dit, nous avons amélioré le texte en inscrivant dans la loi la place du secteur médico-social et en favorisant un dialogue de qualité entre les MDPH et l'éducation nationale.

Nous ne pouvions plus rester dans la situation actuelle où l'offre d'école inclusive dépendait des notifications MDPH. Nos quatre heures de débat ont abouti à des progrès.

Nous veillerons à la mise en oeuvre de ce texte. Madame la ministre, vous avez fait des annonces fortes en réponse aux groupes d'opposition et à Cédric Vial, dont vous connaissez la ténacité : nous serons très attentifs au suivi de ces mesures.

Mme Annick Billon .  - Merci à la rapporteure d'avoir réécrit ce texte, que nous voterons.

L'objectif, partagé sur tous les bancs, est d'améliorer l'accueil des élèves à besoins particuliers et de faciliter le partage des informations et la vie des familles. C'est une première réponse, certes, mais 500 000 élèves l'attendent : nous pouvons donc nous en satisfaire.

Nous avons des points de vigilance : mise en oeuvre des PAS, raccourcissement des délais entre notification et attribution, accompagnement durant le temps périscolaire, notamment.

Madame Brossel, dans un monde idéal, nous aurions, comme vous, préféré un projet de loi, mais ce monde idéal n'existe pas aujourd'hui.

M. Cédric Vial .  - Je remercie Mme la rapporteure et l'ensemble de mes collègues : nous avons su trouver des consensus. Malgré ses imperfections, ce texte comporte de grandes avancées.

Merci, madame la ministre d'État : vous avez tenu parole, nous avons pu travailler ensemble et trouver un compromis.

Aussi, j'apporte un soutien vigilant à cette proposition de loi. Nous n'avons pas changé les choses mais contribué à fixer un cadre. Reste à mettre les mains dans le cambouis, madame la ministre ! Le sujet mérite une impulsion politique pour l'école inclusive, une école pour tous digne de ce nom. Nous comptons sur vous !

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - Merci à la rapporteure pour son travail de qualité et aux ministres, qui ont entendu nos suggestions.

Les 550 000 élèves concernés ont besoin d'être soutenus, tout comme leurs familles. Nonobstant les avancées que représentent les PAS, il faut donner des moyens aux MDPH pour accélérer le traitement des dossiers.

Il faut également mieux associer les collectivités territoriales, et je me félicite de l'adoption de mes amendements à ce sujet.

À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°329 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 227
Pour l'adoption 227
Contre    0

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure.  - Le Sénat a bien amélioré le texte, même si ce dernier demeure imparfait. Puisse l'accueil des élèves en situation de handicap se faire dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Profession d'infirmier (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi sur la profession d'infirmier.

M. Jean Sol, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Grâce aux échanges nourris avec Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour l'Assemblée nationale, la CMP est parvenue à un texte commun, ambitieux, répondant aux attentes de la profession, traversée par un sentiment de manque de reconnaissance.

Ce texte rénove le cadre de la profession d'infirmier, valorise la profession et reconnaît la diversité des modalités de son exercice.

Sur l'article 1er, les positions des deux chambres ont spontanément convergé. L'article réforme le cadre législatif de la profession qui était défini par la référence au monopole médical. Le décret définissant les actes était devenu obsolète. Désormais, la loi fixera les missions et les conditions d'exercice de la profession ; elle renverra à un décret les domaines d'activité et de compétence des infirmiers et à un arrêté la liste des actes réalisés.

L'article consacre également les notions de consultation et de diagnostic infirmiers, distinctes des actes médicaux. Il confie aux infirmiers un pouvoir de prescription élargi, qui sera précisé par décret. Enfin, il consacre l'accès direct aux infirmiers intervenant en souhait de premier recours. L'assurance maladie requiert trop souvent une ordonnance médicale pour prendre en charge certains actes. Le Sénat avait adopté 13 amendements pour sécuriser ces dispositions, réaffirmer la complémentarité du métier avec les autres professionnels et valoriser la recherche en sciences infirmières. Tous ces apports du Sénat ont été maintenus.

La CMP a réécrit les dispositions relatives à la rémunération des infirmiers. Une négociation sera lancée dès la promulgation de la loi. Il appartiendra à l'État et aux partenaires conventionnels de les revaloriser chaque fois qu'une extension des compétences le justifiera.

L'expérimentation prévue à l'article 1er quater ouvrira l'accès direct aux infirmiers en exercice coordonné au-delà de leur rôle propre. Là encore, les apports du Sénat ont été conservés.

La CMP a conservé l'article 1er bis dans la version du Sénat, qui reconnaît davantage le rôle des infirmiers dans les soins de premier recours, sans nier la contribution du médecin traitant.

Nous avons inséré un article 1er bis A pour renforcer le rôle des infirmiers coordonnateurs dans les Ehpad ; ceux-ci ont vocation à collaborer avec le médecin collaborateur sans être placé sous son autorité hiérarchique.

Mme Romagny précisera les autres apports du texte.

Ce texte nous offre l'occasion d'exprimer notre reconnaissance aux 600 000 infirmiers, qui sont essentiels au système de santé.

Cette proposition de loi est une étape importante dans l'évolution de la profession. Votons-la. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins .  - Nous sommes réunis pour l'ultime étape d'une réforme importante et attendue. Nous devons avancer vite, pour concrétiser dans la loi la refonte du métier d'infirmier.

Nous sommes investis sur cette réforme depuis plus de deux ans.

Je rends hommage à l'important travail transpartisan mené sur ce texte. Je salue Jean Sol et Anne-Sophie Romagny, ainsi que les parlementaires de tous les groupes politiques qui se sont investis.

Cette capacité de dialogue prouve que, dès lors qu'il faut trouver des réformes utiles pour le système de santé et pour les Français, nous savons nous rassembler au-delà des clivages.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai annoncé que je voulais construire la politique de santé avec les parlementaires : c'est exactement ce que j'ai fait avec ce texte. Je veux continuer à travailler ainsi pour les prochains textes. Je pense à la proposition de loi Améliorer l'accès aux soins dans les territoires, de Philippe Mouiller, qui permet la mise en oeuvre de plusieurs mesures du pacte contre les déserts médicaux ; à l'adoption conforme de la proposition de loi dont je suis l'auteur, qui supprimera le numerus apertus ; ou encore à la proposition de loi de Bernard Jomier, pour laquelle j'ai saisi la Haute Autorité de santé (HAS) cette semaine.

Les infirmiers et infirmières se sont largement mobilisés dans toutes les concertations et les groupes de travail mis en place depuis 2023.

Cette réforme, nous la devons aux 600 000 infirmiers et aux 100 000 étudiants. Ce sont les chevilles ouvrières de notre système de santé, à l'hôpital, en ville ou à domicile, y compris lors des crises - je pense à Mayotte.

Ils assurent au quotidien des missions importantes.

J'ai écrit au directeur de l'assurance maladie une lettre de cadrage ambitieuse : nous ouvrirons des négociations conventionnelles afin de traduire les avancées de cette proposition de loi.

Le travail parlementaire mené jusqu'à présent a permis d'aboutir à un texte équilibré et ambitieux, à la hauteur des attentes et des besoins.

Le métier d'infirmier s'est diversifié et élargi, sous l'effet d'une demande de soins croissante, et de la hausse des maladies chroniques et des polypathologies. Parallèlement, il est devenu plus technique, plus pointu et plus expert.

Le Parlement a joué un rôle moteur dans ces avancées : il a voté l'extension des compétences vaccinales, la validation des certifications de décès -  je salue le travail de Mme Imbert sur ce dernier point. Ces mesures s'inscrivent pleinement dans le pacte de lutte contre les déserts médicaux.

Mais nous avons besoin d'une refonte globale de la profession : ce texte y pourvoit.

Il définit le métier d'infirmier. Surtout, nous sortons de la logique du décret d'actes, trop ancien. L'approche par grandes missions que nous concrétisons est plus cohérente, agile et réaliste. C'est une petite révolution. Les cinq grandes missions traduites dans la proposition de loi s'alignent parfaitement avec les besoins actuels du système de santé.

Le texte consacre la notion de consultation, en s'appuyant sur les 277 diagnostics infirmiers existants. Je le répète : la consultation infirmière ne concurrencera pas la consultation médicale.

Cette proposition de loi vise à faire progresser tout le système de santé et à faire levier de toutes les compétences. Nous n'opposons pas les professions entre elles. Nous faisons progresser tout le monde dans le champ propre de ses compétences.

La rédaction confirmée par la CMP est issue d'un travail important, mené en lien avec les rapporteurs et les représentants de toutes les spécialités infirmières. Nous préservons les spécificités de chacune d'entre elles : bloc, anesthésie et puériculture.

Les avancées permises par l'article 2 correspondent aux attentes des professionnels et aux impératifs de sécurité des soins ; je m'en réjouis, car la pratique avancée est un levier pour renforcer l'accès aux soins et dynamiser les carrières professionnelles. J'ai d'ailleurs signé un décret en janvier et un arrêté le mois dernier pour renforcer la montée en charge de la pratique avancée. Nous n'opposons pas les infirmiers en pratique avancée (IPA) et les infirmiers spécialisés.

Ce texte de reconnaissance et de confiance est la traduction en actes de l'importance prioritaire que nous accordons aux infirmiers. C'est un jalon majeur de la transformation de ce métier.

Les concertations avec la profession aboutiront à un décret en Conseil d'État qui définira l'exercice infirmier au travers des cinq domaines d'activité et de compétences.

Les autres textes réglementaires suivront le même rythme ; j'y veillerai. Je suis pleinement mobilisé pour déployer rapidement ces mesures sur le terrain.

Le travail continue : je travaille avec Philippe Baptiste à la réingénierie en cours des études d'infirmier, pour traduire dans le cursus les avancées de cette loi.

Depuis toujours, ce métier est innovant et en progression constante ; il a accompagné toutes les transformations du système de santé. Nous continuerons de construire l'avenir de cette profession, dont nous avons tant besoin pour relever le défi de l'accès aux soins. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Xavier Iacovelli .  - Ce texte est attendu depuis deux ans. Il était temps de répondre au mal-être, à la perte d'attractivité, à l'essoufflement de la profession. Une part importante des infirmiers envisageraient de quitter le métier dans les prochaines années. Formation insuffisante, rémunération faible, conditions de travail difficiles expliquent cette crise d'attractivité.

Ce texte refonde le socle législatif de la profession. Il identifie six grandes missions : les soins, la coordination, la mise en oeuvre du parcours de santé, la prévention, la formation et la recherche.

Pour la première fois, la loi reconnaît la consultation infirmière et le diagnostic infirmier. Nous passons d'une logique d'actes techniques à une approche par compétences et responsabilités. Les IPA pourront exercer dans de nouveaux champs : la santé scolaire, la PMI, l'ASE. Le statut d'infirmier-coordinateur, particulièrement en Ehpad, est enfin reconnu. Les infirmières scolaires sont désormais considérées comme une spécialité à part entière.

Nous saluons l'expérimentation, dans cinq départements, de l'accès direct à un infirmier, qui sera précieux dans les zones sous dotées.

L'accès à une forme de pratique avancée pour les infirmiers de spécialité est une reconnaissance supplémentaire.

Le texte touche aussi à la vie concrète. Il prévoit une procédure facultative pour la reprise d'activité après une interruption de carrière ; il engage la discussion sur la pénibilité du métier ; il prévoit l'harmonisation des indemnités kilométriques.

L'accord trouvé en CMP conserve les grands équilibres, respecte l'avis de l'Académie nationale de médecine sur les prescriptions tout en consolidant l'autonomie professionnelle des infirmiers, clarifie le cadre de l'accès direct sans remettre en cause le rôle du médecin traitant. C'est un compromis utile, solide et respectueux du travail parlementaire. Il reconnaît les compétences des infirmiers, soulage les médecins dans un contexte de fortes tensions et offre des perspectives de carrière attractive alors qu'il nous faudra recruter 80 000 infirmiers supplémentaires d'ici à 2050. Je salue l'esprit de responsabilité qui a présidé à son élaboration. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Dans un contexte de pénurie de soignants et de vieillissement de la population, les infirmiers ont la main qui rassure, le regard qui veille, le geste qui soigne. Ce texte répond à des attentes anciennes et légitimes. Le cadre fixé par le décret de 2004 était devenu inadapté ; le présent texte redéfinit donc les contours du métier. Il consacre les missions socles, introduit la consultation et le diagnostic infirmiers, ouvre un droit de prescription de certains produits et examens, et autorise l'accès direct pour les soins de premier recours.

Les IPA pourront désormais exercer dans des secteurs jusque-là fermés : PMI, santé scolaire, ASE. Les infirmiers spécialisés auront accès à la pratique avancée, tout en conservant leur spécialité.

Saluons également la reconnaissance des infirmiers coordonnateurs en Ehpad et des infirmiers scolaires et universitaires comme spécialité infirmière. Les infirmières scolaires exercent une mission singulière, entre écoute, prévention et accompagnement ; elles sont en première ligne face aux fragilités psychologiques des élèves. Nous adressons un signal de reconnaissance indispensable alors que le métier peine à attirer.

Une expérimentation de l'accès direct sera lancée dans cinq départements. Le Sénat avait souhaité le réserver aux infirmiers exerçant dans les structures d'exercice coordonné les plus intégrées ; je me réjouis que la CMP nous ait suivis. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ne garantissent pas toujours un niveau de coordination suffisant. Il faudra toutefois veiller à la fluidité de la circulation des informations entre infirmiers et médecins, et impérativement évaluer le dispositif avant toute généralisation.

Ce texte consensuel est attendu depuis longtemps. Les décrets d'application devront être publiés rapidement. La loi Rist nous l'a appris : un texte sans décret, c'est une promesse sans effet !

Enfin, la question de la revalorisation financière ne peut plus être éludée. La reconnaissance passe par une meilleure rémunération !

Le RDSE votera ce texte, pour renforcer un système de santé en souffrance qui tient grâce au dévouement de ses professionnels. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains)

Mme Anne-Sophie Romagny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, dont j'ai été rapporteur avec Jean Sol, marque une étape décisive dans l'évolution et la reconnaissance du métier d'infirmier.

L'article 2 permet la reconnaissance d'une forme de pratique avancée pour les infirmiers de spécialité, qui ne se recoupe pas avec celle des IPA. Le Sénat avait utilement clarifié la rédaction. Les domaines d'intervention en pratique avancée pourront être définis selon une approche populationnelle, comme le demandent les IPA. Enfin, l'exercice en pratique avancée est ouvert à de nouveaux lieux - toujours en lien avec un médecin, comme l'a souhaité le Sénat.

L'article 1 quater A, inséré par le Sénat et maintenu en CMP, confère un statut d'infirmier de spécialité aux infirmiers de l'éducation nationale et du supérieur et ouvre la voie à un diplôme de bac+5. C'est un message de confiance adressé à ces professionnels.

L'article 1er ter sur l'accompagnement de la reprise d'activité a connu des modifications substantielles en CMP : il prévoit une évaluation des compétences pour les infirmiers qui ont interrompu leur activité pendant au moins six ans et, le cas échéant, des formations ou stages, que le Sénat avait rendus obligatoires. À notre initiative, la CMP a réécrit ce dispositif pour l'inscrire dans une démarche d'accompagnement fondée sur le volontariat, afin de fluidifier le retour en activité.

Afin d'améliorer le suivi de la démographie infirmière, l'article 1er ter issu du Sénat imposait de déclarer à l'ordre toute interruption d'activité de plus de six ans. La CMP a renvoyé la définition du seuil à un décret, et l'a borné à trois ans.

Enfin, l'article 2 bis, inséré au Sénat, renvoie la définition uniforme de l'agglomération aux partenaires conventionnels, pour une facturation plus équitable des indemnités kilométriques.

Ce texte salue ceux qui soignent avec courage dans des conditions souvent dégradées. Témoignons-leur notre reconnaissance en l'adoptant définitivement, pour une entrée en vigueur rapide. (Applaudissements)

Mme Céline Brulin .  - La CMP a trouvé un accord ; c'est une bonne nouvelle pour les infirmières et infirmiers qui attendent depuis des années une reconnaissance.

Monsieur le ministre, j'ai entendu vos ambitions sur la lettre de cadrage pour les futures négociations. Nous serons vigilants à ce que les infirmiers libéraux voient leurs rémunérations revalorisées - mais nous serons aussi attentifs aux infirmiers hospitaliers, qui sont 50 % à quitter la profession durant les dix premières années d'exercice, en raison des salaires trop faibles.

M. Yannick Neuder, ministre.  - 20 %.

Mme Céline Brulin.  - C'est un très beau métier, mais il faut tenir compte de la pénibilité. La reconnaissance des missions des infirmières, la création de consultations infirmières, l'autorisation de prescrire des médicaments et la consécration d'un accès direct ne seront de réelles avancées que si des revalorisations les accompagnent.

Nous avons clarifié la pratique avancée et les spécialités. Reste la question du financement des formations des IPA : de nombreux hôpitaux souhaiteraient pouvoir former des infirmiers mais n'ont pas les moyens de les remplacer pendant leur formation...

Je me réjouis que la CMP ait refusé la suppression de l'article 1er quater A, introduit par le Sénat, qui confie un statut d'infirmier de spécialité aux infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Les enjeux de santé de la jeunesse, surtout de santé mentale, l'exigent.

Enfin, nous devons travailler sur les conditions d'études dans les Ifsi, alors que les abandons progressent, et pas seulement en première année : 7 % des étudiants abandonnent en deuxième année et 4 % en troisième année, signe d'un profond mal-être. Nous devons apporter des solutions. Mon groupe avait déposé un amendement pour sortir les Ifsi de Parcoursup. Monsieur le ministre, vous étiez favorable à travailler avec le Sénat sur le sujet, et le président Mouiller s'était engagé à élargir la mission Pass-LAS aux Ifsi. Nous souhaitons participer à ces travaux.

Cette proposition de loi crée beaucoup d'attentes. Le groupe CRCE-K la votera. Pour transformer l'essai, le Gouvernement devra tenir ses engagements en matière de revalorisation des rémunérations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

Mme Anne Souyris .  - Ces prochains jours, avec la vague de chaleur annoncée, nous allons suffoquer. L'objectif des accords de Paris de maintenir le réchauffement global à 1,5 degré d'ici à la fin du siècle n'est désormais plus atteignable : nous y serons dès la fin de la décennie ; localement, l'Hexagone s'est déjà réchauffé de 1,9 degré. L'avenir est sombre. Lors de la canicule de 2003, 15 000 personnes sont mortes ; en 2023, 5 000. Le changement climatique fragilise et embolise notre système de santé. Il est donc impératif de l'y préparer.

Je me réjouis qu'après le Ségur de la santé, nous reconnaissions enfin le rôle central de la profession infirmière, pilier de l'accès aux soins, de la prévention et de la santé environnementale, indispensable à la santé publique, à la santé scolaire, à la prévention de la perte d'autonomie, à la santé mentale - bref, à notre humanité.

Je salue le travail des auteurs et des rapporteurs. La CMP a préservé les principaux apports des débats, dont la reconnaissance de la spécialité infirmière du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, essentielle pour le repérage et la prévention.

Signalons aussi l'accès direct aux infirmiers dans le cadre d'un exercice coordonné.

Nous serons attentifs à l'application de la loi, notamment l'ouverture des discussions conventionnelles et la revalorisation des revenus ; au renforcement des moyens pour la santé mentale, avec notre proposition de créer une spécialité d'infirmier psychiatrique ; aux moyens ouverts pour prévenir les risques climatiques et environnementaux.

Le GEST votera le texte tout en restant vigilant.

M. Bernard Jomier .  - Ces évolutions étaient attendues. Avec 600 000 professionnels, les infirmiers sont un pilier de notre système de santé. Je salue leur travail et leur engagement. Mieux reconnaître la profession est crucial pour la pérennité du système - c'est à eux que je pensais en déposant la loi sur le nombre minimum de soignants par patient.

Les infirmiers jouent un rôle essentiel pour prendre en charge la perte d'autonomie et accompagner le vieillissement de la population, notamment en se rendant à domicile. Or les besoins en soins infirmiers progressent plus vite que les effectifs : nous risquons de manquer d'infirmiers. Il fallait donc réviser le cadre de la profession.

Ce texte lui reconnaît un domaine de compétences propres et cinq missions socles ; il consacre la recherche en sciences infirmières.

Notre groupe est satisfait de son évolution, et je salue le travail des rapporteurs.

Le texte inscrit dans la loi la consultation infirmière, ainsi que le diagnostic infirmier, qui existe dans les textes réglementaires depuis trente ans ; distinct du diagnostic médical, il est pratiqué depuis longtemps et bien délimité.

Nous sommes en revanche réservés sur l'expérimentation prévue à l'article 1erquater de l'accès direct aux infirmiers pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre. Il faut reconnaître les compétences des infirmiers, mais rester vigilants sur les compétences de chacun et ne pas désorganiser le parcours de soins.

Autre enjeu majeur, l'ouverture de l'exercice en pratique avancée pour les infirmières spécialisées, qui articule autonomie et maintien des conditions d'exercice et de formation.

Enfin, nous nous félicitons de la création d'une spécialité pour les infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, attendue depuis trente ans. L'exercice en milieu scolaire s'articule autour de la prévention et de l'éducation à la santé. La formation de niveau master renforce l'attractivité du métier. Nous nous réjouissons que la CMP ait suivi le Sénat.

Reste à traiter les chantiers de la rémunération et des conditions de travail. Le groupe SER votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Corinne Bourcier .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Ce texte est une étape déterminante pour nos 640 000 infirmiers. Il porte la reconnaissance de leurs compétences, leur savoir-faire, leur engagement. Demandé depuis vingt ans, il réorganise la profession comme maillon de la chaîne de l'accès aux soins et fluidifie le parcours de soins, alors que 6,7 millions de personnes n'ont pas de médecin traitant.

Sans remplacer le médecin traitant, les infirmiers pourront conduire des consultations et établir un diagnostic infirmier : cela sera reconnu et, surtout, rémunéré. Ils pourront prescrire des antalgiques de niveau 1, ainsi que d'autres produits et examens.

Le texte issu de la CMP préserve l'équilibre trouvé au Sénat. Il veille à ce que les missions des infirmiers s'exercent toujours en coordination avec le médecin traitant. Le diagnostic infirmier ne remplacera pas le diagnostic médical. L'intégralité du suivi infirmier sera versée au dossier médical partagé.

La pratique avancée est mieux reconnue : les IPA pourront exercer dans les services de PMI, de santé scolaire et d'ASE.

Nous saluons le maintien de l'amendement de Daniel Chasseing sur les infirmiers coordonnateurs en Ehpad.

Pour ma part, je me félicite de la suppression de la mesure imposant une remise à niveau après une interruption de carrière - c'était injuste.

Ce texte répond aux attentes de la profession et des patients et respecte le champ de compétences des différents professionnels.

Il faut désormais publier rapidement les décrets - et que les négociations conventionnelles soient à la hauteur des attentes, pour renforcer l'attractivité de la profession et adresser un message d'espoir.

Je remercie et félicite les auteurs du texte, ainsi que nos rapporteurs.

Mme Marie-Pierre Richer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, enrichi par le Sénat, marque une étape décisive dans la reconnaissance du métier d'infirmier. Il apporte des réponses concrètes pour fluidifier les parcours de soins.

Nous sommes satisfaits de retrouver les apports du Sénat, qui évitent d'opposer les professionnels de santé et apaisent les tensions. Je pense au rétablissement de l'avis de l'Académie nationale de médecine, ou au principe de coordination interprofessionnelle : les missions des infirmiers ont vocation à être toujours exercées en complémentarité avec les autres professions de santé, à commencer par les médecins.

Ce texte est attendu, notamment la consultation infirmière et le diagnostic infirmier. Nous soutenons l'expérimentation d'un accès direct dans le cadre d'un exercice coordonné.

La CMP a su rendre effective la reconnaissance du statut d'infirmier en Ehpad. Parmi nos apports, elle a conservé la reconnaissance d'une spécialité d'infirmier scolaire, le recentrage des domaines d'intervention en pratique avancée sur une approche populationnelle, les avancées sur le calcul des indemnités kilométriques. La reprise d'activité des infirmiers demeure conditionnée à une évaluation des compétences, mais qui n'est plus obligatoire.

Ces mesures doivent désormais se concrétiser. Le texte acte l'ouverture des négociations conventionnelles sur la rémunération.

Compte tenu de l'urgence, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour une parution rapide des décrets d'application. Notre groupe votera avec conviction en faveur du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur l'ensemble du texte.

À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°330 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341
Contre    0

La proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

La séance est suspendue quelques instants.

Projet parental et discriminations au travail

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.

Discussion générale

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap .  - Cette proposition de loi a été examinée il y a quelques semaines à l'Assemblée nationale. La question n'est pas marginale : 15 % des couples sont confrontés à l'infertilité et une naissance sur trente se fait dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Si les causes de l'infertilité sont réparties entre hommes et femmes, le traitement repose essentiellement sur celles-ci.

En moyenne, un parcours d'AMP dure sept ans, dont quatre ans de soins, plus la grossesse. Il peut donc avoir un impact sur la vie professionnelle des femmes et de leur conjoint.

L'annonce d'un projet de grossesse dans le cadre d'une AMP expose à des comportements discriminatoires, autant -  sinon plus  - que l'annonce d'une grossesse. La Défenseure des droits est régulièrement saisie de telles discriminations ; en 2020, une décision a donné lieu à transaction pénale. Les syndicats sont souvent interpellés par des salariées.

Notre arsenal de lutte contre les discriminations au sein du monde du travail est très complet. L'enjeu est de renforcer la prévention, l'identification et la sanction.

Avec la loi du 26 janvier 2016, le législateur a affirmé le droit à la non-discrimination, offrant aux femmes en parcours d'AMP une protection juridique identique à celle des femmes en état de grossesse. La même loi a prévu des autorisations d'absence en raison des actes médicaux, y compris pour les conjoints

Alors que le recours à l'AMP augmente et que la loi du 2 août 2021 l'a ouverte aux femmes seules et aux couples de femmes, il est opportun de renforcer, clarifier et préciser certaines dispositions du code du travail.

Les services du ministère ont beaucoup travaillé avec Prisca Thevenot pour consolider le dispositif initial.

L'article 1er fait bénéficier les femmes en parcours d'AMP des mêmes protections que les femmes enceintes, et leurs conjoints également.

À l'article 2, les autorisations d'absence permettront de mieux tenir compte de la réalité de la procédure, de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle. Souvent, la recherche de l'infertilité nécessite des actes médicaux concernant les hommes. La proposition de loi intègre également les entretiens obligatoires préalables à l'obtention d'un agrément dans le cadre d'une procédure d'adoption.

L'infertilité a des causes multiples. Il est important que le projet parental, qui est d'intérêt général, soit protégé, dans un contexte de crise démographique inédite.

Cette proposition de loi envoie un message aux salariés, qui ne font pas toujours valoir leurs droits, ainsi qu'aux employeurs : tout projet parental doit être protégé des discriminations. La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, et sans modification par votre commission. Je vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Annick Petrus, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 5 mai dernier, vise à mieux protéger les personnes engagées dans un parcours de procréation médicalement assistée (PMA) ou d'adoption contre les discriminations au travail. Ces parcours, déjà exigeants et parfois douloureux sur le plan personnel, ne doivent pas être alourdis par des obstacles professionnels.

Le principe de non-discrimination est un pilier du droit du travail. Il couvre un large éventail de critères : sexe, âge, handicap, religion, situation familiale, etc. Depuis 2016, les femmes engagées dans un parcours de PMA bénéficient d'un régime de protection renforcée, comparable à celui des salariées enceintes. Les rendez-vous médicaux donnent droit à des autorisations d'absence pour elles et leur partenaire.

Dans certains territoires ultramarins, les parcours d'adoption ou de PMA se heurtent à des contraintes géographiques ou administratives. Ce texte sécurisera toutes les familles, où qu'elles vivent.

L'article 1er étend la protection contre les discriminations, déjà applicable aux femmes engagées dans une PMA, à toutes les personnes engagées dans un projet parental. Le code du travail interdira tout refus d'embauche, licenciement ou mutation motivés par un tel projet. La charge de la preuve sera inversée.

L'inscription explicite dans la loi renforce la sécurité juridique des salariés et affirme une orientation politique : c'est symbolique et nécessaire.

Il ne s'agit pas de faire un procès aux employeurs, dont la grande majorité agit avec discernement, mais d'éviter les abus isolés.

L'article 2 étend le bénéfice des autorisations d'absence aux hommes en parcours de PMA, ainsi qu'à tout personne engagée dans une procédure d'adoption, pour mieux concilier engagement parental et contraintes professionnelles. Nombre d'entreprises ont déjà mis en place de telles mesures par la négociation collective, mais l'harmonisation légale garantit une équité de traitement sur tout le territoire.

Je vous invite à voter ce texte qui répond à une attente réelle et contribue à une société plus juste.

Mais cela ne doit pas nous dispenser d'une réflexion plus large. Depuis 2012, le code du travail a été modifié tous les deux ans en moyenne pour inclure de nouveaux motifs de discrimination. Sont-elles mieux combattues pour autant ? Une énumération trop longue risque d'entraîner des oublis ou des contradictions entre les différents codes ; ce texte n'y échappe pas, qui oublie le code de la fonction publique.

Gardons-nous de donner à penser que seules les discriminations énumérées par la loi seraient interdites. C'est bien tout traitement défavorable dans une situation comparable qui doit être sanctionné.

Ce texte est attendu. Je vous invite à le voter conforme, pour assurer une entrée en vigueur rapide. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Maryse Carrère .  - Vouloir un enfant ne devrait jamais être un frein à sa vie professionnelle. Ce principe inspire cette proposition de loi, qui concilie travail et projet parental.

Femmes et hommes engagés dans un parcours de PMA ou d'adoption sont confrontés à des difficultés, alors que ces parcours sont longs et exigeants, physiquement et émotionnellement. Ils exigent des absences, des traitements, et peuvent susciter incompréhensions et discriminations.

Cette proposition de loi vise à mieux protéger les salariés qui vivent ces situations. L'article 1er élargit les protections accordées aux femmes enceintes ou engagées dans un parcours de PMA. Il les étend aux hommes engagés dans un parcours de PMA ainsi qu'aux parcours d'adoption.

Le code du travail interdit déjà les discriminations fondées sur la situation familiale, le sexe ou l'état de santé. Mais l'extension à tous les salariés est symbolique et envoie un signal aux employeurs.

L'article 2 élargit le régime des autorisations d'absence et ouvre des droits pour les agents publics. C'est une mesure de bon sens. Les futurs parents pourront s'absenter pour se rendre aux rendez-vous, sans avoir à prendre un jour de congé ou à justifier leur absence. Toutefois, de nombreux salariés ignorent ce droit. Une bonne information est essentielle pour rendre le droit effectif.

Nul ne doit être pénalisé dans sa vie professionnelle pour avoir voulu devenir parent. Fonder une famille ne devrait jamais être un motif d'inquiétude. Le droit du travail ne doit pas rester figé, mais oeuvrer pour une société plus attentive et humaine. Le RDSE votera ce texte.

Mme Élisabeth Doineau .  - La loi peut-elle changer les comportements ? Voilà qui ferait un bon sujet pour le bac... Nous, nous y croyons.

Ce texte répond aux difficultés rencontrées par nos concitoyens lorsqu'ils s'engagent dans un parcours de PMA ou d'adoption.

Le recours à la PMA augmente en raison des changements de modèles familiaux et du recul de l'âge de la parentalité. Environ 158 000 tentatives de PMA ont été réalisées en 2022 et 2 072 agréments d'adoption ont été délivrés en 2021.

Nous devons apporter une réponse aux discriminations parfois subtiles que rencontrent ces personnes. Des protections contre les discriminations liées à la grossesse et à l'état de santé existent déjà, y compris en cas de recours à la PMA. Cependant, le projet parental n'est pas reconnu comme un motif autonome de discrimination. Cette proposition de loi corrige cette lacune, au nom de la justice. Aucun salarié ne doit avoir à choisir entre sa famille et sa carrière.

Je salue le travail d'Annick Petrus.

Cela a été dit, l'article 1er consacre une avancée importante. Nous adaptons la loi aux réalités contemporaines. Nous oeuvrons pour un cadre professionnel plus inclusif et plus respectueux de chacun.

L'article 2 permet aux conjoints et aux hommes engagés dans une PMA de bénéficier d'autorisations d'absence. Il ouvre également ce droit aux personnes souhaitant adopter. Salariés du privé et du public sont concernés. Il s'agit d'élargir les droits à l'ensemble des personnes engagées dans un parcours de parentalité, sans distinction de sexe ou de statut. Nous reconnaissons ainsi la diversité des modèles familiaux.

Ce texte est une avancée nécessaire, mais il ne réglera pas tout. Hier, une femme m'a écrit que son travail a été vidé de sa substance à son retour de maternité ! C'est illégal, et pourtant ces pratiques demeurent.

Comment rendre effectives les lois que nous votons ? C'est une invitation à une réflexion collective sur nos pratiques. Trop souvent, les propositions de loi que nous examinons manquent de vision et n'apportent qu'une réponse imparfaite à des situations précises.

Néanmoins, restons pragmatiques et votons certaines avancées. Personne ne devrait avoir à choisir entre son travail et sa vie de famille. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Silvana Silvani .  - En écho à l'appel du président Macron au réarmement démographique, ce texte s'attaque à un sujet sérieux, dans un contexte de baisse de la natalité.

Le nombre d'enfants désirés - plus de deux enfants par couple - se distingue de l'indice de fécondité, qui est de 1,62 enfant par femme. Cela témoigne des obstacles que rencontrent les couples pour concrétiser leur projet familial.

L'AMP et l'adoption sont des parcours longs et complexes, éprouvants, peu conciliables avec les exigences professionnelles. Ils entraînent des absences, des retards, une fatigue qui affectent la productivité du salarié.

Prisca Thevenot a donc souhaité ajouter la mention explicite du projet parental comme motif interdit de discrimination. En commission, l'auteure a réécrit son texte intégralement, car le code du travail prévoit déjà l'application de dispositions protectrices spécifiques pour les femmes enceintes ou engagées dans un parcours de PMA. La réécriture étend donc la protection aux conjoints ; ils bénéficieront ainsi des autorisations d'absence, permettant de les impliquer davantage dans la parentalité. Cela dit, la proposition de loi ne crée pas de droits nouveaux, la jurisprudence les ayant déjà reconnus. Symbolique, elle vise avant tout à faire évoluer les mentalités dans les entreprises. Or cette protection ne sera effective que si les capacités de contrôle de l'inspection du travail sont renforcées, ce qui ne semble pas à l'ordre du jour. C'est sans illusion que nous voterons ce texte.

Mme Raymonde Poncet Monge .  - Le texte étend aux hommes engagés dans une PMA et aux personnes qui adoptent les dispositions qui protègent les femmes enceintes ou engagées dans une PMA. Nous approuvons l'article 2 qui élargit les autorisations d'absence aux conjoints.

L'infertilité est autant féminine que masculine, mais ce sont les femmes qui en assument les conséquences.

La circulaire du 24 mars 2017 aligne déjà les droits des agents publics sur ceux des salariés du privé en matière d'autorisations d'absence ; nous leur donnons néanmoins une valeur législative. Selon la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), ces dispositions doivent être incluses dans le code général de la fonction publique.

Nous voterons cette proposition de loi, malgré l'absence de contentieux qui la rende nécessaire. Évitons les lois peu pertinentes et bavardes... Le texte a d'ailleurs été réécrit à la suite des auditions de la direction générale du travail (DGT), qui avait jugé inutile l'introduction d'un nouveau critère de discrimination. La cour d'appel de Douai a reconnu une discrimination liée à l'état de santé à une personne qui s'était vu reprocher ses absences en raison de son parcours de PMA. Ne multiplions pas les critères de discrimination inutilement.

L'air du temps est au réarmement démographique, certes, mais l'esprit de la loi doit être la protection de ceux qui ont un projet familial. Il s'agit de lutter contre le tabou du siècle, selon les mots du Président de la République, celui de l'infertilité masculine et féminine.

Mais parlons d'un autre tabou : les facteurs environnementaux qui sont les causes de cette infertilité - pollution atmosphérique, perturbateurs endocriniens, métaux lourds et pesticides. Nous vivons une régression environnementale et sanitaire : on autorise les pesticides, au mépris des alertes des autorités sanitaires, on supprime les zones à faibles émissions. Nous voterons cette proposition de loi.

Mme Laurence Rossignol .  - Quoi de nouveau dans cette proposition de loi ? Certains disent qu'elle n'est que symbolique, d'autres, qu'elle autorise les absences pour les conjoints ou conjointes. Notons les personnes en parcours de gestation pour autrui (GPA) ne sont pas incluses, car celle-ci est illicite dans notre pays : je le dis pour rappeler que nous sommes hostiles à l'exploitation reproductive du corps des femmes.

Comme souvent, faute de projet de loi, nous examinons une proposition de loi... Cela dit, nous voterons celle-ci, car nous, socialistes, sommes toujours favorables à la protection des droits des salariés.

Je rappelle aux députées qui, pleines d'initiative, défendent les droits des femmes au travail que la maternité est source d'inégalités sociales : la maternité nuit encore à 74 % des femmes au travail, et seules 54 % des femmes ouvrières qui ont un enfant travaillent, contre 74 % en moyenne. Plutôt que des mesures cosmétiques, instaurez des horaires adaptés, protégez les crèches, développez les modes de garde. Dans le Val-de-Marne, le département ferme des crèches dans de nombreuses communes.

Le Gouvernement a été saisi. Nous attendons qu'il soutienne les communes souhaitant aider les mères qui travaillent.

Plus de 40 % de femmes cadres indiquent avoir réduit leur temps de travail depuis leur maternité. Et intéressez-vous à la condition sociale des femmes ouvrières, absentes de ces nombreuses propositions de loi cosmétiques. Préoccupez-vous de l'accueil des jeunes enfants, des crèches, notamment dans le Val-de-Marne.

Nous voterons cette proposition de loi, bien sûr, mais serait-il possible de voter contre ?

Mme Corinne Bourcier .  - En principe, je ne suis pas favorable à l'extension de la liste des motifs de discrimination dans la loi. Toutes les discriminations doivent être combattues, partout. Les formulations du code du travail doivent être suffisamment larges pour couvrir un maximum de cas. Actuellement, le code du travail recense 25 motifs de discrimination.

Il existe cependant des cas particuliers qui demandent un traitement particulier. C'est le cas de la grossesse. Cela dit, certaines procédures - adoption et PMA - ne sont pas concernées ; d'où cette proposition de loi. Ces parcours du combattant nécessitent de nombreux rendez-vous ; la PMA finit par prendre toute la place dans la vie personnelle et professionnelle. Tous les rendez-vous médicaux ne peuvent pas être fixés en dehors du temps de travail. C'est pourquoi un régime d'autorisations d'absence existe. Or se rendre à ces rendez-vous laisse deviner de tels projets à l'employeur...

Nous soutenons donc ce texte, dont le véritable intérêt est qu'il étend aux hommes le bénéfice des autorisations d'absence, non plus seulement au titre de l'accompagnement de leur partenaire. Dans le cadre d'une procédure de PMA, les hommes peuvent aussi subir des examens. C'est une question d'équité entre les femmes et les hommes que de reconnaître ce motif d'absence aux hommes.

Les Indépendants soutiennent ce dispositif.

Nombre de femmes font encore face à des difficultés lorsqu'elles sont enceintes ou en congé maternité dans les entreprises : une mise en retrait dans les entreprises pour certaines, une crainte profonde de l'annoncer à l'employeur pour d'autres. Pourtant, la loi les protège ; il faut donc agir sur les mentalités et les pratiques.

Mme Marie-Pierre Richer .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de 3 millions de Français et Françaises sont touchés par l'infertilité ; un couple sur quatre ne parvient pas à concevoir au bout de douze mois selon l'Institut national d'études démographiques (Ined) et l'Inserm. C'est un sujet de santé publique majeur, qui a des conséquences aussi bien individuelles que collectives, économiques, sociales et démographiques.

L'infertilité touche autant les hommes que les femmes. L'âge est un facteur important. Je regrette le manque d'information sur ce point. L'horloge biologique réduit la possibilité d'avoir un enfant. C'est aussi le cas des perturbateurs endocriniens, du tabagisme, etc.

C'est pourquoi de nombreux couples recourent à la PMA et à l'adoption. Depuis la naissance d'Amandine en 1982, la PMA s'est largement développée au point que 10 à 15 % des couples y ont recours et qu'un bébé sur trente naît de la PMA. Ce sont des chemins de vie douloureux, puisque seules 20 % des PMA aboutissent à une grossesse. Les tentatives durent plusieurs années. Souvent, elles s'achèvent quand les prises en charge par la sécurité sociale sont épuisées, soit six inséminations et quatre fécondations in vitro (FIV).

La procédure de PMA est lourde, surtout pour la femme, qui subit des examens invasifs et des traitements hormonaux contraignants. Tout au long du parcours, des difficultés peuvent survenir, tandis que la femme doit concilier la fatigue avec sa vie professionnelle, souvent sans que son entourage soit au courant.

Le texte comporte peu de mesures, mais est une étape importante.

La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé garantit un certain nombre de droits aux femmes engagées dans un parcours de PMA : elles ne peuvent être ni licenciées ni mutées. En cas de litige, la charge de la preuve incombe à l'employeur.

Cette proposition de loi élargit aux conjoints les protections dont bénéficie leur compagne suivant un parcours de PMA et aux parents engagés dans un parcours d'adoption ; ces projets parentaux sont ponctués de nombreuses démarches médicales et administratives. Ces avancées consacrent une approche véritablement égalitaire de la parentalité.

Un homme pourra bénéficier des mêmes absences rémunérées, et il pourra être accompagné de sa partenaire. De même pour les rendez-vous liés à l'adoption. Et les agents publics bénéficieront des mêmes protections que les salariés du privé.

Par peur d'évoquer un tabou, de nombreux couples choisissent le silence. Ce texte vise à libérer la parole, au-delà de sa portée juridique.

Je salue le travail d'Annick Petrus. L'Assemblée nationale a adopté ce texte à l'unanimité. J'espère qu'il en sera de même au Sénat. Notre groupe soutient ce texte, qui s'inscrit dans notre vision d'une société plus humaine et plus juste. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Dominique Théophile .  - Je salue le travail de Mme Prisca Thevenot, dont le texte répond à une réalité sociale invisibilisée.

Les schémas familiaux traditionnels sont bouleversés. C'est un défi pour les politiques familiales. Il n'y a plus de modèle familial, mais une pluralité de modèles, selon chaque famille. Xavier Iacovelli a d'ailleurs lancé une large réflexion sur la politique familiale, qui ne tient pas assez compte de ces nouvelles réalités démographiques. En 1973, la France enregistrait 888 000 naissances contre 663 000 en 2024, soit une baisse de 25 %. Le Président de la République a raison d'évoquer la nécessité d'un réarmement démographique. Il faut agir. Ce texte s'inscrit dans cette logique.

Derrière la baisse démographique, il y a l'infertilité. En 2022, il y a eu 158 000 tentatives d'AMP, aboutissant à 28 000 naissances. Un enfant sur trente en France est issu d'un couple engagé dans un parcours d'assistance médicale à la procréation.

L'article 1er inscrit l'interdiction de toute discrimination fondée sur de tels projets parentaux. Ce geste législatif, symbolique, envoie un signal fort aux employeurs.

L'article 2 étend le bénéfice des autorisations d'absence aux conjoints. Cela va dans le sens du partage des tâches et des responsabilités parentales. Il reste encore des zones grises : quelques jours d'absence autorisés, et c'est une promotion qui s'éloigne.

C'est un enjeu d'émancipation. Il est inacceptable que le choix de devenir parent soit un frein à l'avenir professionnel. Il ne faut pas que ceux qui s'engagent dans ces parcours difficiles soient exposés à une double peine. Votons ce texte.

Discussion des articles

L'article 1er est adopté de même que l'article 2.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Prochaine séance, lundi 23 juin 2025 à 16 heures.

La séance est levée à 19 h 05.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du lundi 23 juin 2025

Séance publique

À 16 heures et le soir

Présidence : Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Loïc Hervé, vice-président

Secrétaires : M. Bernard Buis, M. Fabien Genet

1Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname (procédure accélérée) (texte de la commission, n°751, 2024-2025)

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre sur la coopération lors des opérations d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise (procédure accélérée) (texte de la commission, n°728, 2024-2025)

=> Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 28 mai 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Brésil (procédure accélérée) (texte de la commission, n°753, 2024-2025)

2Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 (n°718, 2024-2025)

3Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024 (n°729, 2024-2025)