Rapport n° 552 (2017-2018) de M. François-Noël BUFFET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018

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N° 552

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juin 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , pour une immigration maîtrisée , un droit d' asile effectif et une intégration réussie ,

Par M. François-Noël BUFFET,

Sénateur

Tome 1 : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

714 , 815 , 821 , 857 et T.A. 112

Sénat :

464 , 527 et 553 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, le 30 mai 2018 1 ( * ) , la commission des lois, réunie le mercredi 6 juin 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas , a examiné le rapport de M. François-Noël Buffet, rapporteur , et établi son texte sur le projet de loi n° 464 (2017-2018), adopté le 22 avril 2018 par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d' asile effectif et une intégration réussie.

Le rapporteur a observé que la pression migratoire tend à se stabiliser chez nos voisins européens après le pic de l'année 2015, au cours de laquelle un peu plus d'un million de personnes sont arrivées en Europe par la voie maritime en Méditerranée, mais que la France reste fortement exposée par sa situation géographique aux flux secondaires ou de « rebond » internes à l'Union européenne : la demande d'asile reste ainsi à la hausse (100 412 demandes en 2017, soit + 17,1 % par rapport à 2016), tout comme la délivrance de premiers titres de séjour (+ 13,7 %).

Il a souligné que cette spécificité provoque une sollicitation inédite de nos infrastructures d'accueil et des dispositifs d'éloignement :

- les dispositifs d' hébergement sont au bord de l'embolie, seuls 60 % des demandeurs d'asile étant accueillis dans des structures dédiées ;

- les délais d'examen des demandes d' asile demeurent excessifs. Si la situation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) s'est nettement améliorée (+ 28 % de décisions rendues par rapport à 2016 grâce aux 250 postes créés), celle de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est plus préoccupante (+ 34 % de recours et + 29 % d'affaires en attente entre 2016 et 2017) ; en outre il faut aujourd'hui environ 11 jours pour enregistrer sa demande d'asile en préfecture ;

- nos dispositifs d' éloignement sont sur-sollicités , sous-financés, pour un résultat dérisoire , la proportion d'éloignements forcés exécutés par rapport à ceux prononcés oscillant entre 10 et 15 %.

Pour le rapporteur, le projet de loi transmis au Sénat , vingt-neuvième texte relatif à l'immigration soumis au Parlement depuis 1980 (soit une réforme tous les seize mois ), n'est pas à la hauteur des enjeux migratoires auxquels la France est confrontée :

- les mesures relatives à l' asile (titre I er ) se résument à une longue succession d'ajustements techniques ( titres de séjour pluriannuels , réunification familiale ) et procéduraux (réduction de 120 à 90 jours du délai d'enregistrement de la demande d'asile avant tardiveté, réduction de 30 à 15 jours du délai de recours devant la CNDA) ;

- les dispositions relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière (titre II) proposent quelques adaptations bienvenues ( vidéo - audiences , durcissement des assignations à résidence) au prix de nombreuses autres complexifications (nouveau séquençage de la rétention augmentée de 45 à 90 jours ) ;

- réduit au minimum, le volet « intégration » (titre III) se résume à de l'affichage et dépendra en fait du sort que le Gouvernement réservera, loin du Parlement, aux conclusions du rapport d'un député en mission.

Sur la méthode , le rapporteur a jugé regrettable de lancer une nouvelle réforme alors même que les deux précédentes datent de 2015 et de 2016 et n'ont pas encore été sérieusement évaluées. Il a également observé que l'ensemble des textes de l' Union européenne régissant l'asile allait être complètement revu, et qu'il faudrait donc bientôt tout réformer à nouveau.

Sur le fond , il a déploré que certains grands sujets ne soient pas traités : enjeux ultramarins (crise à Mayotte) , européens (participation de la France aux mécanismes de solidarité européenne) et internationaux (obtention de laissez-passer consulaires), situation des mineurs étrangers , formation linguistique, aide médicale d'État...

La commission des lois du Sénat a donc souhaité élaborer un contre-projet plus cohérent, plus ferme et plus réaliste. Elle a substantiellement réécrit le projet de loi initial en adoptant 115 amendements , dont 73 de son rapporteur et 7 présentés par M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la culture, tendant à :

- renforcer les peines complémentaires d'interdiction du territoire ; les étrangers en situation irrégulière qui commettent un crime ou un délit passible de cinq ans d'emprisonnement seraient contraints de quitter la France, comme le Président de la République l'avait promis le 15 octobre dernier ;

- réduire le nombre de visas accordés aux pays les moins coopératifs refusant de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l'éloignement de leurs ressortissants en situation irrégulière ;

- réintroduire la visite médicale des étudiants étrangers, afin de répondre à un grave enjeu de santé publique ;

- réorganiser la durée de la rétention administrative , interdire le placement en rétention des mineurs isolés et encadrer rigoureusement celui des mineurs accompagnant leur famille.

La réduction de trente à quinze jours du délai de recours devant le Cour nationale du droit d'asile (CNDA), prévue par le Gouvernement mais attentatoire aux droits des demandeurs d'asile et inefficace pour lutter contre l'immigration irrégulière, a été supprimée. À l'inverse, il a été prévu que la décision de rejet définitive de la demande d'asile vaudrait désormais obligation de quitter le territoire français (OQTF), ce qui permettrait de rendre plus effectif l'éloignement des déboutés.

En outre, un effort particulier a été consenti en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière avec un investissement renforcé dans les cours de français et l'appui de Pôle emploi pour améliorer les dispositifs d'insertion sur le marché de l'emploi.

Enfin, la commission des lois a souhaité soutenir et accompagner les collectivités territoriales , avec l'insertion des places d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux de la loi « SRU » et la création d'un fichier national biométrique des étrangers déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Alors que la France fait face aux conséquences de la crise européenne des réfugiés, et malgré le rétablissement de nos frontières terrestres au sein de l'espace Schengen, la pression migratoire reste toujours soutenue et sollicite fortement nos infrastructures d'accueil et nos dispositifs de lutte contre l'immigration irrégulière.

Votre commission est appelée à se prononcer sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie n° 464 (2017-2018), adopté par l'Assemblée nationale le 22 avril 2018 après engagement de la procédure accélérée.

Il s'agira ainsi du 29 e texte relatif à l'immigration soumis au Parlement depuis 1980, ce qui correspond peu ou prou à une réforme tous les seize mois ! Ce n'est hélas pas ce projet de loi qui stabilisera durablement l'état de notre droit, dans une matière d'une complexité juridique extrême et qui aurait pourtant besoin de simplification et de clarté.

En effet, derrière l'objectif louable mais limité de réduire la durée d'examen des demandes d'asile et de renforcer l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, le texte transmis au Sénat ne propose pas de réelle solution : il accumule une succession de mesures techniques peu décisives et une panoplie de modifications de délais de recours ou de jugement. N'en doutons pas, ces ajustement marginaux viendront encore complexifier les procédures byzantines du droit des étrangers, qui épuisent et découragent les personnes chargées de les appliquer sur le terrain.

Sans vision politique d'ensemble, le projet de loi proposé par le Gouvernement a été peu modifié par les députés, si ce n'est pour donner des gages politiques par l'adoption de dispositions d'affichage et l'inclusion de généreuses pétitions de principe, essentiellement cosmétiques, de niveau réglementaire ou non normatives. Réduit au minimum, le volet « intégration » n'est pas sérieusement traité dans le présent texte mais dépendra du sort que le Gouvernement réservera, loin du Parlement, aux conclusions du rapport d'un député en mission...

Ce texte évite surtout les problèmes les plus criants : la nécessaire coordination européenne et internationale, le sort des mineurs étrangers non accompagnés, dont la prise en charge pose tant de difficultés à nos départements, la panne de l'intégration et de l'assimilation...

Au surplus, les mesures égrenées par le projet de loi ne sont pas financées, le Gouvernement n'ayant ni évalué ni sérieusement prévu les conséquences budgétaires de ses propres propositions de réforme : création de nouvelles places de rétention, rénovation et équipement des centres actuels, multiplication des audiences de juge des libertés et de la détention, nouvelle mission d'orientation professionnelle pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration, extension des bénéficiaires de l'aide au retour... rien de tout cela n'est clairement budgété à ce jour.

Regrettant une occasion manquée, révélatrice d'une absence de ligne politique claire en matière d'asile et d'immigration, votre commission s'est attachée en conséquence à proposer un contre-projet cohérent qui assume des choix structurants pour une politique migratoire efficace.

I. UN PROJET DE LOI QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX MIGRATOIRES AUXQUELS LA FRANCE EST CONFRONTÉE

A. LA FRANCE FACE AU CONTRE-CHOC DE LA CRISE MIGRATOIRE EUROPÉENNE : UNE SOLLICITATION TOUJOURS FORTE DE NOS STRUCTURES D'ACCUEIL ET DE NOS DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

1. Les récents mouvements de migrations vers l'Europe : des flux qui se réorganisent et un avenir incertain

Dans un contexte global de hausse des migrations internationales, l'Europe a connu de façon conjoncturelle depuis 2015 une vague d'arrivées sur son territoire d'une ampleur inédite depuis la seconde guerre mondiale et le conflit en ex-Yougoslavie .

Au conflit en Syrie, première cause de l'afflux de réfugiés depuis son déclenchement en 2011, se sont ajoutées les répercussions des longues crises en Irak et en Afghanistan, tandis que la détérioration de la situation politique et économique de plusieurs pays de la Corne de l'Afrique et de l'Afrique de l'Est (Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Érythrée) - qui connaissent des violences, une forte pauvreté, de l'insécurité alimentaire et des phénomènes climatiques de sécheresse - est aussi à l'origine d'importantes migrations.

Le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) évalue ainsi à un peu plus d'un million le nombre de personnes arrivées en Europe par la voie maritime en Méditerranée en 2015, avec une accélération très importante au deuxième semestre 2015 et un pic de plus de 200 000 personnes au mois d'octobre 2 ( * ) .

Situation en Méditerranée : Nombre d'arrivées mensuelles de réfugiés entre janvier 2015 et mai 2018

Source : Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR).

Depuis l'année 2016, la pression migratoire s'est atténuée aux portes de l'Europe , grâce notamment au triplement des moyens des opérations coordonnées par Frontex en Méditerranée (« Triton » en Italie et « Poséidon » en Grèce), à l'entrée en vigueur de l'accord résultant de la « déclaration UE - Turquie » du 18 mars 2016, à la mise en place de « hotspots » et aux programmes temporaires de relocalisations destinés à soulager l'Italie et la Grèce 3 ( * ) .

Comme le relève l'étude d'impact du projet de loi, entre 2015 et 2017, le nombre de migrants accédant au continent européen par la Méditerranée a été diminué d'un facteur 5 , passant de près d'un million à environ 180 000 personnes.

La demande de protection internationale suit, à l'échelle de l'Europe, une baisse comparable à ces flux, et s'établit en 2017 à 706 913 demandes d'asile 4 ( * ) , soit une diminution de - 43 % par rapport à 2016 , niveau légèrement supérieur au nombre de demandes déposées en 2014.

Nombre annuel de demandeurs d'asile, UE 28 (+ Norvège et Suisse)

Sources : commission des lois du Sénat d'après Eurostat.

Ces évolutions numériques s'accompagnent aussi d'une reconfiguration géographique des principales routes de migration vers l'Europe.

Comme l'ont confirmé à votre rapporteur les services de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), la répartition géographique des principaux flux d'entrée en Europe n'est absolument pas figée ; elle évolue non seulement en fonction des situations de crise que connaissent les pays source, des saisons et du climat, mais aussi très rapidement en fonction du contexte normatif des pays européens d'accueil ou de transit.

Tels qu'ils peuvent être estimés à travers les chiffres de franchissements irréguliers constatés par Frontex, les flux en Méditerranée centrale (Italie, via la Libye ou la Tunisie depuis l'est et le centre de l'Afrique) ont connu une baisse notable (- 32 % entre 2016 et 2017) comme ceux en Méditerranée orientale (Grèce, via la Turquie, depuis la Syrie notamment ; - 79 % entre 2016 et 2017).

En revanche, le flux par la Méditerranée occidentale (Espagne via le Maroc et le Maghreb depuis les pays d'Afrique subsaharienne francophone) est en nette augmentation (on constate un doublement entre 2016 et 2017). Il s'agit d'une immigration par voie maritime (détroit de Gibraltar) et terrestre (enclaves de Ceuta et Melilla) en transit, principalement, par le Maroc et l'Algérie.

Carte de répartition par pays des arrivées par mer de réfugiés sur la zone méditerranéenne (1 er janvier - 25 mai 2018)

Source : HCR.

Mais désormais, alors que le nombre d'arrivées de migrants diminue en Europe et que le celui des demandes d'asile suit cette même tendance globale, ils se maintiennent tous deux à un niveau soutenu en France .

2. Une pression migratoire toujours soutenue en France
a) Spécificité de la France en Europe

Si la crise migratoire n'a pas touché directement la France et si notre pays avait été moins affecté par l'afflux de demandeurs d'asile que d'autres pays européens comme l'Allemagne entre 2015 et 2016, elle se caractérise désormais par l'arrivée, avec un certain décalage, d' importants mouvements secondaires ou « flux de rebond » en provenance d'autres États membres de l'Union européenne : soit des étrangers en transit vers d'autres pays
- Royaume-Uni notamment - soit des personnes cherchant à s'installer ou à demander asile sur notre territoire (parfois après l'avoir déjà fait ailleurs, en raison des défaillances du système européen d'asile régi par le règlement dit « Dublin III » 5 ( * ) ).

Fortement exposée par sa situation géographique aux flux secondaires internes à l'Union européenne, la France connaît ainsi une demande d'asile qui demeure à la hausse alors même qu'elle tend à se stabiliser désormais chez plusieurs de nos voisins .

Les demandes d'asile en France ont continué d'augmenter en 2017, et de manière encore plus marquée qu'en 2016 : après une hausse déjà importante de + 7,1 % entre 2015 et 2016, le nombre de demandeurs d'asile a atteint 100 412 , soit une augmentation de + 17,1 % entre 2016 et 2017 .

L' attribution de la protection , directement par l'OFPRA ou après recours devant la CNDA, connaît une augmentation encore plus marquée ( +20,8 % entre 2016 et 2017 ).

Demandes d'asile et attribution de l'asile en France (entre 2016 et 2017)

Source : Direction générale des étrangers en France (DGEF).

Sources : commission des lois du Sénat, OFPRA.

En dehors de l'accès au territoire par le biais de l'asile, la délivrance de premiers titres de séjour a connu une hausse ininterrompue depuis 2012, et particulièrement forte entre 2016 et 2017 (+ 13,7 %). Cette évolution est notamment due au dynamisme des délivrances de titres de séjour étudiants (+ 19,6 %) et, surtout, à titre humanitaire (+ 35 %).

Nombre de premiers titres de séjour délivrés (métropole, pays tiers)

Source : DGEF.

Évolution 2012-2017 du nombre de premiers titres de séjour délivrés (métropole, pays tiers)

Source : DGEF.

b) Une sollicitation inédite de nos infrastructures d'accueil et des dispositifs d'éloignement

Face à cette pression migratoire, nos structures d'accueil et dispositifs d'éloignement sont sous forte tension, certains sont proches de l'embolie .

Seuls 60 % des demandeurs d'asile sont accueillis dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les structures d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) .

Les autres sont orientés vers l'hébergement d'urgence de « droit commun », destiné aux personnes sans abri ou en détresse, ou vers des structures hôtelières, incapables de répondre à leurs besoins (accompagnement administratif, etc .).

Parallèlement, les demandes d'asile se concentrent dans quatre régions métropolitaines (Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France et Grand-Est), ce qui aggrave l'engorgement de leurs centres d'hébergement et favorise le développement de campements insalubres. Depuis trois ans, trente-cinq camps ont été démantelés à Paris, illustrant ainsi l'échec de notre politique d'hébergement .

Au fil de la crise migratoire, les dispositifs de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile se sont empilés. AT-SA, HUDA déconcentré, PRAHDA, CAO, CAES... autant de sigles technocratiques qui illustrent le manque de cohérence et de lisibilité de nos dispositifs .

En matière d'intégration, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est débordé par ses nouvelles missions en matière d'asile (pilotage de l'hébergement, gestion de l'allocation pour demandeurs d'asile, avis sur la procédure des « étrangers malades », etc ). Près d'un tiers des effectifs de l'OFII sont consacrés au droit d'asile, ce qui semble fragiliser sa fonction historique d'intégration des étrangers primo-arrivants .

S'agissant des délais d'examen des demandes d'asile , ils demeurent excessifs et ne parviennent pas à contenir une demande étrangère à un besoin de protection, de l'aveu même de l'étude d'impact du projet de loi.

En effet, les objectifs de délai de traitement fixés à l'occasion de la récente loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et les recrutements opérés tant à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) 6 ( * ) , qu'à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) 7 ( * ) , sont encore loin d'être atteints.

D'après le dernier avis budgétaire de votre rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2018, les écarts entre les cibles fixées en 2015 et celles atteintes en 2017 étaient considérables, comme en témoigne le tableau ci-dessous. Presque 15 mois de délai de traitement global entre l'OFPRA et la CNDA en procédure normale au lieu de 8 mois (240 jours), et 7,6 mois en procédure accélérée alors que le délai cible était d'à peine 1,7 mois.

Délais moyens de traitement des demandes d'asile

Procédure normale

Procédure accélérée

En nombre
de jours

Estimation en nombre de mois

En nombre
de jours

Estimation en nombre de mois

Délai cible
(fixé en 2015)

240

8

50

1,7

Délai réalisé (2017)

449

15,0

228

7,6

Différentiel

+ 209

+ 7,0

+ 178

+ 5,9

Sources : commission des lois du Sénat, avis budgétaire asile immigration PLF 2018.

Dans le détail, la situation de l'OFPRA s'est pourtant nettement améliorée : le délai de traitement est désormais proche de 3 mois , ce qui était l'objectif fixé en 2015 pour la procédure normale, et une politique active de résorption du stock des demandes en instance de traitement a été menée. Si le stock total de ces affaires est toujours élevé (30 296 demandes), il est en baisse de 14 % par rapport à 2016, et il s'agit d'un stock plutôt jeune (la proportion de demandes datant de plus de 3 mois ne représente que moins de la moitié de ce volume). L'OFPRA s'est d'ailleurs fixé pour objectif la résorption complète de ce stock de dossiers en instance d'ici la fin de l'année 2018. Ces ambitions sont crédibles si l'OFPRA maintient un niveau d'activité équivalent à celui de 2017, avec un nombre de décisions rendues en augmentation de 28 % par rapport à 2016.

Votre rapporteur constate que ces améliorations résultent à la fois d'une augmentation sans précédent des effectifs de l'OFPRA au cours de ces dernières années (+ 250 postes créés entre 2016 et 2018), mais également d'un travail structurel de réorganisation de l'Office.

La situation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est plus préoccupante : le nombre de recours a augmenté de près de 34 % entre 2016 et 2017 (53 581 recours), résultant en grande partie de l'augmentation du nombre de décisions rendues par l'OFPRA, puisque environ 80 % des décisions de rejets font l'objet d'un recours. Dans ce contexte, la CNDA peine à faire face à ce flux d'entrée extrêmement dynamique, et ne parvient pas à rendre suffisamment de décisions, avec pour conséquence un accroissement de 29 % entre 2016 et 2017 du stock d'affaires en attente d'être jugées (25 511 pour l'année 2017).

En outre, les délais d'examen de l'OFPRA et de la CNDA ne rendent compte que très partiellement du délai réel de traitement d'une demande d'asile. S'y ajoutent les délais antérieurs à l'OFPRA, tel celui du dépôt de la demande en plateforme d'accueil des demandeurs d'asile (PADA) et de l'enregistrement en préfecture. S'y ajoutent aussi les délais postérieurs à la décision juridictionnelle de la CNDA, s'agissant de sa transmission à la préfecture aux fins de notification d'une obligation de quitter le territoire pour le demandeur déboutés du droit d'asile et, enfin, l'exécution de cette mesure d'éloignement.

À cet égard, les critiques sont nombreuses s'agissant de l'enregistrement des demandes d'asile en préfecture . Les acteurs sont multiples : les demandeurs d'asile doivent s'adresser à une plateforme gérée par des associations (la PADA) pour prendre rendez-vous à la préfecture, où leur demande d'asile est officiellement enregistrée (au GUDA, le guichet unique des demandeurs d'asile). Toute demande doit être enregistrée, dès lors que la préfecture en a connaissance, dans un délai de 3 jours ou 10 jours en cas d'afflux massif, conformément au droit de l'Union européenne.

Or ces délais ne sont absolument pas respectés : le ministère de l'intérieur indique un délai moyen de traitement de 11 jours, et avance pouvoir atteindre l'objectif de 3 jours d'ici fin 2018, ce qui semble hautement improbable eu égard au delta à rattraper...D'autant plus que les associations gestionnaires des PADA mettent en évidence un autre délai « caché », celui de l'obtention du rendez-vous à la préfecture lui-même (un mois, voire trois mois dans certaines régions), en raison de l'insuffisance des moyens. De facto , ce système conduit à saturer les structures de premier accueil (les PADA), et à créer une file d'attente de demandeurs d'asile embolisant l'ensemble du système.

Enfin, le plus grand flou règne sur le délai dans lequel les déboutés du droit d'asile sont effectivement éloignés, étant précisé que seulement entre 4 et 5 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées sont réellement exécutées. Votre rapporteur n'a, d'ailleurs, pas pu obtenir un quelconque chiffre sur le sujet auprès du Gouvernement, témoignant sans doute du manque de suivi des déboutés dénoncé depuis de nombreux rapports, tout comme de la réticence à communiquer des informations sur le sujet...

La sur-sollicitation de nos dispositifs d'éloignement fait pendant au sous-financement chronique de nos moyens de lutte contre l'immigration irrégulière : Le taux d'occupation des centres de rétention administrative a très fortement progressé depuis un an, particulièrement depuis l'attaque commise à Marseille, gare Saint-Charles, par un étranger en situation irrégulière et les instructions d'extrême fermeté diffusées par le ministre de l'intérieur 8 ( * ) ; il s'établit désormais à 81 % sur les quatre premiers mois de 2018, contre à peine 55 % en 2017, et s'accompagne d'une gestion des escortes à flux tendu pour trouver des places disponibles et transférer les retenus vers les centres les moins saturés, parfois à travers la France.

Taux d'occupation moyen et durée moyenne de la rétention dans les centres de rétention administrative

2016

2017

2018 (4 mois) mois 2018

Taux d'occupation moyen

Métropole

46 %

55 %

81 %

Outre-mer

25 %

22 %

33 %

Durée moyenne de la rétention (en jours)

Métropole

12

12

14,5

Outre-mer

1

1

1,6

Source : DCPAF.

Votre rapporteur rappelle, comme il l'avait fait dans son avis budgétaire, que cette hausse d'activité doit être mise en regard de l'insuffisance chronique des moyens alloués à la rétention et de la baisse de 7 % en 2018 des crédits dédiés à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

B. LE PROJET DE LOI TRANSMIS : UN ENSEMBLE DE MESURES DISPARATES

1. Les mesures relatives à l'asile (titre Ier) : une longue succession d'ajustements techniques et procéduraux

Le chapitre I er concerne les titres de séjour accordés aux bénéficiaires de la protection internationale (réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire, apatrides et membres de leur famille).

Il crée de nouveaux titres de séjour pluriannuels pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides ( article 1 er ), facilite les conditions de délivrance des cartes de résident aux bénéficiaires d'une protection internationale et aux membres de leur famille ( article 2 ), étend la réunification familiale engagée par un mineur étranger non marié à ses frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs et prévoit de mieux protéger les mineurs étrangers contre les risques de mutilation sexuelle ( article 3 ).

Le chapitre II traite des conditions d'octroi de l'asile ainsi que des procédures devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et, devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), compétente pour examiner les recours contre les décisions de l'OFPRA (articles 5, 6 et 7). Il précise les possibilités de refus ou de retrait du statut de réfugié en cas de condamnation pénale, complète les cas de communication d'informations par l'autorité judiciaire à l'OFPRA et la CNDA, et permet de procéder à des enquêtes administratives ( article 4 ).

Il précise la définition de la liste des pays d'origine sûrs 9 ( * ) et entend accélérer la procédure devant l'OFPRA en réduisant de 120 à 90 jours - 60 jours en Guyane - le délai après lequel une demande d'asile devient tardive (article 38) et en simplifiant la notification des décisions ( article 5 ). Dans le même but, s'agissant de la procédure devant la CNDA, il vise à réduire le délai de recours de 30 à 15 jours , à faciliter la tenue de vidéo-audiences, étendre les cas où la Cour se prononce en formation de juge unique ( article 6 ) et faciliter le recrutement de certains magistrats ( article 6 bis ).

Le chapitre III porte sur la procédure d'examen de la demande d'asile.

Pour faciliter l'interprétariat, il fait obligation aux demandeurs d'asile de choisir la langue dans laquelle ils seront entendus dans la suite de la procédure dès le stade de l'enregistrement de la demande et permet qu'une demande présentée par des parents d'enfants mineurs soit regardée comme demandée conjointement pour ces derniers ( article 7 ).

Il rétablit un délai de 15 jours (au lieu de 7) pour les recours contre les décisions de transfert vers un autre État européen au titre du règlement « Dublin III » ( article 7 bis ).

Il introduit des exceptions au droit au maintien sur le territoire national en cas de rejet d'une demande d'asile par l'OFPRA (demandeurs ressortissants de pays d'origine sûrs, dont la demande de réexamen aura été rejetée, ou présentant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État), et prévoit en conséquence la possibilité de saisir le juge administratif de droit commun, à l'occasion du recours formé contre une mesure d'éloignement, afin d'obtenir la suspension de son exécution pendant le délai de recours ou le temps que la CNDA se prononce au fond si elle est saisie ( article 8 ).

Il vise également à réformer les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile , en rendant plus directifs les dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile pour éviter des déséquilibres entre les régions françaises, en favorisant l' échange d'informations sur les personnes accueillies en hébergement d'urgence, en précisant les modalités de cessation des conditions matérielles d'accueil ( article 9 ). Il vise enfin à faciliter l'accès des réfugiés à certains droits avant même qu'il soit procédé à la reconstitution de leur état civil par l'OFPRA ( article 9 bis ).

2. Les mesures relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière (titre II) : quelques adaptations de bon sens au prix de nombreuses autres complexifications

Le chapitre I er du titre II tend à préciser le régime des procédures de non-admission afin, notamment, de les adapter au rétablissement des frontières terrestres de la France au sein de l'espace Schengen.

Il entend sécuriser juridiquement la pratique actuelle, en supprimant le bénéfice d'un jour franc accordé, pour préparer son départ, à l'étranger non-admis à une frontière terrestre et qui n'est pas maintenu en zone d'attente ( article 10 A ). Il vise également à préciser le périmètre au voisinage de la frontière terrestre dans lequel un étranger peut faire l'objet d'une telle procédure de non-admission sur le territoire - procédure sanctionnant une tentative d'entrée irrégulière sur le territoire - plutôt que d'une obligation de quitter le territoire français - procédure sanctionnant un séjour irrégulier sur le territoire ( article 10 B ).

Il tend enfin à introduire plus de souplesse dans les procédures contentieuses relatives aux non-admissions, en généralisant le recours à la vidéo-audience, désormais possible sans l'accord de la personne concernée, et en autorisant le rejet des déclarations d'appel manifestement irrecevables selon une procédure simplifiée par ordonnance ( article 10 ).

Le chapitre II entend modifier le régime de certaines mesures d'éloignement et d'interdiction du territoire afin de renforcer leur efficacité. Il tire les conséquences du fait que les demandes d'asile et de titre de séjour doivent désormais être présentées parallèlement et prévoit qu'un rejet donne lieu au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ; il étend également les cas d'OQTF sans délai de départ volontaire pour les aligner sur la jurisprudence européenne et systématise le prononcé des mesures d'interdiction de retour sur le territoire français ( article 11 ).

Il vise à augmenter de 72 à 96 heures le délai de jugement dont le juge administratif dispose, pour mieux articuler son intervention avec celle du juge des libertés et de la détention (JLD) quand il se prononce sur le cas d'étrangers assignés à résidence ou retenus, et à faciliter la tenue d'audiences par vidéo-audience ( article 12 ).

Il permet à un étranger, même placé en rétention, de solliciter une aide au retour ( article 13 ) et prévoit le renforcement du régime juridique de l'assignation à résidence, en contraignant l'étranger qui fait l'objet d'une OQTF à résider dans un lieu qui lui est désigné pendant le délai de départ volontaire ( article 14 ).

Le chapitre III entend également renforcer l'effectivité des procédures d'éloignement en modifiant le séquençage et en allongeant à 90 jours la durée maximale de la rétention administrative ( article 16 ), en permettant de désigner à l'étranger faisant l'objet d'une assignation à résidence « longue durée » une plage horaire durant laquelle il doit rester à son domicile, obligation renforcée en cas de menace à l'ordre public ( article 17 ), et en prévoyant que la présentation d'une demande d'asile n'exclut pas l'assignation à résidence d'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement prononcée pour des motifs de menace grave à l'ordre public ( article 18 ).

Il réaffirme certaines garanties en faveur des retenus, comme l'accessibilité des lieux de rétention ( article 16 bis ), ou les droits des personnes maintenues à la disposition de la justice ( article 17 bis ), et réduit la durée de validité de l'ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence ( article 17 ter ), revenant ainsi sur certaines dispositions adoptées il y a quelques mois à l'initiative du Sénat dans la loi permettant une bonne application du régime d'asile européen.

Le chapitre IV est relatif aux modalités de contrôle et de sanctions . Il tend à renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude documentaire ainsi que celle de la procédure de retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour ( article 19 ). Il sécurise les sanctions pénales applicables aux étrangers qui méconnaissent une mesure d'éloignement ( article 19 bis A ), élargit et durcit le régime de la sanction pénale d'interdiction judiciaire du territoire ( article 19 bis ) mais assouplit le délit d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier ( article 19 ter ).

3. Les mesures relatives à l'intégration (titre III) : beaucoup de dispositions de simple affichage

Le titre III comprend essentiellement des mesures techniques concernant l'intégration.

Il réforme tout d'abord les dispositifs visant à attirer en France des étrangers à fort potentiel , trois ans seulement après la réforme de 2016 10 ( * ) et la création des « passeports talents ». Il s'agit, la plupart du temps, de parfaire la transposition de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016 11 ( * ) concernant les chercheurs, les étudiants et les jeunes au pair ( articles 20 à 22 ) ainsi que les étrangers non communautaires travaillant pour une entreprise multinationale ( article 29 ).

Diverses mesures de simplification sont également prévues comme la suppression de l'obligation de signature des visas d'entrée en France ( article 25 ).

D'autres encore concernent le regroupement dans le temps de la demande d'asile et d'une demande d'admission au séjour à un autre titre. L'étranger ne pourrait plus, après un délai fixé par décret en Conseil d'État, solliciter son admission au séjour, sauf circonstances nouvelles notamment pour raisons de santé ( article 23 ). L' article 24 tend lui à simplifier les documents de circulation délivrés aux mineurs étrangers (DCEM), non soumis à l'obligation de détenir un titre de séjour, tout en restreignant fortement la circulation de ceux en provenance de Mayotte.

En outre, l' article 26 bis A vise à renforcer le contrat d'intégration républicaine (CIR) , notamment en y incluant un conseil en orientation professionnelle dispensé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Les articles 26 bis et 26 ter visent à permettre aux demandeurs d'asile d'accéder au marché du travail au bout de 6 mois, contre 9 actuellement, ainsi qu'à faciliter l'intégration des mineurs étrangers non accompagnés, en leur permettant d'obtenir de droit une autorisation de travail pour un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage, et de demander l'asile sans être soumis au délai d'accès au marché du travail

Parallèlement, l'article 27 tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer les titres de séjour de l'immigration économique.

C. UNE OCCASION MANQUÉE QUI RÉVÈLE L'ABSENCE DE LIGNE POLITIQUE CLAIRE

1. Incohérent et inutile : un texte sans vision politique d'ensemble

Sur la méthode , qu'il soit d'abord permis à votre rapporteur de douter sérieusement de la pertinence de lancer une nouvelle réforme de l'asile et du droit des étrangers alors même que les deux grandes réformes précédentes datent respectivement de 2015 et de 2016 et qu' elles n'ont pas encore pleinement donné tous leurs effets ni, a fortiori , pu être sérieusement évaluées .

À cet égard, votre rapporteur déplore que, de façon presque caricaturale, les députés de la majorité de l'Assemblée nationale aient adopté des amendements pour revenir sur plusieurs dispositions d'une loi promulguée il y a moins de trois mois... et qu'ils avaient eux-mêmes votée 12 ( * ) .

La succession à intervalles rapprochés de textes modifiant incessamment le régime applicable aux étrangers pose également problème. Le Conseil d'État rappelle lui-même dans les « considérations générales sur l'opportunité et la manière de légiférer » de son avis très sévère sur ce projet de loi que « depuis 1980, 16 lois majeures sont venues modifier les conditions d'entrée et de séjour ou d'asile » et « depuis  la création du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) en 2005, le législateur est intervenu en moyenne tous les deux ans pour modifier les règles ».

Cette situation est d'autant plus dommageable qu'elle concerne un droit marqué par une très grande complexité , encadré par un enchevêtrement de textes conventionnels et de normes européennes, et des régimes contentieux foisonnants dont certains sont enserrés dans des délais de jugement extrêmement courts.

Elle crée une réelle insécurité juridique qui inquiète ceux chargés d'appliquer les textes sur le terrain : Comme l'ont unanimement souligné les nombreux acteurs (magistrats administratifs, JLD, agents des services préfectoraux, avocats, associations et syndicats) qui pratiquent le droit des étrangers et que votre rapporteur a rencontrés en audition et lors de ses déplacements, à peine les personnels ont-ils le temps de s'approprier une réforme et d'être formés à son application que celle-ci est suivie d'une autre !

En outre, l'ensemble des textes de l'Union européenne régissant les procédures relatives au droit d'asile va bientôt être complètement revu et restructuré par trois règlements . En mai et juillet 2016, la Commission européenne a en effet soumis sept propositions de textes portant refonte de l'intégralité du régime d'asile européen commun (RAEC). Deux de ces propositions convertissent en règlements des textes qui prenaient jusqu'alors la forme de directives (directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dite directive « qualification », relative aux conditions et au contenu de la protection internationale ; directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 dite directive « procédures »), tandis qu'est créé un instrument entièrement nouveau concernant la réinstallation. Les futurs règlements s'appliqueraient directement en droit national, imposant alors de revoir toutes les dispositions législatives ou réglementaires qui y seraient contraires. L'étude d'impact parle à cet égard d'avancées qui « laissent présager d'une finalisation prochaine des négociations », ce qui étonne d'autant plus quant au calendrier de ce projet de loi : pourquoi modifier en droit national la procédure d'octroi de l'asile alors que cette matière est profondément enserrée dans des textes européens que la France doit respecter, et dont nous savons qu'ils vont fortement évoluer dans les prochains mois... ?

Sur le fond , votre rapporteur relève que le texte qui est proposé au Parlement consiste pour l'essentiel en une panoplie de mesures techniques et de changements procéduraux mineurs : des délais sont modifiés (délais de dépôt de demande d'asile, délais de recours, délais de jugement), des régimes administratifs ou contentieux ajustés à la marge (séquençage de la rétention administrative, ajouts de certains bénéficiaires à la protection subsidiaire), mais aucune vision d'ensemble n'est ici proposée qui permettrait de structurer la politique migratoire de la France.

Votre rapporteur redoute ici des gains de temps et d'efficacité en trompe l'oeil : la plupart de ces ajustements techniques rajoutent en fait un nouveau degré de complexité à la procédure . Par exemple, la diminution du délai de recours devant la CNDA, présentée comme une solution pour réduire la durée de procédure d'asile, soulève encore plus de difficultés qu'elle n'en résout et ouvre la voie à un allongement des délais de traitement en générant un nouveau contentieux technique et dilatoire (moment où doit être sollicité l'aide juridictionnelle, notion de « circonstances nouvelles », etc.).

Comme le résume, là encore, cruellement le Conseil d'État « les étrangers, les services en charge de la gestion de l'asile et du séjour et les juridictions ne peuvent que déplorer cette complexité toujours croissante, à laquelle le projet de loi, loin de remédier, ne fait qu'ajouter des couches supplémentaires ». Les différents déplacements et auditions de votre rapporteur l'ont amplement démontré : les services sont à bout de souffle face à tant de complexité, qui nuit gravement à leurs conditions de travail et à la manière dont sont traités les étrangers.

2. Incomplet et sans ambition : un texte qui évite les problèmes les plus criants (absence de coordination européenne et internationale, traitement des mineurs, panne de l'intégration)

Si l'étude d'impact a bien été complétée, à la demande du Conseil d'État, pour présenter sommairement les enjeux européens et internationaux des politiques migratoires (renégociation en cours des principaux instruments juridiques de l'Union européenne en matière de migrations, dont le futur règlement « Dublin IV » ; accords de réadmission avec les pays tiers ; etc.), le texte lui-même ne comprend aucune mesure pour faire pression sur certains de nos partenaires , notamment pour l'obtention de laissez-passer consulaires, ni pour encourager la participation de la France aux mécanismes de solidarité européenne (par exemple au titre de l'action menée à l'international par l'OFPRA).

Concernant les problèmes spécifiques liés à la situation des mineurs étrangers , le Gouvernement a tout simplement choisi d'éluder la question : il n'a prévu aucune mesure dans ce projet de loi pour répondre aux problématiques posées par la prise en charge des mineurs non accompagnés, alors que les départements sont en première ligne et qu'ils ont besoin d'une action forte de l'État.

De même, ni le Gouvernement ni les députés de la majorité n'ont eu le courage de traiter la situation des mineurs placés en centre de rétention avec leur famille, ouvrant même la possibilité de les retenir trois mois dans des lieux totalement inadaptés .

L'intégration est, elle aussi, la grande absente de ce texte , malgré la nomination en parallèle du débat parlementaire d'un député en mission 13 ( * ) . Aujourd'hui, la formation linguistique à destination des étrangers en situation régulière est en moyenne de 148 heures, contre 240 heures en 2012. Même si le Gouvernement doublait le nombre d'heures de français, nous resterions très loin de l'Allemagne qui dispense 600 heures de formation linguistique aux étrangers primo-arrivants et jusqu'à 900 heures pour les réfugiés.

Enfin, le nombre de visites médicales dispensées par l'OFII a baissé de plus de 76 % entre 2016 et 2017, ce qui soulève un grave problème de santé publique, notamment dans les universités.

3. Non financé : un texte dont le Gouvernement n'a ni évalué ni prévu clairement les conséquences budgétaires

En l'état, la loi de finances pour 2018 14 ( * ) permettrait très difficilement de mettre en oeuvre ce projet de loi . Votre rapporteur rappelle par exemple que le budget de fonctionnement hôtelier des centres de rétention administrative prévu pour l'année 2018 (26,30 millions d'euros) est plus faible que l'exécution constatée en 2016 (27,09 millions d'euros). Comment, dans ces conditions, organiser un doublement de la durée maximale de la rétention sans mettre à mal les droits des personnes retenues et pousser à bout des personnels déjà très sollicités ?

Comme n'ont pas manqué de le relever les syndicats de magistrats reçus et les JLD rencontrés par votre rapporteur, le Gouvernement propose une réforme qui accroît explicitement la charge de travail pesant sur la justice (multiplication des audiences devant le JLD, nouveaux recours devant les tribunaux administratifs, etc.) sans prévoir les moyens de sa mise en oeuvre.

De même, l'OFII ne paraît pas en mesure d'assumer une nouvelle mission d'orientation professionnelle des étrangers, notamment parce qu'il n'est pas outillé pour mettre en oeuvre des actions d'insertion professionnelle au plus près du marché de l'emploi et des entreprise. De même, et de l'aveu même de son directeur général, le financement de l'aide au retour n'est pas assuré au-delà du mois de juin 2018, en l'état des crédits ouverts, alors même que le projet de loi transmis compte pourtant augmenter le nombre de bénéficiaires potentiels en étendant le dispositif aux étrangers en rétention !

Dans le même temps, des sujets sont totalement passés sous silence comme le poids difficilement soutenable du financement de l'aide médicale d'État , dont le montant a été porté de 815 à 923 millions d'euros en loi de finances pour 2018 (+ 13,3 %).

II. LE CONTRE-PROJET DE VOTRE COMMISSION : ASSUMER DES CHOIX STRUCTURANTS POUR NOTRE POLITIQUE MIGRATOIRE

A. SUR L'IMMIGRATION RÉGULIÈRE : ACCUEILLIR MOINS ET MAITRISER ENFIN LES FLUX MIGRATOIRES

1. Pour une véritable stratégie migratoire

Votre commission a tout d'abord souhaité que la France se dote d'une véritable politique migratoire , s'inscrivant dans une logique pluriannuelle de gestion des flux . Un débat pluriannuel serait organisé au Parlement pour définir des indicateurs chiffrés rendant compte des flux d'entrée, de séjour et d'éloignement ( article 1 er A ).

Dans la même logique, la liste des « métiers sous tension », qui n'a pas été réactualisée depuis 2008, serait revue tous les deux ans, afin de mieux identifier les secteurs économiques en manque de main d'oeuvre ( article 27 ).

De même, les conditions du regroupement familial seraient resserrées, tout en restant conformes au droit européen ( nouvel article 10 quater ) 15 ( * ) . L'aide médicale d'État serait transformée en aide médicale d'urgence et concentrée sur les maladies graves ou douloureuses, la médecine préventive et les soins liés à la grossesse ( nouvel article 10 AA ).

Enfin, pour limiter fraudes et effets d'aubaine, les mesures d'éloignement prononcées par les préfectures devraient être notifiées sans délai aux organismes de sécurité sociale ( nouvel article 15 bis ).

2. Pour un meilleur accueil des réfugiés bénéficiant de la protection de la France

À l'échelle internationale, les missions de réinstallation menées par l'OFPRA seraient consacrées par le législateur afin de garantir leur pérennité ( nouvel article 5 bis ).

Pour l'année 2017, l'OFPRA a ainsi conduit 13 missions de réinstallation 16 ( * ) en se rendant directement dans les pays d'origine pour accorder la protection aux personnes les plus fragiles.

Les mineurs de sexe masculin seraient mieux protégés contre les risques de mutilation sexuelle ( article 3 ), les femmes victimes d'une menace de mariage forcé bénéficieraient d'une carte de résident en cas de condamnation du coupable ( article 32 ) et les apatrides accèderaient plus facilement au service civique ( article 37 ).

Le délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile serait maintenu à 30 jours, eu égard au manque d'efficacité de la réduction proposée du délai à 15 jours, voire à ses effets fortement contre-productifs, au prix d'une réduction sévère de la garantie des droits ( article 6 ).

L'État aurait également l'obligation de conclure une convention avec les gestionnaires des lieux d'hébergement des demandeurs d'asile pour assurer une meilleure harmonisation des conditions d'accueil ( article 9 ).

Les efforts des collectivités territoriales seraient davantage valorisés notamment en :

- les associant aux schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile ( article 9 ) ;

- prévoyant leur présence au sein du conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ( nouvel article 8 bis ) ;

- intégrant les dispositifs de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et les centres provisoires d'hébergement (CPH) dans le décompte des logements sociaux de la « loi SRU » (nouvel article 9 bis AA ).

À l'inverse, votre commission n'a pas jugé opportun d'étendre la réunification familiale au-delà des ascendants directs d'un réfugié mineur protégé ( article 3 ).

De même, votre commission a conditionné le maintien des déboutés dans les centres d'hébergement des demandeurs d'asile à une décision spécialement motivée de l'autorité préfectorale ( article 9 ).

Enfin, pour mieux accueillir les personnes nécessitant une protection internationale et se prémunir contre les agissements de celles qui représentent une menace pour la France et que notre pays n'a pas vocation à protéger, votre commission a aussi souhaité renforcer les clauses permettant de refuser ou retirer le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Elle a ainsi rendu plus opérationnelle la clause spécifique de refus ou de retrait du statut de réfugié en étendant, conformément au droit de l'Union européenne, le champ des hypothèses susceptibles de fonder une telle décision (une simple menace suffirait, et non plus une menace grave) et en prenant en compte les menaces pour la sécurité publique, et pas seulement celles pour la sûreté de l'État ( article 4 ).

B. SUR L'INTÉGRATION : ACCUEILLIR MIEUX ET DONNER TOUTES LEURS CHANCES À CEUX QUI ONT VOCATION À RESTER

Votre commission souhaite qu'un effort massif soit consenti en matière d'intégration, pour redonner du sens au contrat d'intégration républicaine (CIR) .

Ainsi, Pôle emploi serait directement associé à l'action de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour mieux orienter les étrangers primo-arrivants vers le monde de l'entreprise ou des formations. Le niveau de langue française des étrangers serait certifié par un organisme spécialisé à la fin du CIR, une étape essentielle pour l'insertion des étrangers ( article 26 bis A ).

De même, l'OFII doit avoir la responsabilité des visites médicales des étudiants étrangers, pour éviter toute difficulté en matière de santé publique ( nouvel article 21 bis ).

En contrepartie, les étrangers primo-arrivants devraient attester de leurs efforts dans ce parcours d'intégration : le niveau de langue à atteindre pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle ou une carte de résident serait substantiellement relevé ( nouvel article 26 bis B ).

Votre commission a souhaité revenir au droit en vigueur s'agissant de l' accès au marché du travail des demandeurs d'asile (accès au bout de 9 mois, et non 6 mois comme le propose le texte transmis), en raison des risques que le demandeur soit débouté après été embauché dans une entreprise et se retrouve en situation illégale d'étranger employé sans titre ( article 26 bis ).

C. SUR LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE : ÉLOIGNER PLUS EFFICACEMENT ET SANCTIONNER PLUS SÉVÈREMENT

S'agissant des déboutés du droit d'asile , votre commission a réintroduit une mesure forte, déjà adoptée par le Sénat en 2015, pour prévoir que toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile vaudra obligation de quitter le territoire français ( nouvel article 6 bis A ).

Sur proposition du groupe Les Républicains, elle a souhaité aligner le droit national, parfois trop généreux, sur les dispositions du droit européen qui permettent de sanctionner plus sévèrement les infractions aux règles de séjour :

- en abaissant à 7 jours (au lieu de 30 jours) le délai de départ volontaire laissé aux étrangers visés par une obligation de quitter le territoire français ( nouvel article 11 bis ) ;

- en portant à 5 ans (au lieu de 3 ans) la durée des mesures administratives d' interdiction de retour ( article 11 ).

Concernant les sanctions pénales applicables en droit des étrangers, votre commission a souhaité faire preuve de fermeté et a refusé en conséquence d'affaiblir le délit d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier , au vu de son utilité bien démontrée dans la lutte contre les filières d'immigration clandestine ( article 19 ter ). Elle a également souhaité mieux sanctionner les étrangers délinquants (article 19 bis ) :

- en généralisant le champ d'application des peines complémentaires d'interdiction judiciaire du territoire à toute infraction passible de 5 ans d'emprisonnement ;

- et en systématisant leur prononcé en cas de crimes, ou bien en cas de délits commis en état de récidive légale.

Votre commission a jugé que le Gouvernement n'avait en rien démontré l'utilité concrète de l'allongement de la durée maximale de rétention (article 16) : regrettant une mesure d'affichage, qui ne s'attaque pas à la cause profonde des taux dérisoires d'éloignement (la mauvaise volonté des pays tiers pour accueillir leurs ressortissants et leur délivrer des laissez-passer consulaires) et qui risque d'être extrêmement coûteuse humainement et financièrement (en raison des nouvelles places à créer et des aménagements à effectuer dans des centres totalement inadaptés à de longs séjours), elle en a simplifié le séquençage tout en prévoyant des exceptions en cas d'étrangers se livrant à des manoeuvres dilatoires ou coupables de terrorisme.

Plus que par la durée de rétention, votre commission estime que la pression sur les pays d'origine pour la délivrance des laissez-passer consulaires doit s'exercer par l'octroi, ou non, de visas d'entrée en France pour leurs ressortissants . Elle a donc explicitement prévu la possibilité pour le ministre de l'intérieur de subordonner l'octroi de visas de long séjour à des efforts de coopération en matière de lutte contre l'immigration irrégulière ( nouvel article 11 A ).

Enfin, votre commission a aussi souhaité faire preuve de responsabilité et prendre à bras le corps le sujet des mineurs étrangers non accompagnés que les députés avaient complètement éludé :

- en clarifiant l'état du droit actuel pour rappeler explicitement que la France interdit le placement en rétention des mineurs isolés ( nouvel article 15 ter ) et en consacrant la pratique de nos services qui limite à quelques jours la durée de rétention des mineurs accompagnants leur famille ( nouvel article 15 quater ) ;

- en créant par la loi un fichier national biométrique des personnes évaluées majeures , en vue d'éviter les demandes de réévaluation abusives et de lutter contre la fraude au système de protection de l'enfance qui est une charge de plus en plus insoutenable pour nos départements ( nouvel article 26 quater ).

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau) (art. L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Débat annuel sur les orientations de la politique migratoire

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-216 rectifié de notre collègue Roger Karoutchi, l'article 1 er A du projet de loi vise à prévoir l'organisation d'un débat annuel au Parlement concernant les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration.

Ce débat permettrait de présenter une vision d'ensemble de la politique migratoire et des actions à mener pour mieux maîtriser les flux et garantir l'intégration des étrangers en situation régulière.

L'article 1 er A reprend une disposition que le Sénat avait adoptée en 2016 17 ( * ) , sans être suivi par l'Assemblée nationale.

1. La préparation du débat annuel

En amont du débat, les parlementaires prendraient connaissance d'un rapport du Gouvernement commentant les principales données de la politique migratoire depuis dix ans.

Ce document reprendrait le contenu de l'actuel rapport sur la situation des étrangers en France 18 ( * ) mais serait plus complet. À titre d'exemple, il comparerait les mesures d'éloignement prononcées et celles effectivement exécutées.

En appui de son rapport, le Gouvernement présenterait les actions menées à l'échelle européenne, « les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s'inscrit la politique nationale d'immigration et d'intégration » et les « capacités d'accueil de la France ».

2. Le débat annuel

Lors de ce débat, le Parlement déterminerait, pour les trois années à venir, le nombre d'étrangers admis à s'installer durablement en France .

Ces objectifs prendraient toutefois en compte les spécificités :

- du droit d'asile, notamment garanti par la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- de l'immigration familiale, notamment au regard de l'article 8 (« droit au respect de la vie privée et familiale ») de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Le rôle spécifique du Sénat

Représentant des collectivités territoriales au sens de l'article 24 de la Constitution, le Sénat serait consulté sur les actions conduites dans les territoires pour mettre en oeuvre la politique nationale d'immigration et d'intégration.

De manière complémentaire, les collectivités territoriales seraient associées aux travaux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (nouvel article 8 bis du projet de loi) et à l'élaboration des schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile (article 9) .

Votre commission a adopté l'article 1 er A ainsi rédigé .

TITRE IER - ACCÉLERER LE TRAITEMENT DES DEMANDES D'ASILE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D'ACCUEIL

CHAPITRE IER - LE SÉJOUR DES BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION INTERNATIONALE

Le chapitre I er du titre I er du projet de loi concerne les titres de séjour accordés aux bénéficiaires de la protection internationale (réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire, apatrides et membres de leur famille).

Les catégories de titres de séjour

Depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) distingue quatre catégories de titres de séjour :

- la carte de séjour temporaire , d'une durée maximale d'un an, qui peut être remplacée par un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) (articles L. 313-6 à L. 313-16 du CESEDA). Elle comporte une mention précisant le motif du séjour de l'étranger (visiteur, étudiant, vie privée et familiale, etc .) ;

- la carte de séjour pluriannuelle , valable quatre ans et qui est délivrée, sauf exception, après un séjour régulier d'un an (articles L. 313-17 à L. 313-24 du CESEDA). Elle précise, comme la carte de séjour temporaire, le motif du séjour de l'intéressé ;

- la carte de résident « simple » , d'une durée de dix ans, accordée après une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France et à condition que l'étranger présente des ressources stables, régulières et suffisantes ainsi qu'une assurance maladie (articles L. 314-8 à L. 314-12 du CESEDA) ;

- la carte de résident permanent , à durée indéterminée, qui est délivrée à l'expiration de la carte de résident « simple », soit après une quinzaine d'années de présence régulière en France.

Ces titres de séjour sont octroyés par les préfectures françaises, sauf le VLS-TS qui relève de la compétence des autorités diplomatiques et consulaires de la France à l'étranger.

Leur durée est fixée dans une logique de progressivité : après une première année de résidence grâce à la carte de séjour temporaire ou au visa de long séjour valant titre de séjour, les étrangers ont accès à des titres pluriannuels d'une durée croissante 19 ( * ) .

Ce chapitre tend plus précisément à créer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, les apatrides et les membres de leur famille (article 1 er ) , à revoir les conditions de délivrance de la carte de résident (article 2) , à étendre le périmètre de la réunification familiale et à mieux protéger les mineurs risquant de subir des mutilations sexuelles (article 3) .

Article 1er (supprimé) (art. L. 313-11, L. 313-13 [abrogé], L. 313-18, L. 313-25 et L. 313-26 [nouveaux] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Conditions de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides ainsi qu'aux membres de leur famille

L'article 1 er du projet de loi poursuit un double objectif : créer de nouveaux titres de séjour pluriannuels pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides, d'une part, et préciser le périmètre des membres de la famille des apatrides admis au séjour, d'autre part.

1. Les titres de séjour des étrangers (cas généraux)

Conformément au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le parcours migratoire type d'un étranger qui ne bénéficie d'aucune protection internationale s'organise de la manière suivante :

Le parcours migratoire type

(étranger sans protection internationale)

Source : commission des lois du Sénat.

Après l'obtention d'un premier titre de séjour, l'étranger peut demander à bénéficier d'un regroupement familial et à être rejoint en France par les membres de sa famille (articles L. 411-1 à L. 411-7 du CESEDA).

Les personnes reconnues réfugiées au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951 20 ( * ) ou de l'article 53-1 de la Constitution 21 ( * ) ont un régime spécifique : elles accèdent directement à une carte de résident d'une durée de dix ans, qui les autorise à exercer une activité professionnelle. À l'expiration de leur premier titre de séjour, les réfugiés obtiennent une carte de résident permanent, d'une durée indéterminée 22 ( * ) .

Le parcours migratoire type d'un réfugié 23 ( * )

Source : commission des lois du Sénat.

Au 31 décembre 2017, la France comptait 209 922 réfugiés , selon l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) 24 ( * ) .

Un réfugié peut demander à bénéficier d'une réunification familiale et être rejoint en France par les membres suivants de sa famille, sans condition de durée préalable de séjour, de ressources ou de logement (contrairement au regroupement familial) 25 ( * ) :

- son conjoint ou partenaire de PACS, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou le PACS est antérieur à la demande d'asile ;

- son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel le réfugié avait, avant l'introduction de la demande d'asile, « une vie commune suffisamment stable et continue » ;

- les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans ;

- les ascendants directs au premier degré du réfugié, lorsque ce dernier est un mineur non marié.

Les bénéficiaires de la réunification familiale obtiennent le même titre de séjour que le réfugié (carte de résident), sous réserve qu'ils soient entrés régulièrement en France 26 ( * ) .

Ce titre est également octroyé au conjoint ou au partenaire de PACS lorsque le mariage ou le PACS est postérieur à la demande d'asile et s'est donc déroulé en France. Deux conditions cumulatives doivent être remplies : l'union a été célébrée depuis au moins un an et les époux ou partenaires vivent effectivement ensemble 27 ( * ) .

2. Les spécificités des titres de séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des membres de leur famille

§ La protection subsidiaire, un statut moins protecteur que l'asile

Issue du droit communautaire, la protection subsidiaire vise à protéger des étrangers qui sont menacés dans leur pays d'origine, sans être éligibles au statut de réfugié.

Au 31 décembre 2017, la France comptait 41 055 bénéficiaires de la protection subsidiaire 28 ( * ) , soit 2,7 fois plus qu'au 31 décembre 2013.

La protection subsidiaire

L'article 2 de la directive dite « Qualification » du 13 décembre 2011 29 ( * ) définit le bénéficiaire de la protection subsidiaire comme « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine (...), courrait un risque réel de subir des atteintes graves ».

Ces « atteintes graves » recouvrent concrètement :

- la peine de mort ou une exécution ;

- la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

- s'agissant d'un civil, « une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international » 30 ( * ) .

Comme son nom l'indique, cette protection n'est que « subsidiaire » : si l'intéressé remplit les critères de la convention de Genève du 28 juillet 1951, le statut de réfugié, plus protecteur, lui est accordé.

Le bénéfice de la protection subsidiaire est reconnu par l'OFPRA , dont la décision peut être contestée devant la Cour nationale du droit d'asile ( CNDA ) et, en cassation, devant le Conseil d'État.

Actuellement, les bénéficiaires de la protection subsidiaire obtiennent une carte de séjour temporaire d'un an (mention « vie privée et familiale »), qui les autorise à exercer une activité professionnelle, puis une carte pluriannuelle de deux ans renouvelables . Après cinq années de résidence régulière et ininterrompue en France, ils accèdent à une carte de résident, dans les conditions de droit commun (sous condition de ressources et d'une assurance maladie).

Ce dispositif est moins favorable que celui des réfugiés 31 ( * ) . Il respecte toutefois l'article 24 de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011 32 ( * ) .

Le parcours migratoire type d'une personne bénéficiant de la protection subsidiaire (état du droit)

Source : commission des lois du Sénat.

Les bénéficiaires d'une protection subsidiaire peuvent être rejoints par les membres de leur famille, au titre de la réunification familiale , sans condition de durée préalable de séjour, de ressources ou de logement.

La procédure est identique à celle des réfugiés, à une exception près : pour être admis au séjour, les membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire n'ont pas à démontrer qu'ils sont entrés régulièrement en France (régime plus favorable que celui des réfugiés) . Ils obtiennent le même titre de séjour que les bénéficiaires de la protection subsidiaire (carte de séjour temporaire puis cartes de séjour pluriannuelles et cartes de résident) 33 ( * ) .

§ La création d'une carte pluriannuelle de quatre ans

L'article 1 er du projet de loi vise à créer une carte de séjour pluriannuelle spécifique pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les membres de leur famille (nouvel article L. 313-25 du CESEDA) 34 ( * ) . Elle serait délivrée dès leur première admission au séjour, pour une durée de quatre ans.

Ce nouveau titre de séjour, distinct des cartes « vie privée et familiale », comporterait deux mentions : « bénéficiaire de la protection subsidiaire » et « membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire ».

Les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les membres de leur famille accèderaient ensuite, de plein droit, à une carte de résident après quatre années de résidence régulière en France, contre cinq ans aujourd'hui. Ils n'auraient plus à justifier de la condition de ressources, ni d'une assurance maladie (article 2 du projet de loi).

Le parcours migratoire type d'une personne bénéficiant de la protection subsidiaire (projet de loi)

Source : commission des lois du Sénat.

D'après l'étude d'impact, cette mesure poursuit trois objectifs 35 ( * ) :

- sécuriser le droit au séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire et faciliter leur intégration et leurs démarches administratives. À titre de comparaison, treize pays européens accordent des titres de séjour de trois et cinq ans pour cette catégorie de population ;

- diminuer le nombre de recours contre les décisions de l'OFPRA devant la CNDA , « de plus en plus de protégés subsidiaires » engageant une telle procédure pour obtenir le statut, plus protecteur, de réfugié ;

- réduire le nombre de passages en préfecture et économiser environ quatre équivalents temps plein (ETP) de catégorie C à l'échelle nationale 36 ( * ) .

Le projet de loi maintiendrait toutefois une différence de traitement entre les réfugiés (carte de résident de dix ans dès leur première admission au séjour) et les bénéficiaires de la protection subsidiaire (carte pluriannuelle de quatre ans). D'après le Conseil d'État, cette distinction « n'est pas contraire au principe d'égalité, compte tenu de ce que les personnes concernées relèvent de régimes juridiques différents » 37 ( * ) .

3. Les spécificités des titres de séjour accordés aux apatrides et aux membres de leur famille

§ L'apatridie

Protégé par la convention de New-York du 28 septembre 1954 38 ( * ) , un apatride est une personne « qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Selon l'OFPRA, la France accueillait 1 425 apatrides au 31 décembre 2017 (stock).

En l'état du droit, les apatrides bénéficient d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'une durée d'un an renouvelable puis d'une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans. Toutefois, ils accèdent, de plein droit, à une carte de résident après seulement trois ans de résidence régulière en France 39 ( * ) .

Ces documents donnent droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

Le parcours migratoire type d'un apatride (état du droit)

Source : commission des lois du Sénat

Hypothèse : l'apatride demande à bénéficier de la carte de résident dès qu'il le peut, soit au bout de trois années de présence régulière en France.

Les apatrides bénéficient de la réunification familiale, dans les mêmes conditions que les bénéficiaires de la protection subsidiaire. Ce droit est ouvert à leur conjoint, partenaire de PACS ou concubin 40 ( * ) , âgé d'au moins dix-huit ans, aux enfants non mariés du couple, et, lorsque les apatrides sont des mineurs non mariés, à leurs ascendants directs au premier degré.

Le régime de la réunification familiale des apatrides crée toutefois une ambiguïté par rapport aux articles L. 313-11 et L. 314-11 du CESEDA, qui prévoient la délivrance de titres de séjour uniquement aux enfants de l'apatride et à son conjoint .

Dès lors, comme l'indique l'étude d'impact, « des personnes peuvent être autorisées à entrer régulièrement en France (au titre de la réunification familiale auprès d'un apatride) sans que la délivrance d'un titre de séjour ne soit expressément prévue » 41 ( * ) . Tel est le cas du partenaire de PACS, du concubin et des ascendants directs au premier degré des apatrides.

§ La création d'une carte pluriannuelle de quatre ans

Comme pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, l'article 1 er du projet de loi vise à créer une carte de séjour pluriannuelle pour les apatrides et les membres de leur famille (nouvel article L. 313-25 du CESEDA) 42 ( * ) . Elle serait délivrée dès leur première admission au séjour, pour une durée de quatre ans.

Pour éviter toute ambiguïté, le périmètre des membres de la famille des apatrides bénéficiant de cette carte de séjour serait identique à celui de la réunification familiale.

Ce nouveau titre de séjour, distinct des titres « vie privée et familiale », comporterait deux mentions : « bénéficiaire du statut d'apatride » et « membre de la famille d'un bénéficiaire du statut d'apatride ».

Les apatrides et les membres de leur famille bénéficieraient ensuite d'une carte de résident non plus après trois années mais après quatre années de résidence régulière en France (article 2 du projet de loi) .

Le parcours migratoire type d'un apatride (projet de loi)

Source : commission des lois du Sénat.

4. La suppression de l'article 1 er par votre commission

Suivant son rapporteur, votre commission a supprimé l'article 1 er du projet de loi (amendement COM-236). Cette position se fonde sur trois arguments.

En premier lieu, les titres de séjour délivrés aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides ont été entièrement réformés il y a moins de trois ans 43 ( * ) , sans que le Gouvernement ait procédé à leur évaluation. Le droit en vigueur est totalement conforme à l'article 24 de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011 précitée.

En deuxième lieu, octroyer une carte de séjour pluriannuelle puis une carte de résident aux bénéficiaires de la protection subsidiaire dès leur première admission au séjour serait contraire à la position adoptée par le Sénat en 2015 .

Par définition, la protection subsidiaire n'est pas permanente : son bénéfice est conditionné à l'évolution de la situation personnelle des intéressés et, plus globalement, des conflits ayant justifié leur protection. L'article 16 de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011 prévoit d'ailleurs explicitement ce cas de figure : « un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride cesse d'être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire lorsque les circonstances qui ont justifié l'octroi de cette protection cessent d'exister ou ont évolué dans une mesure telle que cette protection n'est plus nécessaire ».

En dernier lieu, le dispositif proposé par le Gouvernement est paradoxalement moins protecteur pour les apatrides : ces derniers bénéficieraient d'une carte de résident au bout de quatre années de présence en France, contre trois ans aujourd'hui.

Votre commission a supprimé l'article 1 er .

Article 2 (art. L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Délivrance de la carte de résident aux bénéficiaires d'une protection internationale et aux membres de leur famille

L'article 2 du projet de loi vise à préciser les conditions de délivrance des cartes de résident aux bénéficiaires d'une protection internationale et aux membres de leur famille .

L'accès à la carte de résident

Valable dix ans , la carte de résident est délivrée :

- aux réfugiés et aux membres de leur famille, dès leur première admission au séjour et sous réserve qu'ils soient entrés régulièrement en France (8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, CESEDA) ;

- aux apatrides et aux membres de leur famille, après trois ans de résidence régulière en France (9° du même article L. 314-11 du CESEDA) ;

- aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille , dans les conditions de droit commun , c'est-à-dire après avoir résidé au moins cinq ans en France et si les intéressés justifient de ressources stables, régulières et suffisantes et d'une assurance maladie (article L. 314-8 du même code).

Une fois expirée, la carte de résident donne accès à une carte de résident permanent, d'une durée indéterminée 44 ( * ) .

1. La condition de régularité du séjour

L'article 2 vise, en premier lieu, à supprimer la condition de régularité du séjour pour la délivrance de la carte de résident aux membres de la famille des réfugiés (alinéas 2 et 3).

Aujourd'hui, cette condition se matérialise par l'obligation de produire un visa de long séjour attestant que les membres de la famille des réfugiés sont entrés régulièrement en France 45 ( * ) .

Or, ce document est difficile à produire lorsque les intéressés ont fui leur pays en raison d'un risque de persécution . D'après l'étude d'impact, cela constituerait « un obstacle au maintien de l'unité familiale, difficilement compréhensible par les intéressés, en particulier pour les parents de mineures placées sous la protection de l'OFPRA en raison du risque de mutilation génitale » 46 ( * ) . Au demeurant, cette condition de régularité du séjour n'est pas opposable aux membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire 47 ( * ) .

2. Les cartes de résident des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides

L'article 2 du projet de loi tend, en second lieu, à tirer les conséquences de l'article 1 er et, plus précisément, de la création d'un titre pluriannuel pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, les apatrides et les membres de leur famille (alinéas 4 à 7).

Les bénéficiaires de la protection subsidiaire pourraient accéder de plein droit à une carte de résident après quatre années de présence en France (contre cinq années en l'état du droit). Ils n'auraient plus à justifier de ressources stables, régulières et suffisantes ni d'une assurance maladie.

Les apatrides bénéficieraient d'un dispositif identique alors, qu'en l'état du droit, ils accèdent à une carte de résident après seulement trois années de présence en France.

Par cohérence avec sa position à l'article 1 er , votre commission a souhaité maintenir le droit en vigueur pour la délivrance des cartes de résident des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides. Elle a donc supprimé les alinéas 4 à 7 de l'article 2 (amendement COM-237 de son rapporteur).

3. Le délai de délivrance de la carte de résident des réfugiés

Sur proposition de notre collègue Jean-Yves Leconte et des membres du groupe socialiste et républicain et avec l'avis favorable de son rapporteur, votre commission a fixé à un mois le délai de délivrance de la carte de résident des réfugiés (amendement COM-63) .

La procédure de délivrance de cette carte de résident serait ainsi accélérée afin de faciliter l'intégration des réfugiés et leurs démarches administratives.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. L. 723-5, L. 752-1 et L. 752-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Réunification familiale des personnes protégées - Protection des mineurs contre les risques de mutilation sexuelle

L'article 3 du projet de loi poursuit deux objectifs :

- étendre la procédure de réunification familiale engagée par un mineur étranger à ses frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs ;

- mieux protéger les mineurs étrangers contre les risques de mutilation sexuelle.

1. L'extension de la réunification familiale

§ La réunification familiale, un droit pour les personnes protégées

La réunification familiale permet aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides de demander à être rejoints en France par les membres de leur famille.

Cette procédure est fondée sur le principe de « l'unité de la famille » , reconnu par la convention de Genève du 28 juillet 1951 48 ( * ) et par l'article 23 de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011 49 ( * ) . Comme votre rapporteur l'a souligné en 2015, elle est justifiée par « les craintes de persécution ou d'atteintes graves pour les membres de la famille restant dans le pays d'origine . (Elle n'a) aucune conséquence sur le regroupement familial, qui répond à une autre logique » 50 ( * ) .

Contrairement au regroupement familial (prévu pour les étrangers qui ne bénéficient pas d'une protection internationale), la réunification familiale n'est soumise à aucune condition de durée préalable de séjour, de ressources ou de logement .

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a clarifié le régime juridique de la réunification familiale. Elle est aujourd'hui régie par les articles L. 752-1 à L. 752-3, L. 812-5 et L. 812-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le périmètre de la réunification familiale

Conformément à l'article L. 752-1 du CESEDA, les bénéficiaires d'une protection internationale peuvent demander à être rejoints en France par :

- leur conjoint ou partenaire de PACS , âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou le PACS est antérieur à la demande d'asile ;

- leur concubin , âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel ils entretenaient, avant l'introduction de la demande d'asile, « une vie commune suffisamment stable et continue » ;

- les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans ;

- les ascendants directs au premier degré des personnes protégées, lorsque ces dernières sont des mineurs non mariés .

L'âge des enfants est apprécié à la date de dépôt de la demande de réunification familiale. Si la protection est accordée à un mineur non accompagné, la recherche des membres de sa famille débute « dès que possible » 51 ( * ) .

Une fois arrivés sur le territoire français, les bénéficiaires de la réunification familiale obtiennent un titre de séjour, dans les conditions fixées par le CESEDA 52 ( * ) .

Seules trois hypothèses justifient le refus d'une réunification familiale :

- la personne qui bénéficie de la protection internationale « ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil » ;

- le membre de sa famille représente une menace pour l'ordre public ou « il est établi qu'il est instigateur, auteur ou complice des persécutions ou atteintes graves qui ont justifié l'octroi d'une protection au titre de l'asile » ;

- la personne protégée vit en état de polygamie et demande à faire venir en France un deuxième conjoint ou les enfants de ce conjoint 53 ( * ) .

§ L'extension de la réunification familiale

L'article 3 du projet de loi vise à élargir le droit à la réunification  familiale aux frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs d'un réfugié, d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire ou d'un apatride lorsque celui-ci est un mineur non marié (article L. 752-1 du CESEDA 54 ( * ) ).

Par rapport au droit en vigueur, la réunification familiale serait donc entendue au-delà des parents du mineur.

Deux conditions cumulatives devraient être réunies pour procéder à cette réunification familiale :

- les frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs de la personne protégée devraient être des mineurs non mariés, à la « charge effective » du ou des parents ;

- ils devraient entrer en France en compagnie du ou des parents.

D'après notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale, il s'agit de ne pas « laissés seuls dans leurs pays d'origine (...) les frères et soeurs d'un mineur réfugié » 55 ( * ) .

Concernant l'impact de cette mesure, la France comptait environ 25 000 mineurs isolés en 2017. 591 ont déposé une première demande d'asile en France ; 564 se sont vu reconnaître le statut de réfugié 56 ( * ) et auraient désormais vocation à être rejoints en France par leurs parents (état du droit) mais également par leurs frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs (projet de loi).

À l'initiative de nos collègues Jacqueline Eustache-Brinio et Roger Karoutchi et avec l'avis favorable du rapporteur, votre commission a supprimé cette extension de la réunification familiale à d'autres personnes que les ascendants directs au premier degré du réfugié mineur (amendements COM-7 rectifié ter et COM-31) car :

- une telle disposition pourrait constituer « un appel d'air pour des flux migratoires toujours plus importants, sans perspective réelle d'intégration, ce qui ne manquerait pas de susciter des drames humanitaires » 57 ( * ) ;

- le droit en vigueur est conforme à la directive « Qualification » du 13 décembre 2011 précitée ;

- les frères, les demi-frères, les soeurs et les demi-soeurs ont toujours la possibilité de déposer eux-mêmes une demande d'asile auprès des autorités françaises ou de bénéficier d'un « visa asile » auprès de l'ambassade ou du consulat.

§ Les motifs de refus de la réunification familiale

L'article 3 tend également à ajouter un nouveau cas de refus de la réunification familiale : le membre de la famille souhaitant se rendre en France sans se conformer aux principes essentiels de la République serait désormais exclu de ce dispositif 58 ( * ) .

2. La protection des mineurs contre les risques de mutilation sexuelle

§ La lutte contre les mutilations sexuelles

Les mutilations sexuelles - et principalement l'excision - sont réprimées par les articles 222-9 et 227-24-1 du code pénal 59 ( * ) .

Après de nombreux revirements, la jurisprudence administrative reconnaît désormais la qualité de réfugié à des mineures de sexe féminin ayant subi ou risquant de subir des mutilations sexuelles , considérant qu'elles appartiennent à « un certain groupe social » au sens de la convention de Genève 60 ( * ) . Ces personnes obtiennent ainsi une carte de résident dès leur première admission au séjour puis une carte de résident permanent.

La notion de « certain groupe social »

Au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951 , un réfugié est une personne « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, (qui) se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Selon l'article 10 de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011 61 ( * ) , deux conditions cumulatives doivent être remplies pour appartenir à un « certain groupe social ».

En premier lieu,  les membres du groupe doivent partager « une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l'identité ou la conscience qu'il ne devrait pas être exigé d'une personne qu'elle y renonce ».

En second lieu, le groupe doit avoir « son identité propre dans le pays en question parce qu'il est perçu comme étant différent par la société environnante ».

En 2016, 591 mineures ont été placées sous protection en raison d'un risque de mutilation sexuelle 62 ( * ) . Au total, la France compterait 6 000 mineures protégées pour ce motif 63 ( * ) .

D'après l'OFPRA, « la crainte d'être soumise à une mutilation sexuelle féminine est principalement alléguée pour des fillettes, nées dans leur pays d'origine ou en France, mais elle l'est parfois aussi par des femmes adultes. Les principaux pays concernés par cette problématique demeurent le Mali, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Nigéria. De manière moins fréquente mais régulière, des craintes d'excision sont exprimées dans d'autres pays de l'Afrique de l'Ouest (Burkina Faso, Gambie, Mauritanie, Guinée Bissau) et de la Corne de l'Afrique (Soudan, Djibouti) » 64 ( * ) .

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 65 ( * ) a permis de mieux protéger les femmes mineures victimes ou craignant d'être victimes de mutilations sexuelles. Elle a donné la possibilité à l'OFPRA d'organiser un examen médical :

- lors de l'instruction de la demande d'asile (article L. 723-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, CESEDA) ;

- une fois la protection accordée, tant que le risque de mutilation existe et que l'intéressée est mineure (article L. 752-3 du même code).

Considérées comme « trop intrusives pour être conformes à l'intérêt supérieur de l'enfant » par le Défenseur des droits 66 ( * ) , ces mesures se sont toutefois révélées indispensables pour protéger les mineures victimes ou risquant d'être victimes de mutilations sexuelles.

De même, de nombreuses garanties ont été apportées pour respecter la dignité des personnes concernées :

- le refus de se soumettre à l'examen médical ne fait pas obstacle à l'octroi de la protection et ne peut, à lui seul, entraîner sa cessation. Il est toutefois transmis au procureur de la République, de même que les constats de mutilation ;

- tant que le risque de mutilation existe, la protection internationale ne peut pas être interrompue . En 2017, l'OFPRA a refusé sept cessations de protection demandées par les parents et en a informé la justice 67 ( * ) ;

- l'OFPRA observe un délai minimal de trois ans entre deux examens médicaux , « sauf s'il existe des risques réels et sérieux de penser qu'une mutilation sexuelle a effectivement été pratiquée ou pourrait être pratiquée ».

§ La transmission des certificats médicaux à l'OFPRA

Le contenu des examens médicaux est fixé par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la santé en date du 23 août 2017 68 ( * ) .

Le certificat médical est « remis en main propre aux parents de la mineure concernée ou à ses représentants légaux. Le médecin en conserve une copie ». Il incombe aux parents de le transmettre à l'OFPRA, dans un délai de quinze jours .

L'établissement de santé se limite à informer l'office que l'examen a bien été réalisé ; il ne lui transmet aucune information médicale.

Or, d'après l'étude d'impact, la transmission du certificat à l'OFPRA « n'est aujourd'hui pas toujours assurée, en particulier lorsque les parents oublient de réaliser cet envoi ou le font au-delà du délai requis » 69 ( * ) .

Par conséquent, l'article 3 du projet de loi vise à déroger à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui protège le secret médical tout en autorisant des aménagements « expressément prévus par la loi » .

En présence d'un risque de mutilation sexuelle, le médecin (et non les parents) transmettrait « sans délai » à l'OFPRA le certificat médical produit lors de l'instruction de la demande d'asile (article L. 723-5 du CESEDA) ou après l'octroi de la protection (article L. 752-3 du même code) .

Ce dispositif de prévention des mutilations sexuelles compléterait utilement l'article 226-14 du code pénal 70 ( * ) , qui permet de lever le secret médical a posteriori, lorsque la mutilation a déjà été pratiquée.

Dans son avis, le Conseil d'État a admis cet aménagement du secret médical, « dans la mesure où il est justifié, d'une part, par la nature même de la protection accordée, d'autre part, par la nécessité pour l'OFPRA, compte tenu de ses missions, de vérifier le droit à son maintien » 71 ( * ) .

§ L'extension de protection aux mineurs de sexe masculin invoquant un risque de mutilation sexuelle

À l'initiative de notre collègue député Dimitri Houbron (groupe La République en Marche), la commission des lois de l'Assemblée nationale a étendu l'examen médical pratiqué lors de l'instruction de la demande d'asile (article L. 723-5 du CESEDA) « aux individus de sexe masculin invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer leur fonction reproductrice ».

Implicitement, cette disposition vise à reconnaître la qualité de réfugié à ces personnes, tout en excluant le cas de la circoncision . D'après notre collègue député Dimitri Houbron, « les garçons, certes moins nettement touchés que les filles par ces pratiques, subissent aussi des mutilations sexuelles dans certaines contrées reculées, en Asie, en Russie ou encore en Inde (...). Je vous épargne les descriptions des mutilations sexuelles concernant les mineurs de sexe masculin et me bornerai à vous dire qu'il s'agit de la castration, de l'émasculation ou encore de la subincision totale, qui altère les fonctions reproductrices ».

Notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale, s'est opposée à cette disposition : « je comprends votre inquiétude, mais si l'excision est reconnue comme une pratique courante dans certaines régions du monde, les mutilations sexuelles masculines n'ont, elles, pas fait l'objet d'une évaluation, ce qui fait que l'on ne peut pas considérer que les personnes aujourd'hui soumises à ce risque constituent un groupe social au sens de la convention de Genève, et que l'OFPRA n'est donc pas en mesure d'évaluer l'appartenance à un groupe social ayant besoin d'une protection » 72 ( * ) .

Cette analyse n'est toutefois pas partagée par le directeur général de l'OFPRA, qui a précisé lors de son audition par votre rapporteur que les mutilations sexuelles pratiquées sur des mineurs de sexe masculin constituaient un phénomène nouveau mais une problématique réelle . En outre, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué qu'aucun obstacle juridique n'empêchait de leur octroyer le statut de réfugié.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale concernerait uniquement l'examen médical pratiqué lors de l'instruction de la demande d'asile (article L. 723-5 du CESEDA) et exclurait l'examen réalisé une fois la protection accordée (article L. 752-3 du CESEDA).

Sur proposition de son rapporteur, votre commission l'a étendu à tous les examens médicaux ordonnés par l'OFPRA, notamment pour pouvoir vérifier qu'aucune mutilation sexuelle n'a été pratiquée après l'octroi de la protection internationale (amendement COM-238) .

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

CHAPITRE II - LES CONDITIONS D'OCTROI DE L'ASILE ET LA PROCÉDURE DEVANT L'OFFICE FRANÇAIS DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS ET APATRIDES ET LA COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE

Article 4 (art. L. 611-13 [nouveau], L. 711-4, L. 711-6, L. 712-2, L. 712-3, et L. 713-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Clauses d'exclusion et de cessation de la protection internationale et mesures administratives permettant leur mise en oeuvre

L'article 4 du projet de loi vise à étendre, dans deux séries d'hypothèses où il existe des motifs sérieux de sécurité, les possibilités pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de refuser ou retirer le statut de réfugié. Il vise également à renforcer l'obligation faite à l'autorité judiciaire de communiquer à l'OFPRA toute information susceptible de justifier une telle décision et, en parallèle, à permettre de procéder à des enquêtes administratives pouvant conduire au refus ou au retrait de titres de séjour ou d'une protection internationale.

1. Les clauses d'exclusion ou de cessation de la protection internationale : un régime récemment rénové dont l'application revient à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

a) Un cadre légal qui s'insère strictement dans le cadre du droit international et du droit de l'Union européenne

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a largement revu le régime des clauses d'exclusion et de cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire :

- en reprenant les principes de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 73 ( * ) , par un système de renvoi à la convention ;

- et en transposant la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 dite « Qualification », concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection 74 ( * ) .

La reconnaissance de la qualité de réfugié et l'octroi de la protection subsidiaire

Le statut de réfugié peut être reconnu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur trois fondements :

- le mandat directement exercé par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) au titre des articles 6 et 7 de son statut 75 ( * ) , auquel renvoie l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

- l'asile constitutionnel mis en oeuvre pour protéger « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté », en application de l'article 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 76 ( * ) , confirmé depuis par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution selon lequel « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif » 77 ( * ) , principe auquel l'article L. 711-1 du CESEDA renvoie également ;

- et enfin, l'asile conventionnel régi par la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 78 ( * ) entrée en vigueur le 22 avril 1954, qui couvre la grande majorité des statuts reconnus par l'OFPRA.

Le réfugié au titre de l'asile conventionnel est défini par la convention de Genève 79 ( * ) comme une personne qui, « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

La qualité de réfugié est un statut juridique. Cette qualité n'est pas octroyée, elle est reconnue et a donc un effet rétroactif. En revanche, l'asile est octroyé.

Quant au bénéfice de la protection subsidiaire, il n'est pas prévu par la convention de Genève, qui ne concerne que le statut de réfugié. Il est en revanche prévu en droit national à l'article L. 712-1 du CESEDA, qui transpose l'article 15 de la directive 2011/95/UE « Qualification » précitée. Le bénéfice de la protection subsidiaire ne peut être octroyé qu'aux personnes ne réunissant pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié, mais exposées à un risque réel de subir l'une des « atteintes graves » suivantes dans leur pays d'origine :

- la peine de mort ou une exécution ;

- la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

- s'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international.

Selon le dernier rapport annuel publié par l'OFPRA 80 ( * ) , 252 402 personnes étaient protégées en France au 31 décembre 2017, dont 209 922 réfugiés, 41 055 bénéficiaires de la protection subsidiaire et 1 425 apatrides.

La France applique la convention de Genève depuis qu'elle l'a ratifiée le 23 juin 1954, la jurisprudence administrative 81 ( * ) ayant confirmé que ses stipulations étaient directement applicables en droit national. Quant à la directive « Qualification », elle a pour objet de compléter les principes prévus en droit international, mais également d'aider les États membres à les appliquer, en établissant notamment des définitions, des procédures et des critères communs pour l'octroi, le refus ou le retrait de la protection internationale.

Conformément à l'article L. 721-2 du CESEDA, l'OFPRA « reconnaît la qualité de réfugié ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes » qui remplissent les conditions requises 82 ( * ) . En conséquence, la décision d'exclusion ou de cessation d'une protection internationale revient également à cette autorité administrative .

• Les clauses d'exclusion ou de cessation du statut de réfugié

S'agissant des clauses d'exclusion , la convention de Genève, à laquelle l'article L. 711-3 du CESEDA renvoie , prévoit aux sections D, E et F de son article 1 er trois hypothèses dans lesquelles le statut de réfugié n'est pas reconnu . En sont en conséquence exclues d'office par l'OFPRA, dès lors que les conditions sont réunies, les personnes :

- qui bénéficient d'ores et déjà au moment de leur demande d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations unies autre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (section D) ;

- qui sont considérées par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays (section E) ;

- ou bien dont on a des raisons sérieuses de penser (section F), qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité (a) ; un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés (b) ; ou enfin qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies (c). La loi prévoit que l'ensemble de cette section (F) s'applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices des crimes ou des agissements qu'elle mentionne, ou qui y sont personnellement impliquées, transposant ainsi l'article 12 de la directive « Qualification ».

Le Conseil d'État a eu, à plusieurs reprises, l'occasion de faire application de ces dispositions. À titre d'illustration, il a jugé que si un crime grave de droit commun commis en dehors du pays d'accueil 83 ( * ) avait fait l'objet d'une condamnation ayant été exécutée, ce crime ne faisait pas obstacle à l'octroi d'une protection, sauf si l'État auquel elle est demandée estime qu'en raison des crimes graves de droit commun commis antérieurement, l'intéressé représente pour sa population un danger ou un risque qu'il revient au juge administratif d'apprécier 84 ( * ) .

S'agissant des clauses de cessation , l'article L. 711-4 du CESEDA renvoie à la section C de l'article 1 er de la convention de Genève , qui prévoit six hypothèses justifiant qu'il soit mis fin au statut de réfugié après qu'il a été accordé , à l'initiative de l'OFPRA ou à la demande de l'autorité administrative, et qui s'appliquent aux personnes :

- qui se sont volontairement réclamées à nouveau de la protection du pays dont elles ont la nationalité (1) ;

- qui, ayant perdu leur nationalité, l'ont volontairement recouvrée (2);

- qui ont acquis une nouvelle nationalité et disposent de la protection du pays dont elles ont acquis la nationalité (3) ;

- qui sont retournées volontairement s'établir dans le pays qu'elles ont quitté ou hors duquel elles sont demeurées de crainte d'être persécutées (4) ;

- dont les circonstances à la suite desquelles elles ont été reconnues réfugiées ont cessé d'exister, et qu'elles ne peuvent alors plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elles ont la nationalité (5) ;

- ou, s'agissant des personnes qui n'ont plus de nationalité, si les circonstances dans lesquelles elles ont été reconnues réfugiées ont cessé d'exister, elles sont en mesure de retourner dans le pays dans lequel elles avaient leur résidence habituelle (6).

Pour l'application des points (5) et (6), la loi prévoit que le « changement de circonstances » doit être « suffisamment significatif et non provisoire pour que la crainte du réfugié d'être persécuté ne puisse plus être considérée comme fondée », transposant une spécificité prévue à l'article 11 de la directive « Qualification ».

Transposant certaines dispositions de l'article 14 de la directive « Qualification » 85 ( * ) , l'article L. 711-4 du CESEDA permet également à l'OFPRA de mettre fin à tout moment au statut de réfugié, de sa propre initiative ou sur demande de l'autorité administrative :

- en cas d'octroi du statut de réfugié résultant d'une fraude ;

en présence d'un réfugié qui aurait dû être exclu de cette qualité en application des situations, crimes ou agissements mentionnés aux sections D, E ou F de l'article 1 er de la convention de Genève précitées (à l'article L. 711-3 du CESEDA) ;

- et enfin, lorsque les circonstances intervenues postérieurement à la reconnaissance de cette qualité, sont susceptibles d'en justifier l'exclusion au titre des mêmes fondements que dans l'hypothèse ci-dessus.

- À cet égard, saisi d'un recours en annulation du principal décret d'application 86 ( * ) de la loi du 29 juillet 2015 portant réforme de l'asile, le Conseil d'État a jugé que l'article L. 711-4 du CESEDA était compatible avec les objectifs de la directive « Qualification », en ce que les clauses de cessation du statut de réfugié qu'il prévoit correspondent aux hypothèses prévues par l'article 14 de la directive 87 ( * ) .

• Le dispositif de l'article L. 711-6 du CESEDA permettant de refuser ou de retirer le statut de réfugié pour des motifs sérieux de sécurité

Ce nouveau dispositif, créé par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile à l'initiative de votre rapporteur lors de l'examen du texte au Sénat, permet à l'OFPRA de refuser ou retirer le statut de réfugié pour des motifs sérieux de sécurité .

Transposant d'autres dispositions de l'article 14 de la directive « Qualification », l'article L. 711-6 du CESEDA permet ainsi à l'OFPRA de refuser ou retirer le statut de réfugié aux personnes :

- pour lesquelles il y a des raisons sérieuses de considérer que leur présence en France constitue une menace grave pour la sûreté de l'État (1°) ;

- ou qui ont été condamnées en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme, soit pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, et dont la présence constitue une menace grave pour la société (2°).

Dans la seconde hypothèse, les deux conditions sont cumulatives, l'étranger devant nécessairement avoir été condamné définitivement et, de surcroît, constituer une menace grave pour la société. Il n'y a donc aucun caractère d'automaticité en présence d'une condamnation pour les infractions mentionnées par le 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA.

Extrait de l'article 14 de la directive « Qualification » permettant de révoquer, le statut de réfugié, d'y mettre fin ou de refuser de le renouveler

« 4. Les États membres peuvent révoquer le statut octroyé à un réfugié par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, y mettre fin ou refuser de le renouveler,

a) lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le considérer comme une menace pour la sécurité de l'État membre dans lequel il se trouve ;

b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre.

5. Dans les situations décrites au paragraphe 4, les États membres peuvent décider de ne pas octroyer le statut de réfugié, lorsqu'une telle décision n'a pas encore été prise. »

Source : directive 2011/95/UE « Qualification » précitée.

S'agissant de la première hypothèse, la « sûreté de l'État » peut être définie comme : le « maintien de la consistance de l'État, de son territoire, de sa population, de ses institutions publiques essentielles, de leur indépendance et de leur autorité, par prévention et répression des infractions qui y porteraient atteinte » 88 ( * ) .

Dans la seconde hypothèse , s'agissant des condamnations prononcées en France en dernier ressort pour certains crimes et délits , en cas de cumul avec une menace grave pour la société, sont concernés :

- les crimes, qui supposent une réclusion criminelle d'au moins quinze années (article 131-1 du code pénal) ;

- les délits constituant un acte de terrorisme (voir tableau ci-dessous) ;

- et les délits punis d'au moins dix ans d'emprisonnement comme, à titre d'illustration, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants (article 222-37 du code pénal).

Infractions délictuelles constituant des actes de terrorisme prévues par le code pénal

Délits de droit commun commis en relation avec une entreprise terroriste
(article 421-1)

Délit d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste
(article 421-2-1)

Délit de financement du terrorisme
(article 421-2-2)

Délit de non-justification de ressources, en relations habituelles avec des terroristes
(article 421-2-3)

Délit de terrorisme par recrutement
(article 421-2-4)

Délit de recrutement de mineur dans une association de malfaiteurs
en vue d'une entreprise terroriste
(article 421-2-4-1)

Délit de provocation ou d'apologie des actes de terrorisme
(article 421-2-5)

Délit d'entrave intentionnelle au blocage des sites internet
(article 421-2-5-1)

Délit d'entreprise individuelle terroriste
(article 421-2-6)

Source : commission des lois du Sénat.

S'agissant, enfin, de la gravité de la menace exigée par les deux hypothèses , elle peut être interprétée à la lumière de celle exigée en matière d'expulsion pour motif d'ordre public (article L. 521-1 du CESEDA), d'après les éléments indiqués à votre rapporteur par les services du ministère de l'intérieur.

Votre rapporteur constate toutefois que la directive n'exige que l'existence d'une « menace » et non pas d'une « menace grave », dans les hypothèses de refus ou de retrait du statut de réfugié. Il constate également que ces dispositions ne prennent d'ailleurs pas en compte les condamnations intervenues en dernier ressort dans les autres États de l'Union européenne , alors que cela pourrait être justifié compte tenu du principe de libre circulation des personnes sur le territoire de l'Union européenne.

La jurisprudence de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a commencé à préciser les conditions d'application de l'article L. 711-6 du CESEDA . Dans une décision du 26 septembre 2017 89 ( * ) , confirmée depuis par une autre décision du 14 novembre 2017 90 ( * ) , elle a été amenée à se prononcer sur la situation d'un étranger condamné en dernier ressort en France pour un délit constituant un acte de terrorisme, et à l'encontre duquel l'OFPRA avait pris la décision de mettre fin au statut de réfugié sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA. La CNDA a ainsi précisé l'articulation de ces dispositions avec les clauses d'exclusion du statut de réfugié s'imposant à la France au titre de la convention de Genève et auxquelles le CESEDA renvoie à son article L. 711-3, selon lesquelles certaines personnes ne peuvent pas être reconnues réfugiées au motif qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis des actes qui les rendent indignes de cette protection 91 ( * ) .

Ainsi, la CNDA a jugé que l'article L. 711-6 du CESEDA « ne saurait en conséquence avoir pour objet ou pour effet d'ajouter de nouvelles causes d'exclusion à ces trois cas limitativement définis par la convention de Genève 92 ( * ) ». Elle a considéré que, « pour refuser ou mettre fin à la protection juridique et administrative d'un réfugié sur le fondement de l'article L. 711-6 du CESEDA , en raison de la menace grave qu'il représente en France pour la sûreté de l'État ou pour la société, il appartient toujours à l'OFPRA et, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile, de vérifier au préalable, y compris à raison des mêmes faits que ceux pour lesquels l'office envisage de refuser d'exercer cette protection, si cette personne répond aux définitions du réfugié prévues aux articles L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 1 er de la convention de Genève précités, et notamment si elle doit en être exclue sur le fondement de la section F de l'article 1 er de la convention de Genève » .

En l'espèce, les faits commis par le requérant ayant conduit au prononcé à son encontre en France et en dernier ressort d'une peine d'emprisonnement de quatre années de prison dont une avec sursis, emportaient qualification « d'activités qui constituent par leur nature, leur gravité et leur dimension internationale, des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies qui justifient l'application à l'encontre [du requérant] de la clause d'exclusion ».

Par conséquent, « l'intéressé n'ayant plus la qualité de réfugié, les dispositions de l'article L. 711-6 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étaient pas applicables » .

La CNDA a également rappelé qu'une décision mettant fin au statut de réfugié était, par elle-même, « dépourvue d'effet sur la présence sur le territoire français ou sur les liens de la personne concernée avec les membres de sa famille » .

Votre rapporteur confirme à cet égard que le refus ou le retrait du statut de réfugié n'a pas, en lui-même, pour objet ni pour effet de conduire les États membres à prévoir des cas dans lesquels les personnes intéressées devraient être reconduites dans un pays où elles pourraient être exposées à la peine de mort ou à des traitements contraires au principe de dignité de la personne humaine .

D'ailleurs, s'agissant de la compatibilité des articles 4 et 5 de la directive 14 « Qualification », que l'article L. 711-6 du CESEDA transpose, avec la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui renvoie elle-même à la convention de Genève 93 ( * ) , plusieurs questions préjudicielles sont pendantes devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

• Les clauses d'exclusion et de cessation de la protection subsidiaire

Transposant l'article 17 de la directive « Qualification », l'article L. 712-2 du CESEDA dispose que la protection subsidiaire n'est pas accordée , dans les hypothèses où il existe des raisons sérieuses de penser que la personne concernée :

- a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité (a) ;

- a commis un crime grave (b),

- s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies (c) ;

- ou a une activité sur le territoire qui « constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État » (d).

Les clauses prévues aux a) à c) s'appliquent également aux personnes qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices des crimes ou des agissements susmentionnés.

Ce même article prévoit également qu'il est possible d'exclure de la protection subsidiaire toute personne pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle a commis un ou plusieurs autres crimes que ceux mentionnés à l'article L. 712-2 du CESEDA cités ci-dessus, et qu'elle n'a quitté son pays d'origine que dans le but d'échapper à des sanctions résultant de ce ou ces crimes 94 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a jugé que l'article L. 712-2 du CESEDA se bornait à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de la directive « Qualification », qui ne mettent en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France et, conformément à son considérant de principe, indiqué qu'il revenait au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne 95 ( * ) .

Votre rapporteur a toutefois relevé, au sein de cet article L. 712-2 du CESEDA, deux divergences avec la directive, qui :

- d'une part, n'exige pas que la menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État soit « grave » ;

- d'autre part, prévoit que toutes les clauses de a) à c) sont susceptibles de s'appliquer non seulement aux auteurs, mais aussi aux instigateurs de ces crimes ainsi qu'aux personnes qui y participent de quelque autre manière.

S'agissant des clauses de cessation , l'OFPRA peut mettre fin à la protection subsidiaire de sa propre initiative ou sur demande de l'autorité administrative, « lorsque les circonstances ayant justifié l'octroi de cette protection ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable pour que celle-ci ne soit plus acquise ». Transposant l'article 16 de la directive « Qualification », l'article L. 712-3 du CESEDA prévoit toutefois que la protection subsidiaire est maintenue lorsque son bénéficiaire « justifie de raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures pour refuser de se réclamer de la protection de son pays ».

De surcroît, conformément à l'article 19 de la directive « Qualification », l'OFPRA peut mettre fin à tout moment au bénéfice de la protection subsidiaire, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative :

- lorsque son bénéficiaire aurait dû en être exclu car il a commis l'un des actes énumérés à l'article L. 712-2 du CESEDA présentés ci-dessus 96 ( * ) (1°) ;

- si la décision d'octroi de cette protection a résulté d'une fraude (2°) ;

- ou encore, à raison de faits commis postérieurement à l'octroi de la protection internationale, qui justifient qu'il en soit exclu pour l'un des motifs prévus à l'article L. 712-2 du CESEDA.

• La procédure suivie par l'OFPRA

S'agissant de la décision de refus ou d'exclusion d'une protection internationale , quelles que soient les situations, celle-ci est prise au terme de l'instruction de la demande d'asile par l'OFPRA, qui apprécie chaque situation individuellement.

S'agissant de la procédure de fin de protection 97 ( * ) (c'est-à-dire le retrait ou la cessation), toute décision de ce type prise par l'OFPRA, tant en matière de droit d'asile (articles L. 711-4 et L. 711-6 du CESEDA), que de protection subsidiaire (L. 712-3 du CESEDA), fait l'objet d'une procédure définie par la loi, conformément à l'article 45 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, dite directive « Procédures ».

Introduite à l'initiative de votre rapporteur en 2015, cette procédure est prévue aux articles L. 724-1 à L. 724-3 du CESEDA.

Elle reprend les garanties d'information prévues par la directive en faisant obligation à l'OFPRA d'avertir par écrit la personne concernée de l'ouverture d'une procédure de cessation, ainsi que des motifs de l'engagement de celle-ci. Afin de respecter le principe du contradictoire, la personne concernée doit pouvoir présenter par écrit ses observations sur les motifs de nature à faire obstacle à la décision de cessation, l'Office pouvant, si nécessaire, recourir à un entretien personnel. Enfin, la décision de cessation doit être motivée en fait et en droit et préciser les voies et délais de recours.

Une procédure spécifique est prévue dans les hypothèses où l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire résulte d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile ou du Conseil d'État . En effet, en raison de l'autorité relative de la chose jugée, l'OFPRA ne peut procéder directement à ce type de cessation. Il est donc prévu à cet effet un recours en révision aux termes de l'article L. 711-5 du CESEDA, lorsque ces juridictions ont elles-mêmes accordé le statut de réfugié, dans les cas où la personne aurait dû être exclue du statut de réfugié en application des sections D, E ou F de l'article 1 er de la convention de Genève ou que leur décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d'une fraude. La même procédure est prévue aux termes de l'article L. 712-4 du CESEDA pour le bénéfice de la protection subsidiaire.

• La mise en oeuvre par l'OFPRA

Selon son rapport annuel, l'OFPRA 98 ( * ) a pris 258 décisions d'exclusion, de cessation ou de retrait de statut en 2017, toutes causes confondues, contre 151 en 2016 .

S'agissant spécifiquement des décisions prises sur le fondement du dispositif prévu à l'article L. 711-6 du CESEDA, 13 décisions de refus ou de retrait ont été prises en 2017 . Concernant les refus du statut de réfugié, en 2016, aucun refus de protection n'avait été décidé par l'OFPRA sur ce fondement, tandis que 7 refus de protection l'ont été en 2017. Concernant les retraits du statut de réfugié, 15 retraits ont été prononcés par l'OFPRA sur ce fondement en 2016, et 8 en 2017.

S'agissant de la protection subsidiaire, si 11 décisions de fin de protection ont été prises en 2017, selon le rapport annuel de l'OFPRA, le nombre d'enquêtes que l'Office effectue en application des dispositions prévoyant que cette protection n'est pas accordée à une personne dont l'activité sur le territoire constitue une menace grave à l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État 99 ( * ) , s'est élevé à 15 872 en 2017 contre 11 990 en 2016 et 3 742 en 2015. Ces chiffres ne comprennent que le cas d'exclusion prévu à l'article L. 712-2 concernant la protection subsidiaire. Ces enquêtes portent essentiellement sur des ressortissants afghans (47,1 %) et syriens (12,7 %) et, dans une moindre mesure, des ressortissants russes (3,8 %), irakiens (3,5 %) et libyens (3,3 %).

• Le régime juridictionnel des décisions d'exclusion ou de cessation d'une protection internationale

L'ensemble des recours formés contre les décisions d'exclusion ou de cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire relèvent de la compétence de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) 100 ( * ) , en application de l'article L. 731-2 du CESEDA.

Le Conseil d'État a confirmé dans trois décisions du 23 décembre 2016 101 ( * ) l'extension de la compétence de la Cour nationale à tous les recours dirigés contre les décisions prises par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, relatives à l'obtention de la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire, de même que celles mettant fin au statut de réfugié sur le fondement de l'article L. 711-6 du CESEDA 102 ( * ) .

b) La transmission d'informations entre les autorités judiciaire et administrative en charge de l'asile aux fins d'assurer l'effectivité de ces clauses d'exclusion et de cessation d'une protection internationale

En premier lieu, l'autorité judiciaire est actuellement tenue de communiquer au directeur général de l'OFPRA et au président de la CNDA tout élément dont elle a connaissance au cours d'une instance civile ou pénale 103 ( * ) , qui serait susceptible de conduire à la mise en oeuvre d'une clause d'exclusion de la protection internationale 104 ( * ) (article L. 713-5 du CESEDA) ou de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d'une demande d'asile ou du statut d'apatride (article L. 713-6 du CESEDA).

En l'état actuel du droit, les actes de terrorisme ne sont pas explicitement visés par ces articles , même s'ils peuvent être considérés comme entrant dans la catégorie des « agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies », qui est l'une des clauses d'exclusion prévue par la convention de Genève et à laquelle renvoie l'article L. 711-3 du CESEDA. Une circulaire du ministère de la justice incite donc les autorités judiciaires à transmettre les informations concernant de tels actes, informations qualifiées « de première importance » 105 ( * ) lorsqu'il s'agit également d'identifier l'existence d'une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, permettant d'exclure ou de mettre fin à une protection subsidiaire.

Ainsi, dans le cadre de procédures civiles ou pénales, dès lors que des informations sont recueillies et laissent suspecter l'existence de faits pouvant être qualifiés de crimes contre la paix, crimes de guerre, crimes contre l'humanité, crimes graves de droit commun, d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies ou d'activités laissant supposer l'existence d'une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, ou encore le caractère frauduleux d'une demande d'asile, l'autorité judiciaire est tenue d'en informer l'OFPRA et la CNDA, étant précisé que l'appréciation de la protection qu'il convient d'accorder au titre de l'asile est indépendante de l'issue d'une procédure judiciaire.

Selon le rapport annuel de l'OFPRA, 469 bulletins judiciaires n° 2 et 585 décisions lui ont été transmis en 2017, contre respectivement 612 et 775 en 2016. Cette baisse tient au meilleur ciblage des dossiers devant faire l'objet d'une étude sous l'angle d'une éventuelle décision d'exclusion pour des motifs tenant à la menace grave à l'ordre public. L'Office est par ailleurs également destinataire de réquisitions ou de commissions rogatoires. En 2017, 173 réquisitions ont ainsi été reçues par l'Office, contre 149 en 2016.

En second lieu, l'article L. 722-3 du CESEDA fait obligation au directeur général de l'OFPRA d'adresser au procureur de la République un signalement sur le fondement du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale 106 ( * ) dès lors que l'Office fait application de certaines clauses d'exclusion de la protection internationale . Le même article prévoit également que « tous les membres du personnel de l'office sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les renseignements qu'ils auront reçus dans l'exercice de leur fonction ». Ces dispositions ont notamment pour objet de mieux articuler le principe de confidentialité des éléments d'information concernant le demandeur d'asile détenus par l'Office, érigé par le Conseil constitutionnel au rang de « garantie essentielle du droit d'asile », principe à valeur constitutionnelle 107 ( * ) , avec le principe de la sauvegarde de l'ordre public et de la recherche des auteurs d'infractions.

En l'état du droit, aucune obligation de transmission d'information entre les autorités judiciaires et l'OFPRA n'est en revanche prévue pour la mise en oeuvre de l'article L. 711-6 du CESEDA .

2. Le texte transmis : un nouveau renforcement du cadre légal permettant à l'OFPRA de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié en présence de motifs sérieux de sécurité

Le projet de loi tend en premier lieu à étendre le champ d'application du 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA , qui permet le refus ou le retrait du statut de réfugié pour les personnes condamnées en dernier ressort en France pour des faits criminels ou délictueux à caractère terroriste ou punis de plus de dix ans d'emprisonnement et menaçant la société, aux condamnations intervenues dans les mêmes conditions, dans un autre État de l'Union européenne.

Par l'adoption d'un amendement de séance de notre collègue député Michel Zumkeller et de plusieurs de ses collègues, avec l'avis favorable de la commission et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu cette disposition aux États « dont la France reconnaît les législations et les juridictions pénales au vu de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances de politique générale » , et dont la liste serait fixée par décret en Conseil d'État. Sont ainsi visés les pays extérieurs à l'Union européenne avec lesquels la France entretient une coopération judiciaire : États-Unis, Canada, Suisse, Japon...

En deuxième lieu, le projet de loi étend aux hypothèses visées à l'article L. 711-6 du CESEDA l'obligation pour les autorités judiciaires de transmettre à l'OFPRA et la CNDA les informations susceptibles de justifier sa mise en oeuvre (L. 713-5 du CESEDA).

En dernier lieu, le projet de loi ouvre la possibilité de procéder à des enquêtes administratives pour la mise en oeuvre de l'article L. 711-6 du CESEDA, ou des clauses d'exclusion et de cessation de la protection subsidiaire respectivement prévues aux articles L. 712-2 et L. 712-3 du même code.

À l'issue de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale, le champ d'application de l'article a été étendu, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission, aux hypothèses dans lesquelles la délivrance, le renouvellement ou le retrait des titres ou autorisations de séjour peut être refusé en cas de menace pour l'ordre public.

Ces enquêtes administratives seraient réalisées sur le fondement du second alinéa du I de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction modifié par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Celui-ci prévoit que « ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation sont précisées par décret 108 ( * ) ».

Toutefois la consultation des traitements de données automatisés dans le cadre des enquêtes administratives ne peut intervenir que, d'une part, si l'acte réglementaire créant chaque traitement prévoit expressément sa consultation dans le cadre de ces enquêtes et, d'autre part, si les personnes chargées de la réalisation de ces enquêtes sont expressément autorisées à le consulter.

L'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure

Cet article s'applique à certaines fonctions et missions stratégiques : les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'État, les emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense, les emplois ou activités privés réglementés relevant des domaines des jeux, des paris et des courses, l'accès à des zones protégées, ou encore l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux. Il concerne donc des décisions administratives en lien avec la sécurité.

Il prévoit la possibilité de soumettre un recrutement, une affectation ou toute autorisation, agrément ou habilitation aux fonctions ou missions précitées à la réalisation d'une enquête administrative préalable permettant de s'assurer que le comportement de la personne physique ou morale qui le sollicite n'est pas incompatible avec les fonctions ou missions envisagées.

La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a prévu, que de telles enquêtes pouvaient également être menées en vue de s'assurer que le comportement des personnes concernées n'était pas devenu incompatible avec les fonctions ou missions exercées.

Lorsque le résultat de l'enquête fait apparaître que le comportement est devenu incompatible, il peut être mis fin aux fonctions (radiation ou licenciement après une procédure contradictoire) ou aux missions de la personne concernée.

Source : commission des lois du Sénat.

Il s'agit essentiellement de pouvoir consulter des fichiers de police, de justice ou de renseignement. Comme l'indique le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, l'OFPRA pourra ainsi devenir destinataire d'informations transmises par les différents services gérant l'ensemble des fichiers de sécurité. S'agissant des décisions administratives relatives aux titres et autorisations de séjour, ajoutées à l'Assemblée nationale par le Gouvernement, ce sont les autorités préfectorales qui pourront être destinataires de ces informations.

Le projet de loi prévoit que l'ensemble des mesures prévues par l'article 4 entrent en vigueur dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire dès le lendemain de la publication de la loi.

3. La position de votre commission : approuver l'économie générale de ces mesures tout en renforçant leur efficacité

Votre commission approuve l'économie générale des mesures proposées par l'article 4 . Elle a toutefois adopté , sur proposition de son rapporteur, plusieurs amendements visant à renforcer l'efficacité du dispositif .

Suivant l'analyse de son rapporteur, votre commission a tout d'abord approuvé l'extension du champ des condamnations prévues au 2° de l'article L. 711-6 du CESEDA aux condamnations intervenues dans d'autres États membres de l'Union européenne . Comme le précise l'article 132-23-2 du code pénal, selon lequel « pour l'appréciation des effets juridiques des condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un État membre de l'Union européenne, la qualification des faits est déterminée par rapport aux incriminations définies par la loi française et sont prises en compte les peines équivalentes aux peines prévues par la loi française », il convient d'appliquer les qualifications résultant des dispositions nationales.

De même, votre commission a approuvé l'extension opérée par l'Assemblée nationale aux condamnations prononcées dans des États tiers, tout en revoyant la rédaction de ces dispositions ( amendement COM-253 ), afin de mieux assurer leur intelligibilité au sein de l'article L. 711-6 précité.

Seraient ainsi concernées les condamnations prononcées dans les États, dont la liste serait fixée par décret en Conseil d'État, dans lesquels les infractions font l'objet d'une double incrimination dans le pays tiers et en France, et qui garantissent l'indépendance de leurs juridictions répressives. Il s'agira donc concrètement d'examiner si l'infraction ayant donné lieu à condamnation dans le pays donné est également pénalisée en France et, le cas échéant, de l'examiner à la lumière des principes et des peines prévus par le droit pénal français 109 ( * ) , pour déterminer si elle entre dans le champ d'application des crimes ou délits tels qu'ils sont définis par l'article L. 711-6 du CESEDA.

Votre commission a ensuite souhaité étendre le champ des comportements susceptibles de fonder un refus ou un retrait du statut de réfugié sur le fondement de l'article L. 711-6 du CESEDA , reprenant des mesures déjà votées par le Sénat en 2015 et les termes de l'article 14 de la directive « Qualification ». Par l'adoption d'un amendement COM-252, elle a ainsi :

- supprimé le caractère de gravité de la menace susceptible de fonder la mise en oeuvre du refus ou du retrait de la protection, la directive « Qualification » ne mentionnant pas ce critère de gravité ;

- et réintroduit, au 1° de l'article, les menaces à la sécurité publique comme élément permettant d'exclure une personne du statut de réfugié ou de mettre fin à sa protection, complétant utilement la notion de « sûreté de l'État », afin de couvrir les cas où la personne ne représente pas un danger pour les institutions de l'État mais pour la sécurité sur le territoire et n'a, de ce fait, pas vocation à être protégée par la France.

Par cohérence, votre commission a également supprimé le caractère de gravité exigé à l'article L. 712-2 du CESEDA pour les activités menaçant l'ordre public, la sécurité publique et la sûreté de l'État ( amendement COM-278 ), reprenant également les termes de l'article 17 de la directive « Qualification ».

De surcroît, votre commission a substitué une compétence liée à la faculté aujourd'hui laissée à l'OFPRA de refuser ou retirer le statut de réfugié lorsque les conditions prévues à l'article L. 711-6 sont réunies ( amendement COM-250 ).

Par cohérence, votre commission a effectué la même substitution (amendement COM-278) dans les autres cas de cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire prévus par le CESEDA (articles L. 711-4, L. 712-2 et L. 712-3).

Il s'agit en effet de distinguer la qualification des faits, pour laquelle l'OFPRA a toute latitude dans le cadre de l'instruction des dossiers - sous le contrôle du juge - et la conséquence de cette qualification qui doit lier l'autorité administrative . Il n'y aurait en effet aucune automaticité, puisque c'est toujours l'OFPRA qui apprécie et qualifie les faits devant le conduire à prendre une décision de refus ou de retrait du statut de réfugié ou à appliquer l'une des clauses d'exclusion ou de cessation d'une protection internationale.

De surcroît, lorsque l'Office envisage de mettre fin à une protection, la personne concernée est en mesure de se défendre en lui présentant les motifs pour lesquels il n'y a pas lieu de lui retirer la protection internationale grâce à la procédure contradictoire introduite par le Sénat en 2015 (articles L. 724-1 à L. 724-3 du CESEDA).

Par ailleurs, par l'adoption du même amendement COM-250, votre commission a également exclu de la protection subsidiaire les instigateurs et les complices « d'une activité sur le territoire constitu [ant] une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État » , agissements constituent une clause d'exclusion pour leurs seuls auteurs et, curieusement, pas pour leurs complices. Cette absence d'exclusion de la protection subsidiaire des instigateurs et complices ne paraît pas opportune eu égard à la nature des actes concernés, d'autant plus où elle n'est pas prévue dans le droit de l'Union européenne.

S'agissant du recours aux enquêtes administratives , votre commission, tout en approuvant pleinement ces dispositions, a souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-254 rectifié, codifier ces dispositions au sein d'un nouvel article L. 611-13 du CESEDA, et non pas au sein du code de la sécurité intérieure comme l'article 4 transmis le propose.

L'amendement prévoit également, comme à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure qui était visé, un décret afin de préciser les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de la consultation des fichiers.

La création d'un régime propre au sein du CESEDA a semblé plus cohérente à votre commission, s'agissant d'une mesure concernant le droit des étrangers , puisque l'article visé du code de la sécurité intérieure (article L. 114-1) concerne un sujet tout à fait différent, celui des enquêtes administratives principalement menées pour les recrutements aux emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'État, ou relevant du domaine de la sécurité ou de la défense.

De fait, les finalités poursuivies par les enquêtes administratives que tend à créer l'article 4 du projet de loi sont nettement différentes de celles prévues à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure . Ces dernières visent en effet à vérifier que le comportement d'une personne physique ou morale n'est pas incompatible avec l'exercice de certaines fonctions ou activités particulièrement exposées ou dangereuses. Or, les hypothèses qu'il est proposé de rajouter sont totalement extérieures à ce domaine : il s'agirait de vérifier si le comportement d'étrangers titulaires de certains titres et autorisations de séjour ou d'une protection internationale (statut de réfugié ou bénéfice la protection subsidiaire) n'est pas incompatible avec le maintien sur le territoire. Les finalités poursuivies par ces enquêtes, non mentionnées par le projet de loi transmis, sont donc précisées en ces termes par le même amendement COM-254 rect de votre rapporteur.

De surcroît, dans la mesure où le public concerné par ces enquêtes administratives et les finalités poursuivies sont différents de ceux de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure , il a semblé à votre rapporteur qu'il serait de toute façon nécessaire de prévoir des modalités d'application spécifiques , exigeant de prendre de nouvelles mesures réglementaires.

D'ailleurs, dans son avis sur le projet de loi, s'il estime que le « principe de l'accès à ces informations n'est pas contestable », observation que rejoint pleinement votre rapporteur, le Conseil d'État attire l'attention du Gouvernement sur « l'élargissement constant des destinataires des informations de ces fichiers et des motifs de leur consultation qui remet en cause les finalités plus étroites conçues lors de leur création ». Dans le contexte de l'entrée en vigueur prochaine du projet de loi relatif à la protection des données personnelles, il invite en conséquence le Gouvernement à déterminer avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés, sur la base d'une étude d'impact de ces différents fichiers, quelles mesures « s'imposeront pour que la collecte et l'usage de ces fichiers soient entourées des garanties adéquates qui devront être précisées, le cas échéant, par des textes règlementaires ».

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. L. 721-4, L. 722-1, L. 722-6 [nouveau], L. 723-2, L. 723-6, L. 723-8, L. 723-11, L. 723-12, L. 723-13, L. 724-3 et L. 812-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Procédure devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides

L'article 5 du projet de loi vise à préciser la liste des pays considérés comme d'origine sûrs, à réduire le délai dans lequel une demande d'asile devient tardive, à prévoir la dématérialisation des convocations et notifications de l'OFPRA, ainsi qu'un nouveau cas de clôture de la demande d'asile.

1. L'examen en procédure accélérée des demandes d'asile : une procédure administrative récemment rénovée et enserrée dans le droit de l'Union européenne

a) Les différentes procédures d'examen d'une demande d'asile : la procédure normale, la procédure accélérée et la procédure pour les demandes formées en rétention

L'instruction de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) intervient selon l'une des trois procédures possibles, dont les délais ont été raccourcis dans le cadre de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

À cette occasion, le Gouvernement avait fixé les objectifs suivants :

- le délai de traitement en procédure normale ne devait pas excéder 240 jours (soit 8 mois), dont 90 pour l'OFPRA et 150 pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- le délai de traitement en procédure accélérée, auparavant appelée procédure prioritaire et qui intervient dans certains cas fixés par la loi (article L. 723-2 du CESEDA, voir infra ), ne devait pas excéder 50 jours (soit 15 jours pour l'OFPRA et 35 jours pour la CNDA) ;

- et enfin la procédure de demande d'asile pour un demandeur placé en rétention, qui dispose de cinq jours 110 ( * ) pour déposer sa demande (article L. 551-3 du CESEDA), cette demande mettant fin à la rétention, sauf si elle est présentée dans le seul but de faire échec à une mesure d'éloignement (article L. 556-1 CESEDA). L'OFPRA traite ces demandes dans un délai de 96 heures.

L'article 31, (point 8) de la directive « Procédures » permet en effet aux États membres de l'Union européenne d'accélérer la procédure d'examen de la demande d'asile dans certains cas limitativement énumérés.

Le placement en procédure accélérée a alors deux conséquences :

- le délai de traitement devant l'OFPRA, sans préjudice d'un examen individuel est de quinze jours ;

- le délai de traitement devant la Cour nationale du droit d'asile est de cinq semaines au lieu de cinq mois, et le recours est instruit non pas par une formation collégiale, mais par un juge unique 111 ( * ) .

En revanche, depuis l'entrée en vigueur de la loi 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, le placement en procédure accélérée n'a plus de conséquences sur les conditions d'accueil : elles sont identiques pour tous les demandeurs d'asile, que leur demande soit traitée selon la procédure normale ou la procédure accélérée. De même, les demandeurs placés, le cas échéant, en procédure accélérée, se voient délivrer par la préfecture, au moment de l'enregistrement de leur demande d'asile, une attestation de demande d'asile qui vaut autorisation provisoire de séjour 112 ( * ) , et leur permet donc de se maintenir sur le territoire le temps de l'instruction de leur demande d'asile.

Le traitement en procédure accélérée d'une demande d'asile

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile a modifié l'article L. 723-2 du CESEDA pour substituer à la procédure « prioritaire », la procédure « accélérée ».

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statue en procédure accélérée dans trois hypothèses :

- de plein droit, dès le guichet unique en préfecture (GUDA), lorsque le demandeur provient d'un pays d'origine sûr (1°) ou qu'il présente une demande de réexamen recevable (2°) ;

- sur sa propre initiative, lorsque le demandeur a fourni à l'Office de faux documents ou indications (1°), ne soulève que des questions sans pertinence à l'appui de sa demande (2°), ou fait des déclarations manifestement incohérentes ou contradictoires (3°) ;

- lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement le décide, après avoir constaté : que le demandeur refuse de se soumettre à l'obligation de donner ses empreintes digitales conformément à la procédure « Dublin » (1°), qu'il a fourni, lors de l'enregistrement de sa demande, de faux documents d'identité ou de voyage, de fausses indications ou dissimule des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur l'autorité administrative, ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes (2°), lorsqu'il n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de 120 jours après son arrivée en France sans motif légitime (3°), lorsqu'il ne présente une demande d'asile que pour faire échec à son éloignement (4°) ou encore lorsque que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État (5°).

L'Office est informé par la préfecture des motifs ayant présidé au classement de la demande en procédure accélérée, à l'exception du cas où elle intervient de plein droit et du cas où le demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

La procédure accélérée ne peut être mise en oeuvre à l'égard de mineurs non accompagnés que s'ils sont issus d'un pays d'origine sûr ou si leur présence constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, conformément aux prescriptions de l'article 25 de la directive « Procédures ».

Lorsque l'OFPRA examine une demande d'asile en procédure accélérée, il statue dans un délai de quinze jours à compter de l'introduction de la demande (article R. 723-4 du CESEDA). Ce délai est ramené à 96 heures lorsque le demandeur est placé en centre de rétention administrative.

Le demandeur est informé du traitement de sa demande en procédure accélérée, et des raisons de ce choix, au moment de l'enregistrement de sa demande en préfecture ou au moment de sa convocation à l'entretien personnel à l'OFPRA. Dans le cas où le classement en procédure accélérée serait prescrit par l'Office à l'issue de l'entretien, le délai de 15 jours ne court qu'à partir de la date de l'entretien.

Le classement d'une demande en procédure accélérée n'a cependant aucune incidence sur son examen au fond : l'OFPRA procède à un examen individuel des demandes, dans les mêmes conditions que celles examinées en procédure « normale », comme l'exige la loi.

L'OFPRA peut à tout moment au vu du fond de la demande, décider ne pas statuer en procédure accélérée, de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui paraît nécessaire, « pour assurer un examen approprié de la demande », en particulier si le demandeur provenant d'un pays d'origine sûr « invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d'origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande ». L'OFPRA dispose au surplus de la faculté de revenir à la procédure normale en cas de vulnérabilité incompatible avec la procédure accélérée (article L. 723-3 du CESEDA).

Le choix de la procédure accélérée, tout comme le refus de l'office de statuer selon la procédure accélérée, ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux distinct de celui formé devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à l'encontre de la décision de l'Office sur la protection, ce qui est conforme au droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 46 de la directive « Procédures » 113 ( * ) .

Selon le dernier rapport annuel de l'OFPRA 114 ( * ) , 31 561 demandes ont été traitées en procédure accélérée par l'Office en 2017, soit 39 % de l'ensemble des demandées et une proportion équivalente à celle constatée en 2016.

Parmi ces dossiers, seules 598 demandes, principalement issues d'Haïti ou de Chine, ont été classées en procédure accélérée sur l'initiative de l'OFPRA à l'issue d'un entretien individuel (II de l'article L. 723-2 du CESEDA). L'OFPRA a également procédé à 63 décisions de déclassement de la procédure accélérée vers la procédure normale, comme le permet la loi depuis 2015, dans le cas où ces classements ont été effectués de droit ou par décision de l'autorité préfectorale 115 ( * ) . L'OFPRA peut y procéder s'il juge que les éléments du dossier nécessitent une instruction approfondie, quels que soient les motifs ayant présidé à la détermination de la procédure accélérée : « cela s'applique notamment lorsqu'il apparaît que le demandeur relève de besoins de protection spécifiques, doit bénéficier de garanties procédurales particulières en raison de la gravité des violences subies ou de toute difficulté de nature à entraver la capacité du demandeur à établir la crédibilité de sa demande dans de bonnes conditions » 116 ( * )

La très grande majorité des classements en procédure accélérée interviennent donc de droit (I de l'article L. 723-2 du CESEDA) ou sont décidés par la préfecture (III du même article). Sur une dizaine d'années, la part des demandes traitées en procédure accélérée connaît une hausse constante de plus de 10 points, puisqu'elle s'établissait à 28,2 % en 2007, et à seulement 16 % en 2004.

L'OFPRA indique toutefois dans son rapport que, comme l'exige l'article L. 723-2 du CESEDA, « le placement d'une demande en procédure accélérée n'a aucune incidence sur son examen au fond, l'Office procédant systématiquement à un examen individuel des demandes » 117 ( * ) . Le délai de 15 jours ne saurait conduire à ce que l'OFPRA statue sans discernement. En effet, l'article 31 de la directive « Procédures », visé par l'article R. 723-2 du CESEDA, mentionne que « les États membres veillent à ce que la procédure d'examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d'un examen approprié et exhaustif. » D'après les éléments transmis à votre rapporteur par l'OFPRA, des exercices du contrôle qualité mis en place en collaboration avec le Haut-Commissariat aux réfugiés tendent à démontrer qu'il n'y aurait pas de différence de traitement dans les faits entre les demandes en procédure normale et celles en procédure accélérée 118 ( * ) .

• Deux cas emblématiques de classement en procédure accélérée : les demandeurs issus de pays d'origine sûrs et les demandeurs qui effectuent une demande d'asile tardive

Selon l'étude d'impact, le fait d'être issu d'un pays considéré comme d'origine sûr, d'une part, ou de faire enregistrer sa demande d'asile tardivement, d'autre part, sont les deux motifs principaux de classement en procédure accélérée. Cela témoignerait, selon cette même étude d'impact, de l'importance persistante dans la demande d'asile globale d'une demande pouvant apparaître « en partie étrangère à un besoin de protection ».

• Une définition des pays considérés comme des pays d'origine sûrs qui s'est stabilisée même si leur détermination reste source de contentieux

Issue du droit de l'Union européenne et récemment modifiée par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile, la définition des pays considérés comme d'origine sûrs est fixée à l'article L. 722-1 du CESEDA. Un pays tiers est ainsi « considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit d'asile dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne » .

S'agissant du classement en procédure accélérée d'office des demandes d'asile des personnes issues de ces pays, à l'occasion de l'examen de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, qui introduisait ces notions en droit français, le Conseil constitutionnel a relevé l'absence de violation du principe d'égalité 119 ( * ) , puisque les demandeurs d'asile provenant de pays considérés comme sûrs se trouvent placés dans une situation différente de celle des demandeurs d'asile venant d'autres pays , justifiant un traitement différent, sans préjudice de leur droit à un examen individuel de leur dossier.

Reprenant les termes du Conseil constitutionnel, le Conseil d'État a eu plus récemment l'occasion de rappeler que l'application d'une procédure accélérée par l'OFPRA ne saurait exempter l'administration de procéder à l'examen individuel de chaque dossier 120 ( * ) . De même, s'agissant du respect de la conventionalité de ces dispositions relatives à la procédure accélérée, le Conseil d'État a jugé 121 ( * ) que la circonstance selon laquelle les règles de procédure sont différentes n'est pas contraire aux stipulations de la convention de Genève et notamment de son article 3 122 ( * ) . De même, la Cour de justice de l'Union européenne a confirmé que la nationalité du demandeur d'asile était bien un élément pouvant être pris en considération pour justifier le traitement prioritaire ou accéléré d'une demande d'asile 123 ( * ) .

D'après les éléments indiqués par l'OFPRA à votre rapporteur, les principales nationalités concernées par le placement en procédure accélérée au sein des premières demandes d'asile sont l'Albanie (37 %), le Kosovo (8 %), l'Arménie (7 %) et Haïti (7 %), les trois premières étant considérées comme celles de pays d'origine sûrs. La proportion des Albanais a fortement augmenté, puisqu'elle passée de 22,3 % du total des procédures accélérées en 2016 à 37 % en 2017.

Le taux d'octroi d'une protection n'est que de 6,4 % pour les Albanais (pour plus de 10 534 demandes examinées). Par comparaison, des pays considérés comme non sûrs ont des taux d'octroi de protection bien plus élevés : l'Afghanistan (83,1 %), l'Irak (84,2 %), le Koweït (100 %), le Yémen (94,9 %), et enfin la Syrie (95,2 %).

D'après les éléments transmis à votre rapporteur par les services du ministère de l'intérieur, le nombre de demandes d'asile classées en procédure accélérée en application du principe du pays d'origine sûr représentait 12 839 demandes en 2017 (contre 10 133 en 2016), soit environ 40 % du nombre total de demandes d'asile classées en procédure accélérée.

Le droit de l'Union européenne et la désignation des pays considérés comme des pays d'origine sûrs

Article 37 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale :

« 1. Les États membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions législatives qui leur permettent, conformément à l'annexe I, de désigner des pays d'origine sûrs, au niveau national, aux fins de l'examen des demandes de protection internationale.

2. Les États membres examinent régulièrement la situation dans les pays tiers désignés comme pays d'origine sûrs conformément au présent article.

3. Lorsqu'ils déterminent si un pays est un pays d'origine sûr conformément au présent article, les États membres s'appuient sur un éventail de sources d'information, y compris notamment des informations émanant d'autres États membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales compétentes.

4. Les États membres notifient à la Commission les pays désignés comme pays d'origine sûrs conformément au présent article. »

ANNEXE I :

« Désignation comme pays d'origine sûr aux fins de l'article 37, paragraphe 1

Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l'article 9 de la directive 2011/95/UE, ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne.

Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants:

a) les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées ;

b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention des Nations unies contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l'article 15, paragraphe 2, de ladite convention européenne ;

c) la manière dont est respecté le principe de non-refoulement conformément à la convention de Genève ;

d) le fait qu'il dispose d'un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés. »

Cette définition est à distinguer du « concept de pays tiers européen sûr » .

En vertu du protocole additionnel au traité d'Amsterdam, dit protocole « Aznar », les pays de l'Union européenne sont considérés comme pays d'origine sûr, bien qu'un examen au cas par cas soit exigé 124 ( * ) . Dès lors, une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ne peut être prise en considération que dans des cas limitativement énumérés 125 ( * ) :

- non-respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'État d'origine du demandeur ;

- mise en oeuvre de la procédure de prévention ou de la procédure de sanction d'une violation des droits fondamentaux garantis par le traité sur l'Union européenne ;

- traitement de la demande sur la base de la présomption qu'elle est manifestement infondée.

Sources : commission des lois du Sénat et directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.

La loi dispose que cette liste est fixée par le conseil d'administration de l'OFPRA , dans les conditions prévues à l'article 37 et à l'annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale dite directive « Procédures ».

La gouvernance de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides

Conformément à l'article L. 722-1 du CESEDA, le conseil d'administration de l'OFPRA est composé de 17 membres ayant une voix délibérative :

- deux députés (une femme et un homme), désignés par l'Assemblée nationale ;

- deux sénateurs (une femme et un homme), désignés par le Sénat ;

- deux représentants de la France au Parlement européen (une femme et un homme), désignés par décret ;

- dix représentants de l'État ;

- et un représentant du personnel de l'Office, élu pour trois ans par les agents de l'OFPRA.

Le conseil d'administration est également composé de trois personnalités qualifiées, qui ne disposent pas de voix délibérative à l'exception des décisions relatives à l'établissement de la liste des pays d'origine sûrs, l'une d'elles représentant les organismes chargés de l'accueil et de la prise en charge des demandeurs d'asile et réfugiés. Le représentant du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste également aux séances et y présente ses observations, sans voix délibérative. Enfin, toute personne concernée par l'ordre du jour peut être conviée à assister aux séances.

Sources : commission des lois du Sénat et site internet de l'OFPRA.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, le conseil d'administration de l'OFPRA est en outre tenu d'examiner régulièrement la situation dans les pays considérés comme des pays d'origine sûrs et de radier, le cas échéant, un pays de la liste. En cas d'évolution rapide et incertaine de la situation d'un pays, il peut également en suspendre l'inscription de manière provisoire.

À l'occasion de l'examen de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, , le Conseil constitutionnel avait jugé 126 ( * ) , d'une part, que le législateur n'avait pas méconnu sa compétence en confiant à l'OFPRA le soin de définir cette liste, puisqu'il avait défini la notion de pays d'origine sûr 127 ( * ) et, d'autre part, qu'il était fondé à confier l'établissement de cette liste à une autre autorité de l'État que le Premier ministre - l'OFPRA - dans la mesure où il s'agissait de fixer des normes de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu 128 ( * ) .

Dans la pratique, le ministère des affaires étrangères prépare un projet de liste de pays considérés comme d'origine sûrs qui est ensuite soumis au conseil d'administration de l'OFPRA, sans que cela contrevienne au fait que ledit conseil d'administration soit bien l'auteur de la décision, comme a pu le rappeler le Conseil d'État 129 ( * ) .

En outre, les présidents des commissions permanentes chargées des affaires étrangères et des commissions permanentes chargées des lois constitutionnelles de chaque assemblée sont compétents pour saisir le conseil d'administration de l'OFPRA d'une demande tendant à l'inscription ou à la radiation d'un État sur la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs 130 ( * ) . Cette procédure peut également être engagée par une association de défense des droits de l'homme, une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d'asile, ainsi qu'une association de défense des droits des femmes ou des enfants 131 ( * ) .

L'établissement de cette liste par l'OFPRA s'effectue sous le contrôle juridictionnel du Conseil d'État , dont le contentieux est assez abondant puisque toutes les décisions de l'OFPRA en la matière depuis 2015 ont fait l'objet d'un ou plusieurs recours en annulation. Exerçant un contrôle normal de nature à s'assurer que l'OFPRA n'a pas inexactement apprécié la situation des pays retenus lors de la fixation de cette liste, le Conseil d'État a annulé, à plusieurs reprises, l'inscription de plusieurs pays qui ne pouvaient, selon lui, être considérés comme d'origine sûrs.

La liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs en vigueur établie par la décision du conseil d'administration de l'OFPRA du 9 octobre 2015

Elle est actuellement composée de seize pays : Albanie, Arménie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Géorgie, Ghana, Inde, Kosovo, Macédoine (ARYM), Île Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal et Serbie.

Saisi par plusieurs associations de recours tendant à l'annulation de la dernière décision du conseil d'administration de l'OFPRA fixant la liste de ces pays, et notamment de l'inscription du Kosovo, de l'Arménie, de l'Albanie 132 ( * ) , de la Géorgie 133 ( * ) , de la Serbie et du Sénégal, le Conseil d'État a rejeté, dans une décision du 30 décembre 2016 134 ( * ) l'ensemble des requêtes dont il était saisi. S'agissant du Kosovo, d'une part, il a estimé que la situation de ce pays avait évolué favorablement depuis sa précédente décision par laquelle il avait annulé son inscription sur la liste des pays sûrs 135 ( * ) , compte tenu notamment du fait que le Kosovo était au moment de la décision sur le point d'être lié par un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne. S'agissant des autres pays précités, le Conseil d'État a estimé qu'ils disposaient d'institutions démocratiques et procédaient à la désignation de leurs dirigeants sur le fondement d'élections libres et pluralistes, certains d'entre eux étant en outre parties à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 136 ( * ) . Enfin, le Conseil d'État avait auparavant censuré l'inscription sur la liste du Niger 137 ( * ) , de la Turquie 138 ( * ) , de Madagascar 139 ( * ) et du Bangladesh 140 ( * ) , pays qui n'y ont pas été réinscrits depuis.

• Le plafond de 120 jours à compter duquel l'enregistrement d'une demande d'asile devient tardif

Parmi les hypothèses permettant le placement de la demande d'asile en procédure accélérée, figure également la tardiveté d'une demande d'asile, qui correspond, selon l'article 31 de la directive « Procédures », à la situation dans laquelle « le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l'État membre et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités ou n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ».

L'article L. 723-2 du CESEDA, qui a transposé en droit français cette définition (au 3° du III), établit à 120 jours le délai à compter duquel une demande d'asile devient tardive . Ce délai est apprécié par la préfecture, lors de l'enregistrement de la demande d'asile, à compter de l'entrée irrégulière sur le territoire français .

D'après les éléments transmis par les services du ministère de l'intérieur à votre rapporteur, ces demandes représentent la majorité des cas dans lesquels la préfecture prend la décision de classer une demande en procédure accélérée (III de l'article L. 723-2 du CESEDA).

Nombre de demandes d'asile enregistrées en procédure accélérée (L. 723-2 III)

2016

2017

Refus de donner les empreintes

1 171

34

Fraude

2 910

2 168

Demande tardive

3 937

4 899

Demande dilatoire

410

313

Menace grave à l'ordre public

32

47

Total de l'article L. 723-2 III

8 460

7 461

Source : ministère de l'intérieur.

Pour rappel, le non-respect de ce délai ne conduit en aucun cas à un rejet implicite de la demande d'asile. De surcroît, il est possible de déroger au classement en procédure accélérée en cas de « motifs légitimes ».

L'étude d'impact indique que les effets de la procédure accélérée, et notamment dans les deux cas présentés ci-dessus, n'ont pas permis d'améliorer les délais de façon suffisante. En effet, les objectifs fixés par le Gouvernement en matière de délai de traitement en 2015 n'ont pas été atteints, comme le montre le tableau ci-dessous.

Délais moyens de traitement des demandes d'asile

Procédure normale

Procédure accélérée

En nombre
de jours

Estimation
en nombre de mois

En nombre
de jours

Estimation
en nombre de mois

Délai cible
(fixé en 2015)

240

8

50

1,7

Délai réalisé (2017)

449

15,0

228

7,6

Différentiel

+ 209

+ 7,0

+ 178

+ 5,9

Source : Commission des lois, avis budgétaire asile immigration PLF 2018.

b) Le texte transmis : une révision de la liste des pays d'origine sûrs et une réduction du délai dans lequel une demande d'asile devient tardive

En premier lieu, à l'initiative de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, l'Assemblée nationale a adopté un amendement modifiant la définition de la liste des pays d'origine sûrs, à l'article L. 722-1 du CESEDA, de façon à en exclure expressément les pays dans lesquels les personnes homosexuelles peuvent faire l'objet de mauvais traitements ou de sanctions pénales .

En second lieu, le projet de loi prévoit de ramener à 90 jours, au lieu de 120 dans le droit en vigueur, le délai dans lequel une demande d'asile devient tardive et est traitée en procédure accélérée, sauf motifs légitimes, comme le prévoit l'article L. 723-2 du CESEDA. Cette mesure ne serait par ailleurs applicable qu'aux demandes postérieures à la date de publication de la loi, conformément à l'article 41 du projet de loi.

c) La position de votre commission : approuver ces dispositions tout en les complétant

• La définition de la liste des pays tiers d'origine sûrs

S'agissant de la modification de la définition de la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, permettant d'exclure les pays dans lesquels les personnes homosexuelles 141 ( * ) peuvent faire l'objet de mauvais traitements ou de sanctions pénales, votre rapporteur souscrit pleinement à cette démarche, d'autant plus qu'elle correspond déjà à la pratique de l'OFPRA. En effet, lors de son audition, le directeur général de l'OFPRA a indiqué que l'Office prenait déjà en compte le risque de persécutions sur le fondement de l'orientation sexuelle 142 ( * ) , même parmi les demandeurs issus des pays tiers d'origine sûrs.

À l'initiative de notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie, votre commission a adopté un amendement COM-69 visant à intégrer , en plus des notions de sexe et d'orientation sexuelle, celle « d'identité de genre », dans l'objectif de garantir qu'un pays dans lequel « il est recouru à la persécution, la torture, ou à des traitements inhumains contre les personnes transgenres », ne puisse faire partie de la liste des pays considérés comme d'origine sûrs. En cohérence avec cette disposition, votre commission a également adopté un second amendement COM-85 rectifié , toujours à l'initiative de notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie, ajoutant à la liste des associations pouvant saisir le conseil d'administration de l'OFPRA d'une demande tendant à l'inscription ou à la radiation d'un État de cette liste, les « associations de défense des personnes homosexuelles et des personnes transgenres ».

Votre rapporteur forme le voeu que les négociations européennes sur la refonte du régime européen de l'asile conventionnel (RAEC) 143 ( * ) permettront d'harmoniser les listes des pays d'origine sûrs en élaborant une liste minimale commune à l'ensemble des États membres.

• La réduction du délai dans lequel une demande d'asile est considérée comme tardive

S'agissant de la réduction de 120 à 90 jours du délai dans lequel une demande d'asile est considérée comme tardive, votre rapporteur ne peut que souscrire à cette démarche qu'il avait déjà proposée en 2015 . Il note donc que le Gouvernement reprend cette proposition qui vise à permettre le traitement de la demande d'asile dans la plus grande célérité afin de garantir le plus rapidement possible une protection aux personnes qui en ont besoin, et à exclure la demande étrangère à un besoin de protection, qui a pour conséquence d'engorger le système. Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, a estimé que ce délai ne se heurtait d'ailleurs à aucune objection sur les plans constitutionnel et conventionnel.

De surcroît, conformément à la directive « Procédures », la loi prévoit d'ores et déjà qu'aucune demande ne peut faire l'objet d'un classement en procédure accélérée si le demandeur dispose de « motifs légitimes » pour expliquer son retard. L'appréciation de ces motifs repose sur un examen d'ensemble et peut recouvrir des circonstances variées comme la maladie, la méconnaissance de la procédure, l'attente d'un membre de la famille, sans que cette énumération soit limitative.

Votre rapporteur rappelle que doivent absolument figurer parmi ces motifs légitimes le retard dans l'enregistrement de la demande d'asile dû aux services administratifs de la préfecture, que l'on ne saurait imputer aux demandeurs d'asile. À cet égard, il déplore les trop nombreux retards d'enregistrement de demandes d'asile dont lui ont notamment fait part le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, lors de son audition, et plusieurs associations participant aux plates-formes d'accueil pour demandeurs d'asile (PADA).

D'après les éléments que les services de l'intérieur lui ont transmis, le délai moyen d'enregistrement des demandeurs d'asile , correspondant au délai de rendez-vous aux guichets uniques des demandeurs d'asile (GUDA), a augmenté en 2017 en raison notamment de l'accroissement des flux se présentant aux guichets uniques (+ 28% en 2017 par rapport à 2016 avec un triplement des placements en procédure Dublin). Il s'établit, en moyenne, à 19,1 jours en 2017 144 ( * ) , contre 9,3 jours en 2016 ; alors qu'il devrait être de 3 jours, ou de 10 jours maximum en cas d'afflux massif. Pour les quatre premiers mois de 2018, le délai moyen est en baisse et s'établit à 14,9 jours, et 11,8 jours pour le seul mois d'avril.

S'agissant de manière plus générale de la procédure accélérée, votre commission a souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-280 de son rapporteur, rendre l'examen selon cette procédure accélérée obligatoire dans les cas où l'activité du demandeur a été évaluée par la préfecture comme constituant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État (5° du III de l'article L. 723-2 du CESEDA).

2. Le déroulement de la procédure devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

a) La procédure de demande d'asile : une procédure administrative complexe faisant intervenir de nombreux acteurs

Conformément à l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'OFPRA est chargé de reconnaître la qualité de réfugié ou d'accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.

Il s'agit d'une autorité administrative, placée auprès du ministre chargé de l'asile, constituée sous forme d'établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et administrative, qui « exerce en toute impartialité [ses] missions mentionnées (...) et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction » (article L. 721-1 du CESEDA).

L'examen de la demande d'asile fait l'objet d'un processus complexe où interviennent différents acteurs, au sein desquels l'OFPRA tient une place essentielle, puisque c'est lui qui prend in fine la décision administrative de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'accord préalable au bénéfice de la protection, sous le contrôle du juge.

Les différentes étapes de la demande d'asile sont présentées ci-après.

L'activité de l'OFPRA en 2017

Pour l'ensemble de l'année 2017, l'OFPRA a enregistré 100 412 demandes d'asile, soit une hausse de 17 % par rapport à 2016.

Les principaux pays d'origine de la demande d'asile en 2017 145 ( * ) sont l'Albanie (7 630 demandes), l'Afghanistan (5 987 demandes), Haïti (4 934 demandes), le Soudan (4 486 demandes), la Guinée (3 780 demandes) et la Syrie (3 249 demandes).

En 2017, près de 43 000 personnes ont été placées sous la protection de l'OFPRA aux titres du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, soit une hausse de 17 % par rapport à 2016.

En 2017, le taux de protection s'établit à 27,2 % à l'OFPRA et à 36 % en prenant en compte les décisions de la CNDA. Près de 75 % des protections sont ainsi obtenues dès leur examen par l'OFPRA.

Le léger fléchissement du taux de protection par rapport à 2016 correspond à la hausse de demandes relevant de faibles taux de protection comme l'Albanie (6,5 %) et Haïti (2,8 %), tandis que les taux de protection pour certains pays restent élevés comme pour la Syrie (95,2 %), l'Afghanistan (83,1 %) et le Soudan (59,6 %).

L'OFPRA a rendu en 2017 près de 115 094 décisions, en hausse de près de 28 % par rapport à 2016. En conséquence, le délai moyen d'attente pour les demandeurs à l'OFPRA s'établit à presque 3 mois (114 jours), deux fois moins qu'en janvier 2015 (soit 226 jours), résultat d'une politique active de résorption des stocks.

Le stock total des affaires en instance de traitement est toujours élevé (30 296 demandes), mais il a baissé de 14 % par rapport à 2016. Il s'agit en outre d'un stock plutôt jeune (la proportion de demandes datant de plus de 3 mois ne représentant que moins de la moitié de ce volume).

Source : Office français de protection des réfugiés et apatrides.

• L'entretien personnel avec l'agent de protection, pivot de l'instruction de la demande d'asile par l'OFPRA.

L'entretien personnel est prévu par l'article L. 723-6 du CESEDA.

Toutefois, conformément à l'article 14 de la directive « Procédures »., l'Office peut s'en dispenser dans deux hypothèses :

- lorsqu'il s'apprête à reconnaître le statut de réfugié à partir des éléments dont il dispose ;

- lorsque le demandeur ne peut, pour des raisons médicales durables et indépendantes de sa volonté, assister à un entretien.

Si l'OFPRA est tenu de convoquer à un entretien personnel le demandeur d'asile, le fait que cet entretien n'ait pu se dérouler du fait de ce dernier sans motif légitime, ne fait en revanche pas obstacle à ce que l'Office statue sur la demande de protection. En outre, cette absence injustifiée du demandeur pourra entraîner la clôture de sa demande 146 ( * ) .

À cet égard, le taux de convocation des demandeurs d'asile à l'OFPRA reste stable en 2017, d'après les éléments du rapport annuel 2017, à hauteur de 97,1 % (contre 94,1 % en 2016). Le taux d'entretien, qui reflète la part des décisions prises suite à un entretien effectivement réalisé, remonte à 77,6 %, taux comparable à celui de 2014 (77,9 %) après une baisse en 2016 où il s'établissait à 72,4 %. Le nombre d'entretiens effectués par visioconférence connaît une légère augmentation, passant de 2 110 en 2016 à 2 140 en 2017. Il représente 3,1 % des entretiens menés en 2017 contre 4,2 % en 2016. Les départements d'outre-mer concentrent 77 % des visioconférences effectuées, dont 891 pour la Guyane.

Lors de cet entretien, le demandeur d'asile a l'obligation de coopérer avec l'OFPRA, conformément à l'article 13 de la directive « Procédures », étant précisé que son récit est présumé crédible.

La principale novation introduite en 2015 par l'article L. 723-6 du CESEDA consiste dans la consécration d'un droit à l'assistance du demandeur par un tiers lors de l'entretien. La présence d'un tiers n'était auparavant qu'une faculté. Conformément à la directive « Procédures », il s'agit désormais d'une obligation. En premier lieu, ne sont autorisés à assister le demandeur, lors de l'entretien, qu'un avocat ou un représentant d'une association habilitée, à l'exclusion de toute autre personne (membre de la famille, connaissance...), dont on pourrait craindre qu'elle exerce des pressions sur le demandeur ou ne se conforme pas à l'obligation de confidentialité imposée par l'article 15, paragraphe 2, de la directive « Procédures ». Ce tiers ne peut en outre prendre la parole qu'à l'issue de l'entretien pour formuler des observations . Cela est conforme au deuxième alinéa de l'article 23, paragraphe 3, de la directive « Procédures ».

Cet entretien personnel fait également l'objet d'une transcription, conformément à l'article 17 de la directive « Procédures », qui peut être communiquée au demandeur ou à son conseil avant la décision de l'OFPRA ou, en cas de procédure accélérée, lors de sa notification.

• L'envoi par l'OFPRA des convocations et de la notification de ses décisions aux demandeurs d'asile

Plusieurs étapes de la procédure de demande d'asile nécessitent une transmission de documents par l'OFPRA au demandeur d'asile.

Il s'agit principalement de la convocation à l'entretien personnel (article L. 723-6 du CESEDA), mais également de la notification des décisions de l'OFPRA , qu'il s'agisse d'une décision de reconnaissance ou de rejet d'une protection internationale, d'irrecevabilité ou de clôture d'une demande d'asile.

S'agissant de la notification d'une décision de rejet, l'article L. 723-8 du CESEDA prévoit qu'elle se fait par écrit et qu'aucune disposition implicite ne peut naître du silence gardé par l'Office. Si la décision est négative, elle est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours. Cette disposition est conforme tant à la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public qu'à l'article 11 de la directive « Procédures ».

Les mêmes principes prévalent pour les décisions d'irrecevabilité (article L. 723-11 du CESEDA) et de clôture 147 ( * ) (article L. 723-13 du CESEDA).

D'après les éléments présentés par l'étude d'impact, confirmés par son directeur, M. Pascal Brice, entendu par votre rapporteur, l'OFPRA est fréquemment confronté à des difficultés quant à l'effectivité de la notification par voie postale, en raison de changements d'adresse, ce qui entraîne des charges de gestion et de secrétariat extrêmement lourdes et revient in fine , à mettre en péril les droits des demandeurs et leur accès à la procédure.

• La procédure de clôture d'examen d'une demande d'asile

Mettant en oeuvre les articles 27 et 28 de la directive « Procédures », l'article L. 723-13 du CESEDA énumère les cas dans lesquels l'OFPRA peut décider de clôturer une demande d'asile , outre le cas dans lequel le demandeur retire de lui-même sa demande d'asile (article L. 723-12 du CESEDA). Il s'agit des hypothèses dans lesquelles le demandeur :

- n'a pas introduit, sans motif légitime, sa demande de protection à l'OFPRA dans les délais fixés par décret en Conseil d'État (21 jours) à compter de la remise de son attestation de demande d'asile ou ne s'est pas présenté à l'entretien à l'office ;

- refuse, de manière délibérée et caractérisée, de fournir des informations essentielles à l'examen de sa demande ;

- n'a pas indiqué à l'OFPRA, dans un délai raisonnable, son lieu de résidence ou son adresse et ne peut être contacté aux fins d'examen de sa demande d'asile.

En cas de clôture de la demande, l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire, tout comme lorsqu'une demande est déclarée irrecevable .

Conformément à l'article 28, paragraphe 2, de la directive, une décision de clôture ne peut être remise en cause que par une demande de réouverture du dossier ou une nouvelle demande intervenue dans un délai de neuf mois . Une telle demande ne peut intervenir qu'une seule fois. L'OFPRA reprend son examen de la demande au stade où il avait été interrompu. L'article L. 723-14 du CESEDA, qui transpose la directive à cet égard, précise en outre, qu'une demande de réouverture de dossier constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours devant les juridictions administratives de droit commun, soit le tribunal administratif, sous peine d'irrecevabilité. Ce recours s'exerce alors contre la décision de refus de l'OFPRA de rouvrir le dossier. Passé le délai de neuf mois, la clôture est définitive, toute nouvelle demande étant considérée comme une demande de réexamen. D'après le rapport annuel de l'OFPRA pour l'année 2017, seules 142 réouvertures de dossiers clôs ont été effectuées en 2017.

L'article L. 723-11 du CESEDA prévoit, en outre, que l'OFPRA peut déclarer irrecevables les demandes des personnes qui bénéficient déjà d'une protection effective au titre de l'asile dans un autre État membre de l'Union européenne, ou qui bénéficient du statut de réfugié ou d'une protection effective dans un États tiers et y est effectivement admissible.

b) Les ajustements techniques de la procédure devant l'OFPRA prévus dans le texte transmis

En premier lieu, le projet de loi tel qu'il a été transmis au Sénat prévoit, à l'initiative de nos collègues députés, deux mesures nouvelles encadrant l'entretien individuel devant l'OFPRA (article L. 723-6 du CESEDA). Il revoit d'une part, la définition de l'une des catégories d'associations habilitées à accompagner le demandeur lors de l'entretien avec l'agent de protection, en remplaçant la notion d'association de lutte contre les persécutions fondées sur « le sexe » par les persécutions fondées sur « l'identité de genre » et, d'autre part, permet au demandeur d'asile en situation de handicap d'être accompagné « par le professionnel de santé qui le suit habituellement ou par le représentant d'une association d'aide aux personnes en situation de handicap ». Le projet de loi prévoit également une coordination avec l'article 7 qui impose le choix de la langue dans laquelle l'étranger est entendu dès l'enregistrement de sa demande d'asile, tout en lui permettant d'en changer dans certaines conditions, conformément à la directive « Procédures ».

En deuxième lieu, il prévoit plusieurs mesures ayant pour objet de garantir une transmission plus effective, grâce au développement de la dématérialisation , des différentes informations que l'OFPRA doit porter à la connaissance du demandeur tout au long de la procédure. Il s'agit ainsi pour l'Office de pouvoir transmettre « par tout moyen garantissant la confidentialité » :

- la convocation à l'entretien individuel (article L.723-6 du CESEDA) ;

- la notification d'une décision de rejet de la demande d'asile (article L. 723-8 du CESEDA) ;

- la notification d'une décision d'irrecevabilité de la demande d'asile (article L. 723-11 du CESEDA) ;

- la notification d'une décision de clôture de la demande d'asile (article L. 723-13 du CESEDA) ;

- la notification d'une décision de retrait du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire (article L.724-3 du CESEDA) ;

- et enfin la notification d'une décision de rejet de la demande du statut d'apatride (article L. 812-3 du CESEDA).

L'Assemblée nationale a souhaité assurer un meilleur respect du principe à valeur constitutionnelle de confidentialité de la demande d'asile. À l'initiative de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, plusieurs amendements ont ainsi été adoptés en commission imposant pour chacun des cas énumérés ci-dessus, que la transmission de l'information ou la notification de la décision se fasse dans des conditions garantissant « la réception personnelle par le demandeur ».

En dernier lieu, le projet de loi introduit un nouveau cas de clôture de la demande d'asile , lorsque l'étranger, sans motif légitime et par exception à l'article L. 723-1 du CESEDA qui prévoit que l'Office instruit toute demande, n'a pas introduit sa demande dans les délais.

Par ailleurs, pour l'un des cas de clôture déjà existants - celui dans lequel le demandeur n'a pas informé l'office dans un délai raisonnable de son lieu de résidence ou de son adresse et ne peut pas être contacté -, la décision de clôture est réputée notifiée à la date de la décision et non à compter de la réception de la décision par le demandeur.

c) La position de votre commission : renforcer le caractère opérationnel de la procédure tout en veillant au respect de sa confidentialité

• Les modifications du cadre de l'entretien individuel

S'agissant de la modification de la liste des associations habilitées à accompagner le demandeur d'asile lors de son entretien personnel, votre commission a adopté un amendement COM-48 , présenté par notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie, pour mentionner à la fois celles qui luttent contre les persécutions fondées sur le sexe, et sur l'identité de genre , alors que l'Assemblée nationale avait substitué la notion d'identité de genre au sexe : il n'y a pas lieu, selon votre commission, de substituer l'un à l'autre, mais bien de prendre les deux aspects en compte.

S'agissant de l'accompagnement des personnes en situation de handicap, votre commission a adopté un amendement COM-282 de clarification de son rapporteur , visant simplement un « professionnel de santé » et non « le professionnel de santé qui le suit habituellement » dans la mesure où cette notion semble inopportune pour une personne venant juste d'arriver, dans des conditions parfois très difficiles, sur le territoire français.

• Les moyens de communication de l'OFPRA avec les demandeurs d'asile

S'agissant des moyens de communication de l'OFPRA avec les demandeurs d'asile, votre rapporteur comprend les contraintes pratiques qui s'impose à l'Office et qui, au final, conduisent actuellement à de nombreux dysfonctionnements dans la réception effective des convocations ou des notifications de leurs décisions par les demandeurs d'asile.

L'efficacité de la transmission de ces informations aux demandeurs d'asile doit être conciliée avec le principe de confidentialité de la demande que le Conseil constitutionnel a érigé, par une décision de 2003, au rang de « garantie essentielle du droit d'asile », principe à valeur constitutionnelle qui implique notamment que les demandeurs d'asile bénéficient d'une protection particulière .

Si votre rapporteur juge bienvenues les précisions apportées à l'Assemblée nationale, il estime toutefois opportun qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités techniques permettant la transmission de documents ou la notification de décisions au demandeur d'asile dans le strict respect du principe de confidentialité . Votre commission a ainsi adopté un amendement COM-285 en ce sens. Ainsi comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis sur le présent projet de loi, « une notification par voie dématérialisée ne [peut] être opposée que dans la mesure où il est démontré qu'elle a été opérée personnellement et qu'il est possible de garder une trace tant des opérations de notification que, le cas échéant, de la prise de connaissance par l'intéressé », faute de quoi, « la combinaison d'un délai très bref avec des modalités incertaines de notification pourrait être regardée comme portant atteinte au caractère équitable de la procédure ».

• Les cas de clôture de l'examen de la demande d'asile par l'OFPRA

Votre commission a également approuvé le renforcement du cadre de la clôture de l'examen du dossier de demande d'asile dès lors que le demandeur n'a pas introduit, sans motif légitime, sa demande d'asile . Selon l'OFPRA, cela n'apparaît pas de nature à modifier notablement la procédure actuelle qui connaît déjà la clôture pour défaut d'introduction de la demande d'asile « dans les délais », « sans motif légitime ». De plus, quand un demandeur ne dépose pas sa demande devant l'OFPRA, il apparaît logique que l'examen de sa demande puisse être clôturé.

Par l'adoption d'un amendement COM-284 de son rapporteur, votre commission a ajouté un nouveau cas de clôture de l'examen de la demande d'asile pour les demandeurs qui ne satisfont pas à leurs obligations tenant aux conditions d'accueil et d'hébergement . Reprenant ainsi une mesure déjà adoptée par le Sénat en 2015 et conforme à l'article 28, paragraphe 1, b, de la directive « Procédures », cette disposition prévoyant la possibilité de clôturer une demande lorsque le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé est de nature à dissuader les demandes d'asile abusives.

Votre commission a aussi souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-294 de son rapporteur, substituer une compétence liée à la compétence discrétionnaire de l'OFPRA s'agissant de la clôture d'une demande d'asile en cas de retrait par le demandeur lui-même (article L. 723-12 du CESEDA). En effet, dès lors que les conditions d'application de cet article sont réunies, l'OFPRA ne dispose d'aucune marge d'appréciation.

Enfin, à l'initiative de nos collègues Marie-Pierre de la Gontrie et Jean-Yves Leconte, votre commission a adopté deux amendements COM-83 et COM-84 rectifié, permettant d'inclure aux données quantitatives et qualitatives prévues par la loi s'agissant du rapport de l'OFPRA, des données relatives aux pays d'origine et à la langue utilisée .

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 5 bis (nouveau) (art. L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Consécration dans la loi des missions de réinstallation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides

Introduit par votre commission, à l'initiative de votre rapporteur par l'adoption d'un amendement COM-286 rectifié , l'article 5 bis du projet de loi tend à consacrer dans la loi les missions de réinstallation vers la France menées à l'échelle internationale par l'OFPRA , afin de garantir leur pérennité.

Il prévoit ainsi d'ajouter à l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), selon lequel l'OFPRA a pour mission de reconnaître la qualité de réfugié ou d'accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, qu' « il peut, pour assurer cette mission, se rendre directement dans les pays tiers pour y mener des opérations de réinstallation vers la France. »

Pour l'année 2017, l'OFPRA a ainsi conduit 13 missions de réinstallation vers la France en se rendant directement dans les pays d'origine pour accorder la protection aux personnes les plus fragiles.

L'objectif de ces missions est de permettre à l'Office d'identifier dans les pays tiers les personnes éligibles à la protection internationale, de leur éviter ainsi des périples dangereux, et d'informer celles qui sont insusceptibles de se voir accorder l'asile ou la protection subsidiaire afin de les dissuader d'entreprendre de tels périples.

Votre commission a adopté l'article 5 bis ainsi rédigé.

Article 5 ter (nouveau) (art. L. 713-1-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Signature d'une charte après l'octroi du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-29 de notre collègue Roger Karoutchi, l'article 5 ter du projet de loi tend à créer un nouvel article L. 713-1-1 au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) afin de prévoir la signature, par toute personne à qui est octroyé le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, d'une charte par laquelle elle « s'engage à reconnaître et à respecter la primauté des lois et les valeurs de la République parmi lesquelles la liberté, l'égalité dont celle des hommes et des femmes, la fraternité et la laïcité. ».

Votre commission a adopté un sous-amendement COM-295 de votre rapporteur afin de ne pas faire de la signature de cette charte une condition implicite d'obtention d'une protection internationale, qui n'est prévue ni dans la convention de Genève, ni dans la directive « Qualification ».

Votre commission a adopté l'article 5 ter ainsi rédigé.

Article 6 (art. L. 731-2 et L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et L. 233-5 et L. 234-3 du code de justice administrative) - Procédure devant la Cour nationale du droit d'asile

L'article 6 du projet de loi tend à accélérer la procédure de recours en contestation des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) avec : la réduction de délai de recours de trente à quinze jours, l'élargissement des possibilités d'utilisation de la vidéo-audience, et enfin l'extension des cas dans lesquels la CNDA rend sa décision après audience d'un juge unique aux décisions mettant fin au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire. Il tend à également à élargir le vivier des magistrats pouvant siéger dans les formations de jugement de la CNDA.

1. La Cour nationale du droit d'asile, une juridiction administrative spécialisée soumise à une activité croissante et exigeante

a) Une activité et un champ de compétence en croissance continue depuis la création de la CNDA en 2007

Juridiction administrative spécialisée, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a été créée par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, succédant à l'ancienne Commission des recours des réfugiés (CRR), elle-même créée par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

Les juridictions administratives spécialisées

Le Conseil d'État apprécie la qualité de juridiction administrative spécialisée à l'aune des critères communs aux juridictions de l'ordre administratif. L'organisme doit disposer d'un pouvoir de décision 148 ( * ) , être collégial 149 ( * ) , et intervenir dans une matière particulière, quelles que soient les formes dans lesquelles il statue 150 ( * ) .

Ces juridictions bénéficient d'un ensemble d'attributions et de prérogatives attachées à l'exercice de leur mission juridictionnelle. Elles sont soustraites au pouvoir hiérarchique et sont indépendantes. Leurs jugements sont investis de l'autorité de la chose jugée et les dommages éventuellement causés par leur contenu entraînent la mise en jeu de la responsabilité de l'État.

Les juridictions administratives spécialisées sont soumises aux mêmes garanties procédurales que les juridictions de droit commun qui concourent à préserver la qualité du procès administratif et la bonne administration de la justice.

Source : Conseil d'État, rapport public 2018, activité juridictionnelle
et consultative des juridictions administratives en 2017 151 ( * ) .

La CNDA a vu son activité contentieuse connaître une croissance très importante depuis sa création, et dont le dynamisme ne cesse de se renforcer. Depuis la création de la commission des recours des réfugiés, qui ne rendait qu'environ 300 décisions par an jusqu'en 1979, la hausse est spectaculaire, comme le montre le tableau ci-dessous, puisque la CNDA a rendu près de 47 814 décisions en 2017.

Évolution du nombre de décisions rendues par la Commission des recours des réfugiés puis la Cour nationale du droit d'asile entre 1989 et 2017

Année

1989

2009

2013

2017

Évolution 2017/1989
(en % arrondi)

Nombre
de décisions rendues

16 515

20 240

38 540

47 814

+ 190%

Source : Cour nationale du droit d'asile.

D'après le rapport d'activité de la CNDA publié pour l'année 2017 152 ( * ) , sur les cinq dernières années, le nombre de recours devant la CNDA, qui était de 34 452 en 2013, est passé à plus de 53 581 en 2017, ce qui représente une augmentation de près de 54 %. En l'espace d'une année, entre 2017 et 2016, le nombre de recours a augmenté de près de 34 %, ce qui peut notamment s'expliquer par deux facteurs :

- l'augmentation très importante de la demande d'asile auprès de l'OFPRA (+ 17% entre 2016 et 2017) ;

- et celle du nombre de décisions rendues par l'OFPRA (+ 28 % entre 2016 et 2017) qui, compte tenu du taux de recours contre ces dernières (entre 80 et 85 % en moyenne selon les années), constitue un facteur majeur d'accroissement de l'activité de la CNDA.

Compte tenu de ce flux d'entrée extrêmement dynamique, le taux de couverture 153 ( * ) par la CNDA ne permet pas de diminuer le stock de recours en attente d'être jugés. En effet si, en 2013 et 2014, le nombre de décisions rendues était plus important que le nombre de recours enregistrés, situation qui a permis d'entamer la diminution du stock, ce n'est plus le cas depuis 2016 et l'écart entre ces deux indicateurs s'accroît. Le stock en attente d'être traité s'élève ainsi à 25 511 affaires, soit une augmentation de près de 17 % depuis 2013 (21 837).

Évolution des recours enregistrés et décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile entre 2013 et 2017

2013

2014

2015

2016

2017

Évolution N/N+1

(en % arrondi)

Évolution 2017/2013

(en % arrondi)

Taux de recours contre les décisions de rejet de l'OFPRA

85,4 %

86,8 %

81,5 %

81,1 %

85,2 %

-

-

Nombre de recours introduits

34 752

37 356

38 674

39 986

53 581

+ 34%

+ 54%

Nombre de décisions rendues

38 450

39 162

35 979

42 968

47 814

+ 11%

+ 24%

Taux de couverture

(en % arrondi)

111%

105%

93%

107%

89%

-17%

-19%

Délai moyen constaté

(en nombre de mois)

8 mois et

26 jours

7 mois et 30 jours

7 mois et 3 jours

6 mois et 26 jours

5 mois et 6 jours

-

-

Stock du nombre de dossiers en instance

21 837

20 031

22 726

19 744

25 511

+ 29 %

+ 17 %

Sources : commission des lois du Sénat à partir des données du rapport d'activité
de la Cour nationale du droit d'asile.

La CNDA est la première juridiction administrative française par le nombre d'affaires jugées.

Le délai moyen constaté (DMC) 154 ( * ) pour le traitement des recours , indicateur pertinent selon le Conseil d'État, est en diminution, s'établissant à 5 mois et 6 jours en 2017, contre 6 mois et 26 jours en 2016, et 8 mois et 26 jours en 2013. Ce délai étant un délai moyen comprenant l'ensemble des procédures devant la CNDA, il convient de le nuancer en distinguant le délai des recours rendu selon la procédure normale (recours à 5 mois), ou selon la procédure accélérée (recours à 5 semaines) 155 ( * ) . Cette distinction n'est disponible que pour les années 2016 et 2017, puisqu'elle est issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile. L'introduction du recours à 5 semaines fait ainsi mécaniquement baisser le délai moyen de traitement global .

Évolution du délai moyen constatéentre 2016 et 2017 selon le type de procédure (en nombre de mois)

Année

2016

2017

Délai moyen constaté -
recours à 5 mois

7 mois et 19 jours

6 mois et 17 jours

Délai de moyen constaté -
recours à 5 semaines

2 mois et 27 jours

2 mois et 28 jours

Source : Cour nationale du droit d'asile.

Eu égard à la dynamique de la demande d'asile, lors de l'examen de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile, le Gouvernement de l'époque avait affiché, ne les inscrivant dans la loi que pour la CNDA, les objectifs de réduction de délais de traitement suivants :

- réduire à 240 jours (soit 8 mois) le délai d'instruction des demandes d'asile traitées en procédure normale (dont 90 jours - soit 3 mois pour l'OFPRA et 150 jours - 5 mois pour la CNDA) ;

- fixer à 50 jours le délai des demandes traitées en procédure accélérée (dont 15 jours pour l'OFPRA et 35 jours - soit 5 semaines pour la CNDA).

Comme le montre le tableau précédent, même si aucun de ces objectifs n'est à ce stade respecté par la CNDA, le délai de traitement des procédures normales est en baisse , alors que celui des procédures accélérées est stable.

Pour 2017, 31 734 décisions de protection ont été prises (sur un total général de 89 288 décisions rendues, soit un taux global de protection de 35,5 % dont 23 958 par l'OFPRA (soit environ 75 % des décisions d'octroi) et 7 776 par la CNDA (soit environ 25 % des décisions d'octroi) 156 ( * ) .

La CNDA, compétente pour connaître des décisions relatives aux demandes d'asile, statue en premier et dernier ressort sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne donnant pas satisfaction aux demandeurs d'asile.

En application de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), la CNDA statue sur les décisions de l'OFPRA dont la liste est limitativement énumérée par la loi (voir encadré infra ).

Cette juridiction, placée sous le contrôle de cassation du Conseil d'État , a une compétence nationale .

Statuant en tant que juge de plein contentieux 157 ( * ) , la CNDA ne se prononce pas sur la légalité des décisions rendues par l'OFPRA, mais se prononce directement sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Lorsqu'elle annule une décision de l'OFPRA, elle peut donc accorder elle-même une protection (qualité de réfugié, asile constitutionnel ou octroi de la protection subsidiaire).

Les compétences de la Cour nationale du droit d'asile

1) Les compétences juridictionnelles

La CNDA est compétente pour juger des recours formés contre les décisions de l'OFPRA :

- refusant le bénéfice de l'asile lors d'une demande initiale ou lors d'une demande de réexamen ;

- accordant le bénéfice de la protection subsidiaire et refusant la reconnaissance de la qualité de réfugié ;

- retirant ou mettant fin au bénéfice de l'asile ;

- refusant d'enregistrer une demande d'asile.

Elle peut aussi statuer sur les classements en procédure accélérée, les décisions de clôture, les décisions d'irrecevabilité et de refus de réexamen.

La CNDA est également compétente pour juger des recours en rectification d'erreur matérielle, qui peuvent être introduits par les demandeurs ou par l'OFPRA, lorsqu'une décision de la CNDA comporte une erreur matérielle qui peut avoir exercé une influence sur le traitement de l'affaire (à titre d'illustration, une erreur dans le calcul du délai de recours).

La CNDA peut également être saisie d'un recours en révision dans les cas prévus aux articles L. 711-5 et L. 712-4 du CESEDA qui permettent à l'OFPRA ou au ministre chargé de l'asile de saisir la juridiction afin de mettre fin au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire, dès lors qu'elle aurait été accordée par la CNDA ou le Conseil d'État. À cet égard, l'Office a formé 30 recours de cette nature en 2017 visant à la rétractation d'une décision de la CNDA suite à la constatation de faits de nature à justifier une absence de protection ou à caractériser une fraude. Ce recours doit être exercé dans un délai de deux mois après la constatation des faits.

En revanche, la CNDA n'est pas compétente pour se prononcer sur :

- les recours formés contre les décisions de l'OFPRA rejetant une demande d'apatridie ;

- les recours formés contre les décisions de refus d'admission sur le territoire français au titre de l'asile.

Ces recours relèvent de la compétence du tribunal administratif.

2) Les compétences consultatives

La CNDA est également compétente (article L. 731-3 du CESEDA) pour les demandes d'avis formées par les requérants sur le maintien ou l'annulation d'une mesure d'assignation, d'expulsion ou de refoulement à l'égard d'une personne qui a déjà obtenu le statut de réfugié et qui est visée par l'une de ces mesures (articles 31, 32 et 33 de la convention de Genève).

Le réfugié visé par une telle mesure dispose d'une semaine pour exercer un recours, suspensif d'exécution, devant la CNDA, qui formule un avis motivé quant au maintien ou à l'annulation de la mesure, adressé sans délai au ministre chargé de l'asile. L'avis émis par la Cour nationale du droit d'asile ne s'impose pas à l'administration.

3) La demande d'avis auprès du Conseil d'État

Avant de statuer sur un recours soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, la CNDA peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat en formant une demande d'avis (article L. 733-3 du CESEDA) 158 ( * ) . Le Conseil d'Etat rend, dans un délai de trois mois, un avis portant sur la question soulevée.

L'examen des affaires concernées par cette question est suspendu jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai.

Source : Cour nationale du droit d'asile.

Après que la décision de l'OFPRA défavorable lui a été notifiée, le demandeur dispose d'un délai de trente jours pour former un recours contentieux auprès de la CNDA 159 ( * ) , en application du même article L. 731-2 du CESEDA. La directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, dite « Procédures », ne fixe pas, à son article 46, de délai aux États membres, mais ceux-ci doivent toutefois prévoir « des délais raisonnables (...) pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif (...) et que ces délais ne rendent pas le recours « impossible ou excessivement difficile » 160 ( * ) .

Il en résulte des délais de recours très variables selon les États membres, compris entre deux et soixante-quinze jours, comme le souligne l'étude d'impact du projet de loi, étant entendu que plusieurs États ont fait le choix de différencier les délais selon qu'il s'agisse d'une procédure normale ou accélérée. Pour les procédures normales, neuf États membres prévoient un délai de recours entre huit et quinze jours parmi lesquels l'Autriche (deux semaines), l'Estonie (dix jours) et l'Allemagne (deux semaines). Pour les procédures accélérées, seize États membres prévoient un délai de recours compris entre deux et quinze jours, parmi lesquels l'Allemagne (une semaine), les Pays-Bas (une semaine) ou encore l'Italie (quinze jours).

Dans le cadre de ce recours, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. En application de l'article 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le requérant dispose de deux options s'il souhaite demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) de la CNDA :

- si l'aide juridictionnelle est sollicitée en vue d'introduire le recours devant la CNDA, le demandeur dispose d'un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'OFPRA pour en faire la demande ;

- dans le cas contraire, l'aide juridictionnelle peut être demandée en même temps que le recours est introduit, dans la limite du délai de 30 jours .

Afin de garantir le droit d'accès à la procédure du demandeur, ces délais concernant l'aide juridictionnelle sont notifiés, comme le délai de recours contentieux lui-même, avec la décision de l'OFPRA.

De surcroît, dans la première option, le délai de trente jours pour former un recours devant la CNDA est interrompu en cas de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle dans le délai requis de quinze jours , afin justement que le requérant puisse faire appel à un avocat rémunéré à l'aide juridictionnelle pour exercer son recours. En cas d'admission à l'aide juridictionnelle, un nouveau délai de trente jours court pour introduire le recours . Le Conseil d'État a d'ailleurs rappelé ce point dans une décision récente du 9 mars 2018 161 ( * ) , qui résulte de la combinaison de la lecture de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique précitée et de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui prévoit que le principe d'interruption des délais de recours qui prévaut en matière civile devant la Cour de cassation s'applique dans les mêmes conditions « lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant (...) une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'État ».

Le bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA a enregistré 42 749 demandes d'aide juridictionnelle en 2017 et leur a donné une suite favorable dans 96,6 % des cas. Cette situation résulte notamment, d'après le rapport annuel d'activité de la CNDA, de l'accroissement important des demandes de désignation d'un avocat avant l'introduction du recours, introduit par la loi du 29 juillet 2015. D'après les éléments d'information transmis à votre rapporteur, près de 500 avocats interviennent régulièrement devant la CNDA, dont une trentaine d'avocats spécialisés dans ce contentieux.

Évolution du nombre de demandes et de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle entre 2013 et 2017

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de recours introduits

34 752

37 356

38 674

39 986

53 581

Nombre
de demandes d'aide juridictionnelle (AJ)

22 665

25 825

29 181

30 193

42 749

% des demandes d'AJ par rapport au nombre total de recours

65%

69%

75%

76%

80%

Taux d'admission
à l'aide juridictionnelle parmi les demandeurs qui l'ont sollicitée

80 %

88,8 %

90,6 %

96,2 %

96,6 %

Sources : commission des lois à partir des données du rapport d'activité
de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Pour les recours qui sont jugés après audience (voir infra ), la Cour nationale du droit d'asile « met gratuitement à disposition du requérant, pour l'assister à l'audience, un interprète qui a prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et sa conscience, devant le président de la cour ou l'un des vice-présidents ».

L'assistance d'un interprète à l'audience est régie par l'article R. 733-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

« La cour met gratuitement à disposition du requérant, pour l'assister à l'audience, un interprète qui a prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience, devant le président de la cour ou l'un des vice-présidents.

Conformément au deuxième alinéa de l'article R. 733-5, l'interprète est désigné dans la langue indiquée par le requérant dans son recours ou, à défaut de cette indication ou si la cour ne peut désigner un interprète dans la langue demandée, dans la langue dans laquelle il a été entendu à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend.

Lorsqu'il est fait usage de la possibilité prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 733-1, l'interprète est mis à la disposition du requérant dans la salle d'audience où il se trouve.

En cas de difficulté pour obtenir le concours d'un interprète qualifié présent physiquement auprès du requérant, l'audience ne se tient qu'après que la cour s'est assurée de la présence, dans la salle où elle siège, d'un tel interprète tout au long de son déroulement » .

Source : code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Les débats ont lieu en audience publique mais le huis clos est de droit sur demande du requérant (article L. 733-1-1 du CESEDA).

Les requérants étant essentiellement non francophones, les interprètes assermentés à la CNDA sont environ 380. Les prestations d'interprétariat s'exercent dans le cadre d'un marché public, dont le cahier des charges impose un niveau de formation et/ou d'expérience des interprètes, et énonce les règles de déontologie à respecter. Le Conseil d'État a en effet rappelé dans une décision de 2015 162 ( * ) qu'il incombait à la CNDA de « désigner des interprètes qui exercent leur mission de manière impartiale », afin de satisfaire aux exigences d'un procès équitable. Lors de son déplacement à la CNDA , la délégation de sénateurs de votre commission conduite par son rapporteur, a pu ainsi, constater à quel point le rôle de l'interprète est primordial dans le bon déroulement de l'audience , puisque la bonne compréhension des débats repose en grande partie sur ses épaules.

Deux catégories de recours sont à distinguer depuis la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile, qui sont toutes deux examinées lors d'une audience .

En premier lieu, s'agissant du recours à juger dans un délai de cinq mois , la décision est rendue par une formation collégiale après une audience et concerne les décisions d'octroi du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, prononcées par l'OFPRA selon la procédure normale prévue à l'article L. 723-1 du CESEDA. S'agissant du recours à juger dans un délai de cinq semaines , la décision est rendue par un juge unique après une audience et concerne les même décisions, mais dans lesquelles l'OFPRA s'est prononcé en procédure accélérée (article L. 723-2 du CESEDA), ainsi que les décisions d'irrecevabilité. Les deux types de décisions, qu'elles soient collégiale ou à juge unique, sont prises après audience.

Évolution des catégories de recours entre 2016 et 2017

(en nombre de mois et en % du total)

Année

2016

2017

Recours à 5 mois

28 559

31 981

Recours
à 5 semaines

11 427

21 600

Total des recours

39 986

53 581

Source : Cour nationale du droit d'asile.

Par dérogation, et quelle que soit la catégorie de recours (5 mois ou 5 semaines), la décision peut aussi être rendue sans audience, par un juge unique statuant par voie d'ordonnance .

Présentation des cas de figure procéduraux possibles dans le traitement des recours devant la Cour nationale du droit d'asile

Formation collégiale

Juge unique

Décision rendue après audience

Décision rendue par voie d'ordonnance

Recours

à 5 mois

Option 1

Option 2

Recours

à 5 semaines

Option 1

Option 2

Source : commission des lois du Sénat.

Répartition des décisions par modalités de jugement

Total

Part sur l'ensemble des décisions

Décisions prises après audience collégiale

22 407

46,1 %

Décisions prises après audience
à juge unique

11 496

24,1 %

Ordonnances - décisions prises
par un juge unique sans audience

14 271

29,8 %

Total des décisions

47 814

100 %

Source : Cour nationale du droit d'asile.

En effet, sur le fondement de l'article L. 733-2 du CESEDA « le président et les présidents de section, de chambre ou de formation jugement peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention de l'une des formations prévues à l'article L. 731-2 ». Il s'agit des cas dans lesquels le juge peut, après instruction, « statuer par ordonnance sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d'irrecevabilité ou de rejet du directeur général de l'Office ».

Il existe cinq cas dans lesquels le président de la cour ou les présidents qu'il désigne à cet effet peuvent statuer par « ordonnance motivée » , limitativement énumérés à l'article R. 733-4 du CESEDA, dans le but de :

- donner acte des désistements (1°) ;

- rejeter les recours ne relevant pas de la compétence de la CNDA (2°);

- constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours (3°) ;

- rejeter un recours entaché d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou qui n'a pas été régularisée à l'expiration d'un délai indiqué par la CNDA - typiquement, l'introduction tardive du recours contentieux (4°) ;

- et enfin, rejeter un recours ne présentant aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA (5°). Dans ce dernier cas, l'ordonnance ne peut être prise qu'après examen de l'affaire par un rapporteur et prise de connaissance des pièces du dossier par le requérant.

Parmi ces cinq catégories, le rejet du recours pour absence d'élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA (5°) représente près de 87 % des décisions rendues par ordonnance.

Les décisions de rejet de la CNDA sont transmises au ministère chargé de l'asile . Elles peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État dans les deux mois de la notification de la décision de la CNDA , qui n'est pas suspensif (articles L. 821-1 et R. 821-1 du code de justice administrative). Cette possibilité concerne toutefois peu de décisions. Pour l'année 2017, 1 052 décisions de la CNDA ont fait l'objet d'un pourvoi en cassation, soit 2 % du total des décisions rendues. Parmi les 24 recours admis partiellement ou totalement, le Conseil d'État a annulé 21 décisions, renvoyant l'affaire devant la CNDA pour qu'elle statue à nouveau. La reconnaissance de la qualité de réfugié à la suite d'un recours en cassation est en conséquence extrêmement faible (autour de 3 %).

b) L'organisation de la Cour nationale du droit d'asile

Les décisions de la CNDA sont rendues par des formations de jugement composées d'un ou plusieurs juges de l'asile.

La composition des formations de jugement

de la Cour nationale du droit d'asile

Les décisions de la CNDA sont rendues par des formations de jugement composées d'un ou plusieurs juges de l'asile.

Conformément à l'article L. 732-1 du CESEDA, les formations de jugement collégiales sont composées :

- d'un président, membre du Conseil d'État, magistrat administratif, magistrat financier ou magistrat judiciaire ; qu'ils soient en activité ou honoraire, nommés par leurs autorités respectives ;

- d'une personnalité qualifiée nommée par le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), sur avis conforme du vice-président du Conseil d'État ;

- et d'une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'État.

Les deux personnalités qualifiés, qui sont appelées assesseurs au sein de la formation de jugement, sont nommées en raison de leurs compétences dans les domaines juridique ou géopolitique.

Les présidents de formation de jugement peuvent être des présidents de section ou de chambre affectés de façon permanente à la cour ou des magistrats vacataires, assurant plusieurs journées d'audience à la CNDA et ayant six mois d'expérience en formation collégiale, étant entendu que la loi prévoit depuis 2015 un minimum de douze journées d'audience par an.

Lorsqu'elle est à juge unique, la formation de jugement est composée d'un juge statuant seul. Ce mode de jugement regroupe deux situations différentes :

- la décision prise par un juge unique, spécialement désigné par le président de la cour parmi les présidents permanents ou de formation de jugement, qui statue par voie d'ordonnance (articles L. 733-2 et R. 733-4 du CESEDA) ;

- la décision prise par un juge unique qui statue après audience publique (article L. 731-2 du CESEDA), il s'agit alors d'un juge de l'asile choisi par le président de la cour, parmi les magistrats permanents ou non permanents ayant six mois d'expérience en formation collégiale à la CNDA.

Source : Cour nationale du droit d'asile, rapport annuel pour 2017.

Les formations de jugement sont regroupées en chambres elles-mêmes regroupées en sections. La CNDA est regroupées en treize chambres, réparties en quatre sections.

Chacun des chambres est composée d'une vingtaine de personnes : un président permanent, un magistrat administratif ou judiciaire, un chef de chambre, plusieurs rapporteurs, un responsable de pôle et des secrétaires d'audience.

Le rôle du rapporteur

Le rapporteur est compétent pour les décisions prises dans le cadre des recours à cinq mois ou cinq semaines, rendues après une audience publique. S'agissant des cas dans lesquels un juge unique statue par voie d'ordonnance sans audience publique, le rapporteur n'est compétent que dans l'hypothèse où le recours ne présente aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA (5° de l'article R. 733-4 du CESEDA).

Le rapporteur est chargé de l'instruction écrite des affaires pour laquelle il est compétent, et étudie les dossiers sur les plans juridique et géopolitique, sans prendre parti sur le sens de la décision. Le jour de l'audience, en formation collégiale ou à juge unique, le rapporteur, qui n'est pas membre de la formation de jugement, donne lecture de son rapport qui « analyse en toute indépendance » , l'objet de la requête et les éléments de fait et de « droit exposés par les parties 163 ( * ) ». Le rapporteur assiste ensuite au délibéré sans voix délibérative. Enfin, le rapporteur rédige les projets de décision 164 ( * ) .

Source : Cour nationale du droit d'asile, rapport annuel pour 2017.

La cour dispose de 19 salles d'audience, dont une seule équipée pour les vidéo-audiences, qui sont toutes occupées 5 jours par semaine. En moyenne, 13 affaires sont examinées chaque jour par salle d'audience. En raison de l'augmentation du nombre d'affaires à juger, deux salles d'audience supplémentaires devraient prochainement être créées comme l'a indiqué la présidente de la CNDA, Mme Michèle de Segonzac, à la délégation de sénateurs venus à l'occasion d'un déplacement. Votre rapporteur rappelle à cette occasion les difficultés matérielles de locaux de la CNDA, qui ne sont pas sans incidence sur l'organisation des audiences. À cet égard, la situation des locaux de la CNDA ne devrait être stabilisée qu'à horizon 2022-2023 , d'après les éléments d'information que votre rapporteur a pu recueillir 165 ( * ) .

La vidéo-audience, introduite par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité « afin d'assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour » , permet la tenue d'audiences à distance, à la demande du président de la juridiction. L'article L. 733-1 du CESEDA ne prévoit le consentement du requérant à cette modalité d'audiencement que s'il séjourne en France métropolitaine : s'il refuse la vidéo-audience, il est alors convoqué dans les locaux de la CNDA. En revanche, le consentement des demandeurs séjournant en outre-mer n'est pas requis . Ce dispositif permet donc aux demandeurs d'asile de comparaître à distance devant une formation de jugement qui siège à Paris. D'abord utilisé pour relier une salle d'audience située dans les locaux de la CNDA à Montreuil avec Cayenne en Guyane (mars 2014), puis avec Mayotte (juin 2015), le système a été étendu à la Martinique et à la Guadeloupe au premier semestre 2016. 121 vidéo-audiences ont été organisées en 2017.

Dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, l'article L. 733-1 du CESEDA prévoit qu'aux mêmes fins d'assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs expériences à la cour, « le président de cette juridiction peut également prévoir la tenue d'audiences foraines au siège d'une juridiction administrative ou judiciaire, après accord du président de la juridiction concernée. » S'agissant des effectifs , la CNDA comptait au 31 décembre 2017 420 agents permanents - dont 191 rapporteurs - ainsi que 129 présidents vacataires et 141 assesseurs.

La CNDA a connu un important mouvement de grève ces derniers mois , touchant à la fois les agents de la CNDA, dont les rapporteurs, mais aussi les avocats, à divers titres. Lors de ses auditions, il a été indiqué à votre rapporteur que cette situation a occasionné un taux de renvoi des affaires important , et pourrait engendrer un retard dans le traitement des dossiers pour l'année 2018.

S'agissant des 51 créations d'emplois qui ont été votées dans le projet de loi de finances pour 2018, les recrutements correspondants ont tous été réalisés à ce stade, notamment ceux des 28 rapporteurs qui sont, en moyenne, totalement opérationnels dans les six mois de leur prise de fonctions.

Si votre rapporteur ne peut qu'être satisfait des recrutements effectués, il attire toutefois l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prévenir l'important turn over du personnel de la CNDA . En effet, d'après son rapport annuel, près de 17 % de l'effectif de la Cour a été renouvelé en 2017, soit un taux de renouvellement du personnel très important . À titre de comparaison, le taux de mobilité dans la fonction publique d'État oscille entre 8 et 9 %. Cette situation s'explique notamment par les modalités de recrutement, puisque près de 69,6 % des agents de catégorie A (parmi lesquels figurent majoritairement les rapporteurs ) sont des contractuels et non des fonctionnaires statutaires , recrutés, par voie de contrat à durée déterminée de trois ans renouvelable deux fois, au terme duquel le droit de la fonction publique impose de leur proposer un contrat à durée indéterminée.

D'ailleurs, d'après les informations portées à la connaissance de votre rapporteur, près de 85 % des rapporteurs de la CNDA seraient des contractuels, et exerceraient leurs fonctions pendant moins de deux ans.

2. Le texte transmis : le postulat d'une réduction du délai de recours comme gage d'efficacité, accompagné du développement de la vidéo-audience

En premier lieu, le projet de loi modifie l'article L. 731-2 du CESEDA afin de réduire de trente à quinze jours le délai dans lequel le requérant peut former un recours devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet de l'OFPRA .

À l'initiative de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, l'Assemblée nationale a introduit en séance publique la possibilité pour le requérant :

- d'une part, d'introduire une requête sommaire , c'est-à-dire qui mentionne « l'objet de la demande et l'exposé sommaire des circonstances de fait et de droit invoqués à leur appui » ;

- d'autre part, de compléter cette requête par des « mémoires [complémentaires] , pièces et actes de procédures jusqu'à la clôture de l'instruction ».

En second lieu, le projet de loi modifie le même article du CESEDA pour étendre le champ des recours à juger en 5 semaines aux recours formés contre les décisions de l'OFPRA mettant fin au statut de réfugié en application de l'article L. 711-6 du CESEDA, par ailleurs modifié à l'article 4 du présent projet de loi :

- soit lorsque l'étranger constitue une menace grave pour la sûreté de l'État ;

- soit lorsqu'il a été condamné en France pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ou puni d'une peine de dix ans d'emprisonnement et que sa présence constitue une menace grave pour la société française 166 ( * ) .

Sont également concernés les recours formés contre les décisions de l'OFPRA retirant le bénéfice de la protection subsidiaire en application des 1° ou 3° de l'article L. 712-3 du CESEDA pour le motif prévu au d) de l'article L. 712-2 du même code :

- soit le bénéficiaire aurait dû être exclu de la protection eu égard à la convention de Genève ;

- soit il doit en être exclu car son activité constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

En troisième lieu, le projet de loi modifie l'article L. 733-1 du CESEDA pour supprimer l'obligation du consentement de l'étranger séjournant sur le territoire métropolitain, aux fins de mise en oeuvre de la vidéo-audience . Toujours à l'initiative de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, plusieurs amendements ont été adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale :

- afin de prévoir expressément que la vidéo-audience ne pourrait être mise en oeuvre que si les conditions prévues au sein de l'article sont remplies ;

- précisant que le moyen de communication audiovisuelle utilisé garantit, en plus de la confidentialité de la transmission prévue par le droit en vigueur, sa qualité ;

- et enfin introduisant une disposition nouvelle exigeant, en plus de la présence d'un conseil auprès du requérant prévue par le droit en vigueur, la présence de l'interprète dans la salle d'audience où celui-ci se trouve, ainsi que la garantie qu'au cas où un interprète ne pourrait pas être présent auprès du requérant, la cour s'assure qu'il y en ait un dans la salle d'audience où elle siège pour tout le déroulement de l'audience.

Enfin, en quatrième et dernier lieu, le projet de loi modifie l'article L. 233-5 du code de justice administrative pour aligner les modalités d'accueil des magistrats de l'ordre judiciaire au sein de la CNDA, par la voie du détachement, sur celles applicables aux conseillers et premiers conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. En conséquence, les magistrats de l'ordre judiciaire détachés au sein de la CNDA ne pourraient plus présider de formation de jugement, mais toujours être président de chambre. Par ailleurs le projet de loi supprime également, à l'article L. 234-3 du CESEDA, la limitation actuelle à trois ans renouvelable une fois de la durée des fonctions de président de section ou de chambre, en vertu du principe de l'inamovibilité des magistrats.

3. La position de votre commission

• La réduction du délai de recours de trente à quinze jours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

S'agissant de la réduction de trente à quinze jours du délai de recours devant la CNDA, votre rapporteur s'est attaché à analyser la cohérence de l'ensemble de la procédure de demande d'asile, jusqu'au recours contentieux voire le cas échéant, la mesure procédant à l'éloignement de l'étranger débouté de sa demande d'asile.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a estimé qu'au regard « de la nature du contentieux en cause, de l'objectif d'intérêt général que constitue le traitement rapide de ces contestations et des marges d'appréciation que laisse le droit de l'Union, (...) un tel délai de 15 jours, qui peut être couplé avec un délai de même durée, interruptif du premier, pour demander l'aide juridictionnelle, et n'interdit pas de compléter la motivation en fait et en droit du recours, comme de produire des pièces nouvelles, après son expiration et jusqu'à la clôture de l'instruction, peut être regardé comme "raisonnable" au sens de la directive précitée du 26 juin 2013 », et ne remet donc pas en cause le droit à un recours effectif.

Toutefois, votre rapporteur a été interpellé par l'unanimité que cette mesure a réunie contre elle lors des auditions qu'il a menées et s'interroge à plusieurs titres sur son utilité.

Pour éviter toute confusion dans la comparaison entre l'état du droit en vigueur et ce que propose le projet de loi, il faut apprécier la réduction du délai de recours de 15 jours devant la CNDA de manière globale, en y intégrant le délai de demande d'aide juridictionnelle , tels que le présentent les deux schémas ci-dessous, dans le cas majoritairement choisi par les demandeurs d'asile qui est de solliciter l'aide juridictionnelle en vue d'introduire le recours.

En prenant en compte la demande d'aide juridictionnelle, le délai de recours contentieux devant la CNDA comprend donc trois sous-délais :

- le délai de recours de 15 ou 30 jours selon l'hypothèse, à compter de la notification de la décision de l'OFPRA ;

- le délai de demande d'aide juridictionnelle, dans l'hypothèse la plus fréquente qui consiste à la demander avant d'introduire son recours, dans un délai de 15 jours (non modifié par le projet de loi) ;

- ce délai étant interruptif du délai de recours contentieux, le temps que le bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA étudie la demande, soit un délai moyen de 15 jours ;

- un nouveau délai de 15 ou 30 jours selon l'hypothèse, dès lors que la décision d'attribution de l'aide juridictionnelle aura été notifiée à l'intéressé.

Au final, selon les estimations de votre rapporteur , la procédure complète d'introduction du recours devant la CNDA prend environ 60 jours au total dans le droit en vigueur, quand le projet de loi la réduirait à environ 45 jours, soit 15 jours de moins . La réduction de délai probablement la plus préjudiciable, comme le montre le schéma ci-dessus, est celle qui concerne la dernière phase de l'introduction du recours, c'est-à-dire le temps dont dispose l'avocat pour rédiger la requête et introduire le recours, qui passe de facto de 30 à 15 jours, soit en jours ouvrés, de 24 à 11 jours seulement.

Dans le cas où le requérant souhaite introduire son recours en même temps que sa demande d'aide juridictionnelle, le constat est plus simple mais identique, puisque le délai global d'introduction du recours est réduit de 15 jours, comme le montre le schéma ci-dessous.

Toutefois, selon votre rapporteur, il est illusoire de penser que la réduction d'un droit va nécessairement permettre de gagner du temps .

Déjà, en 2006, il avait été proposé de réduire ce délai à 15 jours, prévu à l'époque par décret , ce que le Sénat avait refusé en inscrivant directement dans la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration le délai de recours à 30 jours .

À l'époque, votre rapporteur avait suivi l'avis de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 167 ( * ) qui s'était inquiétée de cet éventuel raccourcissement de délai, estimant qu'il serait « souhaitable de renoncer à faire peser sur les demandeurs d'asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe et qui leur est, somme toute, sans doute moins favorable que ceux qui font une plus large place à l'oralité ».

Les conditions de réduction de ce délai ne sont pas davantage réunies aujourd'hui .

À la CNDA, les dossiers instruits en procédure normale sont traités en près de 6 mois et 15 jours en moyenne . Dans ces conditions, il est évident que les effets de la réduction de ce délai seront très limités sur le délai global de traitement de la demande d'asile.

Pire encore, la réduction du délai de recours conduirait à une augmentation du flux d'affaires entrant à la CNDA, et donc du niveau de son stock - qui s'élève déjà à plus de 25 000 affaires en 2017 - entraînant mécaniquement une augmentation des délais de traitement de la juridiction. À cet égard, votre rapporteur regrette qu'aucune évaluation des conséquences opérationnelles de cette mesure, encore moins de chiffrage sur les risques d'augmentation du flux de recours entrants à la CNDA, ne soit présentée par l'étude d'impact du projet de loi.

S'agissant des demandeurs d'asile , il est fort probable que cette mesure ait un effet d'éviction , en particulier pour les demandeurs les plus vulnérables ou isolés, qui introduiraient leur requête tardivement ou sans motif sérieux. Ces requêtes pourraient être rejetées par voie d'ordonnance sans audience (pour requête tardive ou absence d'élément sérieux).

Loin de résoudre ces difficultés, les dispositions ajoutées à l'Assemblée nationale en créent de nouvelles : il s'agit de rigidités procédurales risquant de désorganiser la CNDA et, là encore, de facteurs d'un délai d'instruction supplémentaire.

En effet, s'agissant de l'introduction de mémoires ou pièces complémentaires jusqu'à la clôture de l'instruction, cela est déjà possible comme dans tout procès (article R. 733-5 du CESEDA). S'agissant de la possibilité d'introduire une requête sommaire, cela pourrait retarder le début de l'instruction du dossier par la Cour, puisque pour organiser l'instruction il faut savoir à quel moment le mémoire introductif est définitif, même s'il peut être complété de pièces nouvelles a posteriori . Cette disposition introduirait donc des rigidités procédurales qui ne répondent à aucun besoin et pourrait même être source de désorganisation des travaux de la Cour.

La réduction des délais de traitement des demandeurs d'asile est une nécessité, mais exige une réforme d'ensemble, notamment des structures de pré-accueil et des guichets uniques dans les préfectures .

De même, l'urgence n'est pas de réduire les délais de recours, mais bien de poursuivre les efforts de modernisation de la CNDA .

Enfin, si la décision de rejet de l'OFPRA est confirmée par la CNDA, encore faut-il que les mesures d'éloignement soient prononcées et exécutées avec toute la célérité requise, ce qui ne semble pas être le cas 168 ( * ) , même si aucun chiffre n'est disponible à cet égard.

En outre, la réduction de ce délai s'appliquerait également, tel que le prévoit le projet de loi, aux mineurs, sans prise en compte de leur situation spécifique.

En conséquence, suivant l'analyse de son rapporteur et par l'adoption d'un amendement COM-287 , votre commission a, d'une part, rétabli le délai de recours contentieux devant la CNDA à trente jours et, d'autre part, supprimé les aménagements procéduraux introduits à l'Assemblée nationale.

• L'extension du recours à juger en cinq semaines dans certains cas d'exclusion, de cessation ou de retrait du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire

Cette mesure apparaît opportune à votre rapporteur, dans la mesure où la mise en oeuvre de ces clauses doit se faire avec la plus grande célérité, tout en préservant le droit au recours des intéressés.

• Les mesures relatives au développement de la vidéo-audience

S'agissant de l'extension du recours à la vidéo-audience, votre rapporteur approuve cette mesure , qu'il avait d'ailleurs introduite en 2015 pour les entretiens personnels à l'OFPRA.

En premier lieu, cette mesure proposée est conforme aux prescriptions constitutionnelle et conventionnelle auxquelles la France doit se conformer.

En effet, statuant sur la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui a introduit la vidéo-audience sans le consentement de l'étranger en matière d'asile dans les territoires d'outre-mer, le Conseil constitutionnel 169 ( * ) a jugé, s'agissant de l'absence de consentement de l'étranger, que les garanties apportées par le législateur étaient suffisantes pour assurer le droit à un procès juste et équitable , qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, sans faire de chacune des garanties une condition de constitutionalité . En l'espèce les garanties permettant le respect du caractère contradictoire de la procédure sont les suivantes :

- une salle d'audience spécialement aménagée à cet effet dans laquelle se trouve le requérant, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice , à laquelle la salle d'audience de la CNDA est reliée ;

- un déroulement de l'audience en direct et assurant la confidentialité de la transmission ;

- le droit pour l'intéressé d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier ;

- la présence de l'avocat auprès du requérant , s'il dispose d'un avocat ;

- et enfin la réalisation d'un procès-verbal dans chacune des salles d'audience ou à un enregistrement audiovisuel ou sonore des opérations.

Ainsi, si le Conseil constitutionnel avait, dans une décision précédente de 2003 170 ( * ) , validé un dispositif de vidéo-audience pour les étrangers en rétention qui comprenait le consentement de l'étranger, il n'en faisait pas une condition de constitutionalité de la mesure, ce qu'il a confirmé dans la décision supra de 2011.

En conséquence, le recours à la vidéo-audience, même sans le consentement de l'intéressé, ne paraît se heurter à aucun obstacle de nature constitutionnelle ou conventionnelle .

À l'instar du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, votre rapporteur relève que c'est dès l'enregistrement du recours devant la CNDA, le plus souvent assorti d'une demande d'aide juridictionnelle, comme vu précédemment, qu'elle devra décider si une vidéo-audience sera organisée : il faudra dans ce cas désigner un conseil qui pourra y être présent aux côtés de l'intéressé.

En deuxième lieu, le bilan de la vidéo-audience mis en oeuvre par la CNDA pour les demandes d'asile outre-mer est plutôt positif . Lors de son déplacement à la CNDA, il a d'ailleurs été confirmé à votre rapporteur que la qualité technique de la retransmission était satisfaisante, les impératifs techniques étant, en matière de vidéo-audience, primordiaux. Votre rapporteur rappelle que la technologie de la vidéo-audience est utilisée pour des audiences judiciaires en matière pénale depuis les années 2005.

D'après les éléments qui ont été portés à la connaissance de votre rapporteur, et comme certains travaux sur la vidéo-audience ont pu le montrer, le dispositif technique choisi par la CNDA semble d'une qualité technique supérieure à celle utilisée dans le champ judiciaire pénal. Dès lors, « moyennant certaines préoccupations, les audiences par visioconférence ne paraissent pas poser de problème massif » 171 ( * ) .

Parmi les préoccupations à prendre en compte, figurent notamment nombre d'aspects non législatifs, tels que l'organisation des vidéo-audience en bonne entente avec les tribunaux administratifs d'accueil - lieux du ministère de la justice le plus souvent utilisés - ainsi que l'attention portée à la conciliation du principe de publicité des débats (qui impose de laisser ouverte les portes de la salle sauf en cas de huit-clos), avec la nécessité de bien entendre les débats, la vidéo-audience étant plus sensible aux bruits ambiants. Votre rapporteur insiste à cet égard sur les moyens qui devront être déployés pour garantir la qualité des vidéo-audiences. De surcroît, rien ne permet d'affirmer que les vidéo-audiences pourraient être plus défavorables aux demandeurs d'asile, ce que les magistrats que votre rapporteur a pu rencontrer lors de son déplacement à la CNDA lui ont confirmé.

À cet égard, suivant la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-288 visant à garantir la qualité de la transmission en prévoyant le recours à des personnels qualifiés pour assurer la bonne conduite de l'audience sous l'autorité du président, reprenant en cela une suggestion du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi. Elle a également, par le même amendement COM-288 , prévu la réalisation d'un double procès-verbal et d'un enregistrement intégral audiovisuel ou sonore, et non pas seulement l'un ou l'autre comme le prévoit le droit en vigueur, afin de sécuriser les minutes de l'audience.

Lors de son déplacement à la CNDA, il a d'ailleurs été indiqué à votre rapporteur que nombre de demandeurs d'asile ne séjournant pas en Ile-de-France rencontraient des difficultés de prise en charge de leurs frais de déplacement, tout comme de leurs frais d'accueil sur place, conduisant nombre d'entre eux à dormir dans la rue la veille de leur audience lorsqu'elle se déroule le matin. Votre rapporteur ne peut que relever, dans ce cas, le bien-fondé du développement de la vidéo-audience.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 6 bis A (nouveau) (art. L. 743-2-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Décision définitive de rejet de la demande d'asile valant obligation de quitter le territoire français

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-289 de son rapporteur, l'article 6 bis A vise à prévoir que toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile de l'OFPRA, le cas échéant après que la Cour nationale du droit d'asile a statué, vaut obligation de quitter le territoire français .

Par principe, les demandeurs d'asile déboutés doivent quitter le territoire français , soit dès la décision de rejet de l'OFPRA soit, s'ils forment un recours, dès la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

Ces décisions doivent en conséquence être suivies de la notification par les préfectures d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Les « déboutés » du droit d'asile représentent une proportion importante du nombre de demandeurs d'asile : ils peuvent être estimés à 53 600 personnes en 2016 et 42 886 personnes en 2017 172 ( * ) , cette baisse pouvant s'expliquer par l'augmentation du nombre de décisions rendues par l'OFPRA (+28 % entre 2016 et 2017) 173 ( * ) .

Or, plusieurs rapports ont mis en évidence la faiblesse du taux d'exécution des OQTF émises à l'encontre des étrangers déboutés du droit d'asile. Une proportion importante d'entre eux demeure donc sur le territoire français de manière illégale.

Un rapport de la Cour des comptes avait indiqué en 2015 que moins de 4 % des déboutés du droit d'asile seraient vraiment éloignés du territoire 174 ( * ) .

En conséquence, le Sénat avait proposé en 2015 de mettre en oeuvre la mesure efficace et opérationnelle, s'inspirant des recommandations de ce rapport, que reprend l'article 6 bis A.

Ainsi, il n'y aurait plus de délai entre la décision définitive de refus de droit d'asile et le départ du territoire français , garantissant une réelle exécution de l'éloignement des personnes déboutés du droit d'asile et qui n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français .

Cette décision pourrait, le cas échéant, être contestée devant le juge administratif , qui serait tenu de vérifier notamment que cette mesure d'éloignement n'a ni pour objet ni pour effet de reconduire la personne intéressée dans un pays où elle pourrait être exposée à la peine de mort ou à des traitements contraires au principe de dignité de la personne humaine .

Ces dispositions sont cohérentes et complémentaires avec celles que prévoit le Gouvernement à l'article 23 du projet de loi 175 ( * ) , permettant de regrouper les demandes d'asile et d'admission au séjour à un autre titre afin de faciliter l'éloignement effectif des personnes déboutées du droit d'asile et qui n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français : le demandeur qui sollicite l'asile serait informé qu'il peut former une demande d'admission au séjour sur un autre fondement, dans un délai fixe ; s'il y renonçait, en maintenant sa demande d'asile, il aurait lui-même épuisé cette possibilité ; une fois prise la décision définitive de rejet d'une demande d'asile, il pourrait alors faire l'objet d'une mesure d'éloignement, sauf cas particulier
- problèmes de santé notamment.

Votre commission a adopté l'article 6 bis A ainsi rédigé.

Article 6 bis (art. L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Magistrats membres des formations de jugement de la Cour nationale du droit d'asile

Introduit à l'Assemblée nationale en séance publique, à l'initiative de notre collègue député Joachim Son-Forget, l'article 6 bis du projet de loi tend à permettre à des membres du Conseil d'État ou du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel à la retraite, à des magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes à la retraite, ainsi qu'à des magistrats de l'ordre judiciaire à la retraite, disposant d'une compétence particulière en matière de droit d'asile, de présider les formations de jugement de la Cour nationale du droit d'asile.

Il modifie à cette fin l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), aux termes duquel cette présidence ne peut actuellement être confiée qu'à des magistrats en activité ou honoraires des mêmes catégories 176 ( * ) .

Les intéressés seraient respectivement nommés par le vice-président du Conseil d'État, le premier président de la Cour des comptes, ou le garde des sceaux, ministre de la justice.

Votre commission a adopté l'article 6 bis sans modification .

CHAPITRE III - L'ACCÈS À LA PROCÉDURE ET LES CONDITIONS D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

Article 7 (art. L. 733-5, L. 741-1, L. 741-2-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Choix de la langue utilisée lors de la procédure et demande d'asile conjointe pour les parents et leurs enfants mineurs

L'article 7 du projet de loi vise à prévoir que le choix de langue utilisée lors de la procédure d'examen d'une demande d'asile se fait dès l'enregistrement de la demande en préfecture, d'une part, et qu'une demande d'asile présentée par des parents d'enfants mineurs soit regardée comme demandée conjointement pour ces derniers, d'autre part.

1. Le choix de la langue utilisée lors de la procédure de demande d'asile

a) Le droit en vigueur : un choix prévu en amont de l'entretien personnel mené par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

La directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale dite « Procédures » prévoit, à son article 15, la présence d'un interprète « capable d'assurer une communication appropriée entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien ». De plus, cette communication doit avoir lieu dans « une langue pour laquelle le demandeur a manifesté une préférence sauf s'il existe une autre langue qu'il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement ».

Ces dispositions ont été transposées, par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile, à l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) , relatif aux conditions de l'entretien personnel et qui dispose que le demandeur « est entendu dans la langue de son choix sauf s'il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante ».

Par ailleurs, l'article 12 de la même directive « Procédures », relatif aux garanties accordées aux demandeurs, évoque la notion de « langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent » dans laquelle doit leur être présentée une information sur les droits et obligations qui s'appliquent à leur situation, et dont les termes ont été transposés à l'article L. 741-1 du CESEDA.

Concrètement, en l'état du droit en vigueur, le choix de la langue n'est jamais imposé :

- au moment où il fait enregistrer sa demande d'asile par l'autorité préfectorale, le demandeur communique, aux fins d'enregistrement dans un dossier informatique, les éléments relatifs à son identité ainsi que la langue dans laquelle il s'exprime. Ces informations sont transmises à l'OFPRA ;

- lors de l'envoi de son dossier de demande d'asile à l'OFPRA, dans les 21 jours prévus par décret, le demandeur choisit la langue dans laquelle il souhaite que l'entretien se déroule, sans que ce choix soit définitif ;

- enfin, c'est après étude du dossier que l'OFPRA prend en compte le choix de la langue et organise la venue d'un interprète.

D'après le rapport annuel de l'OFPRA pour l'année 2017, près de 108 langues sont utilisées sur les 148 répertoriées, pour près de 66 000 entretiens assurés avec un interprète, ce qui donne une idée des impératifs d'organisation en la matière.

Le Conseil d'État souligne à cet égard dans son avis sur le projet de loi que les changements imprévus de la langue de procédure en cours d'instruction, sont « souvent effectués à titre dilatoire par des demandeurs de mauvaise foi ».

b) Le texte transmis : un choix de langue plus directif, dès l'enregistrement en préfecture de la demande d'asile, et opposable au demandeur d'asile pour toute la procédure

Le projet de loi prévoit la création d'un nouveau dispositif qui comprend deux volets.

S'agissant du premier volet, un nouvel article L. 741-2-1 serait introduit dans le CESEDA, aux termes duquel :

- le demandeur d'asile serait informé, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture (au sein des guichets uniques de demande d'asile - les GUDA), des différentes langues dans lesquelles il peut être entendu lors de l'entretien personnel mené par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et devrait choisir la langue dans laquelle « il préfère être entendu » ;

- ce choix lui serait opposable pendant toute la durée d'examen de sa demande ; il ne pourrait donc plus le modifier, y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), ce dont il serait informé par la préfecture ;

- à défaut de choix de la part du demandeur d'asile ou, dans le cas où sa demande ne pourrait être satisfaite, il pourrait être entendu dans une « autre langue dont il a une connaissance suffisante » , reprenant les termes de l'article L. 723-6 du CESEDA ;

- conformément aux remarques du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, l'étranger pourrait, à tout moment, être entendu en français.

- également conformément aux remarques du Conseil d'État, la contestation du choix de la langue ne pourrait intervenir qu'à l'occasion du recours devant la CNDA contre une décision de l'OFPRA rejetant une demande de protection internationale , suivant le même principe que celui prévalant pour la contestation d'un classement en procédure accélérée.

Les modalités d'application de ces dispositions seraient par ailleurs précisées par un décret en Conseil d'État.

Le second volet de la réforme proposée consiste à compléter les cas dans lesquels, à l'occasion de l'examen d'un recours, la CNDA peut annuler une décision de l'OFPRA et lui renvoyer l'examen d'une demande d'asile , sans se prononcer sur le fond, en ajoutant celui où « le requérant a été dans l'impossibilité de se faire comprendre lors de l'entretien , faute d'avoir pu bénéficier d'un interprète dans la langue qu'il a indiquée ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante » et que « ce défaut d'interprétariat est imputable à l'Office ».

Ces cas sont actuellement limités, par l'article L. 733-5 du CESEDA, à ceux où l'Office a pris une décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant d'un entretien personnel, en dehors des cas prévus par la loi.

c) La position de votre commission : approuver ce principe cohérent sous réserve d'une modification rédactionnelle

Votre rapporteur approuve que le choix de la langue effectué par le demandeur d'asile au moment de l'enregistrement de sa demande en préfecture lui soit opposable par la suite , y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile.

Cette solution, conforme à la directive « Procédures », tout en permettant de mieux organiser la procédure, dans l'intérêt des demandeurs d'asile de bonne foi et de l'ensemble des institutions chargées de l'asile.

Des garde-fous sont prévus avec la possibilité pour la CNDA de renvoyer l'affaire devant l'OFPRA lorsque le demandeur d'asile n'aura pas pu se faire comprendre lors de l'entretien pour des raisons imputables à l'Office.

Interrogé par votre rapporteur lors de son audition, le directeur général de l'OFPRA, M. Pascal Brice, a indiqué que cette disposition était essentielle pour permettre la réduction des délais de traitement des demandes d'asile dans des conditions respectueuses de l'instruction , pour mieux anticiper l'assistance des interprètes. Il a également rappelé que la langue de l'entretien était considérée comme « une garantie essentielle de procédure » 177 ( * ) . La Cour nationale du droit d'asile et le Conseil d'État estiment en effet qu'un entretien effectué dans une langue non maîtrisée par le demandeur équivaut à un défaut d'entretien, première garantie de la procédure d'asile. Il en résulte donc que l'OFPRA, demain comme aujourd'hui, s'attachera à modifier la langue de l'entretien choisie en préfecture dès lors qu'elle ne permettrait pas au demandeur d'asile de communiquer sur les motifs de sa demande d'asile, et en particulier si cela résulte d'une erreur de bonne foi de sa part.

Approuvant cette philosophie, votre commission a seulement souhaité apporter une clarification rédactionnelle au cas où le demandeur refuse de choisir une langue lors de l'enregistrement en préfecture, adoptant un amendement COM-290 de son rapporteur en ce sens.

Enfin, votre rapporteur attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité que les services de la préfecture soient en mesure de permettre effectivement ce choix, en termes de moyens humains, matériel et de formation ad hoc .

2. La demande d'asile conjointe des parents et de leurs enfants mineurs

a)L'état du droit : l'absence de distinction entre majeur et mineur pour l'introduction d'une demande d'asile

L'article L. 741-1 du CESEDA prévoit que « tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente (...).

Les majeurs comme les mineurs souhaitant demander l'asile doivent donc faire une demande individuelle, étant précisé que les mineurs ne peuvent, en principe, faire l'objet d'une mesure d'éloignement 178 ( * ) .

D'après l'étude d'impact du projet de loi, il en résulterait des « demandes d'asile successives présentées par des parents déboutés du droit d'asile, au nom de leurs enfants sur la base des mêmes moyens, (...) qui imposent à l'OFPRA un nouvel examen basé sur les mêmes éléments ».

Dans son rapport annuel pour 2017, l'OFPRA indique d'ailleurs que l'année 2017 a été marquée par une augmentation des demandes concernant les mineurs accompagnants des demandeurs adultes (+ 34,6 % par rapport à 2016).

b) Le texte transmis : permettre les demandes d'asile conjointes des parents et de leurs enfants mineurs

L'article 7 du projet de loi tend à compléter l'article L. 741-1 du CESEDA afin de regarder une demande d'asile présentée par un étranger majeur, accompagné de ses enfants mineurs, comme également présentée au nom de ceux-ci .

Sur la suggestion du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, deux garanties sont prévues en faveur des enfants mineurs :

- la première prévoit que, lorsque la demande de protection est présentée séparément par les deux parents , la décision opposable aux enfants mineurs est celle qui accorde la protection la plus étendue ;

- la seconde permet aux enfants mineurs de renverser la présomption lorsqu'ils établissent que la personne à l'origine de leur demande n'avait aucun titre pour la former pour leur compte ; la décision statuant sur la demande de protection ne leur serait alors pas opposable.

c) La position de votre commission : approuver ces dispositions qui ne changent pas fondamentalement le droit en vigueur

Votre rapporteur estime que cette disposition va contribuer à la simplification de la procédure sans bouleverser le droit en vigueur.

Concrètement, dans le cadre des dispositions proposées, dès lors que l'un ou l'autre des parents ou les deux parents d'un ou plusieurs enfant(s) mineur(s) feraient une demande d'asile, elle serait considérée comme effectuée pour l'ensemble des enfants mineurs . Ensuite, dès lors qu'une protection sera accordée à au moins l'un des deux parents, la protection la plus étendue sera automatiquement octroyée aux enfants mineurs .

S'agissant du statut de réfugié , cela ne fait que codifier la jurisprudence du Conseil d'État . En effet, en vertu des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, et notamment celui d'unité de la famille, que la France se doit de respecter en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la convention de Genève, il est obligatoire que la même qualité soit reconnue à l'époux et à aux enfants mineurs du réfugié 179 ( * ) .

En revanche, le Conseil d'État n'appliquait pas ce principe aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui n'est définie que par le droit de l'Union européenne et les dispositions de droit interne qui en assurent la transposition. Il avait donc écarté l'application du principe d'unité de famille aux bénéficiaires de la protection subsidiaire 180 ( * ) . Ces dispositions permettraient donc de revenir partiellement sur ce principe pour les enfants mineurs, dès lors qu'au moins l'un des parents serait bénéficiaire de la protection subsidiaire, les enfants mineurs le seraient aussi automatiquement .

Dans le droit en vigueur les enfants mineurs de parents bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent rejoindre leurs parents sur le territoire national au titre de la réunification familiale 181 ( * ) . À leur majorité, ils sont tenus de demander un titre de séjour, le plus souvent sur la base de motif relatifs à la vie privée et familiale, dont le taux d'octroi est très élevé. Ces jeunes majeurs ne font pas partie des populations prioritaires faisant l'objet de mesures d'éloignement. Avec les dispositions proposées, ils n'auraient donc plus besoin, sauf exception, de demander de titre de séjour, puisque le bénéfice de la protection subsidiaire pourrait être renouvelé.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .

Article 7 bis (supprimé) (art. L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Accroissement de sept à quinze jours du délai de recours contre une décision de transfert vers un autre État européen au titre du règlement « Dublin III »

L'article 7 bis du projet de loi vise à porter de sept à quinze jours le délai de recours contre une décision de transfert vers un autre État européen au titre du règlement « Dublin III ». Il reviendrait ainsi sur une disposition de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 182 ( * ) , moins de trois mois après sa promulgation .

Cet article résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale de deux amendements identiques de nos collègues députés Élise Fajgeles (rapporteure) et Florent Boudié (La République en Marche).

1. Les difficultés d'application du règlement « Dublin III »

Mettant en oeuvre la convention de Dublin du 15 juin 1990 183 ( * ) , le règlement européen « Dublin III » du 26 juin 2013 184 ( * ) repose sur un principe cardinal : un seul État est compétent pour l'examen d'une demande d'asile .

Huit critères hiérarchisés sont prévus pour déterminer l'État responsable de cet examen (pays d'entrée dans l'espace « Dublin », localisation des membres de la famille, etc .).

Le nombre de personnes soumises à ce règlement connaît une hausse substantielle depuis 2015, en raison de l'augmentation des « flux secondaires » de demandeurs d'asile : après avoir déposé une demande d'asile dans un premier pays européen, des étrangers réitèrent leur demande dans un autre État.

En 2016, 25 963 demandeurs d'asile présents sur le territoire français ont fait l'objet d'une procédure « Dublin », soit cinq fois plus qu'en 2014. Or, seules 1 320 procédures ont abouti à un transfert effectif des intéressés vers l'État responsable de leur demande d'asile.

2. La loi du 20 mars 2018 : une réponse pragmatique

Issue d'une proposition de loi de notre collègue député Jean-Luc Warsmann (UDI, Agir et Indépendants), la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 précitée vise à améliorer l'efficacité des procédures « Dublin ». Elle prévoit notamment :

- d'autoriser la rétention des intéressés en amont de la décision de transfert, pendant que la France détermine l'État en charge de leur demande d'asile ;

- de sécuriser leur placement en rétention en aval de cette même décision de transfert, en réponse à une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 185 ( * ) ;

- de simplifier le régime des assignations à résidence.

Lors de ses travaux, votre commission avait considéré que cette proposition de loi était indispensable pour garantir la soutenabilité des procédures « Dublin » . Elle avait également introduit plusieurs améliorations techniques afin de conforter l'efficacité des procédures. Ces dispositions ont été définitivement adoptées par l'Assemblée nationale le 15 février 2018, puis déclarées conformes à la Constitution un mois plus tard 186 ( * ) .

3. L'article 7 bis du projet de loi : un nouveau recul dans l'efficacité des procédures « Dublin »

Moins de trois mois après la promulgation de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 précitée, l'Assemblée nationale propose de revenir sur l'ensemble des apports du Sénat (articles 7 bis , 16 et 17 ter du projet de loi) .

L'article 7 bis concerne plus particulièrement le délai de recours devant le juge administratif contre une décision de transfert « Dublin » (article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 , les délais de recours étaient les suivants :

- quarante-huit heures lorsque l'intéressé est placé en rétention ou assigné à résidence ;

- quinze jours dans les autres cas.

À l'initiative de votre rapporteur, qui avait lui-même repris une proposition formulée par notre collègue Valérie Létard en 2015 187 ( * ) , la loi n° 2018-187 du 20 mars 2017 a réduit ce dernier délai de quinze à sept jours afin d'accélérer les procédures .

Cette disposition est à la fois conforme au droit communautaire 188 ( * ) et au droit constitutionnel .

Dans sa décision précitée du 15 mars 2018, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que :

« D'une part, la décision de transfert mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou tout autre personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un avocat, les principaux éléments de cette décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. D'autre part, lorsque l'étranger ne fait pas l'objet d'une mesure de placement en rétention ou d'assignation à résidence, le second alinéa de l'article L. 742-5 prévoit que la décision de transfert ne peut pas faire l'objet d'une exécution d'office avant l'expiration d'un délai de quinze jours. Enfin, ces mêmes dispositions confèrent au recours contre cette décision un caractère suspensif. Ainsi, les dispositions contestées ne portent pas d'atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ».

L'article 7 bis du projet de loi vise à supprimer cette disposition et donc à augmenter le délai de recours contre une décision de transfert « Dublin », qui repasserait de sept à quinze jours (lorsque l'intéressé n'est pas placé en rétention ou assigné à résidence) .

D'après notre collègue députée Coralie Dubost, « la proposition de loi sur le régime d'asile européen répondait avant tout à une urgence, la Cour de cassation étant venue signifier un manquement dans l'ordre légal. Le Sénat y a ajouté des dispositions inutiles, injustes et injustifiées. Nous souhaitions les supprimer en deuxième lecture, mais par souci de pragmatisme et étant donné la procédure parlementaire actuelle - les choses peuvent changer -, nous nous sommes résolus à voter ce texte conforme » 189 ( * ) .

Votre rapporteur regrette cette posture de l'Assemblée nationale, qui n'a apporté aucun argument technique permettant de remettre en cause l'utilité de réduire à sept jours le délai de recours contre une décision de transfert « Dublin » .

De manière peu cohérente, nos collègues députés refusent de réduire les délais des procédures « Dublin », alors même que les difficultés sont réelles, connues de tous et menacent l'équilibre de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), comme son directeur général l'a reconnu en janvier dernier 190 ( * ) .

À l'initiative de son rapporteur et de nos collègues Jacqueline Eustache-Brinio et Roger Karoutchi (amendements COM-239, COM-11 rectifié ter et COM-27) , votre commission a donc supprimé l'article 7 bis .

Article 8 (art. L. 743-1, L. 743-2, L. 743-3 et L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Droit au maintien sur le territoire national en cas de rejet d'une demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides

L'article 8 du projet de loi vise à instaurer de nouveaux cas dans lesquels le recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne serait plus suspensif, d'une part, et à prévoir que le droit au maintien sur le territoire cesse dès la lecture en audience publique de la décision de la CNDA, d'autre part.

1. Le droit au maintien sur le territoire du demandeur d'asile : principe général et exceptions

L'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) énonce le principe selon lequel tout demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France a le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de celle de la CNDA. En conséquence, tous les demandeurs d'asile bénéficient du caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). L'éventuel pourvoi en cassation devant le Conseil d'État n'ouvre en revanche pas droit au maintien sur le territoire.

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a en effet généralisé le caractère suspensif du recours contre toutes les décisions de rejet de l'office, mettant fin à un régime juridique qui établissait auparavant une distinction selon que les décisions avaient été prises suivant la procédure normale ou suivant la procédure accélérée, prévue à l'article L. 723-2 du CESEDA et excluant pour ces dernières le caractère suspensif du recours.

L'attestation de demande d'asile délivrée par la préfecture en application de l'article L. 741-1 du CESEDA vaut autorisation provisoire de séjour, dès lors que la demande d'asile a bien été introduite auprès de l'OFPRA. La durée initiale de l'attestation est fixée à un mois 191 ( * ) , ce qui laisse le temps au demandeur de déposer sa demande d'asile auprès de l'OFPRA, dans un délai qui ne doit pas excéder 21 jours à compter de l'enregistrement de la demande en préfecture 192 ( * ) . Cette attestation est ensuite renouvelée pour une durée de neuf mois puis par périodes de six mois, sauf pour les cas où l'OFPRA statue en procédure accélérée, auquel cas l'attestation est renouvelée d'abord pour six mois puis par périodes de trois mois.

Droit au maintien sur le territoire pour les demandeurs d'asile en rétention

Le droit au maintien sur le territoire ne s'applique pas aux demandeurs placés en centre de rétention administrative : ceux-ci ne se voient pas remettre d'attestation de demande d'asile, conformément à l'article L. 741-1 du CESEDA.

La contestation du placement en rétention peut être formée devant le juge des libertés et de la détention (article L. 512-1 du CESEDA), dans un délai de 48 heures à compter de sa notification. En parallèle, la mesure d'éloignement dont fait l'objet l'étranger placé en rétention peut être contestée dans un délai de 48 heures suivant sa notification devant le juge administratif, qui statue dans un délai de 72 heures.

Un étranger placé en centre de rétention dispose alors d'un délai de cinq jours pour déposer une demande d'asile. En application de l'article L. 556-1 du CESEDA, lorsque l'étranger présente une demande d'asile et que sa demande relève bien de la France (et non d'un autre État membre de l'Union européenne en application de la procédure « Dublin »), l'autorité administrative peut décider de maintenir le demandeur en rétention, si elle juge que la demande d'asile est présentée dans « le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement ». Ce maintien en rétention vaut pour le temps « strictement nécessaire » à l'examen de sa demande d'asile par l'OFPRA et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. En conséquence, un éventuel recours devant la CNDA ne serait pas suspensif.

L'étranger peut alors demander l'annulation de la décision de maintien en rétention, dans les 48 heures suivant sa notification, au président du tribunal administratif, qui doit statuer dans les 72 heures. S'il n'a pas encore statué sur la requête en annulation de l'OQTF, le juge administratif statue sur les deux requêtes par une seule décision. Un appel de la décision du tribunal administratif sur la décision de maintien en rétention, non suspensif, peut être formé devant la cour administrative d'appel, puis un pourvoi en cassation devant le Conseil État.

L'article L. 556-1 du CESEDA précise en outre que « cette décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle du juge des libertés et de la détention exercé sur la décision de placement en rétention, ni sa compétence pour examiner la prolongation de la rétention ».

S'agissant de la demande d'asile, l'OFPRA statue en procédure accélérée dans un délai de 96 heures (articles L. 723-2 à L. 723-16 du CESEDA).

La mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution avant la décision de l'OFPRA ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, celle de ce dernier ou du magistrat qu'il a désigné (sauf s'il s'agit d'une deuxième demande de réexamen ou si la demande de réexamen n'a été formée que pour faire échec à une mesure d'éloignement).

Source : commission des lois du Sénat.

Par dérogation , l'article L. 743-2 du CESEDA également introduit par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, énumère les cas dans lesquels le droit au maintien sur le territoire prend fin , et l'attestation de demande d'asile peut être refusée ou retirée, ou son renouvellement refusé. Conformément aux articles 9, paragraphe 2, et 46, paragraphe 6, de la directive « Procédures », ces six hypothèses sont les suivantes :

- lorsque l'OFPRA a pris une décision d'irrecevabilité parce que le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un État membre de l'Union européenne ou d'un statut de réfugié et d'une protection effective dans un État tiers et y est effectivement réadmissible (1° et 2° de l'article L. 723-11 du CESEDA) ;

- lorsque le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile ;

- lorsque l'OFPRA a pris une décision de clôture d'examen de son dossier dans les conditions prévues à l'article L. 723-13 du CESEDA (dépôt tardif de la demande auprès de l'OFPRA, refus délibéré et caractérisé de transmettre des informations essentielles au traitement de sa demande, non transmission de son lieu de résidence et de son adresse) 193 ( * ) ;

- lorsque le demandeur n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ;

-lorsque le demandeur présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen (articles L. 723-15 et L. 723-16 du CESEDA) ;

- ou enfin lorsque le demandeur fait l'objet d'une décision d'extradition définitive vers un État autre que son État d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale.

Les demandes de réexamen devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

La procédure de demande de réexamen devant l'OFPRA a été largement clarifiée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile afin d'écarter les demandes dénuées d'éléments nouveaux et manifestement dilatoires.

L'article L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) définit la demande de réexamen, conformément à l'article 2, q), de la directive « Procédures », comme une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris en cas de clôture à la demande de l'intéressé ou si ce dernier a quitté le territoire, par exemple pour rejoindre son pays d'origine.

À l'initiative de votre rapporteur, la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a prévu que ces dispositions s'appliquent sans préjudice du règlement « Dublin III ». À cet égard, un demandeur d'asile auquel aurait été refusé définitivement l'asile lors d'une première demande et qui aurait ensuite quitté le territoire de l'Union européenne, pourrait se présenter de nouveau après avoir déposé entre temps une demande d'asile dans un autre État membre. Il ne pourrait alors présenter en France une demande de réexamen mais ferait l'objet d'une procédure « Dublin ».

L'article L. 723-15 du CESEDA précise que tout élément nouveau présenté alors qu'une décision définitive n'a pas encore été prise doit être pris en compte par l'instance devant laquelle il est présenté : l'OFPRA, s'il n'a pas encore pris de décision, ou la CNDA, si elle a été saisie après la décision de l'OFPRA. Cette disposition prohibe ainsi le renvoi par la CNDA à l'OFPRA en cas d'élément nouveau.

L'article L. 723-16 du CESEDA transpose l'article 40, paragraphe 2, de la directive « Procédures » en mettant en place un examen préliminaire de recevabilité. Cet examen vise à déterminer si les faits indiqués par écrit et les nouveaux éléments produits par le demandeur à l'appui de sa demande de réexamen justifient une nouvelle instruction de sa demande. Ces faits ou éléments nouveaux doivent être intervenus postérieurement à la décision définitive prise sur la demande antérieure ou n'avoir été portés à la connaissance du demandeur qu'après que cette première décision est intervenue.

L'OPFRA peut se dispenser de convoquer à un entretien pour cet examen préliminaire.

Si l'Office conclut que les faits ou éléments nouveaux « n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection », conformément à la directive, il peut prendre une décision d'irrecevabilité. Dans le cas contraire, la demande de réexamen fera l'objet d'une nouvelle instruction dans les conditions prévues à l'article L. 723-4 du CESEDA.

Source : commission des lois du Sénat.

Tout comme l'étranger dont la demande d'asile a été définitivement rejetée, ou qui s'est vu définitivement retirer le bénéfice de la protection internationale, l'article L. 743-3 du CESEDA prévoit que l'étranger dont la situation correspond à l'une des six hypothèses présentées ci-dessus (et correspondant à article L. 743-2 du CESEDA) , doit alors quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet de certaines mesures d'éloignement (obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français ou interdiction de circulation sur le territoire français
- articles L. 511-1 à L. 514-1 du CESEDA) et, le cas échéant, de se voir infliger les sanctions pénales (peine d'emprisonnement d'un an et amende de 3 750 euros) pour entrée irrégulière sur le territoire français (article L. 621-2 du CESEDA).

Dans ce cas, l'éventuel recours devant la CNDA que pourrait former le requérant contre la décision de rejet ou de retrait de la protection internationale prise par l'OFPRA ne revêt pas de caractère suspensif .

Les mesures d'éloignement que prennent les autorités administratives doivent toutefois respecter, ainsi que le prévoit expressément l'article L. 743-2 du CESEDA, les stipulations de l'article 33 la convention de Genève relatives au principe de non refoulement, ainsi que de celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En conséquence, la fin du droit au maintien sur le territoire national d'un étranger ne peut conduire à le renvoyer vers un pays dans lequel il est susceptible d'être « soumis à la torture » ou « à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Enfin, s'agissant du cas particulier prévu à l'article L. 743-4 du CESEDA, lorsque l'étranger qui sollicite l'enregistrement d'une demande d'asile auprès de la préfecture a antérieurement fait l'objet d'une mesure d'éloignement (toutes sont concernées, principalement les obligations de quitter le territoire français, les expulsions et les peines d'interdiction du territoire français), celle-ci n'est pas considérée comme implicitement abrogée par la demande d'asile. En revanche, elle ne peut pas être mise à exécution par les autorités administratives avant la notification de la décision de l'office (en cas de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture de la demande d'asile) ou, le cas échéant, avant la notification de la décision de la CNDA.

Le recours en annulation d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) 194 ( * ) prise sur le fondement de l'article L. 512-1 du CESEDA présente un caractère suspensif de plein droit : dès lors que le tribunal administratif n'a pas statué, la mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution. Telle est la raison pour laquelle une demande de référé suspension est irrecevable.

L'appel (formé dans un délai de 30 jours) n'est en revanche pas suspensif, de même que le pourvoi en cassation, mais il est possible d'assortir l'appel et le pourvoi d'une demande de sursis à exécution de la mesure.

Régime contentieux applicable selon les catégories d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) en application de l'article L. 512-1 du CESEDA

Catégorie d'OQTF

Disposition applicable
(CESEDA)

Délai de recours en annulation de l'OQTF

Juridiction compétente

Formation de jugement

Délai dans lequel le juge doit statuer sur le recours

OQTF avec délai de départ volontaire

Art. L. 511-1 (I)

3°, 5°, 7° ou 8°

30 jours

Tribunal administratif

Collégiale avec rapporteur public (dispense possible)

3 mois à compter de sa saisine

Art. L. 511-1 (I)

1°, 2°, 4° ou 6°

+

Art. L. 512-1 (I bis )

15 jours

Tribunal administratif

Juge unique, sans rapporteur public

6 semaines à compter de sa saisine, sans conclusions du rapporteur public

OQTF sans délai de départ volontaire

Art. L. 511-1 (I)

3°, 5°, 7° ou 8°

48 heures

Tribunal administratif

Collégiale avec rapporteur public (dispense possible)

3 mois

Art. L. 511-1 (I)

1°, 2°, 4° ou 6°

48 heures

Tribunal administratif

Juge unique, sans rapporteur public

6 semaines

OQTF visant un étranger placé en centre de rétention administrative ou assigné à résidence

Art. L. 512-1 (III)

48 heures

Tribunal administratif

Juge unique, sans rapporteur public

72 heures

Source : commission des lois du Sénat.

2. Le projet de loi transmis : un renforcement du régime de la fin du droit au maintien sur le territoire justifiant des aménagements juridictionnels pour garantir un droit au recours effectif

En premier lieu, le projet de loi modifie l'article L. 743-1 du CESEDA pour prévoir que le droit au maintien sur le territoire cesse, en cas de rejet de la demande d'asile, non plus à la notification de la décision de la CNDA, mais dès la lecture en audience publique de ladite décision 195 ( * ) . Cette disposition serait applicable aux décisions rendues par la CNDA à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi.

En deuxième lieu, le projet de loi modifie l'article L. 743-2 du CESEDA pour prévoir trois nouvelles hypothèses dans lesquelles le droit au maintien sur le territoire français prendrait fin dès la décision de rejet de l'OFPRA et l'attestation de demande d'asile pourrait être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Il s'agit des hypothèses dans lesquelles :

- l'OFPRA a pris une décision d'irrecevabilité de la demande d'asile s'agissant d'une demande de réexamen qui ne réunit pas les conditions de procédure fixées par la loi (article L. 723-16 du CESEDA) 196 ( * ) ;

- l'OFPRA a pris une décision de rejet de la demande d'asile lorsqu'il statue automatiquement en procédure accélérée en application de l'article L. 723-2 du CESEDA (le demandeur provient d'un pays sûr ou a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable), ou lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État ;

- l'OFPRA a pris une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 571-4, créé par l'article 18 du projet de loi (cas des demandeurs d'asile ayant fait leur demande alors qu'ils faisaient déjà l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire, ou d'une interdiction administrative du territoire, et qui pourraient être assignés à résidence ou placés en rétention).

Un éventuel recours contre ces décisions de l'OFPRA n'étant plus suspensif, l'étranger ne bénéficierait plus du droit de se maintenir sur le territoire et devrait donc le quitter, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement .

S'il était visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), l'étranger pourrait la contester devant le tribunal administratif, dans les délais prévus par le droit en vigueur (voir tableau ci-dessus).

Le projet de loi modifie également l'article L. 743-3 du CESEDA pour aménager le régime de recours juridictionnel contre une mesure d'éloignement prise dans les deux premières hypothèses , introduites aux 4° bis et 7° nouveaux de l'article L. 743-2 du CESEDA : demandeur d'asile provenant d'un pays sûr, en procédure de réexamen ou présentant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

Il prévoit qu'à l'occasion de ce recours en annulation formé contre l'OQTF devant le juge administratif , en application de l'article L. 512-1 du CESEDA, l'étranger pourrait en même temps demander à ce même juge de suspendre l'exécution de l'OQTF , jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la CNDA ou, si celle-ci a déjà été saisie, jusqu'à la date de lecture en audience publique de sa décision. Le président du tribunal administratif ou le magistrat compétent pourrait faire droit à cette demande de suspension dès lors que l'étranger présenterait « des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ».

Comme pour la procédure existante en matière de demande d'asile en rétention (voir encadré supra ) , le juge administratif statuerait donc en même temps sur les deux requêtes introduites par le demandeur : annulation au fond de la mesure administrative d'éloignement dans le délai prévu par le CESEDA selon les cas, et suspension de l'exécution de cette même mesure le temps du recours devant la CNDA.

Si cette suspension était accordée par le juge, elle vaudrait alors soit jusqu'à l'expiration du délai du recours devant la CNDA soit, si l'étranger a déjà formé son recours auprès de la CNDA, jusqu'à la date de lecture en audience publique de la décision 197 ( * ) . Dans le cas contraire, la mesure d'éloignement pourrait être mise à exécution.

En troisième lieu, dans les deux mêmes hypothèses de rejet d'une demande d'asile par l'OFPRA, le projet de loi modifie l'article L. 743-4 du CESEDA relatif aux demandeurs d'asile ayant antérieurement fait l'objet d'une OQTF, afin de prévoir un mécanisme de recours juridictionnel similaire dans son principe à celui déjà évoqué. Dès le rejet de sa demande d'asile, le droit au maintien sur le territoire de cet étranger ayant pris fin, il pourrait donc faire l'objet d'une assignation en résidence ou d'un placement en rétention administrative destinés à préparer son éloignement 198 ( * ) . Le projet de loi prévoit, dans cette hypothèse particulière, dès lors que l'OQTF ne serait plus susceptible de recours 199 ( * ) , que l'étranger puisse demander la suspension de son exécution dans les quarante-huit heures de son placement en rétention administrative ou de son assignement à résidence 200 ( * ) . Dans ce cas, la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement vaudrait soit jusqu'à l'extinction du délai de recours de la décision de l'OFPRA devant la CNDA, soit jusqu'à la décision définitive de la CNDA lorsque l'étranger a déjà formé son recours.

Le juge administratif ferait droit à cette demande dans les mêmes conditions que pour les autres demandeurs d'asile. De plus, dès lors que l'exécution de l'OQTF serait suspendue, il serait aussi mis fin à l'assignation à résidence ou à la rétention administrative de l'étranger, sauf lorsque l'OFPRA a pris une décision de rejet en procédure accéléré en raison de la menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique et la sûreté de l'État, que constitue la présence en France du demandeur.

Une procédure identique est prévue à l'article 18 du projet de loi s'agissant des demandeurs d'asile assignés à résidence ou placés en rétention (8° nouveau de l'article L. 743-2 du CESEDA), qui avaient antérieurement à leur demande d'asile fait l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire, ou d'une interdiction administrative du territoire.

Enfin, l'article 8 du projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de cette procédure, et précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile et « le cas échéant, de ses besoins particuliers ».

3. La position de votre commission : approuver ces mesures

• La fin du droit au maintien sur le territoire dès la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en audience publique

S'agissant de la fin du droit au maintien sur le territoire dès la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en audience publique, comme le souligne le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi que votre rapporteur approuve, cette « disposition se borne à inscrire dans le droit positif une réalité juridique que la jurisprudence du Conseil d'État 201 ( * ) avait d'ores et déjà reconnue : la lecture de la décision, sans conséquence par elle-même sur la computation des délais de recours, qui ne commencent à courir qu'à compter de la notification, permet en droit de tirer toutes les conséquences de la décision intervenue et, par exemple, de prendre sans attendre une mesure d'éloignement . »

Il convient en effet de rappeler que la notification régulière d'une décision de justice conditionne son caractère exécutoire et fait partir le délai de recours. En revanche, les décisions de justice acquièrent leur autorité dès leur lecture, voire leur prononcé.

Dans les faits, cette disposition permettra de ne plus attendre la notification de la décision de la CNDA pour prendre les mesures appropriées en matière d'éloignement et de conditions matérielles d'accueil.

• La fin du droit au maintien sur le territoire dans trois nouveaux cas dès la décision de rejet de l'OFPRA, et l'aménagement d'un recours suspensif ad hoc d'une mesure d'éloignement prise dans ce contexte

Le projet de loi étend les cas dans lesquels la décision prise par l'OFPRA sur la demande d'asile met fin au droit de séjour sur le territoire, avec pour conséquence qu'un éventuel recours devant la CNDA ne serait plus suspensif. Cette possibilité a déjà été mise en oeuvre, d'après l'étude d'impact du projet de loi, dans neuf États membres, parmi lesquels l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède ou encore la Lituanie, dans lesquels le recours n'est pas automatiquement suspensif pour les procédures accélérées.

En premier lieu, eu égard à l'ensemble des éléments dont il dispose, il semble à votre rapporteur que ces dispositions sont conformes aux normes constitutionnelle et conventionnelle que la France doit respecter. Comme l'indique le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, « rien ne s'oppose dans le droit de l'Union à ce choix, qui est compatible avec l'article 46 de la directive " Procédures" (...), mais il ne peut satisfaire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles que si l'étranger dispose d'un recours juridictionnel pour obtenir, lorsqu'une mesure d'éloignement a été décidée, sa suspension le temps que la CNDA statue . »

Le paragraphe 6 de l'article 46 de la directive prévoit que les États membres peuvent déroger au principe du caractère suspensif du recours, à condition qu'une juridiction, saisie d'office ou par le demandeur, puisse se prononcer sur le droit au maintien sur le territoire de ce dernier jusqu'à notification de la décision de la juridiction compétente pour se prononcer sur la demande d'asile . Il reflète ainsi les exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme . Dans un arrêt du 2 février 2012IM c/France 202 ( * ) prononcé à l'encontre de la France, la Cour européenne des droits de l'Homme avait considéré que la procédure prioritaire alors prévue pour l'examen de certaines demandes d'asile n'était pas conforme au droit au recours effectif tel que garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 203 ( * ) . Pour fonder sa décision, la Cour avait notamment relevé le fait que le recours introduit devant la CNDA contre une décision de l'OFPRA rendue dans le cadre de cette procédure prioritaire n'était pas suspensif de l'éloignement.

À cet égard, elle avait rappelé certains principes généraux de sa jurisprudence applicables à l'espèce et notamment que l'effectivité du droit au recours tel qu'il est garanti par l'article 13 de la convention « implique des exigences de qualité, de rapidité et de suspensivité , compte tenu en particulier de l'importance que la Cour attache à l'article 3 et de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements ». La convention n'exige toutefois pas de forme particulière quant à l'organisation des voies de recours qui relève de la marge d'appréciation des États .

En second lieu, s'agissant de la mise en oeuvre de cette procédure, votre rapporteur a entendu, lors de ses auditions, certaines réserves eu égard à la complexité du dispositif et aux risques de mauvaise articulation des recours entre ceux formés devant le juge de l'asile et ceux formés devant le juge de l'éloignement, que le Conseil d'État a longuement développées dans son avis sur le projet de loi.

S'il est prévu de donner compétence au tribunal administratif pour se prononcer sur la demande tendant à conférer un caractère suspensif au recours devant la CNDA, c'est parce qu'il est déjà compétent pour juger du recours - suspensif - contre l'obligation de quitter le territoire français . Il pourra donc traiter les deux questions simultanément, la demande de suspension se raccrochant nécessairement au contentieux préexistant de l'éloignement ou de l'OQTF . Cet aménagement juridictionnel reprend d'ailleurs le principe qui prévaut s'agissant des demandes d'asile en rétention, pour lesquelles le juge administratif peut être amené à statuer à la fois sur l'annulation de l'OQTF et celle de la décision de maintien en rétention, alors que l'étranger a déposé une demande d'asile.

S'agissant du risque de contrevenir au principe de non refoulement prévu à l'article 33 de la convention de Genève et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prohibe le renvoi d'une personne vers un pays où elle serait susceptible de subir des traitements inhumains et dégradants , il est évident que le juge administratif examinera la demande de suspension à cet aune , critères qu'il examine d'ailleurs déjà lorsqu'il est saisi pour l'exécution d'une OQTF, puisqu'il est tenu de vérifier que la personne ne risque pas d'être renvoyée dans un pays où elle pourrait subir des tortures.

Votre commission, suivant l'analyse de son rapporteur, approuve ces mesures qui rejoignent ses préoccupations s'agissant du nécessaire encadrement du droit au maintien sur le territoire pour les personnes qui n'ont manifestement pas besoin d'une protection internationale.

Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .

Article 8 bis (nouveau) (art. L. 5223-3 du code du travail) - Représentation des collectivités territoriales au conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

Introduit par votre commission, par l'adoption de l' amendement COM-272 de son rapporteur, l'article 8 bis du projet de loi vise à prévoir la présence d'élus locaux au conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

En l'état du droit, le conseil d'administration de l'OFII comprend dix-huit membres , dont un président nommé par décret, huit représentants de l'État, cinq personnalités qualifiées, deux parlementaires et deux représentants du personnel 204 ( * ) .

Or, les décisions de cet établissement public ont un impact croissant sur les collectivités territoriales , notamment en ce qui concerne l'orientation directive des demandeurs d'asile, la gestion du contrat d'intégration républicaine (CIR) et l'accompagnement administratif des entreprises recrutant un salarié étranger 205 ( * ) .

Pour garantir une meilleure concertation avec les territoires, l'article 8 bis tend à inclure les représentants des collectivités territoriales au conseil d'administration de l'OFII .

Votre commission a adopté l'article 8 bis ainsi rédigé .

Article 9 (art. L. 744-1, L. 744-2 et L. 744-5 à L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles) - Conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile

L'article 9 du projet de loi vise à réformer les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, qui comprennent deux principales composantes au sens de la directive « Accueil » du 26 juin 2013 206 ( * ) : l'hébergement des demandeurs , d'une part, et le versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) , d'autre part.

Depuis 2015, ces deux composantes sont pilotées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) .

Cet article poursuit deux objectifs :

- rendre plus directifs et rationaliser les dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile, notamment pour éviter des déséquilibres entre les régions françaises ;

- préciser les modalités de cessation des conditions matérielles d'accueil.

1. Les dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile

1.1. Un schéma national d'hébergement mais des structures diverses

§ Un schéma national, décliné à l'échelle régionale

Un demandeur d'asile dépose son dossier auprès d'une plateforme d'accueil ( PADA ) chargée de l'informer et de le conseiller (« pré-accueil »). Sa demande d'asile est ensuite enregistrée en préfecture, ce qui lui permet d'accéder à un centre d'hébergement , conformément à l'article 17 de la directive « Accueil » du 26 juin 2013.

Prévu par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 207 ( * ) , le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile fixe la répartition des places d'hébergement sur l'ensemble du territoire métropolitain. Ce dispositif n'est pas applicable dans les outre-mer.

Après avis des ministres chargés du logement et des affaires sociales, le ministre de l'intérieur a publié un premier schéma le 21 décembre 2015. Chaque région s'est vu fixer des « objectifs d'évolution » . , l'objectif global étant d'augmenter le nombre de places d'hébergement de 49 834 au 1 er janvier 2015 à 60 864 au 31 décembre 2017 208 ( * ) .

Le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile est ensuite décliné au niveau régional par le préfet de région , après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement 209 ( * ) .

Le schéma régional « fixe les orientations en matière de répartition des lieux d'hébergement des demandeurs d'asile sur le territoire de la région et présente le dispositif régional prévu pour l'enregistrement des demandes d'asile ainsi que le suivi et l'accompagnement des demandeurs » 210 ( * ) . Il doit « tenir compte » du plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) élaboré par le préfet de département et le président du conseil départemental 211 ( * ) .

Le schéma régional d'accueil des demandeurs d'asile de la Nouvelle-Aquitaine

Le 16 novembre 2016, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine a publié le premier schéma régional d'accueil des demandeurs d'asile de son territoire 212 ( * ) .

Ce document comprend six axes de travail : la description des structures de premier accueil, la présentation de l'état actuel du parc d'hébergement, ses objectifs d'évolution, son adaptation aux besoins des demandeurs d'asile, les modalités d'amélioration de la fluidité en son sein (entrées/sorties) et le pilotage du dispositif.

Le schéma régional tend à mettre en oeuvre les objectifs du schéma national d'accueil, selon lequel le nombre de places d'hébergement de demandeurs d'asile dans la région Nouvelle-Aquitaine devait passer de 2 436 au 1 er janvier 2015 à 5 498 au 31 décembre 2017 (+ 125 %) . Aussi, précise-t-il la localisation des places à créer (+ 137 places en Corrèze, + 317 en Charente-Maritime, etc .). Cette répartition a été établie à partir d'un critère unique : le nombre de demandeurs d'asile accueillis pour 1 000 habitants.

La création des places d'hébergement est assurée par des associations ou des sociétés d'économie mixte comme COALLIA ou ADOMA, à partir d'appels à projets lancés par les préfectures . Le schéma régional d'accueil de la Nouvelle-Aquitaine dispose que « la concertation avec les édiles locaux, essentielle dans le processus, doit conduire à une acceptabilité de nouvelles implantations », sans plus de précisions sur les mécanismes de dialogue mis en place.

Les schémas d'accueil des demandeurs d'asile présentent un caractère contraignant : en fonction du nombre de places prévues dans chaque région et de l'évaluation de la vulnérabilité et des besoins du demandeur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) l'oriente vers un lieu d'hébergement 213 ( * ) , qui peut être plus ou moins éloigné de la préfecture dans laquelle il a déposé sa demande d'asile.

Ce dispositif vise à mieux répartir l'effort d'accueil des demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire national. Si le demandeur refuse l'hébergement proposé, l'abandonne sans motif légitime ou se comporte violemment, il perd son droit à l'hébergement et à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA, voir infra ).

L'OFII pilote ce dispositif d'orientation directive à partir d'un traitement automatisé de données, le DN@ , qui lui indique les capacités des centres, leur taux d'occupation, les demandeurs d'asile accueillis, leurs absences « injustifiées et prolongées » ainsi que leurs éventuels problèmes de comportement.

§ Les structures d'hébergement : CADA et HUDA

Le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile regroupe deux catégories de structures financées par le programme 303 (« immigration et asile ») de la loi de finances : les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) .

Juridiquement, l'hébergement en CADA est la règle car il offre un meilleur accompagnement social et administratif aux demandeurs d'asile ; l'HUDA est l'exception 214 ( * ) .

Lorsque les CADA et les HUDA sont saturés, il est fait appel aux structures d'hébergement d'urgence « de droit commun » . Ces dernières sont accessibles à toute « personne sans abri ou en détresse » 215 ( * ) depuis le numéro d'urgence 115. Elles sont pilotées par le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) et financées par le programme 177 (« prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ») de la loi de finances.

1.2. Des dispositifs d'hébergement sous forte tension

Les dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile sont aujourd'hui sous forte tension : d'une part, la demande d'asile se concentre dans certains territoires, d'autre part, des structures ad hoc ont été créées sans cohérence ni réflexion de long terme.

§ L'augmentation de la demande d'asile et sa concentration dans certains territoires

Les CADA et les HUDA sont sous-dimensionnés pour faire face à l'augmentation de la demande d'asile (+ 90 % entre 2010 et 2017).

Seuls 60 % des demandeurs d'asile y sont effectivement accueillis 216 ( * ) , les autres étant orientés vers l'hébergement d'urgence « de droit commun » du programme 177. Comme le souligne M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, cette situation « crée une embolie structurelle au point que quand vous appelez le 115 pour les vrais cas d'urgence, vous ne trouvez plus de place » 217 ( * ) .

Certes, le Gouvernement souhaite créer 1 500 places supplémentaires en CADA et 4 450 places en HUDA pendant l'exercice 2018. Cet effort semble toutefois insuffisant pour rattraper le retard accumulé depuis de nombreuses années 218 ( * ) .

En outre, les demandes d'asile se concentrent dans quatre régions métropolitaines (Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France et Grand-Est), ce qui aggrave l'engorgement de leurs centres d'hébergement et favorise le développement de campements insalubres .

Selon l'étude d'impact, trente-trois camps ont été évacués dans la région parisienne depuis juin 2015 ; le démantèlement de la Lande de Calais au premier trimestre 2017 a permis de réorienter 5 500 adultes et 1 958 mineurs vers 301 centres d'accueil situés dans 85 départements 219 ( * ) .

La répartition des places d'hébergement des demandeurs d'asile au 31 décembre 2017

Source : instruction du ministre de l'intérieur du 4 décembre 2017
relative à l'évolution du parc d'hébergement des demandeurs d'asile
et des réfugiés, annexe 1.2.

§ Un manque de cohérence des dispositifs d'hébergement

Au fil de la crise migratoire, l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) a perdu en lisibilité et en rationalité . Des instruments ont été créés de manière ponctuelle et non-coordonnée, ce qui a renchéri les coûts.

L'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ( HUDA ) regroupe aujourd'hui quatre dispositifs : AT-SA, HUDA déconcentré, PRAHDA et CAO.

Les quatre dispositifs de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile

- L'accueil temporaire - Service de l'asile (AT-SA)

Géré par la société d'économie mixte ADOMA, le dispositif AT-SA met à disposition environ 5 776 places d'hébergement au 31 décembre 2017 dans 80 centres, pour un coût moyen journalier de 16 euros par place . Il concerne principalement les zones soumises à une forte pression migratoire (Île-de-France et Calaisis) et offre, à la différence de l'HUDA déconcentré, un accompagnement administratif et social aux demandeurs d'asile hébergés.

- L'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile déconcentré (HUDA déconcentré)

Relevant de la compétence des préfets de département, l'HUDA déconcentré représente un parc d'hébergement de 18 514 places réparties dans 150 centres d'accueil, pour un coût moyen journalier de 16 euros par place .

- Le programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (PRAHDA)

Créé en 2017, ce dispositif est issu d'un marché public passé par l'OFII pour une durée minimale de cinq ans. Il met à disposition 5 351 places d'hébergement réparties en 12 lots géographiques, pour un coût moyen journalier de 16,61 euros par place .

- Les centres d'accueil et d'orientation (CAO)

Lancés en 2015, les CAO accueillent temporairement des migrants en situation de grande précarité, notamment à la suite d'opérations de « mise à l'abri » (démantèlement de campements insalubres).

Souvent créés dans l'urgence, les CAO comptent aujourd'hui 10 130 places ; leur coût journalier est de 27 euros par place, soit un montant beaucoup plus élevé que les autres dispositifs d'hébergement d'urgence.

Depuis l'automne 2017, le Gouvernement développe également des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) , dont l'objectif est d'évaluer la situation administrative des migrants et, le cas échéant, de les héberger provisoirement sans attendre l'enregistrement de leur demande d'asile (voir infra ).

1.3. Une tentative de rationalisation des dispositifs d'hébergement

Face à ces difficultés, l'article 9 du projet de loi tend à rendre le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile plus contraignant, à rationaliser les structures d'hébergement et à renforcer les informations à la disposition de l'OFII.

Sur proposition de notre collègue Jean-Yves Leconte et des membres du groupe socialiste et républicain et avec un avis de sagesse de son rapporteur, votre commission a souhaité fixer un nouveau délai à l'OFII : l'office devrait formuler ses propositions de conditions matérielles d'accueil dans un délai de dix jours à compter de l'enregistrement de la demande d'asile, ce qui garantirait la rapidité et l'efficacité de la procédure (amendement COM-57).

§ Un dispositif national d'accueil plus contraignant

Le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile deviendrait plus contraignant, à la fois pour les régions et pour les demandeurs.

- La répartition des places d'hébergement entre les régions

Outre la répartition des lieux d'hébergement, le ministère de l'intérieur fixerait désormais « la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région » , qui serait ensuite déclinée par les préfets de région (article L. 744-2 du CESEDA).

Ce système s'inspirerait de la « clé de Königstein » mise en oeuvre par l'Allemagne pour définir les répartitions des demandeurs d'asile entre les Länder en fonction de leur population et de leurs recettes fiscales.

D'après notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure de l'Assemblée nationale, « une série d'indicateurs économiques, comme le taux de pauvreté ou le nombre de logements disponibles, devraient être pris en compte pour attribuer à chacune des régions un pourcentage de demandeurs à accueillir » 220 ( * ) .

- Mode d'élaboration et contenu des schémas régionaux d'accueil

Le renforcement des schémas d'accueil des demandeurs d'asile nécessite une meilleure association des territoires . À l'Assemblée nationale, M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, a évoqué cette nécessité, sans toutefois s'engager : « pour le moment, nous vous proposons un schéma régional afin de cadrer les choses. Ensuite, nous pourrons demander au préfet de région de déconcentrer certaines décisions » 221 ( * ) .

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a souhaité garantir l'association des territoires en prévoyant que les schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile soient soumis à l'avis d'une commission de concertation ad hoc composée de représentants des collectivités territoriales, de gestionnaires de lieux d'hébergement et d'associations de défense des droits des demandeurs d'asile (amendement COM-240) . L'avis de cette commission remplacerait celui du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, une instance à vocation généraliste qui n'est pas en mesure de traiter la problématique de l'accueil des demandeurs d'asile.

Sur proposition du Gouvernement et avec l'avis favorable de sa rapporteure, l'Assemblée nationale a complété le contenu des schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile en y ajoutant « les actions en faveur de l'intégration des réfugiés ».

Suivant son rapporteur, votre commission y a également intégré les actions mises en oeuvre pour assurer l'éloignement des déboutés du droit d'asile et les transferts des personnes sous procédure « Dublin » , qui revêtent aujourd'hui une importance capitale (amendement COM-241) .

- L'orientation directive des demandeurs d'asile

L'orientation directive des demandeurs d'asile serait renforcée : le demandeur pourrait être orienté vers un lieu d'hébergement (comme aujourd'hui), mais également vers une région donnée .

Le projet de loi prévoit ainsi de déconnecter l'orientation directive des demandeurs d'asile, d'une part, et leur hébergement, d'autre part (articles L. 744-2 et L. 744-7 du CESEDA) : un demandeur d'asile pourrait être orienté vers une région sans bénéficier d'une place d'hébergement .

À l'inverse, votre commission a souhaité rétablir un lien entre orientation directive et hébergement pour garantir les droits des demandeurs d'asile et mieux organiser leur accueil dans les territoires (amendement COM-107 de notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie et des membres du groupe socialiste et républicain et avec un avis de sagesse du rapporteur) . Concrètement, l'OFII pourrait orienter un demandeur d'asile dans une autre région uniquement dans l'hypothèse où il serait en mesure de lui proposer un hébergement en CADA ou en HUDA.

Sur le fondement du présent article, l'OFII serait autorisé à orienter le demandeur vers une autre région à une double condition.

En premier lieu, la part de demandeurs d'asile résidant dans la région d'enregistrement du dossier devrait excéder la part fixée par le ministre de l'intérieur ainsi que ses capacités d'accueil .

Cette première condition résulte d'un amendement de la rapporteure de l'Assemblée nationale, adopté en commission des lois, et subordonnant l'orientation directive du demandeur d'asile à la « saturation du parc d'hébergement de la région d'accueil » .

En second lieu, l'OFII déterminerait la région de résidence du demandeur d'asile « en tenant compte » de ses besoins et de sa situation personnelle et familiale.

Avec un avis favorable de la rapporteure et un avis de sagesse du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue Annie Chapelier (La République en Marche) visant à prendre en compte « l'existence [dans la région d'accueil] de structures à même de prendre en charge de façon spécifique les victimes de la traite des êtres humains ou les cas de graves violences physiques ou sexuelles ».

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a élargi cette garantie à l'ensemble des états de vulnérabilité (santé, troubles mentaux, handicap, âge, etc .), afin de mieux protéger les étrangers pour lesquels l'OFII décide une orientation directive (amendement COM-243) .

Sauf motif impérieux ou convocation par les autorités ou les tribunaux, un demandeur d'asile souhaitant quitter sa région d'accueil aurait désormais l'obligation de solliciter l'autorisation de l'OFII 222 ( * ) , qui prendrait sa décision « en tenant compte de la situation personnelle et familiale du demandeur ».

Cette restriction de la liberté de circulation des demandeurs d'asile est prévue par l'article 7 de la directive « Accueil » du 26 juin 2013 223 ( * ) . Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État l'a admise en rappelant que son objectif était de « traiter plus dignement et plus efficacement les demandeurs, [de] mieux les protéger [et de] préserver la qualité des services publics dans leur ensemble » 224 ( * ) .

§ Une perspective de rationalisation des structures d'hébergement

L'Assemblée nationale a ajouté une nouvelle mission aux plateformes d'accueil (PADA) : l'appui juridique aux demandeurs d'asile, qui s'ajouterait à l'accompagnement social et administratif (article L. 744-1 du CESEDA).

D'après notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile et des délais de recours implique que les demandeurs soient plus rapidement informés de leurs droits 225 ( * ) .

Votre commission a également renforcé les PADA en imposant aux demandeurs d'asile non hébergés de s'y domicilier (amendement COM-182 du Gouvernement, adopté par l'avis favorable du rapporteur). Concrètement, il s'agit d'interdire une domiciliation administrative chez un particulier, les difficultés rencontrées étant trop nombreuses (fausses adresses, changements de domiciliation, etc .). L'objectif est de « mieux suivre (les demandeurs d'asile) et de les accompagner durant l'instruction de leur demande » 226 ( * ) .

Sur proposition de la rapporteure, nos collègues députés ont également prévu que, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, un décret en Conseil d'État :

- fixe les normes minimales en matière d'accompagnement social et administratif dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les dispositifs d'hébergement d'urgence (HUDA) ;

- assure une uniformisation progressive des conditions de prise en charge dans ces structures (article L. 744-3 du CESEDA).

Votre rapporteur soutient sans réserve l'objectif de cette disposition, qui vise à réduire l'empilement des structures en HUDA. Toutefois, laissant une trop grande marge de manoeuvre au Gouvernement, ses effets juridiques seraient incertains.

Dès lors, votre commission a souhaité qu'une convention (et non un décret) soit conclue entre l'État et les gestionnaires des lieux d'hébergement, qui sont au plus proche du terrain, pour renforcer les efforts d'uniformisation des lieux d'hébergement (amendement COM-244 du rapporteur).

Ces conventions s'inscriraient dans une démarche pluriannuelle alors que l'action de de l'État a trop souvent consisté à répondre dans l'urgence aux crises migratoires. Cette démarche faciliterait également l'organisation, et donc l'efficacité, des gestionnaires de lieux d'hébergement.

§ Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES)

Parallèlement à cet effort de rationalisation, le Gouvernement a récemment créé une nouvelle structure : le centre d'accueil et d'examen des situations (CAES) des étrangers.

Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES)

Trois premiers centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) ont été mis en place dans les Hauts-de-France à l'automne 2017, notamment pour permettre le démantèlement de campements insalubres .

Les CAES remplissent une double mission : évaluer la situation administrative des migrants , ce qui les rapproche des plateformes d'accueil (PADA), mais également leur proposer un hébergement provisoire (pendant moins d'un mois) avant l'enregistrement de leur demande d'asile 227 ( * ) et lorsqu'ils ne disposent pas d'un domicile stable.

Dans sa circulaire du 4 décembre 2017, le ministre de l'intérieur a demandé à chaque préfet de région de créer 200 places de CAES (pour un coût journalier de 25 euros par place, contre 16 euros dans la plupart des structures de l'hébergement d'urgence) et de procéder à leur évaluation trois mois après leur création.

Lors de ses travaux, l'Assemblée nationale a souhaité consacrer l'existence des CAES au niveau législatif 228 ( * ) en prévoyant leur mention dans les schémas régionaux d'accueil (article L. 744-2 du CESEDA) et en autorisant l'accueil d'un étranger « qui ne dispose pas d'un hébergement stable et qui manifeste le souhait de déposer une demande d'asile » (article L. 744-3 du même code).

Cette disposition soulève toutefois deux difficultés :

- il est sans doute prématuré de tirer des conclusions définitives concernant l'efficacité des CAES . Ces centres pourraient conduire à un nouvel « empilement » des dispositifs d'hébergement et leur coût de fonctionnement reste élevé ;

- l'accueil dans ces centres doit rester une faculté pour l'État, non une obligation car il semble aujourd'hui impossible (et même inopportun) de proposer une place d'hébergement en CAES à l'ensemble des étrangers déclarant leur intention de déposer une demande d'asile en France.

Sans remettre en cause les CAES, votre commission leur a reconnu un caractère expérimental (amendement COM-242 du rapporteur) , ce qui présenterait un triple avantage : poursuivre leur développement sur l'ensemble du territoire national, les décompter dans les logements sociaux de la loi « SRU » et maintenir le Parlement informé des résultats de cette expérimentation.

§ Davantage d'informations pour l'OFII

Pour piloter le dispositif national d'accueil, l'OFII échange des données avec les gestionnaires des CADA et HUDA (système DN@ précité) mais également avec l'OFPRA (informations relatives à l'état de vulnérabilité du demandeur d'asile, transmises avec son accord).

L'OFII dispose toutefois d'informations lacunaires concernant les demandeurs d'asile qui, faute de place en CADA ou en HUDA, sont orientés vers l'hébergement d'urgence « de droit commun » piloté par le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO).

Contestée par certains acteurs du monde associatif, la circulaire du ministre d'État, ministre de l'intérieur, du 12 décembre 2017 visait déjà à combler cette lacune.

La circulaire du ministre de l'intérieur du 12 décembre 2017

La circulaire rappelle que les demandeurs d'asile sont prioritairement accueillis en CADA et en HUDA, l'hébergement d'urgence « de droit commun » ne prenant pas suffisamment en compte leurs besoins (accompagnement social, suivi de la demande d'asile, etc .).

Elle prévoit la création « d'équipes mobiles » pour réaliser un « bilan administratif et social » des étrangers accueillis par le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) . Composées d'agents de la préfecture, de membres de l'OFII et de personnels « compétents en matière de veille et d'évaluation sociale », ces équipes mobiles ont pour objectif d'assurer « l'orientation individuelle adaptée » des personnes rencontrées.

Quatre orientations sont mentionnées : le logement dans une structure pérenne pour les personnes bénéficiant d'une protection internationale, l'enregistrement de la demande d'asile lorsque cela n'a pas encore été fait, la délivrance d'un titre de séjour et l'orientation vers une structure d'aide au retour.

Saisi par vingt-huit associations, le Conseil d'État 229 ( * ) a précisé les modalités d'application de cette circulaire en rappelant que :

- les personnes hébergées peuvent refuser de s'entretenir avec les équipes mobiles ;

- les équipes mobiles n'ont aucun pouvoir de contrainte, tant envers les personnes hébergées qu'envers les gestionnaires des centres d'accueil .

Le projet de loi vise à compléter les informations mises à la disposition de l'OFII : tous les mois, le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) lui communiquerait la liste des personnes accueillies dans l'hébergement d'urgence « de droit commun » et ayant présenté une demande d'asile ou ayant obtenu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire (article L. 744-6 du CESEDA).

Ce traitement de données à caractère personnel serait soumis aux garanties de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 230 ( * ) (contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés - CNIL -, droit de rectification des données, etc .).

D'après notre collègue Élise Fajgeles, rapporteure de l'Assemblée nationale, « cela fait environ deux ans qu'il y a des contacts entre les agents de l'OFII et les associations gestionnaires en vue de recenser le statut administratif des personnes hébergées, afin que chacun puisse être hébergé dans un lieu correspondant à sa situation administrative ».

En 2017, les informations recueillies auraient permis à l'OFII de prendre en charge 17 000 personnes qui, « soit étaient demandeurs d'asile mais n'avaient pas accès aux conditions matérielles d'accueil, n'ayant pas été prises en charge suffisamment tôt par le DNA, soit étaient présentes en tant que réfugiés, et n'avaient pas même commencé leur parcours d'intégration » 231 ( * ) .

2. La cessation des conditions matérielles d'accueil

L'article 9 du projet de loi vise également à préciser les modalités de cessation des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, c'est-à-dire de leur hébergement mais également du versement de l'ADA.

L'allocation pour demandeur d'asile (ADA)

L'ADA est versée aux demandeurs d'asile âgés de 18 ans et plus, ayant accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'OFII et dont les ressources financières sont inférieures au revenu de solidarité active (RSA).

L'allocation comprend deux composantes : un montant forfaitaire (6,80 euros par jour pour une personne seule) versé à l'ensemble des bénéficiaires et un montant additionnel (5,40 euros par jour pour une personne seule) destiné aux demandeurs d'asile qui ont accepté les propositions de l'OFII mais qui n'ont pas pu être hébergés, faute de place disponible.

En janvier dernier, le Conseil d'État a censuré ce montant additionnel , le jugeant « manifestement insuffisant pour permettre à un demandeur d'asile de disposer d'un logement sur le marché privé de la location » 232 ( * ) .

La consommation de crédits au titre de l'ADA s'est élevée à 346,15 millions d'euros en 2016. Cette allocation a été perçue par 122 000 personnes en décembre 2017, dont 66 500 ont reçu son montant additionnel 233 ( * ) .

Deux cas de figure doivent être distingués : la cessation des conditions matérielles d'accueil en amont de la décision définitive de protection de l'OFPRA ou de la CNDA et la cessation en aval de cette même décision.

2.1. La cessation des conditions matérielles en amont de la décision de protection

§ L'état du droit : refus, suspension ou retrait

Avant la décision de l'OFPRA ou de la CNDA, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil « peut être » 234 ( * ) :

a) refusé si le demandeur d'asile présente une demande de réexamen auprès de l'OFPRA, s'il dépose une demande d'asile tardive 235 ( * ) ou s'il refuse l'hébergement proposé (le demandeur étant préalablement informé des conséquences d'un tel refus) 236 ( * ) ;

b) suspendu si, sans motif légitime, l'intéressé a abandonné son lieu d'hébergement, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ;

c) retiré (avec effet rétroactif) si le demandeur d'asile a dissimulé des ressources financières, fourni des informations mensongères sur sa situation familiale ou en cas de comportement violent ou de manquements graves au règlement du lieu d'hébergement.

La décision de l'OFII est prise après que l'intéressé a été en mesure de présenter des observations écrites (principe du contradictoire) . Elle est écrite et motivée ; elle prend en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé.

§ Le projet de loi

Par coordination, l'octroi des conditions matérielles d'accueil serait refusé si le demandeur d'asile n'acceptait pas de se rendre dans la région vers laquelle l'OFII l'a préalablement orienté (article L. 744-7 du CESEDA).

L'article 9 du projet de loi prévoit, en outre, que les conditions matérielles d'accueil soient retirées lorsque l'individu a « présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes » . Non mentionnée par la directive « Accueil » du 26 juin 2013, cette mesure se fonde sur le « principe selon lequel la fraude corrompt tout » 237 ( * ) .

Le projet de loi tend, par ailleurs, à durcir les sanctions à l'encontre du demandeur d'asile qui ne respecte pas les exigences des autorités (se présenter aux entretiens, transmettre les informations nécessaires, etc .). Dans cette hypothèse, ses conditions matérielles d'accueil seraient retirées de plein droit , et non plus suspendues.

Enfin, l'article 9 vise à modifier les procédures de l'OFII : seules les décisions de retrait des conditions matérielles d'accueil feraient l'objet d'une procédure contradictoire, non les décisions de refus.

Cette solution a été admise par le Conseil d'État, pour qui une décision de refus correspond à la « cessation de plein droit d'un avantage », résultant « d'un choix du demandeur d'asile, dûment informé des conséquences de celui-ci » 238 ( * ) , non à une sanction administrative.

Suivant son rapporteur, votre commission a lié la compétence de l'OFII lorsqu'il refuse ou retire les conditions matérielles d'accueil (amendement COM-247). À titre d'exemple, si un demandeur d'asile présente un comportement violent, l'OFII aurait l'obligation, et non la simple faculté, de lui retirer ou de refuser son hébergement dans un centre d'accueil et le versement de l'allocation pour demandeur d'asile.

2.2. La cessation des conditions matérielles d'accueil en aval de la décision de protection

§ Le droit en vigueur

En l'état du droit, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile prend fin, de plein droit :

- pour les personnes soumises à la procédure « Dublin » , à partir de la décision de transfert vers l'État responsable de leur demande d'asile et jusqu'à son exécution ;

- pour les déboutés du droit d'asile , au terme du mois au cours duquel le délai de recours contre la décision de l'OFPRA a expiré 239 ( * ) , la décision de rejet de la CNDA a été notifiée ou son droit au séjour a pris fin. Durant cette période d'un mois, ils peuvent provisoirement rester dans leur lieu d'hébergement 240 ( * ) ;

- pour les personnes ayant obtenu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, au terme du mois qui suit la notification de la décision (articles L. 744-5 et L. 744-9 du CESEDA). Ils peuvent provisoirement rester dans leur lieu d'hébergement pendant trois mois.

§ Le projet de loi

Par coordination avec l'article 6 du projet de loi, l'article 9 tend à mieux encadrer les conditions matérielles d'accueil d'un demandeur d'asile débouté par la CNDA : le versement de l'ADA serait supprimé au terme du mois au cours duquel la décision de la CNDA a été lue en séance, non plus notifiée 241 ( * ) .

Comme le souligne le Conseil d'État, « cette disposition est sans aucun effet sur le délai de recours (contre la décision de la CNDA), qui ne commence à courir qu'à compter de la notification. Elle se limite à réduire pour l'avenir une durée légale d'ouverture de droits en modifiant le terme extinctif, comme il est loisible au législateur de le faire » 242 ( * ) .

§ Les apports de votre commission

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les déboutés du droit d'asile occuperaient aujourd'hui environ 10 000 places du dispositif national d'accueil, soit 12 % du parc.

Face à l'engorgement du dispositif, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur visant à inciter les déboutés à quitter les lieux. Le maintien des déboutés dans leur lieu d'hébergement serait conditionné à une décision motivée de l'autorité administrative , la priorité devant être donnée aux demandeurs d'asile (amendement COM-245) .

Votre commission a adopté les amendements rédactionnels COM-246 et COM-248 de son rapporteur et l'article 9 ainsi modifié .

Article 9 bis AA (nouveau) (art. L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation) - Intégration de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et des centres d'hébergement provisoire (CPH) dans le décompte des logements sociaux de la loi « SRU »

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-273 de son rapporteur, l'article 9 bis AA du projet de loi vise à inclure les structures de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et les centres d'hébergement provisoire (CPH) dans le décompte des logements sociaux de la loi « solidarité et renouvellement urbains » (SRU) du 13 décembre 2000.

Depuis 2000, le code de la construction et de l'habitation fixe des objectifs aux communes en matière de construction de logements sociaux .

Pour garantir le respect des objectifs fixés, il est prévu qu'un inventaire des logements sociaux soit réalisé, en amont, pour chaque commune et que des sanctions soient mises en oeuvre, en aval, contre les celles mais qui ne respecteraient pas leurs objectifs.

Plusieurs catégories de logements sont retenues dans ce décompte 243 ( * ) : les logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré, les logements-foyers de personnes âgées, les terrains locatifs familiaux à destination des gens du voyage, etc .

Depuis trois ans, les places en centre d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) y sont intégrées afin d'inciter les communes à accueillir de telles structures 244 ( * ) . En 2015, votre rapporteur avait précisé que « cette disposition renforcerait les incitations à la création de CADA, ce qui peut s'avérer opportun étant donné le manque de places constaté dans ces structures » 245 ( * ) .

Dans la même logique, l'article 9 bis AA vise à introduire dans le décompte des logements sociaux :

- les structures de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ( HUDA ), qui sont indispensables face à l'insuffisance des places en CADA ;

- les centres d'hébergement provisoire ( CPH ) destinés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

Votre commission a adopté l'article 9 bis AA ainsi rédigé .

Article 9 bis A (art. L. 751-3 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Attestation provisoire de l'état civil des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire

Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique, à l'initiative du Gouvernement, l'article 9 bis A du projet de loi vise à permettre aux bénéficiaires de la protection internationale d'obtenir la détermination de leurs droits sociaux 246 ( * ) sur la base de la composition familiale 247 ( * ) prise en compte dans le cadre de la procédure d'asile, sans attendre la fixation définitive de leur état civil par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Il reprend l'une des propositions du rapport de notre collègue député Aurélien Taché, « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France » 248 ( * ) , selon lequel les délais d'établissement des actes de l'état civil par l'OFPRA sont parfois trop longs et peuvent retarder l'ouverture des droits indispensables à l'intégration .

En application de l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'OFPRA exerce en effet la protection juridique et administrative des réfugiés, et des bénéficiaires de la protection subsidiaire.

L'Office est ainsi « habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état civil » (article L. 721-3 du CESEDA).

En conséquence, l'OFPRA est chargé de reconstituer l'état civil des personnes protégées et de leur délivrer les actes afférents. Les actes de l'état civil délivrés par l'OFPRA ont valeur d'actes authentiques. Ils font foi dans les mêmes conditions que les actes de l'état civil dressés par un officier de l'état civil. Ils peuvent être contestés dans les mêmes conditions (procureur de la République). Les autorités à qui ils sont produits doivent en tirer les mêmes conséquences que celles qu'elles déduiraient de l'acte de l'état civil qu'ils remplacent.

Le délai de délivrance des premiers actes de l'état civil par l'OFPRA , suivant la décision d'octroi du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection internationale, s'établit à 3,8 mois en moyenne en 2017. Dans son rapport annuel pour l'année 2017 249 ( * ) , l'OFPRA indique d'ailleurs que « la mission de délivrance des documents de l'état civil [est] nécessaire à la bonne intégration en France des personnes protégées ».

Interrogés par votre rapporteur, les services du ministère de la justice ont précisé que si les délais pour établir les actes de l'état civil sont parfois longs, ils se justifient notamment par un travail d'instruction et de reconstitution parfois complexe . L'établissement des actes de l'état civil par l'OFPRA répond en effet à des modalités spécifiques tenant à une situation particulière. En droit commun, un étranger qui acquiert la nationalité française et pour lequel un acte de naissance français est établi par le service central d'état civil, doit produire son acte de naissance étranger. L'acte français reprend ainsi les énonciations portées dans l'acte étranger.

Or, un réfugié ou un bénéficiaire de la protection subsidiaire n'est souvent pas en mesure de produire son état civil tant et si bien qu'il est le plus souvent établi par l'OFPRA sur la base de déclarations .

À cet égard, les services de l'OFPRA ont précisé à votre rapporteur que le travail d'établissement des actes de l'état civil était un travail minutieux, exigeant de la rigueur, sous peine pour la personne protégée de devoir saisir le procureur de la République s'il estime ses actes erronés après leur établissement par l'OFPRA.

Compte tenu de ces délais d'établissement des actes de l'état civil qui devraient rester incompressibles , et du fait qu'il peuvent être malgré tout préjudiciables à la personne protégée, puisqu'elle est placée dans l'impossibilité de solliciter le bénéfice des droits qui lui sont ouverts , votre rapporteur est favorable à la mise en oeuvre de ce dispositif transitoire permettant à la personne protégée de faire valoir utilement ses droits .

Le décret d'application prévu par le texte permettra de préciser utilement les modalités du dispositif envisagé.

Votre commission a adopté l'article 9 bis A sans modification .

Article 9 bis (art. L. 349-3 du code de l'action sociale et des familles) - Prise en compte de la vulnérabilité et du parcours des personnes bénéficiant d'une protection internationale dans les procédures d'admission au sein des centres provisoires d'hébergement (CPH)

L'article 9 bis du projet de loi vise à prendre en compte la vulnérabilité et le parcours des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire dans les procédures d'admission au sein des centres provisoires d'hébergement (CPH).

Il résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure.

1. Les centres provisoires d'hébergement (CPH)

Gérés par des structures associatives, les centres provisoires d'hébergement (CPH) accueillent des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire pendant une période de neuf mois 250 ( * ) . Ils les accompagnent dans leur démarche d'intégration en leur donnant accès à des cours de langue, à un soutien social, à une aide à l'insertion professionnelle, etc .

Ces établissements se distinguent des centres d'accueil (CADA) et de l'hébergement d'urgence (HUDA) pour demandeurs d'asile, qui accueillent des personnes dont la demande est en cours d'examen.

Le législateur a reconnu les spécificités des CPH en 2015 251 ( * ) , à l'initiative de votre rapporteur qui regrettait à l'époque la « faible attention » portée à l'insertion des réfugiés « alors que ce public a vocation à demeurer durablement, voire définitivement, en France » 252 ( * ) .

42 CPH existent aujourd'hui, pour un total de 2 207 places 253 ( * ) . Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement a annoncé son intention de créer 3 000 nouvelles places en un an, ce dont votre rapporteur se félicite.

2. L'admission dans les CPH

Les décisions d'admission dans les CPH relèvent de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) , qui statue après consultation du directeur du centre.

Ces places d'hébergement sont intégrées dans le traitement automatisé de données DN@ , qui indique à l'OFII la capacité des centres, leur taux d'occupation et les personnes accueillies 254 ( * ) .

Contrairement au dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile, il n'existe aucun mécanisme d'orientation directive des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire vers les CPH .

L'article 9 bis du projet de loi vise à préciser au niveau législatif que l'OFII doit tenir compte de trois éléments dans ses décisions d'admission en CPH :

- l'état de vulnérabilité de l'intéressé ;

- ses liens personnels et familiaux ;

- et la région dans laquelle il a résidé pendant l'examen de sa demande d'asile .

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-249 de son rapporteur et l'article 9 bis ainsi modifié .

TITRE II - RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

Article 10 AA (nouveau) (art. L. 251-1 à L. 251-3, L. 252-1 à L. 252-5 [abrogés] et L. 253-1 à L. 253-4 du code de l'action sociale et des familles) - Transformation de l'aide médicale d'État (AME) en aide médicale d'urgence (AMU)

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-218 rectifié de notre collègue Roger Karoutchi, l'article 10 AA du projet de loi vise à transformer l'aide médicale d'État (AME) en une aide médicale d'urgence (AMU), concentrée sur les maladies graves ou douloureuses, la médecine préventive et les soins liés à la grossesse.

1. L'aide médicale d'État

L'aide médicale d'État (AME) est une prise en charge médicale destinée aux étrangers en situation irrégulière .

Son octroi est subordonné à deux conditions :

- l'étranger en situation irrégulière doit séjourner en France de manière ininterrompue depuis au moins trois mois ;

- il ne dispose pas de revenus supérieurs au plafond de ressources permettant de bénéficier de la part complémentaire de la couverture maladie universelle (soit 8 723 euros pour une personne seule) 255 ( * ) .

La demande de prise en charge doit être renouvelée chaque année.

De manière subsidiaire, le ministre chargé de l'action sociale peut octroyer l'AME à tout étranger dont l'état de santé le justifie, sans que la condition de résidence lui soit opposée.

Depuis plusieurs années, le nombre de bénéficiaires de l'AME connaît une hausse sensible : il s'établit aujourd'hui à plus de 310 000 personnes, contre 100 000 à la création du dispositif en 2001 et 209 000 en 2011. De même, le montant de l'AME a été porté de 815 à 923 millions d'euros (+13,3 %) par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 256 ( * ) .

En 2010, un « droit de timbre » de 30 euros avait été instauré pour les étrangers demandant à bénéficier de l'AME 257 ( * ) , avant d'être supprimé en 2012 258 ( * ) .

2. La création d'une aide médicale d'urgence

Dans ce contexte, l'article 10 AA du projet de loi vise à transformer l'aide médicale d'État (AME) en une aide médicale d'urgence (AMU) , concentrée sur la prise en charge :

- de la prophylaxie, des maladies graves et des douleurs aiguës ;

- des soins liés à la grossesse ou à ses suites ;

- des vaccinations règlementaires ;

- des examens de la médecine préventive.

Le périmètre exact de ces pathologies serait fixé par décret en Conseil d'État. De même, un décret fixerait le montant du « droit de timbre », dont les étrangers en situation irrégulière s'acquitteraient pour bénéficier de l'AMU.

Les modalités de recouvrement de l'AMU seraient identiques à celles de l'actuelle AME.

Votre commission a adopté l'article 10 AA ainsi rédigé .

CHAPITRE IER - LES PROCÉDURES DE NON-ADMISSION

Le chapitre I er du titre II du projet de loi transmis tend à préciser le régime des procédures de non-admission afin, notamment, de les adapter au rétablissement des frontières terrestres de la France au sein de l'espace Schengen.

Si la liberté d'aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, constitue une liberté fondamentale, elle s'exerce, en ce qui concerne le franchissement des frontières, dans les limites découlant de la souveraineté de l'État et des accords internationaux et n'ouvre pas aux étrangers un droit général et absolu d'accès sur le territoire français. Celui-ci est en effet subordonné au respect tant de la législation et de la réglementation en vigueur que des règles qui résultent des engagements européens et internationaux de la France.

Les procédures de non-admission : refus d'entrée, maintien en zone d'attente, « asile à la frontière » et réacheminement

Le franchissement de la frontière et l'accès au territoire français peuvent être refusés à tout étranger qui n'accomplit pas les formalités nécessaires pour être autorisé à entrer et ne présente pas les documents exigés 259 ( * ) (art. L. 211-1 du CESEDA), dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public ou qui fait l'objet de certaines mesures d'éloignement 260 ( * ) (art. L. 213-1 du CESEDA).

Lorsque le refus est opposé à une frontière terrestre de la France avec un État limitrophe, l'étranger non-admis demeure sur le territoire de l'État frontalier qu'il n'a jamais quitté.

Lorsque l'étranger se présente aux autorités au poste de contrôle d'une gare ferroviaire, d'un port ou d'un aéroport après avoir voyagé par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne, alors même qu'il prend ici contact avec les autorités dans une zone frontalière incluse géographiquement sur territoire national, il est cependant réputé, par une fiction juridique, n'avoir pas encore franchi la frontière . Avant soit d'être finalement admis à entrer en France, soit de retourner (volontairement) ou d'être réacheminé (contraint) vers son point de départ initial ou toute autre destination 261 ( * ) , l'étranger doit demeurer dans un périmètre défini et surveillé par l'autorité administrative, ou « zone d'attente » .

Le refus d'entrée fait l'objet d'une décision écrite, motivée et notifiée à l'intéressé dans une langue qu'il comprend l'informant de ses droits. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration mais l'étranger peut, sauf à Mayotte, refuser d'être rapatrié avant l'expiration du délai d' un jour franc . Ce délai est de droit pour les mineurs non accompagnés (art. L. 213-2 du CESEDA).

On observe depuis fin 2015 une très forte hausse des décisions de non-admission , principalement en raison de la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures (voir infra). En 2017, 44 433 des 87 280 décisions de non-admission - soit 51 % - ont été prononcées dans le seul département des Alpes-Maritimes.

Mesures de non-admission notifiées (2010-2018)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
(4 mois)

Nombre de
non-admissions

10 474

11 459

11 508

12 030

11 537

15 849

63 845

87 280

22 766

Source : DCPAF, base de données Pafisa.

Le refus d'entrée peut être contesté devant le tribunal administratif territorialement compétent suivant la procédure contentieuse, non suspensive, de droit commun. Toutefois, l'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif selon une procédure spéciale qui a un caractère suspensif (art. L. 213-9 du CESEDA).

La procédure d'admission sur le territoire au titre de l'asile (« asile à la frontière », art. L. 213-8-1 et L. 213-9 du CESEDA)

Lorsqu'un étranger arrivé en France par voie aérienne, maritime ou ferroviaire, dépose une demande l'asile à la frontière, il relève d'une procédure particulière, l'« asile à la frontière » 262 ( * ) , qui ne tend pas à lui reconnaître à ce stade le statut de réfugié en zone d'attente mais seulement à lui donner l'autorisation d'entrer sur le territoire français afin d'y déposer ensuite une demande d'asile.

L'étranger qui sollicite ainsi l'asile peut se voir refuser l'entrée sur le territoire si l'examen de sa demande relève d'un autre État membre ou si, après consultation de l'OFPRA (qui procède à l'audition du demandeur), sa demande est irrecevable (étranger déjà protégé dans un État tiers ou demande de réexamen sans nouveaux éléments conclusifs) ou sa demande est « manifestement infondée ».

Sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, l'avis de l'office, s'il est favorable à l'entrée en France de l'intéressé au titre de l'asile, lie le ministre chargé de l'immigration.

Le refus d'admission au titre de l'asile est exclusivement susceptible d'un recours devant le tribunal administratif de Paris, dans un délai de 48 heures à compter de sa notification (art. L. 213-9 du CESEDA), délai pendant lequel le demandeur ne peut être refoulé, l'effet suspensif 263 ( * ) du recours durant jusqu'à ce que le juge administratif ait pris une décision (dans un délai de 72 heures à compter de sa saisine).

Demandes d'asile à la frontière (2010-2018)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
(4 mois)

Demandes d'asile
à la frontière

2 789

2 572

2 223

1 402

1 129

937

989

1 386

482

Dont jugées manifestement
infondées par l'OFPRA

2 103

2 351

1 912

1 137

786

694

778

1 022

364

Source : DCPAF, base de données Pafisa.

Afin d'assurer l'exécution forcée du refus d'entrée en France et le réacheminement de l'étranger, le maintien en zone d'attente peut être décidé par l'administration « le temps strictement nécessaire à son départ ». L'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile peut également y être maintenu le temps strictement nécessaire à la procédure. En tout état de cause, ce premier maintien ne peut excéder une durée de quatre jours et fait l'objet d'une décision écrite et motivée. L'étranger est informé de ses droits (assistance d'un interprète et d'un médecin, communication avec un conseil ou toute personne de son choix, et possibilité de quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France) dans les meilleurs délais et dans une langue qu'il comprend. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile (art. L. 221-1 et L. 221-3 à L. 221-4 du CESEDA).

Le maintien au-delà de cette première période doit être autorisé par le juge des libertés et de la détention 264 ( * ) : d'abord pour une première durée de 8 jours, prolongeable à nouveau de 8 jours et, le cas échéant, de 6 autres jours en cas de demande d'« asile à la frontière » ou de recours tardifs, soit au total jusqu'à 26 jours .

Durée moyenne de maintien en zone d'attente (aéroports d'Orly et de Roissy)

Roissy

(jours)

Orly

(heures)

2014

4

32

2015

4

39

2016

4

45

2017

4,2

72

Source : DCPAF.

Les zones d'attente
(art. L. 221-2 et L. 221-2-1 du CESEDA)

Une zone d'attente est un espace délimité par l'autorité administrative qui, au sein d'une gare ferroviaire, d'un port ou d'un aéroport ouverts au trafic international, « s 'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes ».

Elle peut en outre, par une fiction juridique, être étendue :

- sur l'emprise ou à proximité de ces lieux, à « un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier. » C'est ainsi le cas actuellement pour la zone de l'aéroport de Roissy CDG dite « ZAPI 3 » (142 places, 69 chambres, dont une zone de 3 chambres spécialement réservées à l'accueil des mineurs). Dans les lieux d'hébergement, un espace permettant aux conseils de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers doit être prévu et, sauf en cas de force majeure, accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat ;

- et sur une zone s'étendant du lieu de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche « lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres ».

En Guyane, la création de zones d'attente est en outre expressément possible aux frontières fluviales et terrestres.

La décision initiale de placement en zone d'attente peut être contestée devant la juridiction administrative, au besoin par la voie du référé-liberté 265 ( * ) .

Le contentieux du maintien en zone d'attente (au-delà des 4 jours initiaux) relève, au sein de l'autorité judiciaire, du juge des libertés et de la détention saisi par l'administration et, en appel, du premier président de la cour d'appel ou de son délégué.

Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance, dans les 24 heures de sa saisine (ou dans les 48 heures, lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent) après audition de l'intéressé ou de son conseil. Il statue normalement au siège du tribunal de grande instance mais :

- d'une part, la délocalisation des audiences relatives au maintien en zone d'attente est autorisée « si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, il statue dans cette salle » (art. L. 222-4 du CESEDA) 266 ( * ) . C'est le cas, depuis octobre 2017, pour le tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny qui dispose d'une annexe à cet effet construite sur l'emprise de la zone aéroportuaire de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ;

- d'autre part, il est possible de tenir ces audiences par visioconférence , sur proposition de l'autorité administrative et avec le consentement de l'étranger.

La réintroduction exceptionnelle par la France des contrôles à ses frontières intérieures au sein de l'espace Schengen

L'espace Schengen

Débutée en 1985 sur une base intergouvernementale, la construction de l'espace Schengen a été progressive.

La suppression effective des contrôles aux frontières intérieures est intervenue en 1995 avec l'entrée en vigueur de la convention d'application de l'accord de Schengen qui a créé une frontière extérieure unique où sont effectués les contrôles d'entrée dans l'espace Schengen selon des procédures identiques, prévu la levée de l'essentiel des contrôles aux frontières internes et défini un ensemble de contreparties appelées « mesures compensatoires » (politique commune des visas, bases de données européennes, coopération policière, surveillance des frontières extérieures, dimension extérieure).

En plus de trente ans, l'espace Schengen a connu deux principales évolutions : un élargissement géographique de 5 à 26 pays (dont 22 États membres de l'Union européenne et 4 États associés : Islande, Norvège, Suisse, Lichtenstein), soit plus de 400 millions d'habitants , et la « communautarisation » de son acquis par le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997.

Les règles de fonctionnement de l'espace Schengen sont aujourd'hui codifiées par le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ( code frontières Schengen ):

- aux frontières extérieures de l'espace Schengen , pour les personnes d'un État membre jouissant du droit communautaire à la libre circulation, la vérification est minimale (examen simple et rapide de la validité du document de voyage, sauf doute) ; pour les ressortissants de pays tiers, au contraire, la règle est celle d'une vérification approfondie, à l'entrée comme à la sortie 267 ( * ) ;

- les frontières intérieures de l'espace Schengen, peuvent en principe être franchies en tout point par toute personne , quelle que soit sa nationalité, ressortissant européen ou ressortissant de pays tiers, sans avoir à subir de vérifications. La police peut exercer des contrôles dans la zone frontalière, notamment pour lutter contre la criminalité transfrontalière, à condition que de tels contrôles n'aient pas un effet équivalent à celui des vérifications frontalières.

Un État ne peut rétablir les contrôles à ses propres frontières au sein de l'espace Schengen que dans certains cas exceptionnels, pour certains motifs et pour une durée normalement limitée.

La liste des points de passage frontaliers (PPF), lieux « autorisé par les autorités compétentes pour le franchissement des frontières extérieures » selon le code Schengen, est notifiée à la Commission européenne par les États membres. En France, ils sont une centaine et placés sous la responsabilité partagée de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) du ministère de l'intérieur et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) du ministère de l'économie et des finances.

La France étant dès l'origine partie intégrante de l'espace Schengen, les procédures de refus d'entrée à la frontière terrestre avec les pays limitrophes avaient ainsi pratiquement disparu dans l'Hexagone, au bénéfice de ceux opposés à l'occasion de contrôles effectués à ces points de passage frontaliers, dans les gares, ports et aéroports concernés.

Toutefois, se fondant sur l'article 25 et 27 du code frontières Schengen autorisant la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures « en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure », la France a rétabli les contrôles à ses frontières à compter du 13 novembre 2015 , pour une durée d'un mois, en prévision de la tenue sur son territoire de la conférence Paris Climat (« COP 21 »). À la suite des attentats perpétrés à Paris et Saint-Denis, le soir même, ces contrôles ont été renforcés et prolongés jusqu'à ce jour par neuf décisions successives en raison d'une menace terroriste pérenne 268 ( * ) .

285 points de passage autorisés (PPA), auxquels doit s'effectuer le franchissement des frontières intérieures, ont été définis et notifiés à la Commission européenne : 154 tenus par la DCPAF (115 routiers, 16 ferroviaires, 22 aériens et 1 maritime) et 131 tenus par la DGDDI (71 terrestres et 60 aériens).

Les contrôles aux frontières intérieures sont réalisés dans les mêmes conditions que ceux conduits normalement aux frontières extérieures, en application de l'article 32 du code frontières : les ressortissants de pays tiers, même en provenance d'un État appartenant à l'espace Schengen, qui seraient démunis des documents et des justificatifs de séjour exigés sont dès lors susceptibles de faire l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire national.

L'exemple du dispositif de contrôle mis en place dans les Alpes-Maritimes

« Dans les Alpes-Maritimes, le PPA ferroviaire de Menton-Garavan est le premier verrou de la frontière ; puis des contrôles sont effectués dans les gares successives (unités de force mobile en gares de Nice, Antibes et Cannes). Au nord du département, un contrôle des flux automobiles, avec un ciblage des autocars de tourisme et des véhicules utilitaires, est effectué au PPA autoroutier de La Turbie, situé à 20 kilomètres de la frontière. Le PPA routier de Saint-Gervais, à Sospel, dans la vallée de la Roya, constitue un autre point névralgique du dispositif de contrôle et de surveillance. Un escadron de gendarmes mobiles, escorté par des effectifs de l'armée de terre, est responsable de ce PPA. Ils y effectuent à la fois une mission de contrôle des flux et une mission de renseignement. Le PPA est tenu en continu, 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine ; on compte environ 200 véhicules par jour. Cette intersection constitue le point de passage contrôlant l'ensemble de la vallée. (...)

« Des contrôles sont également effectués au PPA routier situé sur les hauteurs de Menton, par la PAF, et au PPA situé sur la route côtière, par les gendarmes. Les contrôles aléatoires ont été intensifiés à la suite du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Les camionnettes et autres véhicules de taille importante pouvant potentiellement transporter des personnes sont ciblés en priorité. Au PPA routier situé sur les hauteurs de Menton, la patrouille de la PAF dispose d'une tablette Neo connectée au réseau 4G depuis septembre 2016, ce qui lui permet d'interroger le FPR, le SIS et l'AGDREF (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), ainsi que le fichier des véhicules volés (manuellement). Le temps de consultation est estimé à 30 à 40 secondes par requête, en fonction du nombre de fichiers consultés. »

Source : Commission d'enquête
«
Circuler en sécurité en Europe : renforcer Schengen » 269 ( * ) .

Article 10 A (art. L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile) - Régime juridique applicable aux refus d'entrée sur le territoire notifiés aux frontières terrestres

L'article 10 A du projet de loi, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative conjointe de la rapporteure de la commission des lois et de plusieurs membres du groupe La République En Marche, tend à préciser le régime juridique des refus d'entrée lorsqu'ils sont notifiés à la frontière terrestre de la France, afin de tenir compte du rétablissement des contrôles à nos frontières internes au sein de l'espace Schengen : d'une part, il sécurise juridiquement la pratique consistant à refuser à l'étranger non-admis le bénéfice d'un jour franc pour préparer son départ et, d'autre part, il requiert qu'une attention particulière soit portée aux personnes vulnérables non-admises sur le territoire.

1. Le droit en vigueur

En l'état du droit, le CESEDA prévoit, pour les étrangers non-admis sur le territoire, le bénéfice d'un jour franc avant l'exécution forcée de la décision et la mise en oeuvre de leur rapatriement (ce délai doit être expressément demandé, sauf pour les mineurs qui en bénéficient de plein droit). Des zones d'attente sont destinées à les accueillir au sein des gares ferroviaires, port ou aéroport ouverts au trafic international, dans la perspective de leur éloignement.

2. Des divergences d'interprétation

D'importantes incertitudes existent sur le régime juridique applicable aux refus d'entrée prononcés directement aux frontières terrestres de la France (hors d'une gare ferroviaire, d'un port ou d'un aéroport), situation qui avait disparu avec l'intégration au sein de l'espace Schengen, mais qui sont devenues courantes depuis le rétablissement des frontières intérieures et l'intensification des contrôles à certains points de passage.

Le juge des référés du Conseil d'État a, pour sa part, écarté, dans le cas du franchissement d'une frontière terrestre, l'application des dispositions relatives aux zones d'attente (art. L. 221-1 et suivants du CEEDA), estimant que « [la] situation des étrangers concernés n'entre pas, en tant que telle, dans les prévisions des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux zones d'attente, qui s'appliquent aux personnes qui arrivent en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et peuvent être maintenues dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international, dans un port ou dans un aéroport, pour une période allant jusqu'à quatre jours » 270 ( * ) .

Des divergences d'interprétation regrettables existent actuellement entre certains services sur les conséquences à tirer de cette décision, et en particulier sur l'applicabilité du « jour franc » :

- pour certains, le bénéfice du jour franc figure au titre des garanties expressément prévues par l'article L. 213-2 du CESEDA, relatif au refus d'entrée et qui a une portée générale (« Tout refus d'entrée en France... ») ;

- pour d'autres, la garantie du jour franc n'a de sens que pour permettre au maintenu de préparer son départ volontaire dans le cadre d'un passage zone d'attente, et non pour des personnes qui se présentent à la frontière terrestre et ne sont donc « retenues » que le temps strictement nécessaire aux opérations de vérification ; ils soulignent en outre que le respect de ces dispositions impliquerait, pour la police aux frontières, de dégager et de mobiliser d'importants moyens matériels et humains.

3. Le texte transmis

Afin, donc de sécuriser juridiquement certaines pratiques et de clarifier les dispositions législatives applicables, l'article 10 A du projet de loi inscrit expressément la seconde option à l'article L. 213-2 du CESEDA, excluant le bénéfice du jour franc en cas de tentative d'entrée sur le territoire national à la frontière terrestre de la France. Il est également prévu, par un ajout à ce même article, qu'« une attention particulière [soit] accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs, accompagnés ou non d'un adulte ».

4. La position de votre commission

Votre rapporteur, qui a été saisi de ce problème par plusieurs représentants du parquet, notamment lors de son déplacement à Gap, approuve la volonté de clarifier l'état du droit et juge nécessaire de sécuriser les opérations de la police aux frontières dans un contexte d'extrême sollicitation de nos forces de l'ordre aux points de passage depuis que sont rétablis les contrôles à nos frontières terrestres.

Concernant la mention ajoutée dans le CESEDA de la prise en compte de la vulnérabilité des étrangers, votre rapporteur doute à nouveau 271 ( * ) de la méthode consistant à introduire dans notre droit de généreuses pétitions de principe sans caractère utile, peu normatives et au contenu imprécis.

Des garanties similaires sont en tout état de cause d'ores et déjà prévues par le code frontières Schengen, et elles sont d'application directe (ainsi, aux termes de ce règlement : « Les gardes-frontières respectent pleinement la dignité humaine dans l'exercice de leurs fonctions, notamment dans les cas qui impliquent des personnes vulnérables » 272 ( * ) et « les garde-frontières accordent une attention particulière aux mineurs, que ces derniers voyagent accompagnés ou non. » 273 ( * ) ).

Votre rapporteur insiste sur le fait que la protection de la vulnérabilité des migrants se présentant aux frontières terrestres repose beaucoup sur les pratiques des services responsables des contrôles à chaque point de passage autorisé, qui travaillent dans des conditions difficiles et avec des moyens limités.

Il tient à saluer tout particulièrement les initiatives des personnels sur le terrain qui, malgré ces fortes contraintes, s'efforcent d'agir avec humanité et responsabilité.

Par exemple, comme l'a indiqué le représentant du parquet de Gap à votre rapporteur, depuis le mois de décembre 2017, en raison de la dureté des conditions climatiques hivernales et face aux refus répétés des autorités italiennes de prendre en charge les personnes ayant fait l'objet d'un refus d'entrée dans les Hautes-Alpes, les services de la police aux frontières ont mis en place au point de passage autorisé de Montgenèvre une « zone de mise à l'abri ». Elle est constituée d'un bâtiment préfabriqué chauffé et doté de sanitaires afin de permettre un hébergement précaire de sauvegarde des personnes dans l'attente de conditions climatiques acceptables pour mettre à exécution les décisions de non-admission. Il a également été décidé de remettre aux services du département en charge de leur protection les personnes mineures non accompagnées dont la déclaration est crédible à chaque fois 'que les autorités italiennes refusent de les prendre en charge.

Votre commission a adopté l''article 10 A sans modification.

Article 10 B (art. L. 213-3-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile) - Périmètre de non-admission sur le territoire national

Introduit par l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement de sa rapporteure en commission puis d'un amendement de M. Joël Giraud en séance, l'article 10 B du projet de loi vise à préciser le périmètre au voisinage de la frontière terrestre dans lequel un étranger peut faire l'objet d'une procédure de non-admission sur le territoire (procédure sanctionnant une tentative d'entrée irrégulière sur le territoire), plutôt que d'une obligation de quitter le territoire français (procédure sanctionnant un séjour irrégulier sur le territoire).

En l'état du droit, un refus d'entrée peut être opposé à l'étranger qui se présente aux frontières de la France depuis un État tiers sans remplir les conditions nécessaires avant qu'il pénètre sur le territoire. Dans les ports, gares ou aéroports ouvert au trafic international, l'exécution de la décision entraîne un placement en zone d'attente et un départ volontaire ou un réacheminement contraint vers son point de départ.

Les différentes mesures d'éloignement prévues par le CESEDA s'en distinguent, ayant elles vocation à sanctionner la présence sans titre d'un étranger et son séjour irrégulier sur le territoire français après qu'il y a pénétré. Ce dernier peut ainsi, sous certaines conditions, faire l'objet de mesures de contrainte (assignation à résidence ou placement en rétention administrative) avant sa reconduite à la frontière.

L'article 10 B du projet de loi vise à autoriser les services chargés, depuis la réintroduction du contrôle aux frontières intérieures, de la surveillance des points de passage terrestres à délivrer et mettre à exécution des refus d'entrée à l'encontre d'un étranger :

- qui a pénétré sur le territoire métropolitain,

- en provenance directe du territoire d'un État de l'espace Schengen,

- et qui est contrôlé dans une zone à dix kilomètres de la frontière 274 ( * ) .

Votre rapporteur approuve les facilités opérationnelles permises par cet article, qui comprend certaines garanties (l'exigence d'une provenance « directe », qui écarte l'application de ce régime aux étrangers en situation irrégulière séjournant éventuellement dans ce périmètre ; la fixation du périmètre à 10 km de la frontière) ; il met en garde néanmoins contre la tendance à multiplier des fictions juridiques spécifiques aux procédures de non admission (la création de « périmètres de non-admission » s'ajoutant ainsi désormais à la possibilité de créer et d'étendre largement des « zones d'attentes temporaires » qui s'adaptent aux trajets de l'étranger non-admis), au risque de complexifier le système et de rendre incertain le régime dont relèvent les étrangers contrôlés et les garanties dont ils bénéficient.

Votre commission a adopté l'article 10 B sans modification.

Article 10 (art. L. 213-9, L. 222-4 et L. 222-6 du code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile) - Vidéo-audience et traitement des appels irrecevables dans le contentieux de la non admission

L'article 10 du projet de loi tend à introduire plus de souplesse dans les procédures contentieuses relatives aux non-admissions, en généralisant le recours à la vidéo-audience (désormais possible sans l'accord de la personne concernée) et en autorisant le rejet des déclarations d'appel manifestement irrecevables selon une procédure simplifiée (par ordonnance dite « de tri »).

1. La généralisation du recours aux vidéo-audiences

En l'état du droit, 'l'organisation d'une audience par visioconférence est possible, sauf si l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend s'y oppose :

- pour le contentieux des décisions de refus d'entrée au titre de l'asile, qui relève d'une procédure spéciale devant le juge administratif (art. L. 213-9 du CESEDA) ;

- et pour le contentieux du maintien en zone d'attente, qui relève en premier ressort de la compétence du juge des libertés et de la détention (art. L. 222-4 du CESEDA) et, en appel, du premier président de la cour d'appel (art. L. 222-6 du CESEDA).

Le projet de loi vise à supprimer le consentement de l'étranger comme condition du recours à ces vidéo-audiences. Le Gouvernement souhaite ainsi alléger les contraintes pesant sur les juridictions et les services de police, rappelant, dans l'étude d'impact, que « l'organisation des opérations de conduite des personnes retenues au siège des juridictions pour les audiences administratives et judiciaires impose des charges budgétaires et humaines lourdes aux services opérationnels. »

Cette disposition a été critiquée en opportunité et en droit par les associations et avocats spécialisés dans la défense droits des étrangers et par le Défenseur des droits dans son avis sur le projet de loi.

Néanmoins, tant le Gouvernement dans son étude d'impact que la rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée nationale dans son rapport se prévalent, pour défendre la conformité à la Constitution de ces dispositions, de deux décisions du Conseil constitutionnel :

- dans une décision de 2003 validant le principe de la tenue d'audiences par visioconférence pour le juge des libertés et de la détention, le Conseil constitutionnel avait relevé qu'« en autorisant le recours à des salles d'audience spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention ou à des moyens de télécommunication audiovisuelle, le législateur a entendu limiter des transferts contraires à la dignité des étrangers concernés, comme à une bonne administration de la justice » et que « le déroulement des audiences au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle est subordonné au consentement de l'étranger , à la confidentialité de la transmission et au déroulement de la procédure dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public » pour en conclure que « dans ces conditions, les dispositions précitées garantissent de façon suffisante la tenue d'un procès juste et équitable ». Alors que la rédaction laisse subsister un doute sur la portée à donner à la condition de consentement de l'étranger, selon le Gouvernement, celle-ci n'a été relevée par le Conseil « qu'en tant qu'élément d'un ensemble de modalités participant à la garantie du droit à un procès équitable, mais il n'en résulte pas que le consentement de l'étranger conditionne la constitutionnalité du dispositif » 275 ( * ) ;

- dans une décision ultérieure de 2011, statuant sur certaines dispositions autorisant la Cour nationale du droit d'asile à entendre les explications des intéressés ne séjournant pas en France métropolitaine uniquement par visioconférence, le Conseil constitutionnel a écarté le moyen tiré de la rupture d'égalité et de l'atteinte au droit à une procédure équitable sans se fonder sur une quelconque adaptation applicable aux seuls outre-mer, relevant alors seulement que « le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics ; qu'il a prévu que la salle d'audience utilisée doit être spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice ; que l'audience doit se dérouler en direct en assurant la confidentialité de la transmission ; que l'intéressé a le droit d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier ; que, s'il est assisté d'un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui ; qu'un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des opérations est réalisé » 276 ( * ) .

Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, partage également cette position, estimant que « si les exigences d'un procès juste et équitable supposent en effet que le justiciable puisse participer de manière personnelle et effective au procès, ce droit peut être aménagé pour poursuivre des objectifs également légitimes aux plans constitutionnel et conventionnel , tels que - comme en l'espèce - la bonne administration de la justice (en évitant l'allongement des délais dus aux reports d'audience qu'entraînent les difficultés de déplacement des demandeurs), la dignité des demandeurs (en évitant des déplacements sous escorte ) et le bon usage des deniers publics (en réduisant les coûts pour l'administration) »

Votre rapporteur est favorable au développement des vidéo-audiences lorsque la particularité du contentieux s'y prête et que des garanties suffisantes sont prévues pour protéger les droits des requérants .

En l'espèce, il lui semble particulièrement bienvenu de réduire la sollicitation des personnels chargés de la surveillance et des escortes, les coûts induits par ces transferts et l'organisation des audiences. Il relève en outre la présence de nombreuses garanties propres à assurer un procès équitable et les droits de la défense : confidentialité de la transmission, aménagement spécial de la salle, double publicité et double procès-verbal (dans chaque salle), seconde salle d'audience attribuée au ministère de la justice, d'une part (en application des dispositions combinées de l'article L. 222-4 du CESEDA), audition de l'intéressé ou de son conseil et possibilité de demander au juge des libertés et de la détention le concours d'un interprète et la communication de son dossier, d'autre part (en application de l'article L. 222-3 du CESEDA).

2. Le traitement par ordonnance de « tri » des appels irrecevables

L'article 10 du projet de loi entend faciliter le traitement des appels contestant les décisions du JLD en permettant au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de rejeter par ordonnance motivée sans convocation des parties (dite « ordonnance de tri ») les déclarations d'appel manifestement irrecevables. Les cas d'irrecevabilité manifeste, dont la définition relève de la procédure contentieuse administrative, pourront être précisés par le pouvoir réglementaire

Votre rapporteur relève que le Gouvernement aligne ainsi la procédure de la non-admission sur celle de la rétention (l'article L. 552-9 du CESEDA permettant au premier président de la cour d'appel de rejeter les appels manifestement irrecevables par ordonnance de tri), de façon à soulager des juridictions dont l'activité est considérablement mobilisée par le contentieux des étrangers.

Votre commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 10 bis (nouveau) (art. L. 222-5 et L. 222-6 du code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile) - Délai d'appel et maintien à la disposition de la justice en zone d'attente

Introduit par votre commission avec l'adoption d'un amendement COM-228 de son rapporteur, l'article 10 bis du projet de loi vise à augmenter de six à dix heures tant le délai dont dispose le procureur de la République pour faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) mettant fin au placement en zone d'attente et pour en demander le caractère suspensif que, par voie de conséquence, le délai pendant lequel une personne est maintenue à la disposition de la justice après une telle décision.

En l'état du droit, l'appel formé contre les ordonnances du JLD sur les prolongations du maintien en zone d'attente des étrangers n'est pas suspensif (article L. 222-6 CESEDA).

Le ministère public dispose néanmoins de la faculté de demander que l'appel formé soit suspensif jusqu'à ce qu'il soit statué au fond

Dès lors, et de façon à permettre de former une telle demande et à ce qu'elle garde un caractère utile, il est prévu un délai de 6 heures durant lequel l'étranger est « maintenu à la disposition de la justice » et reste concrètement en zone d'attente au-delà même de la fin théorique de la mesure qui aurait dû intervenir aussitôt rendue l'ordonnance du JLD.

Par cohérence avec le dispositif prévu pour la rétention aux articles 16 et 17 bis du projet de loi, votre commission a souhaité porter de six à dix heures ce délai. Comme le préconise le Conseil 'd'État dans son avis sur le projet de loi, à propos de la rétention, les dispositions retenues prévoient également que dans cette période, l'étranger maintenu à disposition de la justice peut, s'il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin, et s'alimenter.

Votre commission a adopté l'article 10 bis ainsi rédigé .

Article 10 ter (nouveau) (art. L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Contrôlées effectués dans le cadre des procédures de « refus d'entrée »

Introduit par votre commission avec l'adoption d'un amendement COM-231 de son rapporteur, l'article 10 bis du projet de loi vise à permettre aux forces de l'ordre déployées à la frontière terrestre, depuis le rétablissement des frontières internes de la France au sein de l'espace Schengen, de mieux contrôler l'identité des personnes dans le cadre des procédures de « refus d'entrée ». Il corrige également une référence obsolète au code frontières Schengen.

En l'état du droit, l''article L. 611-3 du CESEDA 277 ( * ) prévoit que peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé les empreintes digitales et la photographie de tout étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ou ne remplissant pas les conditions d'entrée dans l'espace Schengen .

Cette disposition vise ainsi à permettre l'identification des personnes afin de favoriser la lutte contre l'immigration irrégulière. Elle est l'une des bases légales du traitement automatisé AGDREF2 (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), qui résulte du décret n° 2011-638 du 8 juin 2011 relatif à l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France et aux titres de séjour et aux titres de voyage des étrangers.

Le non-respect par l'étranger de l'obligation de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales et à la prise de sa photographie est puni, depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende . Ce quantum correspond à celui prévu par l'article L. 624-1 du CESEDA en cas de maintien irrégulier sur le territoire d'un étranger, sans motif légitime, après qu'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence a pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement.

Votre commission a souhaité, sur la proposition de son rapporteur, prendre en compte les conséquences du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures au sein de l'espace Schengen. Comme certains parquets s'en sont ouverts à votre rapporteur, il serait en effet particulièrement utile aux forces de police déployées à la frontière terrestre de mieux contrôler les personnes qui y font l'objet de procédures de « refus d'entrée ». L'amendement COM-231 permet d'étendre aux cas de franchissement des frontières internes la possibilité de relever les empreintes digitales qui est actuellement limitée aux étrangers en situation irrégulière contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers à l'espace Schengen.

Votre commission a adopté l'article 10 ter ainsi rédigé .

Article 10 quater (nouveau) (art. L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Allongement de la condition de séjour sur le territoire français pour bénéficier d'un regroupement familial

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-217 rectifié de notre collègue Bruno Retailleau, l'article 10 quater du projet de loi vise à allonger la durée de séjour sur le territoire français nécessaire pour bénéficier d'un regroupement familial.

1. Le regroupement familial

Le regroupement familial permet à un étranger en situation régulière d'être rejoint en France par son conjoint majeur et les enfants mineurs du couple . Cette procédure est régie par la directive 2003/86/CE du Conseil 23 septembre 2008 278 ( * ) et par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Pour solliciter un regroupement familial, un étranger doit respecter trois conditions :

- détenir un titre de séjour d'une durée de validité d'au moins un an ;

- résider régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois ;

- disposer d'un niveau de ressources stable et suffisant. À titre d'exemple, les ressources de l'étranger doivent être au moins égales au salaire minimum de croissance (SMIC) lorsque sa famille comprend, outre lui-même, une ou deux personnes 279 ( * ) .

Vecteur historique de l'immigration familiale, le regroupement familial a bénéficié en 2016 à 14 407 personnes, qui ont pu rejoindre leur conjoint ou parents installés en France 280 ( * ) .

Cette procédure ne doit pas être confondue avec la réunification familiale qui permet, dans des conditions plus favorables, aux réfugiés, aux apatrides et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire d'être rejoints en France par leur famille 281 ( * ) .

2. L'allongement de la condition de séjour du regroupement familial

Souhaitant mieux encadrer l'immigration familiale, votre commission a durci les conditions du regroupement familial : pour solliciter l'engagement de cette procédure, l'étranger devrait désormais justifier de vingt-quatre mois de résidence régulière en France, contre dix-huit mois aujourd'hui .

Cette mesure est conforme à l'article 8 de la directive 2003/86/CE du 23 septembre 2008, qui dispose que les États membres de l'Union européenne sont libres de déterminer cette condition de résidence préalable, sans pouvoir dépasser un délai de vingt-quatre mois.

Votre commission a adopté l'article 10 quater ainsi rédigé .

CHAPITRE II - LES MESURES D'ÉLOIGNEMENT

Le chapitre II du titre II du projet de loi entend modifier le régime de certaines mesures d'éloignement et d'interdiction du territoire afin de renforcer leur efficacité : obligation de quitter le territoire français (OQTF), interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) et interdiction de circulation sur le territoire français (ICTF).

Un régime complexe et redondant, fruit de la sédimentation de mesures disparates

La complexité du régime français de l'éloignement des étrangers résulte de la superposition et de l'enchevêtrement de dispositifs distincts mais d'effets proches, obéissant chacun à des logiques différentes. Peu lisibles, ces mesures offrent des garanties variables aux personnes concernées et sont difficilement mises en oeuvre par les personnels de l'administration chargées de les exécuter ou des juridictions chargées de les contrôler, comme en témoignent leurs faibles taux d'exécution.

Le Conseil d'État déplore ainsi « des dispositifs qui, au fil de la sédimentation des dispositions, se multiplient et se déclinent en variantes dont la portée, le régime ou les conditions diffèrent marginalement, sans que cette sophistication n'entraîne un surcroit d'efficacité. Pour s'en tenir au droit de l'éloignement, le CESEDA ne compte aujourd'hui pas moins de neuf catégories différentes de mesures d'éloignement, dont certaines se subdivisent elles-mêmes en sous-catégories, régies par des règles différentes ».

Peine complémentaire d'interdiction du territoire français, interdiction administrative du territoire français, obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français, interdiction de circulation sur le territoire français, expulsion, réadmission « Schengen », prise ou reprise en charge « Dublin », extradition ou remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen... les dispositifs foisonnent.

Les ressortissants étrangers peuvent ainsi faire l'objet de plusieurs types de mesures d'éloignement hors du territoire qui varient par l' autorité qui en est l'auteur (autorité administrative ou judiciaire ), par les motifs qui en constituent le fondement ( séjour irrégulier ou menace à l'ordre public ) et par le statut des personnes auxquelles elles ont vocation à s'appliquer ( ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou non, résident ou non, ainsi qu'en fonction de la durée du séjour ).

En outre, plusieurs mesures interdisant l'entrée, la présence ou le retour de certains étrangers sur le territoire français peuvent être prononcées, tant par l'administration que par l'autorité judiciaire, et leur exécution forcée peut alors donner lieu à une mesure d'éloignement. Dans l'attente de son départ volontaire ou de son éloignement forcé, l'étranger peut être l'objet de mesures restreignant sa liberté d'aller et venir et être notamment assigné à résidence voire placé en centre de rétention administrative (CRA), mesure qui doit être adaptée à ses garanties de représentation et au risque de fuite qu'il présente.

Une vaste panoplie de mesures permettant actuellement d'éloigner ou de maintenir éloigné du territoire un étranger 282 ( * )

a) L'arrêté d'expulsion

L' arrêté d'expulsion (art. L. 521-1 à L. 524-4 du CESEDA) est une mesure d'éloignement motivée par la protection de l'ordre public : il peut frapper tout étranger si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public .

Certaines catégories d'étrangers sont néanmoins protégées contre cette mesure, à des degrés divers, la loi prévoyant ici une complexe mise en balance entre, d'une part, la gravité de la menace à l'ordre public et, d'autre part, l'importance et l'ancienneté des liens avec la France 283 ( * ) . Les ressortissants européens font l'objet d'une protection spécifique 284 ( * ) et l'étranger mineur ne peut jamais faire l'objet d'un arrêté d'expulsion.

L'expulsion a juridiquement pour objet de parer à une menace : elle a un caractère préventif, et non répressif, et ne constitue pas une sanction mais « une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics » 285 ( * ) . L'autorité administrative doit dès lors se fonder sur l'ensemble du comportement de l'étranger, sans avoir besoin de fonder sa décision sur des condamnations pénales.

La procédure de droit commun prévoit plusieurs garanties procédurales dont la comparution de l'étranger devant une commission consultative (qui rend un avis motivé dans le délai d'un mois et ne lie pas l'autorité compétente), à la différence de la procédure dérogatoire, utilisée en cas d'urgence absolue. La décision d'expulsion est prise par le préfet du lieu de résidence (arrêté préfectoral d'expulsion) ou, en cas d'urgence absolue ou s'il s'agit d'un étranger protégé, par le ministre de l'intérieur (arrêté ministériel d'expulsion).

L'arrêté peut être exécuté d'office par l'éloignement forcé de l'étranger, et justifier le prononcé de mesures restreignant la liberté d'aller et venir des étrangers, telles que la rétention 286 ( * ) et l'assignation à résidence 287 ( * ) .

Il est contestable par un recours non suspensif de droit commun devant la juridiction administrative dans les deux mois suivant sa notification si l'étranger se trouve en France. Il peut également être contesté par la voie du référé-suspension ou du référé-liberté.

b) L'interdiction administrative du territoire et la reconduite d'office

L' interdiction administrative du territoire (articles L. 214-1 et suivants du CESEDA) s'applique aux étrangers qui ne résident pas habituellement en France et ne se trouvent pas sur le territoire national . Elle vise à les maintenir éloignés en empêchant leur entrée pour des motifs d' ordre public . Elle peut s'appliquer à :

- tout ressortissant européen 288 ( * ) ou tout membre de la famille d'une telle personne lorsque sa présence en France constituerait, en raison de son comportement personnel, du point de vue de l'ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ;

- tout autre ressortissant étranger lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.

La décision est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l'État ne s'y opposent, prononcée sans procédure contradictoire par le ministre de l'intérieur et permet, d'une part, d'opposer un refus d'entrée à l'étranger qui essaierait d'entrer sur le territoire national et, d'autre part, de procéder à sa reconduite d'office hors de France s'il est majeur et appréhendé sur le sol français.

Nombre de personnes concernées par une interdiction administrative du territoire

Année

2015

2016

2017

UE/EEE/Suisse

31

7

35

Etats tiers

45

125

118

total

76

132

153

Source : DLPAJ.

Les recours de droit commun sont ouverts à l'intéressé. Par ailleurs, ce dernier peut introduire une demande de levée de la mesure après un délai d'un an à compter de son prononcé. L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction administrative du territoire et elle a l'obligation de réexaminer les motifs de l'interdiction tous les cinq ans à compter de la date de la décision.

c) La sanction pénale d'interdiction judiciaire du territoire français

L'interdiction du territoire peut être prononcée par la juridiction répressive à titre de peine complémentaire (articles L. 541-1 à L. 541-4 du CESEDA et articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal) lorsqu'un étranger majeur commet un crime ou un délit pour lequel le code pénal ou d'autres textes prévoient une telle peine. Lorsqu'un délit est puni de l'interdiction du territoire, la juridiction de jugement peut ne prononcer que cette peine à titre principal (article 131-11 du code pénal).

Tous les étrangers, européens ou non, peuvent en faire l'objet, mais des protections comparables à celles prévues contre l'expulsion sont accordées en fonction de l'intensité des liens établis avec la France : Le code pénal réserve ainsi certains cas dans lesquels la juridiction correctionnelle ou criminelle ne peut infliger l'interdiction du territoire en raison de la situation personnelle de l'intéressé (article 131-30-2 du code pénal) et, d'autres, en matière correctionnelle, dans lesquels l'interdiction du territoire ne peut être prononcée que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger (article 131-30-1 du code pénal).

La peine d'interdiction du territoire peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus (article 131-30 du code pénal). Elle entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière , le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine principale et assortie d'une exécution provisoire entraîne, de plein droit, le placement de l'étranger en rétention.

L'étranger condamné à la peine complémentaire d'interdiction du territoire peut demander à en être relevé, en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée, sauf lorsque l'interdiction du territoire a été prononcée à titre principal.

d) L'obligation de quitter le territoire français (OQTF)

Décision administrative relevant du préfet du département de résidence de l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français (articles L. 511-1 à L. 514-1 du CESEDA) tire normalement les conséquences de l' irrégularité de son séjour 289 ( * ) . À ce titre, l'OQTF constitue une mesure de police administrative (visant à rétablir une situation de légalité) et non une sanction administrative (destinée à réprimer un comportement fautif). Elle est motivée 290 ( * ) et précise le pays vers lequel l'étranger doit être reconduit. L'éloignement par ce biais des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne est possible mais il obéit à des motifs spécifiques 291 ( * ) . Certaines catégories d'étrangers sont expressément protégées contre l'édiction d'une OQTF à leur encontre en raison de l'intensité de leurs liens avec la France 292 ( * ) .

En l'état du droit, il existe deux grandes catégories d'OQTF :

- l'OQTF de droit commun est assortie d'un délai de départ volontaire de 30 jours , période pendant laquelle le préfet peut imposer à l'étranger de se rendre au commissariat jusqu'à trois fois par semaine pour attester de sa présence.

Dans le cadre de la procédure contentieuse normale , l'étranger peut déposer, dans ce délai de 30 jours, un recours suspensif devant le tribunal administratif, qui statue en trois mois (en formation collégiale et après conclusions du rapporteur public, sauf dispense).

À l'expiration du délai de départ volontaire, prorogeable en fonction des circonstances particulières du cas d'espèce, l'étranger peut être assigné à résidence ou placé en rétention administrative.

La loi du 7 mars 2016 a créé une procédure contentieuse rapide pour les OQTF délivrées à l'encontre d'un étranger qui n'est pas entré régulièrement en France, qui s'y est maintenu après l'expiration de son visa ou de son titre de séjour ou qui a été débouté de sa demande d'asile. La personne concernée dispose alors de 15 jours (et non 30 jours) pour déposer un recours et le tribunal statue en six semaines (et non en trois mois) à juge unique et sans conclusion du rapporteur public ;

- l'OQTF sans délai de départ volontaire, immédiatement applicable , qui concerne l'étranger qui représente une menace pour l' ordre public , qui a fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour pour fraude ou en raison du caractère manifestement infondé de sa demande ou qui risque de prendre la fuite . Son placement en rétention administrative ou son assignation à résidence est possible dès la notification de l'OQTF.

L'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé bénéficie d'un délai de recours spécial, réduit à 48 heures, pour contester l'OQTF sans délai de départ volontaire (recours suspensif). Le tribunal administratif statue en trois mois ou en six semaines, en fonction des motifs de l'OQTF.

Par dérogation à ces deux régimes, des règles particulières assurant à la procédure un caractère d'urgence s'appliquent lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure restrictive de liberté (placé en centre de rétention ou assigné à résidence 293 ( * ) ). L'intéressé peut demander l'annulation de l'OQTF dans un délai de 48 heures à compter de sa notification si celle-ci intervient en même temps que la décision de placement en rétention. Le délai laissé au juge administratif (statuant à juge unique et sans conclusion du rapporteur public) est ramené à 72 heures , pour assurer ainsi un recours rapide et suspensif contre la mesure d'éloignement qui est le fondement juridique de sa rétention.

e) L'interdiction de retour sur le territoire français (IRTF)

L'interdiction de retour sur le territoire français (III de l'art. L. 511-1 du CESEDA) est une mesure de police administrative 294 ( * ) prononcée par le préfet. Selon les cas, elle assortit une OQTF prononcée à l'encontre d'un étranger de manière facultative ou automatique et peut être prononcée pour une durée maximale allant de 2 à 5 ans . Elle a pour objet de maintenir éloigné certains étrangers en leur interdisant pour une certaine durée l'accès au territoire national.

Elle est explicitement prévue à l'article 11 de la directive dite « Retour » 295 ( * ) et elle s'accompagne d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, entrainant dès lors l'impossibilité d'accéder à l'ensemble de l'espace Schengen.

Elle peut être annulée par le juge ou abrogée par l'administration. L'étranger qui ne respecte pas une telle interdiction encourt des sanctions pénales.

f) L'interdiction de circulation sur le territoire français (ICTF)

Créée à l'article L. 511-3-2 du CESEDA par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, l' interdiction de circulation sur le territoire français (ICTF) peut assortir l'OQTF délivrée à un étranger citoyen de l'Union européenne, d'un pays de l'Espace économique européen ou de la Suisse, lorsque cette mesure se fonde sur un abus de droit ou sur une menace à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française

Elle emporte interdiction d'entrée et de séjour en France et est prononcée pour une durée maximale de trois ans , en fonction de la situation personnelle de l'intéressé ; elle peut être abrogée à tout moment à l'initiative de l'administration ou à la demande de l'intéressé si celui-ci justifie résider hors de France depuis un an au moins - sauf s'il est détenu ou retenu sur le territoire français. Les voies de recours ouvertes sont les mêmes que pour l'interdiction de retour sur le territoire français, son contentieux suit ainsi largement celui de l'OQTF qui la fonde.

La France a été le premier pays européen à mettre en oeuvre une telle mesure, autorisée par la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Son article 27 prévoyant l'édiction d'une telle mesure pour des motifs « d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique », elle ne peut dès lors être prise pour des raisons économiques. En revanche, dans la mesure où l'article 35 de la directive précitée prévoit que « Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d'abus de droit ou de fraude », une mesure d'interdiction de circulation , en particulier la libre circulation sur le territoire de l'Union européenne, est conforme au texte de la directive.

Article 11 A (nouveau) (art. L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Conditionnalité de la délivrance des visas de long séjour

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-274 de son rapporteur, l'article 11 A du projet de loi vise à permettre aux autorités françaises de réduire le nombre de visas de long séjour accordés aux ressortissants des pays les moins coopératifs en matière de lutte contre l'immigration irrégulière.

1. La délivrance des laissez-passer consulaires, un enjeu majeur

L'éloignement forcé d'un étranger en situation irrégulière vers son pays d'origine nécessite la production d'un laissez-passer consulaire.

Or, certains pays d'origine ne délivrent pas suffisamment de laissez-passer consulaires . À titre d'exemple, le Maroc n'a délivré dans les délais impartis que 27,5 % des laissez-passer consulaires sollicités par la France. Ce taux est également très faible pour des pays comme le Mali (11,8 %), l'Égypte (17,2 %), la Tunisie (31,5 %) ou encore l'Algérie (45 %).

Face à cette situation, le Gouvernement propose d'allonger la durée de rétention 296 ( * ) . Cette mesure pourrait toutefois n'avoir qu'un impact limité sur la volonté de coopération des États tiers.

2. Un nouveau moyen de négociation : la conditionnalité de la délivrance des visas de long séjour

Dès lors, il convient de se munir d'un nouveau moyen de négociation face aux États les moins coopératifs : la réduction du nombre de visas de long séjour accordés à leurs ressortissants.

Cette mesure avait d'ailleurs été envisagée par le ministre d'État, ministre de l'intérieur, lors de son audition devant votre commission des lois le 14 novembre 2017 : « si certains gouvernements laissent une immigration irrégulière se développer, nous leur délivrerons moins de visas » 297 ( * ) .

Aussi l'article 11 AA du projet de loi permet-il aux autorités françaises de réduire le nombre de visas de long séjour (d'une durée égale ou supérieure à trois mois) 298 ( * ) accordés aux ressortissants des pays les moins coopératifs.

Sur le plan juridique, il respecte la jurisprudence du Conseil d'État . En effet, la délivrance des visas de long séjour constitue un acte de souveraineté et l'administration peut se fonder « sur toute considération d'intérêt général » pour la refuser 299 ( * ) .

Cet article est en outre cohérent avec les propositions de la Commission européenne , qui souhaite que le droit communautaire évolue pour délivrer moins de visas de court séjour 300 ( * ) aux pays non coopératifs 301 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 11 A ainsi rédigé .

Article 11 (art. L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Modalités d'éloignement des étrangers : renforcement des OQTF et précision de la notion de « risque de fuite »

L'article 11 du projet de loi vise à renforcer l'efficacité de certaines procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national : il renforce le régime des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et précise les critères juridiques permettant d'établir le « risque de fuite » d'un étranger.

1. La clarification du régime des OQTF prises après instruction concomitante et rejets d'une demande d'asile et d'une demande de titre de séjour

Une disposition ultérieure du projet de loi vise à éviter certaines pratiques dilatoires qui voient des étrangers présenter successivement une demande d'asile puis, en cas de rejet, une ou plusieurs demandes de titre de séjour fondées sur d'autres motifs. L'article 23 entend imposer, dans ce cas, la présentation simultanée des demandes, afin de permettre leur examen en parallèle par les autorités administratives respectivement compétentes.

L'article 11 vise à tirer les conséquences de cette modification en précisant le régime contentieux de l'OQTF qui serait prononcée à la suite du rejet de ces demandes, après leur instruction parallèle. En effet, ce régime, extrêmement complexe, varie en fonction du fondement de l'OQTF. Ainsi, par exemple :

- aux termes du I de l'article L. 512-1 du CESEDA, les OQTF délivrées sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 (refus d'octroi ou de renouvellement ainsi que retrait du titre de séjour ) sont soumises à la procédure de droit commun ;

- alors qu'aux termes du I bis du même article L. 512-1, celles délivrées sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 (refus définitif de la qualité de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire) sont soumises à la procédure contentieuse rapide dite « à six semaines ».

Dès lors, pour éviter les difficultés contentieuses nées de situations dans lesquelles un étranger relèverait de plusieurs hypothèses distinctes, l'article 11 du projet de loi prévoit que la mesure d'éloignement soit fondée sur le refus définitif opposé à la demande d'asile (et non sur le ou les éventuels refus de séjour).

2. L'ajout et la précision de critères permettant de caractériser un « risque de fuite » lors de l'éloignement des étrangers en séjour irrégulier

L'éloignement des ressortissants de pays tiers en cas de séjour irrégulier est encadré par la directive dite « Retour ». Son article 7 (« Départ volontaire ») prévoit ainsi que, sauf exceptions, un délai de départ volontaire « allant de sept à trente jours » soit octroyé à l'étranger invité à quitter le territoire d'un État-membre.

Par exception un tel délai peut être refusé (ou raccourci) « s'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale » (§ 4).

De même, la rétention à des fins d'éloignement est encadrée par ladite directive, son article 15 (« Rétention ») l'autorisant, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées « en particulier lorsque [...] il existe un risque de fuite ».

La directive ne donnant qu'une définition tautologique minimale de cette notion 302 ( * ) , les critères permettant d'établir un tel « risque de fuite » relèvent de la loi nationale. Ils sont transposés et développés en droit français au II de l'article L. 511-1 du CESEDA, qui énumère les cas dans lesquels l'autorité administrative peut, lorsqu'elle prononce une OQTF, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français. C'est à ces mêmes critères qu'il est explicitement renvoyé pour fonder une décision de placement en rétention (art. L. 551-1 du CESEDA).

Les critères permettant d'établir un tel « risque de fuite » résultent de l'énumération d'un faisceau d'indices 303 ( * ) .

Pour répondre à une application peu cohérente de la directive « Retour » entre les différents États membres, la Commission européenne a souhaité fournir des orientations sur la manière dont ses dispositions devraient être appliquées. Elle a, à cet effet, publié le 7 mars 2017 une recommandation 304 ( * ) qui précise, notamment, la notion de « risque de fuite » et présente, en vue d'en uniformiser l'application, une liste de « circonstances objectives [devant] constituer une présomption réfragable de l'existence d'un risque de fuite ».

L'article 11 du projet de loi vise dès lors à tirer les conséquences de cette recommandation en adaptant à ses préconisations la liste des indices pouvant caractériser un risque de fuite figurant actuellement dans le CESEDA. À ce titre :

- certains critères sont enrichis (le critère de l'utilisation d'un document falsifié vient compléter celui qui se limitait à la falsification de tels documents) ;

- d'autres sont précisés (l'appréciation des garanties de représentation suffisantes s'opère désormais au regard des possibilités d'identification de l'intéressé, de son degré de coopération - notamment lors du relevé de ses empreintes et de la prise de photographies, ou lors des présentations aux autorités consulaires - et de sa résidence effective - dans un local affecté de façon permanente à son habitation principale) ;

- d'autres, enfin, sont ajoutés (cas de l'étranger entré irrégulièrement dans l' espace Schengen qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement dans un autre État membre ou s'y est maintenu irrégulièrement ; cas de l'étranger déclarant son intention de ne pas exécuter l'éloignement).

Votre rapporteur approuve l'économie générale de ces modifications qui renforcent utilement l'efficacité de nos procédures d'éloignement et harmonisent nos pratiques avec celles de nos voisins européens.

Il tient toutefois à souligner l'incohérence patente des députés de la majorité à l'Assemblée nationale qui acceptent ici que le refus de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales soit ajouté comme indice d'un risque de fuite, mais qui comptent pourtant quelques articles plus loin supprimer un critère strictement identique pour caractériser le risque de fuite non négligeable d'un demandeur d'asile sous statut Dublin (voir l'article 16 du projet de loi).

Sur ce point, et par cohérence, votre commission a adopté un amendement COM-46 de notre collègue  Roger Karoutchi qui ajoute les cas d'altération volontaire des empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement aux critères permettant d'établir un risque de fuite.

3. La clarification des cas où le prononcé des interdictions administratives de retour sur le territoire français (IRTF) est obligatoire

L'article 11 du projet de loi vise d'abord à apporter une clarification rédactionnelle au dispositif actuel qui régit le prononcé des IRTF, qui comporte en effet une regrettable ambiguïté, dans la mesure où :

- d'une part, il prévoit que l'administration assortisse obligatoirement l'OQTF d'une IRTF de trois ans maximum « lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti » ;

- mais d'autre part, il laisse également à l'administration la possibilité d'assortir l'OQTF d'une IRTF de deux ans maximum « lorsque l'étranger [...] s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ».

Le texte transmis rappelle qu'il s'agit bien d'une obligation mais fixe à deux ans la durée maximale de l'IRTF assortissant dans ce cas l'OQTF.

Il procède en outre à plusieurs modifications pour tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui a jugé que les effets de l'interdiction de retour devaient courir à compter de l'exécution effective de l'éloignement et non simplement à compter de sa notification.

Suivant l'avis favorable de son rapporteur, votre commission a adopté l'amendement COM-222 rectifié de notre collègue Bruno Retailleau dont l'objectif était double :

- d'une part, sur la forme, réécrire de façon plus cohérente un dispositif devenu illisible après des ajouts successifs et qui ne permettait plus clairement de distinguer les dispositions relatives aux prononcé obligatoire de l'IRTF de celles relatives à son prononcé facultatif ;

- d'autre part, sur le fond, porter à 5 ans (au lieu de 3 ans) la durée maximale des mesures administratives d'interdiction de retour ; votre rapporteur relève qu'une telle disposition est conforme à la directive « Retour » (dont l'article 11 autorise une telle durée maximale) et partage son objectif de lutter plus sévèrement contre les infractions aux règles de séjour.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis (nouveau) (art. L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Réduction de 30 à 7 jours du délai de départ volontaire pouvant assortir une OQTF

Introduit par votre commission avec l'adoption d'un amendement COM-221 rectifié de notre collègue Bruno Retailleau , l'article 11 bis du projet de loi réduit de 30 à 7 jours le délai de départ volontaire qui peut être accordé aux étrangers faisant l'objet d'une OQTF

Votre commission avait déjà adopté en septembre 2015 une telle disposition, regrettant qu'une durée de départ volontaire trop longue puisse favoriser les risques de soustraction à la mesure d'éloignement prononcée.

La directive « Retour » autorisant les États membres de l'Union européenne à accorder un délai de départ volontaire compris entre sept et trente jours 305 ( * ) , votre commission estime que la nécessité de concilier l'organisation du départ et un éloignement rapide justifie d'abaisser ce délai à sept jours , étant entendu qu'il peut être fixé à une durée supérieure par l'autorité administrative si les circonstances s'y prêtent.

Votre commission a adopté l'article 11 bis ainsi rédigé .

Article 12 (art. L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Procédure administrative et contentieuse de l'éloignement

L'article 12 du projet de loi tend à faciliter le recours aux vidéo-audiences devant le juge administratif de l'éloignement et à clarifier la façon dont son intervention succède à celle du juge des libertés et de la détention (JLD) lorsqu'il se prononcer sur certaines obligations de quitter le territoire français (OQTF) concernant des étrangers assignés à résidence ou retenus (en prévoyant son information et en allongeant les délais de jugement dont il dispose).

En l'état du droit, le contentieux des étrangers en rétention se caractérise par l'intervention distincte des deux ordres de juridiction :

- la régularité des décisions administratives d' éloignement relève du seul juge administratif. L'étranger dispose, pour contester l'obligation de quitter le territoire français, d'un délai spécifique de 48 heures 306 ( * ) à compter de sa notification, et le délai de jugement, lui aussi spécifique, est ramené à 72 heures à compter de la saisine du tribunal administratif. Ce dernier statue donc sur la décision d'éloignement au plus tard au cinquième jour de la rétention (48 + 72 heures), et concrètement le plus souvent au cours du troisième ou du quatrième jour.

Cette procédure est également applicable lorsque la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence de l'étranger intervient en cours d'instance, c'est-à-dire lorsqu'un recours contre la décision d'éloignement avait déjà été engagé auparavant. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court alors à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation ;

- la régularité du placement ou du maintien en rétention relève du seul juge des libertés et de la détention (JLD). Il peut être saisi tant par l'étranger sollicitant sa libération (« dans un délai de 48 heures » à compter de la notification de la rétention) 307 ( * ) que par le préfet aux fins de prolongation de ladite rétention (« quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention ») 308 ( * ) . Le juge statue dans les 24 heures de sa saisine, le cas échéant après une audience et par une ordonnance uniques pour les deux procédures. Il statue donc sur la rétention au plus tard au troisième jour de celle-ci (48 + 24 heures) et concrètement le plus souvent au cours du deuxième ou du troisième jour.

Les juges de chaque ordre de juridiction peuvent donc intervenir à très bref intervalle voire potentiellement au même moment l'un et l'autre, alors que leur office, bien que distinct et indépendant sur le fond, a des conséquences sur celui de l'autre ordre : en particulier, si le JLD met fin à la rétention, le régime contentieux spécifique de la décision d'éloignement cesse devant le juge administratif et ses délais de jugement se trouvent ainsi rallongés.

L'article 12 du projet de loi transmis :

- allonge de 72 à 96 heures le délai de jugement dont dispose le juge administratif pour se prononcer sur la requête en annulation formée contre une OQTF par un étranger placé en rétention ou assigné à résidence ;

- prévoit que le juge des libertés et de la détention avise par tout moyen de sa décision le tribunal administratif territorialement compétent, d'une prolongation ou interruption de la rétention conditionnant la procédure et les délais de jugement applicables devant la juridiction administrative ; sur ce point, votre commission a adopté l'amendement COM-232 de son rapporteur précisant, comme s'en étaient inquiétés plusieurs JLD rencontrés lors de ses auditions, que l'éventuelle méconnaissance de cette obligation d'information est sans conséquence sur les procédures ultérieures d'éloignement et de rétention ;

- procède à une coordination rendue nécessaire par la possibilité, introduite par ailleurs dans le projet de loi (aux articles 11 et 23) de décisions concomitantes statuant sur des demandes parallèles de séjour et au titre de l'asile ;

- prévoit certaines coordinations en cas placement en rétention au cours de l'instance statuant sur l'obligation de quitter le territoire.

S'il voit bien un intérêt procédural à chacune de ces mesures prises isolément, votre rapporteur reste persuadé que le régime contentieux des OQTF mériterait d'être totalement réorganisé et clarifié. Sans même aborder les problèmes posés par l'intervention concomitante de deux ordres de juridiction dans ce type de contentieux, il partage pleinement la déception exprimée dans l'avis du Conseil d'État, qui regrette « que le projet ne soit pas l'occasion d'une simplification drastique des dispositifs qui, au fil de la sédimentation des dispositions, se multiplient et se déclinent en variantes dont la portée, le régime ou les conditions diffèrent marginalement, sans que cette sophistication n'entraîne un surcroit d'efficacité. Pour s'en tenir au droit de l'éloignement, le CESEDA ne compte aujourd'hui pas moins de neuf catégories différentes de mesures d'éloignement, dont certaines se subdivisent elles-mêmes en sous-catégories, régies par des règles différentes »

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Accès en rétention à l'aide au retour volontaire

L'article 13 du projet de loi vise à étendre aux étrangers placés en rétention la possibilité de bénéficier d'une aide au retour volontaire.

1. L'aide au retour volontaire dispensée par l'OFII

Un étranger en situation irrégulière et qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire national peut solliciter à cet effet le bénéfice d'un dispositif d'aide au retour volontaire dans son pays d'origine, sauf s'il a été placé en rétention (article L. 512-5 du CESEDA). Les modalités de cette aide ont récemment été réformées 309 ( * ) .

À ce titre, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) peut, cumulativement ou alternativement :

- fournir une aide administrative et matérielle à la préparation du voyage vers le pays de retour et prendre en charge les frais de réacheminement (billet d'avion et transport à l'aéroport de départ si besoin) ;

- verser une allocation forfaitaire en une seule fois, au moment du départ, dont le montant varie en fonction de la situation administrative de l'étranger (300 euros pour les ressortissants de pays tiers dispensés de visa et du Kosovo, 650 euros pour les ressortissants d'autres pays, les ressortissants européens étant désormais exclus du dispositif) ; à titre exceptionnel, après demande du préfet de département compétent et information du directeur général des étrangers en France, dans le cadre d'opérations ponctuelles d'incitation au retour, l'OFII peut accorder un montant majoré (sous un plafond de 1 200 euros) ;

- octroyer une aide à la réinsertion sociale, par l'emploi ou par la création d'entreprise, qui est versée dans le pays de retour.

Afin d'éviter tout effet d'aubaine ou détournement de procédure, le demandeur doit justifier qu'il réside en France depuis au moins six mois consécutifs (sauf circonstances exceptionnelles), nul ne peut bénéficier plus d'une fois de cette aide (les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers peuvent d'ailleurs être relevées et mémorisées 310 ( * ) )

Des dispositions dérogatoires s'appliquent à Mayotte en raison de la situation particulière du territoire (l'étranger ne peut bénéficier d'une aide au retour mais, dans des circonstances exceptionnelles et sous réserve de l'existence d'un projet économique viable, d'une aide à la réinsertion économique, ou, s'il est accompagné d'un ou plusieurs enfants mineurs, de mesures d'accompagnement).

Depuis avril 2017, afin d'éviter la sollicitation parfois longue et couteuse de laissez-passer consulaires , il est prévu à titre exceptionnel qu'une allocation forfaitaire complémentaire (de 150 euros) puisse être octroyée lorsque le demandeur dispose déjà d'un document de voyage ou se charge de son obtention.

Lors de son audition par votre rapporteur, le directeur général de l'OFII a souligné la remontée en force de ce dispositif, après une stagnation en 2016, plus de 7 000 aides ayant été distribuées en 2017, et près de 8 000 devant l'être selon lui dès la fin du mois de juin 2018.

D'après l'étude d'impact jointe au projet de loi, le volume des aides au retour distribuées pour l'année 2016 s'élevait à près de 6 millions d'euros (2,7 millions d'euros au titre de l'aide financière et 3,26 millions d'euros de frais de transport).

Ces éléments confirment les craintes, déjà exprimées par votre rapporteur dans son avis budgétaire lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, concernant le manque d'un financement adéquat de ce dispositif.

2. Le refus de votre commission d'étendre le dispositif aux étrangers en rétention afin d'éviter tout effet d'aubaine

L'article 13 du projet de loi vise à étendre aux retenus ce dispositif.

Une telle extension est soutenue par l'OFII, qui met notamment en avant les gains économiques des départs volontaires au regard des coûts considérables des refus d'embarquement (billet inutilisé et frais opérationnels engendrés notamment par les escortes).

Votre commission n'a pas été convaincue par ces arguments. Adoptant un amendement COM-233 de son rapporteur, elle a donc supprimé cette extension du dispositif de l'aide au retour aux étrangers placés en rétention.

Elle a souhaité ce faisant éviter tout effet d'aubaine de la part des retenus : une fois leur éloignement forcé inéluctable, il est à craindre qu'ils sollicitent à bon compte une aide au retour dont le caractère volontaire sera dû essentiellement aux diligences de l'administration.

Elle a également souhaité réaffirmer le caractère unique du recours à l'aide au retour versée par l'OFII, afin qu'elle ne soit pas détournée de son objectif. À cet égard, votre rapporteur rappelle que les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers peuvent d'ailleurs être relevées et mémorisées à cette fin.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 14 (art. L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Surveillance de l'étranger sous OQTF avec délai de départ volontaire

L'article 14 du projet de loi vise à instaurer la possibilité de prononcer désormais une assignation à résidence à l'endroit des étrangers qui disposent d'un délai de départ volontaire pour exécuter leur obligation de quitter le territoire français (OQTF).

En l'état actuel du droit, deux types d'assignation à résidence peuvent être prononcés à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une OQTF sans délai , ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré :

- l'une permet d'abord le maintien sur le territoire français de l'étranger qui justifie être dans l' impossibilité de le quitter ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays (article L. 561-1 du CESEDA). Elle a vocation à durer jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de l'OQTF (assignation « longue durée ») ;

- l'autre permet à l'administration d'exercer une surveillance alternative à la rétention à l'égard des étrangers qui ne peuvent quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable (article L. 561-2 du CESEDA).

En revanche, l'étranger sous le coup d'une OQTF avec délai de départ reste libre d'accomplir les diligences qu'il souhaite pour organiser son départ, l'administration pouvant seulement s'enquérir de ses préparatifs, le cas échéant en le contraignant à se présenter régulièrement à l'autorité administrative, aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y rendre compte de ses diligences (article L. 513-4 du CESEDA).

L'article 14 du projet de loi vise ainsi à créer un autre type autonome d'assignation à résidence spécifique aux étrangers disposant d'un délai de départ volontaire pour exécuter leur OQTF et applicable pendant le temps dudit délai. Comme le relève l'avis du Conseil d'État « la mesure envisagée par le projet de loi étend cette possibilité [d'assignation à résidence] à des étrangers qui, dès lors qu'ils sont sous le coup d'une mesure d'OQTF assortie d'un délai de départ volontaire, ne présentent pas de risque de fuite et ne font pas peser de menace pour l'ordre public. »

Une telle mesure paraît conforme tant au droit européen 311 ( * ) qu'aux exigences constitutionnelles 312 ( * ) , et le Conseil d'État en a validé le principe dans son avis sur le projet de loi.

Votre rapporteur approuve une mesure d'efficacité qui doit permettre à nos services de répondre aux cas qui, bien que ne justifiant pas de priver l'étranger d'un délai de départ (faute de risque de fuite) nécessiteraient des mesures de contrôle renforcées.

Il regrette néanmoins de constater une complexification par couches successives du régime juridique des assignations (celle créée au présent article relevant du régime de droit commun devant le juge administratif, alors que les recours contre les assignations prononcées en alternatives à la rétention restent jugés en urgence selon un régime spécifique plus rapide)

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification.

Article 15 (art. L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Extension de l'interdiction de circulation sur le territoire français à certains étrangers non européens

L'article 15 du projet de loi vise à étendre le prononcé des interdictions de circulation sur le territoire français (ICTF) pour sanctionner le cas des étrangers non européens qui bénéficient d'un titre de séjour valide en France, car délivré par un autre État membre de l'Union européenne, mais qui ont pénétré ou séjourné en France sans se conformer à leurs obligations.

En l'état du droit l' interdiction de circulation sur le territoire français (ICTF) peut assortir l'OQTF délivrée à un étranger européen (citoyen de l'Union européenne, d'un pays de l'Espace économique européen ou de la Suisse), lorsque cette mesure se fonde sur un abus de droit ou sur une menace à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française .

Le projet de loi vise à étendre le prononcé de ce type de mesures aux étrangers non européens qui bénéficient d'un titre de séjour valide en France mais délivré par un autre État membre de l'Union européenne. Cette faculté est expressément ménagée par la convention d'application des accords de Schengen et permet à chacun des États de maintenir des signalements aux fins de non-admission des ressortissants de pays tiers disposant d'un titre de séjour régulier délivré par un autre État.

L'interdiction de circulation est d'une durée maximale de trois ans, son prononcé et sa durée sont fixés en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français et de la menace pour l'ordre public qu'il représente. L'étranger peut solliciter l'abrogation de l'interdiction un an après y avoir déféré. Cette condition ne s'applique pas si l'étranger est emprisonné en France ou s'il y est assigné à résidence. La mesure peut toujours être abrogée par l'autorité administrative.

La violation de la mesure expose l'étranger à une assignation à résidence ou à un placement en rétention administrative dans la perspective de son exécution forcée. Une sanction pénale est également encourue au titre de l'article L. 624-1-1 du CESEDA .

Néanmoins, certains textes de droit dérivé européen instituent des titres de séjour particuliers dont les conditions d'attribution sont partiellement harmonisées et qui offrent aux étrangers de pays tiers qui en bénéficient des droits à la mobilité dans l'espace commun renforcés et comparables à ceux attribués aux citoyens européens.

Comme l'a indiqué le Conseil d'État dans son avis, il n'est possible d'interdire l'admission sur le territoire national de ces étrangers de pays tiers que dans les mêmes hypothèses, plus restrictives, que celles envisagées par l'interdiction de retour (IRT) prévue pour les citoyens européens.

En conséquence, à côté de ce régime général régissant l'interdiction de circulation sur le territoire français à certains étrangers non européens, et suivant l'avis du Conseil d'État, l'article 15 du projet de loi établit un régime particulier pour les ressortissants de pays tiers titulaires :

- d'une carte de « résident de longue durée-UE » 313 ( * ) ;

- d'une « carte bleue européenne » 314 ( * ) ;

- d'un titre « transfert intra-groupe » 315 ( * ) ;

- ou du régime de mobilité destiné aux étudiants et aux chercheurs 316 ( * ) .

Dans tous ces cas, l'édiction d'une interdiction de circulation ne pourra répondre qu'aux cas dans lesquels l'étranger se rend coupable d'un abus de droit ou, motif d'ordre public, s'il constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société.

Votre commission a adopté l'article 15 sans modification.

Article 15 bis (nouveau) (art. L. 114-10-2 du code de la sécurité sociale) - Information des organismes de sécurité sociale concernant les mesures d'éloignement ou de transfert prises par les préfets

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-275 de son rapporteur, l'article 15 bis du projet de loi vise à exiger une information immédiate des organismes de sécurité sociale lorsque les préfets prennent une mesure d'éloignement ou de transfert 317 ( * ) à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière.

En l'état du droit, le versement des prestations sociales est subordonné à la régularité du séjour de l'intéressé . Ainsi, « la sécurité sociale assure pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille » 318 ( * ) .

En pratique, ce principe est difficilement mis en oeuvre , comme l'ont démontré les auditions de votre rapporteur : les organismes de sécurité sociale n'ont pas connaissance des obligations de quitter le territoire français (OQTF), des expulsions pour motif d'ordre public, des décisions de transfert « Dublin », etc .

Pour combler ce manque d'informations, l'article 15 bis du projet de loi vise à obliger les préfectures à informer « sans délai » les organismes de sécurité sociale des mesures d'éloignement ou de transfert qu'elles prennent .

Votre commission a adopté l'article 15 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE II BIS (NOUVEAU) - LES GARANTIES ENCADRANT LE PLACEMENT EN RÉTENTION DES MINEURS

Article 15 ter (nouveau) (art. L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Interdiction du placement en rétention des mineurs isolés

Introduit par votre commission, avec l'adoption d'un amendement COM-47 rectifié de notre collègue Frédérique Puissat, l'article 15 ter du projet de loi interdit le placement en rétention des mineurs étrangers isolés, (également appelés « mineurs non accompagnés »).

En l'état du droit, la France ne place pas de mineur étranger isolé en rétention. Elle est ainsi plus protectrice que le droit européen, dont la directive dite « Retour » ménage la possibilité (art. 17).

Toutefois, cette interdiction de la rétention des mineurs isolés en France découle d'une combinaison peu lisible de plusieurs dispositions législatives : Elle résulte de ce que les mineurs étrangers sont exclus des différentes mesures d'éloignement pouvant justifier le prononcé d'une mesure restrictive de liberté (ils ne peuvent ainsi faire l'objet ni d'une OQTF 319 ( * ) , ni d'une expulsion 320 ( * ) ).

Votre commission, suivant l'avis de son rapporteur, a souhaité rappeler explicitement le principe de cette interdiction de façon plus directement lisible au sein de la partie du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consacrée à la rétention.

Votre commission a adopté l'article 15 ter ainsi rédigé .

Article 15 quater (nouveau) (art. L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Encadrement du placement en rétention des mineurs accompagnant leur famille

Introduit par votre commission, avec l'adoption d'un amendement COM-227 de son rapporteur, l'article 15 quater du projet de loi vient encadrer la durée de rétention des mineurs accompagnant leur famille et qui se trouvent placés en rétention avec leur représentant légal en la plafonnant à cinq jours.

Les mineurs étrangers ne pouvant faire l'objet d'un éloignement en droit français, leur placement en rétention est exclu s'ils sont isolés. En revanche, lorsqu'un étranger majeur est placé en rétention dans la perspective de son éloignement, les mineurs dont il a la charge suivent juridiquement son sort, au nom du respect de l'unité familiale et des liens familiaux.

En l'état du droit, des « mineurs accompagnants » peuvent donc être placés en rétention, sous de strictes conditions. En effet, alors que la loi demeurait silencieuse sur ce point, le législateur est intervenu en 2016 pour consacrer au niveau législatif l'interdiction de placer en rétention les parents accompagnés de mineurs, principe aussitôt assorti de dérogations.

Nombre de mineurs accompagnants placés en CRA

2016

2017

4 mois 2018

Mineurs accompagnants

Métropole

72

303

76

Outre-mer

4 111

2 493

499

Source : DCPAF.

N'est ainsi autorisé, aux termes de l'article L. 551-1 du CESEDA, le placement en rétention, pour la durée la plus brève possible, des étrangers accompagnés de mineurs que dans les situations suivantes, limitativement énumérées :

- en cas de soustraction avérée aux obligations résultant d'une assignation à résidence ;

- en cas de fuite ou de refus opposé à la mise à exécution de la mesure d'éloignement ;

- si l'intérêt de l'enfant le commande, aux fins de limiter les transferts, pour les seules heures précédant immédiatement le départ programmé.

Dans les faits, le nombre de mineurs accompagnants a considérablement augmenté ces deux dernières années (plus de 300 en métropole en 2017), et ce malgré plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme tenant aux conditions concrètes de leur rétention.

Votre rapporteur regrette que ni le Gouvernement ni les députés du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale n'aient eu le courage de traiter la situation des mineurs placés en centre de rétention avec leur famille, ouvrant même désormais la possibilité de les retenir trois mois dans des lieux totalement inadaptés.

Il est bien persuadé qu' il ne faut donner aucune immunité absolue contre la rétention et l'éloignement à des étrangers en situation irrégulière au seul motif qu'ils seraient accompagnés d'un enfant mineur .

Il a proposé à votre commission une mesure responsable et humaine, tenant compte de la pratique de nos services, qui ont confirmé ne recourir à de telles mesures que pour des durées courtes, de l'ordre de quelques jours.  Dès lors, sur sa proposition, votre commission a plafonné à cinq jours la rétention des mineurs accompagnant un étranger en rétention.

Votre commission a adopté l'article 15 quater ainsi rédigé .

CHAPITRE III - LA MISE EN oeUVRE DES MESURES D'ÉLOIGNEMENT

Le chapitre III du titre II entend renforcer l'effectivité des procédures d'éloignement en modifiant les régimes de la rétention administrative et de l'assignation à résidence.

Plusieurs dispositions du CESEDA prévoient l'exécution d'office 321 ( * ) par l'administration des différentes décisions d'éloignement prononcées. Dès lors, pour assurer leur exécution forcée, l'autorité administrative peut adopter certaines mesures qui portent atteinte à la liberté d'aller et venir des personnes concernées, comme le placement en rétention ou l'assignation à résidence.

La rétention administrative

Nature juridique

La rétention administrative est le dispositif permettant à l'administration de maintenir dans des locaux dont elle a la charge, pour une durée limitée et sous le contrôle du juge, les étrangers faisant l'objet d'une procédure d'éloignement du territoire français qui ne peuvent le quitter immédiatement.

Bien que privative de liberté, la rétention se distingue de la détention tant d'un point de vue juridique que pratique : mesure administrative, et non sanction prononcée par l'autorité judiciaire, elle est exécutée dans des locaux dépendant non pas de l'administration pénitentiaire mais des services placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur (les locaux de rétention administrative pour une durée n'excédant pas quarante-huit heures et les centres de rétention administrative au-delà.)

Éléments statistiques

Vingt-quatre centres de rétention sont répartis sur tout le territoire français, dont cinq en Île-de-France et quatre en outre-mer, pour une capacité totale de 1 823 places. Il faut y adjoindre environ 200 places dans des locaux de rétention administrative qui ne peuvent accueillir des personnes plus de quelques heures.

En 2016, 45 937 étrangers sont passés dans un centre ou un local de rétention, dont près de la moitié outre-mer.

Pour l'année 2017, s'agissant des personnes placées dans un des CRA gérés par la police aux frontières, seules 40,80 % ont été effectivement éloignées à l'issue de la rétention.

Principales données sur les centres de rétention administrative (gérés par la police aux frontières)

2016

2017

2018
(4 mois)

Capacité théorique des CRA :

Métropole

1 331

1 327

1 330

Outre-mer

227

227

227

Nombre de personnes
placées en CRA

Métropole

18 835

22 458

6 993

Outre-mer

21 167

19 948

4 390

Nombre de mineurs accompagnants placés en CRA

Métropole

72

303

76

Outre-mer

4 111

2 493

499

Taux d'occupation moyen

Métropole

46 %

55 %

81 %

Outre-mer

25 %

22 %

33 %

Durée moyenne de la rétention
(en jours)

Métropole

12

12

14,5

Outre-mer

1

1

1,6

Source : DCPAF.

Les assignations à résidence en droit des étrangers

La mesure d'assignation à résidence d'un étranger permet à l'autorité administrative d'astreindre ce dernier à résider dans les lieux qu'elle lui fixe. Selon les régimes, elle peut également être assortie d'obligations accessoires (plages horaires de présence, présentation périodique aux services de police et de gendarmerie afin de contrôler le respect de cette mesure, etc.).

Une mesure ancienne : l'assignation à résidence judiciaire

L'assignation à résidence est un dispositif classique du droit français des étrangers. Elle figurait ainsi dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui prévoyait, à l'égard de l'étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion justifiant être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, que le juge, saisi à l'issue d'un délai de 24 heures, puisse ordonner l'assignation à résidence parmi d'autres mesures de surveillance et de contrôle nécessaires au départ de l'étranger. La loi du 16 juin 2011 est venue élargir la possibilité de son prononcé contre tout étranger devant être éloigné du territoire français et cette disposition figure désormais à l'article L. 552-4 du CESEDA.

La consécration de l'assignation administrative comme « alternative à la rétention »

Transposant l'article 15 de la directive « Retour » 322 ( * ) , les lois successives de 2011 et 2016 ont profondément modifié l'assignation à résidence. À côté de la mesure d'assignation à résidence, prononcée par le juge des libertés et de la détention saisi en vue de prolonger la rétention, une nouvelle mesure d'assignation à résidence a été créée, prononcée cette fois par l'autorité administrative, et dans le but de constituer ainsi une véritable alternative à la rétention.

Cette nouvelle assignation à résidence figure à l'article L. 561-2 du CESEDA, qui dispose que « l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable ».

L'arrêté d'assignation à résidence pris par le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence, c'est-à-dire son domicile, celui d'un tiers l'hébergeant ou un hébergement fourni par l'État.

Cet arrêté désigne le service - service de police ou unité de gendarmerie - auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. Lorsque le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, le préfet peut porter jusqu'à quatre le nombre de présentations quotidiennes et désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures (article R. 561-2 du CESEDA).

Le préfet peut également prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification d'identité, sur lequel est portée la mention de l'assignation à résidence jusqu'à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet (article R. 561-3 du CESEDA). Contrairement à la rétention, l'assignation à résidence est prononcée pour une durée maximale de 45 jours, renouvelable une fois.

Un cas particulier : l'assignation à résidence « longue durée »

En l'état du droit, l'article L. 561-1 du CESEDA autorise, dans certains cas, l'assignation à résidence pour une longue durée d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement 323 ( * ) s'il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, de regagner son pays d'origine ou de se rendre dans aucun autre pays, et ce jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de l'obligation de quitter le territoire.

Ce type d'assignation est dit « longue durée » dans la mesure où celle-ci peut d'emblée être fixée à 6 mois (renouvelable une fois, par contraste avec la durée de 45 jours de l'assignation « alternative à la rétention » prononcée par l'administration). En outre, par exception, dans certains cas, l'assignation est indéfiniment renouvelable 324 ( * ) et, dans d'autres, le plafond ne s'applique pas 325 ( * ) .

Le régime d'assignation à résidence d'un étranger à ce titre autorise le prononcé d'importantes sujétions , dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée (certaines, plus rigoureuses, sont spécifiques aux étrangers sous interdiction judiciaire du territoire) : le choix du lieu de résidence par l'administration sur l'ensemble du territoire de la République, l'obligation de « pointage » périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie (le nombre de présentations quotidiennes pouvant être fixé à quatre, au plus), des plages horaires de présence, des démarches et visites consulaires à la demande de l'administration, etc.

Nombre d'assignations à résidence prononcées

Type d'assignation

« Longue durée » (article L. 561-1
du CESEDA)

« Alternative à la rétention »
(article L. 561-2
du CESEDA)

2014

686

2 293

2015

668

3 324

2016

670

4 012

2017

803

7 942

Source : département des Statistiques, des Études et de la Documentation (DSED)
de la direction générale des Étrangers en France (DGEF).

Article 16 (art. L. 512-1, L. 551-1, L. 551-2, L. 552-1, L. 552-3 à L. 552-7et L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Modalités et régime juridique de la rétention administrative

L'article 16 du projet de loi a pour objet de modifier les conditions de la rétention administrative en ajustant notamment le séquençage de la rétention, dont la durée maximale serait portée de 45 à 90 jours au maximum.

1. La durée et le séquençage de la rétention administrative

1.1 Un régime aux modalités peu stabilisées et encore récemment remaniées

Le régime de la rétention administrative obéit à une logique de répartition des compétences inchangée depuis sa création :

- la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative lorsqu'elle estime qu'une mesure de contrainte est nécessaire à l'exécution forcée de la décision d'éloignement d'un étranger si « l'étranger ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque [de soustraction à l'éloignement] » (article L. 551-1 du CESEDA) ;

- sa prolongation doit être contrôlée et autorisée par l'autorité judiciaire et répondre à certains motifs particuliers justifiant la restriction de liberté imposée par cette mesure de surveillance.

En effet, bien que de nature administrative, la décision de placement en rétention produit une restriction sur la liberté des personnes telle que le législateur en attribue le contrôle et l'éventuelle prolongation au juge judiciaire , en l'occurrence le juge des libertés et de la détention (le juge administratif ne se prononçant donc pas sur la rétention administrative, mais seulement sur la décision d'éloignement qui en est le support).

Au fil des textes, le partage entre ces phases a été remanié (avec notamment l'ajout d'une possibilité de seconde prolongation) et la durée maximale de la rétention a été progressivement allongée pour atteindre désormais 45 jours .

Comme dans les dispositifs antérieurs, cette durée maximale ne peut cependant être prononcée en une seule fois et résulte actuellement de l'addition de trois phases successives :

- le placement initial en rétention est décidé par le préfet, pour une durée ne pouvant excéder 48 heures 326 ( * ) , « après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention » 327 ( * ) ; la décision est écrite et motivée, elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé et le procureur de la République en est informé immédiatement. L'étranger est informé dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais qu'à compter de son arrivée au lieu de rétention, qu'il peut exercer certains droits 328 ( * ) ;

- la première prolongation de la rétention, au-delà de 48 heures, ne peut être autorisée que par l'autorité judiciaire (le JLD), saisi par l'autorité administrative, pour une durée ne pouvant excéder vingt-huit jours ;

- enfin une seconde prolongation de la rétention ne peut être autorisée, dans les mêmes conditions, pour une ultime durée supplémentaire de quinze jours , que sous certaines conditions plus restrictives (tenant à l'ordre public, l'obstruction ou une cause extérieure à l'administration) 329 ( * ) .

Dans le dispositif de droit commun, la durée totale de la rétention ne peut en tout état de cause excéder 45 jours.

Pour mémoire, les étrangers en situation irrégulière condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou visés par une mesure d'expulsion motivée par un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, peuvent être retenus pour une durée maximale de six mois (article L. 552-7 du CESEDA), conformément à la directive dite « retour ».

Le contentieux des étrangers en rétention se caractérise par l'intervention distincte, imbriquée et quasi-simultanée des deux ordres de juridiction :

- la régularité des décisions administratives d' éloignement continue à ne relever que du seul juge administratif. L'étranger dispose ainsi, pour contester l'obligation de quitter le territoire français, d'un délai spécifique de 48 heures 330 ( * ) à compter de sa notification, et le délai de jugement, lui aussi spécifique, est ramené à 72 heures à compter de la saisine du tribunal administratif. Ce dernier statue donc sur la décision d'éloignement au plus tard au cinquième jour de la rétention [48 + 72 heures], et concrètement le plus souvent au cours du troisième ou du quatrième jour.

Cette procédure est également applicable lorsque la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence de l'étranger intervient en cours d'instance, c'est-à-dire lorsqu'un recours contre la décision d'éloignement avait déjà été engagé auparavant. Le délai de 72 heures pour statuer court alors à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation ;

- la régularité du placement ou du maintien en rétention relève du seul juge des libertés et de la détention (JLD). Il peut être saisi tant par l'étranger sollicitant sa libération (« dans un délai de 48 heures » à compter de la notification de la rétention) 331 ( * ) que par le préfet aux fins de prolongation de ladite rétention (« quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention ») 332 ( * ) . Le juge statue dans les 24 heures de sa saisine, le cas échéant après une audience et par une ordonnance uniques pour les deux procédures. Il statue donc sur la rétention au plus tard au troisième jour de celle-ci (48 + 24 heures) et concrètement le plus souvent au cours du deuxième ou du troisième jour. Le contrôle du juge consiste à vérifier que l'étranger a été pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention et, par ailleurs, que l'administration a correctement apprécié le défaut de garanties de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à l'éloignement, circonstance qui justifie la rétention.

1.2 Le texte transmis : un allongement à 90 jours de la durée maximale, scandé par une multiplication des interventions du JLD [2/28/30/15/15]

Le texte initial du projet de loi envisageait de porter la durée maximale de la rétention à 135 jours, soit un triplement par rapport au maximum actuel.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale a été substantiellement modifié sur ce point : il prévoit de porter la durée maximale de rétention à 90 jours, soit un doublement . Il adopte le séquençage suivant :

- les deux premières phases de 48 heures et 28 jours demeurent inchangées par rapport au droit en vigueur ;

- la seconde prolongation est portée à 30 jours (et non plus 15), selon des conditions comparables à celles actuellement en vigueur ;

- en outre, deux ultimes prolongations de 15 jours chacune sont prévues dans trois hypothèses (l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement ; il a présenté une demande de protection contre l'éloignement en raison de son état de santé ; il a présenté une demande d'asile. Dans ces deux dernières hypothèses, la demande doit avoir été présentée dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement.)

1.3 La position de votre commission : simplifier pour plus d'efficacité [5/40/45]

Votre commission a jugé que le Gouvernement n'avait malheureusement pas été capable de démontrer l'utilité concrète de l'allongement de la durée maximale de rétention : regrettant une mesure d'affichage, qui ne s'attaque pas à la cause profonde des taux dérisoires d'éloignement (la mauvaise volonté des pays tiers pour accueillir leurs ressortissants et leur délivrer des laissez-passer consulaires) et qui risque d'être extrêmement coûteuse humainement et financièrement (en raison des nouvelles places à créer et des aménagements à effectuer dans des centres totalement inadaptés à de longs séjours), elle a souhaité plutôt en simplifier le séquençage, tout en maintenant des exceptions pour des 'étrangers se livrant à des manoeuvres dilatoires ou liés à des activités à caractère terroriste.

- En premier lieu, pour assurer plus d'efficacité aux procédures d'éloignement, votre commission a adopté un amendement COM-225 de son rapporteur visant à rétablir à 5 jours, au lieu de 48 heures , la durée de la première phase de la rétention administrative.

Avec cohérence, votre commission suit ainsi la position qui était déjà celle du Sénat en 2015, lors de l'examen de la loi relative au droit des étrangers en France, et dont l'expérience a prouvé la justesse.

Le délai actuel de 48 heures est en effet bien trop court pour permettre aux services concernés de traiter dans de bonnes conditions les procédures dont ils ont la charge.

Dès 2014, la police aux frontières avait déjà chiffré que la contrainte du nouveau délai de 48 heures conduirait à ne pouvoir reconduire 743 retenus éloignés entre les troisième et cinquième jours de rétention. Selon les informations recueillies par votre rapporteur lors de ses auditions, les services estiment désormais à 600 par an les éloignements perdus du fait de cette réforme.

Ce délai de 48 heures nécessite en outre un nombre d' escortes et de rotations plus important, qui épuisent les personnels et représentent un coût élevé au sein du budget consacré aux politiques d'éloignement : Selon les indications 333 ( * ) des services de la police aux frontières (PAF), du 1 er novembre 2015 au 31 octobre 2016 (JLD à cinq jours), ce sont 15 098 présentations au JLD qui ont été effectuées par les policiers des centres de rétention administrative gérés par la PAF en métropole. Du 1 er novembre 2016 au 31 octobre 2017 (JLD à deux jours), ce sont 19 801 présentations qui ont dû être mises en place, soit une hausse de 31 %.

L'allongement de la première phase de la rétention préserve naturellement le plein exercice des droits du retenu : il dispose de la faculté de contester la mesure d'éloignement, support de sa rétention, dans un délai rapide et par un recours suspensif devant le juge administratif, et se voit garanti qu'il soit statué sur la régularité de la rétention elle-même dans un délai tout aussi bref devant le JLD (en tout état de cause avant l'expiration du sixième jour de rétention).

- En second lieu, adoptant un autre amendement COM-226 rectifié de son rapporteur, votre commission a rétabli un séquençage plus simple et plus opérationnel de la rétention administrative.

Votre rapporteur constate que le Gouvernement n'a pas prouvé l'utilité opérationnelle de l'allongement de la durée maximale de rétention à 90 jours.

En effet, cette mesure d'affichage ne s'attaque pas à la véritable cause des taux dérisoires d'éloignement : la mauvaise volonté de certains pays tiers pour accueillir leurs ressortissants et leur délivrer des laissez-passer consulaires. En 2016 sur l'ensemble des laissez-passer consulaires demandés (5 859), ce n'est que dans 3 % des cas que les documents de voyage sont arrivés trop tard (170), alors que dans 50 % des cas le pays n'a tout simplement jamais répondu. Sur les 2 486 retenus éloignés lors des quatre premiers mois de 2018, 87 % l'ont ainsi été dans les 30 premiers jours 334 ( * ) .

En outre, cette mesure n'est pas financée, alors qu'elle nécessitera de créer de nouvelles places et de procéder à des aménagements importants dans les centres de rétention. Ceux-ci sont actuellement totalement inadaptés à de longs séjours qui pourront atteindre plusieurs mois. Votre rapporteur rappelle par exemple que le budget de fonctionnement hôtelier des centres de rétention administrative prévu pour l'année 2018 (26,30 millions d'euros) est plus faible que l'exécution constatée en 2016 (27,09 millions d'euros) et s'interroge, dans ces conditions, sur la manière dont le Gouvernement compte organiser un doublement de la durée maximale de la rétention sans mettre à mal les droits des personnes retenues et pousser à bout des personnels déjà très sollicités.

La mesure votée par l'Assemblée nationale inquiète à juste titre les personnels des centres de rétention (confrontés à des personnes retenues désoeuvrées et de plus en plus violentes) et les magistrats (dont la sollicitation va encore s'accroître avec la multiplication des possibilités de prolongation de la rétention).

Tant par souci d'efficacité que de responsabilité , votre rapporteur a proposé à la commission de réorganiser le séquençage de la rétention pour la rendre plus simple et beaucoup plus opérationnelle :

- en prévoyant après la première phase, portée à 5 jours , une possibilité de prolongation de 40 jours par le JLD ;

- et en ménageant des possibilités d'allongement pour répondre aux cas les plus préoccupants ( 45 jours pour les étrangers se livrant à des manoeuvres dilatoires ; et toujours 6 mois au total pour les étrangers liés à des activités à caractère terroriste).

Plutôt que de se focaliser inutilement sur la durée maximale de la rétention, votre commission a proposé par ailleurs de mettre en oeuvre une solution plus respectueuses des libertés individuelles et surtout à terme plus efficace : subordonner l'octroi de visas de long séjour à des efforts de coopération en matière d'obtention de laissez-passer consulaires et de lutte contre l'immigration irrégulière 335 ( * ) .

Séquençage de la rétention administrative (en jours)

2. Les critères permettant de placer en rétention un étranger soumis au règlement « Dublin »

Votre commission a souhaité conserver la possibilité pour les préfectures de placer en rétention un étranger soumis au règlement « Dublin » refusant de donner ses empreintes, les altérant volontairement ou dissimulant des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes antérieures d'asile. Elle a adopté en ce sens deux amendements identiques COM-235 de son rapporteur et COM-42 de notre collègue Roger Karoutchi pour revenir sur les suppressions opérées par les députés.

Votre rapporteur déplore à cet égard la façon caricaturale dont la majorité de l'Assemblée nationale est revenue sans aucune justification de fond sur plusieurs dispositions d'une loi promulguée il y a à moins de trois mois 336 ( * ) , et qui avaient été votées par cette même majorité...

À l'occasion de l'examen de la proposition de loi dite « Warsmann » sur la bonne application du régime d'asile européen, votre commission avait en effet, à l'initiative de votre rapporteur, ajouté comme critères permettant de caractériser un « risque non négligeable de fuite » (et de justifier le placement en rétention d'un demandeur d'asile sous statut « Dublin ») :

- le refus de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales ;

- l'altération volontaire de ces dernières pour empêcher leur enregistrement ;

- la dissimulation par le demandeur d'asile des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes antérieures d'asile.

Ces ajouts répondaient à d'évidentes nécessités opérationnelles : d'après les informations recueillies par votre rapporteur, entre le 1 er janvier et le 18 septembre 2017, sur 5 576 présentations à la borne «Eurodac » dans le Calaisis, 3 469 refus de prélèvement d'empreintes avaient été relevés (62 %) ! Les altérations volontaires d'empreintes digitales sont elles aussi fréquentes, ce qui nuit à l'efficacité du règlement « Dublin ».

Votre commission avait ainsi adopté une position équilibrée, excluant du champ de la disposition les demandeurs d'asile de bonne foi, dont les empreintes auraient par exemple été altérées antérieurement, involontairement ou par accident. Quant aux dissimulations d'informations, elles peuvent évidemment témoigner d'une volonté de se soustraire à la bonne application des critères de détermination de 'l'État responsable de la demande d'asile.

Votre commission a donc naturellement souhaité conserver ces critères dans le faisceau d'indices qui permet de caractériser le risque non négligeable de fuite d'un demandeur d'asile sous statut « Dublin ».

Votre rapporteur tient à souligner l'incohérence patente des députés de la majorité à l'Assemblée nationale qui, d'un côté, refusent ici que le refus de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales soit ajouté comme indice d'un « risque non négligeable de fuite » d'un demandeur d'asile sous statut « Dublin », mais qui, d'un autre côté, ont pourtant adopté quelques articles plus haut un critère strictement identique pour caractériser le « risque de fuite » autorisant la rétention dans le cas général (voir l'article 11 du projet de loi).

Pour le reste, votre commission a approuvé plusieurs autres ajustements techniques et procéduraux du texte transmis, qui ont vocation à rendre plus efficace le régime de la rétention, à savoir :

- la clarification des conditions de notification et d'exercice des droits des personnes retenues, simple précision sémantique qui devrait permettre de mieux prendre en compte les cas de transferts successifs ;

- l'extension du délai de jugement dont dispose le juge des libertés et de la détention (voir le commentaire de l'article 11) ;

- l'extension du délai au cours duquel l'étranger libéré par le juge des libertés et de la détention est maintenu à la disposition de la justice (voir le commentaire de l'article 10 bis, concernant les zones d'attentes) ;

- et l'encadrement de l'assignation à résidence par le juge des libertés et de la détention, qui prévoit que le magistrat doive motiver spécialement sa décision d'assignation à résidence si l'étranger s'est précédemment soustrait à une mesure d'éloignement et que l'assignation à résidence ne puisse être prononcée que dans un local affecté à l'habitation principale de l'intéressé.

Votre commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

Article 16 bis (art. L. 553-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Accessibilité des lieux de rétention

Introduit par l'Assemblée nationale, avec l'adoption en séance d'un amendement de plusieurs députés du groupe La République en Marche, l'article 16 bis du projet de loi tend à confier à un décret en Conseil d'État le soin de « veiller aux conditions d'accessibilité universelle des lieux de rétention ».

L'article L. 553?6 du CESEDA, qu'il est proposé de compléter, renvoie actuellement à un décret en Conseil d'État la définition des conditions d'accueil, d'information et de soutien des étrangers maintenus en rétention.

En l'état du droit, l'article R. 111-19-5 du code de la construction et de l'habitation 337 ( * ) dispose que sont fixés par arrêté conjoint des ministres intéressés et du ministre chargé de la construction « les règles d'accessibilité applicables aux établissements recevant du public ou installations ouvertes au public suivants : (...) c) Les centres de rétention administrative et les locaux de garde à vue ».

L'arrêté prévu n'ayant jamais été rédigé, selon les informations recueillies par votre rapporteur, il appartient dès lors en pratique au chef de chaque centre de veiller à garantir l'accessibilité du centre de rétention dont il a la charge : certains CRA comportent ainsi des chambres accessibles aux personnes à mobilité réduite (Strasbourg, 1 place ; Nîmes, 4 places ; Toulouse, 3 places ; Marseille, 6 places ; Rennes, 1 place) ; d'autres ont mené des opérations en ce sens (aménagement pour les personnes à mobilité réduite au CRA de Vincennes) ; enfin, des crédits sont chaque année mobilisés pour en améliorer l'accessibilité.

Votre commission a adopté l'article 16 bis sans modification.

Article 16 ter (nouveau) (art. L. 114-1 du code de la sécurité intérieure) - Facilitation des enquêtes administratives avant agrément ou autorisation d'accès des personnes extérieures aux centres de rétention

Introduit par votre commission avec l'adoption d'un amendement COM-229 de son rapporteur, l'article 16 ter du projet de loi vise à faciliter le recours aux enquêtes administratives préalablement à certaines décisions d'agrément ou d'autorisation d'accès de personnes extérieures aux centres de rétention, afin d'en assurer la sécurité.

L'article L. 553-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet la possibilité, pour les personnes retenues, de bénéficier d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ. Il renvoie à un décret en Conseil 'd'État le soin d'en fixer les modalités.

Ces dispositions réglementaires définissent ainsi les conditions dans lesquelles interviennent les personnes morales ayant conclu une convention avec l'autorité administrative pour aider les étrangers retenus à exercer leurs droits. Elles précisent notamment les conditions dans lesquelles ces personnes morales désignent leurs représentants. L'accès aux lieux de rétention des représentants des personnes morales ayant conclu une convention avec l'État pour l'assistance juridique aux retenus est subordonné à un agrément individuel.

En outre, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq années, ayant pour objet la défense des étrangers, la défense des droits de l'homme, l'assistance médicale et sociale ou l'assistance aux personnes privées de liberté, peut demander à être habilitée à proposer des représentants en vue d'accéder aux lieux de rétention. Chaque association habilitée transmet à l'autorité administrative une liste de noms de représentants qui pourront, en l'absence d'opposition de l'autorité administrative, accéder aux lieux de rétention à moins que des motifs d'ordre public s'y opposent.

Votre rapporteur, inquiet du risque que feraient courir certains angles morts dans la capacité de « criblage » de ces informations par nos services, qui l'ont d'ailleurs alerté, est particulièrement attaché au bon fonctionnement des lieux de rétention et à la sécurité des personnes qui y sont présentes. Il souhaite à ce titre que puissent être plus aisément repérés et écartés de l'éligibilité à l'agrément individuel et au droit d'accès les représentants des personnes morales et les personnes invitées qui seraient susceptibles d'y porter gravement atteinte.

Votre commission a adopté l'article 16 ter ainsi rédigé .

Article 17 (art. L. 513-5, L. 541-3 et L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Modalités de l'assignation à résidence de longue durée

L'article 17 du projet de loi a pour objet de durcir les modalités de l'assignation à résidence de longue durée et de renforcer les mesures de contrôle qui peuvent être imposées aux étrangers qui en font ou en ont fait l'objet.

En l'état du droit, l'article L. 561-1 du CESEDA autorise, dans certains cas, l' assignation à résidence pour une longue durée d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement 338 ( * ) s'il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, de regagner son pays d'origine ou de se rendre dans aucun autre pays, et ce jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de l'obligation de quitter le territoire.

L'assignation à résidence permet à l'étranger, qui n'a aucun droit au séjour en France, de pouvoir néanmoins se maintenir temporairement sur le territoire, dans un lieu choisi par l'autorité administrative, aussi longtemps qu'il n'a pas trouvé un pays de destination qui serait prêt à l'accueillir .

Ce type d'assignation est dit « longue durée » dans la mesure où celle-ci peut d'emblée être fixée au maximum à 6 mois (renouvelable une fois, par contraste avec la durée de 45 jours de l'assignation « alternative à la rétention » prononcée par l'administration). En outre, par exception, l'assignation est indéfiniment renouvelable dans certains cas' 339 ( * ) et, dans d'autres cas, le plafond ne s'applique pas 340 ( * ) .

Le régime d'assignation à résidence d'un étranger à ce titre comprend plusieurs contraintes, dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée (certaines obligations, plus rigoureuses, sont spécifiques aux étrangers sous interdiction judiciaire du territoire). En particulier :

- l'étranger doit résider dans un lieu qui peut être choisi sur l'ensemble du territoire de la République, quel que soit l'endroit où il se trouve ;

- il doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (le nombre de présentations quotidiennes pouvant être fixé à quatre, au plus) ;

- il peut se voir désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence (dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures) ;

- il doit, lorsque l'autorité administrative le lui demande, se présenter aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (laissez-passer consulaire).

L'article 17 du projet de loi autorise l'administration à édicter des sujétions spécifiques à l'égard de l'étranger sous le coup d'une sanction pénale d'interdiction judiciaire du territoire mais qui ne serait plus assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 du CESEDA. Ce dernier pourrait alors néanmoins encore être soumis à une obligation :

- de communiquer l'adresse du domicile où il réside à l'autorité administrative ou aux forces de l'ordre ;

- de se présenter, sur convocation, aux forces de l'ordre, en vue de l'accomplissement de toutes démarches nécessaires à la mise à exécution de l'interdiction du territoire ;

- de se présenter, sur demande, aux autorités consulaires en vue de la délivrance d'un document de voyage, le cas échéant à la suite d'une visite domiciliaire autorisée par le juge des libertés et de la détention.

L'article 17 du projet de loi prévoit, en outre, la possibilité de fixer à l'étranger assigné à résidence une plage horaire de présence obligatoire pendant laquelle il devra demeurer dans les locaux où il réside. Ce faisant, ce texte propose en fait d'élever au niveau législatif, tout en l'étendant quelque peu, un dispositif actuellement prévu au niveau réglementaire 341 ( * ) . Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a approuvé cette démarche, estimant « qu'une telle mesure, en ce qu'elle limite la liberté d'aller et venir, relève de la compétence du législateur ».

Concernant l'étendue des plages horaires de présence, qui doivent être fixées dans le respect des impératifs de la vie privée et familiale, le texte distingue :

- le cas général, qui voit la plage horaire limitée à trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures ;

- et le cas des étrangers qui font l'objet d'une interdiction du territoire français ou d'un arrêté d'expulsion, ou dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, pour lesquels elle peut atteindre dix heures consécutives.

Votre rapporteur rappelle qu'il est particulièrement attaché au bon fonctionnement du dispositif des assignations de longue durée, étant lui-même à l'origine des récentes dispositions de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen qui ont permis de sécuriser juridiquement leur régime 342 ( * ) .

Les dispositions proposées complètent le dispositif actuel pour mieux prendre en compte le cas de personnes qui, ne pouvant être éloignées, devront néanmoins toujours pouvoir faire l'objet d'un suivi adapté, et votre rapporteur ne peut qu'y être favorable.

Votre commission a adopté l'article 17 sans modification.

Article 17 bis (art. L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Droits de l'étranger maintenu à la disposition de la justice

Introduit en commission à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement de M. Florent Boudié, l'article 17 bis du projet de loi vise à préciser explicitement les droits dont dispose l'étranger en rétention lorsqu'il bénéficie d'une ordonnance de libération du juge des libertés et de la détention mais est néanmoins maintenu à la disposition de la justice (dans le cas où le procureur de la République souhaiterait qu'un effet suspensif soit attaché à un éventuel appel).

En l'état du droit, l'appel formé contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention sur les placements ou les maintiens en rétention des étrangers n'est pas suspensif (article L. 552-10 CESEDA).

Le ministère public dispose néanmoins de la faculté de demander ''qu'il le devienne jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur cet appel, dans l'hypothèse où l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ou constitue une menace grave pour l'ordre public.

Dès lors, et de façon à permettre de former une telle demande et à ce qu'elle garde un effet utile, il est prévu un délai durant lequel l'étranger est « maintenu à la disposition de la justice » et reste concrètement en rétention au-delà même de la fin théorique de la mesure qui aurait dû intervenir aussitôt rendue l'ordonnance du JLD. L'article 16 du projet de loi augmente ce délai de six à dix heures.

L'article 17 bis vise à préciser que, durant la période pendant laquelle il est maintenu à la disposition de la justice, l'étranger peut, s'il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter

Cette précision reprend une suggestion figurant dans l'avis Conseil d'État sur ce projet de loi, qui relevait par analogie que « la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout en validant les dispositions de l'article 803-3 du code de procédure pénale qui prévoient le maintien à disposition de la justice pour une durée maximale de 20h d'une personne devant, à l'issue d'une garde à vue, être déférée en comparution immédiate, a insisté sur le droit pour l'individu de s'alimenter, de consulter un médecin et de contacter son conseil ou un tiers (décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010) »

Votre commission a adopté l'article 17 bis sans modification.

Article 17 ter (supprimé) (art. L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Durée de validité de l'ordonnance autorisant une visite domiciliaire

Introduit par l'Assemblée nationale, avec l'adoption en commission de deux amendements identiques présentés par la rapporteure et M. Florent Boudié, l'article 17 ter du projet de loi a pour objet de ramener de 144 à 96 heures (soit de 6 à 4 jours) la durée de validité de l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention autorise une visite au domicile d'un étranger assigné à résidence dans l'attente de son éloignement.

La disposition que cet article entend ainsi modifier est extrêmement récente, puisqu'issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen. Introduite par votre commission à l'initiative de son rapporteur, elle avait été votée conforme à l'Assemblée nationale.

Pour mémoire, lors de l'examen de la proposition de loi permettant une bonne application du régime d'asile européen, votre commission avait relevé que l'assignation à résidence restait sous-utilisée en pratique , les préfectures la jugeant souvent trop peu efficace

Pour crédibiliser le régime de l'assignation à résidence et afin que cette mesure devienne une alternative crédible à la rétention, votre commission avait souhaité conforter l'un des outils de l'assignation à résidence : les visites domiciliaires qui permettent de s'assurer de la présence de l'étranger à son lieu d'assignation à résidence et de le conduire, le cas échéant, à ses rendez-vous administratifs .

Relevant que, dans les faits, cet outil restait peu utilisé par les préfectures car trop complexe à mettre en oeuvre et nécessitant la mise à disposition rapide de forces de l'ordre , votre commission avait allongé la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de quatre à six jours 343 ( * ) .

Votre rapporteur déplore la façon caricaturale dont les députés de la majorité de l'Assemblée nationale entendent, par l'article 17 ter , revenir sans aucune justification de fond sur les dispositions d'une loi promulguée il y a moins de trois mois et qu'ils avaient eux-mêmes votée.

En ayant eu la confirmation lors de ses auditions, il persiste à penser que les visites domiciliaires sont un outil utile aux forces de l'ordre, considérablement sollicitées par les activités d'éloignement, et qui doivent pouvoir utiliser ce délai supplémentaire lorsque certaines décisions sont obtenues au début des week-ends ou la veille de jours fériés.

D'autres dispositions du projet de loi viennent d'ailleurs renforcer de façon bien plus sévère le régime des assignations à résidence, ce qui rend d'autant plus incompréhensible l'opposition des députés de la majorité à cette mesure de bon sens qui ne remet naturellement en cause aucune des garanties accordées aux personnes concernées (autorisation du JLD, encadrement des horaires des visites domiciliaires, etc. ).

Suivant son rapporteur, votre commission a souhaité maintenir à 144 heures la durée de validité de l'ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence.

Votre commission a par conséquent adopté les amendements identiques de suppression COM-234 de votre rapporteur et COM-39 présenté par notre collègue Roger Karoutchi et elle a supprimé l'article 17 ter .

Article 18 (art. L. 571-4 et L. 777-4 [nouveaux] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Exécution des mesures d'éloignement prononcées pour des motifs de menace grave à l'ordre public à l'encontre de demandeurs d'asile

L'article 18 du projet de loi vise à ouvrir la possibilité d'assigner à résidence ou de placer en rétention, sous certaines conditions, les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire

Un demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'au moment où lui sera notifiée la décision définitive statuant sur sa demande : L'attestation qui lui est remise vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à cette date (article L. 743-1 du CESEDA, sous réserve des exceptions limitatives énoncées à l'article L. 743-2). Le droit français ne fait à ce titre que transposer les exigences du droit européen 344 ( * ) , qui découlent elles-mêmes de la convention de Genève 345 ( * ) .

Ne pouvant être regardé, en tant que tel, comme étant en séjour irrégulier, et étant dès lors protégé contre l'éloignement, un demandeur d'asile en France ne peut, dans le cas général 346 ( * ) , faire l'objet de mesures restreignant sa liberté d'aller et venir , comme l'assignation à résidence ou le placement en rétention.

L'article 18 du projet de loi vise à ouvrir désormais cette possibilité à l'encontre de certains demandeurs d'asile faisant l'objet d'une mesure d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire, le temps strictement nécessaire à l'examen de leur demande.

La mesure de rétention, la plus restrictive de libertés, ne pourrait toutefois être adoptée que de façon particulièrement encadrée, « pour des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale établies sur la base d'une évaluation individuelle du demandeur, si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées [et en prenant] en compte la vulnérabilité du demandeur. »

Votre rapporteur note que la rétention des demandeurs d'asile n'est possible au regard tant des engagements internationaux souscrits par la France que des normes européennes que sous de strictes conditions :

- d'une part, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé au regard de l'article 5 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (droit à la liberté et à la sûreté) que, pour être régulière, cette rétention ne saurait être arbitraire, qu'elle devait être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de résider irrégulièrement sur son territoire, qu'elle devait s'accompagner de conditions de rétention appropriées à la situation d'étrangers qui, craignant pour leur vie, fuient leur propre pays et que la durée de la rétention ne devait pas excéder le délai raisonnable pour atteindre le but poursuivi (CEDH, gde. ch., 29 janvier 2008, Saadi c/ Royaume Uni) ;

- d'autre part, l'article 8 de la directive dite « Accueil » 347 ( * ) autorise le placement en rétention d'un demandeur d'asile « lorsque cela s'avère nécessaire et sur la base d'une appréciation au cas par cas, [...] si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées » (§2) et il prévoit les cas limitatifs pouvant justifier un tel placement ; à ce titre, il autorise notamment à placer en rétention administrative un demandeur d'asile « lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l'ordre public l'exige » (§3), disposition qui n'était pas transposée à ce jour en droit français.

Votre commission a adopté l'article 18 sans modification.

CHAPITRE IV - CONTRÔLES ET SANCTIONS

Article 19 (art. L. 611-1-1, L. 611-3 et L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 441-8 du code pénal) - Retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour et autres mesures de contrôle

L'article 19 du projet de loi renforce le régime de la retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour d'un ressortissant étranger. Il renforce également la lutte contre la fraude documentaire.

1. La retenue pour vérification, un outil récent et désormais indispensable à l'efficacité de la police administrative des étranger

La retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour est prévue à l'article L. 611-1-1 du CESEDA et concerne l'étranger qui n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France parce qu'il ne peut pas, par exemple, présenter son visa ou son titre de séjour, ou qu'il refuse de le faire. Elle a été créée pour pallier, notamment, les conséquences de la fin du délit de séjour irrégulier, jugé incompatible avec le droit européen 348 ( * ) , ce qui interdisait le placement en garde à vue des étrangers pour ce seul motif.

La mesure peut intervenir à l'issue d'un contrôle de titre de séjour ou d'un contrôle d'identité. Elle permet la retenue de l'étranger aux fins de vérification dans un local de police ou de gendarmerie par un officier de police judiciaire (ou, sous son contrôle, par un agent de police judiciaire), pendant une durée maximale de seize heures .

L'étranger bénéficie de plusieurs droits et garanties qui doivent lui être notifiés. Il a ainsi notamment le droit d'être assisté par un interprète et par un avocat, d'être examiné par un médecin, de prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix et d'avertir les autorités consulaires de son pays. Il ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par la vérification, ne peut être soumis au port des menottes que s'il est considéré comme dangereux ou susceptible de fuite, et ne peut être placé avec des personnes gardées à vue.

Si l'étranger ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier son droit de circulation ou de séjour, et après information du procureur de la République, les opérations de vérification peuvent donner lieu à la prise d'empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l'unique moyen d'établir la situation de cette personne.

L'étude d'impact jointe au projet de loi montre une hausse rapide du recours à ce type de mesure : 29 947 retenues en 2013, 43 765 en 2016, et 33 711 pour le seul premier semestre 2017 .

2. Un renforcement souhaitable pour des raisons opérationnelles

Le projet de loi modifie d'abord les conditions de la retenue : il allonge de 16 à 24 heures sa durée maximale et permet à des agents (et non plus uniquement à des officiers de police judiciaire ou à des agents de police judiciaire agissant sous leur contrôle) d'accomplir seuls certains actes de vérification.

Votre rapporteur estime que ce délai supplémentaire répond à des difficultés opérationnelles réelles et est entouré de garanties suffisantes : les services, dont il a entendu les représentants, soulignent que les délais sont difficiles à tenir pour se coordonner avec les préfectures en cas d'interpellation en fin de journée ou en fin de semaine ; le Conseil d'État a estimé que la durée envisagée respectait les exigences européennes (qui ménagent aux autorités un délai « certes bref mais raisonnable ») ; enfin, et en tout état de cause, la vérification d'identité prévue concurremment à l'article 78-3 du code de procédure pénale (qui peut donner lieu à une retenue de quatre heures) s'imputera toujours, le cas échéant, sur la durée plus longue de la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour.

L'article 19 du projet de loi renforce en outre certaines possibilités d'investigation pendant la retenue :

- il prévoit le recueil systématique des empreintes digitales et des photographies (et non plus seulement lorsque cette collecte est l'unique moyen pour établir la régularité du séjour) ; à l'initiative du Conseil d'État, il a été précisé que les données ainsi collectées ne pourraient être conservées que pour les étrangers dont il s'avère à la fin de la retenue qu'ils sont en situation irrégulière ;

- il autorise l'inspection visuelle des effets personnels et des bagages , sous la double garantie, d'une part, de l'objet de la fouille (pour les seules nécessités de la vérification du droit au séjour et de circulation) et, d'autre part, de l'information du procureur (si l'étranger, obligatoirement présent, s'y oppose).

Votre rapporteur note que ces modification procédurales disparates répondent à des besoins opérationnels : elles facilitent la lutte contre certains comportements d'obstruction et permettent d'établir plus facilement la situation d'un étranger qui ne satisfait pas à son obligation de présenter les documents l'autorisant à circuler ou à séjourner en France, puis d'en tirer les conséquences s'il apparaît être en situation irrégulière. Il en approuve donc pleinement l'objectif.

L'article 19 du projet de loi procède enfin à des ajustements techniques de dispositions pénales concernant lutte contre l'entrée et le séjour irréguliers :

- il abroge certaines dispositions réprimant le franchissement irrégulier d'une frontière intérieure de l'espace Schengen par un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne qui entre en France (art. L. 621-2 du CESEDA), tirant ce faisant les conséquences directes d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 349 ( * ) ;

- il étend l'infraction réprimant l' usage de faux documents d'identité ou de voyage (prévue à l'art. L. 441-8 du code pénal), aux titres de séjour ; à cet égard, votre commission a adopté un amendement COM-212 de notre collègue Alain Richard et des membres du groupe La République En Marche pour inclure dans le champ de l'infraction les documents à caractère provisoire, énumérés au premier alinéa de l'article L. 311-4 du CESEDA, qui autorisent la présence sur le territoire à titre temporaire.

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .

Article 19 bis A (art. L. 624-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Sanctions pénales applicables aux étrangers méconnaissant une mesure d'éloignement

Introduit par l'Assemblée nationale, par l'adoption en séance publique d'un amendement du Gouvernement, l'article 19 bis A du projet de loi tend à mettre en conformité avec le droit européen le régime des sanctions visant l'étranger qui refuse d'exécuter une mesure d'éloignement.

1. La peine encourue par l'étranger qui refuse d'exécuter une mesure d'éloignement

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 624-1-1 du CESEDA prévoit que l'étranger qui méconnaît une mesure d'éloignement encourt une peine de trois ans d'emprisonnement.

Cette peine est encourue dans deux situations :

- lorsqu'un étranger se soustrait, ou tente de se soustraire, à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire ;

- ou lorsqu'un étranger expulsé, ou ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, d'une interdiction administrative du territoire ou d'une interdiction de circulation sur le territoire pénètre de nouveau sans autorisation en France.

2. La contrariété entre ces dispositions et la directive « Retour »

La directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « Retour », ne s'oppose pas à ce qu'une sanction pénale, y compris une peine d'emprisonnement, soit appliquée à un étranger qui refuse de se soumettre à une mesure d'éloignement.

Dans différents arrêts 350 ( * ) , la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a cependant précisé que les États ne peuvent exercer leur compétence pénale que si celle-ci ne compromet pas l'effet utile de la directive. Or l'objectif premier de la directive est l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Dès lors, la Cour considère que porte atteinte à la directive l'État membre qui fait précéder l'exécution de la décision de retour d'une poursuite pénale pouvant conduire à l'emprisonnement, dans la mesure où une telle démarche risque de retarder l'éloignement. L'État membre peut en revanche infliger à l'étranger une peine d'amende.

En France, la Cour de cassation interprète l'article L. 624-1-1 du CESEDA à la lumière de cette jurisprudence351 ( * ). Elle estime, en conséquence, qu'une peine d'emprisonnement ne peut être infligée à un étranger avant que les mesures administratives tendant à son éloignement aient pris fin. En pratique, l'emprisonnement ne peut donc être décidé avant la fin de la période de rétention administrative, qui vise précisément à organiser l'éloignement de l'étranger.

Dans son arrêt Skerdjan Celaj du 1 er octobre 2015, la CJUE a toutefois apporté un tempérament à sa jurisprudence en admettant qu'un État emprisonne un étranger qui revient irrégulièrement sur son territoire après avoir fait l'objet d'une première procédure de retour : la directive « doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas, en principe, à une réglementation d'un État membre qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en situation de séjour irrégulier qui, après être retourné dans son pays d'origine dans le cadre d'une procédure de retour antérieure, entre de nouveau irrégulièrement sur le territoire dudit État en violation d'une interdiction d'entrée ».

3. La mise en conformité du CESEDA avec les exigences du droit européen

Le 1° de l'article 19 bis A du projet de loi vise à modifier l'article L. 624-1-1 du CESEDA afin de tirer les conséquences de cette jurisprudence européenne et nationale.

Le premier alinéa de l'article L. 624-1-1 serait remplacé par deux alinéas afin de distinguer clairement deux hypothèses.

La première hypothèse est celle où un étranger se soustrait, ou tente de se soustraire, à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français. Dans cette situation, l'étranger pourrait être puni d'une amende de 3 750 euros . Ce quantum de peine est identique à celui prévu à l'article L. 624-1 du CESEDA à l'encontre des étrangers qui se maintiennent irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime.

Une peine de trois ans d'emprisonnement pourrait en outre être décidée si, en raison de cette soustraction, la rétention administrative a pris fin sans qu'il ait été possible de procéder à l'éloignement de l'étranger ou si les faits surviennent trop tardivement pour qu'il puisse être procédé à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai de rétention restant à courir.

La deuxième hypothèse correspond au cas de figure envisagé dans l'arrêt Celaj précité de la CJUE. Un étranger expulsé, ou ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français, qui pénètre de nouveau sans autorisation en France pourrait être puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement

Les 2° et 3° de l'article contiennent des mesures de coordination.

4. Une mesure utile qui maintient l'effet dissuasif de la sanction pénale tout en la conciliant avec les exigences du droit européen

Votre rapporteur considère que la perspective d'une sanction financière ou d'une peine d'emprisonnement peut exercer un effet dissuasif au séjour irrégulier. Il convient donc de maintenir ces peines dans le CESEDA, en veillant à leur conciliation avec les exigences du droit européen.

Votre commission a adopté un amendement de précision COM-183 du Gouvernement et l'article 19 bis A ainsi modifié

Article 19 bis (art. 131-30, 131-30-2, 222-48, 225-21, 414-16 et 435-14, et 213-2, 215-2, 221-11, 221-16, 222-64, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 431-27, 434-46, 442-12 et 443-7 [abrogés] du code pénal, art. L. 541-1 [abrogé] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Élargissement du champ d'application et prononcé obligatoire de la peine d'interdiction du territoire français

L'article 19 bis du projet de loi a pour objectif d'étendre le champ d'application de la peine d'interdiction du territoire français à certains délits.

Il résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure.

1. La peine d'interdiction du territoire français

L'interdiction judiciaire du territoire français est une peine, définie à l'article 131-30 du code pénal, susceptible d'être prononcée à titre principal ou complémentaire à l'encontre d'un étranger majeur 352 ( * ) . Elle est encourue dès lors qu'une disposition législative spécifique à une infraction ou à une catégorie d'infractions pénales le prévoit expressément 353 ( * ) .

Cette peine entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine privative de liberté 354 ( * ) .

L'interdiction du territoire français peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif.

Si elle peut être prononcée à l'égard de ressortissants européens et non-européens, certains étrangers 355 ( * ) bénéficient, en matière correctionnelle, d'une protection particulière : ils ne peuvent être condamnés à cette peine que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de leur situation personnelle et familiale. D'autres étrangers 356 ( * ) bénéficient d'une protection absolue, sauf en matière de terrorisme, de groupes de combat, d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation.

Depuis la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 357 ( * ) , le prononcé de la peine d'interdiction du territoire français est obligatoire à l'encontre des auteurs d'actes de terrorisme, sauf motivation spéciale.

2. L'élargissement du champ d'application de la peine d'interdiction du territoire français adopté par l'Assemblée nationale

À l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a élargi le champ d'application de l'interdiction judiciaire du territoire français en permettant son prononcé pour de nouvelles infractions, principalement délictuelles 358 ( * ) :

- certaines violences volontaires aggravées,

- les violences habituelles sur personne vulnérable,

- les manoeuvres dolosives en vue d'un mariage forcé à l'étranger,

- l'embuscade,

- les agressions sexuelles,

- la réduction d'êtres humains en esclavage,

- l'enlèvement ou la séquestration,

- le détournement d'aéronefs ou de navire,

- les vols aggravés,

- certaines extorsions,

- la destruction, dégradation ou détérioration du bien d'autrui par l'effet d'une substance explosive ou incendiaire mettant en danger les personnes.

Champ d'application de la peine d'interdiction du territoire français (ITF) en matière délictuelle et criminelle

Les ajouts de l'Assemblée nationale sont grisés

Qualifications pénales

Peines d'emprisonnement encourues par la qualification pénale

Base légale de l'ITF

Crimes contre l'humanité

Génocide et autres crimes contre l'humanité
(articles 211-1 à 212-3 du code pénal)

Crimes (Réclusion criminelle à perpétuité)

Article 213-2 du code pénal

Crimes contre l'espèce humaine

Crimes d'eugénisme et de clonage reproductif
(articles 214-1 à 214-4 du code pénal)

Crimes (= 30 ans de réclusion criminelle)

Article 215-2 du code pénal

Atteintes à la personne humaine

Atteintes volontaires à la vie
(articles 221-1 à 221-5 du code pénal)

Crimes (= 30 ans de réclusion criminelle) et délit (dix ans d'emprisonnement)

Article 221-11 du code pénal

Atteintes involontaires à la vie
(articles 221-6 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement)

Disparitions forcées
(article 221-12 du code pénal)

Crime (réclusion criminelle à perpétuité)

Article 221-16 du code pénal

Atteintes à l'intégrité physique ou psychique d'une personne

Tortures et actes de barbarie
(articles 222-1 à 222-6 du code pénal)

Crimes (= 15 ans de réclusion criminelle)

Article 222-48 du code pénal

Violences mortelles
(articles 222-7 à 222-8 du code pénal)

Crimes (= 15 ans de réclusion criminelle)

Violences aggravées ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10 du code pénal)

Crimes (15 ans de réclusion criminelle)

Violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-12 du code pénal)

Délit (5 ans d'emprisonnement)

Violences habituelles sur personne vulnérable ayant entrainé la mort de la victime ou une mutilation ou infirmité permanente (1° et 2° de l'article 222-14 du code pénal)

Crimes (= 20 ans de réclusion criminelle)

Atteintes à l'intégrité physique ou psychique d'une personne

Violences habituelles sur personne vulnérable (3° et 4° de l'article 222-14 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Article 222-48 du code pénal

Violences commises avec usage ou menace d'une arme sur une personne dépositaire de l'autorité publique en bande organisée ou avec guet-apens (article 222-14-1 du code pénal)

Délits et crimes (= 10 ans d'emprisonnement)

Manoeuvres dolosives en vue d'un mariage forcé à l'étranger
(article 222-14-4 du code pénal)

Délit (3 ans d'emprisonnement)

Administration de substances nuisibles (article 222-15 du code pénal)

Crimes (= 15 ans de réclusion criminelle)

Embuscade
(article 222-15-1 du code pénal)

Délit (5 ans d'emprisonnement)

Viols
(articles 222-23 à 222-26 du code pénal)

Crimes (= 15 ans de réclusion criminelle)

Agressions sexuelles
(articles 222-27 à 222-29-1 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Agressions sexuelles aggravées
(article 222-30 du code pénal)

Délit (10 ans d'emprisonnement)

Tentatives d'agressions sexuelles
(article 222-3l du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Trafic de stupéfiants
(articles 222-34 à 222-35 du code pénal)

Crimes (= 20 ans de réclusion criminelle)

Infractions à la législation sur les stupéfiants
(articles 222-36 à 222-39 du code pénal)

Délits et crimes (= 5 ans d'emprisonnement)

Tentative des infractions à la législation sur les stupéfiants
(article 222-40 du code pénal)

Délits et crimes (= 5 ans d'emprisonnement)

Trafic d'armes
(articles 222-52 à 222-60 du code pénal)

Délit (= 5 ans d'emprisonnement)

Article 222-64 du code pénal

Mise en danger de la personne

Interruption illégale de grossesse sans le consentement de l'intéressé
(articles 223-10 et 223-11 du code pénal)

Délit (5 ans d'emprisonnement)

(nouvel) article 223-21 du code pénal

Atteintes aux libertés de la personne

Réduction en esclavage et exploitation d'une personne réduite en esclavage (articles 224-1 A à 224-1 C du code pénal)

Crimes (= 20 ans de réclusion criminelle) et délit (5 ans d'emprisonnement)

(nouvel) article 224-11 du code pénal

Enlèvement et séquestration
(articles 224-1 à 224-5-2 du code pénal)

Détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport (articles 224-6 à 224-8-1 du code pénal)

Atteintes à la dignité de la personne

Traite des êtres humains
(articles 225-4-1 à 225-4-9 du code pénal)

Délits (= 7 ans d'emprisonnement) et crimes

Article 225-21 du code pénal

Proxénétisme (articles 225-5 à 225-11 du code pénal)

Délits (= 7 ans d'emprisonnement) et crimes

Exploitation de la mendicité
(articles 225-12-5 à 225-12-7 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement

Exploitation de la vente à la sauvette (articles 225-12-8 à 225-12-10 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement

Appropriations
frauduleuses

Vols aggravés (articles 311-4-2 à 311-5 du code pénal)

Délits (= 7 ans d'emprisonnement)

Article 311-15 du code pénal

Vols aggravés (articles 311-6 à 311-10 du code pénal)

Délits et crimes (= 10 ans d'emprisonnement)

Extorsion (article 312-1 du code pénal)

Délits (7 ans d'emprisonnement)

Article 312-14 du code pénal

Extorsions aggravées (articles 312-2 à 312-7) du code pénal

Délits (= 10 ans d'emprisonnement)

Autres extorsions
(articles 312-8 à 312-9)

Délits (= 7 ans d'emprisonnement)

Atteintes aux biens

Recel (article 321-2 du code pénal)

Délit (10 ans d'emprisonnement)

Article 321-11 du code pénal

Destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes (article 322-6 du code pénal)

Délits (10 ans d'emprisonnement)

Article 322-16 du code pénal

Infraction mentionnée à l'article 322-6 du code pénal aggravée par plusieurs circonstances (articles 322-7 à 322-10 du code pénal)

Crimes (= 15 ans de réclusion criminelle)

Blanchiment (articles 324-1 et 324-2 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Article 324-8 du code pénal

Atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation

Trahison et espionnage (articles 411-1 à 411-11 du code pénal)

Délits (= 7 ans d'emprisonnement) et crimes (= 15 ans de détention criminelle)

Article 414-6 du code pénal

Autres atteintes aux institutions de la République (articles 412-1 à 412-8 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement) et crimes (= 15 ans de détention criminelle)

Atteintes à la sécurité des forces armées (articles 413-1 à 413-4 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Atteintes au secret de la défense nationale (articles 413-10 et 413-11 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement)

Aggravations des atteintes en cas de siège, d'urgence, de complot (articles 414-1 à 414-9 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Terrorisme

Actes de terrorisme (articles 421-1 à 421-6 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement) et crimes (= 15 ans de réclusion criminelle).

Article 422-4 du code pénal

Atteintes à la paix publique

Participation armée à un attroupement ou provocation directe à un attroupement armé
(articles 431-5 et 431-6 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement)

Article 431-8 du code pénal

Participation armée à une manifestation (article 431-10 du code pénal)

Délit (3 ans d'emprisonnement)

Article 431-12 du code pénal

Participation à des groupes de combat ou des mouvements dissous
(articles 431-13 à 431-17 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement)

Article 431-19 du code pénal

Intrusion armée dans un établissement d'enseignement scolaire
(article 431-25 du code pénal)

Délit (5 ans d'emprisonnement)

Article 431-27 du code pénal

Atteintes à l'autorité de la justice

Corruption en matière judiciaire
(8° alinéa de l'article 434-9 et article 434-9-1 du code pénal)

Délit (= 5 ans d'emprisonnement)

Article 434-46 du code pénal

Évasions armées
(article 434-30 du code pénal)

Délit (7 ans d'emprisonnement)

Fourniture d'une arme ou d'une substance explosive à un détenu
(article 434-32 du code pénal)

Délit (7 ans d'emprisonnement)

Facilitation d'une évasion par un personnel de surveillance
(article 434-33 du code pénal)

Délit (10 ans d'emprisonnement) ou crime (15 ans de réclusion criminelle)

Atteintes à l'administration publique

Corruption et trafic d'influence
(articles 435-1 à 435-13 du code pénal)

Délit (= 5 ans d'emprisonnement)

Article 435-14 du code pénal

Atteintes à la confiance publique

Faux et usage de faux
(articles 441-1 à 441-8 du code pénal)

Délit (= 2 ans d'emprisonnement)

Article 441-11 du code pénal

Fausse monnaie
(articles 442-1 à 442-4 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement) ou crimes (30 ans de réclusion criminelle)

Article 442-12 du code pénal

Falsification de titres ou de valeurs fiduciaires (articles 443-1 et 443-2 du code pénal)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Article 443-7 du code pénal

Falsification des marques de l'autorité publique (articles 444-1 à 444-5 du code pénal)

Délits (= 3 ans d'emprisonnement)

Article 444-8 du code pénal

Crimes et délits de guerre

Crimes et délits de guerre (articles 461-1 du code pénal)

Délits (10 ans) et
crimes (=15 ans de réclusion criminelle)

Article 462-4 du code pénal

Prévention des atteintes à l'ordre public

Lors d'une manifestation, violences aggravées (article 222-9 et articles 222-11 à 222-13 du code pénal), dégradations (articles 322-3 et 322-6 du code pénal)

Délit (= 3 ans d'emprisonnement)

Article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure

Aide à l'entrée et au séjour irréguliers

Aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'un étranger dans les îles Wallis et Futuna

Délit (5 ans d'emprisonnement)

Article 28 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 359 ( * )

Aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'un étranger en Polynésie française

Article 30 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 360 ( * )

Aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'un étranger en Polynésie française

Délit (5 ans d'emprisonnement)

Article 30 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 361 ( * )

Aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'un étranger en France (article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA)

Délits (5 ans d'emprisonnement)

Article L. 622-3 du CESEDA

Aide à l'entrée et au séjour irréguliers d'un étranger en France, avec circonstances aggravantes (article L. 622-5 du CESEDA)

Délits (10 ans d'emprisonnement)

Article L. 622-5 du CESEDA

Manoeuvres pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française

Reconnaissance d'enfant et mariage aux seules fins d'obtenir un titre de séjour ou la nationalité française (article L. 623-1 du CESEDA)

Délits (= 5 ans d'emprisonnement)

Article L. 623-2 du CESEDA

Atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation en temps de guerre

Trahison et espionnage (articles L. 331-1 à L. 331-4 du code de justice militaire)

Crimes (réclusion criminelle à perpétuité)

L. 333-7 du code de justice militaire

Autres atteintes à la défense nationale en temps de guerre (articles L. 332-1 à L. 332-5 du code de justice militaire)

Délit (10 ans d'emprisonnement) et crimes (= 15 ans de réclusion criminelle)

Défense économique

Sanctions pénales en matière de protection et de contrôle des matières nucléaires (articles L. 1333-9, L. 1333-11 à L. 1333-13-6, L. 1333-13-12 à L. 1333-13-15 du code de la défense)

Délits (= 1 an d'emprisonnement)

Article L. 1333-13-7 du code de la défense

Article L. 1333-13-17 du code de la défense

Contrôle des matériels de guerre

Prolifération des vecteurs d'armes de destruction massive (articles L. 2339-14 à L. 2339-16 du code de la défense)

Délit (10 ans d'emprisonnement) et crimes (15 ans de réclusion criminelle)

Article L. 2339-17 du code de la défense

Contrôle des matériels de guerre

Fabrication, obtention et financement d'armes biologiques

Délit (= 7 ans d'emprisonnement) crimes (= 20 ans de réclusion criminelle)

Article L. 2341-5-1 du code de la défense

Fabrication, obtention, financement et utilisation d'armes chimiques (L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2342-64, L. 2342-68, L. 2342-69, L. 2342-74 et L. 2342-79 du code de la défense)

Délit (= 5 ans d'emprisonnement) et crimes

Article L. 2342-77 du code de la défense

Lutte contre le travail illégal

Travail dissimulé (articles L. 8224-1 et L. 8224-2 du code pénal

Délit (= 3 ans d'emprisonnement)

Article L. 8224-4 du code du travail

Source : commission des lois du Sénat.

3. La volonté de votre commission de généraliser la peine d'interdiction du territoire français

Dans un souci de simplification et de clarification, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, l' amendement COM-223 visant à instituer une peine générale d'interdiction du territoire français : pour toute infraction dont la peine d'emprisonnement encourue serait supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, une juridiction pourrait prononcer cette peine, à titre complémentaire ou principal, sans qu'il soit nécessaire de viser une disposition législative spécifique à l'infraction. Cela permettrait de prononcer cette peine pour la grande majorité des délits . Une disposition spécifique resterait nécessaire pour les délits dont la peine d'emprisonnement encourue est d'une durée inférieure à cinq ans, par exemple le délit de manoeuvres dolosives en vue d'un mariage forcé à l'étranger.

Cette clarification du champ d'application de la peine d'interdiction du territoire français, qui participe à la lisibilité de l'échelle des peines, est de nature à faciliter le prononcé de ces peines par les juridictions.

Afin d'assurer une plus grande application de cette peine pour les infractions délictuelles et criminelles, votre commission a adopté, par le même amendement COM-223 de son rapporteur, le principe d'une peine obligatoire en cas de délits, pour lesquels la peine complémentaire était encourue, commis en récidive légale ou cas de crimes, sauf décision spéciale et motivée de la juridiction de jugement : la juridiction de jugement serait ainsi tenue de prononcer cette peine complémentaire à l'encontre de toute personne étrangère condamnée 362 ( * ) . Elle pourrait y déroger par une décision spécialement motivée, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

Si l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui prévoit que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », garantit le principe d'individualisation des peines , la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet des peines obligatoires dès lors que le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine, notamment d'en moduler la durée et d'y déroger en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

Selon le commentaire de la décision n° 2011-211 QPC du 22 janvier 2012, s'agissant des peines complémentaires obligatoires, « outre le caractère plus ou moins rigide du pouvoir de modulation du juge, le Conseil constitutionnel prend en compte la gravité des faits, la sévérité de la sanction, l'existence ou non d'un lien entre la nature des faits réprimés et la nature de la sanction et, enfin, l'intérêt de la mesure au regard de l'objectif de bonne administration de la justice ».

En l'espèce, la nature des infractions (tous les crimes et les délits punis de cinq ans ou plus emprisonnement commis en état de récidive légale) et la nécessité de prévenir la récidive de ces condamnées peuvent justifier une peine obligatoire .

Il convient de noter que ce dispositif de peine complémentaire obligatoire ne pourrait s'appliquer qu'aux faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi , en application de l'article 112-1 du code pénal : en effet, il s'assimile à une disposition pénale plus sévère .

Enfin, par le même amendement, votre commission a corrigé une erreur de référence à l'article 131-30-2 du code pénal : les dispositions visées du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France sont désormais codifiées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Votre commission a adopté l'article 19 bis ainsi modifié .

Article 19 ter (supprimé) (art. L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Adaptation du délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers

Introduit par l'Assemblée nationale par l'adoption en séance de plusieurs amendements identiques, l'article 19 ter du projet de loi vise à modifier sur deux points le régime des immunités pénales prévues pour le délit réprimant l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers : d'une part, il inclut l'aide à la circulation dans le champ des immunités familiales et humanitaires, d'autre part, il reformule le contenu des actes d'assistance aux étrangers pouvant être couverts par l'immunité humanitaire.

1. Le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France : une exigence européenne et un outil indispensable à la lutte contre les trafics de migrants

Aux termes de l' article L. 622-1 du CESEDA, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros.

L'origine de ce délit remonte à un décret-loi du 2 mai 1938 relatif à la police des étrangers, dont l'article 4 disposait que « tout individu qui, par aide directe ou indirecte, aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sera puni [d'une amende de 100 à 1.000 F et d'un emprisonnement de un mois à un an] » . Ce texte a été repris par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers, qui a actualisé le montant des amendes, puis codifié en 2005 au sein du CESEDA, à l'article L. 622-1.

Cette infraction répond en droit français à des exigences internationales et européennes 363 ( * ) . À ce titre, les peines précitées sont également applicables :

- lorsque le délit est commis par une personne, quelle que soit sa nationalité, se trouvant sur le territoire d'un État membre de l'espace Schengen, ou par une personne qui facilite ou tente de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie à l'espace Schengen ;

- et par celui qui facilite ou tente de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.

L'article L. 622-3 du CESEDA prévoit par ailleurs une série de peines complémentaires 364 ( * ) et son article L. 622-5 des circonstances aggravantes 365 ( * ) permettant de porter la peine à dix ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende.

2. Un régime d'immunités pénales régulièrement précisé et enrichi

L'application concrète de ces dispositions pénales destinées à lutter contre les filières d'immigration clandestine et les réseaux de passeurs a suscité certaines difficultés dès lors que pouvaient être inquiétées des personnes ayant des liens familiaux avec l'étranger aidé ou que des organisations humanitaires, apportant une aide désintéressée à ce dernier, étaient susceptibles d'être concernées.

Tant la jurisprudence constitutionnelle que le législateur sont intervenus pour en circonscrire le champ d'application.

D'abord, dès sa décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998, le Conseil constitutionnel a rappelé « qu'il [appartenait] au juge, conformément au principe de légalité des délits et des peines, d'interpréter strictement les éléments constitutifs de l'infraction [...], notamment lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire, ou une fondation, apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers ».

Il a par la suite affirmé, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, que « le délit d'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes humanitaires d'aide aux étrangers » et que la qualification de cette infraction devait tenir compte « du principe énoncé à l'article 121-3 du code pénal, selon lequel il n'y a point de délit sans intention de le commettre ».

Par ailleurs, le législateur a instauré 366 ( * ) et progressivement enrichi un régime d'immunités pénales destiné à protéger de toutes poursuites un certain nombre de personnes :

- soit parce que celles-ci sont des membres de la famille de l'étranger ( immunité familiale ) ; à ce titre, ne peut donner lieu à des poursuites pénales l'aide au séjour irrégulier d'un étranger lorsqu'elle est le fait des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l'étranger ou de leur conjoint, du conjoint ou du concubin de l'étranger, ou des ascendants, descendants, frères et soeurs de ce dernier ;

- soit parce que ces personnes ont agi afin d'apporter une aide nécessaire à la sauvegarde de la personne de l'étranger ( immunité humanitaire ) ; à ce titre, ne peut donner lieu à des poursuites pénales l'aide au séjour irrégulier d'un étranger « lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci. »

Les exemptions prévues ne jouent que pour l'aide au séjour, à l'exclusion de l'aide à l'entrée et à la circulation en France des étrangers en situation irrégulière.

3. Une nouvelle extension de l'immunité pénale introduite à l'Assemble nationale

Votre rapporteur note que l'article 19 ter , introduit à l'Assemblée nationale dans projet de loi, affaiblit la portée de cette infraction, sans toutefois en rien la supprimer, comme certains ont pu abusivement l'affirmer.

Les dispositions en cause ajoutent d'abord de façon transversale « l'aide à la circulation » sur le territoire au champ des agissements potentiellement couverts par les exemptions pénales familiales ou humanitaires.

En outre, concernant spécifiquement l'immunité humanitaire, si la définition des motifs humanitaires reste globalement inchangée (« assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci »), le texte proposé complète et précise les formes d'aide ne pouvant plus donner lieu à des poursuites pénales : il recouvre désormais le fait de « fournir des conseils et de l'accompagnement , notamment juridiques, linguistiques ou sociaux » (et non plus la seule fourniture de conseils juridiques) et il ajoute les aides au transport dans un but humanitaire.

4. La position de fermeté défendue par votre commission

En cohérence avec la position qu'elle a adoptée concernant d'autres dispositions de ce texte renforçant les sanctions pénales applicables en droit des étranger, votre commission a souhaité faire preuve de fermeté et refusé en conséquence d'affaiblir le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers , au vu de son utilité bien démontrée dans la lutte contre les filières d'immigration clandestine, et ce alors que le nombre de ces filières est en hausse constante depuis 2012 (avec un chiffre record de 275 filières démantelées en 2017).

Votre rapporteur rappelle en effet que l'importance de ces dispositions dans la lutte contre les filières d'immigration clandestine et les réseaux de passeurs ne saurait être sous-estimée : Selon les chiffres qui lui ont été communiqué, en 2016 , 764 condamnations ont ainsi été prononcées pour réprimer les infractions prévues par l'article L. 622-1 du CESEDA, et 320 pour réprimer l'infraction aggravée (article L. 622-5 du CESEDA).

Il note ensuite que, dans leur rédaction actuelle, l'ensemble de ces dispositions sont bien conformes à nos engagements internationaux et européens. Tant le protocole de Palerme et la directive n° 2002/90/CE du 28 novembre 2002 précités imposent de prévoir des sanctions dissuasives en la matière. Au surplus, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé dans un arrêt du 10 avril 2012 (C-83/12) que : « non seulement le droit de l'Union ne s'oppose pas à ce qu'un État membre introduise des poursuites pénales à l'encontre de toute personne qui aura sciemment aidé un ressortissant d'un État tiers à pénétrer sur le territoire de cet État membre en violation des dispositions applicables, mais il impose expressément à l'État membre concerné d'engager de telles poursuites ».

Enfin, sans nier les drames humains qui se jouent à certaines de nos frontières terrestre, et tout en reconnaissant que les parquets doivent continuer à faire preuve de discernement dans l'engagement des poursuites sur le fondement de ces infractions, votre rapporteur rappelle que le champ des immunités pénales a déjà fait l'objet d'un considérable élargissement, depuis 2013 367 ( * ) et qu'il paraît aujourd'hui suffisant pour exempter les personnes réellement désintéressées.

Par l'adoption de l' amendement de suppression COM-224 de son rapporteur, votre commission a supprimé l'article 19 ter .

Article 19 quater (nouveau)(art. L. 662-2 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Délit d'établissement de fausses attestations de domiciliation

Introduit par votre commission, avec l'adoption d'un amendement COM-214 de notre collègue Alain Richard et des membres du groupe La République En Marche, l'article 19 quater du projet de loi vise à instaurer un délit spécifique au droit des étrangers pour réprimer les cas d'usage de fausses attestations en vue d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement.

En l'état du droit, le délit de fausse attestation est réprimé d' un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ( art. 441-7 du code pénal ). Il se caractérise par le fait d'attester par écrit de faits que l'on sait matériellement inexacts, et se distingue ainsi du délit de faux (caractérisé par la fabrication d'un document inauthentique ayant lui-même une portée juridique 368 ( * ) ). Sont punis des mêmes peines l'usage d'une fausse attestation et le fait de falsifier une attestation authentique au départ, comme la tentative de ces faits (art. 441-9 du code pénal).

Le droit des étrangers se prête particulièrement au problème des fausses attestations, notamment via la fourniture de fausses attestations d'identité ou de domiciliation de complaisance, qui peuvent être utilisées soit pour faciliter l'obtention un titre de séjour ou favoriser un comportement dilatoire lors d'une procédure d'éloignement.

La spécificité du droit des étrangers justifie dès lors, selon votre rapporteur, l'incrimination spécifique au sein du CESEDA et les peines renforcées que proposent les auteurs de l'amendement. À cet égard, votre rapporteur note que les peines pour fausse attestation sont d'ores et déjà portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d'autrui.

Ainsi, d'une part, le fait d' utiliser une fausse attestation en vue d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement serait désormais puni de trois ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende quand, d'autre part, le fait d' établir de telles attestations serait expressément susceptible de fonder des poursuites au titre du délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers ( art. 622-1 du code pénal ).

Votre commission a adopté l'article 19 quater ainsi rédigé .

TITRE III - ACCOMPAGNER EFFICACEMENT L'INTÉGRATION ET L'ACCUEIL DES ÉTRANGERS EN SITUATION RÉGULIÈRE

Le titre III du projet de loi concerne les conditions de séjour en France des étrangers en situation régulière .

Son intitulé a été modifié par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue députée Fiona Lazaar, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

La notion « d'amélioration des conditions d'intégration et d'accueil » des étrangers a été remplacée par celle, plus ambitieuse, « d'accompagnement efficace de l'intégration et de l'accueil ». Il s'agit, selon l'auteure de l'amendement, « d'inscrire la nécessité d'instituer un suivi et un accompagnement de l'étranger en situation régulière et (d') insérer une dimension de recherche d'efficacité » 369 ( * ) .

Ce titre est composé de trois chapitres, qui traitent respectivement de l'attractivité du territoire et de l'accueil des talents et des compétences (chapitre I er ) , de mesures de simplification (chapitre II) et de diverses dispositions en matière de séjour (chapitre III) .

CHAPITRE IER -
DISPOSITIONS EN FAVEUR DE L'ATTRACTIVITÉ ET DE L'ACCUEIL DES TALENTS ET DES COMPÉTENCES

Ce chapitre poursuit deux objectifs complémentaires : conforter l'attractivité de la France dans un monde globalisé et mettre en oeuvre la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016, qui devait être transposée avant le 23 mai 2018 370 ( * ) .

Il concerne plus particulièrement le « passeport talent » (article 20), les étudiants (article 21) et les jeunes au pair (article 22) .

Article 20 (art. L. 313-20, L. 313-21, L. 313-27 et L. 313-28 [nouveaux] du code de l'entrée  et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Extension du « passeport talent »

L'article 20 du projet de loi vise à élargir les critères de délivrance du « passeport talent » afin de renforcer l'attractivité de la France et d'attirer des étrangers à fort potentiel.

1. Le « passeport talent » : des résultats encourageants

Comme le souligne l'OCDE, la création de titres de séjour propres aux travailleurs très qualifiés répond à deux impératifs : « faciliter le recrutement de (ces) personnels (...), en rendant la procédure d'obtention du titre de séjour par les employeurs plus simple, plus rapide et moins coûteuse ; créer un titre attractif pour les étrangers très qualifiés, qui oriente ces derniers dans leur projet de migration » 371 ( * ) .

La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 372 ( * ) a créé le « passeport talent » afin de renforcer l'attractivité du territoire national. Contrairement à ce que laisse supposer sa dénomination, il s'agit d'un titre de séjour (non d'un titre de circulation comme le passeport), qui autorise son détenteur à se maintenir durablement en France.

1.1. Les critères de délivrance du « passeport talent »

L'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) fixe dix critères alternatifs pour la délivrance du « passeport talent ».

Les critères de délivrance du « passeport talent »

Critères

Conditions à réunir

1

Salarié très qualifié

. Exercer une activité professionnelle salariée 373 ( * )

. OU être recruté dans une jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies -0 A du code général des impôts (CGI) pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de l'entreprise

. ET disposer d'un salaire brut deux fois supérieur au SMIC

2

Carte bleue européenne 374 ( * )

. Occuper un emploi hautement qualifié, pour une durée égale ou supérieure à un an

. ET justifier d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures ou justifier d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans et de niveau comparable

. ET disposer d'un salaire brut une fois et demi supérieur au SMIC

3

Salarié en mission

. Venir en France pour une mission temporaire entre des filiales d'une même entreprise multinationale

. ET justifier d'une ancienneté d'au moins trois mois dans l'entreprise et d'un contrat de travail avec la filiale française 375 ( * )

. ET disposer d'un salaire brut 1,8 fois supérieur au SMIC

4

Chercheur

. Être titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master

. ET mener des travaux de recherche ou dispenser un enseignement universitaire dans le cadre d'une convention avec un établissement de recherche ou d'enseignement supérieur

5

Créateur d'entreprise

. Être titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master ou pouvoir attester d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans et de niveau comparable

. ET avoir un « projet réel et sérieux » de création d'entreprise

6

Porteur d'un projet économique innovant

Justifier d'un projet économique innovant, reconnu par un organisme public

7

Investisseur

Procéder à un investissement économique direct (IDE) en France

8

Gérant ou directeur général d'une entreprise multinationale

. Occuper la fonction de représentant légal d'un établissement ou d'une société établi en France

. ET être salarié ou mandataire social de l'établissement ou de la société

. ET disposer d'un salaire brut trois fois supérieur au SMIC

9

Profession artistique et culturelle

. Exercer la profession d'artiste-interprète ou être l'auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique

. ET disposer d'un salaire brut équivalent à 70 % du SMIC

10

Renommée nationale ou internationale

. Disposer d'une renommée nationale ou internationale établie

. Et venir en France pour y exercer une activité scientifique, littéraire, artistique, intellectuelle, éducative ou sportive

Source : commission des lois du Sénat.

1.2. Les avantages du « passeport talent »

Le « passeport talent » présente de nombreux avantages pour les étrangers qui en bénéficient.

D'une durée de quatre ans renouvelable , il est octroyé dès la première admission au séjour 376 ( * ) par les préfectures françaises (comme tous les titres de séjour) mais également par les autorités diplomatiques et consulaires présentes dans le pays d'origine 377 ( * ) .

Une fois arrivés en France, les titulaires du « passeport talent » sont dispensés de suivre les formations du contrat d'intégration républicaine (CIR) 378 ( * ) .

Le parcours migratoire type

(étranger bénéficiant d'un « passeport talent »)

Source : commission des lois du Sénat.

Si le séjour de l'étranger est inférieur à un an, il obtient un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) portant la mention « passeport talent » 379 ( * ) .

Les titulaires d'un « passeport talent » ou d'un VLS-TS portant cette mention n'ont pas à solliciter d'autorisation de travail auprès de la direction régionale de l'entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; en conséquence, ils ne sont pas soumis à la règle de « l'opposabilité de la situation de l'emploi » 380 ( * ) . Lorsqu'ils sont involontairement privés d'emploi, leur titre de séjour est renouvelé jusqu'à expiration de leurs allocations chômage.

Enfin, le conjoint d'un « passeport talent » et ses enfants entrés mineurs en France obtiennent, pour une même durée, un titre de séjour spécifique, le « passeport talent (famille) » . Cette procédure est plus souple que le regroupement familial, notamment parce que l'étranger peut être rejoint par sa famille dès son arrivée en France, sans attendre un délai de dix-huit mois.

1.3. Des résultats encourageants

D'après l'étude d'impact, 30 428 titres ont été délivrés aux étrangers à fort potentiel entre le 1 er novembre 2016 et le 31 décembre 2017 , dont :

- 10 808 en première délivrance (7 272 « passeports talents » et 3 536 VLS-TS portant cette mention) ;

- 19 620 pour des étrangers qui possédaient déjà un titre de séjour au 1 er novembre 2016 et qui ont ensuite accédé à ce nouveau dispositif.

Quatre catégories représentent plus de 80 % de ces délivrances 381 ( * ) : les chercheurs (12 277 titres), les salariés très qualifiés (4 798) la carte bleue européenne (2 157) et les salariés en mission (2 132) 382 ( * ) .

Comme l'indique l'OCDE, le « passeport talent » est un « signal envoyé par les autorités françaises dans l'optique d'attirer des migrants très qualifiés, (...) dont il sera nécessaire d'évaluer l'impact (...) après plusieurs années ». La France occupe aujourd'hui une position intermédiaire en Europe : « moins attractive que le Royaume-Uni et l'Allemagne, mais plus attractive que l'Espagne ou l'Italie » 383 ( * ) .

2. L'extension du « passeport talent »

Deux ans après la création du « passeport talent », le Gouvernement propose de revoir son périmètre et de procéder à des ajustements concernant certaines catégories (salariés très qualifiés, chercheurs, étrangers justifiant d'une renommée nationale ou internationale et « passeport talent famille »).

2.1. Les salariés étrangers très qualifiés

L'article 20 du projet de loi tend à élargir le premier critère de délivrance du « passeport talent » (salariés très qualifiés ), dont le périmètre ne serait plus adapté aux réalités économiques.

En effet, certaines entreprises innovantes, comme celles du « French Tech Visa » 384 ( * ) , ne répondent pas aux critères fiscaux de l'article 44 sexies -0 A du code général des impôts et leurs salariés ne sont pas éligibles au « passeport talent ».

Les jeunes entreprises innovantes (JEI) au sens de l'article 44 sexies -0 A du code général des impôts

Le code général des impôts (CGI) fixe cinq critères cumulatifs pour reconnaître une jeune entreprise innovante (JEI) :

- elle emploie moins de 250 personnes et réalise un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros ou dispose d'un bilan inférieur à 43 millions d'euros ;

- elle a été créée il y a moins de huit ans ;

- au moins 15 % de ses charges fiscalement déductibles sont des dépenses de recherche ou l'entreprise est dirigée ou détenue par des étudiants et des jeunes diplômés ;

- son capital est majoritairement détenu par des personnes physiques ou des structures soutenant les jeunes entrepreneurs ;

- elle a créé une nouvelle activité, sans reprendre une société préexistante.

Les entreprises qui remplissent ces critères bénéficient d'une exonération d'impôt sur les sociétés et d'une exonération partielle des cotisations sociales patronales .

Conformément à l'article 30 du projet de loi, le « passeport talent » serait attribué à des étrangers recrutés par des jeunes entreprises innovantes (JEI, état du droit) mais aussi par des entreprises innovantes qui, sans remplir les critères du code général des impôts, sont reconnues « par un organisme public suivant des critères définis par décret et dont la liste est publiée par le Gouvernement » 385 ( * ) .

L'étranger serait recruté pour des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de l'entreprise (état du droit) mais également « avec le développement économique, social, international et environnemental de ce projet » 386 ( * ) .

Pour assurer la lisibilité et l'efficacité du dispositif, votre commission a supprimé :

- le critère des jeunes entreprises innovantes, privilégiant ainsi des critères fixés par décret et rendus publics pour l'attribution de « passeports talents » aux salariés très qualifiés . Il reviendrait alors au Gouvernement d'inclure les actuelles JEI, dont le statut a vocation à expirer au 1 er décembre 2019 387 ( * ) , dans cette liste plus large d'entreprises innovantes ;

- ainsi que la notion de « développement économique, social, international et environnemental (du) projet », jugée redondante par rapport à la rédaction actuelle ( amendement COM-16 de notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la culture) .

Elle a étendu aux porteurs d'un projet économique innovant (critère n° 6 du « passeport talent ») l'obligation pour le Gouvernement de définir et de publier la liste des critères de sélection des entreprises bénéficiaires, reprenant ainsi une préconisation du Conseil d'État (amendement COM-17 de notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la culture) .

2.2. Les chercheurs étrangers

L'article 20 du projet de loi tend également à tirer les conséquences de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016 388 ( * ) pour les chercheurs étrangers, étant précisé que la France est le pays d'Europe qui en accueille le plus, derrière le Royaume-Uni.

§ Le titre de séjour « chercheur-programme de mobilité »

Dans l'objectif de transposer les articles 17 et 18 de la directive, une mention « chercheur-programme de mobilité » serait créée au sein des « passeports talents » pour les chercheurs étrangers (articles L. 313-20 et L. 313-21 du CESEDA)  relevant :

- d'un programme de l'Union européenne , comme le programme Marie Curie par exemple ;

- ou d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres ;

- ou d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé préalablement agréé et ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur.

Il s'agit, selon la directive, de « faciliter la mobilité des chercheurs (...) à l'intérieur de l'Union, notamment en réduisant la charge administrative liée à la mobilité dans plusieurs États membres ».

La durée de ce titre de séjour serait de quatre ans , comme les autres « passeports talents ». Un « passeport talent (famille) » serait délivré au conjoint du chercheur et aux enfants du couple ; il couvrirait la période de validité restant à courir pour le titre de séjour du chercheur 389 ( * ) .

Selon le Conseil d'État, cette transposition « est opérée fidèlement et n'appelle pas de réserves » 390 ( * ) . Elle manque toutefois de lisibilité : ce dispositif spécifique pour la mobilité des chercheurs à l'intérieur de l'Union européenne entrerait dans le cadre, plus large, du « passeport talent , ce qui serait source de confusions.

De même, la durée du titre de séjour (quatre ans) serait beaucoup plus longue que celle prévue par l'article 18 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016 (durée de deux ans ou égale à la durée de la convention d'accueil du chercheur si celle-ci est plus courte).

Suivant son rapporteur et notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, votre commission a totalement revu le dispositif proposé par le Gouvernement (amendements identiques COM-251 et COM-15) en :

- créant, au sein du CESEDA, un article dédié à la mobilité européenne des chercheurs (nouvel article L. 313-27) ;

- réduisant la durée du titre de séjour du chercheur « mobile » (durée de la convention d'accueil au sein de l'établissement français d'enseignement supérieur, contre quatre ans dans le projet du Gouvernement) et des membres de sa famille (durée de validité restant à courir pour le titre de séjour du chercheur) ;

- précisant que l'intéressé doit disposer de moyens d'existence suffisants et d'une assurance maladie , comme l'autorise l'article 7 de la directive ;

- créant, par cohérence, un titre de séjour spécifique pour les membres de la famille du chercheur ( carte de séjour « chercheur - programme de mobilité (famille) »).

§ La mobilité d'un chercheur depuis un autre État membre de l'Union européenne

En application des articles 27 à 30 de cette même directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016, le CESEDA préciserait le droit applicable au chercheur admis au séjour dans un autre État membre, comme l'Allemagne par exemple, et souhaitant poursuivre ses recherches en France .

Comme aujourd'hui, la France n'aurait pas vocation à lui octroyer un titre de séjour : le document délivré par le premier État d'accueil (l'Allemagne dans l'exemple précédent) suffirait.

Néanmoins, le chercheur devrait désormais notifier sa mobilité aux autorités françaises, comme l'autorise la directive afin de mieux maîtriser ce flux migratoire.

Conformément au droit européen, le projet de loi distingue :

- la « mobilité de courte durée » du chercheur, qui ne pourrait pas excéder cent quatre-vingt jours de présence en France sur toute période de trois cent soixante jours ;

- la « mobilité de longue durée » , qui ne dépasserait pas douze mois.

Dans ces deux hypothèses, le chercheur qui bénéficie du dispositif de mobilité resterait exempté de visa et devrait disposer de « ressources suffisantes » . Son conjoint et les enfants du couple seraient admis au séjour dans les mêmes conditions , conformément à l'article 30 de la directive.

Comme précédemment, votre commission a clarifié ce dispositif en créant un article spécifique dans le CESEDA (nouvel article L. 313-28). Reprenant les articles 28 et 29 de la directive, elle a également imposé aux chercheurs « mobiles » de justifier d'une assurance maladie (amendements identiques COM-251 et COM-15 précités).

2.3. La renommée nationale ou internationale

D'après l'étude d'impact, la « notion de renommée nationale ou internationale établie (critère n° 10 du « passeport talent ») peut être quelque peu trop restrictiv e pour certains dossiers d'étrangers qui n'ont pas une renommée nationale ou internationale mais qui sont néanmoins susceptibles, par leur action, de participer de façon significative et durable au rayonnement de la France ou à son développement économique ».

Pour contourner cette difficulté, l'administration aurait accordé des « passeports talents » alors que les critères de délivrance n'étaient pas respectés, notamment pour les artistes de l'académie de l'Opéra nationale de Paris 391 ( * ) .

Dès lors, l'article 20 du projet de loi tend à autoriser la délivrance du « passeport talent » à l'étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie (droit en vigueur) mais également à l'étranger qui est « susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France », à condition qu'il exerce son activité « dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif ».

Sur proposition de notre collègue députée Marielle de Sarnez, rapporteure pour la commission des affaires étrangères, la commission des lois de l'Assemblée nationale a complété cette liste en y ajoutant le domaine artisanal , qui constitue également une « filière d'excellence » 392 ( * ) .

À l'initiative de notre collègue Jean-Yves Leconte des membres du groupe socialiste et républicain, votre commission a élargi le périmètre du « passeport talent » (renommée nationale ou internationale) en autorisant sa délivrance aux étrangers participant de manière significative au développement économique, patrimonial et culturel de la France (amendement COM-128) .

2.4. Le périmètre du « passeport talent (famille) »

En l'état du droit, le « passeport talent (famille) » est délivré de plein droit au conjoint de l'étranger titulaire d'un « passeport talent » et à ses enfants entrés mineurs en France.

Cette disposition exclut les enfants du conjoint , ce qui est contraire au droit communautaire pour deux catégories de « passeport talent » : la « carte bleue européenne » (critère n° 2 ci-dessus, article 2 de la directive 2009/50/CE du 25 mai 2009 393 ( * ) ) et le titre « chercheurs » (critère n° 4 ci-dessus, article 3 de la directive 2016/801 du 11 mai 2016 précitée).

L'article 20 du projet de loi tend à étendre la délivrance du « passeport talent (famille) » aux « enfants du couple », ce qui inclut les enfants du conjoint du titulaire du « passeport talent » .

Cette disposition concernerait tous les « passeports talents » et les « passeports talents (famille) », dans un objectif d'attractivité du territoire national.

Comme le souligne notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale, « le Gouvernement a fait le choix d' étendre cette modification à l'ensemble des familles des titulaires d'un passeport talent , au-delà de ce qui est exigé par la réglementation européenne pour les chercheurs et les titulaires d'une carte bleue européenne » 394 ( * ) . À titre d'exemple, elle s'appliquerait aux salariés très qualifiés, aux créateurs d'entreprise, aux investisseurs étrangers, etc .

Enfin, la carte « passeport talent famille » serait également délivrée aux membres de la famille d'un chercheur bénéficiant de la carte de séjour temporaire « recherche d'emploi ou création d'entreprise », dont l'instauration est prévue à l'article 21 du projet de loi. Cette disposition transpose l'article 26 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016.

Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .

Article 21 (art. L. 313-8, art. L. 313-29 et L. 313-30 [nouveaux] et art. L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Titres de séjour des étudiants - Chercheurs et étudiants souhaitant prolonger leur séjour en France

L'article 21 du projet de loi vise à faciliter la mobilité des étudiants au sein de l'Union européenne et à créer une nouvelle carte de séjour temporaire « recherche d'emploi ou création d'entreprise », remplaçant l'actuelle autorisation provisoire de séjour (APS).

1. Les titres de séjour des étudiants étrangers

1.1. Un nombre croissant d'étudiants accueillis

La France est le quatrième pays d'accueil des étudiants au sein de l'OCDE , derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. En outre, elle présente un « taux de maintien au séjour » élevé : trois étudiants étrangers sur dix vivraient toujours en France sept ans après leur arrivée 395 ( * ) .

Depuis 10 ans, les premières admissions d'étudiants étrangers ont augmenté de 89 %, pour atteindre 88 095 en 2017 .

Premières admissions au séjour des étudiants étrangers

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère de l'intérieur.

Depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 396 ( * ) , les étudiants étrangers obtiennent un premier titre de séjour d'un an (carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » ou visa de long séjour valant titre de séjour) 397 ( * ) puis une carte de séjour pluriannuelle dont la durée est égale à celle des études 398 ( * ) .

Un étudiant admis au séjour peut exercer une activité professionnelle, mais uniquement si elle ne dépasse pas 60 % de la durée légale de travail (soit environ 21 heures par semaine).

À l'issue de leurs études, les étudiants étrangers qui souhaitent rester en France peuvent :

- solliciter une carte de résident 399 ( * ) ou leur admission au séjour sur un autre motif (vie privée et familiale, « passeport talent », etc .) ;

- demander une autorisation provisoire de séjour (APS) d'un an, non renouvelable, pour rechercher un emploi ou créer une entreprise (voir infra) .

Le parcours migratoire type d'un étudiant étranger

Source : commission des lois du Sénat.

1.2. La mobilité des étudiants étrangers dans l'Union européenne

§ Les titres « étudiants-programme de mobilité »

Comme pour les chercheurs 400 ( * ) , l'article 21 du projet de loi vise à transposer la directrice (UE) 2016/801 du 11 mai 2016 401 ( * ) en facilitant l'admission au séjour d'un étudiant étranger justifiant de moyens d'existence suffisants et relevant :

- d'un programme de l'Union européenne , comme le programme Erasmus par exemple ;

- d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans un ou plusieurs États membres de l'Union européenne ;

- ou d'une convention entre deux établissements d'enseignement supérieur situés dans au moins deux États membres de l'Union européenne.

Conformément à l'article 18 de la directive 2016/801 du 11 mai 2016, les étudiants doivent bénéficier d'un titre de séjour dont la durée est « d'au moins deux ans ou égale à la durée des études, si celle-ci est plus courte » .

Le projet de loi prévoit de créer deux titres de séjour distincts pour les « étudiants-programme de mobilité », ce qui apparaît excessivement complexe :

a) une carte de séjour temporaire , d'une durée inférieure ou égale à un an, renouvelable une fois (article L. 313-7 du CESEDA) ;

b) une carte de séjour pluriannuelle , « délivrée pour la durée dudit programme ou de ladite convention, qui ne peut être inférieure à deux ans » (nouvel article L. 313-27 du CESEDA).

Aucun titre de séjour ne serait accordé aux membres de leur famille, comme le prévoit la directive 2016/801 du 11 mai 2016 précitée.

Suivant son rapporteur et notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, votre commission a totalement revu le dispositif proposé par le Gouvernement (amendements identiques COM-255 et COM-18) en suivant deux principes :

- la simplicité et la lisibilité du dispositif

Votre commission propose ainsi de créer une carte de séjour unique pour les « étudiants-programme de mobilité » au sein d'un nouvel article L. 313-29 du CESEDA, dont les dispositions respecteraient totalement les articles 11 et 18 de la directive 2016/801 du 11 mai 2016.

Sa durée serait égale à la durée des études que l'étudiant étranger a prévu de suivre au sein de l'établissement français d'enseignement supérieur, sans pouvoir excéder la durée de son cycle d'études ;

- la rigueur

Reprenant les marges de manoeuvre laissées par les articles 7 et 11 de la directive, votre commission a souhaité que l'étudiant « mobile » justifie d'une connaissance suffisante de la langue de son programme d'étude et d'une assurance maladie .

§ La mobilité d'un étudiant étranger depuis un autre État membre de l'Union européenne

En application des articles 27 à 31 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016, le CESEDA préciserait désormais le droit applicable à un étudiant étranger admis au séjour dans un autre État membre (comme l'Allemagne par exemple) pour suivre un programme de mobilité et qui souhaite poursuivre ses études en France (articles 27 et 31 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016).

Comme aujourd'hui, la France n'aurait pas vocation à lui octroyer un titre de séjour : le document délivré par le premier État d'accueil (l'Allemagne dans l'exemple précédent) suffirait.

Néanmoins, l'étudiant « mobile » devrait désormais notifier sa mobilité aux autorités françaises et disposer de ressources suffisantes .

Sa présence en France serait autorisée pour un maximum de douze mois. À l'instar des autres étudiants étrangers, il pourrait exercer une activité professionnelle si elle ne dépasse pas 60 % de la durée légale de travail (soit environ 21 heures par semaine) 402 ( * ) .

Comme précédemment, votre commission a clarifié le dispositif en créant un article spécifique dans le CESEDA (nouvel article L. 313-30). Reprenant l'article 31 de la directive, elle a également imposé aux étudiants « mobiles » de justifier d'une assurance maladie (amendements identiques COM-255 et COM-18 précités)

L'étudiant ne respectant plus les conditions de mobilité à l'intérieur de l'Union européenne ou n'ayant pas notifié son séjour à la France serait éloigné du territoire national (article L. 531-2 du CESEDA). Cette disposition s'appliquerait également à l'éloignement des chercheurs « mobiles » et des membres de leur famille 403 ( * ) , conformément à l'article 32 de directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016.

2. La nouvelle carte de séjour « recherche d'emploi ou création d'entreprise »

2.1. L'APS, un dispositif réservé aux étudiants

Pour qu'ils puissent rechercher un emploi en France, une autorisation provisoire de séjour (APS) est délivrée aux étrangers « ayant obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret 404 ( * ) » (actuel article L. 311-11 du CESEDA).

Créée en 2006 405 ( * ) , l'APS vaut titre de séjour mais ne répond pas aux exigences de sécurité du règlement européen (CE) n° 1030/2002 406 ( * ) . Elle présente donc un risque élevé de falsification.

D'une durée d'un an non renouvelable 407 ( * ) , l'APS est délivrée aux étrangers ayant effectué leurs études en France et :

- souhaitant compléter leur formation par une première expérience professionnelle sur le territoire national , sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. L'emploi exercé doit être lié à leur formation et assorti d'une rémunération supérieure à une fois et demie le SMIC. Le cas échéant, ce seuil de rémunération peut être modulé en fonction du diplôme ;

- justifiant d'un projet de création d'entreprise dans un domaine en relation avec leur formation.

La recherche d'emploi de ces anciens étudiants est facilitée , la situation de l'emploi ne pouvant leur être opposée 408 ( * ) .

En 2017, 15 750 APS ont été délivrées à d'anciens étudiants étrangers, contre 3 172 en 2012 et 10 310 en 2014 .

D'après l'OCDE, les deux tiers des pays développés prévoient des dispositifs pour faciliter l'insertion professionnelle des étudiants étrangers. « Avec sa durée de douze mois, l'APS française est dans la moyenne haute de ces dispositifs . Seules l'Allemagne et l'Australie (avec une autorisation minimum de dix-huit mois) ont des durées plus longues. Un grand nombre de pays (Autriche, Japon, Suisse) ne proposent que six mois, et certains grands pays d'immigration étudiante (Espagne, États-Unis et Royaume-Uni) ne délivrent pas de visa pour recherche d'emploi à leurs anciens étudiants » 409 ( * ) .

2.2. Le remplacement de l'APS par une nouvelle carte de séjour

L'article 21 du projet de loi vise à remplacer l'APS par une carte de séjour temporaire portant la mention « recherche d'emploi ou création d'entreprise » et répondant aux normes européennes de sécurité (nouvel article L. 313-8 du CESEDA).

Ses critères d'éligibilité seraient identiques à ceux de l'actuelle APS (souhait d'obtenir une première expérience professionnelle dans un emploi en lien avec sa formation, rémunération supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'État, non opposabilité de la situation de l'emploi, etc .). Sa durée serait toujours d'un an, ce délai étant plus favorable que celui de la directive (9 mois).

Cette nouvelle carte de séjour temporaire présenterait trois différences par rapport à l'APS :

a) elle serait délivrée aux anciens étudiants mais également aux anciens chercheurs qui souhaitent bénéficier d'une première expérience professionnelle en France ou y créer une entreprise.

En conséquence, un « passeport-talent (famille) » serait délivré au conjoint du chercheur et aux enfants du couple, « pour une durée identique à la période de validité » du titre de séjour du chercheur 410 ( * ) ;

b) un délai de trois mois devrait être respecté entre l'octroi de cette carte et les contrôles menés par les préfectures pour vérifier que ses critères de délivrance sont toujours respectés ;

c) les anciens étudiants ou chercheurs bénéficieraient d'un « droit différé » de quatre années. À titre d'exemple, un étudiant ou un chercheur étranger terminant ses études ou ses recherches en France en juin 2018, pourrait rentrer dans son pays d'origine puis solliciter une carte de séjour temporaire « recherche d'emploi ou création d'entreprise » jusqu'en juin 2024. Dans une logique de bonne administration, cette carte serait délivrée par l'ambassade ou le consulat français, non par une préfecture.

Ces deux premières différences résultent de la transposition de l'article 25 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016.

La troisième relève d'un choix du Gouvernement, qui s'inscrirait selon l'étude d'impact « dans l'esprit de la promotion de la migration circulaire , telle que le Président de la République a pu l'exposer lors de son discours devant les étudiants africains de l'université de Ouagadougou le 28 novembre 2017 » 411 ( * ) .

Synthèse des critères de la carte de séjour « recherche d'emploi ou création d'entreprise » (projet de loi)

Source : Rapport n° 857 fait sur le projet de loi par notre collègue députée Élise Fajgeles
au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale , p. 488.

Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .

Article 21 bis (nouveau)(art. L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Visite médicale des étudiants étrangers

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-276 de son rapporteur, l'article 21 bis du projet de loi tend à réintroduire la visite médicale des étudiants étrangers devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Avant 2016, l'OFII organisait cette visite médicale pour les étudiants étrangers admis au séjour pour la première fois 412 ( * ) .

La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 413 ( * ) a toutefois privilégié l'application du droit commun de la médecine universitaire et l'action des services interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé ( SIUMPPS ).

Or, l'État n'a pas compensé ce transfert de compétences, ni organisé ses modalités pratiques .

Il en résulte un grave problème de santé publique , dans la mesure où :

- les SIUMPPS n'ont pas les moyens d'exercer cette nouvelle compétence ;

- quand il est réalisé, leur examen préventif est beaucoup moins poussé que celui de l'OFII, notamment en qui concerne la détection de la tuberculose ;

- à l'inverse, les médecins de l'office disposent d'une meilleure connaissance des pathologies des populations migrantes et d'un équipement leur permettant de procéder aux examens radiographiques des poumons.

Chaque année, entre 160 et 320 cas de tuberculose sont constatés dans les établissements d'enseignement supérieur, dont la moitié serait des cas de tuberculose active. Or, en moyenne, une personne atteinte d'une tuberculose active en contamine quatre autres.

Dès lors, l'article 21 bis du projet de loi prévoit, pour des raisons de santé publique, que les étudiants étrangers bénéficient de la visite médicale de l'OFII .

Votre commission a adopté l'article 21 bis ainsi rédigé .

Article 22 (art. L. 313-9 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Carte de séjour temporaire pour les jeunes au pair

L'article 22 du projet de loi tend à créer une nouvelle carte de séjour temporaire pour les jeunes au pair. Elle serait valable un an puis renouvelable une fois pour la même durée.

Cet article n'a fait l'objet d'aucune observation de la part du Conseil d'État 414 ( * ) .

1. L'accueil des jeunes au pair : un dispositif perfectible

La France est le troisième pays d'accueil des jeunes au pair, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. En 2015, environ 6 000 jeunes au pair ont séjourné sur le territoire national.

Cet accueil est régi par l'accord européen sur le placement au pair , fait à Strasbourg le 24 novembre 1969 et que le décret n° 71-797 du 20 septembre 1971 a rendu applicable en France 415 ( * ) .

L'accord définit le placement au pair comme « l'accueil temporaire, au sein de familles, en contrepartie de certaines prestations, de jeunes étrangers venus dans le but de perfectionner leurs connaissances linguistiques et, éventuellement, professionnelles et d'accroître leur culture générale par une meilleure connaissance du pays de séjour ». En pratique, des sociétés spécialisées mettent en relation les étrangers souhaitant devenir jeunes au pair et les familles d'accueil.

Le placement au pair ne peut pas dépasser un an, prorogeable une fois pour une même durée .

Droits et obligations des jeunes au pair

Droits

Obligations

Jeunes au pair

. Recevoir nourriture et logement

. Bénéficier d'un temps suffisant pour suivre des cours de langue et se perfectionner sur le plan culturel et professionnel

. Disposer d'au moins un jour de repos par semaine

. Recevoir de l'argent de poche

. Présenter un certificat médical

. Participer aux tâches familiales courantes, dans la limite de cinq heures par jour

Source : commission des lois du Sénat, à partir de l'accord européen du 24 novembre 1969.

Ces droits et devoirs sont précisés par une convention signée entre le jeune au pair et sa famille d'accueil .

En l'absence de titre de séjour spécifique, les jeunes au pair obtiennent une carte de séjour temporaire « étudiant » d'une durée d'un an renouvelable. D'après l'étude d'impact, cela soulève trois difficultés :

a) il est impossible de connaître le nombre exact de jeunes au pair accueillis en France, ce qui complexifie les contrôles de l'administration ;

b) une confusion peut exister entre la durée maximale de travail des jeunes au pair et celle des étudiants . De manière plus générale, « il arrive que des jeunes au pair soient considérés comme des employés de maison et ne fassent que du ménage au sein du foyer ou soient obligés de payer leur nourriture » ;

c) lorsque le jeune au pair sollicite le renouvellement de son titre de séjour, « aucun contrôle du caractère réel et sérieux des études ne peut être effectué » 416 ( * ) .

2. La création d'une carte de séjour pour les jeunes au pair

Les articles 2, 16 et 18 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016 417 ( * ) offrent aux États membres la possibilité de clarifier le statut juridique des jeunes au pair et ainsi de leur garantir « un traitement équitable ». Le Gouvernement propose de transposer en droit français ces dispositions facultatives de la directive.

L'article 22 du projet de loi tend ainsi à créer un titre de séjour spécifique pour les jeunes qui remplissent les cinq conditions suivantes :

- avoir entre dix-huit et trente ans ;

- venir dans une famille d'accueil, ne posséder aucun lien de parenté avec celle-ci ni la même nationalité ;

- apporter la preuve d'une « connaissance de base de la langue française » ou présenter un niveau d'instruction secondaire ou des qualifications professionnelles . À l'inverse, le Gouvernement n'a pas inclus les professions règlementées dans ce nouveau dispositif, comme les personnels soignants intervenant auprès des personnes âgées dépendantes ;

- souhaiter améliorer ses compétences linguistiques et sa connaissance de la France, en échange de « petits travaux ménagers et de la garde des enfants » ;

- conclure une convention avec la famille d'accueil, définissant les droits et les obligations du jeune au pair (modalités de subsistance, de logement et d'assurance, suivi des cours, durée maximale de travail de vingt-cinq heures par semaine, repos hebdomadaire et versement d'un argent de poche).

La carte de séjour « jeunes au pair » serait délivrée pour un an puis renouvelable une fois pour une même durée . Conforme à l'accord européen de 1969, cette disposition serait plus favorable que l'article 18 de la directive (UE) 2016/801 du 11 mai 2016, qui prévoit la délivrance d'un titre de séjour d'un an, renouvelable une fois pour une durée de six mois.

Avec l'avis favorable de son rapporteur, votre commission a adopté deux amendements de notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

Le premier tend à préciser que la convention conclue entre les deux parties définit les droits et devoirs du jeune au pair mais également ceux de sa famille d'accueil (amendement COM-20). Le second est rédactionnel (amendement COM-19).

Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié .

CHAPITRE II - MESURES DE SIMPLIFICATION

Article 23 (art. L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Regroupement de la demande d'asile et de l'admission au séjour à un autre titre

L'article 23 du projet de loi tend prévoir le regroupement de la demande d'asile avec celle de l'admission au séjour à un autre titre.

1. Le droit en vigueur : la possibilité pour le demandeur d'asile de demander son admission au séjour à un autre titre sans aucune restriction

L'article L. 311-6 du CESEDA prévoit que « lorsqu'une demande d'asile a été définitivement rejetée, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour doit justifier, pour obtenir ce titre, qu'il remplit les conditions prévues par le présent code ». Les étrangers déboutés du droit d'asile peuvent donc solliciter un titre de séjour pour un autre motif , cette demande pouvant être examinée en même temps que leur demande d'asile ou bien ultérieurement, même après avoir été débouté.

L'étude d'impact indique que cette possibilité ferait l'objet d'une utilisation abusive par certains déboutés du droit d'asile, destinée à faire obstacle aux mesures d'éloignement prise à leur encontre, sans toutefois pouvoir donner de chiffres fiables sur la demande de titres de séjour des étrangers déboutés du droit d'asile.

D'après les éléments communiqués par les services du ministère de l'intérieur à votre rapporteur, 4 617 demandes 418 ( * ) de titres de séjour auraient été déposées par des étrangers déboutés du droit d'asile au cours de l'année 2015, pour 29 141 décisions de rejet soit une proportion de 15,84% 419 ( * ) de déboutés sollicitant ensuite une admission au séjour.

En 2016, 6,3 % des déboutés (soit environ 4 600 demandeurs) auraient sollicité leur admission au séjour sur un autre fondement, sans qu'il soit toutefois possible d'établir si ces demandes sont le fait de circonstances nouvelles ou pas et sans compter les demande de titre de séjour pendant l'instruction des demandes d'asile.

Les titres de séjour les plus sollicités par les déboutés sont ceux accordés sur le fondement de l'état de santé (11° de l'article L. 313-11 du CESEDA), de la vie privée et familiale (7° de l'article L. 313-11 du CESEDA), de l'activité salariée (article L. 313-10 du CESEDA), mais aussi de l'admission exceptionnelle au séjour (article L. 313-14 du CESEDA).

À cet égard, en 2016, 7 476 titres de séjour pour soins ont été délivrés (malades et parents d'enfants malades, autorisations provisoires de séjour) en première demande. 38,4% des ressortissants étrangers admis au séjour sur ce fondement étaient connus en tant que demandeurs d'asile entre 2008 et 2015, soit 2 812 personnes.

2. Le texte transmis propose de regrouper dans le temps la demande d'asile et la demande d'admission au séjour sur un autre fondement

Le projet de loi procède à la réécriture de l'article L. 311-6 du CESEDA pour prévoir que, lorsqu'un étranger présente une demande d'asile, il doit être invité à déposer également sa demande d'admission au séjour à un autre titre s'il estime pouvoir y prétendre.

L'autorité administrative devrait l'informer au préalable des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée d'une part et, d'autre part, des « conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade » c'est-à-dire qu'à l'expiration d'un délai fixé par décret 420 ( * ) , l'étranger ne pourrait plus solliciter son admission au séjour.

Il pourrait toutefois être dérogé à ce principe en cas de survenance de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, précision ajoutée en commission à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député, Florent Boudié.

Un décret en Conseil d'État fixerait les conditions d'application de l'article.

3. La position de votre commission : approuver cette mesure sous réserve d'une modification rédactionnelle

Votre rapporteur approuve cette mesure qui vise à dissuader les demandes de séjour à titre dilatoire formulées en séries après un rejet de la demande de protection .

Elle rejoint d'ailleurs l'esprit d'une disposition déjà adoptée par le Sénat à l'initiative de votre rapporteur lors de la discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'asile en 2015 , et qui prévoyait que l'étranger dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, ne devait pas être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre et devait quitter le territoire français.

Dans la mesure où, comme l'indique l'étude d'impact, près de 60 % des demandes d'asile sont rejetées chaque année, un grand nombre de déboutés effectuent des demandes de titre de séjour qui sont destinées, le plus souvent, à faire échec à un mesure d'éloignement.

En somme, le dispositif clarifie une disposition qui existe déjà tout en l'encadrant davantage : le demandeur d'asile peut demander son admission au séjour à un autre titre, mais dans un certain délai, de sorte qu'une fois débouté de la demande d'asile, sa situation ait déjà été examinée par la préfecture s'agissant des motifs du droit au séjour, et qu'une mesure d'éloignement puisse dûment être exécutée si l'étranger ne peut se maintenir sur le territoire à aucun titre.

Dans la mesure où le projet de loi prévoit que le demandeur est informé de cette procédure lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, et qu'il ménage l'hypothèse de circonstances nouvelles pour déroger au délai dans lequel l'étranger peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement, ce dispositif apparaît tout à fait conforme aux engagements juridiques internationaux et européens de la France.

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a toutefois souhaité fixer dans la loi le délai dans lequel le demandeur d'asile doit solliciter son admission au séjour sur un autre fondement. Par un amendement COM-291, elle l'a fixé à deux mois à compter du rendez-vous à la préfecture au cours duquel l'autorité administrative l'informe de cette possibilité. Votre commission a également, par le même amendement COM-291 supprimé les termes « notamment pour raisons de santé » ajoutés à l'Assemblée nationale, dans la mesure où la notion de « circonstances nouvelles », plus large, inclut nécessairement les raisons de santé, ce que l'adverbe « notamment » montre bien.

Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .

Article 24 (art. L. 321-3, L. 321-4, L. 321-5 [nouveau] et L. 321-6 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Unification du régime des documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs et dispositions spécifiques à Mayotte

L'article 24 du projet de loi tend à unifier le régime des documents de circulation des mineurs étrangers, d'une part, et à prévoir des dispositions dérogatoires pour les mineurs étrangers séjournant à Mayotte.

1. Des règles de circulation sur le territoire des mineurs étrangers dérogatoires au droit commun au séjour

- La circulation sur le territoire des mineurs étrangers sur le territoire français

Conformément à l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'obligation de détenir un titre de séjour 421 ( * ) ne concerne que les étrangers de plus de 18 ans . En conséquence, les autorités administratives ne peuvent pas opposer aux mineurs étrangers l'irrégularité de leur séjour sur le territoire français , ce qui entraîne l'impossibilité de prononcer à leur encontre des mesures d'éloignement ou d'expulsion, sauf exceptions 422 ( * ) . L'article L. 511-4-1 du CESEDA prévoit à son 1° que « ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français l'étranger mineur de dix-huit ans », et l'article L. 521-4 du CESEDA que « l'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion ».

Cette absence d'obligation de détenir un titre de séjour ne signifie pas que l'accès au territoire est permis en l'absence des documents requis, notamment un visa permettant l'accès au territoire français , s'agissant des pays d'origine pour lesquels cette formalité est requise.

Un mineur étranger séjournant en France, une fois le visa d'entrée sur le territoire expiré, peut se voir refuser la réadmission en France à son retour (par exemple lors d'un voyage scolaire).

Afin de faciliter leurs déplacements en France, les mineurs étrangers peuvent obtenir deux documents .

Le titre d'identité républicain (TIR), régi par l'article L. 321-3 du CESEDA créé par la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité, est délivré de plein droit sur présentation du livret de famille à tout mineur étranger né en France de parents étrangers tous deux titulaires d'un titre de séjour .

Le document de circulation pour étranger mineur (DCEM), créé en 1945 et régi par l'article L. 321-4 du CESEDA, est délivré de plein droit, sans condition de lieu de naissance en France , au mineur étranger de moins de dix-huit ans qui en fait la demande et qui ne remplit donc pas les conditions pour le TIR, plus strictes.

En premier lieu, les étrangers mineurs de moins de dix-huit ans peuvent se voir délivrer un DCEM lorsqu'ils appartiennent à l'une des catégories suivantes :

- soit l'un des parents est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » (article L. 313-11 du CESEDA) ;

- soit l'un des parents est titulaire d'une carte de résident après avoir bénéficié d'une procédure de regroupement familial et justifié d'une résidence ininterrompue d'au moins trois années en France (1° de l'article L. 314-9 du CESEDA) ;

- soit l'un des parents est titulaire d'une carte de résident attribuée aux réfugiés statutaires ou aux apatrides, à condition que ces derniers justifient de trois années de résidence régulière en France (8° et 9° de l'article L. 314-11 du CESEDA) ;

- ou soit l'un des parents est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » (article L. 313-20 du CESEDA).

En deuxième lieu, le DCEM peut être délivré aux mineurs qui remplissent par anticipation certains cas de délivrance d'une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » :

- s'il justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec l'un de ses parents depuis qu'il a atteint l'âge de 13 ans (2° de l'article L. 313-11 du CESEDA) ;

- ou s'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, et sous réserve du caractère sérieux de la formation qu'il suit, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (2° bis de l'article L. 313-11 du CESEDA).

En troisième lieu, le DCEM peut également être délivré à un mineur étranger entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois.

Enfin, en quatrième et dernier lieu, d'autres cas de délivrance du DCEM sont prévus par voie réglementaire 423 ( * ) . Ainsi, l'article D. 321-16 du CESEDA attribue au préfet une compétence discrétionnaire de délivrance d'un DCEM lorsque le mineur :

- est entré en France sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ;

- est ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou de l'un des autres États parties à l'Espace économique européen, et dont l'un de ses parents au moins est établi en France pour une durée supérieure à trois mois ;

- dont l'un des parents a obtenu le statut de réfugié, d'apatride ou encore la protection subsidiaire et justifie d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident ;

- dont l'un des parents a acquis la nationalité française ou celle d'un État membre de l'Union européenne ou de l'un des autres États parties à l'Espace économique européen.

Le TIR et le DCEM constituent des documents de circulation d'une validité de cinq ans , et ne sont ni des titres de séjour ni des documents de voyage. Leur unique objet est de faciliter les déplacements de leur titulaire, en lui permettant après un voyage à l'étranger d'être réadmis en dispense de visa , sur le territoire national ou aux frontières extérieures de l'espace Schengen . Ils doivent être accompagnés d'un document de voyage en cours de validité (passeport ou carte d'identité) pour permettre le franchissement des frontières .

Nombre de titres d'identité républicaine (TIR) et de documents de circulation pour étranger mineur (DCEM) délivrés entre 2012 et 2017

2012

2013

2014

2015

2016

2017*

TIR

Création

33 840

34 884

35 161

35 271

36 876

37 289

Renouvellement

32 047

32 818

31 971

32 199

33 065

35 351

Total TIR

65 887

67 702

67 132

67 470

69 941

72 640

DCEM

Création

27 498

28 499

31 896

33 865

34 608

36 991

Renouvellement

14 983

13 865

13 789

13 905

13 924

13 895

Total DCEM

42 481

42 364

45 685

47 770

48 532

50 886

* les données 2017 sont provisoires

Source : étude d'impact du projet de loi.

Tous les mineurs étrangers présents en France ne sont toutefois pas concernés par la possibilité de se voir délivrer un document de circulation pour mineur étranger . En effet, s'agissant des mineurs non accompagnés, seuls ceux qui ont été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de 16 ans (article L. 313-11 2° bis du CESEDA) sont susceptibles de se voir délivrer un document de circulation pour étranger mineur.

L'étude d'impact mentionne, pour justifier la fusion des deux documents en un seul, des difficultés d'articulation entre les deux régimes, liées aux conditions de délivrance, qui aboutissent à la mauvaise application par les services de ces deux régimes, ainsi que le caractère inadapté de l'exigence pour le TIR d'être né en France.

- La situation particulière de Mayotte

Sur le territoire mahorais, les TIR et DCEM permettent aux mineurs qui les détiennent de quitter le département de Mayotte et d'entrer sur le territoire métropolitain et dans l'espace Schengen sans aucune autre formalité 424 ( * ) , à la différence des ressortissants étrangers adultes dont le titre ou l'autorisation de séjour n'autorise le séjour qu'à Mayotte. Le séjour de ces ressortissants étrangers adultes hors de Mayotte n'est possible que sous réserve de l'obtention d'un visa délivré par le préfet de Mayotte, conformément au régime dérogatoire prévu à l'article L. 832-2 du CESEDA 425 ( * ) .

Documents délivrés à Mayotte aux mineurs étrangers

2012

2013

2014

2015

2016*

TIR

1 ère demande

422

566

688

762

1 157

renouvellement

123

175

193

148

205

Total

545

741

881

910

1 362

DCEM

1 ère demande

1 555

2 680

2 121

renouvellement

4

4

Total

1 559

2 680

2 125

Total

545

741

2 440

3 590

3 487

* les données 2016 sont provisoires

Source : étude d'impact du projet de loi.

À cet égard, l'étude d'impact met en évidence l'augmentation du nombre des TIR et DCEM délivrés depuis 2012, en particulier depuis le 1 er janvier 2014, date à laquelle Mayotte est devenu un département français, ces documents étant davantage délivrés par le préfet de Mayotte que les titres de séjour. La délivrance de ces titres a augmenté de près de 540 % entre 2012 et 2016, taux qui s'explique par la départementalisation, mais également de près 43 %, sur la seule période 2014-2016.

2. Le texte transmis : un régime unifié pour la circulation des mineurs étrangers sur le territoire, sous réserve de la prise en compte des spécificités mahoraises

Le projet de loi tend à prévoir, aux articles L. 321-3 à L. 321-6 du CESEDA, un régime unifié de circulation des mineurs étrangers, en ne conservant que le document de circulation délivré aux étrangers mineurs (DCEM), rassemblé dans une section unique du chapitre I er du titre II du livre III du CESEDA, qui se substitue aux deux anciennes sections respectivement consacrées au TIR et au DCEM.

La nouvelle rédaction l'article L. 321-3 du CESEDA mentionne expressément la finalité du DCEM : être réadmis en France, en dispense de visa, sur présentation de ce titre accompagné d'un document de voyage en cours de validité. Il s'agissait déjà de l'intérêt du TIR et de l'ancien DCEM, qui n'était toutefois pas mentionné dans la loi.

La nouvelle rédaction de l'article L. 321-4 du CESEDA prévoit neuf cas de délivrance de plein droit d'un DCEM à l'étranger mineur résidant en France, condition de résidence qui serait désormais expressément prévue par la loi - même s'il s'agit déjà de l'esprit du texte - et qui peut se prévaloir de l'une des neuf situations présentées dans le tableau récapitulatif ci-dessous 426 ( * ) . La condition du lieu naissance en France qui était prévue par le TIR disparaîtrait donc totalement, sauf exceptions mahoraises, voir infra .

Cas de délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur prévus par la nouvelle rédaction de l'article L. 321-4 du CESEDA

Hypothèse où l'étranger mineur résidant en France...

Remarques

...dont au moins l'un des parents est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident (1°).

Cette nouvelle rédaction élargit le dispositif prévu actuellement qui permet l'octroi du DCEM aux enfants de titulaires de certaines cartes de séjour seulement.

... qui est l'enfant d'un Français, d'un ressortissant européen ou d'un autre État partie à l'espace économique européen (EEE) ou de la Confédération suisse qui exerce une activité professionnelle en France et qui dispose de ressources suffisantes ou qui est l'enfant à charge d'un ressortissant de ces mêmes États, étudiant, qui garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes (2°).

A été ajouté le cas du mineur enfant d'un ressortissant français. Il s'agit du mineur entré en France sous couvert d'un visa de long séjour « Famille de français » qui a vocation à se voir délivrer de plein droit la carte de résident mentionnée au 2° de l'article L. 314-11 du CESEDA.

Ce cas reprend, en les complétant, certaines dispositions qui étaient aujourd'hui laissées à l'appréciation des préfets (article D. 321-16 du CESEDA). A été ajouté le cas de l'enfant d'un ressortissant de l'Union européenne 427 ( * ) ou suisse 428 ( * ) .

... qui est un descendant direct à charge du conjoint d'un ressortissant d'un État membre de l'UE, de l'EEE ou de la Suisse, qui exerce une activité professionnelle en France et qui dispose de ressources suffisantes (3°).

Ce cas est aussi prévu en application de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Un droit de séjour est reconnu à ces conjoints par la directive ; de plus, les conditions de séjour en France du parent ou du beaux-parents ont été précisées avec un renvoi aux dispositions de l'article L. 121-1 du CESEDA.

...dont au moins l'un des parents a acquis la nationalité française (4°).

Il s'agit de la reprise d'une disposition de l'article D. 321-16 qui était aujourd'hui laissée à l'appréciation des préfets. Il s'agit de prendre en compte la situation du mineur étranger qui n'aurait pas bénéficié des effets de l'acquisition de la nationalité française de son parent.

...qui relève de l'aide sociale à l'enfance depuis avant l'âge de 16 ans (5°).

Ce cas était déjà prévu à l'article L. 321-4 du CESEDA. La situation des mineurs isolés non accompagnés confiés à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans n'est pas modifiée ; ils se voient délivrer de plein droit un DCEM dès lors qu'ils remplissent par anticipation les conditions mentionnées au L. 311-11 du CESEDA.

A en revanche été supprimé le cas de délivrance au mineur qui justifie résider en France avec au moins l'un de ses parents, dès lors qu'il ne prévoyait pas explicitement que les parents étaient en situation régulière.

... qui s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire (6°).

Il s'agit d'un nouveau cas de délivrance, le droit actuel, repris au 1°, limitant la délivrance du DCEM à l'enfant de parent réfugié, apatride ou bénéficiant de la protection subsidiaire.

... qui est entré en France sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois en qualité d'enfant de Français ou d'adopté (7°).

Il s'agit de la reprise d'une disposition de l'article D. 321-16 qui était aujourd'hui laissée à l'appréciation des préfets.

...qui est entré en France avant l'âge de 13 ans sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, délivré en qualité de visiteur et qui justifie avoir résidé habituellement en France (8°).

Il s'agit de la reprise d'une disposition de l'article D. 321-16 qui était aujourd'hui laissée à l'appréciation des préfets. Les mineurs étrangers, autorisés à entrer en France sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à 3 mois portant la mention " Visiteur" dont les parents ne sont pas présents en France (enfants confiés par acte dit de « Kafala » 429 ( * ) , par délégation de l'autorité parentale, par tutelle ou autres jugements rendus par une juridiction étrangère, situations de procédure d'adoption en cours), se verront délivrer un DCEM de plein droit s'ils sont entrés en France avant l'âge de 13 ans.

Source : commission des lois du Sénat.

S'agissant de la durée de validité des DCEM, le nouvel article L. 321-5 du CESEDA prévoit une durée de droit commun de 5 ans, pour les neuf catégories prévues à l'article L. 321-4 du CESEDA à l'exception du 1°.

La durée du DCEM délivré sur le fondement du 1° de l'article L. 321-4 du CESEDA pourrait en effet être d'une durée inférieure à cinq ans lorsque le ou les parents sont titulaires de certains documents de séjour dont la durée est inférieure à 5 ans 430 ( * ) .

Dans ces différents cas, la durée de validité de la DCEM serait égale à celle restant à courir du document de séjour du parent dont la date d'expiration serait la plus lointaine et ne pourrait être inférieure à un an. Il s'agit, selon l'étude d'impact, de moduler la durée de validité du DCEM en cohérence avec la durée des documents détenus par les parents des mineurs concernés, dans la mesure où les titulaires de ces titres n'ont pas vocation à s'installer durablement en France ou ne peuvent obtenir une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement de la carte de séjour temporaire qu'ils détiennent.

Le nouvel article L. 321-6 du CESEDA crée un cas de retrait du DCEM si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions. Cette décision ne pourrait toutefois intervenir qu'après que le représentant légal du mineur a été mis à même de présenter ses observations.

Enfin, les modalités de délivrance du DCEM sont renvoyées au pouvoir réglementaire.

- L'introduction de dérogations sur le territoire de Mayotte

Le projet de loi prévoit l'introduction à Mayotte de deux dispositifs dérogatoires.

En premier lieu, s'agissant du champ territorial de validité du DCEM , le texte proposé pour l'article L. 321-3 du CESEDA fixe, ce qui est une nouveauté, un régime spécifique au département de Mayotte .

Le DCEM délivré par le préfet de Mayotte ne permettrait la réadmission de son titulaire, en dispense de visa, qu'à Mayotte - et non pas sur le reste du territoire métropolitain comme actuellement - sur présentation de ce titre accompagné d'un document de voyage en cours de validité. S'agissant des mineurs de certains pays tiers soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres résidant à Mayotte et souhaitant se rendre dans un autre département, ils devraient obtenir préalablement un visa, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les adultes à l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En second lieu, s'agissant des conditions de délivrance du DCEM , l'ensemble des cas prévus par l'article L. 321-4 du CESEDA seraient applicables à Mayotte, à l'exception des deux spécificités suivantes (1° et 9° de l'article L. 321-4).

D'une part, les conditions seraient plus restrictives pour Mayotte s'agissant du cas où le mineur étranger peut se voir délivrer un DCEM si au moins l'un de ses parents est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident : le mineur devrait, pour le seul département de Mayotte, être en outre né sur le territoire français (1°).

D'autre part, s'agissant du mineur né à l'étranger et entré à Mayotte hors regroupement familial, par exception aux autres cas prévus à l'article L. 321-4 qui ne mentionnent aucune condition d'âge d'entrée sur le territoire, il devrait être entré sur le territoire avant l'âge de 13 ans sous couvert d'un visa lorsqu'il est requis, et au moins l'un des parents devrait être titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident (9°).

Ce cas de délivrance est une nouveauté du projet de loi. Comme le souligne l'étude d'impact « la présentation d'un passeport revêtu d'un visa vise à permettre la diminution des cas de fraude par la présentation de documents d'état civil étrangers dont l'authenticité est difficilement vérifiable par les services préfectoraux lorsque l'enfant est né à l'étranger ». Elle indique également que « la condition d'âge de l'entrée en France fixée à 13 ans est cohérente avec une admission au séjour à la majorité de l'intéressé, qui justifierait au minimum de 5 années de présence en France ».

L'entrée en vigueur est prévue à compter de la publication du décret d'application (décret en Conseil d'État), au plus tard le premier jour du mois suivant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la publication de la loi (article 41 du projet de loi).

3. La position de votre commission

En premier lieu, s'agissant de l'unification des documents de circulation délivrés aux mineurs étrangers, votre rapporteur approuve l'économie générale de l'article 24 du projet de loi qui a, en outre, le mérite de clarifier le régime applicable , auparavant dispersé de façon peu orthodoxe entre des dispositions législatives et réglementaires, alors pourtant que la fixation de règles restreignant la circulation sur le territoire semble bien relever du législateur conformément à l'article 34 de la Constitution .

Votre rapporteur a également relevé la conformité des dispositions proposées avec le droit de l'Union européenne, en particulier la directive 2004/38/CE du 9 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres 431 ( * ) et à la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial 432 ( * ) , dans la mesure où les modifications législatives permettent la délivrance du DCEM au profit du mineur dont l'un des parents est titulaire d'un titre de séjour, quel qu'en soit le fondement.

S'agissant des dispositions spécifiques applicables à Mayotte, contrairement à ce qu'indique l'intitulé du chapitre du projet de loi, il ne s'agit pas d'une mesure de simplification mais bien d'un renforcement des restrictions apportées à la délivrance de titres de circulation aux mineurs étrangers .

Conformément à l'article 73 de la Constitution, le régime législatif et réglementaire applicable dans les départements et régions d'outre-mer - donc à Mayotte qui est un département d'outre-mer - est, en principe, celui de « l'identité législative » : les lois et règlements y sont applicables de plein droit. Ils peuvent cependant faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités .

En outre, comme le rappelle le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, il a été admis que dans ce département pouvaient continuer à s'appliquer des dispositions antérieures à la départementalisation alors même qu'elles excédaient les limites de l'adaptation que permet la Constitution. D'après le Conseil d'État, « l'extension aux mineurs du régime dérogatoire de visa intérieur, interdisant aux personnes majeures, admises au séjour à Mayotte, de pénétrer dans d'autres départements français sans visa excède tout autant les limites de l'adaptation nécessaire ».

Il estime toutefois « possible, au regard des exigences constitutionnelles, l'alignement du régime des mineurs sur celui des majeurs : d'une part leur disharmonie actuelle conduit à des contournements de la législation en utilisant le possible séjour des mineurs sur le territoire métropolitain pour faciliter l'entrée des majeurs les rejoignant ; d'autre part, l'intérêt des enfants, que l'article 1 du pacte de New York impose de privilégier, n'est pas de servir de prétexte à de pareils contournements, mais, conformément aux valeurs constitutionnelles, de séjourner auprès de leur famille », analyse que partage votre rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 24 sans modification .

Article 25 (art. L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration ; art. 73 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017) - Suppression de l'obligation de signature des visas d'entrée en France

L'article 25 du projet de loi tend à supprimer l'obligation de signature, par le consul ou l'ambassadeur, des visas d'entrée en France.

1. La signature des visas autorisant l'entrée en France

Les visas autorisent l'entrée sur le territoire français . Ils concernent l'ensemble des étrangers, sauf les ressortissants de l'Union européenne, de l'Espace économique européen et des pays dispensés de visas en vertu d'un accord international comme le Chili ou le Canada. Ils sont délivrés dans les pays d'origine par l'ambassade ou le consulat de France.

Le droit en vigueur distingue les visas de court séjour (d'une durée inférieure à trois mois) et les visas de long séjour (d'une durée égale ou supérieure à trois mois). Dans une logique de simplification administrative, certains visas de long séjour valent désormais titres de séjour (VLS-TS) , au même titre que les documents délivrés par les préfectures françaises.

En 2017, les postes consulaires et diplomatiques ont produit 3 432 982 visas d'entrée en France 433 ( * ) .

Leur délivrance est encadrée par le règlement (CE) 810/2009 du 13 juillet 2009 434 ( * ) , dit « code des visas », et par le règlement (CE) 1683/95 du 29 mai 1995 435 ( * ) .

L'attribution d'un visa est matérialisée par l'apposition, sur le document de voyage du demandeur (passeport le plus souvent), d'un sceau (ou « vignette-visa ») standardisé.

En France, la délivrance d'un visa est considérée comme un acte décisoire de l'administration. À ce titre, elle nécessite :

- de préciser les prénom, nom et qualité de l'auteur de la décision (ambassadeur, consul ou personnes bénéficiant d'une délégation de signature) ;

- d'apposer sa signature (article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration).

2. La suppression de l'obligation de signature des visas

La signature des visas soulève des difficultés pratiques que notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Éric Doligé ont mis en lumière dans leur rapport intitulé « Faire de la délivrance des visas un outil d'attractivité de la France » (2015) 436 ( * ) .

En premier lieu, « en raison du nombre réduit de personnes ayant qualité pour signer le visa, cette obligation de signature crée un (...) goulot d'étranglement au sein même de la phase d'instruction , en particulier lorsque l'une ou l'autre des personnes ayant délégation de signature est absente (congé, maladie, déplacement professionnel, etc .) ».

En deuxième lieu, « cette signature n'apporte pas de garantie supplémentaire en termes de contrôle de la décision ou de réduction du risque de fraude, les vignettes étant signées sans contrôle du dossier correspondant ».

En dernier lieu, le droit communautaire n'impose pas la signature des visas .

Le Sénat a d'ailleurs proposé la suppression de la signature des visas en 2015 437 ( * ) , sans être suivi par l'Assemblée nationale.

D'après l'étude d'impact, cette mesure « vise à obtenir des gains de productivité par la suppression d'une tâche chronophage pour les services des visas en raison des multiples manipulations des dossiers papiers et des passeports qu'elle implique » 438 ( * ) .

Cette mesure, que le Conseil d'État a qualifié de « simplification bienvenue » 439 ( * ) , s'inspire du droit applicable aux décisions administratives notifiées par un téléservice et à certaines décisions d'ordre fiscal, qui sont dispensées de signature conformément à l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration.

En tout état de cause, les prénom, nom et qualité de la personne ayant délivré le visa seraient toujours précisés . De même, les décisions de refus de visa resteraient signées par leur auteur et spécialement motivées , conformément à l'article 32 du « code des visas » précité.

Votre commission a adopté l'amendement de coordination COM-256 de son rapporteur et l'article 25 ainsi modifié .

Article 26 (art. L. 5223-1 du code du travail) - Visites médicales assurées par l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) - Aide au retour et à la réinsertion des étrangers depuis des pays de transit

L'article 26 du projet de loi poursuit deux objectifs :

- préciser le cadre juridique des examens médicaux assurés par l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) ;

- donner compétence à l'office pour participer à des actions de retour et de réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine depuis des pays de transit.

1. Les examens médicaux de l'OFII

1.1. Une mission historique, aujourd'hui fragilisée

Depuis 1946 440 ( * ) , les étrangers qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour français doivent passer un examen médical, dans un objectif de santé publique et de lutte préventive contre les maladies infectieuses .

Le contenu de cet examen est défini par un arrêté du 11 janvier 2006 441 ( * ) : il comprend un examen clinique général, une vérification du statut vaccinal, un examen radiographique des poumons (pour diagnostiquer les cas de tuberculose ) et, en fonction des antécédents de la personne, une mesure de glycémie capillaire (pour les cas de diabète ) ainsi qu'un examen urinaire.

Ces examens sont réalisés par des médecins contractuels de l'OFII .

§ La réduction du périmètre des examens médicaux de l'OFII

Le périmètre des examens médicaux de l'OFII s'est drastiquement réduit ces dernières années , comme votre rapporteur l'a constaté dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2018 442 ( * ) .

En sont désormais exclus :

- depuis 2014, les étrangers sollicitant des cartes de séjour « artiste », « chercheur », « salarié en mission » et « passeport talent », soit environ 7 500 personnes par an ;

- depuis 2016, les étrangers présents en France depuis plus de six mois, soit environ 90 000 personnes par an ;

- depuis la rentrée 2017 443 ( * ) , les étudiants étrangers , soit environ 73 000 personnes par an.

Ainsi, seule une minorité d'étrangers primo-arrivants sont désormais astreints à l'examen médical de l'OFII (étrangers admis au titre du regroupement familial ou pour travailler en France principalement). Le nombre d'examens est passé de 211 949 en 2016 à 50 000 en 2017, soit une baisse de plus de 76 % .

Nombre d'examens médicaux organisés par l'OFII (étrangers primo-arrivants)

Source : commission des lois du Sénat.

Dans un souci de santé publique, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin de rétablir l'examen médical des étudiants étrangers (nouvel article 21 bis du projet de loi) .

§ Une pénurie de médecins

Parallèlement, la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 444 ( * ) a confié une nouvelle mission à l'OFII : la transmission au préfet d'avis médicaux concernant les personnes sollicitant un titre de séjour « étrangers malades » 445 ( * ) . En 2017, 44 302 demandes de titres ont été déposées sur ce motif et 19 134 avis ont été rendus par le collège des médecins de l'OFII 446 ( * ) .

Or, l'office dispose d'un nombre insuffisant de médecins (75 praticiens vacataires en 2017, répartis sur l'ensemble du territoire national) , ce qui remet en cause la soutenabilité de son action, notamment en Île-de-France, en Normandie et dans le Grand-Est.

§ Un premier rendez-vous manqué

Le législateur a déjà habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour faire face à cette pénurie de médecins 447 ( * ) .

L'exécutif n'a toutefois pas publié d'ordonnance dans le délai imparti. Il a préféré soutenir un amendement de notre collègue député Aurélien Taché insérant directement ces dispositions dans le projet de loi ratifiant d'autres ordonnances, les « ordonnances travail » 448 ( * ) . Or, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, qui constituaient en l'espèce un « cavalier législatif » 449 ( * ) , et les difficultés rencontrées par l'OFII persistent.

Votre rapporteur déplore ces choix du Gouvernement, qui ont retardé l'adoption de mesures pourtant essentielles pour l'office.

1.2. Des précisions sur les examens médicaux de l'OFII et le report de l'âge de départ à la retraite de ses médecins

§ Le contenu des examens médicaux

L'article 26 du projet de loi vise, tout d'abord, à remplacer la notion de « contrôle médical » des étrangers primo-arrivants par celle, déjà usitée en pratique, de « visite médicale ».

D'après l'étude d'impact, « au-delà d'une simple mission de contrôle, la visite médicale correspond davantage aux missions actuelles de l'OFII. Elle met, en effet, l'accent sur l'accompagnement de l'étranger à l'entrée en France ou lors de son séjour , de façon homogène sur l'ensemble du territoire que permettent son expérience, son organisation et son maillage territorial » 450 ( * ) .

Sur proposition des membres du groupe La République en Marche et avec l'avis favorable du Gouvernement, nos collègues députés ont précisé que cette visite « permet un repérage des troubles psychiques » des étrangers primo-arrivants.

De même, ils ont adopté un amendement de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, qui explicite dans le code du travail que l'OFII « comprend un service médical » .

§ L'âge de départ à la retraite des médecins de l'OFII

L'article 26 tend, en outre, à reculer la limite d'âge des médecins de l'OFII de 67 ans 451 ( * ) à 73 ans . Cette mesure serait transitoire : elle se limiterait aux médecins engagés avant le 31 décembre 2022 452 ( * ) .

Le législateur a adopté une disposition similaire en 2016 pour les médecins de prévention de l'État , des collectivités territoriales et des établissements publics administratifs 453 ( * ) , là aussi pour faire face à une pénurie de praticiens.

Comme le souligne l'étude d'impact, cette mesure permettrait d'assurer la soutenabilité des missions de l'OFII et de recruter des « médecins retraités, libérés de leurs obligations professionnelles antérieures, et qui seraient intéressés par la mission médicale de l'établissement (dans le respect des règles relatives au cumul d'une activité rémunérée et d'une pension de vieillesse) » 454 ( * ) .

Tout en jugeant cette mesure opportune, le Conseil d'État a rappelé qu'elle n'aura « sa pleine efficacité que si les compétences de ces praticiens, dont il est vraisemblable que les autres activités professionnelles auront cessé, sont maintenues au meilleur niveau d'expertise, notamment par le biais de formations adéquates » 455 ( * ) .

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-257 de son rapporteur 456 ( * ) .

2. L'aide au retour et à la réinsertion depuis les pays de transit

Historiquement, l'OFII met en oeuvre des aides au retour volontaire et à la réinsertion des étrangers depuis la France vers leur pays d'origine.

Ce soutien se matérialise par le versement d'une aide financière 457 ( * ) mais également par des conseils et un appui technique pour préparer au mieux ce retour et l'exercice d'une activité professionnelle 458 ( * ) .

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de la rapporteure, un amendement du Gouvernement étendant ces dispositifs d'aide « au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine (...) depuis les pays de transit » .

Les relations entre les pays d'origine et les pays de transit sont aujourd'hui fondamentales dans la gestion des crises migratoires, notamment en Afrique . Elles portent plus particulièrement sur le contrôle des frontières et la lutte contre les trafics d'êtres humains dans des pays traversés par des flux migratoires partant du sud de l'Afrique vers l'Europe.

Ces relations sont encouragées par l'Organisation internationale des migrations (OIM) , une agence des Nations-Unies. En 2017, 7 000 personnes ont par exemple fait l'objet d'un retour organisé par l'OIM vers le Niger.

D'après le Gouvernement, l'OIM dispose d'une situation monopolistique en qui concerne l'appui aux relations entre les pays d'origine et les pays de transit. Or, « bien qu'efficace et dynamique, (son action) est très coûteuse ». En outre, « l'OIM ne se positionne pas comme un simple opérateur contractualisant avec l'Union européenne mais (comme) une institution ayant sa propre démarche ».

Dès lors, le Gouvernement souhaite que l'OFII utilise ses infrastructures et ses réseaux en Afrique pour développer « une expertise et une pratique du retour volontaire entre pays d'origine et pays de transit » 459 ( * ) . Aussi, la France pourrait-elle proposer ses propres dispositifs de soutien à des pays de transit tout en sollicitant l'appui des autres États européens.

Cette nouvelle mission de l'OFII doit être inscrite au niveau législatif, l'office étant un établissement public administratif (EPA) de l'État 460 ( * ) régi par le principe de spécialité .

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .

Article 26 bis A (art. L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Renforcement du contrat d'intégration républicaine

L'article 26 bis du projet de loi vise à renforcer le contrat d'intégration républicaine (CIR), conclu entre l'État et les étrangers non européens bénéficiant d'un titre de séjour français.

Issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale 461 ( * ) , il reprend certaines préconisations d'un récent rapport de notre collègue député Aurélien Taché, parlementaire en mission 462 ( * ) .

1. Le contrat d'intégration républicaine

1.1. Un dispositif d'intégration piloté par l'OFII

Le contrat d'intégration républicaine ( CIR ) a été créé par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 463 ( * ) , en remplacement du contrat d'accueil et d'intégration (CAI).

Mis en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il a pour objectif de proposer un accompagnement personnalisé aux étrangers primo-arrivants ayant obtenu un titre de séjour en France et souhaitant s'y maintenir durablement.

Après un entretien personnalisé permettant d'évaluer ses besoins, l'étranger signataire du CIR bénéficie :

a) d'une formation civique et d'un accompagnement pour faciliter son intégration en France , qui se déroulent sur deux journées de six heures. La première journée est consacrée aux « valeurs et institutions de la République française ». La seconde est intitulée « vivre et accéder à l'emploi en France » ; elle traite de l'accès au logement, à la santé et aux droits ;

b) d'une formation linguistique déclinée en trois parcours distincts (50, 100 ou 200 heures de cours) 464 ( * ) en fonction du niveau de langue initial de l'étranger. Cette formation doit lui permettre d'atteindre le niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) 465 ( * ) , ce qui correspond à la capacité d'utiliser et de comprendre plusieurs expressions familières et quotidiennes.

Organisées sur une période d'un an, les formations du contrat d'intégration républicaine s'adressent à l'ensemble des étrangers primo-arrivants.

Des dérogations sont toutefois accordées aux citoyens européens ou de l'Espace économique européen, aux étrangers qui n'ont pas vocation à s'installer durablement en France (saisonniers, travailleurs temporaires, visiteurs, étudiants, etc .) et à ceux qui ont effectué une partie de leur parcours scolaire dans un établissement français (trois années dans le secondaire ou une année dans le supérieur) 466 ( * ) . Les réfugiés, les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides ont la possibilité - non l'obligation 467 ( * ) - de conclure un contrat d'intégration républicaine,

En 2016, 106 263 contrats d'intégration républicaine ont été signés , ce qui représente environ la moitié des étrangers primo-arrivants. Le coût de ce dispositif est évalué à 106 millions d'euros , dont 46 millions d'euros consacrés aux formations linguistiques 468 ( * ) .

Depuis 2016 469 ( * ) , les conditions de séjour sont liées à ce contrat : la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans est subordonnée à une participation sérieuse et assidue aux formations civiques et linguistiques de l'OFII 470 ( * ) . Dans le cas contraire, l'intéressé peut uniquement prétendre à une carte de séjour temporaire, d'une durée d'un an.

Le droit en vigueur prévoit donc une obligation de moyens pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (participation sérieuse et assidue aux formations de l'OFII), non de résultats (obtention d'un niveau de langue A1).

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a souhaité inverser la logique, en prévoyant une obligation de résultats et non de moyens pour la délivrance du titre de séjour pluriannuel (nouvel article 26 bis B du projet de loi) .

1.2. Des résultats insatisfaisants

Comme votre rapporteur l'a souligné dans son récent avis budgétaire, le contrat d'intégration républicaine n'a pas eu les effets escomptés en termes d'intégration , ce qui conduit à s'interroger sur son efficacité.

À l'issue de la formation linguistique, « seuls 61,4 % des stagiaires ont acquis le niveau A1 , 26,9 % ne l'ont acquis que partiellement et 11,7 % ne l'ont pas du tout acquis. La situation est particulièrement préoccupante pour les publics les plus éloignés de la langue française et se voyant prescrire le maximum de 200 heures de formation : moins de la moitié d'entre eux (43,28 %) ont obtenu le niveau A1, 37,25 % ne l'ont obtenu que partiellement et 19,48 % ne l'ont pas du tout obtenu » 471 ( * ) .

La durée moyenne des formations linguistiques s'élève aujourd'hui à 148 heures, contre 240 heures en 2012. À titre de comparaison, l'Allemagne dispense 600 heures de formation linguistique aux étrangers primo-arrivants et jusqu'à 900 heures pour les réfugiés, avec l'objectif d'atteindre un niveau de langue B1 à l'issue de la formation.

De même, la formation civique reste trop scolaire , notre collègue Roger Karoutchi constatant par exemple que « sa densité (est) bien trop importante et (son) contenu éloigné des préoccupations des migrants » 472 ( * ) . Ce constat est partagé par notre collègue député Aurélien Taché : « dans une atmosphère qui a quelque chose de surréaliste, la chronologie de l'histoire de France, la hiérarchie des normes ou encore la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales sont expédiées en quelques minutes... » 473 ( * ) .

2. Une tentative de renforcement du contrat d'intégration républicaine

Notre collègue député Aurélien Taché a formulé plusieurs propositions pour renforcer le contrat d'intégration républicaine, dont certaines ne relèvent pas du niveau législatif (augmentation des moyens accordés à l'OFII, réorganisation des formations...).

Les principales propositions du rapport Taché concernant le contrat d'intégration républicaine (CIR)

- Augmenter le volume d'heures de cours du CIR à 400 heures minimum (contre 50, 100 ou 200 heures aujourd'hui), avec la possibilité d'étendre la prescription à 600 heures pour les publics les plus sensibles ;

- Viser à terme l'atteinte du niveau A2 à l'issue des formations linguistiques du CIR ;

- Démarrer le module d'apprentissage du français dès le dépôt de la demande d'asile pour les personnes ne provenant pas de pays d'origine sûre * ;

- Prendre en charge l'accès à la certification du niveau de langue à l'issue des formations du CIR ;

- Refondre le module civique en le portant à 60 heures, réparties au long du CIR, dont le contenu serait défini par une instance collégiale ;

- Ajouter au CIR un volet d'orientation professionnelle * ;

- Proposer à tous les signataires du CIR un entretien approfondi d'évaluation des compétences et d'orientation professionnelle ;

- Créer une commission d'orientation rassemblant l'OFII et les acteurs du service public de l'emploi, chargée de proposer une suite de parcours adaptée à chaque signataire du CIR.

* propositions nécessitant une modification législative d'après le rapport de M. Aurélien Taché

Mettant en oeuvre une partie de ces préconisations, l'article 26 bis A du projet de loi vise à renforcer le contrat d'intégration républicaine en précisant ses principes, en fixant un objectif de formation linguistique et en y incluant un dispositif d'orientation et d'insertion professionnelles.

De manière subsidiaire, il tend également à rappeler que l'OFII peut organiser le CIR « en association avec les acteurs économiques, sociaux et citoyens, nationaux ou locaux » , ce qui est déjà le cas en pratique.

§ Les principes du CIR

En l'état du droit, l'article L. 311-9 du CESEDA précise que le contrat d'intégration républicaine permet à l'étranger signataire de s'engager dans un « parcours personnalisé d'intégration républicaine », favorisant « l'autonomie » et « l'insertion dans la société française ».

Le projet de loi ajoute des objectifs que le CIR poursuit déjà en pratique : « la compréhension (...) des valeurs et principes de la République », l'apprentissage de la langue française et « l'intégration sociale et professionnelle ».

§ Les formations linguistiques

L'article 26 bis A précise, en outre, que la formation dispensée par l'OFII comprend « un nombre d'heures d'enseignement de la langue française suffisant pour permettre à l'étranger primo-arrivant d'occuper un emploi et de s'intégrer dans la société française ».

Si votre rapporteur partage cet objectif essentiel, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale n'aurait qu'un effet juridique limité , la durée des cours de langue et leur organisation étant tributaires des moyens alloués à l'OFII.

Dès lors, votre commission a renforcé ce dispositif en y ajoutant une mesure concrète : les cours dispensés par l'OFII devraient donner lieu à une certification du niveau de langue de l'intéressé, ce qui renforcerait sa motivation mais également son employabilité (amendement COM-259 du rapporteur) . Cette certification est d'ailleurs obligatoire pour certains métiers comme les professions de chirurgien-dentiste ou de pharmacien.

§ L'orientation et l'insertion professionnelles

Enfin, le contrat d'intégration républicaine permettrait à l'étranger de bénéficier « (d') un conseil en orientation professionnelle et (d') un accompagnement destiné à favoriser (son) insertion, le cas échéant ».

D'après notre collègue député Aurélien Taché, « ce volet d'insertion professionnelle serait individualisé pour s'adapter aux situations des différentes personnes ; il s'organiserait en trois temps : un accent mis sur l'insertion professionnelle dès la plate-forme d'accueil, un point en tout début de parcours sur le profil et les compétences professionnelles, lors de l'entretien avec l'auditeur de l'OFII, qui peut aboutir à une orientation accélérée, et un entretien approfondi avec un spécialiste de l'insertion professionnelle en cours ou en fin de parcours » 474 ( * ) .

Votre rapporteur souligne l'importance que revêt l'insertion professionnelle des étrangers en situation régulière. Il s'interroge néanmoins sur le caractère opérationnel de la disposition adoptée par l'Assemblée nationale , en rappelant que l'ancien contrat d'accueil et d'intégration (CAI), remplacé par le CIR en 2016, contenait déjà un bilan de compétences professionnelles, qui fut un échec.

En effet, l'OFII reste fortement sollicité par ses nouvelles missions en matière d'asile et ne semble pas en capacité de proposer de nouvelles actions d'intégration. De même, il n'a pas les moyens de mettre en oeuvre des actions d'insertion professionnelle au plus près du marché de l'emploi et des entreprises .

Certes, l'OFII et Pôle emploi ont conclu un accord-cadre national en 2016 475 ( * ) mais le dialogue entre les deux structures peine à se systématiser , comme l'a d'ailleurs constaté notre collègue député Aurélien Taché.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc souhaité que les structures du service public de l'emploi, et plus particulièrement Pôle emploi, soient directement associées au dispositif d'orientation du CIR, afin de favoriser l'insertion professionnelle des étrangers en situation régulière. Elle a également supprimé l'expression « le cas échéant » pour rendre ce dispositif obligatoire pour tous les signataires du CIR et non facultatif (amendement COM-258) .

À l'inverse, les étrangers qui ne suivent pas avec assiduité et sérieux les formations proposées par l'OFII ont été exclus du dispositif d'orientation et d'insertion professionnelles (amendement COM-24 rectifié de notre collègue Agnès Canayer) .

Votre commission a adopté l'article 26 bis A ainsi modifié.

Article 26 bis B (nouveau) (art. L. 313-17 et L 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 21-24 du code civil) - Exigences linguistiques pour la délivrance des titres de séjour et les naturalisations

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-277 de son rapporteur, l'article 26 bis B du projet de loi vise à rehausser les exigences linguistiques pour la délivrance des titres de séjour et les naturalisations, par cohérence avec le renforcement du contrat d'intégration républicaine (CIR).

L'intégration en France des étrangers primo-arrivants nécessite un investissement massif dans les cours de langue de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et la certification du niveau ainsi obtenu 476 ( * ) .

En contrepartie, les attendus en matière d'acquisition de la langue française doivent être relevés pour la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle et de la carte de résident 477 ( * ) mais également pour les procédures d'acquisition de la nationalité française sur décision de l'autorité publique.

Niveau de langue exigé pour la délivrance

des titres de séjour et les naturalisations

Droit en vigueur

Texte de la commission des lois du Sénat

Délivrance de la carte de séjour pluriannuelle

(art. L. 313-7 du CESEDA)

Suivi avec sérieux et assiduité des cours de l'OFII (obligation de moyens)

Niveau A2 (obligation de résultats)

Comprendre des expressions fréquemment utilisées dans le langage courant, communiquer lors de tâches habituelles, évoquer des sujets correspondant à des besoins immédiats

Délivrance de la carte de résident

(art. L. 314-2 du CESEDA)

Niveau A2 (obligation de résultats)

Niveau B1 (obligation de résultats)

Comprendre des conversations suffisamment claires, produire un discours simple et cohérent sur des sujets courants et exposer succinctement une idée

Naturalisation par décision de l'autorité publique

(art. 21-24 du code civil)

Niveau B1 (obligation de résultats)

Niveau B2 (obligation de résultats)

Comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits dans un texte complexe, communiquer avec spontanéité et s'exprimer de façon claire et détaillée sur une grande variété de sujets

Source : commission des lois du Sénat

Les niveaux de langue sont exprimés conformément au cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) 478 ( * ) . Ils sont classés de A1.1 (niveau le plus faible) à C2 (niveau le plus élevé).

Un étranger ne remplissant pas ces exigences linguistiques obtiendrait une carte de séjour temporaire d'un an renouvelable, non un titre de séjour pluriannuel. Aussi la préfecture pourrait-elle réévaluer plus régulièrement ses conditions d'intégration à la société française.

L'article 26 bis B du projet de loi entrerait en vigueur au 1 er janvier 2020 , pour permettre à l'OFII d'adapter ses formations linguistiques en conséquence.

Votre commission a adopté l'article 26 bis B ainsi rédigé .

Articles 26 bis et 26 ter (supprimé) (art. L. 744-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-5 du code du travail) - Régime de l'autorisation de travail des demandeurs d'asile majeurs et des mineurs non accompagnés en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation

L'article 26 bis du projet de loi tend, d'une part, à abaisser à six l'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile, tout en autorisant les mineurs non accompagnés à y déroger lorsqu'ils sont en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation.

L'article 26 ter vise quant à lui à prévoir la délivrance de droit d'une autorisation de travail pour les mineurs non accompagnés en contrat de d'apprentissage ou de professionnalisation.

1. L'inscription du droit en vigueur de l'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile dans le cadre du droit de l'Union européenne

L'accès au marché du travail des étrangers en situation régulière est soumis à un régime d'autorisation spécifique.

L'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu' « un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail » requise, conformément à l'article L. 5221-2 du même code.

L'autorisation de travail peut prendre plusieurs formes :

- les visas de long séjour valant automatiquement autorisation de travail 479 ( * ) ;

- les visas et titres de séjour délivrés après accord de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ;

- les documents provisoires de séjour valant autorisation de travail 480 ( * ) ;

- et enfin les autorisations provisoires de travail 481 ( * ) .

Par dérogation, l'article L. 5221-5 du code du travail dispose que l'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée .

La situation de l'emploi est opposable au demandeur étranger (article L. 5221-7 du code du travail), ce qui implique qu'un nombre limité d'activités professionnelles et de zones géographiques peut leur être ouvert. Un arrêté du 18 janvier 2008 établit 'à cet égard la liste des activités professionnelles accessibles aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen 482 ( * ) , arrêté qui n'a, depuis cette date, toutefois jamais été mis à jour 483 ( * ) . La directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dite « Accueil », laisse en effet le soin aux États membres à son article 15 de décider, d'une part, « dans quelles conditions l'accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché » et, d'autre part, d'accorder la priorité aux citoyens de l'Union et aux ressortissants des États parties à l'accord de l'Espace économique européen, ainsi qu'aux ressortissants de pays tiers en séjour régulier, « pour des motifs liés à leur politique du travail ».

La procédure d'autorisation de travail , en application de l'article L. 231-5 du code des relations entre le public et l'administration, et par exception à l'application du principe fixé à l'article L. 231-1 du même code, prévoit que le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet pour une demande d'autorisation de travail délivrée à un étranger en vue d'exercer une activité salariée en France 484 ( * ) .

S'agissant des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire , ils peuvent, dès l'octroi de leur statut , travailler , dans la mesure où ils sont respectivement détenteurs d'une carte de résident pour les uns et d'un titre de séjour pour les autres qui valent autorisation de travail.

S'agissant des demandeurs d'asile , l'article L. 744-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que l'accès au marché du travail peut leur être autorisé neuf mois après le dépôt de leur demande d'asile , si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'a pas statué sur leur demande pour des raisons qui ne leur sont pas imputables. Le demandeur doit être titulaire de l'attestation de demande d'asile, et la computation du délai de neuf mois s'entend à compter du dépôt de la demande d'asile auprès de l'OFPRA.

Dans cette hypothèse, le demandeur d'asile peut alors, s'il a trouvé un employeur susceptible de le recruter, demander une autorisation provisoire de travail (APT) à l'administration (DIRECCTE). La demande est examinée dans les mêmes conditions que celles applicables à l'ensemble des travailleurs étrangers. Si l'autorisation est accordée, sa durée ne peut excéder la date de validité de l'attestation de demande d'asile, c'est-à-dire au maximum neuf mois, renouvelable jusqu'à la décision de l'OFPRA. Si le demandeur a formé un recours contre la décision de rejet de l'OFPRA auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), il peut également demander une autorisation de travail dans les mêmes conditions.

Le demandeur d'asile qui accède au marché du travail peut ensuite, le cas échéant, bénéficier des actions de formation professionnelle continue prévues à l'article L. 6313-1 du code du travail.

Ce délai différé d'accès au marché du travail spécifique aux demandeurs d'asile est conforme à l'obligation faite aux États membres de l'Union européenne par la directive « Accueil », qui impose à son article 15 que « les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsque aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur ».

S'agissant de la situation spécifique des mineurs étrangers non accompagnés qui sont, comme tous les mineurs 485 ( * ) , dispensés de détenir un titre de séjour, ils sont insusceptibles de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Des aménagements à ce principe sont prévus pour les mineurs isolés étrangers qui peuvent faire l'objet d'une procédure judiciaire de retour dans leur pays d'origine, sur décision du juge des enfants ou dans le cadre d'une procédure de réunification familiale 486 ( * ) . Le retour d'un mineur ne peut toutefois intervenir que s'il est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant, conformément à l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant 487 ( * ) .

Ils peuvent également solliciter une protection internationale et, dans le cas où ils sont demandeurs d'asile , sont soumis aux mêmes règles que tout demandeur d'asile, et ne peuvent donc pas avoir accès au marché du travail avant le délai précité de neuf mois . Pour l'année 2017, l'OFPRA indique que près de 611 demandes de protection internationale ont été introduites par des mineurs isolés 488 ( * ) , ce qui représente une augmentation de 28,9 % par rapport à 2016 (474 demandes). Le taux d'octroi de la protection internationale est resté stable entre 2016 et 2017, autour de 67 % pour ces deux années, et près de 74 % en prenant en compte les protections accordées directement par la Cour nationale du droit d'asile suite à l'annulation d'une décision de l'OFPRA.

Demande de protection internationale et taux d'octroi des mineurs isolés étrangers

Décisions rendues OFPRA

Total

530

Admission

En nombre

357

En %

67,4%

dont réfugié

208

dont protection subsidiaire

149

Rejets

173

Admissions CNDA à la protection internationale

suite à l'annulation d'une décision de l'OFPRA

Total

34

Admission au statut de réfugié

17

Admission au bénéfice de la protection subsidiaire

17

Total admission protection internationale

En nombre

391

En % taux d'admission (OFPRA + CNDA)

74%

Source : rapport d'activité 2017 de l'OFPRA.

En matière d'accès au marché du travail, les mineurs isolés étrangers sont soumis au régime de droit commun sans que cela 'emporte l'obligation de détenir un titre de séjour. En effet, si l'article L. 311-3 du CESEDA prévoit que les étrangers âgés de 16 à 18 ans qui souhaitent exercer une activité professionnelle reçoivent, de droit, ou peuvent solliciter une carte de séjour temporaire ou une carte de résident s'ils remplissent certaines conditions, ces dispositions ne s'appliquent pas aux mineurs isolés étrangers confiés au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) mentionné à l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles.

Dans ce contexte général, deux difficultés sont alors susceptibles de s'opposer à la continuité de la formation de ces mineurs étrangers non accompagnés :

- d'une part, lorsqu'ils sont en formation et, dans ce cadre, en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, ils ne peuvent faire de demande d'asile sans renoncer , au moins provisoirement, à leur contrat de travail , en application de l'article L. 744-11 du CESEDA ;

- d'autre part, si la lettre et l'esprit de l'article L. 5221-5 du code du travail disposent que l'autorisation de travail est accordée de droit à « l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée », il semble qu'en pratique, l'autorité administrative établisse une distinction sur l'octroi de l'autorisation de travail entre les mineurs non accompagnés selon qu'ils ont été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant ou après 16 ans , et ne délivre de droit cette autorisation que pour ceux pris en charge avant 16 ans.

Des dispositions règlementaires (article R. 5211-22 du CESEDA) prévoient en outre une appréciation différente des conditions dans lesquelles la situation de l'emploi peut être opposée à ces mineurs qui sollicitent une autorisation de travail pour un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage 489 ( * ) . Si le mineur a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant 16 ans, la situation de l'emploi ne peut pas lui être opposée, alors qu'à l'inverse, s'il a fait l'objet d'une prise en charge entre 16 et 18 ans, elle peut lui être opposée s'il ne satisfait pas - par anticipation - les conditions imposées pour l'octroi d'un titre de séjour à sa majorité.

Les modalités d'accès au marché du travail constituent en effet un élément primordial pour les mineurs étrangers non accompagnés, dans la mesure où le suivi d'une formation professionnelle qualifiante préalablement à leurs 18 ans est une condition importante de l'octroi futur d'un titre de séjour à leur majorité .

L'octroi du séjour aux mineurs étrangers non accompagnés à leur majorité

À leur majorité, les mineurs étrangers non accompagnés doivent, s'ils souhaitent demeurer sur le territoire français, faire une demande de titre de séjour.

Les conditions d'octroi d'un titre de séjour à ces jeunes devenus majeurs, sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, diffèrent selon qu'ils ont été pris en charge par l'aide sociale à l'enfant avant ou après 16 ans.

Si le mineur a été pris en charge avant 16 ans, sa situation est régie par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » lui est délivrée de plein droit, sous réserve du « caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ».

Dans le cas où le mineur a été confié à l'aide sociale à l'enfance après 16 ans, sa situation est régie par l'article L. 313-15 du CESEDA. Il peut alors être exceptionnellement admis au séjour, s'il « justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ».

Source : commission des lois du Sénat.

2. Le texte transmis : des mesures hétéroclites visant à favoriser l'intégration des demandeurs d'asile et des mineurs non accompagnés

En premier lieu, l'article 26 bis du projet de loi tend à ouvrir l'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile au bout de six mois, et non neuf mois comme le droit en vigueur le prévoit, si leur demande n'a pas encore été tranchée par l'OFPRA et la CNDA.

Adoptée à l'initiative de notre collègue député Michel Zumkeller en séance publique, cette modification de l'article L. 744-11 du CESEDA serait complétée par l'affirmation du principe selon lequel l'administration dispose d'un délai de deux mois pour instruire la demande d'autorisation de travail, au terme duquel son silence vaudrait acceptation de la demande . L'autorisation de travail serait, en outre, applicable pour la durée du droit au maintien au séjour du demandeur d'asile.

En deuxième lieu, l'article 26 bis du projet de loi vise à ouvrir l'accès au marché du travail aux mineurs non accompagnés lorsqu'ils sont en contrat de professionnalisation ou d'apprentissage, sans délai, dès le dépôt de la demande d'asile auprès de l'OFPRA . Cette mesure modifiant l'article L. 744-11 du CESEDA résulte d'un amendement adopté en commission à l'initiative de notre collègue Fiona Lazaar, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Enfin, en troisième et dernier lieu, l'article 26 ter du projet de loi, introduit en commission à l'initiative de notre collègue députée Anne-Christine Lang, vise à rendre obligatoire la délivrance d'une autorisation provisoire de travail aux mineurs isolés étrangers confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE), quel que soit leur âge, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation à durée indéterminée .

3. La position de votre commission : maintenir le droit en vigueur pour l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile et faciliter l'intégration des mineurs non accompagnés

S'agissant du délai d'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile, votre commission a adopté, à l'initiative de notre collègue Jacky Deromedi et avec l'avis favorable de votre rapporteur, un amendement COM-200 supprimant la mesure introduite à l'Assemblée nationale à l'article 26 bis du projet de loi pour permettre l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile plus tôt que ne le prévoit le droit en vigueur.

En effet, délai de neuf mois est strictement conforme à ce que prévoit le droit de l'Union européenne 490 ( * ) et son assouplissement pourrait poser de sérieuses difficultés opérationnelles . Dans l'hypothèse où une autorisation provisoire de travail aurait été délivrée au demandeur d'asile à qui aucune protection n'est finalement accordée, et alors que celui-ci devrait en principe faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire, cet étranger serait alors employé en situation de travail irrégulier. Son employeur se trouverait en situation illégale d'emploi d'étranger sans titre , étant précisé que seul l'étranger lui-même peut le tenir informé du rejet définitif de sa demande d'asile, ce dont il n'est donc pas certain qu'il y ait vraiment intérêt.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a donc souhaité maintenir le droit en vigueur, conforme au droit de l'Union européenne, en matière d'accès au marché du travail des demandeurs d'asile.

Par ailleurs, elle a également supprimé par le même amendement COM-200 le principe introduit à l'Assemblée nationale selon lequel le silence de l'administration à l'issue d'un délai de deux mois vaudrait acceptation de la demande d'autorisation provisoire de travail d'un demandeur d'asile. Il n'y a pas lieu de revenir sur l'exception à la règle du silence valant acceptation qui prévaut en la matière, totalement justifiée pour des motifs de bonne administration et d'instruction du dossier.

S'agissant des mineurs étrangers non accompagnés, votre commission a suivi l'analyse de son rapporteur, favorable à la modification du CESEDA prévue à l'article 26 bis pour leur permettre un accès au marché du travail pour un contrat de professionnalisation ou d'apprentissage, qu'ils poursuivraient dans le cadre d'une formation qualifiante. Ces mineurs ne peuvent, comme indiqué précédemment, ni être en séjour irrégulier, ni être éloignés du territoire. Ils ont donc vocation à y demeurer, d'autant plus lorsqu'ils sont en formation qualifiante, critère pris en compte ultérieurement à leur majorité pour l'octroi d'un titre de séjour.

Ce facteur d'intégration dans la société française doit donc être pris en compte et valorisé. Votre commission n'a donc pas souhaité revenir sur cette mesure.

Enfin, s'agissant de l'article 26 ter , dans la mesure où votre rapporteur est favorable à la formation des mineurs non accompagnés par la voie de l'apprentissage ou du contrat de professionnalisation, il ne peut que soutenir le principe que l'autorisation de travail qui doit être sollicitée dans ce cadre leur soit accordée de droit .

Néanmoins, il lui semble que cette disposition est déjà satisfaite par les textes législatifs en vigueur .

En effet, comme cela a été indiqué, l'article L. 5211-5 du code du travail prévoit déjà, à son deuxième alinéa, depuis la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie que : « L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. » Ainsi, les mineurs isolés étrangers ne sont nullement exclus de cette disposition.

C'est d'ailleurs ce qu'a confirmé une décision du Conseil d'État rendue par voie d'ordonnance de référé le 15 février 2017 491 ( * ) , statuant sur le cas d'un mineur isolé étranger pris en charge après ses 16 ans par le service de l'aide sociale à l'enfance, à qui une préfecture avait refusé de délivrer une autorisation de travail préalable à l'inscription dans un centre de formation d'apprentis, au motif que l'autorisation de travail était subordonnée à l'obtention d'un titre de séjour et à l'examen de sa situation au regard de l'article L. 313-15 du CESEDA relatif à la délivrance d'une carte de séjour temporaire dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire du mineur.

Dans son analyse, le Conseil d'État rappelle très clairement que les mineurs isolés étrangers confiés au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre 16 et 18 ans « doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France lorsqu'ils sollicitent, pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée », une autorisation de travail, qui doit, en application des dispositions du deuxième alinéa l'article L. 5221-5 du code du travail, « leur être délivrée de plein droit ».

Il ajoute que ne peuvent y faire obstacle ni les conditions d'opposabilité de la situation de l'emploi définies par l'article R. 5221-22 du code du travail, ni l'examen de la demande au regard des conditions posées par l'article L. 313-5 du CESEDA relatif à la délivrance d'un titre de séjour à sa majorité et alors que, justement, l'une des conditions de la délivrance ultérieure d'un titre de séjour sur le fondement de cet article est le suivi par l'intéressé d'une formation avant sa majorité.

Le Conseil d'État a considéré qu'un refus d'autorisation de travail sur ces fondements constituait une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt supérieur de l'enfant et à l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction 492 ( * ) , affirmée en 2001 par le Conseil constitutionnel 493 ( * ) . Votre rapporteur a également noté que le Conseil constitutionnel avait reconnu, se fondant sur le même alinéa du préambule de la Constitution de 1946, que l'égal accès de tous à la formation professionnelle constituait une exigence constitutionnelle 494 ( * ) .

Cette analyse de votre rapporteur rejoint celle de notre collègue Élisabeth Doineau et de notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy, développée dans leur rapport publié en 2017 au nom de la commission des affaires sociales sur les mineurs non accompagnés, dans lequel ils avaient relevé que certaines préfectures conditionnaient illégalement la délivrance d'autorisation provisoire de travail à des mineurs à la détention d'un titre de séjour ou à l'enclenchement de procédures de demandes, non conformes à l'esprit de la loi . Nos collègues concluaient en disant « qu'en plus d'être illégales, [ces pratiques] placent le mineur dans la situation kafkaïenne d'avoir à produire un titre de séjour pour suivre une formation professionnelle, elle-même condition nécessaire à l'obtention de ce titre de ce séjour » 495 ( * ) .

En conséquence, la mesure proposée à l'article 26 ter étant déjà satisfaite par l'état du droit en vigueur, votre commission, suivant l'avis de son rapporteur, a supprimé l'article 26 ter par un amendement COM-292.

Votre commission a adopté l'article 26 bis ainsi modifié , et a supprimé l'article 26 ter .

Article 26 quater (nouveau) (art. L. 611-6-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Création d'un fichier national biométrique des étrangers déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département

Introduit par votre commission, à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption d'un amendement COM-293 rectifié , l'article 26 quater du projet de loi tend à créer un fichier national biométrique des étrangers ayant sollicité la protection de l'enfance mais qui ont été reconnus majeurs au terme de la procédure prévue par les textes en vigueur.

Les mineurs non accompagnés (MNA), également désignés comme mineurs isolés étrangers (MIE), se définissent comme les jeunes étrangers de moins de 18 ans privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Il est du devoir de la France d'assurer leur prise en charge.

Au titre de leur compétence en matière de protection de l'enfance, les départements sont en première ligne. Les conseils départementaux auraient ainsi effectué plus de 54 000 évaluations sociales, préalable à la confirmation de la minorité. D'après les données du ministère de la justice, presque 15 000 nouveaux mineurs non accompagnés ont été confiés aux départements sur décision judiciaire en 2017 . Le nombre de MNA intégrant les dispositifs de la protection de l'enfance a triplé entre 2014 et 2017 .

Récemment, le rapport d'information du Sénat de notre collègue Élisabeth Doineau et de notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy sur la prise en charge des mineurs non accompagnés 496 ( * ) signalait une situation d'urgence, et proposait plusieurs réformes ambitieuses, dont aucune n'a pour l'instant été mise en oeuvre. Il soulignait notamment que les coûts imposés aux départements lors de la phase d'évaluation de la minorité étaient très supérieurs à la compensation accordée par l'État .

À l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est opposé à l'insertion dans ce texte de mesures, pourtant indispensables, sur les MNA.

De même, un rapport de trois inspections générales de l'État (inspection générale des affaires sociales, inspection générale de l'administration et inspection générale de la justice) et de l'Assemblée des départements de France (ADF) publié cette année 497 ( * ) , met en évidence l'absence d'harmonisation des méthodes d'évaluation d'un département à l'autre . Ce rapport souligne une grande lacune, qui pourrait remettre en cause la soutenabilité du système.

En l'état actuel, une personne reconnue comme majeure dans un département peut être en mesure de solliciter l'accès au dispositif de mise à l'abri, d'évaluation et de prise en charge des MNA dans un ou même plusieurs autres départements . Cette situation n'est pas acceptable et conduit à saturer les dispositifs d'accueil de la protection de l'enfance, au détriment des enfants mineurs, qu'ils soient étrangers ou français.

En conséquence, votre commission a souhaité créer un fichier national biométrique des étrangers qui auront été déclarés majeurs dans le cadre de leur évaluation par un département auprès duquel ils auraient sollicité la protection de l'enfance, reprenant la proposition n° 8 du rapport bipartite des inspections et de l'Assemblée des départements de France précité.

Votre commission a adopté l'article 26 quater ainsi rédigé.

Article 27 - Habilitation à légiférer par ordonnances pour procéder à une nouvelle codification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fusionner les cartes de séjour « salarié » et « travailleur temporaire » et simplifier le régime des autorisations de travail

L'article 27 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour poursuivre trois objectifs :

a) procéder à une nouvelle codification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

b) créer un titre de séjour regroupant les actuelles cartes « salarié » et « travailleur temporaire » ;

c) simplifier le régime des autorisations de travail pour certaines entreprises.

Le Gouvernement disposerait de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi pour prendre ces ordonnances. Un projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de leur publication.

Ayant souhaité réduire le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances, votre commission a également diminué son délai de vingt-quatre à dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi (amendement COM-260 du rapporteur) .

1. Procéder à une nouvelle codification du CESEDA

Créé par l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 498 ( * ) , le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est modifié tous les deux ans en moyenne 499 ( * ) , souvent de manière substantielle 500 ( * ) .

Au fil des modifications, le CESEDA a perdu en cohérence , ce qui est source de difficultés dans sa mise en oeuvre. Le texte transmis au Sénat risque, d'ailleurs, d'accroître cette complexité, comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis du 15 février 2018 501 ( * ) .

Dans ce contexte, l'article 27 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour « recodifier » le CESEDA afin « d'en aménager le plan, d'en clarifier la rédaction et d'y inclure les dispositions d'autres codes ou non codifiées, relevant du domaine de la loi et intéressant directement l'entrée et le séjour des étrangers en France ». Cet effort de codification pourrait par exemple permettre d'inclure le statut et les missions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans le CESEDA, alors qu'ils relèvent aujourd'hui du code du travail 502 ( * ) .

Cette « nouvelle codification » serait effectuée à droit constant , « sous réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du droit, remédier aux erreurs et insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet ».

Le Gouvernement n'a pas repris la proposition du Conseil d'État visant à ajouter au périmètre de l'habilitation un objectif de simplification du CESEDA 503 ( * ) . En tout état de cause, il semble difficile de concilier une « recodification » du CESEDA à droit constant, d'une part, et une simplification des procédures, d'autre part.

2. La création d'un titre de séjour regroupant les actuelles cartes « salarié » et « travailleur temporaire »

2.1. Des titres de séjour réformés en 2016

Prévues à l'article L. 313-10 du CESEDA, les cartes de séjour « salarié » et « travailleur temporaire » ont été entièrement réformées par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 504 ( * ) .

D'une durée maximale d'un an, la carte de séjour « salarié » est délivrée aux étrangers recrutés en contrat de travail à durée indéterminée ( CDI ) dans une entreprise française.

À l'expiration de ce délai d'un an, deux cas de figure sont possibles :

- si l'étranger a conservé son emploi , il obtient une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans et peut ensuite solliciter une carte de résident après cinq années de résidence régulière en France ;

- s'il se trouve involontairement privé d'emploi , sa carte de séjour est automatiquement prolongée d' une année supplémentaire ; s'il n'a pas retrouvé d'emploi lors du renouvellement suivant, sa carte est prolongée jusqu'à expiration de ses droits d'assurance chômage.

Le parcours migratoire type d'un étranger recruté en CDI

Source : commission des lois du Sénat.

La carte de séjour « travailleur temporaire » s'adresse aux étrangers recrutés en contrat à durée déterminée (CDD) par une entreprise française ou dans le cadre d'un détachement 505 ( * ) .

Elle est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou de détachement, dans la limite d'un an . Elle est ensuite renouvelée pour la durée du contrat de travail ou du détachement restant à courir.

Contrairement à la carte de séjour « salarié », la carte de séjour « travailleur temporaire » ne donne pas accès au titre de séjour pluriannuel de quatre ans. Elle n'est pas prolongée en cas de perte involontaire d'emploi .

Le parcours migratoire type d'un étranger recruté en CDD ou en détachement

(exemple d'un salarié recruté pour trois ans)

Source : commission des lois du Sénat.

En 2017, 17 237 cartes de séjour « salarié » et 1 882 cartes « travailleur temporaire » ont été délivrées.

2.2. La création, par ordonnances, d'un titre de séjour unique

D'après l'étude d'impact, les cartes de séjour « salarié » et « travailleur temporaire » soulèvent deux difficultés 506 ( * ) :

- l'absence de prolongation du séjour des bénéficiaires de la carte « travailleur temporaire » en cas de perte involontaire d'emploi ;

- des « difficultés d'application dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail ». En effet, « la circulaire du 12 novembre 2012 507 ( * ) prévoyait la délivrance d'une carte “salarié” pour les étrangers justifiant d'une embauche de 12 mois ou de 8 mois de travail sur les 12 prochains mois pour les intérimaires », ce qui n'est plus possible aujourd'hui lorsque l'étranger est recruté en CDD.

Deux ans après la réforme de mars 2016, l'article 27 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour créer une carte de séjour unique, regroupant les titres « salarié » et « travailleur temporaire » .

L'exécutif envisage notamment d'ouvrir la prolongation du droit au séjour aux étrangers en CDD perdant involontairement leur emploi.

2.3. L'absence d'étude d'impact sérieuse et des risques importants de détournement

D'après l'étude d'impact, l'analyse de cette mesure « interviendra lors de l'évaluation préalable du projet d'ordonnance ». Le Gouvernement précise simplement que « l'avantage attendu est une simplification du régime juridique de ces salariés au regard du droit au séjour et donc une simplification tant pour l'étranger lui-même que pour les agents chargés de l'examen des demandes de titres de séjour ».

Face à ce manque de précision, votre commission a adopté l'amendement COM-261 de son rapporteur supprimant cette partie de l'habilitation à légiférer par ordonnances.

En effet, permettre aux titulaires d'un CDD, même de courte durée, de se maintenir en France pendant au moins un an après l'expiration de leur contrat et d'accéder à la carte de séjour pluriannuelle pourrait compliquer davantage les procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

En outre, au regard de leur importance, les titres de séjour de l'immigration pour motif économique doivent faire l'objet d'un débat spécifique devant le Parlement .

3. La simplification des autorisations de travail

3.1. Les autorisations de travail des étrangers

Un étranger sollicitant une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » doit présenter à la préfecture un contrat de travail homologué par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ( DIRECCTE ) 508 ( * ) , sauf lorsque la durée de l'activité est inférieure à trois mois et concerne l'un des domaines dont la liste est fixée par décret 509 ( * ) .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les DIRECCTE ont accordé 38 550 autorisations de travail à des étrangers en 2017, pour 6 600 refus .

Les DIRECCTE refusent l'homologation du contrat de travail si la « situation de l'emploi » dans le secteur d'activité et le bassin de vie concernés est trop tendue 510 ( * ) . En d'autres termes, le contrat n'est pas homologué lorsque le chômage est trop élevé .

Par dérogation, la situation de l'emploi n'est pas opposable à un étranger qui souhaite exercer son activité dans « un métier ou une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement » (« métiers sous tension ») . Dans une telle hypothèse, les DIRECCTE ne peuvent pas refuser d'homologuer le contrat au motif d'un taux de chômage trop important.

La liste des « métiers sous tension » est fixée par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives. Elle comporte par exemple le métier d'informaticien expert en Alsace ou de technicien de vente à distance en Provence-Alpes-Côte d'Azur 511 ( * ) .

Cette liste n'a pas été actualisée depuis 2008 , ce qui conduit à douter de son adaptation aux réalités économiques, comme votre rapporteur l'a déjà souligné en 2016 512 ( * ) .

En 2011, le Gouvernement avait proposé de réduire le périmètre des « métiers sous tension » à quatorze professions, ce qui aurait permis d'opposer la situation de l'emploi dans un plus grand nombre de cas. Son arrêté a toutefois été censuré par le Conseil d'État, pour un motif d'ordre procédural (irrégularités dans la procédure de consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés) 513 ( * ) .

3.2. Une volonté de modifier par ordonnances le régime des autorisations de travail

D'après l'étude d'impact, un délai de trois à quatre mois est nécessaire pour recruter un travailleur étranger primo-arrivant , qu'il arrive depuis son pays d'origine (« introduction ») ou qu'il soit déjà présent sur le territoire national (« admission exceptionnelle au séjour par le travail »).

Ce délai ne permettrait « pas de proposer une procédure de gestion des dossiers de recrutement de salariés étrangers adaptée aux exigences économiques des entreprises et employeurs qui, en raison de leur activité et de leur organisation, justifient un recours régulier et récurrent à la mobilité internationale ou à des intégrations de salariés étrangers faute de salariés français ou européens disponibles sur le marché du travail national » 514 ( * ) .

Dès lors, l'article 27 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour « simplifier le régime des autorisations de travail pour le recrutement de certaines catégories de salariés par des entreprises bénéficiant d'une reconnaissance particulière par l'État » .

Concrètement, l'État désignerait certaines sociétés qui bénéficieraient d'une procédure simplifiée pour le recrutement de travailleurs étrangers (moins de pièces exigées, délais d'instruction réduits, etc .).

3.3. La contre-proposition de votre commission

Comme précédemment, cette mesure n'a pas fait l'objet d'une évaluation sérieuse et votre commission l'a donc supprimée (amendement COM-262 du rapporteur) .

L'étude d'impact précise simplement que son analyse complète « interviendra lors de l'évaluation préalable du projet d'ordonnance » 515 ( * ) .

De même, une réflexion globale sur l'accueil des travailleurs étrangers en France semble préférable à une ordonnance .

Dans ce contexte, votre commission a privilégié une mesure à la fois simple et concrète : le réexamen, au moins tous les deux ans, des « métiers sous tension ».

Il convient, en effet, de réactualiser la liste de 2008 dans les meilleurs délais pour mieux identifier les « métiers tendus » et mieux organiser l'immigration de nature économique. Cette réévaluation semble en effet nécessaire pour mener une politique migratoire à la fois cohérente et structurée.

Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié .

CHAPITRE III - DISPOSITIONS DIVERSES EN MATIÈRE DE SÉJOUR

Le chapitre III du titre III du projet de loi comprend diverses dispositions relatives au droit au séjour des étrangers en France .

Il tend à modifier le régime juridique de plusieurs titres de séjour portant les mentions « visiteur » (article 28) , « transfert temporaire intragroupe » (article 29) et « vie privée et familiale » (articles 30 et 31) .

Il vise ensuite à sécuriser le séjour des victimes de violences conjugales ( articles 32 et 33) et des compagnons d'Emmaüs (article 33 ter ) .

Enfin, ce chapitre propose de revoir le contenu du rapport annuel sur les étrangers en France (article 33 bis ) et de préciser les conditions de scolarisation des élèves étrangers (article 33 quater ) .

Article 28 (art. L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Renforcement des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire « visiteur »

L'article 28 du projet de loi vise à renforcer les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur ».

Dans son avis, le Conseil d'État n'a pas formulé d'observation sur cet article 516 ( * ) .

1. La carte de séjour temporaire « visiteur »

Régie par l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), la carte de séjour temporaire « visiteur » est délivrée par les préfectures aux étrangers qui remplissent les trois conditions cumulatives suivantes :

- séjourner en France pendant une durée supérieure à trois mois 517 ( * ) ;

- n'exercer aucune activité professionnelle ;

- prouver sa capacité à vivre de ses « seules ressources » . En l'état du droit, cette condition de ressources est précisée par l'article R. 313-6 du CESEDA, qui exige la transmission de pièces démontrant que l'étranger dispose de « moyens suffisants d'existence ».

La carte de séjour temporaire « visiteur » est délivrée pour une durée d 'un an renouvelable . N'ayant pas vocation à s'installer durablement en France, son titulaire n'a pas accès à la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans et n'est pas éligible au contrat d'intégration républicaine (CIR) 518 ( * ) .

En 2017, les préfectures ont délivré 5 553 cartes de séjour temporaire « visiteur », ce qui représente une baisse de 30 % par rapport à l'exercice 2016 .

Délivrance de la carte de séjour temporaire « visiteur »

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

7 216

7 214

7 224

7 621

7 658

7 790

7 952

5 533

Source : étude d'impact du projet de loi, p. 217.

2. Des conditions de délivrance renforcées

L'article 28 du projet de loi vise à renforcer les critères de délivrance de la carte de séjour temporaire « visiteur ».

En premier lieu, le montant des ressources exigées serait précisé dans le CESEDA afin d'harmoniser les critères de délivrance de ce titre de séjour : un étranger devrait justifier de ressources au moins égales au salaire minimum de croissance (SMIC) net annuel, soit environ 14 050 euros par an. Les prestations familiales, l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et le revenu de solidarité active (RSA) ne seraient pas pris en compte dans ce calcul.

Comme le rappelle notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale, « cette condition (de ressources) est la reprise de celle exigée pour la carte de résident portant la mention résident de longue durée-UE (article L. 314-8 du CESEDA) » 519 ( * ) .

En second lieu, l'étranger devrait prouver qu'il dispose d'une assurance maladie couvrant la durée de son séjour .

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-263 de son rapporteur et l'article 28 ainsi modifié .

Article 29 (art. L. 313-7-2 et L. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Renforcement des conditions de délivrance des titres de séjour « ICT »

L'article 29 du projet de loi vise à renforcer les conditions de délivrance des cartes de séjour « ICT » (« Intra-Corporate Transfer » ou « transfert temporaire intragroupe »).

Transposant la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014 520 ( * ) , la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 521 ( * ) a créé deux nouveaux titres de séjour :

- une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention « stagiaire ICT » (article L. 313-7-2 du CESEDA) ;

- une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de trois ans maximum portant la mention « salarié détaché ICT » (article L. 313-24 du même code).

Des titres de séjour similaires sont octroyés aux membres de leur famille .

Ces transferts intragroupes correspondent par exemple à l'hypothèse où un citoyen américain travaille pour une société multinationale (« société mère ») et se rend en France pour effectuer un stage ou une mission temporaire dans une filiale française. Le stagiaire ou le salarié conserve son contrat dans la société mère, qui le détache dans sa filiale française . Le salarié « ICT » se distingue donc du salarié en mission, qui conclut un contrat avec l'entreprise française 522 ( * ) .

L'objectif de ce dispositif est de favoriser « les mouvements des cadres, experts et employés stagiaires des (...) filiales des entreprises multinationales, temporairement réaffectés pour des missions de courte durée à d'autres unités de leur entreprise » 523 ( * ) .

Afin de renforcer l'attractivité du territoire européen depuis les pays tiers , les titulaires de titres « ICT » bénéficient de facilités pour être rejoints par les membres de leur famille ou se déplacer au sein de l'Union européenne (voir infra ).

1 639 titres de séjour « ICT » ont été délivrés en 2017 (première année d'application du dispositif), sans qu'il soit possible de distinguer la part des stagiaires et celle des salariés 524 ( * ) .

L'article 29 du projet de loi vise à parfaire la transposition de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014 . Comme le souligne notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure de l'Assemblée nationale, « modifier si rapidement un dispositif si récent peut surprendre, mais l'étude d'impact indique que des suspicions de détournement ont été signalées en 2017 par quelques consulats (introduction de travailleurs salariés déguisés en détachements ; qualification d'experts douteux, etc .). Il s'agit donc d'utiliser les marges de manoeuvre prévues par la directive afin de prévenir l'utilisation frauduleuse de ce dispositif » 525 ( * ) .

Dans son avis, le Conseil d'État n'a pas formulé d'observation sur cet article 526 ( * ) .

1. Les stagiaires « ICT »

1.1. Une carte de séjour temporaire d'un an

Un stagiaire « ICT » obtient une carte de séjour temporaire d'une année 527 ( * ) , qui ne donne pas accès à la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans 528 ( * ) .

Le CESEDA préciserait désormais que ce titre de séjour temporaire n'est pas renouvelable , conformément à l'article 12 de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014.

Pour en bénéficier, un étranger doit aujourd'hui remplir quatre conditions cumulatives :

- se rendre sur le territoire national pour effectuer un stage dans une entreprise du même groupe que la société mère ;

- disposer de « moyens suffisants » ;

- justifier d'un diplôme de l'enseignement supérieur ;

- travailler depuis au moins trois mois dans la multinationale .

L'article 29 du projet de loi apporterait trois modifications à l'article L. 313-7-2 du CESEDA afin de durcir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire « stagiaire ICT ».

En premier lieu, il préciserait que ce titre de séjour est destiné aux étrangers résidant dans un pays tiers hors de l'Union européenne (États-Unis, Canada, etc .), reprenant ainsi l'esprit de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014.

En deuxième lieu, le stagiaire « ICT » devrait justifier d' une ancienneté de six mois dans son groupe d'entreprises, contre trois mois aujourd'hui . S'inspirant de l'exemple allemand, cette durée serait conforme à l'article 5 de la directive 2014/66/UE 529 ( * ) .

En dernier lieu, un délai de six mois serait imposé entre la fin d'un premier transfert temporaire intragroupe en France et une seconde demande de stage sur le territoire national (« délai de carence ») , ce qu'autorise l'article 12 de cette même directive.

1.2. Un dispositif spécifique pour les membres de la famille

En l'état du droit, les membres de la famille du « stagiaire ICT » obtiennent aujourd'hui une carte de séjour temporaire « stagiaire ICT (famille) » , qui donne accès à l'exercice d'une activité professionnelle.

Sa durée est égale à la période de validité restant à courir pour le titre de séjour du stagiaire « ICT ». Cette procédure est plus simple que le regroupement familial : à titre d'exemple, le « stagiaire ICT » n'a pas à justifier d'une condition de séjour en France 530 ( * ) .

La carte « stagiaire ICT (famille) » est aujourd'hui délivrée au conjoint du stagiaire ainsi qu'à ses enfants entrés mineurs en France.

L'article 29 du projet de loi prévoit de l'étendre aux « enfants du couple » , notion qui inclut les enfants du conjoint (article 19 de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014) 531 ( * ) .

1.3. Une mobilité facilitée à l'intérieur de l'Union européenne

Dans une logique d'attractivité du territoire, le régime « ICT » permet aux ressortissants d'un pays tiers de se rendre dans plusieurs États de l'Union européenne pour y effectuer un stage.

Aussi, un stagiaire d'une multinationale américaine peut-il travailler en Allemagne (« premier État membre » au sens de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014) puis en France (« deuxième État membre »), dans le cadre de procédures simplifiées.

Le droit communautaire distingue plus précisément :

- la mobilité de longue durée (plus de 90 jours) : le stagiaire et les membres de sa famille, qui doivent justifier de « ressources suffisantes », obtiennent un nouveau titre de séjour dans le deuxième État (cartes de séjour temporaire « stagiaire mobile ICT » 532 ( * ) et « stagiaire mobile ICT (famille) » 533 ( * ) ) ;

- la mobilité de courte durée (90 jours ou moins) : le stagiaire peut exercer son activité dans un autre pays européen avec le titre de séjour « ICT » accordé par le « premier État ». Le « deuxième État » (la France en l'occurrence) n'a pas vocation à lui délivrer de titre de séjour.

L'article 29 du projet de loi vise à compléter ce dispositif de mobilité de courte de durée : l'entreprise établie dans le premier État (soit l'Allemagne dans l'exemple précédent) devrait notifier cette mobilité à la France . Autorisée par l'article 21 de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014, cette mesure tend à mieux contrôler les flux de stagiaires « ICT ».

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l'amendement COM-264 imposant aux stagiaires « ICT » de disposer d'une assurance maladie , comme le prévoient les articles 5 et 22 de la directive.

Cet amendement permet également d'améliorer la lisibilité du CESEDA : il distingue plus nettement la délivrance d'une carte « ICT » en France, d'une part, et la mobilité de courte durée depuis un autre État européen, d'autre part.

2. Les salariés détachés « ICT »

2.1. Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée de trois ans maximum

§ Le dispositif en vigueur et le projet de loi

Un salarié d'une entreprise multinationale peut se rendre dans une filiale située en France.

Il obtient une carte de séjour pluriannuelle « ICT » pour une durée maximale de trois ans 534 ( * ) . Le CESEDA préciserait désormais que ce titre de séjour temporaire n'est pas renouvelable , conformément à l'article 12 de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014.

Pour en bénéficier, un étranger doit aujourd'hui remplir trois conditions cumulatives :

- venir en France pour y effectuer un « transfert intragroupe » dans une filiale de la société mère ;

- occuper un poste d' encadrement supérieur ou d' expert ;

- justifier d'une ancienneté dans la société d'au moins trois mois.

Comme pour les stagiaires « ICT », l'article 29 du projet de loi tend à rappeler que la carte de séjour « salarié détaché ICT » s'adresse aux étrangers résidant hors de l'Union européenne.

En outre, un « délai de carence » de six mois serait imposé entre la fin d'un premier et un second transfert intragroupe.

Le salarié « ICT » devrait justifier d'une ancienneté de six mois dans la société mère, contre trois mois actuellement . Cette durée resterait toutefois inférieure au plafond de douze mois prévu par l'article 5 de la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014.

§ Les apports de votre commission

Pour diminuer les risques de détournement du dispositif « salarié détaché ICT », votre commission a mis en oeuvre les outils prévus par la directive 2014/66/UE du 15 mai 2014 (amendement COM-265 du rapporteur) en exigeant :

- une ancienneté dans l'entreprise multinationale d'au moins douze mois (contre trois mois en l'état du droit et six mois dans le projet de loi) ;

- des moyens d'existence suffisants ;

- et une assurance maladie couvrant la durée du séjour en France.

2.2. Un dispositif spécifique pour les membres de la famille

Les membres de la famille du salarié détaché « ICT » obtiennent une carte de séjour temporaire « salarié détaché ICT (famille) » 535 ( * ) , qui donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

Comme pour les stagiaires « ICT », l'article 29 du projet de loi tend à étendre ce dispositif aux enfants du conjoint du salarié détaché « ICT » .

2.3. Une mobilité facilitée à l'intérieur de l'Union européenne

Un salarié détaché « ICT » peut travailler dans plusieurs pays d'Europe :

- soit dans le cadre d'une mobilité de longue durée (plus de 90 jours), qui nécessite la délivrance d'un titre de séjour dans le deuxième État d'accueil (la France par exemple).

En France, le titre de séjour « salarié détaché mobile ICT » est délivré pour une durée identique à celle de la mission remplie par l'étranger, dans la limite d'une durée maximale de trois ans diminuée des durées de séjour effectuées dans d'autres États membres.

Dans la même logique que précédemment, votre commission a exigé que l'étranger justifie d'une assurance maladie pour obtenir ce titre de séjour (amendement COM-265 du rapporteur) , ce qu'autorise l'article 22 de la directive précitée ;

- soit dans le cadre d'une mobilité de courte durée (90 jours ou moins), qui ne nécessite pas la délivrance d'un titre de séjour dans le deuxième État d'accueil.

L'article 29 du projet de loi tend à créer un mécanisme de notification pour ce dispositif de mobilité de courte durée . À titre d'exemple, une filiale allemande d'une société mère américaine devrait notifier à la France qu'un de ses salariés détachés « ICT » envisage de travailler pour une filiale française.

Votre commission a adopté l'article 29 ainsi modifié.

Article 30 (art. L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 316, 316-1 à 316-5 [nouveaux] et 2499-1 à 2499-5 [abrogés] du code civil) - Lutte contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation

L'article 30 du projet de loi vise à lutter contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation.

1. Une procédure relativement souple

Le père ou la mère d'un enfant français mineur bénéficie d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » s'il remplit trois conditions cumulatives 536 ( * ) :

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- il ne vit pas en état de polygamie ;

- il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Cette contribution peut prendre plusieurs formes (accueil de l'enfant au quotidien, prise en charge directe de ses frais, pension alimentaire, etc .).

La carte de séjour est délivrée au père ou à la mère de l'enfant pour une durée d'un an. À son expiration, son titulaire bénéficie d'une carte de séjour pluriannuelle de deux ans renouvelable puis, après cinq années de résidence ininterrompue en France, d'une carte de résident de dix ans renouvelable.

Le lien de filiation entre un mineur étranger et ses parents est établi selon les conditions générales du droit civil .

Les conditions générales d'établissement du lien de filiation

Le code civil prévoit trois modes non contentieux d'établissement du lien de filiation .

En premier lieu, la filiation peut résulter de l'effet automatique de la loi , notamment pour la mère qui a accouché de l'enfant (article 311-25 du code civil). En cas de mariage, une présomption de filiation est prévue pour le père : sauf preuve du contraire, « l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari » (article 312 du même code).

En deuxième lieu, la filiation peut être établie par reconnaissance : une personne se rend devant un officier de l'état civil ou un notaire pour reconnaître unilatéralement son lien de filiation avec l'enfant (article 316 du même code). Ce cas de figure concerne notamment le père de l'enfant lorsqu'il n'est pas marié avec la mère. En pratique, cette procédure de reconnaissance peut être réalisée avant la naissance reconnaissance prénatale ») ou après reconnaissance après déclaration de naissance ») .

En dernier lieu, la possession d'état permet d'établir un lien de filiation lorsque le parent et l'enfant se comportent déjà comme tels dans la réalité (article 317 du code civil).

Dans toutes ces hypothèses, les liens de filiation peuvent être contestés devant le tribunal de grande instance (voir infra ).

La procédure la plus souple est la reconnaissance de filiation : toute personne peut l'engager devant un officier de l'état civil ou un notaire, y compris les mineurs et les personnes sous tutelle ou curatelle 537 ( * ) , sans qu'aucun lien biologique ne soit requis entre le demandeur et l'enfant. La reconnaissance de l'enfant est toutefois interdite en cas d'inceste ou lorsque l'enfant est placé en vue de son adoption (articles 310-2 et 352 du code civil).

Le droit civil autorise la « reconnaissance de complaisance » 538 ( * ) , c'est-à-dire le cas où la personne qui reconnaît l'enfant n'est pas son père biologique. Comme l'indique l'étude d'impact, « une tradition établie de longue date admet la reconnaissance d'un enfant qui n'est pas le sien, dès lors que cette reconnaissance est motivée par la volonté d'assurer pleinement la responsabilité parentale qui en résulte et qu'elle n'est pas contestée, en particulier par celui qui se prétend le parent véritable » 539 ( * ) .

En contrepartie, l'auteur de la reconnaissance s'engage à assumer les conséquences du lien de filiation (exercice de l'autorité parentale, participation à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, héritage, etc .).

2. La lutte contre les reconnaissances frauduleuses

2.1. Les dispositifs en vigueur

À l'inverse, constitue une reconnaissance frauduleuse « la reconnaissance souscrite par une personne dont l'intention exclusive n'est pas d'assurer à l'égard de l'enfant l'ensemble des obligations résultant du lien de filiation, mais qui est animée par la recherche d'un avantage lié à la qualité de parent d'un enfant français » 540 ( * ) .

Le droit positif comporte déjà des dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation , tant au plan civil que pénal.

En cas de doute, l'officier de l'état civil est invité à rappeler à la personne reconnaissant l'enfant qu'une reconnaissance frauduleuse est pénalement répréhensible .

L'officier de l'état civil informe le parquet des cas litigieux mais a toutefois l'obligation de recevoir une demande de reconnaissance, car il « ne peut, en principe, se faire juge » de sa sincérité 541 ( * ) .

En présence d'une « fraude à la loi », le ministère public peut contester la filiation devant le tribunal de grande instance dans un délai de dix ans. Cette « action en contestation » peut aboutir à l'annulation du lien de filiation, qui est alors réputé n'avoir jamais existé (articles 321 et 336 du code civil).

Aussi, ces dispositifs de droit civil portent-ils sur la contestation d'une reconnaissance de filiation déjà enregistrée .

Seul le département de Mayotte dispose d'un dispositif préventif permettant de mieux identifier d'éventuelles fraudes avant l'enregistrement de la reconnaissance de filiation.

Le dispositif préventif de Mayotte

Entre 2001 et 2005, les reconnaissances de paternité à Mayotte ont été multipliées par six , passant de 882 à 5 423. Or, « de nombreuses reconnaissances intervenaient, non dans l'intérêt de l'enfant, mais dans l'intérêt de ses parents, et en particulier dans l'intérêt financier de l'auteur de la reconnaissance » 542 ( * ) .

En réponse, la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 543 ( * ) a créé un dispositif spécifique à Mayotte permettant de mieux identifier les risques de reconnaissance frauduleuse (actuels articles 2499-2 à 2499-5 du code civil).

En cas « d'indices sérieux laissant présumer que la reconnaissance d'un enfant est frauduleuse », l'officier de l'état civil a l'obligation de saisir le procureur de la République . Celui-ci décide soit d'autoriser la reconnaissance, soit de s'y opposer, soit de sursoir à statuer dans l'attente des résultats de l'enquête. Cette décision peut être contestée devant le tribunal de grande instance de Mayotte puis devant la chambre d'appel.

Le projet de loi vise à étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire national, sous réserve d'ajustements techniques (voir infra ).

Sur le plan pénal, la personne qui reconnaît frauduleusement un enfant est passible de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende pour faux et usage de faux (article 441-1 du code pénal).

Elle peut également être condamnée à cinq ans d'emprisonnement et à 15 000 euros d'amende 544 ( * ) lorsque la reconnaissance avait pour seul objet « d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement » ou « d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française ».

À titre complémentaire, l'intéressé est passible d'une interdiction de séjour de cinq ans maximum, d'une interdiction du territoire français de dix ans maximum ou à titre définitif ou encore d'une interdiction d'exercer , pour cinq ans maximum, l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise (articles L. 623-1 et L. 623-2 du CESEDA).

Enfin, le préfet retire le titre de séjour d'une personne qui l'aurait obtenu en établissant un lien frauduleux de filiation (article L. 313-5-1 du même code).

2.2. Des fraudes persistantes

D'après l'étude d'impact, les tentatives de fraude persistent : « en 2016, 133 reconnaissances frauduleuses de paternité ont été contestées par le ministère public , conduisant à l'annulation du lien de filiation dans la quasi majorité des affaires ».

En 2015, les préfectures ont recensé 663 tentatives de fraude concernant les parents d'un enfant français, dont « les deux tiers se fondaient sur une reconnaissance frauduleuse du lien de filiation, en augmentation de 22 % par rapport à 2014. Ainsi, compte tenu de la sous-comptabilisation des détections et des difficultés de détections, on peut considérer que le taux de fraude sur ces titres (de séjour) se situe entre 10 et 20 % des 12 000 demandes annuelles » 545 ( * ) .

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST) a démantelé vingt-et-une filières de ce type en 2017 . De même, des tentatives de fraude sont fréquemment constatées en Guyane : à titre d'exemple, la police aux frontières a poursuivi en mai 2018 un Français qui avait reconnu neuf enfants, sans les avoir jamais rencontrés.

Dans la plupart des affaires, un homme français reconnaît de manière frauduleuse un enfant étranger, qui obtient alors la nationalité française (« droit du sang »). La mère de l'enfant se voit ensuite délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » en tant que « parent d'un enfant français ».

De manière moins fréquente, des femmes françaises acceptent qu'un ressortissant étranger reconnaisse leur enfant et puisse prétendre à un titre de séjour, sous réserve de contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

3. Le renforcement des dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de filiation

L'article 30 du projet de loi tend à renforcer ces dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation en :

a) durcissant les conditions de délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale » aux parents d'enfants français ;

b) imposant la transmission d'un document d'identité et d'un justificatif de domicile ou de résidence pour les demandes de reconnaissance ;

c) créant un dispositif préventif d'alerte pour éviter, en amont, des reconnaissances frauduleuses.

Ces deux dernières mesures auraient vocation à s'appliquer à toute personne souhaitant reconnaître un enfant, qu'elle soit de nationalité française ou étrangère .

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État n'a émis aucune objection sur cet article 546 ( * ) .

3.1. Le durcissement des conditions d'admission au séjour des parents d'enfants français

Les conditions d'admission au séjour du parent d'un enfant français seraient renforcées (article L. 313-11 du CESEDA).

Lorsqu'il sollicite un titre de séjour, le parent devrait désormais démontrer qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (état du droit) mais également, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance, que l'autre parent en fait de même (projet de loi) .

À titre d'exemple, si un père français reconnaissait un enfant (auteur de la reconnaissance) 547 ( * ) , la mère étrangère devrait démontrer qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

D'après notre collègue Élise Fajgeles, rapporteure de l'Assemblée nationale, « cette disposition est justifiée par l'intérêt supérieur de l'enfant, afin d'éviter des reconnaissances en paternité qui ne s'accompagneraient pas d'un engagement pérenne de subvenir à ses besoins et à son éducation » 548 ( * ) .

Avec l'avis favorable de sa rapporteure, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de séance de notre collègue députée Élodie Jacquier-Laforge (Mouvement démocrate et apparentés), sous-amendé par le Gouvernement.

Cet amendement précise que le parent qui sollicite un titre de séjour (la mère dans l'exemple précédent) pourrait démontrer que le second parent (le père dans l'exemple précédent) contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant en produisant « une décision de justice ou un titre exécutoire » . Il s'agit de répondre aux difficultés de « la mère de l'enfant (qui) n'a pas maintenu les liens avec le père (français) en raison d'une situation indépendante de sa volonté » 549 ( * ) et qui peut par exemple se prévaloir d'une pension alimentaire.

Même en l'absence de décision de justice ou de titre exécutoire, le droit au séjour du parent de l'enfant français s'apprécierait « au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant », ce qui laisserait une relative souplesse dans l'application de cette disposition.

À l'initiative du Gouvernement, votre commission a supprimé la possibilité de produire un titre exécutoire pour démontrer qu'un parent contribue effectivement à l'éducation de l'enfant ( amendement COM-184 ). Il apparaît en effet que « les demandeurs qui ont recours à des reconnaissances frauduleuses aux seules fins d'obtenir un titre pourraient s'entendre avec le parent auteur de la reconnaissance pour faire homologuer un accord fictif et ainsi ne plus avoir à justifier de la contribution effective du parent français à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. À l'inverse, les demandeurs de bonne foi qui ne pourraient pas trouver d'accord avec le parent défaillant ne pourraient pas bénéficier de cette condition » 550 ( * ) .

3.2. Documents à transmettre pour reconnaître un enfant

En l'état du droit, la personne qui reconnaît un enfant n'a pas l'obligation de transmettre un document d'identité et une attestation de domicile ou de résidence à l'officier de l'état civil , contrairement au droit applicable au mariage et au pacte civil de solidarité (PACS) 551 ( * ) .

Désormais, ces deux documents devraient être transmis (article 316 du code civil).

Les personnes sans domicile fixe pourraient produire une attestation d'élection de domicile auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou d'un organisme agréé par l'État 552 ( * ) .

3.3. Un nouveau dispositif d'alerte préventive

Enfin, un dispositif d'alerte serait créé pour prévenir les reconnaissances frauduleuses de filiation (nouveaux articles 316-1 à 316-5 du code civil) 553 ( * ) .

Il reprendrait, sous réserve d'ajustements, le mécanisme applicable à Mayotte depuis 2006. Il s'inspirerait également du dispositif de prévention des mariages de complaisance (article 175-2 du même code), reconnu conforme à la Constitution 554 ( * ) .

§ L'engagement de la procédure d'alerte (nouvel article 316-1 du code civil)

Cette nouvelle procédure d'alerte serait lancée par l'officier de l'état civil lorsque des « indices sérieux » laissent présumer que la reconnaissance de filiation est frauduleuse. L'officier de l'état civil pourrait entendre en audition l'auteur de la reconnaissance de filiation afin d'obtenir des informations complémentaires.

Comme votre rapporteur l'indiquait en 2006 concernant le dispositif mahorais, « chaque situation devrait appeler une appréciation individuelle circonstanciée et une analyse concrète de chaque cas signalé ainsi que la réunion d'un faisceau d'indices concordants ». Constitueraient par exemple des « indices sérieux » de fraude : « l'aveu de l'auteur de la reconnaissance ou de l'autre parent sur les véritables motivations de cette démarche (...) ; l'existence d'une contrepartie financière ; l'existence d'une faible différence d'âge entre l'auteur de la reconnaissance et l'enfant reconnu ; la multiplicité des reconnaissances souscrites par un même auteur ; la production de pièces ou documents falsifiés, erronés ou mensongers » 555 ( * ) .

De manière complémentaire, les systèmes d'information du ministère de l'intérieur pourraient bientôt permettre d'identifier les reconnaissances multiples de filiation et donc des tentatives de fraude 556 ( * ) .

Si ses doutes se confirmaient, l'officier de l'état civil saisirait le procureur de la République avant d'en informer l'auteur de la reconnaissance de filiation.

§ La décision du procureur de la République (nouvel article 316-1 du code civil)

Le procureur de la République disposerait de quinze jours à compter de sa saisine pour prendre l'une des trois décisions suivantes :

a) laisser l'officier de l'état civil enregistrer la reconnaissance de filiation, lorsque son authenticité n'est pas remise en cause ;

b) s'opposer à cette reconnaissance , si la fraude semble avérée ;

c) sursoir à statuer dans l'attente d'une enquête .

Ce sursis à statuer n'excéderait pas un délai d'un mois, renouvelable une fois par une décision spécialement motivée. Il serait toutefois porté à deux mois renouvelables une fois lorsque l'enquête est « menée, en totalité ou en partie, à l'étranger par l'autorité diplomatique ou consulaire ».

En toute hypothèse, cette décision du procureur de la République pourrait être contestée devant le tribunal de grande instance puis devant la cour d'appel, qui disposeraient de dix jours chacun pour statuer.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a précisé que ce recours pouvait être déposé par l'auteur de la reconnaissance de filiation, même lorsqu'il est mineur (le droit civil autorisant les mineurs à reconnaître un enfant) (amendement COM-266) .

À l'expiration du sursis à statuer, le procureur de la République devrait rendre une décision motivée précisant s'il s'oppose, ou non, à la reconnaissance de filiation.

§ L'acte d'opposition (nouvel article 316-2 du code civil)

En cas d'opposition du procureur à la reconnaissance de filiation, un acte spécifique serait rédigé par l'officier de l'état civil : l'acte d'opposition . Mentionné sur le registre de l'état civil, ce document ferait obstacle à l'enregistrement de la reconnaissance.

Si un officier de l'état civil enregistrait une reconnaissance ayant fait l'objet d'un acte d'opposition, il s'exposerait à une amende de 3 000 euros et à des dommages-intérêts.

Le contenu de l'acte d'opposition

L'acte d'opposition à l'enregistrement d'une reconnaissance de filiation comporterait :

- l'identité de l'auteur de la reconnaissance et de l'enfant concerné. Pour une reconnaissance prénatale, l'acte mentionnerait « toute indication communiquée à l'officier de l'état civil relative à l'identification de l'enfant à naître » ;

- la qualité de l'auteur de l'opposition, les motifs de celle-ci et les dispositions législatives concernées (à peine de nullité de l'acte d'opposition).

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a prévu que l'auteur de la reconnaissance litigieuse soit informé de la décision du procureur de la République de s'opposer à sa demande, ce qui lui permettrait, le cas échéant, de solliciter sa levée devant le tribunal de grande instance (même amendement COM-266) .

§ Mainlevée de l'opposition (nouvel article 316-3 du code civil)

Même lorsqu'elle est mineure, la personne ayant sollicité la reconnaissance de filiation pourrait contester l'acte d'opposition (« demande en mainlevée ») . Le tribunal de grande instance disposerait alors de dix jours pour statuer ; de même pour la cour d'appel.

Un jugement « rendu par défaut », c'est-à-dire en l'absence du défendeur, et admettant l'enregistrement de la reconnaissance, ne pourrait pas être contesté. Comme l'indiquait votre rapporteur à propos de l'exemple mahorais, « cette mesure serait favorable à l'auteur de la reconnaissance contestée par le procureur de la République qui pourrait ainsi plus rapidement faire procéder à l'enregistrement de la reconnaissance » 557 ( * ) .

§ Acte de naissance de l'enfant (nouveaux articles 316-4 et 316-5 du code civil)

Lorsque l'enfant n'est pas encore né, son acte de naissance serait dressé sans mentionner la reconnaissance de filiation litigieuse.

Si la reconnaissance était finalement enregistrée, ses effets sur les règles de dévolution du nom de famille de l'enfant s'appliqueraient rétroactivement à la date de saisine du procureur de la République.

Votre commission a adopté l'article 30 ainsi modifié .

Article 31
(art. L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Modalités de l'échange d'informations médicales pour la procédure « étrangers malades » - Motivation spéciale de la décision du préfet

L'article 31 du projet de loi poursuit deux objectifs :

- préciser les modalités d'échange des informations à caractère médical de la procédure des « étrangers malades » ;

- imposer aux préfets une « décision spécialement motivée » lorsqu'ils refusent, malgré l'avis favorable de l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII), d'admettre au séjour un étranger pour raison de santé.

1. La procédure des « étrangers malades »

1.1. Les critères d'éligibilité

La procédure des « étrangers malades » s'adresse aux personnes qui remplissent les trois conditions cumulatives suivantes :

a) résider habituellement en France . Ce critère est généralement satisfait lorsque l'étranger réside sur le territoire national depuis au moins un an 558 ( * ) ;

b) présenter un état de santé nécessitant une prise en charge médicale « dont le défaut pourrait avoir (...) des conséquences d'une exceptionnelle gravité » . D'après un arrêté du ministre de la santé, cette condition est appréciée au regard de trois critères : degré de gravité de la maladie (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ses conséquences 559 ( * ) ;

c) ne pas « bénéficier effectivement d'un traitement approprié » dans son pays d'origine , « eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé » de ce dernier. Une appréciation in concreto est portée sur chaque cas alors qu'avant 2016 560 ( * ) cette évaluation était réalisée in abstracto (les professionnels de santé constataient, ou non, l'absence du traitement approprié dans le pays d'origine, sans analyser les possibilités pour l'étranger d'y accéder « effectivement »).

« L'étranger malade » obtient une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention « vie privée et familiale ». À son expiration, une carte de séjour pluriannuelle lui est délivrée pour la durée des soins 561 ( * ) .

En 2017, 4 315 cartes de séjour ont été octroyées à des « étrangers malades », soit une baisse de 37 % par rapport à 2016 . Cette tendance s'explique notamment par une meilleure organisation de la procédure (voir infra ).

Nombre de cartes de séjour délivrées à des « étrangers malades »

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données du ministère de l'intérieur.

La plupart des procédures concernent des maladies psychiatriques (23 % des cartes de séjour délivrées en 2015), l'infection par le VIH (13 %), les hépatites (9,5 %) et le diabète (7,5 %).

1.2. Le déroulement de la procédure

La procédure des « étrangers malades » a été récemment réformée . Depuis le 1 er janvier 2017 562 ( * ) , le dispositif est piloté par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) , qui assure une application homogène du droit sur l'ensemble du territoire. Pour statuer, ses médecins disposent par exemple d' une nouvelle base de données, le « système de soins des pays d'origine » , qui référencie les traitements disponibles dans chaque État.

Concrètement, l'étranger qui sollicite un titre de séjour pour raisons de santé se présente d'abord à la préfecture, qui vérifie qu'il réside habituellement en France et l'informe de ses droits. L'étranger consulte ensuite son médecin traitant ou un praticien hospitalier, qui remplit un certificat médical type transmis à un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration .

Ce médecin de l'OFII établit un rapport qu'il remet à un collège de trois médecins de l'office . L'avis du collège médical est transmis au préfet, qui n'a pas accès aux données de santé protégées par le secret médical ni à des éléments susceptibles de révéler la pathologie de l'étranger .

Cet avis du collège médical de l'OFII ne lie pas le préfet : même en cas d'avis positif, ce dernier peut refuser la délivrance du titre de séjour si l'étranger n'a pas sa résidence en France, s'est rendu coupable d'une tentative de fraude ou représente une menace pour l'ordre public.

Des garanties sont apportées tout au long de la procédure pour assurer l'impartialité des médecins de l'OFII : respect du code de déontologie médicale 563 ( * ) , orientations générales fixées par le ministre de la santé et rapport annuel au Parlement sur l'activité du service médical de l'office 564 ( * ) . Enfin, le contrat de travail des médecins stipule que « la hiérarchie administrative à laquelle ils sont soumis ne doit pas faire obstacle à leur indépendance professionnelle ».

Procédure des « étrangers malades »

Source : commission des lois du Sénat.

2. L'échange d'informations à caractère médical

2.1. Un échange prévu par le pouvoir règlementaire

L'article L. 1110-4 du code de la santé publique protège le secret médical , « excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi ». Y déroger est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (article 226-13 du code pénal).

Sans disposer de base législative, le pouvoir règlementaire a toutefois aménagé le secret médical des « étrangers malades » (article R. 313-23 du CESEDA) : les médecins de l'OFII peuvent directement solliciter le médecin traitant ou le praticien hospitalier de l'intéressé pour obtenir des informations complémentaires.

En l'état du droit, la possibilité pour l'étranger de s'opposer à cet échange d'informations reste incertaine : elle est implicitement reconnue par l'arrêté du 27 décembre 2016 565 ( * ) , dont les articles 4 et 7 appellent au respect du secret médical, mais elle n'est pas mentionnée dans le CESEDA.

2.2. La sécurisation de l'échange d'informations

L'article 31 du projet de loi vise à sécuriser cet échange d'informations : « sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale », les médecins de l'OFII pourraient « demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement » de leur mission relative aux « étrangers malades ».

D'après l'étude d'impact, « cette possibilité de transmission des informations médicales entre le médecin de l'OFII et le médecin ou le praticien qui suit l'étranger malade, s'avère nécessaire, sauf à paralyser la procédure par manque d'informations indispensables et à rendre impossibles l'établissement du rapport médical et, par suite, l'émission de l'avis par le collège de médecins ainsi que la prise de la décision sur le droit de séjour par le préfet ».

Certes, cette disposition déroge au secret médical , que le Conseil constitutionnel rattache au droit à la vie privée. Ce droit peut toutefois être concilié avec d'autres exigences constitutionnelles , comme l'équilibre des comptes de la sécurité sociale 566 ( * ) .

En outre, le droit positif prévoit déjà de nombreuses dérogations au secret médical , notamment pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente d'une personne 567 ( * ) .

3. Un nouveau cas de « décision spécialement motivée » du préfet

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Gabriel Attal (La République en Marche) pour prévoir que le préfet se prononce par une « décision spécialement motivée » lorsqu'il ne suit pas l'avis du collège médical de l'OFII 568 ( * ) .

D'après l'auteur de l'amendement, « des cas de non-respect de l'avis du service médical de l'OFII par l'autorité administrative ont été constatés dans certaines préfectures, où des expulsions après avis contraire de l'OFII ont été documentées par plusieurs associations ».

En tout état de cause, le pouvoir d'appréciation du préfet reste limité dans la procédure « étrangers malades » . Certes, l'avis du collège médical de l'OFII ne lie pas le préfet. Ce dernier n'a toutefois pas accès aux données médicales et seuls des éléments « connexes » peuvent justifier un refus de titre de séjour en cas d'avis favorable des médecins de l'OFII (menace pour l'ordre public, tentative de fraude, etc .).

Votre commission a adopté l'article 31 sans modification .

Article 32 (art. L. 314-8, L. 316-3 et L. 316-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Sécurisation du droit au séjour des victimes de violences conjugales, des victimes de mariages forcés bénéficiant d'un ordonnance de protection et des victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme

L'article 32 du projet de loi tend à sécuriser le droit au séjour des victimes de violences conjugales ou de mariages forcés bénéficiant d'une ordonnance de protection.

1. Ordonnance de protection et droit au séjour

Les articles L. 316-3 et L. 316-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoient un droit au séjour spécifique pour les étrangers bénéficiant d'une ordonnance de protection parce qu'ils sont :

- victimes de violences conjugales exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin ;

- ou menacés d'un mariage forcé 569 ( * ) .

L'ordonnance de protection

Régie par les articles 515-9 à 515-13 du code civil, l'ordonnance de protection est délivrée par le juge aux affaires familiales en raison de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin et mettant en danger la victime ou ses enfants.

L'ordonnance de protection est également octroyée à la personne majeure menacée d'un mariage forcé.

Dans l'attente de l'examen du dossier par le juge pénal, elle vise à interdire à l'auteur présumé des violences ou des menaces d'un mariage forcé de rencontrer la victime.

Prise pour une durée maximale de six mois , l'ordonnance de protection peut être prolongée « si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale ». À défaut, une nouvelle ordonnance peut être prise si les violences ou les menaces d'un mariage forcé persistent.

Les étrangers bénéficiant d'une ordonnance de protection obtiennent une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'une durée d'un an , sauf lorsque leur présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Une fois arrivée à expiration, cette carte de séjour est renouvelée en cas de maintien de l'ordonnance de protection.

Contrairement aux personnes menacées d'un mariage forcé, les victimes de violences conjugales sont dispensées de justifier de leur entrée régulière en France ; leur carte de séjour temporaire leur permet d'exercer une activité professionnelle.

D'après l'étude d'impact, 295 cartes de séjour temporaire ont été délivrées en 2016 aux victimes de violences conjugales et aux étrangers menacés d'un mariage forcé bénéficiant d'une ordonnance de protection (dont 47 en première demande et 248 en renouvellement) .

En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause pour des faits de violences conjugales , une carte de résident peut être délivrée à la victime ayant déposé plainte, pour une durée de dix ans renouvelable. Ces violences sont définies par référence à l'article 132-80 du code pénal, selon lequel « dans les cas respectivement prévus par la loi ou le règlement, les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention sont aggravées lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

Lorsque les violences sont le fait d'un ancien conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, la victime n'a donc pas droit à une carte de résident. De même, cette dernière n'est pas délivrée aux personnes menacées d'un mariage forcé .

Ordonnance de protection et droit au séjour (état du droit)

Violences conjugales

Menaces d'un mariage forcé

Ne pas se voir opposer la condition de régularité du séjour

OUI

NON

Pouvoir exercer une activité professionnelle

OUI

NON

Bénéficier d'une carte de séjour temporaire

OUI

(pendant la durée de l'ordonnance de protection)

OUI

(pendant la durée de l'ordonnance de protection)

Puis bénéficier d'une carte de résident

OUI

(en cas de violences exercées par le conjoint, le concubin ou le partenaire de PACS)

NON

Source : commission des lois du Sénat.

2. La sécurisation du droit au séjour en présence d'une ordonnance de protection

L'article 32 du projet de loi vise à sécuriser le droit au séjour des étrangers bénéficiant d'une ordonnance de protection.

Il comporte trois mesures : l'alignement du droit au séjour des étrangers menacés d'un mariage forcé sur celui des victimes de violences conjugales, le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire lorsqu'une plainte est déposée et la délivrance, également de plein droit, de la carte de résident pour les victimes de violences conjugales.

2.1. L'alignement du droit au séjour des étrangers menacés d'un mariage forcé sur celui des victimes de violences conjugales

Comme pour les victimes de violences conjugales, les étrangers menacés d'un mariage forcé et bénéficiant d'une ordonnance de protection n'auraient plus à justifier de leur entrée régulière en France. De même, leur carte de séjour temporaire les autoriserait à exercer une activité professionnelle.

À l'initiative de notre collègue Martine Berthet, et avec l'avis favorable du rapporteur, votre commission a poursuivi cet effort d'harmonisation en permettant la délivrance d'une carte de résident à une personne menacée d'un mariage forcé et à condition que le coupable soit définitivement condamné par le juge pénal (amendement COM-23 rectifié) .

2.2. Le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire en cas de dépôt de plainte

En l'état du droit, la carte de séjour temporaire d'un étranger victime de violences conjugales ou menacé d'un mariage forcé est renouvelée pendant la durée de l'ordonnance de protection.

Cette disposition soulève toutefois une difficulté pratique, comme l'ont indiqué nos collègues députées Annie Chapelier et Nadia Hai, rapporteures de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes 570 ( * ) . La durée de l'ordonnance de protection étant limitée à six mois 571 ( * ) , le droit au séjour de ces personnes peut être remis en cause au moment de son expiration .

En outre, une nouvelle ordonnance de protection « ne peut être délivrée que si la victime établit de nouveau qu'elle est dans une situation de menace absolue et immédiate, ce qui ne devrait plus être le cas puisque grâce à la première ordonnance (...), elle a dû pouvoir rejoindre une structure à même d'assurer sa sécurité et de l'éloigner de l'auteur des violences ».

Dès lors, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de nos collègues députées Annie Chapelier et Nadia Hai 572 ( * ) imposant le renouvellement de plein droit, même après l'expiration de l'ordonnance de protection, de la carte de séjour temporaire d'un étranger ayant porté plainte pour violences conjugales ou menaces d'un mariage forcé . Ce renouvellement serait possible pendant toute la durée de la procédure pénale .

2.3. La délivrance de plein droit de la carte de résident pour les victimes de violences conjugales

Enfin, l'article 32 du projet de loi vise à prévoir la délivrance automatique d'une carte de résident aux étrangers ayant déposé plainte pour violences conjugales contre leur conjoint, concubin ou partenaire de PACS, après condamnation définitive du mis en cause.

Concrètement, il s'agit de remplacer les mots : « la carte de résident peut être délivrée » par les mots : « la carte de résident est délivrée » .

Le Parlement avait adopté une disposition similaire lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté 573 ( * ) , qui a été censurée par le Conseil constitutionnel pour un motif d'ordre procédural (« cavalier législatif ») 574 ( * ) .

Nos collègues Françoise Gatel et Dominique Estrosi Sassone, rapporteurs, avaient rappelé que « le préfet conservera(it), en tout état de cause, les outils pour refuser la délivrance d'un tel titre de séjour . Il devra(it), dans un premier temps, vérifier que les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont remplies et notamment que la condamnation définitive de la personne mise en cause pour violences conjugales a bien été prononcée. (Il) conserverait, ensuite, la possibilité de refuser la délivrance du titre de séjour si la personne bénéficiaire représente une menace pour l'ordre public ou vit en état de polygamie » 575 ( * ) .

Sur proposition de notre collègue Martine Berthet, et avec l'avis favorable du rapporteur, votre commission a étendu la délivrance de la carte de résident aux victimes de violences perpétrées par un ancien conjoint, concubin ou partenaire de PACS (amendement COM-23) .

Ordonnance de protection et droit au séjour (texte de la commission)

Violences conjugales

Menaces d'un mariage forcé

Ne pas se voir opposer la condition de régularité du séjour

OUI

OUI

Pouvoir exercer une activité professionnelle

OUI

OUI

Bénéficier d'une carte de séjour temporaire

OUI

(pendant la durée de l'ordonnance de protection puis, de plein droit, si une plainte est déposée )

OUI

(pendant la durée de l'ordonnance de protection puis, de plein droit, si une plainte est déposée )

Puis bénéficier d'une carte de résident

OUI, de plein droit

(également en cas de violences exercées par un ancien conjoint, concubin ou partenaire de PACS)

OUI, de plein droit

Source : commission des lois du Sénat

Les modifications par rapport au droit en vigueur sont indiquées en italique.

3. La protection des victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme

Conformément à l'article L. 316-1 du CESEDA, les victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme sont aujourd'hui protégées par :

- l'octroi d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'un an renouvelable, lorsqu'elles déposent plainte, cette carte étant renouvelée pour la durée de la procédure pénale ;

- puis la délivrance d'une carte de résident de dix ans renouvelable, après condamnation définitive du mis en cause.

Votre commission a créé une étape intermédiaire : si la procédure pénale s'avère trop longue, les personnes ayant déposé plainte pourraient bénéficier d'une carte de résident après cinq années de présence en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (amendement COM-185 du Gouvernement).

Votre commission a adopté l'article 32 ainsi modifié .

Article 33 (supprimé) (art. L. 314-5-1 et L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) -Extension du bénéfice du renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire en cas de violences familiales

L'article 33 du projet de loi vise à interdire au préfet de retirer ou de refuser le renouvellement du titre de séjour d'un conjoint en présence de « violences familiales » .

Les trois procédures d'admission au séjour d'un conjoint

Le droit en vigueur prévoit trois procédures pour l'admission au séjour d'un conjoint, suivant la date de l'union et la nationalité de la personne avec laquelle il s'est marié :

a) soit l'étranger est marié avec un ressortissant français depuis trois ans ou moins (article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, CESEDA) ; il bénéficie alors d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'une durée d'un an puis d'une carte de séjour pluriannuelle de deux ans renouvelable et, après cinq ans de présence régulière en France, d'une carte de résident ;

b) soit il est marié avec un ressortissant français depuis plus de trois ans ; il bénéficie alors directement d'une carte de résident de dix ans renouvelable (article L. 314-9 du CESEDA) ;

c) soit cet étranger est marié avec un autre étranger et a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ; il bénéficie alors d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'un an puis d'une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans et, après cinq année de présence régulière en France, d'une carte de résident (articles L. 313-11, L. 411-1 à L. 411-7 et L. 431-1 à L. 431-3 du CESEDA).

Dans ces trois procédures d'admission au séjour du conjoint, le préfet peut retirer le titre de séjour ou refuser son renouvellement lorsque la vie commune entre les époux a été rompue (articles L. 313-12, L. 314-5-1 et L. 431-2 du CESEDA).

Ce principe connaît toutefois des exceptions, notamment si la communauté de vie a été rompue à cause de violences conjugales . Dans cette hypothèse, le préfet n'est pas autorisé à retirer le titre de séjour au conjoint ou à refuser son renouvellement.

Depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 576 ( * ) , le préfet a également l'interdiction de retirer ou de refuser le renouvellement du titre de séjour d' un étranger marié avec un ressortissant français depuis trois ans ou moins (cas a. ci-dessus) lorsque des « violences familiales » sont constatées.

L'article 33 du projet de loi vise à étendre cette garantie aux deux autres hypothèses d'admission au séjour du conjoint (étranger marié à un ressortissant français depuis plus de trois ans, cas b. ci-dessus, et étranger admis au séjour au titre du regroupement familial, cas c. ci-dessus).

Le Parlement avait adopté une disposition similaire lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté 577 ( * ) , qui a été censurée par le Conseil constitutionnel pour un motif procédural (« cavalier législatif ») 578 ( * ) .

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a toutefois supprimé le présent article (amendement COM-267).

Depuis 2016, le Sénat s'est toujours montré très réservé face aux termes de « violences familiales » . En effet, le degré de filiation pris en compte n'étant pas défini, « cette nouvelle notion pourrait concerner les violences commises par les ascendants et descendants, les frères et soeurs, etc . » 579 ( * ) .

En outre, le périmètre des « violences familiales » est plus large que celui du regroupement familial 580 ( * ) ou de l'admission au séjour d'un conjoint de français, ce qui ne semble pas cohérent .

Votre commission a supprimé l'article 33.

Article 33 bis (supprimé) (art. L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Contenu et date de dépôt du rapport annuel
sur la situation des étrangers en France

L'article 33 bis du projet de loi tend à préciser la date de dépôt et le contenu du rapport annuel sur la situation des étrangers en France. Il résulte de l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale de deux amendements de nos collègues députées Laurence Vichnievsky et Isabelle Florennes (Mouvement démocrate et apparentés) 581 ( * ) .

1. Le rapport annuel sur la situation des étrangers en France

Depuis la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 582 ( * ) , le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport annuel sur « les orientations de la politique d'immigration et d'intégration » 583 ( * ) .

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) peuvent y joindre leurs observations 584 ( * ) . Une telle possibilité est également ouverte au Haut Conseil à l'intégration 585 ( * ) , qui ne s'est plus réuni depuis 2012.

Le contenu du rapport est précisé par l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Le contenu du rapport annuel sur la situation des étrangers en France

« Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration.

Ce rapport indique et commente :

a) Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;

b) Le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;

c) Le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié , le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d' apatride , ainsi que celui des demandes rejetées ;

d) Le nombre d' attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées ;

e) Le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;

f) Les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;

g) Les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d'oeuvre étrangère ;

h) Les actions entreprises avec les pays d'origin e pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ;

i) Le nombre de contrats (d'intégration républicaine) ainsi que les actions entreprises au niveau national pour favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière en facilitant notamment leur accès à l'emploi, au logement et à la culture ;

j) Le nombre des acquisitions de la nationalité française ;

k) Le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence .

Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français ».

2. Les précisions apportées par l'Assemblée nationale

En pratique, le rapport sur la situation des étrangers en France est publié tardivement, alors que les données relatives à l'intégration et à l'immigration nécessitent la plus grande transparence .

Ce rapport est « habituellement déposé quinze à seize mois après la fin de l'année sur laquelle portent les informations qu'il contient » 586 ( * ) . Aussi, le rapport sur les données de 2015 n'a-t-il été publié qu'en février 2017 ; celui sur les données de 2016 n'est pas encore disponible .

Dans ce contexte, nos collègues députés ont souhaité que ce rapport soit déposé au Parlement avant le 1 er octobre de chaque année. Par cohérence, il devrait porter sur les « données quantitatives relatives à l'année civile précédente ».

En outre, l'Assemblée nationale a ajouté à son contenu :

- les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration mais également de l'asile ;

- une « évaluation qualitative du respect des orientations fixées par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile » 587 ( * ) ;

- des « projections » concernant la situation migratoire de l'année suivante.

Enfin, le délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés pourrait y joindre ses observations, au même titre que l'OFPRA, l'OFII et le Haut Conseil à l'intégration.

Le délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés

Le décret n° 2018-33 du 22 janvier 2018 a créé un délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés. Ce poste est aujourd'hui occupé par M. Alain Régnier, entendu en audition lors des travaux du rapporteur.

Nommé en conseil des ministres, ce délégué remplit deux missions :

a) apporter son concours à la définition et à l'animation de la politique d'accueil et d'intégration des personnes bénéficiant d'une protection internationale ;

b) coordonner les mesures d'intégration et les programmes de réinstallation depuis les pays tiers.

Lors de son audition, M. Alain Régnier a par exemple mentionné l'octroi de bourses de 500 à 1 000 euros pour financer environ 1 000 micro-projets lancés par des réfugiés, des apatrides ou des bénéficiaires de la protection subsidiaire, en partenariat avec la fondation La France s'engage .

3. La suppression, par coordination, de l'article 33 bis

Votre rapporteur regrette, comme de nombreuses personnes entendues en audition, le manque de transparence des données de l'asile et de l'immigration . Il est ainsi nécessaire que le rapport sur la situation des étrangers en France soit rendu plus rapidement et soit enrichi par de nouvelles informations.

Par coordination avec le nouvel article 1 er A qu'elle a introduit à l'initiative de notre collègue Roger Karoutchi, votre commission a toutefois supprimé l'article 33 bis (amendement COM-268 du rapporteur) . Elle a privilégié l'organisation d'un débat annuel sur la situation migratoire, préparé par un rapport ad hoc permettant de mettre en exergue les objectifs du Gouvernement, les résultats obtenus et les capacités d'accueil du territoire national.

Votre commission a supprimé l'article 33 bis .

Article 33 ter A (nouveau) (art. L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Conditions de l'admission exceptionnelle au séjour

Introduit par votre commission, par l'adoption d'un amendement COM-25 rectifié de notre collègue Roger Karoutchi, l'article 33 ter A du projet de loi vise à durcir les conditions de l'admission exceptionnelle au séjour.

1. L'admission exceptionnelle au séjour

Prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l' admission exceptionnelle au séjour permet au préfet de régulariser le séjour d'étrangers en situation irrégulière, pour lesquels la délivrance d'un titre de séjour « répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels » .

Le titre délivré est une carte de séjour temporaire d'un an, qui porte les mentions «  vie privée et familiale », « salarié » ou « travailleur temporaire ». À son expiration, l'étranger peut obtenir une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans puis une carte de résident de dix ans.

Le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire en matière d'admission exceptionnelle au séjour, comme l'a rappelé le Conseil d'État 588 ( * ) .

La délivrance d'un titre de séjour est toutefois interdite pour les étrangers qui représentent une menace pour l'ordre public ou vivent en état de polygamie. De même, lorsque l'étranger réside en France depuis plus de dix ans, son dossier est soumis à l'avis consultatif de la commission du titre de séjour 589 ( * ) .

Les critères mis en oeuvre par les préfets sont précisés par la « circulaire Valls » du 28 novembre 2012 590 ( * ) . Depuis cette date, les admissions exceptionnelles au séjour sont passées de 23 294 en 2012 à 30 089 en 2017 591 ( * ) , soit une augmentation de 29,17 % en cinq ans.

La « circulaire Valls »

Entrée en vigueur le 3 décembre 2012, la « circulaire Valls » rappelle tout d'abord que les admissions exceptionnelles au séjour des étrangers en situation irrégulière « doivent faire l'objet d'un examen approfondi, objectif et individualisé (...) en tenant compte notamment de leur intégration dans la société française, de leur connaissance des valeurs de la République et de la maîtrise de la langue française ».

Elle prévoit ensuite plusieurs cas d'admission exceptionnelle au séjour, comme par exemple pour :

- les parents d'enfants scolarisés (présents sur le territoire depuis au moins cinq ans, sauf exception) ;

- les étrangers présentant un « talent exceptionnel ou des services rendus à la collectivité (par exemple dans les domaines culturel, sportif, associatif, civique ou économique) ».

2. Le durcissement des règles d'admission exceptionnelle au séjour

La « circulaire Valls » précise qu'exceptionnellement, une résidence en France de moins de cinq ans peut permettre la régularisation d'un étranger en situation irrégulière. De même, une ancienneté de trois ans suffit si l'intéressé exerce une activité professionnelle depuis deux ans.

L'article 33 ter A est plus restrictif : il prévoit qu'une résidence depuis au moins cinq ans sur le territoire français ne saurait justifier, à elle seule, l'admission au séjour des étrangers en situation irrégulière .

Votre commission a adopté l'article 33 ter A ainsi rédigé .

Article 33 ter (art. L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles) - Admission exceptionnelle au séjour des personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires

L'article 33 ter du projet de loi vise à prévoir l'admission exceptionnelle au séjour des personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires, après trois années de présence dans ces organismes. Cette disposition concerne principalement les compagnons d' Emmaüs .

Cet article résulte de l'adoption en séance publique de quatre amendements identiques de nos collègues députés Sophie Auconie (UDI, Agir et Indépendants), Marietta Karamanli (Nouvelle Gauche), Xavier Breton et Vincent Descoeur (Les Républicains), malgré l'avis défavorable du Gouvernement et de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

1. Les organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires

Depuis 2008 592 ( * ) , l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit un statut spécifique pour les organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires .

Agréées par l'État, ces structures ont trois obligations envers les personnes en difficulté qu'elles accueillent : leur fournir « un hébergement décent, un soutien personnel et un accompagnement adapté à leurs besoins (et) un soutien financier leur assurant des conditions de vie dignes ». Elles concluent, pour ce faire, une convention avec l'État précisant « les modalités selon lesquelles le respect des droits des personnes accueillies est garanti ».

En contrepartie, les personnes accueillies participent à un travail d'insertion sociale et professionnelle 593 ( * ) , ce qui distingue les organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

En pratique, deux structures nationales bénéficient de cet agrément : Emmaüs France et l'Union interrégionale des lieux à vivre. En outre, trois agréments ont été délivrés à l'échelle locale par les préfets des départements du Rhône et du Gers et le préfet de police de Paris .

Les compagnons d'Emmaüs

L'association Emmaüs a été créée en 1949 à Neuilly-Plaisance par l'abbé Pierre , après la tentative de suicide d'un ancien bagnard (« Je ne peux rien te donner. Mais, toi qui n'as rien, au lieu de mourir, viens m'aider à aider »).

La France compte 119 communautés Emmaüs , accueillant environ 4 500 compagnons, et 8 600 bénévoles. En 2015, l'association a collecté 285 000 tonnes de marchandises (vêtements, ameublement, etc .), les a remises en état puis les a vendues dans 356 points de vente 594 ( * ) .

Selon ses statuts, quatre principes guident l'action d'Emmaüs : la solidarité, l'accueil inconditionnel 595 ( * ) , l'autonomie par l'activité et le développement durable .

2. La régularisation des étrangers accueillis dans les organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires

La « circulaire Valls » de 2012 mentionne déjà les étrangers accueillis dans les organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires 596 ( * ) .

Son point 2.2.3 permet ainsi aux préfets de « prendre en compte la situation de l'étranger qui atteste d'une durée de présence qui ne peut être qu'exceptionnellement inférieure à cinq ans et qui participe depuis au moins douze mois aux activités d'économie solidaire portées par un organisme agréé au niveau national par l'État et régi par les dispositions de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles ».

Nos collègues députés ont souhaité aller plus loin en prévoyant directement dans la loi un dispositif de régularisation de plein droit des étrangers accueillis dans les organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires .

Ce dispositif permettrait notamment d'éviter des différences d'appréciation entre les préfectures. Il concernerait principalement les compagnons d'Emmaüs, qui suivent « un parcours d'intégration complet à travers l'apprentissage du français, l'acquisition, l'approfondissement et la valorisation des compétences professionnelles, la découverte du vivre ensemble et des fondamentaux comme la citoyenneté, la mixité, la solidarité, la laïcité et la tolérance » 597 ( * ) .

Concrètement, un étranger accueilli dans un tel organisme bénéficierait, de plein droit, de la délivrance d'une carte de séjour temporaire 598 ( * ) après trois années de présence au sein de cet organisme, sauf menace pour l'ordre public .

L'organisme devrait remplir un document , selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, attestant du « parcours d'intégration complet » de l'étranger et de « l'accompagnement de son projet personnel » .

Lors des débats à l'Assemblée nationale, cette disposition a rencontré l'opposition de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, et du Gouvernement, qui ont estimé qu'elle remettrait en cause le pouvoir d'appréciation du préfet en matière d'admission exceptionnelle au séjour.

Votre commission a adopté l'article 33 ter sans modification .

Article 33 quater (supprimé) (art. L. 131-5 du code de l'éducation) - Refus de scolarisation d'un mineur étranger

Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique, par l'adoption d'un amendement de notre collègue députée Anne-Christine Lang, l'article 33 quater du projet de loi tend à modifier l'article L. 131-5 du code de l'éducation pour prévoir une procédure ad hoc de scolarisation d'un enfant dans le premier degré de l'enseignement scolaire en cas de refus d'inscription par le maire de la commune.

1. Le droit en vigueur sur les refus de scolarisation des mineurs

La scolarisation des enfants mineurs, qu'ils soient français ou étrangers, est strictement encadrée tant par les textes internationaux que nationaux.

Le droit international, via la convention relative aux droits de l'enfant garantit, prévoit à son article 28 le droit de tout enfant à l'éducation et ce sans aucune discrimination : « les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances : ils rendent l'enseignement en primaire obligatoire et gratuit pour tous ». De même, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacre le droit à l'instruction 599 ( * ) comme un droit fondamental et considère que l'État ne peut se soustraire aux obligations qui en découlent.

En droit national, le treizième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958, dispose que « la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État » dont découle le principe constitutionnel d'égal accès à l'instruction, affirmé en 2001 par le Conseil constitutionnel 600 ( * ) .

En application de ces exigences constitutionnelles, le code de l'éducation prévoit ainsi à son article L. 111-1 que « le droit à l'éducation est garanti à chacun ». Il dispose également à son article L. 131-1 que « l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans » - l'article L. 131-1-1 mentionnant expressément le « droit à l'instruction ».

Dès lors, s'agissant de l'accueil des élèves dans les écoles du premier degré de l'enseignement scolaire (écoles maternelles et élémentaires), à chaque rentrée scolaire, le maire dresse la liste de tous les enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l'obligation scolaire , donc tous les enfants soumis à l'obligation scolaire, français et étrangers, fille ou garçon. Cette obligation imposée au maire est fixée par l'article L. 131-6 du code de l'éducation . De surcroît, la loi précise que « le statut ou le mode d'habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne peut être une cause de refus d'inscription d'un enfant soumis à l'obligation scolaire » (article L. 131-5 du même code). La règle d'égal accès au service public de l'éducation, tant que la scolarité est obligatoire, s'applique autant aux enfants étrangers que français, et ce quelle que soit la régularité du séjour de leurs parents .

La compétence du maire en matière d'inscription des enfants dans les écoles du premier degré de l'enseignement scolaire est exercée au nom de l'État , conformément à l'article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales, puisqu'il s'agit bien d'une « fonction spéciale qui lui est attribuée par la loi », en l'occurrence, l'article L. 131-6 du code de l'éducation. Ce principe est d'ailleurs rappelé au sujet des mineurs isolés étrangers 601 ( * ) par une circulaire interministérielle de 2016 602 ( * ) qui rappelait, qu' « en cas de refus de scolarisation par le maire, le préfet doit procéder lui-même à cette inscription en application de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales. ».

Le maire peut donc, à titre d'illustration, refuser l'inscription d'un enfant non domicilié sur le territoire de sa commune . Toutefois, s'agissant d'une décision défavorable à l'administré, celle-ci doit obligatoirement faire l'objet d'une motivation, conformément à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

En cas de refus d'inscription des services municipaux, les parents ou représentants de l'enfant à scolariser peuvent exercer un recours hiérarchique auprès du maire, puis saisir le préfet du département . Le maire agissant en tant qu'agent de l'État, le préfet dispose d'un pouvoir de substitution, en application de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales qui dispose que « dans le cas où le maire, en tant qu'agent de l'Etat, refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le représentant de l'État dans le département peut, après l'en avoir requis, y procéder d'office par lui-même ou par un délégué spécial. »

Si le recours gracieux n'aboutit pas et que le préfet refuse d'user de ses pouvoirs de substitution, il est possible pour les parents ou les représentants des enfants concernés de contester la décision du maire par la voie contentieuse, par voie de recours en annulation devant le tribunal administratif, assorti d'un référé suspension, introduit sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

2. Le texte transmis : répondre à certains cas particuliers

L'article 33 quater du projet de loi tend à modifier l'article L. 131-5 du code de l'éducation pour prévoir une procédure ad hoc en cas de refus du maire d'inscrire un enfant à l'école maternelle ou élémentaire : le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) - qui dépend du recteur et non du préfet - pourrait autoriser « l'accueil provisoire » de l'élève et solliciter l'intervention du préfet qui « conformément à l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales, est habilité à procéder à une inscription définitive ».

3. La position de votre commission : en rester au droit en vigueur qui permet déjà de pallier les dysfonctionnements éventuels en matière de refus de scolarisation

Si votre rapporteur ne nie pas les difficultés auxquelles tente de répondre cet article, dont le Défenseur des droits est saisi de façon fréquente 603 ( * ) , comme il l'a confirmé lors de son audition, il émet plusieurs réserves .

Le droit en vigueur prévoit d'ores et déjà un pouvoir de substitution du préfet si le maire refuse de procéder à des actes qui lui sont prescrits par la loi .

Les refus de scolarisation d'enfants étrangers sur des fondements illégaux sont d'ailleurs déjà sanctionnés par la juridiction administrative qui peut enjoindre au maire , en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à cette inscription. À titre d'illustration, le tribunal administratif de Versailles a annulé le 19 mars 2018 les décisions par lesquelles un maire avait refusé d'inscrire à l'école une cinquantaine d'enfants syriens (au motif du manque de places dans les classes et de leur mode d'habitat précaire sur la commune concernée), et enjoint à celui-ci de procéder à leur inscription dans un délai de quinze jours : « pour l'inscription à l'école primaire, soit la majorité des cas que le tribunal avait à juger, le droit à la scolarité et l'obligation scolaire des enfants de 6 ans, imposent au maire d'accueillir les enfants sans qu'il puisse objecter un nombre de places insuffisant » 604 ( * ) .

Confier, en quelque sorte, un pré-pouvoir de substitution au directeur académique des services de l'éducation nationale dans la loi n'apparaît pas opportun à votre rapporteur, d'autant plus qu'il devrait tout de même saisir le préfet in fine . Comme l'indique notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, il « n'y a pas lieu de prévoir de procédure d'urgence supplémentaire. Il appartient en effet au préfet et à ses services de mettre en oeuvre les prérogatives qu'ils tirent de la loi avec toute la diligence nécessaire au cas d'espèce. » 605 ( * ) .

En effet, dans la réalité, il paraît souhaitable que rectorat et préfecture se coordonnent afin de régler les situations problématiques, et favoriser le règlement des situations à l'amiable, étant précisé que les intéressés disposent toujours, à la fois de la possibilité de faire appel au pouvoir de substitution du préfet, et de la voie contentieuse .

Considérant que le droit en vigueur prévoit déjà une procédure permettant d'inscrire à l'école un enfant dont le maire aurait refusé l'inscription, votre commission, n'a pas jugé utile de rajouter une autre procédure redondante, et a supprimé l'article 33 quater en adoptant un amendement COM-21 en ce sens de notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

Votre commission a supprimé l'article 33 quater .

TITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

CHAPITRE IER - DISPOSITIONS DE COORDINATION

Article 34 (art. L. 213-9, L. 313-10, L. 313-11-1, L. 314-8, L. 556-1, L. 731-1 et L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Diverses coordinations

L'article 34 du projet de loi tend à procéder à diverses coordinations au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Parmi ces mesures, le 6° revêt une importance particulière. Il tend à prévoir que le président de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'est pas simplement membre du Conseil État, comme le droit en vigueur le prévoit à l'article L. 731-1 du CESEDA, mais conseiller d'État.

Les compétences du président de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

Le président de la CNDA est nommé pour une durée de cinq ans, renouvelable.

Responsable de l'organisation et du fonctionnement de la juridiction, il assure la direction des services et exerce le pouvoir disciplinaire.

Le président affecte les membres des formations de jugement et les personnels et répartit les affaires. Il désigne également les rapporteurs chargés de l'instruction écrite des affaires.

Il peut également présider chacune des formations de jugement.

Votre rapporteur approuve cette mesure organisationnelle qui permet d'assurer que le président d'une juridiction administrative spécialisée de l'importance de la CNDA ait une certaine expérience , puisque le grade de conseiller d'État correspond au troisième grade sur les cinq que compte le Conseil d'État 606 ( * ) .

Coordinations de l'article 34 du projet de loi

Dispositions de l'article 34 (texte de la commission)

Articles du CESEDA modifié

Motifs de coordination

L. 313-10

Possibilité pour le pouvoir règlementaire de moduler le niveau de rémunération exigé pour la délivrance de la carte de séjour des étudiants étrangers lorsqu'ils trouvent directement un travail après leurs études.

Mise en cohérence avec l'article 21 du projet de loi qui prévoit un dispositif comparable pour les anciens étudiants recherchant un emploi

L. 313-11-1

Suppression de l'avis du maire pour la délivrance de la carte de séjour temporaire au conjoint du bénéficiaire d'une carte de résident « longue durée-UE ».

Mise en cohérence avec la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 607 ( * ) , qui a supprimé cet avis pour le bénéficiaire de la carte de résident (mais pas pour son conjoint)

L. 314-8

Exclusion des membres de la famille d'un salarié en mission de la carte de résident « longue durée UE »

Mise en cohérence avec le fait que le salarié en mission n'a pas accès à cette carte

Non prise en compte des séjours « ICT » pour calculer la durée de séjour nécessaire à l'obtention d'une carte de résident

4° ( supprimé )

L. 511-1

Réécriture des conditions d'édiction des obligations de quitter le territoire français (OQTF)

(disposition transférée par votre commission à l'article 11 du projet de loi)

L. 742-4

Allongement du délai ouvert au juge administratif pour statuer sur la légalité de la décision de transfert d'un étranger placé en rétention ou assigné à résidence en cours d'instance

L. 731-1

Présidence de la CNDA par un conseiller d'État

(voir supra )

L. 213-9

Allongement du délai de jugement du juge administratif

L. 556-1

Source : commission des lois du Sénat.

Votre commission a adopté l'amendement de coordination COM-230 de son rapporteur et l'article 34 ainsi modifié .

Article 34 bis (supprimé) (art. L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Présomption de continuité du droit au séjour

L'article 34 bis du projet de loi vise à étendre la « présomption de continuité » du droit au séjour pour éviter des ruptures de droits.

S'inspirant de la proposition n° 28 du rapport de notre collègue député Aurélien Taché , parlementaire en mission 608 ( * ) , cet article est issu d'un amendement du Gouvernement, adopté en séance publique par l'Assemblée nationale 609 ( * ) .

1. La procédure de renouvellement des titres de séjour

Avant l'expiration de leur titre de séjour, les étrangers peuvent en demander le renouvellement 610 ( * ) . Ils reçoivent alors une attestation de demande de renouvellement, qui les autorise à rester en France pendant l'instruction de leur dossier mais ne leur permet pas d'exercer une activité professionnelle ni de conserver l'intégralité de leurs droits sociaux.

Le délai de traitement d'une telle demande varie en fonction des préfectures . Dans le Rhône, les demandes sont traitées en quarante-quatre jours calendaires, délai auquel il faut ajouter vingt-et-un jours pour la fabrication des titres par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) 611 ( * ) .

L'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit une procédure dérogatoire pour les cartes de résident et les « titres de séjour d'une durée supérieure à un an prévus par une stipulation internationale ».

À l'expiration de ces titres, l'étranger peut justifier de la régularité de son séjour pendant un délai maximum de trois mois . Au cours de cette période :

- la préfecture instruit sa demande de renouvellement ;

- l'étranger conserve l'intégralité de ses droits sociaux et peut exercer une activité professionnelle.

Ce dispositif correspond ainsi à une « présomption de continuité du droit au séjour » .

2. Des ruptures de droits

Pour le renouvellement des autres titres de séjour, des délais trop longs peuvent conduire à des ruptures de droits sociaux .

Comme le souligne notre collègue député Aurélien Taché, l'obtention et le renouvellement des titres de séjour relèvent du « parcours du combattant , d'une suite de dispositifs non coordonnés entre eux, produisant autant d'occasions de ruptures que de chances d'insertion (...). De nombreux exemples de parcours heurtés du fait de ces ruptures m'ont été rapportés : une formation dont la durée dépassait celle du récépissé refusé, un parcours en apprentissage interdit, une possibilité d'embauche perdue, l'accès au logement social impossible, sans compter les ruptures financières lorsque les ressources s'interrompent brutalement » 612 ( * ) .

3. L'extension de la présomption de continuité du droit au séjour

L'article 34 bis du projet de loi vise à étendre la présomption de continuité du droit au séjour à de nouveaux titres.

Désormais, elle s'appliquerait aux cartes pluriannuelles « générales » d'une durée de quatre ans et délivrées après un an de présence régulière en France (premier alinéa de l'article L. 313-8 du CESEDA). Les intéressés bénéficieraient ainsi, à l'expiration de leur carte de séjour pluriannuelle, d'une période de trois mois pendant laquelle ils conserveraient leur droit au séjour et leurs droits sociaux pendant l'examen de leur dossier .

À l'inverse, ce dispositif ne serait pas applicable :

- aux « passeports talents », délivrés dès la première admission au séjour, et aux saisonniers (articles L. 313-20 et L. 313-23 du même code) ;

- aux cartes de séjour pluriannuelles d'une durée inférieure à quatre ans (trois derniers alinéas de l'article L. 313-8 du CESEDA : étudiants, conjoints de Français, parents d'un enfant français, étrangers ayant des liens personnels et familiaux en France, « étrangers malades ») ;

- aux cartes de séjour temporaires d'une durée d'un an, sauf stipulation internationale contraire.

Dans certains départements, le ministre chargé de l'immigration pourrait toutefois étendre cette présomption de continuité du droit au séjour à ces deux dernières hypothèses (cartes de séjour pluriannuelles d'une durée inférieure à quatre ans et cartes de séjour temporaire) . Cette extension serait autorisée jusqu'au 31 décembre 2020, le Gouvernement souhaitant lui donner un caractère expérimental.

D'après Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, « l'expérimentation est nécessaire s'agissant des titres de séjour dont la durée de validité est inférieure à quatre ans. En fonction de ses résultats, la mesure pourrait devenir pérenne ou être adaptée » 613 ( * ) .

Suivant son rapporteur, votre commission a supprimé cet article 34 bis (amendement COM-269), ses impacts n'ayant pas été suffisamment évalués.

À titre d'exemple, le titulaire d'un contrat à durée déterminée (CDD) d'une durée de deux mois dispose aujourd'hui d'une carte de séjour « travailleur temporaire » d'une même durée. L'article 34 bis lui permettrait de séjourner trois mois supplémentaires en France, soit une durée supérieure à celle de son titre de séjour initial, ce qui ne semble pas opportun.

Enfin, plus qu'une disposition législative, la problématique des ruptures de droit nécessite une révision des pratiques administratives, qui dépendent directement du ministère de l'intérieur .

Votre commission a supprimé l'article 34 bis .

Article 35 (art. L. 111-7, L. 213-3, L. 311-1, L. 311-11 [abrogé], L. 311-13, L. 313-2, L. 313-4-1, L. 313-11-1, L. 313-17, L. 514-1, L. 552-7, L. 561-2 et L. 832-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Coordinations relatives aux titres de séjour et aux mesures d'éloignement

L'article 35 du projet de loi vise à procéder à plusieurs coordinations au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Elles concernent principalement les titres de séjour des étrangers en France et les mesures d'éloignement.

Lors de ses travaux, votre commission a adopté l'amendement de coordination COM-279 de son rapporteur.

Coordinations de l'article 35 du projet de loi

Dispositions de l'article 35

(texte de la commission)

Articles du CESEDA modifié

Motifs de la coordination

Articles du projet de loi

Modifications opérées
par votre commission

1° A

L. 111-7

Coordination rédactionnelle concernant le procès-verbal de retenue pour vérification d'identité

-

1° ( supprimé )

L. 111-10

Informations sur le contrat d'intégration républicaine dans le rapport sur les étrangers en France

1 er A

Suppression de l'alinéa, par coordination avec le nouvel article 1 er A du projet de loi

bis

L. 213-3

Refus d'entrée - coordination avec une nouvelle référence d'un texte européen

-

L. 311-1

Coordination relative aux salariés détachés ICT

29

3° ( supprimé )

L. 311-3

Coordination relative aux titres de séjour des apatrides et des bénéficiaires de la protection subsidiaire

1 er

Suppression, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi

4° ( supprimé )

L. 311-8-1

Coordination relative aux titres de séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire

1 er

Suppression, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi

L. 311-11

Suppression de l'autorisation provisoire de séjour (APS), au profit de la nouvelle carte de séjour temporaire « recherche d'emploi ou création d'entreprise »

21

6° ( supprimé )

L. 311-13, L. 134-8, L. 314-8-2 et L. 832-2

Coordination relative aux titres de séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire

1 er

Suppression, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi

7° ( supprimé )

L. 311-13

Coordination relative aux titres de séjour des apatrides

1 er

Suppression, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi

L. 311-13

Coordination relative aux documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs

24

L. 313-2

Coordination relative aux titres « étudiant - programme de mobilité » et « salarié ICT »

21 et 29

Coordination avec la création d'un article spécifique au sein du CESEDA pour les titres « étudiant - programme de mobilité »

10°

L. 313-4-1 et L. 313-11-1

Coordination relative à l'allocation pour demandeur d'asile

-

11°

L. 313-17

Coordination sur le refus de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle

21, 22, 29

Coordination avec la création d'un article spécifique au sein du CESEDA pour les titres « étudiant - programme de mobilité »

12°

L. 313-18

Coordination sur la carte de séjour pluriannuelle des étudiants

21

Suppression par coordination avec la création d'un article spécifique au sein du CESEDA pour les titres « étudiant - programme de mobilité »

13°

L. 314-8-2 et L. 511-5

Coordination relative aux titres de séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire

1 er

Suppression, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi

13° bis

L. 514-1

Obligations de quitter le territoire français en outre-mer

-

14°

L. 552-7

Délai de saisine du juge des libertés et de la détention pour la prolongation de la rétention

16

14° bis

L. 561-2

Assignation à résidence

17

15°

L. 812-5

Coordination relative aux titres de séjour des apatrides

1 er

Suppression, par cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi

16°

L. 832-1

Assignation à résidence et rétention à Mayotte

16-17

Source : commission des lois du Sénat.

Sur proposition de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, votre commission a également modifié , à l'article L. 832-1 du CESEDA, la procédure « étrangers malades » 614 ( * ) applicable dans le département de Mayotte (amendement COM-211) .

Ces dossiers sont aujourd'hui traités par un collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), composé de trois médecins, dont un médecin exerçant à Mayotte et dialoguant par visioconférence avec ses confrères.

Votre commission a souhaité revenir au dispositif applicable en métropole en supprimant l'obligation de garantir la présence d'un médecin mahorais dans le collège médical de l'OFII. Il s'agit ainsi de faire face au manque de médecins sur l'île ( 58 médecins généralistes pour 100 000 habitants , contre 156 en métropole, selon notre collègue Thani Mohamed Soilihi).

Votre commission a adopté l'article 35 ainsi modifié .

Article 36 (supprimé) (art. L. 512-2 du code de la sécurité sociale) - Coordinations au sein du code de la sécurité sociale

L'article 36 du projet de loi vise à procéder à deux coordinations à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale concernant les prestations familiales et assimilées versées aux enfants d'un étranger reconnu apatride ou bénéficiant de la protection subsidiaire.

Initialement, ces coordinations étaient rendues nécessaires par la création à l'article 1 er du projet de loi de cartes de séjour pluriannuelles spécifiques pour ces publics.

Par cohérence avec la suppression de l'article 1 er , votre commission a adopté l'amendement COM-270 de son rapporteur et supprimé l'article 36.

Article 37 (art. L. 120-4 du code du service national) - Accès des apatrides au service civique et au volontariat associatif

Le service civique et le volontariat associatif sont réservés aux Français, aux citoyens européens et aux ressortissants des États de l'Espace économique européen.

Des exceptions sont toutefois prévues pour les ressortissants de pays tiers. Peuvent notamment effectuer un service civique ou un volontariat associatif :

- les étrangers qui disposent d'un titre de séjour « apatride » depuis plus d'un an et leur famille ;

- les réfugiés, les bénéficiaires de la protection subsidiaire et leur famille, dès la délivrance de leur premier titre de séjour .

Cet état du droit résulte de l'article 19 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 615 ( * ) , qui a élargi la liste des titres de séjour donnant accès au service civique ou au volontariat associatif.

L'article 37 tend à maintenir le droit en vigueur tout en tirant les conséquences de l'article 1 er du projet de loi .

Pour aider à leur intégration, votre commission a autorisé les apatrides à effectuer un service civique dès l'obtention de leur premier titre de séjour, sans attendre un délai d'un an (amendement COM-271 du rapporteur) . Elle a également tiré les conséquences légistiques de la suppression de l'article 1 er du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 37 du projet de loi ainsi modifié .

CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AUX OUTRE-MER

Article 38 (art. L. 111-2, L. 221-2-1, L. 611-11, L. 762-1, L. 763-1, L. 764-1, L. 766-1, L. 766-2, L. 767-1 et L. 832-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 711-1 du code pénal ; art. 78-2 du code de procédure pénal ; art. L. 552-6, L. 562-6 et L. 573-2 du code des relations entre le public et l'administration) - Diverses coordinations outre-mer

L'article 38 du projet de loi vise à procéder à plusieurs coordinations relatives à l'outre-mer.

La disposition la plus importante concerne le délai dérogatoire dans lequel une demande d'asile devient tardive en Guyane (3° de l'article 38).

Établi à 90 jours par le projet de loi pour tout le territoire (au lieu de 120 dans le droit en vigueur) 616 ( * ) , ce délai serait fixé à 60 jours en Guyane, compte tenu des caractéristiques et des contraintes particulières de ce territoire qui génèrent, en matière d'asile, une situation différente des autres collectivités françaises.

Entourée par le Brésil et le Surinam, la Guyane possède les seules frontières terrestres françaises hors de l'espace Schengen. Ses frontières fluviales sont également particulièrement difficiles à contrôler.

En outre, d'après les informations transmises à votre rapporteur par les services du ministère de l'intérieur, la Guyane est exposée à une forte pression exercée par une demande d'asile .

À cet égard, depuis 2015, la demande d'asile a cru de manière exponentielle en Guyane passant de 1 099 demandes en 2014 à 5 917 en 2017 , soit une demande plus de cinq fois supérieure. La demande d'asile en Guyane représente d'ailleurs 82 % de la demande d'asile présentée dans les territoires ultramarins.

Il s'agit pour l'essentiel d'une demande haïtienne (près de 89 %), qui ne révèle que marginalement un besoin de protection internationale. Ainsi le taux d'octroi d'une protection internationale par l'OFPRA s'élevait en 2017 à 2,7 % pour Haïti .

Pour faire face à cette situation particulière, une antenne de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a été ouverte à Cayenne, en septembre 2017, afin d'assurer une activité en continu.

Parallèlement, le décret n° 2018-385 du 23 mai 2018 portant expérimentation de certaines modalités de traitement des demandes d'asile en Guyane prévoit également de nouvelles mesures dérogatoires au droit commun .

Pris sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, selon lequel « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental », pour une durée de 18 mois, l'expérimentation prévoit notamment de réduire à 7 jours au lieu de 21 le délai dans lequel le demandeur d'asile doit déposer sa demande d'asile à l'OFPRA une fois qu'elle a été enregistrée à la préfecture.

Par ailleurs, ce décret modifie les conditions de recours en Guyane des décisions de l'OFPRA devant la CNDA . Dans les outre-mer, le délai de recours est augmenté d'un mois (soit 2 mois au total en l'état du droit). Or, le décret supprime ce délai supplémentaire et aligne la Guyane sur la métropole.

Si votre rapporteur ne peut que souscrire au raccourcissement des délais de traitement de la demande d'asile en Guyane , eu égard aux difficultés précédemment évoquées, il estime toutefois nécessaire d'accorder la plus grande vigilance au respect des droits des demandeurs d'asile et de veiller à ce que la combinaison de plusieurs brefs délais ne conduise pas à porter atteinte au caractère équitable de la procédure. Il conviendra d'en tirer les conséquences, en particulier lors du bilan de l'expérimentation prévue par le décret.

Coordinations de l'article 38 du projet de loi

Dispositions de
l'article 38

(texte de la commission)

Articles de loi modifié

Motifs de la coordination

Code des relations entre le public et l'administration (CESEDA)

1° A du I

L. 111-2

Modification des compteurs outre-mer du CESEDA

1° BA du I

L. 221-2-1

Prolongation pour cinq ans de la période expérimentale durant laquelle, à Mayotte, il est dérogé à l'obligation de séparer les locaux affectés à la rétention administrative et au maintien en zone d'attente

1° B du I

L. 611-11

Contrôle d'identité des étrangers à Mayotte et en Guyane

1° du I

L. 762-1, L. 763-1 et L. 764-1

Suppression, par coordination, des anciens compteurs du CESEDA

2° du I

L. 766-1 et L. 766-2

3° du I

L. 767-1

Asile tardif en Guyane (60 jours contre 90 jours sur le reste du territoire)

4° du I

L. 832-1

Rétention à Mayotte

CODE PENAL

II

711-1

Compteur pour la Nouvelle-Calédonie

CODE DE PROCEDURE PENALE

II bis

78-2

Contrôles d'identité à Mayotte

CODE DES RELATIONS ENTRE LE PUBLIC ET L'ADMINISTRATION

III

L.552-6, L. 562-6 et L. 573-2

Absence de signature des visas

À l'initiative de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, votre commission a prolongé l'expérimentation issue de l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 617 ( * ) et autorisant, dans le département de Mayotte , à réunir les locaux affectés à la rétention administrative et ceux dédiés au maintien en zone d'attente (amendement COM-213) .

Initialement prévue jusqu'en mai 2019, cette expérimentation pourrait se poursuivre jusqu'en mai 2024. Comme le rappelle notre collègue Thani Mohamed Soilihi, « il doit être souligné que l'aéroport et le centre de rétention administrative se situent sur l'île de Petite-Terre où les disponibilités immobilières sont limitées. En outre, la pression migratoire forte peut connaître des flux d'arrivée qui justifient que les moyens disponibles puissent être adaptés en conséquence ».

Votre commission a adopté l'amendement de coordination COM-281 de son rapporteur et l'article 38 ainsi modifié .

Article 38 bis (art. L. 762-1, L. 763-1 et L. 764-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Coordinations relatives à la demande d'asile et aux éloignements en outre-mer

Introduit par l'Assemblée nationale, avec l'adoption en commission d'un amendement de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, l'article 38 bis du projet de loi vise à procéder à plusieurs coordinations concernant la demande d'asile et les éloignements en outre-mer.

Coordinations de l'article 38 bis du projet de loi

Dispositions de l'article 38 bis

(texte de la commission)

Articles du CESEDA modifié

Motifs de la coordination

L. 762-1

Enregistrement de la demande d'asile à Wallis-et-Futuna

Éloignement des déboutés du droit d'asile à Wallis-et-Futuna

Éloignement d'une personne ayant déposé une demande d'asile
à Wallis-et-Futuna

L. 763-1

Enregistrement de la demande d'asile en Polynésie française

Éloignement des déboutés du droit d'asile en Polynésie française

Éloignement d'une personne ayant déposé une demande d'asile en Polynésie française

L. 764-1

Enregistrement de la demande d'asile en Nouvelle-Calédonie

Éloignement des déboutés du droit d'asile en Nouvelle-Calédonie

Éloignement d'une personne ayant déposé une demande d'asile en Nouvelle-Calédonie

Votre commission a adopté l'article 38 bis sans modification .

Article 39 - Habilitation à légiférer par ordonnances pour procéder à des coordinations outre-mer

L'article 39 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour procéder à diverses coordinations concernant les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

Ces collectivités sont régies par le principe de spécialité législative : l'application des textes législatifs est subordonnée à l'adoption d'une disposition expresse d'extension .

De manière plus précise, cette habilitation à légiférer par ordonnances permettrait :

a) de prévoir les adaptations nécessaires à l'application à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Comme le précise l'étude d'impact, « depuis leur accession au statut de collectivités régies par les dispositions de l'article 74 de la Constitution, certaines modifications législatives ponctuelles du CESEDA ont pu, par omission, ne pas être explicitement étendues à ces territoires » 618 ( * ) ;

b) d'actualiser les règles d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française , en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna et de procéder, pour ces collectivités, à l'adaptation des règles en matière d'asile, d'interdiction administrative du territoire et d'assignation à résidence.

Le Parlement a déjà consenti à une habilitation comparable en 2016 619 ( * ) , sans que le Gouvernement ait été en mesure de publier l'ordonnance dans les délais impartis.

Le Gouvernement disposerait d'un délai d'habilitation de vingt-quatre mois. Par cohérence avec sa position à l'article 27 du projet de loi, votre commission l'a réduit à douze mois (amendement COM-283 du rapporteur).

Le projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances.

Cette habilitation à légiférer par ordonnances compléterait utilement les coordinations effectuées aux articles 38 et 38 bis du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 39 ainsi modifié .

Article 40 (suppression maintenue) - Application outre-mer

Initialement, l'article 40 du projet de loi procédait à diverses coordinations relatives à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna.

Cet article a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale 620 ( * ) , ses dispositions ayant été intégrées aux articles 38 et 38 bis du projet de loi.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 40.

CHAPITRE III - DISPOSITIONS FINALES

Article 41 - Modalités d'entrée en vigueur

L'article 41 du projet de loi vise à préciser les modalités d'entrée en vigueur du projet de loi.

Cinq cas de figure doivent être distingués :

a) les mesures non mentionnées par cet article entreraient en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel , comme les articles 9 bis (prise en compte de la vulnérabilité dans les centres provisoires d'hébergement) ou 10 ter (contrôles effectués dans le cadre des procédures de « refus d'entrée ») ;

b) les mesures qui s'appliqueraient aux demandes, décisions ou situations postérieures à la publication de la loi (I de l'article 41) , comme par exemple l'article 25 (suppression de la signature des visas d'entrée en France) ;

c) les modifications du droit au maintien au séjour (cessation de ce droit à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, non à sa notification), qui s'appliqueraient aux décisions rendues trois mois après la publication de la loi (II de l'article 41) ;

d) les mesures dont l'entrée en vigueur serait fixée par un décret en Conseil d'État et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi (III et IV de l'article 41) , comme les articles 22 (titre de séjour des jeunes au pair) et 23 (encadrement de la possibilité pour un demandeur d'asile de solliciter son admission au séjour sur un autre motif) ;

e) enfin, l'article 17 (assignation à résidence) qui serait applicable à compter du 30 juin 2018 pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel fragilisant le régime juridique des assignations à résidence de longue durée à l'encontre des étrangers interdits de territoire (V de l'article 41) 621 ( * ) . Cette date pourrait être modifiée en fonction du calendrier d'examen du projet de loi.

Votre commission a adopté l'article 41 sans modification .

Article 42 - Prise en compte des migrations climatiques

Introduit par l'Assemblée nationale, avec l'adoption en commission d'un amendement de notre collègue Élise Fajgeles, rapporteure, l'article 42 du projet de loi vise à prévoir la prise en compte des migrations climatiques dans le cadre des politiques publiques relatives à l'immigration et à l'intégration.

Il prévoit notamment que le Gouvernement élabore des orientations dans ce domaine, et les présente au Parlement dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi, accompagné du plan d'actions associé.

Les personnes susceptibles d'être déplacées en raison du changement climatique constituent en effet un sujet important d'inquiétude pour les années à venir.

Une étude récente de la Banque Mondiale 622 ( * ) indique à cet égard que l'aggravation des effets du changement climatique dans trois régions du monde densément peuplées (Afrique subsaharienne, Asie du Sud et Amérique latine) pourrait pousser plus de 143 millions de personnes à migrer à l'intérieur de leur propre pays d'ici 2050. Cette étude indique également que, même si ces migrations constituent déjà une réalité, le nombre de migrants climatiques internes pourrait être réduit de 80 %, grâce à des mesures concertées au niveau mondial et national.

Ces migrations internes auront d'ailleurs forcément des incidences sur les flux migratoires externes des pays concernés, d'une part, et des pays d'accueil, d'autre part.

Votre rapporteur est sensible à ces enjeux, indissociables de la politique migratoire décidée par chaque pays dans des conditions respectueuses de sa souveraineté, la France s'inscrivant en outre dans le cadre multilatéral des Nations Unies et, a fortiori, de l'Union européenne.

La spécificité du statut des personnes qui émigrent à l'extérieur de leur pays du fait du changement climatique devrait faire l'objet d'une réflexion particulière. En effet, elles ne relèvent pas, par nature, du statut de réfugié, terme qui est souvent employé de manière impropre à cet égard. Seuls peuvent être réfugiés des personnes réunissant les conditions prévues par la convention de Genève du 28 juillet 1951, et qui font l'objet de l'un des motifs de persécutions qu'elle énonce. Le changement climatique n'en fait bien évidemment pas partie.

Votre rapporteur relève toutefois que les dispositions proposées par l'article 42 du projet de loi n'ont qu'un faible caractère normatif, ce qui est assez logique compte tenu du fait que la prise en compte des migrations climatiques doit, en premier lieu, se faire à l'échelle diplomatique.

Toutefois, à ce stade, votre commission, suivant l'avis de son rapporteur, n'a pas souhaité les remettre en cause ni les modifier.

Votre commission a adopté l'article 42 sans modification .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

(MERCREDI 6 JUIN 2018)

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - En préambule, je veux souligner que trois principes nous ont guidés dans notre travail et notre approche du texte. Nous préférons, d'abord, une immigration régulière moins nombreuse mais permettant une meilleure intégration. Nous souhaitons, ensuite, que la procédure de demande d'asile soit effectivement tenue, qu'elle profite à ceux qui en ont véritablement besoin et que ceux qui la détournent pour en faire une filière d'immigration en soient exclus. À cet égard, il nous faut sortir de la confusion, régulièrement entretenue, selon laquelle les migrants arrivant sur le territoire national et européen seraient tous des réfugiés. Nous attendons, enfin, un meilleur traitement de l'immigration irrégulière.

Il nous faudrait aussi arrêter de légiférer sans cesse, dans cette matière puisque, je vous le rappelle, depuis 1980, 29 textes concernant l'immigration ou l'asile ont été présentés au Parlement, dont 16 de caractère majeur.

Nous n'avons pas là, hélas, un « grand » projet sur l'asile et l'immigration. Il n'est que très partiel, en particulier sur deux points majeurs. Nous ne sommes pas au niveau des enjeux sur l'intégration. Les moyens alloués au traitement de l'immigration irrégulière sont insuffisants. L'Europe et sa législation appelée à évoluer sont les grands absents de ce texte. L'aspect budgétaire n'est pas abordé, de même que les relations avec les pays source, alors qu'il faudrait parler de co-développement. Même si certains points ne relèvent pas du domaine législatif, ils auraient dû être soulevés pour comprendre le sens du texte déposé. Rien n'est proposé sur l'aide médicale d'État et ni sur les mineurs isolés étrangers.

Quelques éléments de contexte. La pression migratoire sur le territoire national reste soutenue : nous nous inscrivons dans le contexte de la crise migratoire de 2015, avec une vague d'arrivées sur le territoire d'une ampleur inédite depuis le conflit en ex-Yougoslavie. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a estimé à plus d'un million le nombre de personnes arrivées en Europe par la voie maritime en Méditerranée cette année-là, avec une accélération très importante au deuxième semestre 2015 et un pic de plus de 200 000 personnes au mois d'octobre.

Depuis 2016, la pression migratoire s'est atténuée aux portes de l'Europe, notamment grâce au triplement des moyens des opérations coordonnées par Frontex en Méditerranée, « Triton » en Italie et « Poséidon » en Grèce, mais aussi à l'entrée en vigueur de l'accord entre la Turquie et la Grèce du 18 mars 2016, ainsi qu'à la mise en place de « hotspots » et des programmes temporaires de relocalisations destinés à soulager l'Italie et la Grèce. Entre 2015 et 2017, le nombre de migrants accédant au continent européen par la Méditerranée est passé de près d'un million à environ 180 000 personnes. La demande de protection internationale suit, à l'échelle de l'Europe, une baisse comparable à ces flux, et s'établit en 2017 à 706 913 demandes d'asile, soit une diminution de 43 % par rapport à 2016.

Ces évolutions numériques s'accompagnent aussi d'une reconfiguration géographique des principales routes de migration vers l'Europe. Les flux estimés en Méditerranée centrale de personnes arrivant notamment en Italie, via la Libye ou la Tunisie depuis l'est et le centre de l'Afrique, ont connu une baisse de 32 % entre 2016 et 2017. S'agissant des flux estimés en Méditerranée orientale, en Grèce, via la Turquie, depuis la Syrie notamment, ils ont diminué de 79 %. En revanche, le flux par la Méditerranée occidentale - Espagne via le Maroc et le Maghreb depuis l'Afrique subsaharienne francophone - est en nette augmentation : on constate un doublement entre 2016 et 2017. Il s'agit d'une immigration par voie maritime - détroit de Gibraltar - et terrestre - enclaves de Ceuta et Melilla - en transit, principalement, par le Maroc et l'Algérie.

Alors que le nombre d'arrivées de migrants diminue en Europe et que celui des demandes d'asile suit cette même tendance globale, ils se maintiennent tous deux à un niveau soutenu en France. Nous avons affaire à d'importants mouvements secondaires ou « flux de rebond », en provenance d'autres États membres de l'Union européenne : soit des étrangers en transit vers d'autres pays - Royaume-Uni, notamment -, soit des personnes cherchant à s'installer ou à demander asile sur notre territoire, parfois après l'avoir déjà fait ailleurs, en raison des défaillances du système européen d'asile régi par le règlement dit « Dublin III ».

Les demandes d'asile en France ont continué d'augmenter en 2017, avec une hausse de 17 %, pour atteindre 100 412 demandes. L'attribution de la protection, directement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou après recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), a connu une augmentation de 20 % entre 2016 et 2017.

En dehors de l'accès au territoire par le biais de l'asile, la délivrance de premiers titres de séjour a connu une hausse ininterrompue depuis 2012, et particulièrement forte entre 2016 et 2017. Cette évolution est notamment due au dynamisme des délivrances de titres de séjour étudiants et humanitaires.

Face à cette pression migratoire, nos structures d'accueil et dispositifs d'éloignement sont sous forte tension. Seuls 60 % des demandeurs d'asile sont accueillis dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les structures d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA). Les autres sont orientés vers l'hébergement d'urgence de « droit commun » ou vers des structures hôtelières. Certains, sans solution, restent dans la rue.

Au fil de la crise migratoire, les dispositifs de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile se sont empilés : AT-SA, HUDA déconcentré, PRAHDA, CAO, CAES ; autant de sigles technocratiques qui illustrent le manque de lisibilité de nos dispositifs.

En matière d'intégration, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est débordé par ses nouvelles missions en matière d'asile : pilotage de l'hébergement, gestion de l'allocation pour demandeurs d'asile, avis sur la procédure des « étrangers malades », etc. L'OFII consacre un tiers de ses effectifs au droit d'asile, ce qui fragilise sa fonction historique d'intégration.

S'agissant des délais d'examen des demandes d'asile, ils demeurent excessifs et ne parviennent pas à répondre en temps utile à la demande de protection. La moyenne pour obtenir une décision définitive est encore presque de 15 mois en procédure normale et de 8 mois en procédure accélérée, bien loin des objectifs fixés en 2015.

L'OFPRA a pourtant fait de très gros efforts. Plus de 250 postes ont été créés entre 2016 et 2018. Le délai de traitement est désormais proche de 3 mois. C'est la situation de la Cour nationale du droit d'asile qui est toujours préoccupante, malgré les 51 nouveaux postes budgétés. Le nombre de recours a augmenté de près de 34 % entre 2016 et 2017. Il faudra attendre une année complète pour être en capacité de répondre aux objectifs fixés voilà quelques années, c'est-à-dire une instruction de l'ensemble des dossiers dans un délai compris entre 6 et 9 mois.

Nombre de difficultés proviennent de l'enregistrement des demandes d'asile en préfecture. Les demandeurs d'asile doivent s'adresser à une plateforme gérée par des associations, la PADA, et chargée de prendre rendez-vous à la préfecture pour les demandeurs d'asile, où leur demande d'asile est officiellement enregistrée au GUDA, le guichet unique des demandeurs d'asile. Les délais ne sont pas respectés. D'autant que les associations gestionnaires des PADA mettent en évidence un autre délai, « caché », celui de l'obtention du rendez-vous à la préfecture lui-même.

Le plus grand flou règne sur le délai dans lequel les déboutés du droit d'asile sont effectivement éloignés, étant précisé qu'entre 10 et 15 % seulement des décisions d'éloignement prononcées donnent lieu à une exécution forcée.

J'en viens aux mesures du projet de loi, dont j'ai déjà annoncé le caractère très décevant.

Le titre I er , relatif à l'asile, crée de nouveaux titres de séjour pluriannuels. Sur les conditions d'octroi de l'asile, le délai ouvert au demandeur passe de 120 à 90 jours. Pour faciliter l'interprétariat, il est fait obligation aux demandeurs d'asile de choisir, dès le stade de l'enregistrement de la demande, la langue dans laquelle ils seront entendus dans la suite de la procédure.

Le titre II porte sur la lutte contre l'immigration irrégulière. La question qui cristallise les débats est la durée de rétention en centre de rétention administrative, que le Gouvernement a souhaité tripler de 45 à 135 jours et que l'Assemblée nationale a fixé à 90 jours.

Sur les mesures relatives à l'intégration, beaucoup de dispositions sont de simple affichage.

Le texte a subi ensuite peu de modifications de fond à l'Assemblée nationale.

Que proposons-nous ? Je souhaite en premier lieu revoir la méthode d'élaboration de notre politique migratoire. Il nous faut avoir une vision annuelle globale au Parlement, avec des objectifs chiffrés, fondés sur des indicateurs d'entrées, de séjour ou d'éloignement. Nous l'avons voté en 2015. Il faudra aussi revenir sur les modifications apportées sans réelle raison par l'Assemblée nationale à la loi du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen, un texte adopté voilà moins de trois mois par les députés eux-mêmes. Il convient d'avancer sur le sujet des mineurs étrangers isolés, qui ne doivent pas être placés en centres de rétention, soyons clairs. La discussion reste ouverte sur les mineurs accompagnant leurs familles. Je propose une évolution que j'espère cohérente, humaine et pragmatique. Nous aurons également des propositions en matière de relations avec les pays source. Certains visas ne devraient être accordés que si les laisser-passer consulaires sont donnés.

Sans entrer à ce stade dans le détail, j'indique simplement mon souhait de maintenir le délai d'appel d'une décision rendue par l'OFPRA devant la CNDA à un mois, comme c'est le cas aujourd'hui. La réduction à 15 jours n'est absolument pas efficace. On ne gagnera pas en efficacité en réduisant les voies de recours et en privant quelqu'un d'un droit ; on gagnera du temps si on donne des moyens, notamment aux préfectures pour accorder des rendez-vous rapidement.

Sur les mineurs, il nous faut aussi vraiment prendre en considération les grandes difficultés auxquelles font face les départements. On a cru comprendre que le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France (ADF) s'étaient mis d'accord pour une participation financière de l'État. Il faut aider nos départements avec la création d'un fichier national biométrique des personnes évaluées majeures. Sur le délit de solidarité, restons-en au droit actuel, parfaitement équilibré. Un dernier mot sur la situation outre-mer : la dimension migratoire de la crise à Mayotte est essentielle, et pourtant rien ne figure dans le texte ; nous attendons sur ce point l'avis rendu par le Conseil d'État sur la proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, nous verrons en séance les solutions que nous pouvons contribuer à proposer à nos compatriotes.

En définitive, face à ce texte disparate et indécis, à cette absence de ligne claire, je propose au Sénat d'opposer un contre-projet de fond, équilibré et réaliste, qui assume ses choix. L'enjeu, c'est la cohérence : disons ce que l'on veut réellement.

M. Philippe Bas , président . - Merci de cette présentation des flux migratoires et de leur évolution récente, qui s'inscrit dans une vision globale de tous les aspects de la politique de l'asile et des migrations. Le texte du Gouvernement doit en effet être relativisé au regard de son importance et de ses effets. Il présente un certain nombre de manques : politique d'intégration, mesures d'éloignement, lutte contre le détournement du droit d'asile...

Je suis heureux d'accueillir M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

M. Jacques Grosperrin , rapporteur pour avis . - La commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est saisie du texte sur quatre articles : l'article 20, relatif aux « passeports talents » et à la mobilité des chercheurs étrangers ; l'article 21, relatif à la mobilité des étudiants étrangers et à l'autorisation provisoire de séjour, qui leur permet de rester 12 mois supplémentaires sur le territoire après l'obtention du diplôme pour chercher un emploi ou créer une entreprise ; l'article 22, relatif à la mobilité des jeunes au pair ; l'article 33 quater , qui traite de la scolarisation obligatoire.

En 2015, nous avions marqué notre attachement au dispositif d'immigration choisie, permettant de faire venir des profils intéressants. Nous avions émis une réserve sur le fait que les dispositifs très différents d'immigration choisie ne doivent pas constituer non plus un aspirateur de talents. En ces temps de pression migratoire forte, les risques de détournement doivent être appréciés.

M. Jean-Yves Leconte . - Le rapport de notre collègue nous permet de disposer d'un utile panorama global de la situation actuelle. Ayons quelques points de comparaison : en 2016, l'Union européenne a reçu un peu plus de 1,2 million de demandes d'asile de la part de primo-demandeurs, chiffre passé à 650 000 en 2017 ; l'Allemagne est passée de 722 000 à 198 000 demandes ; la France, de 77 000 à 91 000, soit des ordres de grandeur bien différents. La part de la France n'est pas encore digne de nos ambitions ni de nos valeurs. L'Allemagne, elle, a consenti d'énormes efforts pour accueillir les demandeurs d'asile, en réorganisant profondément son dispositif. Ne l'oublions pas.

C'est le premier texte qui lie vraiment, de manière assumée, les questions d'asile et d'immigration, jusqu'à présent traitées séparément. Contrairement à celui de 2015, le projet de loi ne transpose aucune directive européenne majeure. Le Conseil d'État l'a indiqué, beaucoup de mesures figurant dans les textes adoptés en 2015 et 2016 n'ont même pas encore été évaluées. Le rapporteur l'a dit, nombre de propositions sont de l'affichage : ce ne sont que des réductions ou des violations des droits de la défense.

Il faut tenir compte du contexte européen et réfléchir à l'avenir de la procédure dite « Dublin », dans laquelle s'inscrivent toutes les politiques d'asile des pays européens. Elle ne fonctionne pas correctement, faisant peser des responsabilités disproportionnées sur trois pays du sud de l'Europe. Elle nous empêche de faire face à des situations humanitaires très difficiles pour ceux qui sont placés sous statut « Dublin » et qui doivent être transférés vers un autre pays européen chargé de l'examen de leur demande d'asile. Cette réforme est essentielle pour avoir enfin un fonctionnement de l'asile correct en Europe.

Et ayons aussi bien en tête que s'il y a une baisse de la pression constatée en Europe depuis 2016, c'est grâce à un accord avec la Turquie. Or des élections présidentielle et législatives sont prévues dans ce pays, et l'une des candidates annonce très clairement son objectif de renvoyer les millions de réfugiés présents sur le territoire de la Turquie.

La seule question des laissez-passer consulaires ne saurait constituer la colonne vertébrale de nos relations avec les pays africains : il y a aussi la question de l'intégration ! Il est important que les demandeurs se sentent respectés et soient traités dignement. Or, actuellement, il faut de longs mois pour espérer obtenir une carte de séjour et de longues années avant de pouvoir demander une naturalisation. Ce sont aussi des points à améliorer.

Enfin, le rapport de la commission de la culture évoque l'attractivité du pays : nous ne pouvons faire l'économie d'une politique du type passeport-talent, pour faire venir les étudiants en France. Or c'est un aspect faible du texte.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Les auditions étaient particulièrement intéressantes et le rapport contient des analyses très fines : j'en remercie le rapporteur.

Accueillir, oui, mais accueillir bien : ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les questions d'asile intéressent les Français, mais le débat porte plus généralement sur l'immigration, qui est essentiellement économique et pose de nombreux problèmes, en matière de logement en particulier. Nous en savons quelque chose en Île-de-France !

Quelle immigration voulons-nous ? Comment accueillir ceux qui veulent venir ? Ce texte technique n'en dit rien, il ne livre aucune vision d'ensemble et je le regrette.

Mme Esther Benbassa . - Je salue le rapport, au moins pour sa partie factuelle. Le rapporteur a justement souligné les grandes absences de ce texte et il a noté qu'il ne s'agissait pas d'un grand projet de loi. Son titre même est fallacieux : l'immigration n'est pas « maîtrisée », elle est réprimée, découragée ; le droit d'asile n'est pas « effectif », il est bafoué. Rarement un texte de loi aura été si déséquilibré, en dépit de quelques avancées, aux articles 1 er et 3, sur la carte de séjour pluriannuelle ou les fratries.

Les principales mesures du texte vont dégrader la vie des immigrés et les conditions de travail des associations et des administrations. Les délais raccourcis - de dépôt, de recours - ne sont pas tenables et je remercie le rapporteur qui demande le rétablissement du délai d'un mois. La saisine immédiate complique le travail et, finalement, rallonge les délais de traitement !

L'extension de 45 à 90 jours de la durée d'enfermement en centre de rétention n'est pas acceptable, d'autant que les décisions (expulsion ou autres mesures) sont prises en huit à dix jours. Le traitement des dossiers par visioconférence contribue à la déshumanisation. L'humanité est brutalisée... car ce texte a une visée unique, la dissuasion migratoire. Cela ne fait pas honneur à la France, qui s'enorgueillissait jadis de « donner asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » et de le « refuser aux tyrans », comme le proclame la Constitution de l'an I.

Je déplore moi aussi certains manques dans ce texte : sur les femmes et sur les personnes LGBT, en particulier en rétention. Il y a une LGBT-phobie dans les centres de rétention.

Mme Josiane Costes . - Merci au rapporteur pour son travail éclairant. Le droit, en cette matière, a été souvent réécrit, il est dommage que nous ne disposions pas de bilans à cet égard. Le raccourcissement du délai de recours devant la CNDA pose problème. La prolongation de la rétention, quand on voit l'état des locaux, n'est pas envisageable.

Le texte n'inclut pas les réfugiés climatiques, or c'est un flux qui va augmenter dans les prochaines années. De même, les moyens d'intégration ne sont pas davantage développés dans ce projet de loi. Enfin, les interprètes ont une grande importance pour donner leur chance aux demandeurs, c'est ce que j'ai pu constater lors de notre déplacement à la CNDA : ils doivent être bien formés.

Je souhaite que la France reste fidèle à ce qu'elle a toujours été.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je m'exprime à titre personnel, pour dire que mon département et plus largement les outre-mer sont absents du projet de loi. J'en profite par ailleurs pour saluer la qualité du travail de notre rapporteur. Or la Guyane et Mayotte sont dans une situation particulière. Chez moi, il y a davantage de reconduites à la frontière que dans tout l'hexagone. Avec 10 000 naissances par an, il faudrait construire une salle de classe par jour pour accueillir tous les enfants. J'ai demandé au ministre pourquoi les chiffres des outre-mer n'étaient pas agrégés dans les chiffres nationaux : il m'a affirmé qu'ils l'étaient. Monsieur le rapporteur, avez-vous pu vérifier si tel était bien le cas ?

Dans la proposition de loi relative à Mayotte que j'ai déposée récemment sur le bureau du Sénat, j'aborde la délicate question du droit du sol et des règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers. Le Président Larcher a bien voulu transmettre ma proposition de loi au Conseil d'État, qui a rendu son avis hier soir. J'attends sa publication par notre Président pour en parler. Je précise à cet égard que je déposerai des amendements en séance sur la situation particulière à Mayotte.

Mme Agnès Canayer . - Le rapporteur a fait un beau travail, sur un texte très attendu. Hélas, le projet de loi ne répond pas aux enjeux, faute de reposer sur un triptyque indispensable. Fermeté, en posant des limites dans l'accès à la nationalité et aux titres de séjour ; crédibilité, pour appliquer réellement les procédures d'éloignement ; et humanité, car pour que l'accueil et l'intégration donnent des résultats, il est essentiel que les demandeurs d'asile s'insèrent aussi et que les dispositifs d'accueil des étrangers soient mis en relation avec les dispositifs de droit commun d'insertion professionnelle. Le texte doit être amendé, pour préserver l'équilibre entre ces trois exigences.

M. Didier Marie . - Bravo au rapporteur pour son travail de qualité et ses propos mesurés. Mais ce texte est-il vraiment utile ? Les lois de 2015 et 2016 n'ont pas donné leur plein effet, mais déjà on modifie les délais, par exemple d'instruction des dossiers. C'est une loi d'affichage, avec une approche partielle et partiale. Il manque en effet la coopération avec les pays d'origine ou de transit, pour lutter contre le trafic d'êtres humains. Il manque aussi l'approche européenne. Les crises politiques, comme dernièrement en Italie, vont rendre les discussions très difficiles dans les mois qui viennent, et la crise humanitaire se traduit par une valse des « Dublinés ». De nombreux réfugiés sont condamnés à errer de pays en pays, sans solution. Cela devient un mode de vie ! Il est temps de rapprocher les jurisprudences et les conditions d'accueil entre les États membres.

Pendant que nous dépensons 1,3 milliard d'euros pour l'accueil des réfugiés, l'Allemagne y consacre 22 milliards. Les moyens de l'OFPRA et de la CNDA sont encore insuffisants. Le texte est partial : il traite, c'est une première, à la fois de l'asile et de l'immigration. Certains propos sur les « hordes de réfugiés » et le « benchmarking » auquel se livreraient les demandeurs d'asile sont dangereux, d'autant que l'opinion publique est déjà méfiante.

Mme Catherine Troendlé . - Le modèle allemand a été évoqué. Mais l'Allemagne connaît une situation inédite : son office d'évaluation et d'accueil des immigrés est en faillite ! Le directeur fédéral a, depuis 2013 et surtout 2015, alerté la chancelière et son bras droit, M. Altmaier, sur le manque de moyens... Une quarantaine de personnes (qui en France relèveraient du fichier S) seraient ainsi passées entre les mailles du filet. En outre, le Bund affecte un nombre de réfugiés à chaque Land, à charge pour ce dernier de gérer la prise en charge : logement, formation, etc. Les Länder sont asphyxiés ! L'Allemagne se trouve en conséquence dans une situation très difficile, et la chancelière est mise en difficulté, car le dossier a été mal traité.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Monsieur Mohamed Soilihi, pour répondre à votre question, les chiffres ne sont jamais consolidés au-delà de la métropole ; mais dans le rapport annuel du Gouvernement, vous trouvez à la fois ceux de la métropole et ceux des outre-mer. Le seul problème, c'est qu'en 2015 et les années suivantes... nous n'avons pas vu le rapport ! Cependant j'ai demandé les chiffres, je les ai obtenus, je vous les transmettrai.

Malgré des divergences, nous sommes tous au moins d'accord sur la nécessité de rétablir l'équilibre du texte. Nous n'avons pas eu d'évaluation des lois de 2015 et 2016, mais les effets sur l'OFPRA, sur la CNDA, commencent à apparaître. Ce n'est pas un problème de moyens, ils ne sont pas sous-dotés. Dès que la CNDA aura, comme l'OFPRA, mis en oeuvre les nouvelles mesures, elle fonctionnera bien.

L'Europe travaille à la codification de trois directives, ces évolutions auront bien sûr un impact sur notre législation, dans quelques mois ou plus certainement années. Un régime d'asile européen unique, c'est un peu compliqué : des critères convergents seraient déjà appréciables. La discussion avec les pays étrangers est toujours plus ou moins un rapport de forces bilatéral ; mais pas seulement ! Le co-développement et les aspects économiques comptent aussi, notamment avec les pays francophones.

S'agissant de l'immigration régulière, il faut se donner les moyens de l'intégration : depuis quarante ans, notre pays n'a pas été très brillant sur cette question - si tel était le cas, nous ne connaîtrions pas la situation actuelle. Il est temps de dire et de voter des mesures réellement utiles et efficaces.

L'immigration est redevenue, au plan politique, un chiffon rouge, faute d'informations transparentes. Si nous partageons une partie du constat, nous pouvons aussi avoir des divergences sur les centres de rétention par exemple. Que la France fixe sa ligne, car rien n'est pire que l'indécision. Celle-ci nourrit des réseaux de migrants, avec des profiteurs et des victimes.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles additionnels avant l'article 1 er

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-216 rectifié prévoit l'organisation d'un débat annuel au Parlement sur les orientations de la politique d'immigration et d'intégration. Je suis extrêmement favorable à cet amendement, que le Sénat avait déjà adopté en 2016, car cela nous permettra d'être informés sur les enjeux et d'avoir une véritable stratégie en la matière. S'il était adopté, l'amendement COM-26 tomberait.

L'amendement COM-216 rectifié est adopté et devient article additionnel.

L'amendement COM-26 devient sans objet.

Article 1 er

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-236 vise à supprimer l'article 1 er du projet de loi, pour trois raisons. Les titres de séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides ont été réformés voilà moins de trois ans, sans que le Gouvernement ait procédé à leur évaluation. En outre, l'article 1 er est contraire à la position adoptée par le Sénat en 2015, puisque, comme le rappelle l'article 16 de la directive « Qualification » du 13 décembre 2011, la protection subsidiaire n'est pas permanente et son octroi doit être réévalué périodiquement. De surcroît, point le plus important, le dispositif proposé par le Gouvernement est moins protecteur pour les apatrides : ces derniers bénéficieraient d'une carte de résident après quatre ans de présence en France, contre trois ans aujourd'hui.

L'amendement COM-236 est adopté.

En conséquence, l'article 1 er est supprimé. Les amendements COM-1 rectifié ter , COM-2 rectifié ter , COM-33 , COM-188 , COM-61 , COM-189 et COM-62 deviennent sans objet.

Article 2

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements en discussion commune COM-4 rectifié ter et COM-32 visent à imposer la maîtrise de la langue française pour l'octroi des cartes de résident de plein droit. Ils seront en partie satisfaits par un amendement que je présenterai portant article additionnel après l'article 26 bis A. D'où une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.

M. Alain Marc . - Pour juger de la maîtrise de la langue française, il faut disposer d'un référentiel extrêmement précis, précisant les compétences acquises à l'écrit et à l'oral.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - C'est justement l'objet de l'amendement que je présenterai après l'article 26 bis A !

M. Philippe Bas , président . - Nous aurons donc l'occasion d'y revenir.

Les amendements COM-4 rectifié ter et COM-32 sont retirés.

M. Jean-Yves Leconte . - La fratrie d'un jeune mineur qui obtiendrait la protection et qui, par rapprochement familial, viendrait en France, perdrait tout droit de séjour à sa majorité. C'est pour éviter ce genre de situations que nous avons déposé l'amendement COM-190 .

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement COM-190 relatif à la délivrance d'un titre de séjour aux frères et aux soeurs d'un réfugié, par souci de cohérence avec la volonté de ne pas élargir le périmètre de la réunification familiale, que j'exprimerai à l'article 3 du projet de loi. Cela n'empêchera pas les frères et soeurs de déposer une demande d'asile en France.

L'amendement COM-190 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-237 est de cohérence avec la suppression de l'article 1 er du projet de loi. S'il est adopté, l'amendement COM-210 de M. Richard tombera.

L'amendement COM-237 est adopté et l'amendement COM-210 devient sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je suis favorable à l'amendement COM-63 de M. Leconte qui fixe un délai d'un mois à l'administration pour délivrer une carte de résident à un réfugié. Je propose toutefois une rectification : il faudrait faire débuter ce délai de délivrance au moment de la notification de la décision de protection, pas de la décision elle-même. En outre, nous devrons travailler d'ici à la séance publique pour étendre cette disposition aux apatrides et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, afin d'assurer à tous une égalité de traitement entre les personnes bénéficiant d'une protection internationale.

M. Jean-Yves Leconte . - J'accepte la rectification proposée par le rapporteur.

L'amendement COM-63 rectifié est adopté.

Article 3

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je demande le retrait de l'amendement COM-5 rectifié ter. Restons-en aux principes existants, d'autant que l'amendement est contraire à la directive « Qualification » de décembre 2011, qui inclut les concubins dans le champ de la réunification familiale.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Au regard des précisions du rapporteur, j'accepte de retirer cet amendement.

L'amendement COM-5 rectifié ter est retiré.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le bénéficiaire d'une protection internationale peut être rejoint par ses enfants jusqu'à la veille de leur dix-neuvième anniversaire. Il s'agit d'une disposition ancienne en droit des étrangers, pour laisser le temps aux mineurs de réaliser leurs démarches administratives.

L'amendement COM-6 rectifié ter propose de permettre la réunification familiale uniquement pour les mineurs, c'est-à-dire de supprimer cette phase intermédiaire entre 18 et 19 ans. Nous devons étudier de près cette disposition, qui pourrait concerner d'autres pans du droit des étrangers. Je propose d'y retravailler d'ici à la séance. À ce stade, il serait préférable que l'amendement soit retiré.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Je le retire.

L'amendement COM-6 rectifié ter est retiré.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis favorable sur les amendements identiques COM-7 rectifié ter et COM-31 qui suppriment l'extension de la réunification familiale aux frères et soeurs d'une personne protégée. Nous en avons parlé tout à l'heure.

Les amendements identiques COM-7 rectifié ter et COM-31 sont adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement COM-66 de M. Leconte.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nos travaux avancent trop rapidement. Il nous faut plus de temps pour examiner les amendements !

M. Philippe Bas , président . - Je suis comptable du temps, mes chers collègues : il nous faut aboutir. Je veillerai cependant à ce que le débat puisse avoir lieu à chaque fois qu'il est question du fond. N'hésitez donc pas à demander la parole !

M. Jean-Yves Leconte . - L'objet de mon amendement COM-66 est simple : lorsqu'un enfant devient majeur pendant la période d'examen de la demande d'asile de ses parents, il doit pouvoir aussi bénéficier de la réunification familiale.

M. Jean-Pierre Sueur . - Les explications de Jean-Yves Leconte me paraissant très claires, je souhaite connaître les raisons qui motivent le refus du rapporteur.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Aujourd'hui, l'âge de l'enfant d'une personne protégée est pris en compte au moment du dépôt de la demande de réunification familiale. L'amendement COM-66 propose qu'il le soit plus tôt, c'est-à-dire au moment du dépôt de la demande d'asile, ce qui laisserait plus de marges aux personnes concernées.

En tout état de cause, l'accélération de l'instruction des demandes d'asile devrait réduire ce différentiel calendaire entre la date de dépôt de la demande, d'une part, et la réunification familiale, d'autre part. En outre, il semble délicat d'admettre à la réunification familiale des enfants devenus majeurs. D'où l'avis défavorable.

L'amendement COM-66 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Sur mon amendement COM-238 , je rappelle que la loi de 2015 relative à la réforme du droit d'asile a créé un dispositif de prévention des mutilations sexuelles pour protéger les mineures de sexe féminin. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) peut solliciter l'organisation d'un examen médical, soit pendant l'instruction de la demande d'asile, soit après l'octroi de la protection afin de vérifier qu'aucune mutilation sexuelle n'a été pratiquée depuis le début de l'étude du dossier.

L'Assemblée nationale a étendu l'examen médical prévu lors de l'instruction de la demande d'asile aux mineurs de sexe masculin, invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer leurs fonctions reproductrices. Ce type de mutilations constitue un phénomène nouveau mais une problématique réelle dans certaines régions du monde, comme l'ont montré mes auditions

Dès lors, cet amendement vise à soumettre l'organisation, par l'OFPRA, d'un examen médical pour vérifier que le mineur de sexe masculin n'a pas non plus subi de mutilations sexuelles depuis l'octroi de sa protection. Cet amendement a donc vocation à être beaucoup plus protecteur pour les personnes concernées.

Mme Esther Benbassa . - Je m'abstiens sur cet amendement !

L'amendement COM-238 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements en discussion commune COM-52 rectifié et COM-51 concernent également l'examen médical des demandeurs d'asile. L'amendement COM-52 permettrait au demandeur d'organiser, à ses frais, son propre examen médical, dans l'hypothèse où cela ne lui a pas été proposé.

Il convient plutôt de laisser à l'OFPRA la maîtrise de cet examen médical : si l'office devait le refuser, encore faudrait-il qu'il s'explique.

En outre, il est difficile de définir, dans la loi, le contenu exact de l'examen médical à mener, comme le propose l'amendement COM-51. Laissons un peu de souplesse au dispositif et la maîtrise à l'OFPRA. Avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Didier Marie . - On peut imaginer, pour telle ou telle raison, que l'OFPRA ne diligente pas l'examen médical, quand bien même le demandeur aurait à faire valoir des traces de sévices. Le cas échéant, le demandeur doit pouvoir solliciter lui-même cet examen, en ayant toutes les garanties nécessaires, comme le fait de disposer d'une liste de médecins agréés pour le pratiquer.

Mme Brigitte Lherbier . - Qu'il y ait la possibilité d'avoir un recours contre la décision de l'OFPRA de refuser un examen médical semble envisageable. À l'inverse, que cet examen soit aux frais du demandeur entraînerait une différenciation inéquitable !

M. Jean-Yves Leconte . - C'est pour cela que mon amendement COM-51 précise que l'OFPRA peut demander un examen médical qui ne doit porter que sur les signes de persécution. Si l'OFPRA ne le demande pas, le demandeur d'asile doit pouvoir faire valoir ses droits. S'il faut corriger l'amendement en fonction de la remarque de Mme Lherbier, pourquoi pas ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Il s'agit juste d'une information à transmettre au demandeur sur la possibilité d'organiser, à ses frais, un examen médical. Il n'y a rien là de très compliqué.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'OFPRA ne nous a jamais signalé qu'un examen médical ait été refusé. Sincèrement, si refus il y avait eu, nous l'aurions su. Faisons confiance à l'office !

Mme Brigitte Lherbier . - C'est important de le préciser.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - La définition du contenu du contrôle médical ne doit pas figurer dans la loi. C'est le travail des médecins, pas du législateur.

M. André Reichardt . - Je ne vois pas pourquoi l'OFPRA, dès lors qu'il est signalé que la personne a fait l'objet de mutilations, ne diligenterait pas un examen médical. Je trouve moi aussi gênante cette distinction entre les demandeurs d'asile qui pourraient payer un examen médical et ceux qui ne le pourraient pas. Il ne faut pas non plus ralentir les délais d'instruction.

Les amendements COM-52 rectifié et COM-51 ne sont pas adoptés.

Article additionnel avant l'article 4

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'objet de l'amendement COM-50 est l'intégration des aspects liés au sexe dans la définition des motifs de persécution. J'en demande le retrait parce que c'est déjà pris en compte dans le droit positif. En effet, l'appartenance à un groupe social prévue par la convention de Genève et la directive « Qualification » de 2011 comprend en effet les persécutions liées au sexe.

M. Philippe Bas , président . - Retirez-vous cet amendement, monsieur Leconte ?

M. Jean-Yves Leconte . - Non. Dans le pire des cas, je redéposerai cet amendement en séance et le rapporteur répétera son argumentation. Ce sera au moins cela !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - L'exposé des motifs de l'amendement précise bien que la directive ne reprend justement pas les aspects liés au sexe.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Si, ce motif de persécution est pris en compte dans la notion de groupe social.

L'amendement COM-50 n'est pas adopté.

Article 4

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Reprenant une mesure votée par le Sénat en 2015, mon amendement COM-250 vise à préciser qu'après avoir qualifié les faits, l'OFPRA a l'obligation, et non la simple faculté, de refuser le statut de réfugié, ou d'y mettre fin, s'agissant des personnes pour lesquelles, soit il y a des raisons sérieuses de considérer que leur présence en France constitue une menace grave pour la sûreté de l'État, soit qui ont été condamnées pour un crime, un délit constituant un acte de terrorisme ou un délit puni de 10 ans d'emprisonnement, et qui constituent une menace grave pour la société.

M. Alain Richard . - Malgré ma proximité de réflexion avec le rapporteur sur d'autres sujets, en l'espèce, je redoute un risque juridique.

Dans le premier cas, il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France constitue une menace. C'est une mesure de police, qui, par définition, est toujours prise au terme d'une appréciation de situation. En l'occurrence, c'est l'OFPRA qui joue le rôle d'autorité administrative. Il me semble donc préférable de conserver le verbe « pouvoir ».

Dans le second, puisqu'il s'agit de la conséquence d'une condamnation, ne risquons-nous pas de nous retrouver dans une situation de peine automatique ? Par rapport à la confiance accordée globalement à l'OFPRA et aux bornes juridiques à l'intérieur desquelles on doit se trouver, je ne suis pas sûr que cette création d'une double obligation soit complètement sécurisée.

M. Philippe Bas , président . - Monsieur le rapporteur, M. Richard nous alerte sur un risque juridique qu'il y aurait dans votre amendement. Maintenez-vous votre position ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Oui. Les faits sont portés à la connaissance de l'OFPRA, qui les apprécie, les qualifie et décide d'accorder ou non la protection. Dans la mesure où, lors de son examen, l'OFPRA considèrerait que la personne ne réunit pas les conditions du statut de réfugié, il devrait inévitablement prononcer le refus du statut de réfugié. Restera la possibilité, pour le demandeur, de saisir la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

L'amendement COM-250 est adopté et l'amendement COM-30 devient sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-252 étend le champ des comportements susceptibles de fonder une décision d'exclusion ou de cessation du statut de réfugié sur le fondement de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), en supprimant le caractère de gravité de cette menace. Il ajoute également les menaces à la sécurité publique, afin de couvrir les cas de personnes qui représentent une menace, non pour la sûreté de l'État, mais pour la sécurité sur le territoire et qui n'ont, de ce fait, pas vocation à être protégées par la France. Ces précisions reprennent exactement la terminologie de l'article 14 de la directive « Qualification » déjà évoqué.

L'amendement COM-252 est adopté ; les amendements COM-8 rectifié ter et COM-81 deviennent sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-253 propose une nouvelle rédaction de l'article 4, s'agissant de la prise en compte des condamnations intervenues dans des États tiers, et susceptibles de fonder une décision de refus ou de retrait du statut de réfugié. Cette extension du champ d'application, introduite à l'Assemblée nationale, me semble en effet opportune, puisqu'elle permettrait d'écarter du droit d'asile une personne condamnée pour un crime ou un acte de terrorisme par les États-Unis ou le Canada.

M. Jean-Yves Leconte . - Tout cela serait très cohérent si les États se fondaient sur les mêmes définitions des crimes et actes de terrorisme. Or ce n'est pas le cas.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - La notion de crime ou de délit sera appréciée à la lumière des principes du droit pénal français.

M. Jean-Yves Leconte . - Et l'acte de terrorisme aussi ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Oui, tout à fait.

M. Jean-Yves Leconte . - Cela risque de rendre les choses plus compliquées.

L'amendement COM-253 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-82 propose que le refus d'une demande d'asile ne puisse être opposé que si l'intéressé bénéficie dans son pays d'origine d'une protection qualifiée d'effective et de non temporaire. Je demande le retrait de cet amendement. En effet, l'article L. 713-3 du CESEDA, qui transpose exactement les termes de l'article 8 de la directive « Qualification », dispose que la personne doit être en capacité de s'établir dans ledit pays, ce qui me semble revenir à l'existence d'une protection effective et non temporaire.

L'amendement COM-82 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-254 rectifié que je présente reprend la possibilité prévue à l'article 4 de procéder à des enquêtes administratives pouvant conduire au refus ou au retrait de titres de séjour, ou d'une protection internationale. Il codifie cette mesure au sein du CESEDA, et non pas au sein du code de la sécurité intérieure, ce qui est plus cohérent. Il reprend en outre, via un décret, la garantie selon laquelle les personnes concernées sont informées de la consultation de traitements de données à caractère personnel.

Mme Brigitte Lherbier . - Qui serait à l'origine de la demande d'enquête administrative ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Dans le cas de l'octroi d'une demande de protection internationale, cela peut être l'OFPRA.

M. Alain Richard . - La codification proposée par l'amendement est la bonne option. Cependant, pour le bon fonctionnement des services, ne serait-il pas judicieux de renvoyer à l'article du code de la sécurité intérieure qui indique la procédure ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous pouvons regarder si cette option est envisageable.

L'amendement COM-254 rectifié est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-278 concerne les clauses de cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Dans le même esprit que ce que je vous ai proposé à l'amendement COM-250 , il précise qu'après avoir qualifié les faits, et si ceux-ci correspondent à une clause de cessation de la protection due au titre de la convention de Genève, l'OFPRA a l'obligation, et non la simple faculté, de mettre fin au statut de réfugié. L'amendement institue en outre le même principe en matière de protection subsidiaire.

Par ailleurs, l'amendement supprime le caractère de gravité de la menace exigée pour exclure une personne du bénéfice de la protection subsidiaire lorsque son activité constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

Enfin, il ajoute une clause d'exclusion de la protection subsidiaire. Le droit en vigueur prévoit en effet l'exclusion des personnes dont l'activité sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État, mais pas celles des instigateurs ou de leurs complices. Étant donné la gravité des agissements concernés, le présent amendement propose de procéder à cette exclusion.

Ces mesures concernant la protection subsidiaire, conformes à l'article 17 de la directive « Qualification », ont déjà été votées par le Sénat en 2015.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Nous nous heurtons à la même difficulté qu'à l'amendement COM-250 , celle de l'automaticité.

M. Jean-Yves Leconte . - L'objectif de cet amendement risque d'être contrecarré. S'il est possible de faire appel à la CNDA, la Cour pourra se retrouver à juger une décision qui relève du législateur et que l'OFPRA est tenue de mettre en oeuvre. Ne vaudrait-il pas mieux obliger l'OFPRA à se saisir de ces cas ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - En réalité, l'OFPRA instruit les dossiers et se fait donc sa propre conviction. Le maintien ou non du statut dépend de la décision qu'elle prend. L'OFPRA n'est pas liée par la décision d'une autre instance.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - C'est pourtant le cas.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Non. L'OFPRA a accès à accès à tous les documents nécessaires pour établir sa propre décision.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Ce n'est pas ce que dit l'amendement COM-250.

L'amendement COM-278 est adopté.

Article 5

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-201 , car j'approuve totalement les dispositions de cet article. Il est notamment relatif à la réduction des délais dans lesquels une demande d'asile devient tardive, de 120 à 90 jours, que j'avais moi-même proposée en 2015.

Mme Esther Benbassa . - Le délai prévu dans l'article est insuffisant. Ces dispositions affaiblissent les droits fondamentaux des demandeurs d'asile.

L'amendement COM-201 n' est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - J'émets un avis favorable à l'amendement COM-83 qui précise que le rapport annuel établi par l'OFPRA fournit des données quantitatives et qualitatives présentées par pays d'origine. L'OFPRA inclut d'ailleurs d'ores et déjà ces données dans ses rapports annuels.

L'amendement COM-83 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Dans le même esprit, je suis favorable à l'amendement COM-84 qui complète également les données quantitatives et qualitatives présentées dans le rapport annuel de l'OFPRA. Y seraient ajoutées les données relatives à la langue d'instruction. J'émets donc un avis favorable sous réserve d'une rectification qui remplace les mots « langue d'instruction » par « langue utilisée ».

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je rectifie en ce sens.

L'amendement COM-84 ainsi rectifié est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-69 propose de compléter la définition des pays d'origine sûrs pour garantir qu'un pays ne puisse figurer sur cette liste si l'on y pratique la persécution, la torture ou des traitements inhumains à l'encontre des personnes transgenres. L'Assemblée nationale y avait ajouté la mention de l'orientation sexuelle. Il me semble donc cohérent d'y intégrer à la notion d'identité de genre.

L'amendement COM-69 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-67 propose d'introduire une procédure exceptionnelle de suspension d'un pays de la liste des pays d'origine sûrs, qui serait mise en oeuvre par le directeur de l'OFPRA, puis confirmée par son conseil d'administration. J'en demande le retrait, à défaut ce sera un avis défavorable, car une procédure exceptionnelle similaire existe déjà, mise en oeuvre par le conseil administration de l'OFPRA.

M. Jean-Yves Leconte . - L'amendement autorise le directeur à agir seul et rapidement.

L'amendement COM-67 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-85 propose de compléter la liste des associations de défense pouvant saisir le conseil d'administration de l'OFPRA d'une demande d'inscription ou de radiation de la liste des pays sûrs, en y ajoutant les associations de lutte contre l'homophobie ou la transphobie. J'émets un avis favorable sous réserve d'une rectification : par cohérence avec la rédaction des autres catégories d'associations déjà incluses à l'article L. 722-1 du CESEDA, il vaut mieux parler d'« association de défense des personnes homosexuelles ou des personnes transgenres ».

Mme Esther Benbassa . - Le terme « homosexuels » est connoté. Les associations utilisent « LGBT ».

M. Philippe Bas , président. - Mieux vaut s'exprimer en français. Personnellement, je parle des « associations de défense des personnes homosexuelles et des personnes transgenres ».

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Retenons cette rédaction.

L'amendement COM-85 , ainsi rectifié, est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-64 qui supprime la faculté pour l'OFPRA de statuer de sa propre initiative en procédure accélérée.

L'amendement COM-64 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Je demande de retrait de l'amendement COM-177 qui prévoit que le demandeur introduit sa demande d'asile auprès de l'Office dans la langue qu'il a indiquée lors de l'enregistrement de sa demande. Il est satisfait.

M. Jean-Yves Leconte . - Pourquoi ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Ces dispositions figurent déjà dans l'article 7 qui prévoit que le demandeur indiquera la langue dans laquelle il souhaite que se déroule l'ensemble de la procédure de demande d'asile, y compris à l'OFPRA, lors de l'entretien personnel et du récit de son parcours. Cette mesure qui est un gage d'efficacité suscite d'ailleurs des inquiétudes. Le directeur de l'OFPRA y répond en disant qu'il sera toujours possible de changer de langue pour l'entretien personnel s'il y a eu une erreur dans le choix de langue lors de l'enregistrement de la demande d'asile à la préfecture.

M. Jean-Yves Leconte . - Il ne s'agit pas de cela. Cet amendement précise que le requérant pourra faire son récit dans une langue autre que le français plutôt que de faire intervenir un traducteur.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Il s'agit de la langue dans laquelle le requérant fait son récit.

M. Jean-Yves Leconte . - Le requérant doit pouvoir s'exprimer le plus librement possible.

M. Philippe Bas , président. - L'amendement ne mentionne ce récit à aucun moment.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Lorsque le demandeur d'asile fait sa demande, il indique la langue dans laquelle elle sera instruite. Il pourra faire son récit dans cette langue et pas forcément en français.

M. Jean-Yves Leconte . - Il satisfait donc notre amendement ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Oui, tel que le dispositif de votre amendement est rédigé.

Mme Brigitte Lherbier . - Et si la demande se fait par écrit dans une langue autre que le français, la même langue sera-t-elle utilisée pour le récit ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Oui, c'est l'objectif de l'article 7.

L'amendement n° COM-177 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Mon prochain amendement concerne la notification des décisions et l'envoi des convocations de l'OFPRA par tout moyen. Cette évolution suscite des inquiétudes. Comment savoir en effet avec certitude que la décision ou la convocation ont bien été reçues par le demandeur ? Il faut une date certaine de réception pour permettre le décompte des différents délais, notamment celui du délai de recours. C'est la raison pour laquelle je vous propose par mon amendement COM-285 de renvoyer à un décret en Conseil d'État afin de préciser les conditions dans lesquelles les convocations et notifications de l'OFPRA par voie dématérialisée permettront d'assurer effectivement la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur. L'objectif est ainsi d'éviter une incertitude juridique et de répondre aux inquiétudes.

M. Didier Marie . - Encore faudra-t-il que le décret précise ce qu'est l'accusé de réception dématérialisé. Le demandeur d'asile devra déclarer au moment de sa demande s'il a accès à des moyens numériques.

M. François Pillet . - Le décret est une procédure très utilisée en matière de procédure civile. On a par exemple défini par décret les modalités de justification de la signification de l'avertissement d'une ordonnance de protection dans le cadre d'une agression entre époux. Il ne devrait pas y avoir de problème.

M. Alain Richard . - Pas moins de 60 % des demandes d'asile sont rejetées. Les demandeurs qui sont presque certains de remplir les conditions pour être acceptés comme réfugiés ont tout intérêt à utiliser les éléments les plus directs et les plus rapides de la procédure. Ils feront en sorte de recevoir la décision de l'OFPRA le plus vite possible. En revanche, ceux qui sont dans une situation moins évidente auront intérêt à allonger la procédure par tous les moyens possibles, afin de rester sur le sol français le plus longtemps possible.

L'amendement COM-285 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-157 rétablit à 120 jours au lieu de 90 le délai dans lequel une demande d'asile devient tardive. Avis défavorable pour les raisons que j'ai précédemment indiquées. Je rappelle que l'examen en procédure accélérée par l'OFPRA n'a aucune incidence sur son examen au fond, puisque l'Office procède systématiquement à un examen individuel des demandes.

Mon amendement COM-280 prévoit que sont exclus des cas dans lesquels l'OFPRA peut décider de ne pas ne pas statuer en procédure accélérée, ceux dans lesquels le demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

Enfin, toujours sur le même sujet, j'émets un avis défavorable à l'amendement COM-65 qui précise que le critère du décompte du délai dans lequel une demande d'asile devient tardive, 90 jours dans le projet de loi, n'est applicable que s'il est possible de l'établir. Cette précision me semble tautologique.

L'amendement COM-157 n'est pas adopté.

L'amendement COM-280 est adopté.

L'amendement COM-65 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-86 interdit la procédure accélérée pour les mineurs non accompagnés. J'y suis défavorable, même si je comprends les préoccupations qui ont inspiré cet amendement.

Des précautions particulières sont en effet prévues pour les mineurs non accompagnés, s'agissant de l'engagement de la procédure accélérée, qui découlent directement de la directive « Procédures ». Elle n'est applicable que si le mineur est issu d'un pays considéré comme d'origine sûr, si sa demande de réexamen est considérée comme recevable, ou si l'autorité administrative a constaté qu'il représentait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

De surcroît, lorsqu'ils sont sur le territoire français, les mineurs non accompagnés ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement que ce soit une obligation de quitter le territoire français ou une expulsion pour motif d'ordre public. Ils peuvent en revanche, dans le cadre d'une décision judiciaire, devoir retourner dans leur pays d'origine s'ils peuvent y être accueillis par leur famille ou par un tuteur légal, par exemple.

Pour rappel, ces dispositions concernent la procédure accélérée pour les mineurs non accompagnés, qui a été introduite lors de la réforme du droit d'asile en 2015, à l'initiative du Gouvernement et du ministre de l'intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve.

L'amendement COM-86 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-87 qui supprime la possibilité de convoquer un demandeur à l'entretien personnel à l'OFPRA par « tout moyen ». En effet, l'objet de ces dispositions est de permettre l'information du demandeur avec la plus grande célérité comme nous l'avons déjà évoqué. Pour renforcer l'encadrement de ce dispositif, j'ai d'ailleurs proposé à l'amendement COM-285 un décret en Conseil d'État qui devra préciser les modalités techniques permettant d'assurer la confidentialité de la transmission de ces documents et leur réception personnelle par le demandeur.

L'amendement COM-87 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-53 prévoit qu'en cas de dispense d'entretien par l'OFPRA pour des raisons médicales, le demandeur peut envoyer par tout moyen les éléments utiles à l'instruction de sa demande. En l'état, la disposition proposée me semble problématique : dans quel délai le demandeur devrait-il envoyer ces documents? Il ne faudrait pas que cela conduise à allonger les délais de traitement pour l'OFPRA ou à désorganiser les modalités de son instruction. Je demande le retrait de cet amendement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - On pourrait le réécrire et le présenter en séance.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Oui tout à fait.

L'amendement COM-53 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-54 qui prévoit que l'absence d'entretien pour des raisons médicales n'influence pas dans un sens défavorable la décision de l'OFPRA. S'il est important que l'OFPRA applique cette disposition et adopte des dispositions réglementaires en interne, il ne semble pas opportun de faire figurer cette précision dans la loi.

L'amendement COM-54 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-88 précise que la langue utilisée lors de l'entretien doit non seulement permettre au demandeur de comprendre mais également de « se faire comprendre ». J'en demande le retrait ou à défaut, j'émettrai un avis défavorable, car l'expression « langue dont il a une connaissance suffisante » me semble déjà recouvrer ces deux aspects, de sorte que l'amendement est satisfait.

M. Jean-Yves Leconte . - Dans la pratique, il arrive que l'on puisse deviner le sens d'un discours prononcé dans une langue qu'on n'est pas capable de parler. D'où notre volonté de précision.

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit de faire la loi. Elle ne peut pas être bavarde.

M. Didier Marie . - Dans certains pays, comme en Érythrée, deux langues officielles coexistent, dont l'une peut être très pratiquée et l'autre moins.

M. Philippe Bas , président . - Pour régler la difficulté, il faut mettre en place des dispositions pratiques. Elles n'ont pas à figurer dans la loi.

L'amendement COM-88 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-48 . Celui-ci propose de compléter la liste des associations qui peuvent accompagner le demandeur d'asile à l'entretien de l'OFPRA avec les associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe, mais aussi l'identité de genre. Le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale ne comprend plus que la seconde notion. Il est important de conserver les deux.

L'amendement COM-48 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Mon amendement COM-282 clarifie la qualité du professionnel de santé pouvant accompagner le demandeur d'asile à son entretien à l'OFPRA. Il vise simplement un « professionnel de santé » et non « le professionnel de santé qui le suit habituellement », dans la mesure où cette notion, plus restrictive, semble inappropriée pour une personne venant d'arriver sur le territoire français.

L'amendement COM-282 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-89 supprime la mention selon laquelle la notification de la décision de l'OFPRA peut se faire par tout moyen. J'y suis défavorable, comme déjà évoqué.

L'amendement COM-89 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-49 interdit à l'OFPRA de statuer sur la base exclusive d'informations restées confidentielles à l'égard du demandeur. J'y suis défavorable car la procédure devant l'OFPRA étant administrative, elle n'a pas à respecter les mêmes exigences du débat contradictoire qu'une procédure juridictionnelle. Par ailleurs, les décisions de l'OFPRA doivent être motivées de façon à ce que le demandeur puisse, le cas échéant, déposer un recours devant la CNDA.

L'amendement COM-49 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-91 , dont je demande le retrait et auquel, à défaut, je serai défavorable, précise que la protection d'un État tiers permettant à l'OFPRA de prendre une décision d'irrecevabilité est « non temporaire ». Dans la mesure où l'article L. 723-11 du CESEDA qui régit les décisions d'irrecevabilité prévoit que cette protection soit effective, il me semble que l'amendement est satisfait par le droit en vigueur.

L'amendement COM-91 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-90 supprime la mention selon laquelle la notification d'une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA peut se faire par tout moyen. Mon avis est défavorable, toujours pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées.

L'amendement COM-90 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-92 inscrit dans la loi les modalités par lesquelles le demandeur informe l'OFPRA du retrait de sa demande. Cette disposition étant d'ordre réglementaire, j'y suis défavorable.

L'amendement COM-92 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-294 , identique à une disposition déjà votée par le Sénat en 2015, impose à l'OFPRA de clôturer le dossier si le demandeur l'informe du retrait de sa demande. Il s'agit d'une mesure de formalisme et de clarification.

M. Alain Richard . - Qui pourrait être jugée d'ordre réglementaire...

L'amendement COM-294 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Les amendements COM-93 et COM-284 sont en discussion commune. Je suis défavorable à l'amendement COM-93, qui supprime le nouveau cas de clôture d'une demande d'asile par l'OFPRA. L'Office m'a en effet indiqué que cela n'apparaissait pas de nature modifier notablement la procédure, qui connaît déjà la clôture pour défaut d'introduction de la demande d'asile « dans les délais » et « sans motif légitime ». Cette disposition concerne l'absence de dépôt de la demande d'asile à l'OFPRA dans le délai de vingt-et-un jours après remise de l'attestation de demande d'asile en préfecture. En outre, dès lors qu'un demandeur ne dépose pas sa demande d'asile à l'OFPRA et qu'il ne l'informe pas du retrait de sa demande, il semble logique que l'Office puisse la clôturer.

Mon amendement COM-284 prévoit, pour sa part, la clôture d'une demande d'asile lorsque, sans motif légitime, le demandeur a abandonné son lieu d'hébergement ou n'a pas respecté le contrôle administratif auquel il était astreint.

L'amendement COM-93 n'est pas adopté.

L'amendement COM-284 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-94 supprime la mention selon laquelle la décision de clôture de l'OFPRA peut se faire par tout moyen. Pour les raisons précédemment évoquées, mon avis est défavorable.

L'amendement COM-94 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-55 instaure un délai afin de distinguer demande de réexamen et demande nouvelle. Ainsi, une demande présentée au-delà d'un délai de trois ans ne serait plus considérée comme un réexamen qui serait placée de droit en procédure accélérée - mais comme une demande nouvelle. J'y suis défavorable car la directive « Procédures » prévoit en effet que toute demande présentée après une décision définitive de rejet constitue une demande de réexamen et non pas une demande nouvelle.

L'amendement COM-55 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-95 supprime la possibilité, pour l'OFPRA, de notifier ses décisions de cessation de la protection internationale par tout moyen. Avis défavorable.

L'amendement COM-95 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-96 supprime la possibilité, pour l'OFPRA, de notifier par tout moyen ses décisions en matière d'apatridie. Avis défavorable.

L'amendement COM-96 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 5

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-286 consacre dans la loi les missions de réinstallation vers la France menées à l'échelle internationale par l'OFPRA souvent sous l'égide du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR), afin de garantir leur pérennité. L'objectif de ces missions est de permettre à l'Office d'identifier, dans les pays source, les personnes éligibles à la protection internationale, afin de leur éviter des traversées dangereuses et d'informer celles qui sont insusceptibles de se voir accorder l'asile ou la protection subsidiaire. Il m'apparaît en effet utile de traiter la demande d'asile au plus près.

M. Jean-Yves Leconte . - Certes, mais ces missions ne rencontrent pas toujours les demandeurs d'asile dans leur pays d'origine.

M. Alain Richard . - Effectivement ! Ainsi, la mission menée au Tchad a majoritairement concerné des Soudanais.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Effectivement, je vous propose de rectifier l'amendement et de remplacer « pays d'origine des demandeurs » par « pays tiers ».

L'amendement COM-286 rectifié est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-29 prévoit la signature, par le demandeur d'asile, d'une charte d'engagement à respecter les valeurs de la République. Ce principe, qui me semble naturel, s'inspire de dispositifs existant en matière de séjour et de naturalisation. J'y suis favorable.

M. Alain Richard . - Si la France avait demandé en 1978 à l'Ayatollah Khomeini de signer un tel document, nous aurions évité bien des désagréments...

M. Jean-Yves Leconte . - Il me semble bien audacieux de considérer que tous les demandeurs d'asile partagent les valeurs de la République.

M. Philippe Bas , président. - Je ne m'attendais pas à un tel argument !

M. Jean-Yves Leconte . - La demande d'asile est une demande de protection, pas de naturalisation : elle ne nécessite pas les mêmes garanties d'intégration.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je m'inquiète d'ailleurs de la constitutionnalité du dispositif proposé par cet amendement.

M. Philippe Bas , président. - Le doute serait permis si nous ajoutions un critère d'obtention à la demande d'asile, mais il s'agit davantage d'une exigence morale puisqu'aucune sanction n'est prévue en cas de manquement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Dans la mesure où la charte signée doit accompagner la demande d'asile, je m'interroge sur la recevabilité de cette dernière si le document n'était pas joint au dossier.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Il me semble dès lors préférable de préciser que l'engagement est pris par le demandeur d'asile lorsque la protection lui est accordée, non à l'occasion de sa demande. Je vous propose de sous-amender le dispositif en ce sens.

Le sous-amendement COM-295 est adopté.

L'amendement COM-29 est adopté.

Article 6

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-202 supprime l'article 6 relatif à la procédure devant la CNDA. J'y suis défavorable, d'autant qu'il devrait être en grande partie satisfait par mon amendement COM-287 , qui maintient le délai de recours à trente jours.

L'amendement COM-202 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous abordons désormais le sujet de la procédure devant la CNDA et, notamment, de la réduction à quinze jours du délai de recours contre une décision de rejet de l'OFPRA devant la CNDA, mesure présentée comme une accélération de la procédure prévue par le projet de loi. En réalité, dans environ 80 % des cas, le demandeur d'asile sollicite le bénéfice de l'aide juridictionnelle, ce qui ouvre un nouveau délai d'un mois une fois l'aide juridictionnelle attribuée par le bureau d'aide juridictionnelle. La procédure d'introduction de la requête dure donc environ deux mois en principe dans la majorité des cas. Ensuite, les dossiers sont instruits en moyenne en six mois et quinze jours par la CNDA dans la procédure normale. Les effets de la réduction du délai d'appel seront donc fort limités par rapport au délai global de traitement du recours devant la CNDA. En revanche, tout en maintenant le délai à trente jours, il pourrait être efficace de réfléchir à coordonner la demande d'appel et celle relative à l'aide juridictionnelle pour que les délais démarrent conjointement ; nous y réfléchirons en vue de la séance publique le cas échéant. Il pourrait alors véritablement y avoir une accélération de la procédure. N'oublions pas, par ailleurs, que la CNDA traite sous tension un nombre considérable de dossiers. Une réduction du délai d'appel conduirait à dégrader encore les conditions de travail de cette institution, qui déjà doit se réorganiser. Je propose donc, avec mon amendement COM-287 , en discussion commune avec les amendements COM-158 et COM-181 , de maintenir le délai d'appel à trente jours.

M. Alain Richard . - Je partage le raisonnement de notre rapporteur, d'autant que la CNDA sort à peine d'un conflit social engendré par une charge de travail et émotionnelle jugée trop élevée. Ne l'accablons pas davantage ! Il me semble également intéressant d'imaginer que les demandes d'appel et d'aide juridictionnelle soient concomitantes.

Mme Esther Benbassa . - Lors d'un déplacement à la CNDA, nous avons pu observer combien la procédure occasionnait de travail et nécessitait le recrutement d'agents supplémentaires.

M. Jean-Yves Leconte . - Veillons effectivement à ne pas créer de nouvelles complications pour la CNDA et avançons sur une proposition portant sur les modalités de demande de l'aide juridictionnelle.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous allons étudier cette possibilité avec attention dans la perspective de la séance publique. Il nous faut également demeurer attentifs aux difficultés rencontrées par la CNDA en matière de ressources humaines.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Devant une si belle unanimité, je regrette le ton plus politique du dernier alinéa de l'objet de votre amendement...

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je suis prêt à l'ôter !

L'amendement COM-287 est adopté. En conséquence, les amendements COM-158 , satisfait, et COM-181 deviennent sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-97 supprime l'extension du champ des recours à juger en cinq semaines devant la CNDA lorsqu'il s'agit des recours formés à l'encontre des décisions de l'OFPRA portant exclusion ou cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Mon avis est défavorable.

L'amendement COM-97 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-98 porte à quinze jours le délai de recours devant la CNDA, s'agissant de l'application des articles 31, 32 et 33 de la convention de Genève. La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a, dans ce cadre, attribué une compétence consultative à la CNDA pour les requêtes adressées par des réfugiés contre des décisions de restriction de séjour ou d'expulsion. Le réfugié visé par une telle mesure dispose d'une semaine pour exercer un recours, suspensif d'exécution, devant la CNDA, qui formule un avis motivé quant au maintien ou à l'annulation de la mesure, adressé sans délai au ministre chargé de l'asile. Dans la mesure où il s'agit, pour le demandeur visé par la mesure comme pour les autorités chargées de l'asile, d'agir avec la plus grande célérité, je ne vois nulle raison d'allonger ce délai. Avis défavorable.

L'amendement COM-98 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-99 , auquel je suis défavorable, supprime, s'agissant de la vidéo-audience, la possibilité pour l'interprète de ne pas être physiquement présent aux côtés du demandeur, mais dans la salle où se tient l'audience de la CNDA. Or, la consécration dans la loi de la présence de l'interprète au côté du requérant et, à défaut, dans la salle où se tient l'audience, représente une garantie pour le requérant, tout en permettant le bon fonctionnement du service public de la justice.

Certes, il est préférable que les personnes concernées soient présentes à l'audience, mais cet idéal n'est pas toujours réalisable, compte tenu du coût afférent au transport et à l'hébergement des demandeurs d'asile. La présidente de la CNDA comme certaines associations estiment que les vidéoaudiences fonctionnent convenablement lorsque le matériel de communication est de qualité.

M. Jean-Yves Leconte . - Quelles que soient les réserves que l'on puisse avoir sur les vidéo-audiences, nous devons les encadrer. À cet égard, la présence physique de l'interprète aux côtés du demandeur me semble importante et, dans bien des cas - je pense aux personnes, qui arrivent en Guyane ou à Mayotte dont les langues ne varient guère -, aisée à assurer.

M. Didier Marie . - Le recours à une vidéo-audience est compréhensible lorsque la distance entre le demandeur et la CNDA ne permet pas d'autre procédure. Il n'en reste pas moins qu'elle représente une fragilité supplémentaire pour certains demandeurs et, en cela, ne devrait pas être imposée. Il me semble également que la présence physique d'un interprète demeure indispensable.

L'amendement COM-99 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-288 prévoit, pour les vidéo-audiences de la CNDA, le recours à des agents qualifiés pour assurer le bon déroulement de l'audience sous l'autorité du président, reprenant ainsi une suggestion du Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi. Il exige, en outre, la réalisation d'un procès-verbal et d'un enregistrement intégral audiovisuel ou sonore, non pas seulement de l'un des deux comme le prévoit le droit en vigueur, afin de sécuriser les minutes de l'audience.

M. Jean-Pierre Sueur . - Permettez-moi d'insister : certains demandeurs d'asile sont mal à l'aise dans une vidéo-audience ; l'application de cette procédure devrait être optionnelle.

M. Philippe Bas , président . - Idéalement, oui, mais il n'est pas toujours possible de mobiliser les moyens nécessaires à la tenue d'une audience physique.

L'amendement COM-288 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-100 rétablit le droit en vigueur s'agissant de l'absence de consentement du requérant à la vidéo-audience devant la CNDA. Mon avis est défavorable puisque les garanties requises par le Conseil constitutionnel sont prévues par le projet de loi, et que je les complète.

L'amendement COM-100 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-101 élargit les cas dans lesquels la CNDA peut formuler une demande d'avis au Conseil d'État avant de statuer. Or, les dispositions qui le permettent déjà correspondent à celles prévues pour les juridictions administratives de droit commun. J'y suis donc défavorable ; il n'y a aucune raison d'adopter une procédure différente pour la juridiction administrative spécialisée qu'est la CNDA.

L'amendement COM-101 n'est pas adopté.

Articles additionnels après l'article 6

M. Philippe Bas , président. - L'amendement COM-289 prévoit que toute décision définitive de rejet d'une demande d'asile de l'OFPRA, le cas échéant après que la CNDA a statué, vaut obligation de quitter le territoire. Le Sénat a déjà adopté cet amendement important en 2015, mais n'avait pas été suivi par l'Assemblée nationale.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Une fois la décision rendue, la personne n'a plus droit au maintien sur le territoire, hors des cas exceptionnels.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Notre groupe est contre cet amendement, car il y a deux régimes juridiques distincts, l'asile et le séjour. Ce n'est pas parce qu'une personne ne relève pas du premier qu'elle ne peut faire une demande au titre du second ; or vous le lui interdisez.

M. Jean-Yves Leconte . - Le débat aura lieu en séance publique, comme il y a trois ans, et avec les mêmes arguments. Si une demande de titre de séjour est faite en parallèle à la demande d'asile, elle n'aboutira pas forcément au même moment, l'amendement pose donc problème.

M. Alain Richard . - Si la décision de la juridiction pouvait s'appliquer sans acte administratif, pourquoi le Gouvernement ne l'a-t-il pas prévu en 2015 ? Il doit bien y avoir un obstacle juridique ou administratif ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le Gouvernement avait alors renoncé à ce dispositif mais il avait indiqué que la décision de rejet de l'OFPRA devait être notifiée à la préfecture, laquelle avait un mois pour prendre une OQTF. En pratique, le préfet ne le fait pas... Le Gouvernement prévoit en outre dans le projet de loi un système intéressant à l'article 23 complémentaire de celui que je vous propose. Le demandeur qui sollicite l'asile est informé qu'il peut former une demande sur un autre fondement : il a deux mois pour le faire. S'il y renonce, en maintenant sa demande d'asile, il aura lui-même purgé cette possibilité. Une fois prise la décision définitive du rejet d'une demande d'asile, sauf cas particulier - problèmes de santé - ce dispositif permettra alors de favoriser l'éloignement effectif des personnes déboutées du droit d'asile et qui n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire français.

M. Philippe Bas , président . - C'est un point important.

M. Didier Marie . - Nous sommes hostiles à la proposition du Gouvernement, donc également à celle-ci.

L'amendement COM-289 est adopté.

Les amendements COM-28 , COM-10 rectifié quater et COM-220 rectifié deviennent sans objet.

Article 7

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-77 a déjà été évoqué, et la question tranchée s'agissant de la langue utilisée au cours de la procédure de demande d'asile. La notion de « connaissance suffisante » d'une langue couvre la capacité à comprendre et à se faire comprendre : retrait ou rejet.

L'amendement COM-77 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-102 supprime la précision selon laquelle le défaut d'interprétariat est imputable à l'OFPRA lorsque la CNDA estime que le requérant a été dans l'impossibilité de se faire comprendre lors de l'entretien. Il s'agit d'une conséquence logique du choix de la langue par le demandeur d'asile dès l'enregistrement de sa demande en préfecture. Défavorable.

Les amendements COM-102 , COM-78 , COM-79 et COM-71 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-290 , rédactionnel, est adopté.

L'amendement COM-72 n'est pas adopté, non plus que le COM-80 .

Article additionnel après l'article 7

L'amendement COM-73 n'est pas adopté.

Article 7 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-239 , identique aux COM-11 rectifié ter et COM-27 , supprime l'article afin de maintenir la position adoptée par le Sénat en octobre dernier qui a prévalu dans la loi du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen. Le délai de recours contre une décision de transfert dans le cadre de Dublin III resterait donc de sept jours - délai déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Bas , président . - La commission des lois veille à la cohérence dans le temps des décisions de notre assemblée.

M. Alain Richard . - La disposition avait d'ailleurs été adoptée avec l'assentiment de l'Assemblée nationale.

Les amendements COM-239 , COM-11 rectifié ter et COM-27 sont adoptés.

Article 8

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-171 et COM-203 suppriment l'article, sur lequel je vais m'arrêter quelques instants pour vous en présenter le dispositif. Il prévoit de nouveaux cas dans lesquels le recours devant la CNDA ne serait plus suspensif. Les trois principaux cas seraient les suivants : lorsque le demandeur provient d'un pays sûr, s'il a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable, ou si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État. Dans ces hypothèses, si l'OFPRA rejette sa demande d'asile, le demandeur n'a plus le droit de se maintenir sur le territoire. Il peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement (OQTF ou expulsion), même s'il exerce son droit au recours devant la CNDA.

Le demandeur peut alors contester cette mesure d'éloignement devant le juge administratif et, à cette occasion, saisir le juge d'une demande de suspension de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, le temps qu'il forme son recours devant la CNDA ou qu'elle statue s'il a déjà formé son recours. C'est la nouveauté de cet article. Elle est un peu compliquée, certes, mais le mécanisme existe déjà en matière d'asile en rétention et il préserve les droits de la personne grâce au mécanisme de suspension de la mesure d'éloignement. Par ailleurs, cela n'ouvre pas réellement un nouveau contentieux administratif, puisque la demande de suspension se raccroche nécessairement à un contentieux préexistant, celui de la mesure d'éloignement elle-même.

M. Jean-Yves Leconte . - Un délai suspensif, valable dans tous les cas, a été inscrit dans la loi de 2015 parce que la Cour européenne des droits de l'homme l'exigeait. Le Gouvernement imagine une usine à gaz pour le neutraliser. Le tribunal administratif se prononcera sur la réalité de la demande d'asile, il sera très proche du domaine de compétence de la CNDA... Mieux vaut en rester à l'existant.

Mme Esther Benbassa . - La rédaction de l'article est contraire à l'article 13 de la convention européenne des droits de l'homme et aux exigences constitutionnelles : l'étranger qui demande l'asile est autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande. Il y a là une atteinte à l'égalité de traitement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Le Conseil constitutionnel a pris la semaine dernière une décision très claire !

Les amendements COM-171 et COM-203 ne sont pas adoptés.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-103 rétablit le droit en vigueur concernant le moment où cesse le droit au maintien sur le territoire.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Dans le projet de loi, il cesse dès la lecture de la décision en audience publique, ce qui correspond à une réalité juridique déjà reconnue par la jurisprudence du Conseil d'État.

L'amendement COM-103 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-104 , COM-105 et COM-106 .

Article additionnel après l'article 8

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Il convient de revoir la composition du conseil d'administration de l'OFII, pour y associer des représentants des collectivités territoriales. C'est l'assurance que les décisions nationales tiendront compte des territoires. Tel est l'objet de mon amendement COM-272 .

M. Jean-Pierre Sueur . - Il me semble que si la loi a fixé le nombre de représentants pour les autres catégories, elle doit le faire également pour celle-ci.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Cette précision relève du domaine réglementaire.

L'amendement COM-272 est adopté.

Article 9

L'amendement de suppression COM-204 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Sagesse positive sur le COM-57 , qui fixe un délai de dix jours à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour proposer un hébergement à un demandeur d'asile.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je remercie le rapporteur pour sa sagesse. C'est un point important : si nous réduisons les délais de traitement des demandes d'asile, nous devons également garantir plus rapidement les droits des demandeurs !

L'amendement COM-57 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Dans le droit actuel, c'est après l'enregistrement de la demande d'asile que l'étranger se voit octroyer des conditions matérielles d'accueil. Avec l'amendement COM-68 , elles pourraient être demandées à tout moment de la procédure. Cela semble complexe à mettre en oeuvre. Avis défavorable.

L'amendement COM-68 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis favorable à l'amendement COM-182 du Gouvernement qui précise les règles de domiciliation des demandeurs d'asile.

L'amendement COM-182 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-240 précise que le renforcement des schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile implique une meilleure association des territoires et des parties prenantes.

M. Philippe Bas , président . - C'est essentiel pour garantir la réussite de ces dispositifs !

L'amendement COM-240 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-241 enrichit ces schémas régionaux en y intégrant les actions à mener pour assurer l'éloignement des déboutés du droit d'asile et les transferts de personnes sous statut « Dublin ».

L'amendement COM-241 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-172 , même s'il aborde un sujet délicat. L'hébergement mériterait d'être réorganisé, mais les gestionnaires portent attention au cas des personnes vulnérables. Faut-il prévoir des centres d'hébergement spécifiques pour les femmes, comme le propose l'amendement ? Retrait ?

L'amendement COM-172 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les nouveaux centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) doivent être reconnus comme ayant un caractère expérimental, pour qu'ils se développent sur tout le territoire. Je propose également, avec mon amendement COM-242 de les inclure dans le décompte des logements sociaux de la loi « Solidarité et renouvellement urbain » (SRU).

M. Didier Marie . - Rien à voir avec les logements SRU !

L'amendement COM-242 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-107 rectifié va dans le bon sens : il maintient le lien entre l'orientation directive des demandeurs d'asile et leur hébergement. Sagesse positive !

L'amendement COM-107 rectifié est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-243 vise à mieux tenir compte de l'état de vulnérabilité de la personne dans les procédures d'orientation directive des demandeurs d'asile.

L'amendement COM-243 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-244 tend à renforcer l'harmonisation des lieux d'hébergement des demandeurs d'asile en prévoyant que l'État conclut une convention avec les gestionnaires, qui sont au plus proche du terrain, et adopte une démarche pluriannuelle - au lieu de répondre dans l'urgence aux crises migratoires.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le rapporteur a raison, il faut une harmonisation : CADA, CAES, CAO, PRADHA, HUDA... On se perd dans la diversité et la complexité de ces dispositifs !

L'amendement COM-244 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-245 prévoit que l'autorité administrative motive toute décision de maintien des déboutés dans le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile.

M. Philippe Bas , président . - Laissons la priorité aux demandeurs d'asile dont le dossier est en instance !

L'amendement COM-245 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-108 supprime une clarification apportée par le projet de loi, concernant l'échange d'informations entre le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Avis défavorable.

L'amendement COM-108 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-173 inclut des formations linguistiques dans les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile : avis défavorable, entre 30 et 40 % des demandeurs sont déboutés, il n'y a pas lieu de prévoir un accompagnement linguistique avant la décision de l'OFPRA ou de la CNDA. Avis défavorable.

L'amendement COM-173 n'est pas adopté.

L'amendement COM-109 , devenu sans objet, n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Le projet de loi durcit les conditions matérielles d'accueil, notamment l'octroi de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA). Nous aurons sans doute ce débat en séance publique. Avis défavorable à l'amendement COM-110 qui revient sur ce durcissement

L'amendement COM-110 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Nous avons déjà eu le débat sur l'orientation directive des demandeurs d'asile sans garantie d'hébergement : retrait ou avis défavorable pour l'amendement COM-111 .

Sur l'amendement COM-70 , l'OFII informe aujourd'hui les demandeurs d'asile du régime des conditions matérielles d'accueil « dans une langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de penser qu'ils la comprennent ».

L'amendement COM-70 est plus restrictif : il supprimerait la possibilité d'utiliser une langue dont « il est raisonnable de penser » que les demandeurs la comprennent. Cela pourrait compliquer l'action de l'OFII et être source de contentieux. Nous avons bien vu avec l'OFPRA l'importance de sécuriser l'usage des langues dans les procédures. Avis défavorable.

Les amendements COM-111 et COM-70 ne sont pas adoptés.

L'amendement de coordination COM-246 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je propose, dans l'amendement COM-247 , de lier la compétence de l'OFII : si les conditions ne sont plus réunies pour l'octroi des conditions matérielles d'accueil, le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile doit cesser. Si l'amendement est adopté, le COM-58 de M. Leconte deviendra sans objet.

L'amendement COM-247 est adopté et l'amendement COM-58 devient sans objet.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Si le demandeur d'asile a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale, les conditions matérielles d'accueil peuvent lui être retirées. L'amendement COM-59 aurait pour effet de revenir sur cette disposition : avis défavorable.

L'amendement COM-59 n'est pas adopté.

L'amendement COM-60 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-112 .

L'amendement COM-112 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-191 procède à des ajustements techniques sur le versement de l'allocation pour demandeurs d'asile. Nous devons y retravailler pour la séance publique. À ce stade, avis défavorable.

L'amendement COM-191 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-248 est adopté.

Article additionnel après l'article 9

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-273 vise à inclure l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et les centres provisoires d'hébergement dans les décomptes des logements sociaux de la loi « solidarité et renouvellement urbain » (SRU). C'est une mesure de soutien pour les collectivités territoriales qui accueillent des demandeurs d'asile.

L'amendement COM-273 est adopté.

Article 9 bis

L'amendement rédactionnel COM-249 est adopté.

Article additionnel après le titre II

L'amendement COM-76 n'est pas adopté.

Articles additionnels avant l'article 10 A

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-218 rectifié et COM-219 rectifié réforment l'aide médicale d'État destinée aux étrangers en situation irrégulière. Avis favorable au premier qui crée une aide médicale d'urgence concentrée sur les maladies les plus graves ; s'il est adopté, le second deviendra sans objet.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le régime proposé est plus restrictif que le droit en vigueur... Quelles sont les « maladies graves » mentionnées par l'amendement ? Il semble compliqué de les définir, même en renvoyant à un décret en Conseil d'État.

L'amendement COM-218 rectifié est adopté.

L'amendement COM-219 rectifié devient sans objet.

Article 10 A

M. Philippe Bas , président. - L'amendement COM-117 vise à maintenir le bénéficie d'un jour franc avant tout éloignement d'un étranger qui s'est vu opposer un refus d'entrée aux frontières terrestres.

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - La garantie du jour franc n'a de sens que dans le cadre des personnes maintenues en zones d'attente, pour préparer ou contester leur rapatriement (depuis un aéroport par exemple). Cela n'est pas du tout adapté au cas des nombreuses personnes qui sont directement contrôlées aux frontières terrestres, et ne sont « retenues » que le temps strictement nécessaire aux opérations de vérification de leur droit à entrer sur le territoire. Elles sont refoulées dans le pays frontalier d'où elles viennent. Les services préfectoraux et les parquets demandent plus de clarté et de sécurité juridique sur ce point. Le projet de loi clarifie utilement ces incertitudes. Avis défavorable à cet amendement de suppression.

L'amendement de suppression COM-117 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , président. - Nous avons examiné 120 amendements en deux heures, il en reste 150. Je vous appelle à la concision lorsque l'avis découle logiquement de nos votes précédents et des explications déjà données.

Article 10 B

L'amendement de suppression COM-174 n'est pas adopté.

Article 10

Les amendements COM-56 , COM-118 , COM-159 , COM-119 ne sont pas adoptés.

Articles additionnels après l'article 10

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - Par cohérence avec les dispositions du texte relatives à la rétention, mon amendement COM-228 augmente de 6 à 10 heures la durée de maintien à disposition de la justice en zone d'attente, le temps que le procureur faisant appel en demande le caractère suspensif.

L'amendement COM-228 est adopté.

M. Philippe Bas , président. - Certains parquets se sont ouverts à notre rapporteur de la nécessité de pouvoir relever les empreintes des personnes contrôlées dans le cadre des procédures dites de refus d'entrée. L'amendement COM-231 y pourvoit.

L'amendement COM-231 est adopté.

M. Philippe Bas , président. - L'amendement COM-217 rectifié durcit les conditions d'accès au regroupement familial. Le rapporteur y est favorable.

L'amendement COM-217 rectifié est adopté.

Articles additionnels avant l'article 11

M. François-Noël Buffet , rapporteur. - L'amendement COM-274 vise à réduire le nombre de visas pour les ressortissants des pays les moins coopératifs, qui n'accordent pas dans les temps les laissez-passer consulaires nécessaires à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Il faut combattre la mauvaise foi de certains de nos partenaires.

M. Alain Richard . - N'est-ce pas une injonction à l'exécutif ?

M. Philippe Bas , président . - Non, car la rédaction ouvre seulement une faculté pour le Gouvernement.

M. Jean-Yves Leconte . - Que faites-vous des droits à l'intégration ? Cette mesure conditionnerait la délivrance d'un visa de long séjour au bon comportement de l'État d'origine : c'est une rupture d'égalité entre les demandeurs, elle est contraire aux valeurs de la République.

M. Alain Richard . - La délivrance des visas correspond à la nature même des relations entre États souverains, c'est un acte de souveraineté.

M. Didier Marie . - Cette mesure relève de la diplomatie, non du droit d'asile. Elle crée une inégalité au détriment des ressortissants de certains États, or ces personnes ne sont pas forcément d'accord avec l'action de leur gouvernement...

M. Philippe Bas , président . - Adopter l'amendement nous donnera l'occasion de demander au ministre plus de fermeté à l'égard des pays les moins coopératifs.

M. Jean-Yves Leconte . - La diplomatie du rapport de forces est-elle la seule envisageable ? C'est un amendement Trump !

M. Jean-Pierre Sueur . - Et inscrit-on dans la loi un nombre de visas à délivrer ? Je ne pense pas que cette question relève du domaine législatif.

M. Alain Richard . - J'émets des réserves sur ce point, mais nombre des pays que nous aidons, voire portons à bout de bras - je songe à la Tunisie ou au Mali - font montre d'une parfaite mauvaise foi pour organiser le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. Il faut en parler !

L'amendement COM-274 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-35 , COM-36 et COM-38 concernent également les pays non coopératifs. Ils sont partiellement satisfaits par mon amendement précédent. Nous en parlerons en séance publique : retrait ou défavorable.

Les amendements COM-35 , COM-36 et COM-38 sont retirés.

Article 11

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-205 supprime l'article, qui renforce l'efficacité de certaines procédures d'éloignement.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - J'y suis défavorable.

L'amendement COM-205 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-132 de coordination supprime l'obligation de présenter une demande concomitamment à la demande d'asile.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - J'y suis défavorable, car je souscris à la disposition nouvelle.

M. Jean-Yves Leconte . - Avant, cette concomitance était impossible ; le projet de loi la rend obligatoire ; nous voulons la rendre seulement possible.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Cet article opère seulement une coordination, le vrai débat se situera à l'article 23. Il faut une obligation, sinon nous n'aurons pas de résultats.

L'amendement COM-132 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-134 et COM-133 .

L'amendement COM-46 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Dans la série d'amendements COM-222 rectifié, COM-44 , COM-135 et COM-160 , tous relatifs au régime des interdictions administratives de retour sur le territoire, je suis favorable au COM-222 rectifié, qui en augmente de 3 à 5 ans la durée maximale.

L'amendement COM-222 rectifié est adopté.

Les amendements COM-44 , COM-135 et COM-160 deviennent sans objet.

Article additionnel après l'article 11

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les auteurs de l'amendement COM-221 rectifié réduisent de trente à sept jours le délai de départ volontaire dont l'étranger bénéficie dans le cadre de certaines obligations de quitter le territoire français (OQTF). C'est conforme au droit européen : avis favorable.

L'amendement COM-221 rectifié est adopté.

Article 12

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable sur les amendements COM-136 , COM-138 et COM-139 . Le régime contentieux des OQTF est particulièrement complexe, notamment au regard du nombre de conditions fixées, et mériterait certes d'être simplifié, mais pas par petites touches sans en mesurer pleinement les conséquences.

Les amendements COM-136 , COM-138 et COM-139 ne sont pas adoptés.

L'amendement de précision COM-232 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable sur l'amendement COM-161 , qui vise à supprimer l'augmentation du délai de jugement de 72 à 96 heures sur un recours contre une OQTF d'un étranger placé en rétention. Les juges administratifs et leurs organisations syndicales sont très demandeurs d'une telle augmentation, qui laisse plus de temps pour traiter correctement les dossiers.

L'amendement COM-161 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-137 vise à supprimer les vidéo-audiences sans l'accord du requérant. C'est un thème que nous avons déjà abordé.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable.

L'amendement COM-137 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 12

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-75 porte sur le régime linguistique applicable à la notification de l'OQTF, problématique que nous avons déjà traitée.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable.

L'amendement COM-75 n'est pas adopté.

Article 13

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-233 du rapporteur supprime l'extension du dispositif de l'aide au retour aux étrangers placés en rétention.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je suis en effet réservé sur ce dispositif, qui est une nouveauté du texte transmis. L'intention de départ n'est pas mauvaise, mais je crains qu'elle ne soit détournée. Celui qui n'aura fait aucun effort pour rentrer chez lui pourrait solliciter au dernier moment le bénéfice du dispositif. Son caractère volontaire tiendrait en fait aux diligences de l'administration ! Évitons les effets d'aubaine. Avis défavorable.

L'amendement COM-233 est adopté.

Article 14

M. Philippe Bas , président . - Les amendements identiques COM-153 et COM-206 visent à supprimer l'article 14, qui ouvre la possibilité d'assigner à résidence un étranger faisant l'objet d'une OQTF avec délai de départ volontaire.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis défavorable.

Les amendements de suppression COM-153 et COM-206 ne sont pas adoptés.

Articles additionnels après l'article 15

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-275 du rapporteur vise l'information des caisses de sécurité sociale concernant les mesures d'éloignement prononcées. Est-ce pour des raisons de bonne gestion des prestations, monsieur le rapporteur ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Oui. Nous avons appris de façon surprenante lors des auditions que les caisses de sécurité sociale n'étaient pas assez rapidement informées des décisions qui supprimaient les titres de séjour. Dès lors que la décision est définitive, il faut les en informer sans délai.

M. Philippe Bas , président . - C'est une mesure de sagesse. La transmission de ces informations pourra être automatisée dans les préfectures les plus concernées.

L'amendement COM-275 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-47 rectifié est particulièrement symbolique : il vise à clarifier l'interdiction du placement en rétention des mineurs isolés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Il est bon de rappeler explicitement dans la loi une telle interdiction qui ne résulte actuellement que de la combinaison peu lisible de textes disparates relatifs à l'éloignement. Les meilleures choses s'énoncent clairement : avis favorable.

L'amendement COM-47 rectifié est adopté.

M. Philippe Bas , président . - L'amendement COM-227 du rapporteur porte sur l'encadrement à cinq jours de la durée de rétention des familles avec mineurs. Amendement très important !

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Il s'agit de la problématique des mineurs accompagnants que les députés de la majorité à l'Assemblée nationale n'ont pas souhaité intégrer au texte. Je vous propose à l'inverse que le Sénat fasse ici preuve de responsabilité. Si les services ne recensent que peu de cas, aucune limitation de délai n'est prévue pour une famille avec des enfants qui serait placée en rétention. Je propose de considérer que le placement est possible mais qu'il doit se limiter à cinq jours. Disons les choses telles qu'elles sont, c'est actuellement le délai auquel recourent nos services pour préparer les départs. N'oublions pas qu'avec le texte que nous proposent les députés, en l'absence d'un tel plafond, les familles pourraient rester trois mois en rétention, et je m'y oppose.

M. Philippe Bas , président . - Le rapporteur est animé par une intention humaniste. Il ne vise pas à amoindrir l'efficacité de l'organisation du retour dans le pays d'origine des familles. Actuellement, le ministère de l'intérieur nous a dit que les services ne dépassaient que très rarement une rétention de quatre jours pour ces cas très spécifiques.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - En moyenne.

M. Philippe Bas , président . - D'où votre proposition du délai de cinq jours, pour justement éviter certaines dérives.

M. Didier Marie . - Tout cela pourrait s'entendre si les centres de rétention offraient des conditions de dignité suffisantes pour y maintenir des enfants. Cette disposition, telle qu'elle est présentée, ne peut aujourd'hui être mise en oeuvre.

M. Philippe Bas , président . - Si le rapporteur limite à cinq jours la possibilité de rétention d'une famille avec enfants mineurs, c'est bien parce qu'il a pris en considération tout le problème des conditions de rétention, parfois indignes de notre pays.

M. Didier Marie . - C'est « moins pire », mais ce n'est toujours pas satisfaisant...

M. Jean-Pierre Sueur . - Je tiens, moi, à souligner l'importance de cet amendement du rapporteur, dont j'ai lu avec beaucoup d'attention et d'intérêt l'exposé des motifs. Ce dernier est loin d'être neutre dans le contexte actuel. Le texte, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, permettrait d'aller jusqu'à trois mois !

M. Alain Richard . - Dont les législatures précédentes se sont accommodées.

M. Jean-Pierre Sueur . - La démarche du rapporteur n'est pas neutre, loin s'en faut. J'essaie d'être objectif.

M. Alain Richard . - J'ai quelques doutes sur le sujet et je souhaite que le rapporteur nous fournisse certains éléments documentaires. Le nombre de mineurs non accompagnés arrivant en France est en forte augmentation et se révèle bien supérieur à celui qui est constaté dans d'autres pays de l'Union européenne. Il tombe sous le sens que ces jeunes ne viennent pas de façon isolée ou spontanée : ils sont acheminés par des filières, avec l'objectif, une fois l'obtention de leur premier titre de séjour, de permettre l'arrivée de toute la fratrie. Compte tenu de ce point de vulnérabilité, je n'arrive pas à comprendre pourquoi la France est beaucoup plus exposée à ce type de manoeuvres que d'autres pays européens.

S'il est admis que la présence d'un enfant dans le groupe familial qui tente de s'introduire sur le territoire rend pratiquement impossible son éviction, il est assez vraisemblable que le même phénomène va se reporter sur les enfants accompagnant un adulte. Si c'est ce que l'on souhaite, qu'on le décide, mais en connaissance de cause. Pour ma part, je suis réticent.

Mme Esther Benbassa . - Pourquoi parlez-vous de manoeuvres ?

M. Alain Richard . - Parce que c'est l'évidente réalité !

M. Jean-Yves Leconte . - L'amendement du rapporteur est un moindre mal et il tient compte de ce qui nous a été dit en auditions, en particulier de la part de la direction générale des étrangers en France. Mais puisque le délai est en moyenne de quatre jours, il faudrait prévoir trois jours, pas cinq.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - On touche à un sujet grave, délicat. Reconnaissons, de bonne foi, que le rapporteur se veut constructif et pragmatique. Il serait bon de pouvoir disposer d'une documentation plus complète pour avoir une meilleure visibilité. Inscrire un délai maximal de cinq jours dans la loi est très positif par rapport au droit en vigueur ; c'est le fait que la moyenne tourne plutôt autour de quatre jours qui nous rend perplexes.

En 2012, lors du second tour de l'élection présidentielle, François Hollande avait annoncé son intention d'en finir avec la rétention des enfants. Fut ensuite publiée la circulaire Valls, et le nombre d'enfants en rétention a augmenté. Au-delà des principes, regardons la réalité en face. Pourquoi ne pas préciser que la rétention des enfants doit être la dernière solution ? Même si, par principe, nous y sommes défavorables. Nous n'aurons pas trop d'une semaine pour y réfléchir.

Mme Josiane Costes . - Je salue l'initiative du rapporteur, c'est une nette amélioration par rapport à la situation actuelle. Pour m'y être rendue, je sais que les CRA ne sont pas des endroits pour les enfants.

M. Didier Marie . - Je me permets de reprendre la parole car je ne voudrais pas que mes propos précédents soient mal interprétés. La proposition du rapporteur est bien meilleure que le droit actuel. Cependant la question de fond est celle du droit des enfants. Leur place n'est jamais dans un centre de rétention administrative, les conditions d'accueil ne sont absolument pas adaptées à la situation des enfants. On peut faire un premier pas en adoptant l'amendement du rapporteur, mais on ne peut à terme se satisfaire de cette solution. Je souhaite qu'on ne retienne jamais les enfants.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les mineurs étrangers isolés en France sont principalement francophones, en provenance d'Afrique subsaharienne. Une petite partie vient également des pays du Maghreb, principalement le Maroc. Ils viennent en France car ils en maitrisent la langue. Certains sont hélas envoyés en éclaireurs par leur famille. Ils bénéficient en effet de la prise en charge des structures de l'aide sociale à l'enfance et d'aides importantes. Les associations nous l'ont dit, ce sont des mineurs qui travaillent beaucoup, ont de bons résultats scolaires, trouvent du travail et peuvent bénéficier à terme d'une régularisation, ce qui est très bien évidemment, mais il y a aussi un risque d'effet d'aubaine. C'est une réalité.

S'agissant des mineurs accompagnant leur famille, il est vrai que tous les centres de rétention administratifs, et nous en avons visité beaucoup, ne sont pas également équipés pour accueillir des familles. Faut-il en spécialiser certains pour l'accueil des familles ? C'est un débat. Je propose dans ce texte de fixer une limite, et c'est au Gouvernement qu'il appartiendra de se donner les moyens pour qu'un jour il n'y ait plus de mineurs en rétention.

M. Philippe Bas , président . - Nous devons faire preuve d'une plus grande fermeté dans la gestion des flux migratoires, c'est indéniable, mais la situation des enfants doit faire l'objet de considérations humanitaires. Le débat est justifié par les mauvaises conditions d'accueil des enfants dans les centres de rétention. La proposition du rapporteur ne prive les autorités d'aucun moyen pour raccompagner à la frontière qui pourraient se servir de leurs enfants pour se maintenir sur le territoire national, je salue le caractère équilibré de la solution qu'il propose.

Mme Brigitte Lherbier . - Ce sont aussi au Défenseur des droits et au Défenseur des enfants d'agir !

L'amendement COM-227 est adopté.

Article 16

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-207 vise à supprimer l'article 16, qui réforme les modalités et régime juridique de la rétention administrative. Le sujet mérite d'être abordé, et je vous proposerai au contraire d'en améliorer la rédaction, avec notamment un séquençage plus efficace de la rétention. Avis défavorable.

L'amendement COM-207 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-225 vise à rétablir à 5 jours au lieu de 48 heures la durée de la première phase de la rétention administrative. Il reprend ainsi la position qui était déjà celle du Sénat en 2015, lors de l'examen de la loi relative au droit des étrangers en France. Ce délai de 5 jours permettra de sécuriser les procédures et de laisser l'administration et les magistrats travailler sereinement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je ne voterai pas cet amendement et dire qu'il permet de « préserver » les droits me paraît excessif.

L'amendement COM-225 est adopté. Les amendements COM-162 et COM-41 deviennent sans objet.

M. Philippe Bas , président . - Les amendements COM-235 et COM-42 reprennent des dispositions adoptées par notre commission lors de l'examen en novembre 2017 de la proposition de loi sur le régime d'asile européen et qui avaient été retenues dans la loi du 20 mars 2018. Ils permettent aux préfectures de placer en rétention un étranger soumis au règlement « Dublin » qui fait preuve de mauvaise foi en refusant de donner ses empreintes.

Les amendements COM-235 et COM-42 sont adoptés. Les amendements COM-140 , COM-215 et COM-154 ne sont pas adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-141 concerne la notification et l'exercice des droits en rétention.

M. Jean-Yves Leconte . - Le projet de loi ne fixe pas de délai réel pour la notification des droits, ce qui pose un problème. L'étranger pourra les faire valoir « au lieu de rétention ». Nous demandons qu'il puisse le faire « à compter de son arrivée au lieu de rétention ».

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Cette nouvelle rédaction donne de la souplesse à l'administration en cas de transferts successifs.

M. Jean-Yves Leconte . - Cela en donne trop.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Ce sujet mérite d'être débattu en séance avec le Gouvernement.

L'amendement COM-141 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , président . - Vous proposez M. le rapporteur, par votre amendement COM-226 rectifié un séquençage plus simple et plus opérationnel de la rétention administrative.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Actuellement la rétention peut durer, en droit commun, jusqu'à 45 jours. En matière de terrorisme, la rétention peut être encore prolongée de six mois. Le projet de loi voulait porter la rétention de droit commun à 135 jours découpée en sept séquences à l'issue desquelles le juge des libertés et de la détention se prononcerait. L'Assemblée nationale a limité la rétention administrative à 90 jours, prévoyant l'intervention du juge à cinq reprises, au bout de 48 heures, puis : 28 jours, 30 jours, 15 jours et encore 15 jours. Interrogés sur ce délai de 90 jours, les services indiquent qu'ils espèrent obtenir plus de laissez-passer consulaires en exerçant une pression sur les pays dont sont issus les étrangers retenus. Mais il faut savoir qu'en moyenne les rétentions durent 12 ou 13 jours, et que le taux d'éloignement est le plus élevé entre le cinquième et le huitième jour. Au-delà, les chiffres progressent très peu ! À 45 jours de rétention, ils ne progressent que de 3 %.

Dès lors, sans remettre en cause cette durée de 90 jours, car dans certains cas on peut espérer qu'il améliore les résultats, je vous propose de reséquencer de la manière suivante : 5 jours, puis 40 jours, et enfin 45 jours. Cela permet au juge des libertés et de la détention d'intervenir à trois reprises. Interrogés sur le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, les juges des libertés et de la détention nous expliquent que la multiplication de leurs interventions entraînera une très importante surcharge de travail, sans apporter plus de garanties concrètes aux retenus.

M. Philippe Bas , président . - En résumé, le Gouvernement propose une rétention de 135 jours en 7 séquences, l'Assemblée nationale 90 jours en 5 séquences et notre rapporteur une même durée de 90 jours en 3 séquences dont la première passerait de 48 heures à 5 jours, laissant plus de temps aux autorités pour reconduire à la frontière les déboutés. On peut regretter l'absence de chiffres de la part du ministère de l'intérieur sur la capacité des autorités à obtenir plus de laissez-passer.

M. Jean-Yves Leconte . - Vous proposez un allongement de la rétention administrative et une diminution des contrôles. On aggrave la situation des étrangers alors qu'au-delà de quelques jours on sait que les autorités n'obtiendront pas plus de résultats.

M. Jacques Bigot . - Lors d'un déplacement à Metz organisé dans le cadre de notre mission d'information sur le redressement de la justice, nous avons pu avec le Président Philippe Bas rencontrer des juges des libertés et de la détention qui ont des charges de travail très importantes, en raison de la proximité d'un centre de rétention. Ces centres de rétention ont des coûts de fonctionnement très importants. À Strasbourg, j'ai visité un centre de rétention de 34 places qui mobilise environ 40 fonctionnaires de la police aux frontières. Si l'administration pénitentiaire avait de tels moyens ce serait extraordinaire.

L'État laisse croire qu'il améliorera l'éloignement des personnes en situation irrégulière mais ce n'est pas la solution : certains pays notamment du Maghreb continueront à ne pas délivrer de laissez-passer consulaires. Il s'agit d'affichage politique. Je vois bien la position nuancée de notre rapporteur qui ne veut pas être accusé de se montrer plus laxiste que le ministre de l'intérieur. Nous, nous sommes plus réalistes.

Mme Esther Benbassa . - Monsieur le rapporteur, vous avez, tout comme moi, visité des centres de rétention. Vous savez, comme l'a dit M. Bigot, combien les conditions de séjour y sont difficiles, notamment en raison de la surpopulation. La durée moyenne de rétention oscille entre 8 et 12 jours. Dans ces conditions, quel est l'intérêt, dans un tel lieu de privation de liberté de garder des gens 90 jours ? Si ce n'est pas de l'affichage, qu'est-ce donc ?

Mme Josiane Costes . - Je souscris à ce qu'ont dit Mme Benbassa et M. Bigot. Pour avoir visité des centres de rétention, on sait que les laissez-passer consulaires sont délivrés dans les premiers jours ; une rétention supplémentaire ne sert à rien. Augmenter la durée dans les conditions actuelles de rétention ne peut que dégrader la situation.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Le rapporteur fait un effort de rationalisation, plus que de réduction des délais.

J'ai été très frappée par l'audition du ministre de l'intérieur : il nous a expliqué le fond de sa pensée, et ce que l'on a pu prendre pour un lapsus est en réalité sa position. Les raisons pour lesquelles il faisait ce texte sont bien apparues lorsqu'il a parlé de « benchmark ». La question n'est pas de savoir quelle est l'efficacité de telle ou telle mesure, mais d'afficher au niveau européen des modalités aussi coercitives que d'autres pays ! Nous n'avons pas entendu d'autre explication sur l'utilité de cette prolongation.

Lors des auditions, certains services nous ont expliqué que cette prolongation permettrait d'avoir les sauf-conduits, tout en admettant que ces derniers sont délivrés en fait dès les premiers jours. Il faut donc arrêter de penser que cette mesure est nécessaire, elle répond à un besoin d'affichage. Il faut prendre en compte toutes les conséquences d'une rétention désormais potentiellement très longue. Nous sommes défavorables à cette augmentation, cela ne marchera pas. Le système de l'Assemblée nationale n'est pas réaliste.

M. Alain Richard . - Le débat est politique. Je me permets de rappeler que chaque année, au moins 60 % des demandes d'asile se révèlent infondées. Elles sont en pratique un moyen d'assurer l'installation sur le sol national, en y restant le plus longtemps possible, de manière à apporter le maximum d'arguments contre une éviction du territoire. En responsable politique, attaché au droit d'asile - quand il est justifié. Quelle position doit-on prendre devant cette réalité ? Nous voyons bien que, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de personnes détournent le droit d'asile en essayant d'exploiter l'ensemble des étapes multiples de la procédure, afin de ne jamais être reconduites hors du territoire.

Si l'on ne se donne pas d'autres moyens pour obtenir des pays avec lesquels nous avons des rapports politiques et économiques intenses un minimum de loyauté - à savoir la réintégration de leurs ressortissants en séjour irrégulier -, on se résigne au fait que le droit d'asile restera massivement détourné.

Il y a un effort du Gouvernement, qui s'est déjà traduit dans des dialogues approfondis avec les pays d'origine, pour faire changer cette réalité. Or nous voyons, notamment dans les pays démocratiques, que l'immigration vers la France est extrêmement populaire. Il est extrêmement difficile pour les autorités de ces pays d'avoir un minimum de relations bilatérales correctes et suivies avec la France - il va y avoir des élections au Mali, des élections locales en Tunisie... Les laissez-passer consulaires seront encore longs à obtenir. Il s'agit de ne pas donner d'arguments supplémentaires aux réseaux de passeurs.

M. Jean-Yves Leconte . - Sur l'éloignement, compte tenu du nombre de demandeurs d'asile qui ont déposé un dossier dans un certain nombre de pays européens, il est évident qu'il y a eu plus de déboutés du droit d'asile en Allemagne qu'en France sur les trois dernières années. Je vous invite à regarder les statistiques des éloignements dans ces deux pays. Il faut arrêter de considérer que nous sommes les plus mauvais, que l'on ne sait pas faire, et que nous avons de moins bonnes relations avec les pays d'origine. Cela se fait plutôt en France mieux qu'ailleurs, en proportion du nombre de personnes en situation irrégulière dans le pays.

En outre, la situation dans les centres de rétention, depuis l'affaire de Lyon et de Marseille, a fondamentalement changé : les taux d'occupation sont très élevés. Faut-il retenir les mêmes personnes pendant 90 jours, alors que l'on sait que l'on n'arrive pas à les éloigner, ce qui changerait complétement la nature des centres de rétention ? Ces zones où les gens doivent rester peu de temps deviennent de véritables prisons alors que - je le rappelle - être en situation irrégulière sur le territoire ne peut pas être l'équivalent d'un délit.

Enfin, concernant l'idée du rapporteur de subordonner la délivrance de certains visas au caractère coopératif des pays tiers, je suis très réservé sur l'idée de faire peser sur des individus, de manière personnelle, la politique de leur gouvernement. Chaque pays peut entendre le discours sur l'éloignement, avec des arguments différents. Ce n'est pas avec des arguments de forme de cette nature qu'on peut arriver à le faire.

Pour toutes ces raisons - le changement de nature des centres de rétention, le refus d'un discours selon lequel nous serions plus mauvais que tous les autres... -, on ne peut pas envisager de mettre des personnes en rétention pendant 90 jours.

M. François Pillet , président . - Le débat a été complet. Je vais mettre l'amendement au vote.

L'amendement COM-226 rectifié est adopté. L'amendement COM-142 devient sans objet.

Les amendements COM-163 rectifié et COM-143 ne sont pas adoptés.

Article additionnel après l'article 16 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-229 vise à faciliter le recours aux enquêtes administratives préalablement à certaines décisions d'agrément ou d'autorisation de personnes extérieures accédant aux centres de rétention, afin d'en assurer la sécurité.

L'amendement COM-229 est adopté.

Article 17

L'amendement de suppression COM-208 n'est pas adopté.

Article 17 ter

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-234 et COM-39 , identiques, visent à maintenir à 144 heures, et non 96 heures, la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence. Nous avions introduit ces dispositions lors de l'examen de la proposition de loi dite « Warsman » permettant une bonne application du régime de l'asile européen. C'est une mesure utile et les députés l'avaient votée. Ne changeons pas d'avis tous les deux mois.

Les amendements identiques COM-234 et COM-39 sont adoptés.

Article 19

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-165 , COM-74 , COM-176 , COM-144 , COM-145 et COM-164 , de même nature, entendent revenir sur plusieurs mesures du texte renforçant la retenue pour vérification du droit au séjour. L'avis est défavorable. Il en est de même pour l'amendement de suppression COM-209 .

Les amendements COM-209 , COM-165 , COM-74 , COM-176 , COM-144 , COM-145 , COM-164 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-212 est adopté.

Article 19 bis A

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est favorable pour l'amendement COM-183 du Gouvernement, de précision et de correction.

L'amendement COM-183 est adopté.

L'amendement COM-146 devient sans objet.

Article 19 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-223 vise à généraliser et systématiser la sanction pénale d'interdiction du territoire français. C'est un signal de fermeté.

L'amendement COM-223 est adopté.

Article 19 ter

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-224 vise à garder la rédaction en vigueur pour ce qui est communément - mais très mal désigné - sous le vocable de « délit de solidarité ».

M. Jean-Yves Leconte . - Monsieur le président, je souhaiterais expliquer brièvement l'amendement COM-178 , qui est concurrent de celui du rapporteur. Nous avons choisir de redéfinir ce délit, plutôt que de se focaliser sur les exemptions à ce dernier. En effet, on peut constater qu'avec une définition par exemption, nous arrivons à des situations qui peuvent conduire à poursuivre des personnes alors qu'on souhaiterait qu'elles ne le soient pas.

L'amendement COM-224 est adopté.

L'amendement COM-178 devient sans objet.

Articles additionnels après l'article 19 ter

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est favorable pour l'amendement COM-214 , qui renforce la répression des auteurs de fausses attestations, et défavorable pour l'amendement COM-147 , car il vise à interdire tout test osseux aux fins de détermination de l'âge.

M. François Pillet , président . - La commission s'était d'ailleurs déjà exprimée à ce sujet dans de précédents textes.

L'amendement COM-147 n'est pas adopté.

L'amendement COM-214 est adopté.

Article 20

M. Jacques Grosperrin . - Mon amendement COM-15 propose de clarifier les dispositions relatives aux chercheurs étrangers en mobilité en prévoyant une carte de séjour « chercheur-programme de mobilité » qui serait délivrée dès la première admission au séjour des chercheurs et des membres de la famille. Conformément à la directive de mai 2016, un régime d'exemption de titre de séjour serait mis en place pour les chercheurs admis au séjour dans un autre pays de l'Union européenne, sous réserve d'une notification à la France.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis favorable ; j'ai d'ailleurs déposé un amendement identique.

Les amendements identiques COM-15 et COM-251 sont adoptés.

M. Jacques Grosperrin . - L'amendement COM-16 clarifie les critères de délivrance d'un « passeport talent » en distinguant bien le salarié qualifié et le salarié embauché par une start-up . L'amendement COM-17 harmonise les rédactions pour la définition d'une entreprise innovante et d'un projet économique innovant.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis favorable pour ces deux amendements.

Les amendements COM-16 et COM-17 sont adoptés.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avis favorable également à l'amendement COM-128 , qui étend le dispositif du « passeport talent ».

L'amendement COM-128 est adopté.

Article 21

M. Jacques Grosperrin . - Sur le modèle du précédent amendement relatif aux chercheurs étrangers en mobilité, l'amendement COM-18 prévoit qu'une carte de séjour « étudiant-programme de mobilité » est délivrée dès la première admission au séjour. En outre, un régime d'exemption de titre de séjour pour les étudiants en mobilité disposant déjà d'un titre de séjour d'un autre État membre est mis en place, à condition qu'ils notifient leur séjour en France aux autorités administratives françaises.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est favorable sur l'amendement COM-18 de la commission de la culture. J'ai d'ailleurs déposé un amendement identique COM-255 .

Les amendements identiques COM-18 et COM-255 sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 21

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-276 vise à confier la visite médicale des étudiants étrangers, qui avait été déléguée en 2016 à la médecine universitaire, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). En effet, on constate une chute importante du nombre de visites médicales, la médecine universitaire n'ayant pas les moyens pour exercer cette nouvelle mission. Il en découle des problèmes graves de santé publique, avec notamment des cas de tuberculose. On souhaite redonner cette compétence à l'OFII. C'est un enjeu de santé publique !

L'amendement COM-276 est adopté.

L'amendement COM-22 devient sans objet.

Article 22

M. Jacques Grosperrin . - L'amendement COM-19 est un amendement de clarification rédactionnelle concernant les jeunes au pair. L'amendement COM-20 rappelle les droits et devoirs de la famille d'accueil de ces jeunes.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est favorable pour les amendements COM-19 et COM-20, qui apportent des clarifications utiles.

Les amendements COM-19 et COM-20 sont adoptés.

Article 23

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-120 supprime la restriction du droit pour un étranger de solliciter ultérieurement un titre de séjour après le rejet d'une demande d'asile. L'avis est défavorable.

L'amendement COM-120 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-291 prévoit de fixer à deux mois le délai dans lequel le demandeur d'asile doit présenter sa demande d'admission au séjour à un autre titre. Le projet de loi propose de renvoyer ce délai à un décret, ce qui n'est pas satisfaisant.

L'amendement COM-291 est adopté.

Article 24

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-166 supprime la restriction de circulation concernant les mineurs étrangers admis au séjour à Mayotte ; l'amendement COM-167 vise à remplacer, dans le dispositif, le mot « parents » par les mots « titulaires de l'autorité parentale » ; l'amendement COM-168 tend à supprimer une disposition dérogatoire prévue pour Mayotte concernant la délivrance du document de circulation pour mineur étranger.

Mon avis est défavorable pour ces trois amendements, au regard de la situation particulière de Mayotte. Nous en reparlerons en séance.

Les amendements COM-166 , COM-167 et COM-168 ne sont pas adoptés.

Article 25

L'amendement de coordination COM-256 est adopté.

Article 26

L'amendement rédactionnel COM-257 est adopté.

Article 26 bis A

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-258 a pour objet d'améliorer le contrat d'intégration républicaine (CIR) en associant Pôle emploi. Mon avis est favorable sur l'amendement COM-24 rectifié, qui conditionne l'accompagnement professionnel du CIR au suivi des formations de langue. De même, mon amendement COM-259 prévoit que ce niveau de langue soit certifié par un organisme spécialisé.

Les amendements COM-258 , COM-24 rectifié et COM-259 sont adoptés.

Article additionnel après l'article 26 bis A

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-277 vise à améliorer l'intégration par la langue en rehaussant nos exigences en cette matière.

L'amendement COM-277 est adopté.

Article 26 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-114 vise à rendre effectif le droit au travail des demandeurs d'asile dès le dépôt de leur demande. À l'inverse, l'amendement COM-200 tend à maintenir un délai de neuf mois pour l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile. Enfin, l'amendement COM-155 vise à élargir à tous les étrangers le dispositif dérogatoire introduit à l'Assemblée nationale permettant aux mineurs non accompagnés de poursuivre un contrat d'apprentissage tout en faisant une demande d'asile, ce qui ne me semble pas opportun.

L'avis est donc défavorable pour les amendements COM-114 et COM-155. Il est favorable pour l'amendement COM-200.

L'amendement COM-114 n'est pas adopté.

L'amendement COM-200 est adopté.

L'amendement COM-155 n'est pas adopté.

Article 26 ter

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-292 propose de supprimer cet article, car le droit en vigueur satisfait déjà les dispositions prévues par celui-ci.

L'amendement de suppression COM-292 est adopté.

Articles additionnels après l'article 26 ter

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-293 rectifié tend à créer un fichier national biométrique des étrangers ayant sollicité la protection de l'enfance, mais qui ont été reconnus majeurs par un département au terme de la procédure prévue par les textes. Actuellement, on perd de vue ces personnes dès qu'elles changent de département et elles peuvent redéposer une demande dans le département voisin.

L'amendement COM-293 rectifié est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Les amendements COM-148 , COM-150 et COM-149 sont relatifs aux conditions de l'admission exceptionnelle au séjour des mineurs étrangers.

L'avis est défavorable pour l'amendement COM-149, car l'analyse des liens familiaux est essentielle pour statuer sur le cas d'un mineur isolé. Il est également défavorable pour les amendements COM-148 et COM-150.

Les amendements COM-148 , COM-150 et COM-149 ne sont pas adoptés.

Article 27

L'amendement de suppression COM-169 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-260 vise à réduire le délai d'habilitation à légiférer par ordonnances : dix-huit mois au lieu de vingt-quatre.

M. Jean-Yves Leconte . - Pourquoi à ce moment-là ne pas tout simplement supprimer cette habilitation ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Si les délais d'habilitation ne doivent pas être trop longs, dans certains cas ils sont justifiés, afin de laisser le temps à l'administration de rédiger l'ordonnance. En l'espèce, le champ de cette habilitation est très vaste et ardu.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - C'est la raison pour laquelle mes amendements COM-261 et COM-262 proposent de réduire le champ de l'habilitation et de ne conserver que la recodification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Les amendements COM-260 , COM-261 et COM-262 sont adoptés.

Articles additionnels avant l'article 28

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est défavorable pour les amendements COM-121 et COM-151 . À titre d'exemple, ce dernier créerait une procédure contradictoire de quatre mois pour le retrait ou le refus de renouvellement des titres de séjour. Or, ces décisions administratives doivent être prises rapidement.

Les amendements COM-121 et COM-151 ne sont pas adoptés.

Article 28

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est défavorable pour l'amendement COM-179 qui complexifierait la délivrance des cartes de séjour « visiteur ». L'amendement COM-263 est rédactionnel.

L'amendement COM-179 n'est pas adopté.

L'amendement COM-263 est adopté.

Article 29

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mes amendements COM-264 et COM-265 visent à durcir les conditions de délivrance des cartes de séjour « stagiaires intragroupes » et « salariés détachés intragroupes ». Ils feraient tomber les amendements COM-122 et COM-129 de M. Leconte.

L'amendement COM-264 est adopté

L'amendement COM-122 devient sans objet.

L'amendement COM-265 est adopté.

L'amendement COM-129 devient sans objet.

Article additionnel après l'article 29

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-152 vise à revenir sur des dispositions adoptées en 2016 qui avaient permis de clarifier les conditions d'attribution des cartes de séjour pour les titulaires de CDD et de CDI. Avis défavorable.

L'amendement COM-152 n'est pas adopté.

Article 30

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est défavorable pour l'amendement COM-180 , qui vise à supprimer l'article 30 du projet de loi. Nous avons en effet besoin d'un dispositif préventif de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de filiation.

M. Jean-Yves Leconte . - Il s'agit d'un sujet de fond. Il faudra en débattre car le dispositif prévu par le projet de loi pose de vraies difficultés.

L'amendement COM-180 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-184 du Gouvernement supprime la possibilité de justifier de la contribution à l'entretien d'un enfant par un « titre exécutoire ». Avis favorable pour éviter des détournements du dispositif.

L'amendement COM-184 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-266 précise le dispositif proposé par l'article 30.

L'amendement COM-266 est adopté.

Article 31

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-123 prévoit un avis conforme des médecins de l'OFII pour la procédure des « étrangers malades ». L'avis est défavorable. Laissons une marge d'appréciation aux préfets.

L'amendement COM-123 n'est pas adopté.

Article additionnel après l'article 31

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-131 vise à généraliser la carte de résident permanent. L'avis est défavorable, ce dispositif doit rester circonscrit, car il donne droit à séjourner en France pour une durée indéterminée.

L'amendement COM-131 n'est pas adopté.

Article 32

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-185 du Gouvernement vise à préciser les conditions de délivrance de la carte de résident pour les victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme. Avis favorable.

L'amendement COM-185 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-195 vise à permettre la délivrance d'une carte de séjour pour les victimes de violence conjugales, même en l'absence d'ordonnance de protection. L'avis est défavorable, car il convient d'encourager les victimes à solliciter une ordonnance de protection, ces dernières étant plus protectrices qu'une plainte.

L'amendement COM-195 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-23 rectifié vise à préciser les conditions de délivrance d'une carte de résident pour les victimes de violences conjugales ou d'un mariage forcé en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. Il s'agit de traiter de manière équitable ces personnes. Avis favorable.

L'amendement COM-23 rectifié est adopté.

Les amendements COM-192 et COM-193 deviennent sans objet.

Articles additionnels après l'article 32

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-125 propose de délivrer une carte de séjour aux personnes portant plainte pour des faits de trafics de stupéfiants ou d'armes et d'exploitation de la mendicité. L'amendement COM-194 est partiellement satisfait par un précédent amendement du Gouvernement.

L'avis est défavorable pour ces deux amendements.

Les amendements COM-125 et COM-194 ne sont pas adoptés.

Article 33

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Avec l'amendement COM-267 , je propose de refuser d'étendre la délivrance de titres de séjour aux cas de « violences familiales », cette notion étant trop imprécise.

L'amendement de suppression COM-267 est adopté.

L'amendement COM-130 est devenu sans objet.

Articles additionnels après l'article 33

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-126 rectifié vise à allonger la durée de la carte de séjour « vie privée et familiale ». L'amendement COM-127 concerne les changements de statut lorsqu'un étranger passe d'une carte de séjour à une autre.

Avis défavorable pour ces deux amendements.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l'avis du rapporteur est défavorable pour l'amendement COM-127 ?

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Cet amendement reviendrait sur les modifications apportées en 2016 en ce qui concerne le changement de statut. Cette disposition concerne l'étranger qui sollicite une carte pluriannuelle « salarié » ou « profession libérale » alors qu'il disposait jusqu'à présent d'une carte de séjour temporaire pour un autre motif, « vie privée et familiale » par exemple.

Le droit en vigueur prévoit, pour éviter tout détournement, qu'il passe par une phase transitoire : après sa première carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » par exemple, il en reçoit une seconde, « salarié » par exemple, avant de pouvoir prétendre à une carte de séjour pluriannuelle « salarié ».

Cet état du droit est issu d'un amendement du groupe Union centriste adopté au Sénat en 2016.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Actuellement, une personne disposant d'une carte de séjour pluriannuelle souhaitant demander un changement de statut doit d'abord passer par une phase intermédiaire avec une carte temporaire dans son nouveau statut, avant d'obtenir la carte pluriannuelle.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Non, dans ce cas de figure, l'étranger est en possession d'une carte de séjour temporaire. Il veut obtenir une carte de séjour pluriannuelle dans une autre catégorie et doit d'abord « repasser » par une carte temporaire.

M. Jean-Yves Leconte . - Ce dispositif s'applique également à des personnes ayant une carte pluriannuelle. Dès lors, trouvez-vous normal qu'elles doivent « repasser » par une carte temporaire lors d'un changement de statut, alors qu'elles ont une carte pluriannuelle pour leur précédent statut ?

M. Philippe Bas , président . - Il y a peut-être une difficulté qui serait liée à l'interprétation du droit positif. Pour l'instant, je propose que nous ne l'incorporions pas à notre texte et que d'ici la séance, nous éclaircissions ce point juridique.

Les amendements COM-126 rectifié et COM-127 ne sont pas adoptés.

Article 33 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Par coordination, l'amendement COM-268 propose de supprimer l'article 33 bis , en raison de l'adoption de l'amendement de notre collègue Roger Karoutchi avant l'article 1 er . Dès lors, les amendements COM-115 rectifié et COM-116 tomberaient.

L'amendement COM-268 est adopté.

Les amendements COM-115 rectifié et COM-116 deviennent sans objet.

Article additionnel après l'article 33 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-25 vise à préciser qu'une présence en situation irrégulière depuis cinq ans en France ne saurait justifier l'admission exceptionnelle au séjour et donc une régularisation par le préfet.

Je suis favorable à cet amendement, sous réserve qu'une rectification soit faite pour laisser une certaine marge d'appréciation au préfet dans les cas les plus compliqués.

Je propose de le rectifier comme suit : « Une résidence depuis au moins cinq ans sur le territoire français ne saurait justifier, à elle seule, une admission au séjour pour les étrangers en situation irrégulière. »

Mme Agnès Canayer . - J'accepte cette rectification.

L'amendement COM-25 ainsi rectifié est adopté.

Article 33 ter

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-186 du Gouvernement propose de supprimer l'article 33 ter , introduit par l'Assemblée nationale.

Cette disposition permettrait, dans les faits, une régularisation des compagnons d'Emmaüs. Concrètement, après trois ans de présence dans les structures d'Emmaüs, ces dernières rempliraient une attestation de « parcours d'intégration complet et d'accompagnement du projet personnel » de l'étranger intéressé. Celui-ci bénéficierait de droit d'une carte de séjour, les préfets ayant l'obligation de le régulariser en cas d'avis positif d'Emmaüs.

Ce dispositif soulève des questions dans sa mise en oeuvre. On comprend toutefois l'objectif et il semble compliqué, comme le fait le Gouvernement, d'indiquer qu'Emmaüs pourrait être instrumentalisé par des passeurs.

À ce stade, je suis donc opposé à la suppression sèche de ce dispositif et demande au Gouvernement de venir s'expliquer en séance. Nous devons avoir un débat transparent à ce sujet. L'avis est défavorable.

M. Alain Richard . - Il me semble important d'en discuter en séance. Toutefois, cet amendement pose une question de principe : l'accès au territoire français est une prérogative régalienne et il est aberrant d'imaginer que cette prérogative soit déléguée à une association. En outre, cela pose la question de l'égalité avec d'autres associations qui font un travail d'insertion semblable et sont tout autant méritantes.

M. Jacques Bigot . - Il me paraît en effet important d'avoir ce débat en séance. On comprend que cela soit catastrophique pour le Gouvernement, au vue de l'audition du ministre de l'intérieur, car cela serait inclus dans les benchmarks réalisés par les migrants...

M. Philippe Bas , président . - Nous ne donnons donc pas une fin de non-recevoir au Gouvernement, mais nous n'adoptons pas cet amendement de suppression au stade du texte de la commission. Nous aurons également à traiter de la question de l'égalité de traitement entre les associations et, plus généralement, entre les étrangers que l'on régularise.

L'amendement COM-186 n'est pas adopté.

Article 33 quater

M. Jacques Grosperrin . - L'amendement COM-21 a pour objet de supprimer l'article 33 quater du projet de loi, qui crée une procédure ad hoc de saisine du directeur académique des services de l'éducation nationale en cas de refus de scolarisation d'un enfant par le maire. Il n'y a pas lieu de prévoir des mesures d'urgence supplémentaires, dans la mesure où le préfet peut déjà intervenir grâce aux prérogatives qu'il tire de la loi.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - J'y suis totalement favorable, car les refus de scolarisation sont déjà traités par le droit en vigueur : le préfet se substitue au maire.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'amendement COM-156 devient sans objet.

Article 34

L'amendement COM-230 de coordination est adopté.

Article 34 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-269 propose de supprimer l'article 34 bis du projet de loi en raison du manque de clarté du dispositif. À l'expiration de sa carte de résident d'une durée de 10 ans, un étranger peut justifier de la régularité de son séjour pendant un délai de trois mois, notamment pour éviter des « ruptures de droit ».

L'article 34 bis vise à étendre ce dispositif aux cartes de séjour pluriannuelles et aux cartes de séjour temporaire. Néanmoins, l'impact de cette mesure ne semble pas suffisamment évalué.

À titre d'exemple, le titulaire d'un contrat à durée déterminée d'une durée de deux mois dispose aujourd'hui d'une carte de séjour « travailleur temporaire » d'une même durée. L'article 34 bis lui permettrait de séjourner trois mois supplémentaires en France, soit une durée supérieure à celle de son titre de séjour initial, ce qui n'est pas cohérent.

L'amendement de suppression COM-269 est adopté.

Article additionnel après l'article 34 bis

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je suis en l'état défavorable à l'amendement COM-187 du Gouvernement. Cet amendement est important car il traite de la carte de résident des légionnaires de l'armée française. Il est toutefois très complexe. Nous n'avons pas eu le temps d'interroger le ministère des armées. Cet amendement est intéressant, mais nous ne disposons pas des éléments à ce stade pour prendre position. Renvoyons ce débat à la séance publique !

L'amendement COM-187 n'est pas adopté.

Article 35

L'amendement de coordination COM-279 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-124 concerne la carte de séjour pluriannuelle pour les victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme. Avis défavorable. Dans les faits, cet amendement est partiellement satisfait par les amendements adoptés à l'article 32.

Je vous rappelle le dispositif retenu pour les victimes de traite des êtres humains : elles obtiennent une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » lorsqu'elles ont déposé plainte, puis une carte de résident de dix ans renouvelable après la condamnation définitive du mis en cause. En outre, avec l'adoption de l'amendement du Gouvernement à l'article 32, les victimes bénéficieraient désormais d'une carte de résident après cinq ans de résidence ininterrompue en France.

M. Jean-Pierre Sueur . - Notre amendement est donc partiellement satisfait.

L'amendement COM-124 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-211 porte sur le collège médical à Mayotte et ses particularités, compte tenu de la gestion de la procédure dite des « étrangers malades ». Avis favorable.

L'amendement COM-211 est adopté.

Article 36

L'amendement de coordination COM-270 est adopté.

Article 37

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-271 vise à faciliter l'accès des apatrides au service civique. Il s'agit donc d'un outil supplémentaire pour garantir leur intégration.

L'amendement COM-271 est adopté.

Article 38

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Je suis favorable à l'amendement COM-213 , qui vise à prolonger l'expérimentation à Mayotte permettant de déroger à l'obligation de séparer les locaux affectés à la rétention administrative et au maintien en zone d'attente.

L'amendement COM-213 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'amendement COM-113 maintiendrait le droit en vigueur en Guyane s'agissant du délai dans lequel une demande d'asile devient « tardive ». L'avis est défavorable.

L'amendement COM-113 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-281 est adopté.

Article 39

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - L'avis est défavorable pour l'amendement COM-170 , qui supprimerait une habilitation à légiférer par ordonnances pour procéder à diverses coordinations dans des collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, régies par le principe de spécialité législative. Je propose en revanche, avec l'amendement COM-283 , de réduire le délai d'habilitation de vingt-quatre à dix-huit mois.

L'amendement COM-170 n'est pas adopté.

L'amendement COM-283 est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Articles additionnels avant l'article 1 er

M. KAROUTCHI

216 rect.

Débat annuel sur les orientations de la politique d'immigration et d'intégration

Adopté

M. KAROUTCHI

26

Capacité d'accueil et d'intégration du territoire français

Satisfait ou sans objet

Article 1 er

M. BUFFET, rapporteur

236

Suppression de l'article 2

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO

1 rect. ter

Retrait ou refus de titre de séjour en cas de condamnation pénale

Satisfait ou sans objet

Mme EUSTACHE-BRINIO

2 rect. ter

Exclusion du concubin de la réunification familiale

Satisfait ou sans objet

M. KAROUTCHI

33

Age pris en compte pour la réunification familiale

Satisfait ou sans objet

Mme MEUNIER

188

Titre de séjour pour les frères et les soeurs d'un mineur bénéficiant de la protection subsidiaire

Satisfait ou sans objet

Mme de la GONTRIE

61

Délai de délivrance de la carte de séjour d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire

Satisfait ou sans objet

Mme MEUNIER

189

Délivrance d'une carte pluriannuelle aux frères et aux soeurs des apatrides

Satisfait ou sans objet

M. MARIE

62

Délai de délivrance de la carte de séjour d'un apatride

Satisfait ou sans objet

Article 2

Mme EUSTACHE-BRINIO

4 rect.ter

Maîtrise de la langue française pour l'attribution des cartes de résident

Retiré

M. KAROUTCHI

32

Maîtrise de la langue française pour l'attribution des cartes de résident

Retiré

Mme MEUNIER

190

Délivrance d'un titre de séjour aux frères et aux soeurs d'un réfugié

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

237

Coordination avec la suppression de l'article 2

Adopté

M. RICHARD

210

Conditions d'octroi des cartes de séjour pluriannuelles pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

63 rect.

Délai de délivrance de la carte de résident des réfugiés

Adopté

Article 3

Mme EUSTACHE-BRINIO

5 rect. ter

Exclusion des concubins de la réunification familiale des réfugiés, des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides.

Retiré

Mme EUSTACHE-BRINIO

6 rect. ter

Age pris en compte pour la réunification familiale

Retiré

Mme EUSTACHE-BRINIO

7 rect. ter

Suppression de l'extension de la réunification familiale aux frères et soeurs d'un réfugié mineur

Adopté

M. KAROUTCHI

31

Suppression de l'extension de la réunification familiale aux frères et soeurs d'un réfugié

Adopté

M. LECONTE

66

Age pris en compte pour la réunification familiale

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

238

Examen médical pratiqué après l'octroi de la protection internationale pour un mineur de sexe masculin menacé de mutilations sexuelles

Adopté

M. MARIE

52 rect.

Examen médical à l'initiative du demandeur d'asile

Rejeté

M. LECONTE

51

Contenu de l'examen médical diligenté par l'OFPRA

Rejeté

Article additionnel avant l'article 4

M. LECONTE

50

Intégration des aspects liés au sexe dans la définition des motifs de persécution

Rejeté

Article 4

M. BUFFET, rapporteur

250

Compétence liée de l'OFPRA pour le refus ou le retrait du statut de réfugié en cas de menace pour la sûreté de l'Etat ou de certaines condamnations

Adopté

M. KAROUTCHI

30

Compétence liée de l'OFPRA pour le refus ou le retrait du statut de réfugié en cas de menace pour la sûreté de l'Etat ou de certaines condamnations

Satisfait ou sans objet

M. BUFFET, rapporteur

252

Extension du champ d'application des clauses d'exclusion ou de cessation du statut de réfugié en cas de menace pour la sûreté de l'Etat ou de certaines condamnations

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO

8 rect. ter

Compétence liée de l'OFPRA et extension des clauses d'exclusion ou de cessation du statut de réfugié en cas de menace pour la sûreté de l'Etat ou de certaines condamnations

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

81

Remplacement de la notion de « menace grave pour la société », par celle de « menace grave pour la sûreté de l'Etat »

Satisfait ou sans objet

M. BUFFET, rapporteur

253

Prise en compte des condamnations prononcées dans des États tiers

Adopté

Mme de la GONTRIE

82

Précision de la définition de l'asile interne

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

254 rect.

Enquêtes administratives préalables à l'octroi de titres de séjour ou d'une protection internationale

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

278

Extension du champ d'application et compétence liée de l'OFPRA pour d'autres clauses d'exclusion ou de cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire

Adopté

Article 5

Mme BENBASSA

201

Suppression des dispositions relatives à la procédure devant l'OFPRA

Rejeté

Mme de la GONTRIE

83

Données quantitatives et qualitatives par pays d'origine dans le rapport annuel établi par l'OFPRA

Adopté

M. LECONTE

84 rect.

Données quantitatives et qualitatives par langue utilisée dans le rapport annuel établi par l'OFPRA

Adopté

Mme de la GONTRIE

69

Définition des pays d'origine sûrs

Adopté

M. LECONTE

67

Procédure exceptionnelle de suspension d'un pays de la liste des pays d'origine sûrs

Rejeté

Mme de la GONTRIE

85 rect.

Liste des associations de défense pouvant saisir le conseil d'administration de l'OFPRA d'une demande d'inscription ou de radiation de la liste des pays sûrs

Adopté

M. LECONTE

64

Suppression de la faculté pour l'OFPRA de statuer en procédure accélérée de sa propre initiative

Rejeté

Mme de la GONTRIE

177

Choix de la langue de demande d'asile dès l'enregistrement de la demande d'asile

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

285

Renvoi à un décret en Conseil d'État pour préciser les conditions d'envoi dématérialisée des convocations ou notifications de l'OFPRA

Adopté

M. LECONTE

157

Maintient à 120 jours au lieu de 90 jours le délai dans lequel une demande d'asile devient tardive

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

280

Obligation de procédure accélérée pour les demandeurs constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État

Adopté

M. LECONTE

65

Précision sur le critère de placement en procédure accélérée à l'initiative de la préfecture pour demande d'asile tardive

Rejeté

M. SUEUR

86

Interdiction de la procédure accélérée pour les mineurs non accompagnés

Rejeté

M. LECONTE

87

Suppression de la possibilité de convoquer un demandeur à l'entretien personnel par "tout moyen"

Rejeté

M. LECONTE

53

Envoi de documents en cas de dispense d'entretien personnel par l'OFPRA pour des raisons médicales

Rejeté

M. LECONTE

54

Pas d'influence défavorable d'une absence d'entretien pour des raisons médicales

Rejeté

M. LECONTE

88

Langue utilisée lors de l'entretien

Rejeté

Mme de la GONTRIE

48

Liste des associations pouvant accompagner le demandeur d'asile à l'entretien de l'OFPRA

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

282

Qualité du professionnel de santé pouvant accompagner le demandeur d'asile à l'entretien de l'OFPRA

Adopté

M. LECONTE

89

Suppression de la mention selon laquelle la notification de la décision de l'OFPRA peut se faire "par tout moyen"

Rejeté

M. LECONTE

49

Interdiction pour l'OFPRA de statuer sur la base exclusive d'informations restées confidentielles à l'égard du demandeur

Rejeté

M. LECONTE

91

Précision sur l'asile interne (la protection dans l'État tiers doit être non temporaire pour permettre à l'OFPRA de prendre une décision d'irrecevabilité)

Rejeté

Mme de la GONTRIE

90

Suppression de la mention selon laquelle la notification d'une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA peut se faire "par tout moyen".

Rejeté

M. LECONTE

92

Inscription dans la loi des modalités selon lesquelles le demandeur informe l'office du retrait de sa demande

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

294

Compétence liée de l'OFPRA lors de la clôture d'une demande d'asile à l'initiative du demandeur

Adopté

M. LECONTE

93

Suppression des précisions sur la clôture d'une demande d'asile par l'OFPRA

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

284

Clôture d'une demande d'asile en cas d'abandon du lieu d'hébergement

Adopté

M. LECONTE

94

Suppression de la mention selon laquelle la notification de la décision de clôture de l'OFPRA peut se faire "par tout moyen"

Rejeté

M. LECONTE

55

Instauration d'un délai afin de distinguer demande de réexamen et demande nouvelle

Rejeté

M. MARIE

95

Suppression de la possibilité pour l'OFPRA de notifier ces décisions de cessation de la protection internationale par tout moyen

Rejeté

M. LECONTE

96

Suppression de la possibilité pour l'OFPRA de notifier ses décisions en matière d'apatridie par tout moyen

Rejeté

Articles additionnels après l'article 5

M. BUFFET, rapporteur

286 rect.

Consécration dans la loi des missions de réinstallation de l'OFPRA

Adopté

M. KAROUTCHI

29

Signature d'une charte d'engagement à respecter les valeurs de la République par le demandeur d'asile

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

S/Amdt 295

Signature de la charte après l'octroi de la protection

Adopté

Article 6

Mme BENBASSA

202

Suppression de l'article 6 relatif à la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

287

Maintien du délai de recours à 30 jours devant la CNDA

Adopté

M. LECONTE

158

Maintien du délai de recours à 30 jours devant la CNDA

Satisfait ou sans objet

Le Gouvernement

181

Renvoi à un décret en Conseil d'Etat sur les modalités de saisine de la CNDA par voie de requête sommaire

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

97

Suppression de l'extension du champ des recours à juger en 5 semaines devant la CNDA (juge unique)

Rejeté

M. LECONTE

98

Augmentation à 15 jours (au lieu d'1 semaine) du délai de recours en application des articles 31, 32 et 33 de la convention de Genève devant la CNDA

Rejeté

M. MARIE

99

Suppression en cas de vidéoaudience, de la possibilité selon laquelle l'interprète puisse ne pas être physiquement présent aux côtés du demandeur mais dans la salle où se tient l'audience de la CNDA

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

288

Encadrement de la vidéoaudience à la CNDA

Adopté

M. SUEUR

100

Rétablit le droit en vigueur s'agissant de l'absence de consentement du requérant à la vidéoaudience devant la CNDA

Rejeté

M. SUEUR

101

Élargissement des cas dans lesquels la CNDA peut formuler une demande d'avis au Conseil d'Etat avant de statuer

Rejeté

Articles additionnels après l'article 6

M. BUFFET, rapporteur

289

Décision définitive de rejet d'une demande d'asile vaut OQTF

Adopté

M. KAROUTCHI

28

Décision définitive de rejet d'une demande d'asile vaut OQTF

Satisfait ou sans objet

Mme EUSTACHE-BRINIO

10 rect. quater

Décision définitive de rejet d'une demande d'asile vaut OQTF

Satisfait ou sans objet

M. RETAILLEAU

220 rect.

Décision définitive de rejet d'une demande d'asile vaut OQTF

Satisfait ou sans objet

Article 7

M. LECONTE

77

Coordination de la langue utilisée à l'OFPRA avec le recours devant la CNDA

Rejeté

M. MARIE

102

Suppression de la précision du défaut d'interprétariat imputable à l'OFPRA

Rejeté

M. LECONTE

78

Droit de soulever un défaut d'interprétariat à tout moment lors de la procédure pour un demandeur de bonne foi

Rejeté

M. LECONTE

79

Définition de la langue utilisée lors du recours devant la CNDA

Rejeté

M. SUEUR

71

Définition de la langue utilisée lors du recours devant la CNDA

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

290

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme de la GONTRIE

72

Préciser que la langue utilisée lors de l'entretien permet au demandeur de se faire comprendre

Rejeté

M. LECONTE

80

Extension des possibilités de contestation du choix la langue (et pas seulement uniquement lors du recours devant la CNDA)

Rejeté

Article additionnel après l'article 7

M. LECONTE

73

Langue dans la procédure "Dublin"

Rejeté

Article 7 bis

M. BUFFET, rapporteur

239

Suppression de l'article 7 bis

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO

11 rect. ter

Suppression de l'article 7 bis

Adopté

M. KAROUTCHI

27

Suppression de l'article 7 bis

Adopté

Article 8

M. LECONTE

171

Suppression de l'article 8 qui prévoit de nouveaux cas dans lesquels le recours devant la CNDA n'est pas suspensif

Rejeté

Mme BENBASSA

203

Suppression de l'article 8 qui prévoit de nouveaux cas dans lesquels le recours devant la CNDA n'est pas suspensif

Rejeté

M. MARIE

103

Rétablissement du droit en vigueur sur le moment où cesse le droit au maintien sur le territoire

Rejeté

M. LECONTE

104

Suppression de certains cas dans lesquels le recours devant la CNDA n'est plus suspensif

Rejeté

M. LECONTE

105

Suppression de certains cas dans lesquels le recours devant la CNDA n'est plus suspensif (cas de placement en procédure accélérée)

Rejeté

M. LECONTE

106

Suppression du dispositif permettant au juge administratif de suspendre une mesure d'éloignement

Rejeté

Article additionnel après l'article 8

M. BUFFET, rapporteur

272

Présence d'élus locaux dans le conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

Adopté

Article 9

Mme BENBASSA

204

Suppression de l'article 9

Rejeté

M. LECONTE

57

Délai applicable à l'OFII pour proposer les conditions matérielles d'accueil

Adopté

M. LECONTE

68

Octroi des conditions matérielles d'accueil au cours de la procédure de demandeur d'asile

Rejeté

Le Gouvernement

182

Conditions de domiciliation d'un demandeur d'asile

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

240

Concertations pour la rédaction des schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

241

Enrichissement du contenu des schémas régionaux d'accueil des demandeurs d'asile (actions mises en oeuvre pour assurer l'éloignement des déboutés)

Adopté

Mme ROSSIGNOL

172

Places d'hébergement spécifique pour les femmes

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

242

Expérimentation concernant les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES)

Adopté

Mme de la GONTRIE

107 rect.

Suppression de l'orientation directive vers une région sans garantie d'un hébergement

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

243

Prise en compte de la vulnérabilité des demandeurs d'asile

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

244

Convention en vue de l'harmonisation des structures d'hébergement pour demandeurs d'asile

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

245

Conditions de maintien dans les lieux d'hébergement des déboutés du droit d'asile

Adopté

M. LECONTE

108

Suppression de l'échange d'informations entre le service intégré d'accueil et d'orientation et l'OFII

Rejeté

M. ASSOULINE

173

Inclusion de formations linguistiques dans les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile

Rejeté

M. LECONTE

109

Orientation directive des demandeurs d'asile sans garantie d'hébergement

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

110

Conditions de refus ou de retrait des conditions matérielles d'accueil

Rejeté

M. LECONTE

111

Hébergement directif des demandeurs d'asile sans garantie d'hébergement

Rejeté

M. LECONTE

70

Langue utilisée lors de l'orientation directive des demandeurs d'asile

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

246

Coordination

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

247

Compétence liée de l'OFII pour retirer les conditions matérielles d'accueil

Adopté

M. LECONTE

58

Retrait des conditions matérielles d'accueil - marge d'appréciation de l'OFII

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

59

Conditions matérielles d'accueil en cas de présentation de demandes d'asile sous des identités différentes

Rejeté

M. LECONTE

60

Suppression du refus des conditions matérielles d'accueil en cas de demande d'asile tardive

Rejeté

M. LECONTE

112

Lier les conditions matérielles d'accueil à la date d'enregistrement de la demande d'asile

Rejeté

M. KAROUTCHI

191

Délai pour l'action en paiement concernant l'allocation pour demandeur d'asile

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

248

Coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 9

M. BUFFET, rapporteur

273

Inclusion de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et des centres d'hébergement provisoire (CPH) dans le décompte des logements sociaux de la loi "SRU".

Adopté

Article 9 bis

M. BUFFET, rapporteur

249

Rédactionnel

Adopté

Article additionnel après le Titre II :
Renforcer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière

M. LECONTE

76

Coordination relatif au régime linguistique

Rejeté

Articles additionnels avant l'article 10 A

M. KAROUTCHI

218 rect.

Aide médicale d'urgence

Adopté

M. RETAILLEAU

219 rect.

Forfait pour l'AME

Satisfait ou sans objet

Article 10 A

M. LECONTE

117

Rétablissement du jour franc en cas de refus d'entrée notifié aux frontières terrestres de la France ou à Mayotte

Rejeté

Article 10 B

M. ASSOULINE

174

Suppression du périmètre au voisinage de la frontière terrestre dans lequel un étranger peut faire l'objet d'une procédure de non-admission sur le territoire

Rejeté

Article 10

M. LECONTE

56

Obligation d'informer immédiatement de ses droits l'étranger maintenu en zone d'attente

Rejeté

M. LECONTE

118

Suppression des vidéo-audiences sans accord du requérant

Rejeté

M. LECONTE

159

Interdiction du placement en zone d'attente pour les mineurs non accompagnés

Rejeté

M. MARIE

119

Suppression des vidéo-audiences sans accord du requérant (prolongation du maintien en zone d'attente)

Rejeté

Articles additionnels après l'article 10

M. BUFFET, rapporteur

228

Augmentation de 6 à 10 heures de la durée de maintien à la disposition de la justice en zone d'attente (le temps que le Procureur faisant appel d'une décision défavorable en demande caractère suspensif)

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

231

Possibilité de relever les empreintes des personnes contrôlées dans le cadre des procédures de « refus d'entrée »

Adopté

M. RETAILLEAU

217 rect.

Durcissement des conditions d'accès au regroupement familial

Adopté

Articles additionnels avant l'article 11

M. BUFFET, rapporteur

274

Conditionnalité de la délivrance de visas pour les ressortissants des pays non coopératifs

Adopté

M. KAROUTCHI

35

Conditionnalité de l'aide publique au développement

Retiré

M. KAROUTCHI

36

Conditionnalité de l'aide publique au développement pour les pays non coopératifs

Retiré

M. KAROUTCHI

38

Conditionnalité de l'aide publique au développement

Retiré

Article 11

Mme BENBASSA

205

Suppression de l'article 11, qui vise à renforcer l'efficacité de certaines procédures d'éloignement.

Rejeté

M. LECONTE

132

Suppression de l'obligation de présenter une demande au titre du droit au séjour concomitamment à toute demande d'asile (coordination)

Rejeté

M. LECONTE

134

Suppression de certains cas permettant de caractériser un "risque de fuite" par la seule circonstance du maintien irrégulier sur le territoire

Rejeté

M. LECONTE

133

Suppression de l'usage de documents falsifiés des critères permettant d'établir un risque de fuite

Rejeté

M. KAROUTCHI

46

Ajout de l'altération volontaire des empreintes comme critère permettant de caractériser un "risque de fuite"

Adopté

M. RETAILLEAU

222 rect.

Augmentation de 3 à 5 ans de la durée maximale de l'interdiction de retour prononcée en complément d'une obligation de quitter le territoire

Adopté

M. KAROUTCHI

44

Augmentation de 3 à 10 ans de la durée maximale de certaines interdictions de retour sur le territoire

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

135

Fin du caractère systématique du prononcé des interdictions de retour par le préfet

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

160

Fin du caractère systématique du prononcé de certaines interdictions de retour par le préfet

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 11

M. RETAILLEAU

221 rect.

Réduction de 30 à 7 jours du délai de départ volontaire pouvant assortir une OQTF

Adopté

Article 12

M. LECONTE

136

Non-application de la procédure contentieuse  abrégée "à six semaine" pour contester les OQTF prises après non-renouvellement d'un titre de séjour

Rejeté

M. LECONTE

138

Extension à 2 jours ouvrés (au lieu de 48 heures)  du délai de recours contre une OQTF sans délai de départ volontaire

Rejeté

M. LECONTE

139

Extension à 2 jours ouvrés (au lieu de 48 heures) du délai de recours contre une OQTF notifiée avec la rétention et du délai de contestation de ladite rétention

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

232

Précision

Adopté

M. LECONTE

161

Suppression de l'augmentation de 72 à 96 heures du délai de jugement du recours contre l'OQTF visant un étranger placé en rétention.

Rejeté

M. SUEUR

137

Suppression des vidéo-audiences sans accord du requérant (OQTF)

Rejeté

Article additionnel après l'article 12

M. LECONTE

75

Régime linguistique (notification de l'OQTF)

Rejeté

Article 13

M. BUFFET, rapporteur

233

Suppression de l'extension du dispositif de l'aide au retour aux étrangers placés en rétention

Adopté

Article 14

M. SUEUR

153

Suppression de la possibilité d'assigner à résidence un étranger qui fait l'objet d'une OQTF avec délai de départ volontaire

Rejeté

Mme BENBASSA

206

Suppression de la possibilité d'assigner à résidence un étranger qui fait l'objet d'une OQTF avec délai de départ volontaire

Rejeté

Articles additionnels après l'article 15

M. BUFFET, rapporteur

275

Information des caisses de sécurité sociale concernant les mesures d'éloignement prononcées

Adopté

Mme PUISSAT

47 rect.

Clarification de l'interdiction du placement en rétention des mineurs isolés

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

227

Encadrement à cinq jours de la durée de rétention familles avec mineurs

Adopté

Article 16

Mme BENBASSA

207

Suppression de l'article

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

225

Rétablissement à 5 jours, au lieu de 48 heures, de la durée de la première phase de la rétention administrative.

Adopté

M. LECONTE

162

Maintien à 24 heures (et non 48 heures) du délai de recours devant le JLD pour contre la prolongation de la rétention.

Satisfait ou sans objet

M. KAROUTCHI

41

Passage de 48 heures à 5 jours pour la première phase de la rétention

Satisfait ou sans objet

M. BUFFET, rapporteur

235

Maintien de certains critères permettant de placer en rétention un étranger soumis au règlement « Dublin » (refus ou altération empreintes, dissimulation de la situation ou du parcours)

Adopté

M. KAROUTCHI

42

Maintien de certains critères permettant de placer en rétention un étranger soumis au règlement « Dublin » (refus ou altération empreintes, dissimulation de la situation ou du parcours)

Adopté

M. LECONTE

140

Interdiction générale de tout placement d'un mineur en rétention

Rejeté

M. de BELENET

215

Interdiction générale de tout placement d'un mineur en rétention

Rejeté

M. MARIE

154

Meilleure prise en compte de la vulnérabilité en rétention

Rejeté

M. LECONTE

141

Notification et l'exercice des droits en rétention

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

226 rect.

Séquençage de la rétention plus efficace

Adopté

M. LECONTE

142

Suppression de l'allongement de la durée de la rétention à 90 jours

Satisfait ou sans objet

M. LECONTE

163 rect.

Maintien à 6 heures (contre 10) du délai pendant lequel un retenu est maintenu à la disposition de la justice

Rejeté

M. SUEUR

143

Suppression des vidéo-audiences sans accord du requérant (prolongation de rétention)

Rejeté

Article additionnel après l'article 16 bis

M. BUFFET, rapporteur

229

Facilitation des enquêtes administratives avant agrément ou autorisation d'accès des personnes extérieures aux centres de rétention

Adopté

Article 17

Mme BENBASSA

208

Suppression de l'article

Rejeté

Article 17 ter

M. BUFFET, rapporteur

234

Maintien à 144 heures (et non 96) de la durée de validité de l'ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence

Adopté

M. KAROUTCHI

39

Maintien à 144 heures (et non 96) de la durée de validité de l'ordonnance du JLD autorisant la visite domiciliaire d'un étranger assigné à résidence

Adopté

Article 19

Mme BENBASSA

209

Suppression des mesures renforçant la retenue pour vérification du séjour

Rejeté

M. LECONTE

165

Retenue pour vérification du droit au séjour

Rejeté

M. LECONTE

74

Retenue pour vérification du droit au séjour

Rejeté

M. ASSOULINE

176

Retenue pour vérification du droit au séjour

Rejeté

M. LECONTE

144

Retenue pour vérification du droit au séjour

Rejeté

M. LECONTE

145

Retenue pour vérification du droit au séjour

Rejeté

M. LECONTE

164

Retenue pour vérification du droit au séjour

Rejeté

M. RICHARD

212

Extension de la sanction pénale de la fraude documentaire aux titres provisoires autorisant la présence sur le territoire à titre temporaire

Adopté

Article 19 bis A

Le Gouvernement

183

Sanctions pénales applicables aux étrangers qui méconnaissent une mesure d'éloignement

Adopté

M. SUEUR

146

Suppression de la possibilité de détention avant la fin de la rétention

Satisfait ou sans objet

Article 19 bis

M. BUFFET, rapporteur

223

Généralisation et systématisation de la sanction pénale d'interdiction du territoire français

Adopté

Article 19 ter

M. BUFFET, rapporteur

224

Maintien du délit d'aide à l'entrée et au séjour des étrangers en situation irrégulière

Adopté

M. LECONTE

178

Abrogation du « délit de solidarité »

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 19 ter

M. LECONTE

147

Interdiction des tests osseux aux fins de détermination de l'âge

Rejeté

M. RICHARD

214

Délit d'établissement de fausses attestations de domiciliation

Adopté

Article 20

M. GROSPERRIN

15

Mobilité européenne des chercheurs

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

251

Mobilité européenne des chercheurs

Adopté

M. GROSPERRIN

16

Simplification de la définition d'entreprise "innovante"

Adopté

M. GROSPERRIN

17

Publication des critères pour les projets économiques innovants

Adopté

M. LECONTE

128

Périmètre du passeport talent

Adopté

Article 21

M. GROSPERRIN

18

? Mobilité européenne des étudiants

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

255

Mobilité européenne des étudiants

Adopté

Articles additionnels après l'article 21

M. BUFFET, rapporteur

276

Visite médicale des étudiants

Adopté

M. GROSPERRIN

22

Visite médicale des étudiants

Satisfait ou sans objet

Article 22

M. GROSPERRIN

19

Clarification rédactionnelle concernant les jeunes au pair

Adopté

M. GROSPERRIN

20

Droits et devoirs de la famille d'accueil des jeunes au pair

Adopté

Article 23

M. LECONTE

120

Suppression de la restriction du droit de solliciter ultérieurement un titre de séjour après un rejet d'une demande d'asile

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

291

Précision du délai dans lequel le demandeur d'asile doit solliciter son admission au séjour sur un autre fondement

Adopté

Article 24

M. LECONTE

166

Suppression de la restriction de circulation concernant les mineurs étrangers admis au séjour à Mayotte

Rejeté

M. LECONTE

167

Substitution du terme de "parents" par "titulaire de l'autorité parentale"

Rejeté

M. LECONTE

168

Suppression d'une disposition dérogatoire prévue pour Mayotte dans la délivrance du document de circulation pour mineur étranger

Rejeté

Article 25

M. BUFFET, rapporteur

256

Coordination

Adopté

Article 26

M. BUFFET, rapporteur

257

Rédactionnel

Adopté

Article 26 bis A

M. BUFFET, rapporteur

258

Association des structures du service public de l'emploi au contrat d'intégration républicaine

Adopté

Mme CANAYER

24 rect.

Conditionnalité du dispositif d'accompagnement vers l'emploi à l'assiduité de l'étranger au contrat d'accueil et d'intégration

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

259

Certification du niveau de langue

Adopté

Article additionnel après l'article 26 bis A

M. BUFFET, rapporteur

277

Exigences linguistiques pour la délivrance des titres de séjour et les naturalisations

Adopté

Article 26 bis

M. LECONTE

114

Accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile dès le dépôt de leur demande

Rejeté

Mme DEROMEDI

200

Maintien à 9 mois le délai d'accès au marché du travail des demandeurs d'asile

Adopté

M. LECONTE

155

Extension à tous les étrangers du dispositif dérogatoire introduit à l'Assemblée nationale permettant aux mineurs non accompagnés de poursuivre un contrat d'apprentissage tout en faisant une demande d'asile

Rejeté

Article 26 ter

M. BUFFET, rapporteur

292

Suppression de l'article 26 ter

Adopté

Articles additionnels après l'article 26 ter

M. BUFFET, rapporteur

293 rect.

Création d'un fichier national biométrique des personnes déclarées majeures après leur évaluation par un département

Adopté

M. LECONTE

148

Conditions de l'admission exceptionnelle au séjour des mineurs isolés (qualification professionnelle)

Rejeté

M. LECONTE

150

Conditions de l'admission exceptionnelle au séjour des mineurs isolés (liens familiaux dans le pays d'origine)

Rejeté

M. LECONTE

149

Condition d'obtention des titres de séjour pour les mineurs isolés

Rejeté

Article 27

M. LECONTE

169

Suppression de l'article 27

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

260

Réduction d'un délai d'habilitation à légiférer par ordonnances

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

261

Réduction du champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

262

Réduction de l'habilitation à légiférer par ordonnances - obligation de réexamen de la situation de l'emploi

Adopté

Articles additionnels avant l'article 28

M. LECONTE

121

Retrait ou renouvellement d'un titre de séjour en cas d'absence aux convocations (motif légitime)

Rejeté

M. LECONTE

151

Délai du contradictoire pour le retrait ou le refus de renouvellement d'un titre de séjour

Rejeté

Article 28

M. ASSOULINE

179

Conditions de ressources pour l'octroi de la carte "visiteur"

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

263

Rédactionnel

Adopté

Article 29

M. BUFFET, rapporteur

264

Durcissement des conditions de délivrance des cartes de séjour "stagiaires intragroupes"

Adopté

M. LECONTE

122

Conditions de délivrance des cartes de séjour "stagiaires intragroupes"

Satisfait ou sans objet

M. BUFFET, rapporteur

265

Durcissement des conditions de délivrance des cartes de séjour "salariés détachés intragroupes"

Adopté

M. LECONTE

129

Conditions de délivrance des cartes de séjour "salariés détachés intragroupes"

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 29

M. LECONTE

152

Carte de séjour des titulaires d'un contrat à durée déterminée (CDD)

Rejeté

Article 30

Mme ROSSIGNOL

180

Suppression de l'article 30

Rejeté

Le Gouvernement

184

Suppression de la notion de "titres exécutoires" pour justifier de conditions de ressources

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

266

Informations transmises à l'auteur d'une reconnaissance de filiation en cas d'opposition du procureur de la République

Adopté

Article 31

M. LECONTE

123

Avis conforme des médecins de l'OFII pour la procédure "étrangers malades"

Rejeté

Article additionnel après l'article 31

M. LECONTE

131

Généralisation de la carte de résident permanent

Rejeté

Article 32

Le Gouvernement

185

Carte de résident pour les victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme

Adopté

Mme ROSSIGNOL

195

Carte de séjour des victimes de violences conjugales

Rejeté

Mme BERTHET

23 rect.

Carte de séjour des victimes de violences conjugales ou d'un mariage forcé

Adopté

Mme ROSSIGNOL

192

Carte de séjour des victimes de violences conjugales ou d'un mariage forcé

Satisfait ou sans objet

Mme ROSSIGNOL

193

Carte de séjour des victimes de violences conjugales ou d'un mariage forcé

Satisfait ou sans objet

Articles additionnels après l'article 32

Mme de la GONTRIE

125

Carte de séjour des personnes portant plainte pour des faits de trafic de stupéfiants, d'armes et d'exploitation de la mendicité

Rejeté

Mme ROSSIGNOL

194

Carte de séjour pour les personnes victimes de traite des êtres humains

Rejeté

Article 33

M. BUFFET, rapporteur

267

Suppression de l'article

Adopté

M. LECONTE

130

Délivrance de titres de séjour en cas de « violences familiales »

Rejeté

Articles additionnels après l'article 33

M. MARIE

126 rect.

Durée du titre de séjour de l'immigration familiale

Rejeté

M. LECONTE

127

Changement de statut

Rejeté

Article 33 bis

M. BUFFET, rapporteur

268

Suppression de l'article

Adopté

M. MARIE

115 rect.

Statistiques sur les autorisations de travail

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

116

Statistiques sur les mineurs en rétention

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 33 bis

M. KAROUTCHI

25 rect.

Condition de l'admission exceptionnelle au séjour

Adopté

Article 33 ter

Le Gouvernement

186

Suppression de l'article

Rejeté

Article 33 quater

M. GROSPERRIN

21

Suppression de l'article

Adopté

M. LECONTE

156

Information obligatoire du maire auprès de l'Éducation nationale lorsqu'il refuse la scolarisation d'un enfant

Satisfait ou sans objet

Article 34

M. BUFFET, rapporteur

230

Coordination

Adopté

Article 34 bis

M. BUFFET, rapporteur

269

Suppression de l'article

Adopté

Article additionnel après l'article 34 bis

Le Gouvernement

187

Titre de séjour des légionnaires

Rejeté

Article 35

M. BUFFET, rapporteur

279

Coordination

Adopté

M. MARIE

124

Carte pluriannuelle pour les victimes de traite des êtres humains et de proxénétisme

Rejeté

M. MOHAMED SOILIHI

211

Collège médical à Mayotte

Adopté

Article 36

M. BUFFET, rapporteur

270

Coordination

Adopté

Article 37

M. BUFFET, rapporteur

271

Faciliter l'accès des apatrides au service civique

Adopté

Article 38

M. MOHAMED SOILIHI

213

Prolongation d'une expérimentation à Mayotte

Adopté

M. LECONTE

113

Maintien du droit en vigueur en Guyane s'agissant du délai dans lequel une demande d'asile devient tardive

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

281

Coordination

Adopté

Article 39

M. LECONTE

170

Suppression de l'article

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

283

Réduction d'un délai d'habilitation à légiférer par ordonnances

Adopté

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. GÉRARD COLLOMB, MINISTRE D'ÉTAT, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

_______

MERCREDI 30 MAI 2018

M. Philippe Bas, président . - Mes chers collègues, nous accueillons le ministre d'État, ministre de l'intérieur, dans une maison qu'il connaît bien et qu'il aura à coeur de défendre lorsqu'il viendra nous présenter le projet de loi organique et le projet de loi dit « ordinaire », ce qui est un peu dévalorisant eu égard au sujet, de réforme des institutions.

Croyez bien que nous irons spontanément à votre rencontre quand il s'agira de veiller à la fois aux droits fondamentaux du Parlement, au bon fonctionnement du bicamérisme et à l'ancrage territorial des sénateurs et des députés.

Vous savez, pour avoir siégé longtemps dans notre maison, que le Sénat, représentant des territoires de la République, est particulièrement attaché à ce que le lien démocratique qui unit les représentants de la Nation à nos concitoyens dans les territoires soit fortifié et non distendu.

Toutefois, l'objet de l'audition d'aujourd'hui est autre, même si cela ne vous empêche pas de nous annoncer quelques avancées qui pourraient témoigner de cette main tendue que j'appelle de mes voeux sur la réforme des institutions. Nous sommes ici réunis pour discuter d'un projet de loi que vous avez élaboré et fait adopter en conseil des ministres, puis à l'Assemblée nationale, moyennant quelques amendements et une discussion qui n'a pas été de tout repos...

Le Sénat aborde ce texte avec un esprit constructif, qui ne nous empêchera pas d'être attentifs à un certain nombre de dispositions. Nous constatons des progrès dans les délais de traitement des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), notamment en raison, de l'action du précédent gouvernement qui a considérablement augmenté les moyens de cet établissement.

Reste le problème de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) où 25 000 dossiers restent en instance. Vous avez certainement des propositions pour remédier à cette situation, étant entendu que, pour éloigner efficacement les déboutés du droit d'asile, qui ont tendance à demeurer sur le territoire national, il faut pouvoir traiter leur situation le plus tôt possible et éviter de trop longs délais administratifs.

Nous aurons également des questions en matière d'éloignement. Vous souhaitez allonger la durée de rétention. Si cela est réellement utile, nous ne nous y opposerons pas, mais vous aurez à nous le démontrer. Le Sénat, traditionnel protecteur des libertés publiques, ne peut consentir à des restrictions aux libertés individuelles que dans la mesure où ces restrictions sont effectivement nécessaires pour procéder à l'éloignement des personnes concernées.

En outre, nous nous interrogeons sur l'extension de la réunification familiale. Il ne faudrait pas que les dispositions qui permettent à un mineur étranger de faire venir ses parents s'étendent à la famille au sens large, à savoir les frères, les soeurs et, pourquoi pas, les cousins.

Nous aurons aussi beaucoup de questions sur la rétention des mineurs, dont la situation particulière a suscité de très vives préoccupations. Nous vous demanderons des données objectives permettant de connaître le nombre de mineurs demeurant en rétention au-delà d'une durée de quatre jours. Là encore, il nous faut prendre des dispositions pour protéger cette population particulièrement vulnérable sans entraver l'organisation de l'éloignement des étrangers et de leur famille en situation irrégulière.

Un autre sujet de préoccupation concerne les passeurs et le délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers sur le territoire national. Nous ne souhaitons pas affaiblir cette incrimination, car ce faisant nous risquerions de favoriser l'action des filières de passeurs. Il s'agit d'un instrument que les tribunaux utilisent à bon escient, sans excès. Nous nous montrerons vigilants sur cette question.

Nous vous interrogerons également sur l'accès à la nationalité française, notamment à partir de la proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soihili que le président du Sénat a transmise pour avis au Conseil d'État.

Enfin, nous avons constaté que votre projet de loi ne comportait que peu d'éléments relatifs à l'intégration. Or, selon nous, une politique de fermeté à l'égard de l'immigration irrégulière doit avoir pour corollaire le renforcement des mesures d'intégration des étrangers en situation régulière sur le territoire national.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Monsieur le président, je vois que vous avez toujours le verbe ciselé et l'interrogation précise. Je vous retrouve donc comme je vous avais quitté, lorsque j'étais membre de la commission des lois du Sénat.

Je veux saluer votre rapporteur, M. François-Noël Buffet, et le rapporteur pour avis de la commission de la culture, M. Jacques Grosperrin, ainsi que l'ensemble des sénatrices et des sénateurs ici présents.

Nous abordons aujourd'hui l'examen d'un projet de loi de première importance. Il s'agit d'un texte fondamental pour contribuer à la maîtrise de l'augmentation des flux migratoires en direction de notre pays et pour permettre à ceux qui ont besoin de protection d'obtenir plus rapidement une réponse à leur demande d'asile.

Ce matin, comme la presse s'en est déjà fait l'écho, nous avons transféré les migrants du camp du « Millénaire » à Paris - soit plus de 1 000 personnes - vers d'autres lieux d'hébergement. Il s'agit de la trente-quatrième évacuation en deux ans et demi, pour un nombre total de 28 000 personnes. Cet exemple suffit à lui seul pour montrer l'étendue de la problématique.

Il subsiste encore deux campements à Paris, celui du canal Saint-Martin et celui de la porte de la Chapelle.

Pour mieux comprendre les problèmes que pose la crise migratoire, il n'y a qu'à regarder chez nos voisins : en Allemagne, l'élection de 92 parlementaires d'extrême droite a beaucoup compliqué la formation d'un gouvernement ; quant à l'Italie, la crise profonde qu'elle traverse risque de remettre en cause l'unité même de l'Europe. Ces problématiques n'ont rien de subalterne, il faut les aborder avec beaucoup de responsabilité.

Au niveau national, nous sommes passés de 50 000 demandes d'asile en 2010 à plus de 100 000 l'année dernière. Et la tendance se poursuit, puisque les demandes d'asile ont augmenté de 17 % en 2017 par rapport à 2016, alors même que la demande d'asile dans l'Union européenne a diminué de moitié l'année dernière.

J'aurai l'occasion au cours de cette audition de vous donner quelques informations sur la répartition des flux autour du bassin méditerranéen et sur la provenance d'origine des demandeurs d'asile. Nous sommes devenus cette année le deuxième pays européen en termes de demandes d'asile, juste derrière l'Allemagne.

Pour faire face à cet afflux, nous avons augmenté le nombre de places d'hébergement - 44 000 places en 2012, 80 000 en 2017. Sans compter l'extension du dispositif d'hébergement d'urgence - objet d'une circulaire qui a fait beaucoup de bruit -, passé de 82 000 places en 2012 à 144 000 en 2017 et qui profite en grande partie aux migrants, notamment en région parisienne.

C'est parce que nous ne pouvons continuer ainsi que le Président de la République et le Gouvernement se sont emparés fermement de cette problématique. Nous essayons d'agir sur tous les fronts.

D'abord au plan diplomatique. Il convient d'empêcher que de nouveaux conflits ne s'installent, lesquels conduiraient à une augmentation du nombre de demandes d'asile. Si le Président de la République se rend régulièrement dans le bassin méditerranéen, c'est pour empêcher de voir resurgir certains conflits susceptibles d'entraîner à nouveau des vagues de migrants sur notre continent européen.

Le Président de la République a ainsi réuni l'ensemble des parties prenantes libyennes pour permettre à cet État de se reconstruire. C'est une question de première importance pour résoudre la question migratoire.

Nous menons aussi, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, en coopération avec un certain nombre de pays d'origine, une lutte de tous les instants contre les réseaux de passeurs. Il ne faudrait pas croire que les migrations résultent totalement d'un phénomène spontané !

On s'aperçoit en effet que toute une chaîne s'est organisée : les migrants sont d'abord incités à quitter leur pays, pris en charge par des réseaux structurés qui leur font traverser les frontières. Ils sont souvent dépouillés de leurs biens, devenant ainsi totalement dépendants de leurs passeurs. Commence alors un périple extrêmement dangereux, marqué par des traversées de zones désertiques, notamment entre le Niger et la Libye. Pour m'y être rendu, je peux vous dire qu'il s'agit de routes terribles sur lesquelles les migrants perdent parfois la vie - les passeurs n'arrêtent pas leur camion quand un migrant tombe au sol... Ils arrivent ensuite en Libye, dans des camps tenus par des milices, avant de tenter de traverser la Méditerranée dans des embarcations de fortune au péril de leur vie.

La France agit tant sur le plan bilatéral que sur le plan européen pour maîtriser les différents mouvements migratoires.

Nous travaillons ainsi avec les pays d'origine pour mieux maîtriser les flux et tenter de dissuader les migrants de pénétrer de manière irrégulière en France. Si l'Europe est déstabilisée par ces afflux massifs, les pays d'origine le sont aussi : à côté des trafics d'êtres humains, on trouve des trafics d'armes et des réseaux terroristes qui transforment ces lieux en poudrières.

C'est la raison pour laquelle je me suis rendu, voilà quelques mois, à Niamey, au Niger, pour rencontrer l'ensemble des ministres de l'intérieur des pays concernés et définir ensemble une stratégie commune pour mieux protéger les frontières, éviter les mouvements irréguliers et maîtriser ce flux migratoire.

Nous agissons aussi auprès des autorités consulaires des pays d'origine pour obtenir des laissez-passer et procéder à l'éloignement des personnes en situation irrégulière présentes sur le sol français.

Ainsi, s'agissant de l'allongement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons entamé une série de contacts extrêmement serrés avec les pays d'origine pour obtenir ces laissez-passer consulaires.

Nous agissons soit de manière bilatérale, soit avec le commissaire européen chargé des migrations. Avant-hier encore, je rencontrais M. Dimitris Avramopoulos pour définir des stratégies communes.

Nous travaillons aussi pour maîtriser les mouvements secondaires des demandeurs d'asile et faire en sorte que les personnes déboutées dans un pays européen ne formulent pas une nouvelle demande en France. Une des grandes recommandations de la Commission européenne est de déterminer le pays responsable de la procédure d'examen de la demande d'asile. Il s'agit d'éviter que ces flux à l'intérieur de l'Union européenne ne remettent en cause, in fine , les accords de Schengen.

La France est enfin engagée, à l'échelle européenne, dans le renforcement de l'agence FRONTEX. Les effectifs de cette force, qui doit contrôler les frontières extérieures de l'Union européenne, sont déjà passés de 500 à 1 000 personnes. M. Dimitris Avramopoulos m'a annoncé qu'ils atteindraient 10 000 hommes d'ici à 2027, de manière à nous doter d'une force européenne à même de contrôler les migrations irrégulières.

Cette augmentation des effectifs de FRONTEX correspond à un véritable besoin : si les migrations irrégulières en provenance de Méditerranée orientale ont cessé, c'est en raison de l'accord conclu entre l'Union européenne et la Turquie en 2016 ; mais cet accord peut être remis en cause à tout instant par nos partenaires. Dès lors, si nous n'avons pas les moyens de protéger nos frontières, nous risquons d'être de nouveau confrontés à de grandes difficultés. Nous avons d'ailleurs constaté, ces derniers mois, une remontée des flux en Grèce continentale, en Bulgarie et dans d'autres pays des Balkans.

Nous agissons aussi à l'intérieur de nos frontières pour les rendre les moins poreuses possible.

Depuis un an, nous avons arrêté 85 000 personnes aux frontières, dont 50 000 à la seule frontière franco-italienne. Cela donne une idée des difficultés qui nous attendent si nous ne protégeons pas notre territoire.

Pour accélérer la réponse donnée aux migrants, nous avons réduit les délais d'enregistrement en préfecture pour le premier accueil, qui sont passés de 21 jours en moyenne à 7 jours, voire à 3 jours dans certaines préfectures, y compris en Île-de-France.

Sur les quatre derniers mois, les demandes d'asile ont augmenté de 12 %, en partie à cause d'un effet de « déstockage » : à partir du moment où nous réduisons les délais de traitement des demandes d'asile, plus de dossiers doivent être examinés.

Nous avons créé, dans chaque grande région, des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) de manière à lier hébergement et lancement rapide de l'examen de la situation des personnes.

Nous avons également augmenté les effectifs pour l'examen et le traitement de la demande d'asile : les moyens humains des services étrangers des préfectures - 150 équivalents temps plein supplémentaires - de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ont tous augmenté. Monsieur le président, vous avez évoqué l'augmentation des moyens de l'OFPRA amorcée par le précédent gouvernement, nous avons poursuivi le mouvement.

Enfin, l'adoption de la loi du 20 mars 2018, dite « loi Warsmann » a permis de sécuriser les transferts des personnes relevant du règlement « Dublin III ».

Sur les quatre premiers mois de 2018, les éloignements d'étrangers en situation irrégulière ont augmenté de 25 %, passant de 8 695 à 10 901 personnes. Dans ces chiffres, l'éloignement forcé augmente d'un peu plus de 9 % pour concerner 5 000 personnes.

Indéniablement, des progrès ont été accomplis. Ce projet de loi s'inscrit dans le prolongement de cette action.

Durant la campagne électorale, le Président de la République avait pris l'engagement de réduire l'examen des demandes d'asile à six mois en moyenne, recours compris.

Il souhaitait ainsi permettre aux personnes protégées de commencer plus rapidement leur parcours d'intégration et, au contraire, à ceux qui se trouveraient déboutés de regagner leur pays d'origine sans que les liens familiaux ou sociaux se soient par trop distendus.

Les mesures figurant dans ce projet de loi visent donc à accélérer l'instruction de la demande d'asile : placement du demandeur en procédure accélérée s'il dépose son dossier plus de 90 jours après son arrivée en France ; possibilité, pour l'OFPRA, de notifier sa décision par tout moyen ; réduction à 15 jours du délai de recours devant la CNDA et développement de la vidéoaudience...

Si l'on ajoute le renforcement des effectifs que je viens d'évoquer, nous devrions être en capacité d'atteindre à terme l'objectif fixé par le Président de la République.

Il convient ensuite d'appliquer les décisions prises par l'OFPRA, par la CNDA et, le cas échéant, par les préfectures. C'est l'autre enjeu de ce projet de loi.

Ainsi le texte comporte un certain nombre de mesures visant à faciliter l'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées par les préfectures.

Pour ce faire, nous allons porter à 24 heures la durée de retenue pour vérification du droit au séjour, étendre les possibilités d'investigation pour y procéder. En effet, le temps dont nous disposions (16 heures) était trop court et nous devions relâcher les étrangers qui avaient été arrêtés sans pouvoir vérifier leur identité, au grand découragement des policiers.

Nous allons ensuite procéder à l'allongement de la durée maximale de rétention, fixée à 90 jours. Vos collègues députés ont séquencé cette durée de manière à permettre l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) lors de différentes phases.

Cet allongement est rendu nécessaire par le fait qu'un certain nombre de pays profitent de la durée actuelle de rétention pour laisser traîner les choses et ne pas remettre de laissez-passer consulaires (LPC) avant le quarante-cinquième jour de rétention.

Nous en étions arrivés à un tel point que nos préfets ne demandaient plus de laissez-passer consulaires, vu le faible taux de réponses. Les 90 jours de rétention peuvent sembler une durée relativement importante mais, dans d'autres pays, c'est bien plus élevé. Ainsi, en Allemagne, qui ne passe pas pour le pays le moins accueillant pour les réfugiés, la durée de rétention est de 180 jours. Toutes ces mesures doivent nous permettre d'accroître significativement le nombre de mesures d'éloignement exécutées. En 2017, il y a eu 90 000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées, mais seulement 15 000 se sont traduites par un éloignement.

Si ce projet de loi facilite les éloignements, il accorde aussi des protections nouvelles aux plus vulnérables : ainsi en est-il de la délivrance d'une protection pour les frères et les soeurs d'un réfugié mineur ; il ne s'agit pas des mineurs non accompagnés (MNA), problème immense mais qui n'est pas traité dans ce texte.

Sur proposition des députés, des dispositions ont été adoptées pour améliorer les parcours d'intégration. Ainsi en est-il de l'accès au travail des demandeurs d'asile à l'issue d'un délai de six mois ou encore de la redéfinition du contrat d'intégration républicaine (CIR) pour y adjoindre un volet professionnel et réaffirmer le volet linguistique. Je pense enfin à l'extension du « passeport talent » pour les étrangers les plus qualifiés.

Le texte modifié par l'Assemblée nationale sera utile aux services, facilitera le parcours des demandeurs d'asile et prendra en compte la double aspiration des Français : humanité mais aussi responsabilité. Ce projet de loi préserve l'équilibre entre humanité et efficacité.

Sur la question de l'asile et de l'immigration, sujet ô combien difficile, trois positions coexistent : il y a ceux qui estiment qu'il faut accueillir massivement et pour qui les frontières n'ont plus lieu d'être. Cette position est intenable dans un contexte où l'Afrique va voir sa population passer de 750 millions d'habitants à 2 milliards dans les trente ans à venir. L'ouverture des frontières est difficilement tenable, bien qu'elle soit approuvée par une partie de nos compatriotes. À l'autre bout du spectre, il y a ceux qui rejettent tout accueil d'étranger, y compris pour les persécutés et ceux qui fuient les guerres. Une telle attitude n'est conforme ni aux traditions de la France, ni à nos engagements internationaux, à commencer par la convention de Genève. Il y a enfin celles et ceux qui assument de prendre en compte la situation dans toute sa complexité, qui pensent que l'asile est un droit fondamental mais que, pour garantir son effectivité, il faut se donner les moyens de maîtriser les flux migratoires et d'éloigner ceux qui n'ont pas vocation à rester dans notre pays. C'est la position du Gouvernement et j'espère qu'elle sera partagée largement par votre commission. Au moment où nous entamons nos débats, je veux dire ma confiance dans la capacité de la commission des lois et, plus largement, de tout le Sénat, à adopter un texte nécessaire pour notre pays.

M. Philippe Bas, président . - Le Sénat sait répondre présent lorsqu'il s'agit de trouver le meilleur équilibre entre l'esprit de responsabilité et de fermeté qu'il convient de montrer pour traiter ces phénomènes massifs qui déstabilisent une partie de la société française. Cet esprit de responsabilité va de pair avec la protection des plus vulnérables et la défense des libertés.

Pour le Sénat, la recherche de l'efficacité la plus grande est la condition de l'adoption de dispositions qui amènent incontestablement plus de restrictions à un certain nombre de droits fondamentaux. Si nous ne sommes pas persuadés de l'efficacité de certaines mesures, nous saurons vous le dire. C'est pourquoi je vous avais demandé combien de mineurs accompagnants sont dans les centres de rétention après quatre journées et combien de laissez-passer consulaires vous parviendront si le délai maximum de rétention est allongé à 90 jours. Cet allongement doit servir à ce que la procédure aille à son terme ! Or, il nous a été indiqué que seuls 3 % des laissez-passer sont obtenus au quarante-quatrième jour, la plupart d'entre eux arrivant en début de période de rétention et non à sa fin.

Nous souhaiterions disposer de chiffres mais le ministère n'en donne pas autant que nous en attendons. C'est le cas pour les laissez-passer consulaires. Combien en obtiendriez-vous de plus si le délai maximal de rétention passait de 45 à 90 jours ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur . - Nous ne disposons pas dans ce texte d'éléments budgétaires permettant de chiffrer l'impact du passage de 45 à 90 jours de la durée maximale de rétention administrative : comment assurer au mieux les conditions matérielles des personnes retenues ?

Les mineurs non accompagnés (MNA) sont pris en charge par les départements : leur accueil pèse lourdement sur les budgets. Un accord est en passe d'être conclu entre le Gouvernement et l'Assemblée des départements de France (ADF). Disposez-vous d'éléments d'information ? Le texte étant muet sur cette question, je déposerai un amendement sur le sujet des mineurs non accompagnés. Je proposerai de créer un fichier national afin de faciliter les échanges d'informations entre les départements.

Sur la partie intégration, pensez-vous retenir quelques éléments du rapport déposé par le député Aurélien Taché ? Si oui, lesquels ?

Enfin, il y a moins de trois mois, nous avons adopté une proposition de loi pour éloigner plus efficacement les personnes soumises au règlement « Dublin III ». Ce texte a été voté conforme par l'Assemblée nationale, mais elle l'a modifié à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, sans que l'exécutif s'y oppose. Pourquoi être revenu sur des dispositions majeures qui permettaient de sécuriser le dispositif ?

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La commission culture s'est saisie pour avis de quatre articles sur 42. Sur trois articles examinés ce matin en commission, nous avons proposé des améliorations, sans relever de problèmes particuliers. En revanche, le quatrième qui porte sur la scolarisation obligatoire des mineurs étrangers donnerait un plus grand rôle aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale. Nous souhaiterions, au contraire, réaffirmer le rôle du préfet.

En outre, la politique française d'immigration ne doit pas provoquer une « fuite des cerveaux » pour les pays en développement. Vous avez parlé des relations que vous aviez nouées avec les pays d'origine pour maîtriser les flux migratoires. Quelles sont les mesures envisagées par la France pour soutenir la réintégration des chercheurs étrangers lorsqu'ils retournent dans leur pays d'origine ?

Mme Brigitte Lherbier . - En début de mandat, j'avais interrogé le Gouvernement sur les personnes délinquantes en situation irrégulière. À l'époque, le président de la République avait affirmé son souhait de renvoyer les délinquants ayant commis des fautes lourdes dans leur pays d'origine. Avec mon collègue François-Noël Buffet, nous avons visité le centre de rétention de Lesquin et nous avons constaté que de nombreuses personnes sortaient de prison. Pourquoi attendre qu'elles soient libérées pour étudier leur droit au séjour ? Les services pénitentiaires ne pourraient-ils se pencher sur leurs cas, avant leur sortie ? Avez-vous l'intention de distinguer les demandeurs d'asile sans casier judiciaire de ceux qui occasionnent des troubles à l'ordre public en France ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Monsieur le ministre d'État, je souhaite vous interroger sur la philosophie de ce texte. Je connais de longue date vos qualités intellectuelles et j'ai bien entendu votre syllogisme : vous avez dit qu'il y avait trois façons de voir les choses : ceux qui pensent qu'il faut accueillir tout le monde, ceux qui pensent qu'il ne faut accueillir personne, positions l'une et l'autre indéfendables. Il ne resterait donc qu'un seul choix ; celui que vous présentez. C'est un peu facile. Une fois qu'on a éliminé les deux premières positions, il en reste bien d'autres !

Vous voulez diminuer le nombre de personnes accueillies en France mais, dans le monde à venir, il y aura toujours plus de migrations en raison de la misère, des changements climatiques et des atteintes aux droits de l'Homme. Souvenez-vous de l'ancien député Gérard Fuchs qui, en 1987, a publié un livre intitulé « Ils resteront : le défi de l'immigration ». Je regrette l'absence de vision positive face au phénomène migratoire.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a dit qu'il ne voyait pas dans le texte « le reflet d'une stratégie publique fondée sur l'exacte mesure des défis à relever et sur des choix structurants orientant les services publics vers un exercice plus efficace de leur mission ». Il s'est aussi interrogé sur l'absence d'évaluation concernant les effets de la loi du 7 mars 2016 et de la loi du 29 juillet 2015. Sans doute estime-t-il inutile de légiférer une nouvelle fois. Les chiffres que vous avez donnés parlent d'eux-mêmes : seules 13,5 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont exécutées. Les personnels des préfectures connaissent le fruit de leur travail. Et seulement 4 % des déboutés du droit d'asile repartent. Je ne crois pas que les mesures que vous nous présentez changeront radicalement les choses.

Un discours équilibré est nécessaire : nous devons prendre en compte la réalité des phénomènes migratoires.

Vous n'avez pas prononcé une fois le mot « Europe ». Or, je suis persuadé qu'il n'y a de solution qu'européenne. Nous devrons augmenter considérablement les moyens de l'agence FRONTEX si nous voulons maîtriser les filières clandestines. Une politique européenne équilibrée est plus que jamais nécessaire.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Pour un certain nombre de pays européens, il n'est plus nécessaire de présenter un visa pour entrer en France. Des familles avec mineurs arrivent dans notre pays et demandent immédiatement à bénéficier du droit d'asile, alors qu'elles n'ont pas besoin de protections spécifiques. Notre législation doit permettre de renvoyer l'ensemble de la famille ; les migrants se regroupant dans certaines zones, des régions se retrouvent en grande difficulté face à cet afflux massif.

Si elles sont placées en centre de rétention administrative (CRA), ces personnes peuvent demander que leurs enfants soient pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Le droit européen rappelle d'ailleurs que la présence de mineurs ne doit pas faire obstacle à l'éloignement. Les CRA devront bien évidemment être aménagés en conséquence.

Diverses associations font remarquer que la plupart des laissez-passer consulaires (LPC) sont délivrés dans les premiers jours de placement en CRA. Ce sont effectivement les plus faciles à établir.

Pour 2017, voici quelques chiffres qui concernent divers pays dont je préfère taire le nom. Premier pays : 6 750 OQTF, 646 LPC demandés et 192 délivrés. Pour le deuxième pays, les chiffres sont respectivement de 4 741, 963 et 383. Pour le troisième pays : 1 626, 71, 37. Pour le quatrième pays : 2 674, 73, 8. Pour le cinquième pays : 2 119, 64, 30. Pour le sixième pays : 1 895, 113, 37. Nos préfectures avaient baissé les bras et d'année en année, le nombre de LPC a décru.

M. Philippe Bas, président . - Une fois ce constat établi, pouvez-vous nous dire à quel moment de la rétention sont délivrés les laissez-passer consulaires (LPC) ? Qu'est-ce qui vous fait raisonnablement penser qu'en allongeant la durée de rétention, vous aurez plus de LPC ? Les pays amis dont vous n'avez pas cité le nom qui n'arrivent pas à vous transmettre de LPC ne sont pas simplement pris par le temps : peut-être n'y mettent-ils pas beaucoup de bonne volonté... Si cette hypothèse se confirme pour tel ou tel pays, vous pourrez garder plus longtemps les étrangers en rétention sans obtenir davantage de LPC. Cet allongement de la durée doit être utile et nous vous demandons de nous le prouver !

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Évidemment, la durée maximale de rétention est théorique : plus la rétention dure, plus elle coûte au contribuable. Le but n'est donc pas de prolonger à outrance ces rétentions. En revanche, nous voulons montrer aux pays avec qui nous traitons qu'ils ne doivent pas compter sur une faible durée de rétention pour faire durer les procédures. J'espère bien pouvoir vous annoncer l'année prochaine des chiffres de laissez-passer consulaires en nette augmentation. Le Président de la République a eu des entretiens avec les Premiers ministres de divers pays et nous avons enregistré des réactions positives. Prochainement, je vais recevoir plusieurs ministres de l'intérieur pour augmenter le nombre de LPC reçus. Jusqu'à présent, les pays de départ refusaient le retour de migrants, prétextant que ces derniers n'étaient pas leurs ressortissants. Nous nous penchons aussi sur l'identité des personnes : dans un certain nombre de pays, les papiers d'identité sont inexistants. Nous travaillons avec le fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne pour l'Afrique sur ces questions d'identité.

Tous les quinze jours, j'organise une visioconférence avec les préfets pour les inciter à demander des laissez-passer consulaires. Le ministère de l'intérieur a installé une task force pour centraliser les demandes qui n'ont pas abouti au niveau préfectoral. Des agents du ministère sont dédiés à chaque pays et les relancent sans cesse.

M. Philippe Bas, président . - Votre réponse laisse entier le débat que nous aurons sur les résultats que vous obtiendrez en allongeant la durée maximale de rétention. Le problème tient à la mobilisation des préfets et à la bonne volonté des pays de départ. On est donc en droit de se demander ce qu'ont à voir les délais de rétention. Il serait utile pour la défense de votre texte que nous disposions de davantage de données chiffrées sur les constats actuels et sur les estimations à venir. Nous serions alors véritablement éclairés pour nous prononcer sur votre proposition d'allongement des délais de rétention administrative.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Le Sénat aime comparer les législations pour situer la France par rapport aux autres pays européens. Il n'y a pas que le Sénat qui fait du benchmarking : les migrants en font aussi un peu pour regarder les législations à travers l'Europe qui sont les plus fragiles. Telle nationalité se dirige plutôt vers notre pays, non pas qu'elle soit plus francophile, mais tout simplement parce qu'elle juge qu'il est plus facile de s'y implanter qu'en Allemagne, par exemple. Pour certaines nationalités, nous peinons à traiter les dossiers en trois ans alors qu'un pays voisin y parvient en deux semaines. Alors, évidemment, les gens comparent un peu et se disent : « il vaut mieux essayer dans tel pays ».

Les centres de rétention administrative (CRA) manquent de places : d'ici la fin de l'année, nous ouvrirons 400 places pour répondre aux difficultés actuelles ; le taux d'occupation s'élève à 95 %, alors qu'à mon arrivée, certains centres étaient pratiquement vides. Des escortes de police sont obligées de faire des tours de France des CRA pour trouver des places libres. Pour ne pas perdre de temps, ces places seront réalisées dans des bâtiments modulaires.

L'accord sur les mineurs non accompagnés étant en passe d'être conclu entre le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) et le Premier ministre, je les laisserai le dévoiler. Un des points qu'il convient de traiter est qu'un jeune reconnu non mineur dans un département peut aujourd'hui aller dans un autre département et relancer la procédure, car il n'existe pas de fichier national. Un tel fichier permettrait d'économiser beaucoup d'argent et de temps. Ces dernières années, l'augmentation des demandes est tout à fait extraordinaire ; le ministère va travailler sur les mineurs non accompagnés avec les différents pays concernés afin de « casser » les filières.

Nous allons suivre certaines des recommandations du rapport du député Aurélien Taché pour proposer plus de cours de français qu'aujourd'hui et améliorer l'insertion professionnelle. L'association Forum réfugiés mène certaines expériences dans une région que je connais bien et où j'ai le sentiment d'avoir un ancrage territorial... Je peux le dire dans votre enceinte : ailleurs, cela me serait vivement reproché !

M. Philippe Bas, président . - Au Sénat, il est tout à fait recommandé d'avoir un ancrage territorial, monsieur le ministre d'État ! Mais je m'étonne : existerait-il d'autres lieux où l'on apprécierait peu l'ancrage territorial ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Certains journalistes nous reprochent parfois d'être trop attachés à notre territoire, comme si nous devions être en apesanteur...

M. Philippe Bas, président . - Je pensais que vous parliez de l'Assemblée nationale !

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je constate les efforts des députés pour s'ancrer dans leur circonscription et je les en félicite.

M. Philippe Bas, président . - Certains ont encore du chemin à faire !

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Monsieur François-Noël Buffet, il importait d'adopter le plus rapidement possible la proposition de loi permettant une bonne application du régime d'asile européen, déposée par M. le député Jean-Luc Warsmann. Ce texte était essentiel pour tirer les conséquences d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne de 2017.

Monsieur Jacques Grosperrin, le préfet est le maillon central de notre organisation administrative. Plus on resserre l'action autour du préfet, mieux on travaille. Par exemple, il y a parfois eu des difficultés pour articuler le travail entre les préfets et les agences régionales de santé. Cela va mieux aujourd'hui.

Vous parlez de fuite des cerveaux. Ce texte entend favoriser la fluidité des parcours migratoires. Si l'on veut que l'Afrique se développe, il faut aussi qu'elle puisse se développer par l'économie, il faut donc faciliter les échanges avec l'Europe. Ces échanges mutuels sont bénéfiques à tout le monde.

Madame Brigitte Lherbier, j'ai transmis une circulaire aux préfets pour éloigner les gens en situation irrégulière et fichés pour troubles graves à l'ordre public - environ 200 personnes ont ainsi été expulsées l'an dernier - et aussi des personnes en situation régulière mais qui sont responsables de troubles graves à l'ordre public - une centaine de personnes a ainsi été expulsée par les préfets et j'en ai expulsé une vingtaine directement.

Monsieur Jean-Pierre Sueur me reproche de vouloir accueillir moins de personnes. Sans doute, mais je veux surtout qu'il y ait plus de personnes intégrées. C'est un défi majeur : certains quartiers sont en grande difficulté car nous avons été incapables de faire en sorte que les gens s'intègrent culturellement, socialement, économiquement. Je suis allé à Marseille, dans les quartiers nord, ou à Toulouse, dans le quartier du Mirail. Certains quartiers se sont terriblement paupérisés et ghettoïsés. À Lyon, j'ai vu un quartier où beaucoup de gens ne vivaient plus que grâce à l'aide sociale. C'est inquiétant. Comment s'étonner dans ces conditions du développement de la délinquance ?

Il faut que l'on puisse donner un avenir aux personnes que l'on accueille. À l'Assemblée nationale un député, issu lui-même d'une famille de réfugiés venus en boat-people, m'a donné raison et m'a rappelé aussi que, lorsque l'on accueille quelqu'un, ce n'est pas seulement pour quelques années, cela nous engage pour les décennies qui suivent. Les immigrés doivent avoir la possibilité d'évoluer dans la société française.

Il faut aussi aider l'Afrique à se développer, ce continent a des atouts extraordinaires. Cela commence par le rétablissement de la sécurité. Le développement économique pourrait être beaucoup plus fort si les attentats n'étaient pas une menace permanente. Le réchauffement climatique aggrave les problèmes. Ainsi, à cause de lui, au Sahel, les pasteurs nomades sont contraints désormais de s'installer sur les mêmes territoires que les agriculteurs dont les modes de vie sont profondément différents ; cela crée des tensions.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous partageons tous l'objectif de réduire les délais pour donner réponse à un demandeur d'asile. C'est ce que nous avions fait en 2015, avec le pari qu'en renforçant les droit nous pouvions aussi réduire les délais. On l'a constaté à l'OFPRA. C'est aussi une question de moyens : on le constate ces dernières semaines dans les préfectures où vous avez augmenté les moyens pour améliorer l'accueil des demandeurs d'asile. Mais votre texte ne s'inscrit plus dans cette philosophie. On a l'impression que vous faites de l'affichage ! Le délai de recours devant la CNDA contre les décisions de l'OFPRA passerait de 30 à 15 jours, avec un dispositif qui s'apparente à une petite usine à gaz pour satisfaire les députés : les délais ne seront pas réduits mais les droits, eux, le seront ! Il en va de même avec la suppression du caractère suspensif de certains recours : la procédure de 2015 était simple, elle est remplacée par une usine à gaz, qui sera source de contentieux. Vous faites le pari que la réduction des droits de la défense entrainera une baisse des recours. Les audiences par vidéo peuvent parfois se justifier mais avant de les généraliser ne faudrait-il pas encadrer d'abord les procédures devant la CNDA ?

Je partage vos propos sur l'accueil sur le long terme : mais ne faut-il pas alors permettre aux demandeurs d'asile d'apprendre immédiatement le français, de travailler, de faire un bilan de compétences ? L'orientation directive, qui va au-delà de l'hébergement directif de 2015 et qui aboutit à envoyer les gens dans des certaines régions sans avoir la garantie qu'ils pourront y être hébergés ou y trouver un travail, ne va pas dans ce sens.

M. Philippe Bonnecarrère . - Vous avez distingué les niveaux international, européen et national. Finalement peut-on considérer que l'asile et l'immigration relèvent de votre compétence ou bien du droit européen ? Depuis 25 ans, il y a eu une réforme par an en la matière avec des résultats modérés. Le contrôle des frontières est européen, avec notamment l'agence FRONTEX. La définition du droit d'asile peut également être du niveau européen. La reconnaissance réciproque des décisions des juridictions nationales compétentes en matière d'asile, la procédure de révision du règlement « Dublin III » ou la création de la base de données EURODAC donnent le sentiment que ces sujets ne peuvent être traités qu'au niveau européen. Je crains que ce texte n'entraîne des déceptions au regard des attentes et des objectifs affichés de mieux réguler les flux migratoires. Ne faut-il pas s'employer d'abord à régler cette question au niveau européen ?

M. Thani Mohamed Soilihi . - Il y a plus de reconduites à la frontière à Mayotte que dans tous les départements de l'Hexagone réunis. La moitié de la population mahoraise est d'origine étrangère et une grande partie de la population est en situation irrégulière. Nos hôpitaux et dispensaires enregistrent désormais 10 000 naissances par an, dont 70 % sont le fait de femmes en situation irrégulière. Nos hôpitaux comme nos écoles sont saturés. L'insécurité se développe : la plupart des personnes en situation irrégulière vit dans des conditions de précarité inquiétante.

Il faut réagir. J'ai déposé une proposition de loi pour modifier le régime du droit du sol applicable à Mayotte, afin de mettre un terme à cet appel d'air qui entraîne des milliers de femmes à venir accoucher dans ce département pour que leurs enfants bénéficient de la nationalité française. Le président du Sénat a bien voulu transmettre cette proposition de loi au Conseil d'État pour qu'il rende son avis sur la constitutionnalité de ses dispositions.

Même si cette proposition de loi était adoptée, elle ne résoudrait pas tous les problèmes. À la suite de la crise sociale, le Gouvernement a présenté un plan ambitieux. Nous verrons comment il sera exécuté, notamment dans son volet de lutte contre l'immigration clandestine et l'insécurité. Nous attendons d'ici le mois de septembre deux nouveaux bateaux intercepteurs pour les forces de la police aux frontières. Toutefois ce plan risque d'être mis en péril par la récente décision des autorités comoriennes de refuser la réadmission de leurs concitoyens. Quelle sera la réaction du Gouvernement ? Que préconisez-vous pour continuer la lutte contre l'immigration clandestine ? Les Mahorais sont fatigués de voir chaque jour débarquer des kwassa-kwassa chargés de dizaines de clandestins. Comment impliquer l'ensemble de la population face à cette problématique ? Mayotte étant une petite île, une politique de lutte contre l'immigration irrégulière impliquant l'ensemble de la population aurait toutes les chances de réussir. Enfin pourquoi ne pas inclure les chiffres de l'immigration de Mayotte, de la Guyane et de l'outre-mer en général dans les statistiques nationales de l'asile et de l'immigration ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Hasard du calendrier, les forces de l'ordre ont évacué ce matin le plus gros campement de migrants de Paris, le campement du « Millénaire ». Si je l'évoque ce n'est pas pour regretter qu'il ait fallu attendre des semaines avant qu'une solution soit trouvée, mais plutôt pour vous demander comment vous analysez la situation. Comment allez-vous gérer la situation des personnes soumises au règlement « Dublin III » ? Comment ce projet de loi permettra-t-il d'éviter la répétition de ce phénomène ?

Paris est devenu la « base arrière » des migrants qui ne peuvent aller à Calais. Ne pensez-vous pas qu'il conviendrait d'examiner, sans polémique, la proposition faite par la maire de Paris de créer un lieu d'orientation et d'accueil qui permettrait d'orienter immédiatement les personnes, sans attendre qu'elles restent à la rue pendant des semaines ? Enfin, quelle est votre position sur la révision du règlement « Dublin III » ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Monsieur Jean-Yves Leconte, une politique d'affichage ne fonctionne qu'un temps. Au bout d'un certain temps, cela se voit car les chiffres sont là. J'espère que les dispositions de cette loi nous permettront de mieux maîtriser l'immigration qui peut créer de nombreuses difficultés, comme c'est le cas en Italie et dans d'autres pays européens, avec des conséquences politiques lourdes, à tel point que l'Europe risque de se démanteler sur ces problèmes-là.

Les audiences par vidéo sont déjà utilisées dans un certain nombre de tribunaux. Nous étendons ce dispositif pour des raisons d'efficacité mais nous n'innovons pas. Il était difficile d'organiser pour la CNDA, comme on a pu le faire pour l'OFPRA, des audiences foraines sur tout le territoire, car il faut aussi prévoir des escortes policières. Or, on manque d'effectifs pour assurer à la fois ces escortes et la sécurité du quotidien.

Je suis tout à fait partisan de consacrer davantage d'argent à l'intégration des demandeurs d'asile, pour faciliter l'apprentissage du français, pour améliorer la qualité de l'accueil, quitte à ce que l'on accueille moins de personnes, mais mieux.

Les Allemands orientent de manière obligatoire les demandeurs d'asile vers certaines régions.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous aussi !

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Nous voulons nous en inspirer. Les problèmes liés à l'asile sont concentrés sur certaines régions. Pourtant d'autres zones, en déprise démographique notamment, seraient prêtes à accueillir davantage de demandeurs d'asile. Pourquoi dès lors ne pas organiser cette répartition ? S'il n'y a pas de logement disponible, les personnes touchent un montant additionnel de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) pour se loger, et certaines communes sont d'ailleurs prêtes à mettre à disposition des locaux gratuitement. C'est pourquoi la répartition directive des demandeurs me semble être une bonne idée.

Monsieur Philippe Bonnecarrère, il faut travailler à tous les niveaux : français, européen, et international. Au niveau national, nous cherchons à rapprocher notre législation de celle en place chez nos voisins. Le Président de la République travaille beaucoup pour trouver un accord sur le règlement « Dublin III » : ce n'est pas facile, il y a des divergences entre les pays de premier accueil, qui n'ont pas toujours les structures d'enregistrement adéquates et les pays du groupe de Visegrád, qui ne veulent accueillir aucun migrant. Des négociations sont en cours. Il y aura une réunion la semaine prochaine du Conseil « justice et affaires intérieures » (JAI) regroupant les ministres de l'intérieur et de la justice. La France pousse pour trouver un accord. M. Dimitris Avramopoulos était à Paris il y a quelques jours car nous sommes avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie (du moins avant la crise politique) ses partenaires les plus stables pour trouver une solution.

Nous travaillons aussi beaucoup sur l'interconnexion des différents fichiers : nous avions du retard et avons failli être sanctionnés par l'Union européenne. Nous sommes en train de rattraper ce retard.

Monsieur Thani Mohamed Soilihi, comme ministre de l'intérieur, j'ai suivi de près la crise à Mayotte et j'ai échangé avec le préfet en visioconférence. Cette crise appelle une réponse globale. Mayotte est la preuve que lorsque vous n'arrivez pas à maitriser les flux migratoires, la situation finit par vous échapper. Je comprends les sentiments des Mahorais. Nous avons pris des mesures concernant les visas avec les Comores, ainsi que d'autres mesures que je ne détaillerai pas ici. Il faudra que les Comores se mettent autour de la table pour examiner la question. J'attends les analyses du Conseil d'État sur votre proposition de loi. Nous aurons l'occasion de discuter de vos amendements au Sénat. Comme en Guyane, les difficultés à Mayotte sont importantes. Nous devons trouver des solutions. Le Gouvernement a défini un plan interministériel pour trouver une réponse globale. Le problème migratoire est au centre de tous les débats et des affrontements.

Les chiffres concernant l'immigration à Mayotte et en Guyane figureront dans les statistiques : désormais, le rapport sur la situation des étrangers en France sortira en octobre de chaque année.

M. Philippe Bas, président . - Il va falloir alors reporter notre vote jusqu'à octobre !

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je suis pour des relations partenariales entre le ministère de l'intérieur et les collectivités territoriales. Calais est un exemple parfait. Notre crainte était de voir se reconstituer la « jungle ». Nous sommes vigilants, avec les forces de l'ordre, pour éviter ce scénario. Il faut faire de même à Paris. Mais on ne peut pas laisser les camps grossir et subitement demander une évacuation... On en est à la trente-quatrième évacuation en deux ans et demi. Il est temps de trouver un modus vivendi .

Des tracts ont été distribués aux migrants hier pour les prévenir de l'évacuation, conseillant aux « dublinés » de partir, de ne pas suivre les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)... C'est la première fois que l'on délivre un vademecum expliquant comment échapper aux contrôles ! Comment régler la situation dans ces conditions ? Si l'on ne contrôle pas les gens, la situation échappera vite à tout le monde.

Paris concentre 40 % des demandes d'asile pour seulement 2 % des places d'hébergement fixes. Il y aussi l'hébergement d'urgence mais celui-ci est fait en priorité pour un public en situation d'urgence. Les demandeurs d'asile et les déboutés doivent aller dans le dispositif national d'asile (DNA). Certaines places en hébergement d'urgence sont occupées par des personnes qui relèvent de l'asile et on finit par tout confondre... Mieux vaut que chacun soit logé dans le régime adéquat. Beaucoup de personnes qui pourraient être régularisées vivent dans des hôtels... D'où ma circulaire de décembre 2017, qui avait fait couler beaucoup d'encre et qui visait à régulariser ces situations.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Quels sont les apports du projet de loi ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - L'Allemagne a 300 000 déboutés du droit d'asile. Ces personnes sont susceptibles de venir tenter leur chance en France, d'autant plus si on les prévient en cas d'évacuation en leur distribuant une guide pour éviter les contrôles... S'ils viennent en France, je ne sais pas comment nous pourrons faire. Construire chaque année 80 000 places d'accueil me semble irréalisable, sauf à cantonner ces personnes dans des quartiers déjà paupérisés, ajoutant des difficultés aux difficultés. Il faut éviter que les quartiers ne se ghettoïsent. Nous devons donc tous faire preuve de responsabilités.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES, DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES ET DES DÉPLACEMENTS

AUDITIONS

M. Aurélien Taché , député, auteur d'un rapport au premier ministre sur l'intégration

M. Alain Régnier , délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés

M. Jean-Christophe Dumont , chef de la division migration internationale à l'OCDE

Ministère de l'intérieur

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques

M. Thomas Campeaux , directeur

Direction générale de la sécurité intérieure

Monsieur Laurent Nuñez, d irecteur général

Madame Carine Henry, c heffe de cabinet

Direction générale des étrangers en France

M. Pierre-Antoine Molina , directeur général

M. Jean de Croone , directeur adjoint de l'immigration

M. Raphaël Sodini , directeur de l'asile

Mme Claire Tessier , chargée de mission projet de loi

Direction centrale de la police aux frontières

M. Fernand Gontier , directeur central

Mme Brigitte Lafourcade , inspectrice générale, directrice centrale adjointe

Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST)

M. Julien Gentile , chef de l'office

Ministère de la justice

Direction des affaires civiles et du sceau

M. Thomas Andrieu , directeur

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

M. Philippe Righini , sous-directeur pour la politique des visas

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international

M. Pascal Teixeira da Silva , ambassadeur de France des migrations

Ministère des solidarités et de la santé

Direction générale de la cohésion sociale

M. Jean-Philippe Vinquant , directeur général

Madame Corinne Vaillant, s ous-directrice de l'inclusion sociale, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté

Ministère du travail

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

Mme Claire Descreux , cheffe de service, adjointe à la déléguée générale

Mme France Delagenière , cheffe du département Pôle emploi

Préfecture de police de Paris

M. Michel Delpuech , préfet de police de Paris

M. Jérôme Guerreau , chef de cabinet

M. Julien Marion , directeur de la police générale

Défenseur des droits

M. Jacques Toubon , défenseur des droits

Mme Anne Du Quellennec , cheffe du pôle droits fondamentaux des étrangers

Mme France de Saint-Martin , attachée parlementaire

Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Mme Adeline Hazan , contrôleure générale

Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

M. Pascal Brice , directeur général

Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

M. Didier Leschi, directeur général

Préfecture de Guyane (par visioconférence)

M. Stanislas Alfonsi , secrétaire-général adjoint de la Préfecture, en charge des étrangers

M. Bruno Forest , directeur de l'immigration

Mme Sophie Carrillat , commissaire divisionnaire, directrice adjointe de la police de l'air et des frontières

M. Jérôme Nattes , chef du bureau de l'accueil et du séjour des étrangers

M. Éric Menzli , chef du bureau de l'éloignement et du contentieux

Mme Béatrice Courteilles , cheffe du bureau de l'asile et de la naturalisation

Préfecture de Mayotte (par visioconférence)

M. Éric de Wispelaere , secrétaire général de la préfecture de Mayotte,

M. Francis Izquierdo , directeur de l'immigration, intégration et de la citoyenneté

Commission nationale consultative des droits de l'homme

M. Alexandre Duval Stalla , avocat au barreau de Paris, membre de la CNCDH

Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés

M. Ralf Gruenert , représentant du HCR auprès de la France et de Monaco

Mme Caroline Laly-Chevalier , conseiller juridique et chargée de liaison auprès de l'OFPRA et de la CNDA

Mme Florence Boreil , associée à la Protection

Personnalités qualifiées

M. Serge Slama , professeur de droit public à l'université Paris Ouest Nanterre, maître de conférences en droit public

M. Patrice Michel , procureur de la République adjoint tribunal de grande instance de Toulouse

Association française des juges de l'asile (AFJA)

M. Joseph Krulic , président, président de la 3 e section de la CNDA

M. Jean-Luc Richard , membre du bureau de l'AFJA et assesseur à la CNDA, au titre du Conseil d'État

M. Benjamin Bouhey , membre du bureau de l'AFJA et assesseur à la CNDA, au titre du Haut-commissariat pour les réfugiés

M. Sonny Perseil , membre du bureau de l'AFJA et assesseur à la CNDA, au titre du Haut-commissariat pour les réfugiés

Associations (accueil des demandeurs d'asile)

ADOMA

M. Jean-Paul Clément , directeur général

M. Gilles de Warren, directeur de la clientèle et de la maintenance

COALLIA

M. Emmanuel Brasseur , directeur de l'habitat et du logement accompagné

M. Arnaud Richard , directeur général

Forum réfugiés-Cosi

M. Jean-François Ploquin , directeur général

Associations (intervenants en centres de rétention administrative)

Association service social familial migrants (ASSFAM)

Mme Justine Girard , coordinatrice juridique en centre de rétention

La Cimade

Mme Maryse Boulard , chargée du soutien et des actions juridiques en rétention

France Terre d'asile

Mme Nadia Sebtaoui , responsable du service d'aide aux étrangers retenus

Forum Réfugiés-Cosi

Monsieur Laurent Delbos, chef de mission Plaidoyer

Ordre de Malte

Mme Clotilde Giner , directrice adjointe en charge du Pôle migrants

M. Mathias Venet , responsable rétention

Conseil national des barreaux

Mme Béatrice Voss , présidente de la commission « Libertés et droits de l'Homme » du CNB

Mme Hélène Gacon , experte auprès de cette commission

Associations (Intégration)

Emmaüs solidarité

M. Bruno Morel , délégué général

Fédération des acteurs de la solidarité

M. Corentin Bailleul , chargé de mission

France Horizon

M. Hubert Valade , président

M. Nabil Neffati , directeur général

Associations (Accueil des migrants et des demandeurs d'asile)

CIMADE

M. Gérard Sadik , responsable des questions asile

France terre d'asile

M. Pierre Henry , directeur général

Coordination française pour le droit d'asile

Mme Lola Schulmann, chargée de plaidoyer pour Amnesty-France

Mme Mathilde Mase, responsable des programmes asile pour ACAT-France

Ligue des droits de l'homme

Mme Françoise Dumont , présidente d'honneur

Syndicats de magistrats

Syndicat de la magistrature

Mme Laurence Blisson , secrétaire générale

Union syndicale des magistrats

M. Jacky Coulon , secrétaire national

Mme Nathalie Leclerc-Garret , trésorière nationale

Unité Magistrats - SNM FO

M. Marc Lifchitz , magistrat, secrétaire général adjoint

Mme Marion Hébert de la Lande d'Olce , magistrat, membre du conseil national

Union syndicale des magistrats administratifs

M. Ivan Pertuy , membre du conseil syndical en charge des questions liées à l'office du juge dans le cadre du contentieux des étrangers

Syndicat de la juridiction administrative

M. Julien Illouz , conseiller au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et membre du conseil syndical du SJA

Syndicat des avocats de France

Mme Laurence Roques , présidente

M. Patrick Berdugo , référent du SAF sur ladite thématique

Elena France

Me Fabienne Griolet , avocat

Me Maya Lino , avocat

1 re table ronde sur les mineurs non accompagnés (Institutionnels)

Mission mineurs non accompagnés (MMNA)

Mme Sylvie Vella , responsable de la mission

Inspection générale de l'administration (IGA)

Mme Marie-Hélène Debart , inspectrice générale

Inspection générale des affaires sociales (IGS)

Mme Bénédicte Jacquey-Vazquez , inspectrice générale

Inspection générale de la justice (IGJ)

Mme Anne Coquet , inspectrice de la justice

Assemblée des départements de France

M. Xavier Peneau , préfet, directeur général des services du département de l'Oise

Mme Marylène Jouvien , conseiller en charge des relations avec le Parlement

2 e table ronde sur les mineurs non accompagnés (Monde associatif)

Les Apprentis d'Auteuil

Mme Hélène Jevdjenijevic , cheffe de projet national mineurs non accompagnés

Mme Émilie Casin-Larretche , directrice du plaidoyer

Association pour la défense des mineurs isolés étrangers (ADMIE)

M. Renaud Mandel, président

Le Cofrade

Mme Sarah Mayer , chargée de promotion droits de l'enfant

Mmes Sarah Emery , représentant l'association Paris d'Exil

Mme Mariam Sy , chargée de mission plaidoyer

Croix Rouge Française

M. Thierry Couvert-Leroy , délégué national aux enfants et aux familles

Mme Nasrine Tamine , chargée de mission sur les mineurs isolés étrangers

Infomie

Mme Aurélie Guitton, coordinatrice de la plateforme nationale InfoMIE

CONTRIBUTIONS

Syndicats de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)

M. Philippe Damulot , premier vice-président, juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Bobigny

DÉPLACEMENTS

Cour nationale du droit d'asile (Mardi 22 mai 2018)

Mme Michèle de Segonzac , présidente

M. Frédéric Beaufays , vice-président

M. Philippe Caillol , secrétaire général

Déplacement à Lyon Vendredi 25 mai 2018)

Entretiens avec :

- M. Emmanuel Aubry , préfet, secrétaire général, et Mme Sarah Guillon, directrice des migrations et de l'intégration

- M. Régis Fraisse , président de la cour administrative d'appel de Lyon

- Mme Claire Jacquin , première vice-présidente, juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Lyon, et M. Edmond Duclos , vice-président, juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Lyon

- M. Christophe Guilloteau , président du Conseil départemental du Rhône, Mme Mireille Simian , vice-présidente Enfance-Famille, et Mme Nicole Berliere-Merlin , directrice générale adjointe du département du Rhône

- dans le cadre de la présentation du dispositif Forum réfugié Cosi - Mineurs non accompagnés, M Jean-François Ploquin , Directeur général de Forum réfugiés Cosi, Mme Murielle Laurent , vice-présidente de la Metropole de Lyon, déléguée à l'action sociale et éducative

- M. David Kimelfeld , président de la Métropole de Lyon, Mme Arabelle Chambre Foa , directrice de cabinet, Mme Anne-Camille Veydarier , directrice générale déléguée,M. Hervé Diaite , directeur de la protection de l'enfance, et M. Pascal Isoard Thomas, conseiller technique au cabinet du Président.


* 1 Le compte rendu de cette audition est annexé au présent rapport.

* 2 Données disponibles sur le site du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR), à l'adresse : https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean

* 3 Sur ces questions, votre rapporteur renvoie à son rapport  d'information n° 422 (2015-2016), fait au nom de la commission des lois : « L'Europe à l'épreuve de la crise des migrants : la mise en oeuvre de la "relocalisation" des demandeurs d'asile et des hotspots ».

* 4 Source : Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), communiqué du 1 er février 2018 « EASO releases overview of 2017 EU+ asylum trends ».

* 5 Voir, sur ce sujet, le rapport n° 218 (2017-2018) de votre rapporteur, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi permettant une bonne application du régime d'asile européen. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-218/l17-2181.pdf

* 6 L'OFPRA est l'organisme administratif qui instruit les demandes d'asile.

* 7 La CNDA est la juridiction administrative spécialisée devant laquelle sont exercés les recours contre les décisions de rejet de l'OFPRA.

* 8 Instruction n° NORINTK17018905 du 16 octobre 2017 relative à l'éloignement des personnes représentant une menace pour l'ordre public et des sortants de prison. À la suite de l'attentat de Marseille du 1 er octobre 2017, le ministre de l'intérieur a rappelé aux agents de l'État la nécessité de contacter « le centre de rétention administrative le plus proche afin de vérifier ses disponibilités » lorsqu'un étranger en situation irrégulière ne présente pas suffisamment de garanties de représentation. De même, « si le placement dans (ce centre) n'est pas possible, vous rechercherez les possibilités de placement dans d'autres CRA en sollicitant à cet effet le référent régulation rétention de la direction zonale de la police aux frontières ».

* 9 Excluant formellement les pays qui pénalisent l'homosexualité ou dans lesquels les homosexuels sont susceptibles de subir des traitements inhumains ou dégradants.

* 10 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 11 Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

* 12 Loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen.

* 13 Aurélien Taché, « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France », février 2018.

* 14 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 15 Une durée de résidence en France de vingt-quatre mois serait exigée pour solliciter un regroupement familial, contre dix-huit mois aujourd'hui.

* 16 Le programme européen de réinstallation a été lancé en juillet 2015 par l'Union européenne pour permettre notamment aux réfugiés les plus vulnérables d'atteindre le territoire d'un des États européens afin d'y déposer leur demande d'asile en sécurité, sans être exposés aux réseaux de passeurs. Il s'agit d'engagements volontaires et chiffrés de chaque État européen, la Commission européenne assurant un rôle de coordination et de financement. Au total, les États européens ont accepté de réinstaller 22 000 réfugiés sur la période 2015-2017.

* 17 À l'occasion du projet de loi relatif au droit des étrangers en France, devenu la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016.

* 18 Voir le commentaire de l'article 33 bis pour plus de précisions.

* 19 Voir le commentaire de l'article 1 er du projet de loi pour plus de précisions.

* 20 Convention relative au statut des réfugiés, dont la ratification par la France a été autorisée par la loi n° 54-290 du 17 mars 1954.

* 21 « Les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ».

* 22 Articles L. 314-11, L. 314-14 et R. 743-3 du CESEDA.

* 23 Le régime applicable aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides étant différent (voir infra ).

* 24 Rapport d'activité 2017 de l'OFPRA, p. 57. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/ra_ofpra2017_web_0604.pdf .

* 25 Article L. 752-1 du CESEDA. Voir le commentaire de l'article 3 pour plus de précisions sur la réunification familiale.

* 26 Voir le commentaire de l'article 2 pour plus de précisions sur la condition de régularité du séjour.

* 27 Article L. 314-11 du CESEDA.

* 28 Rapport d'activité 2017 de l'OFPRA, op.cit ., p. 57.

* 29 Directive 2011/95/UE concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

* 30 Article L. 712-1 du CESEDA.

* 31 Les réfugiés bénéficiant directement d'une carte de résident d'une durée de dix ans ( voir supra ).

* 32 « Les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection (...) un titre de séjour valable pendant une période d'au moins un an et renouvelable pour une période d'au moins deux ans ».

* 33 Articles L. 313-13 et L. 752-1 du CESEDA.

* 34 Par coordination, l'article L. 313-13 du CESEDA (carte de séjour temporaire pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire) serait abrogé et l'article L. 313-18 du même code (carte de séjour pluriannuelle) serait modifié en conséquence.

* 35 Étude d'impact du projet de loi, p. 31, 33, 34 et 38.

* 36 Ce chiffre prend également en compte la création d'une carte de séjour pluriannuelle pour les apatrides (voir infra ).

* 37 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 38 Convention relative au statut des apatrides, dont la ratification par la France a été approuvée par l'ordonnance n° 58-1321 du 23 décembre 1958.

* 39 Articles L. 313-11, L. 313-18 et L. 314-11 du CESEDA.

* 40 Si le mariage ou le PACS est antérieur à la demande de protection de l'apatride auprès de l'OFPRA ou si le concubin entretenait avec l'apatride « une vie commune suffisamment stable et continue » avant cette même demande.

* 41 Étude d'impact du projet de loi, p. 35.

* 42 L'article L. 313-11 du CESEDA serait modifié par coordination.

* 43 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 44 Articles L. 314-1, L. 314-11 et L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 45 Article L. 313-2 du CESEDA.

* 46 Étude d'impact du projet de loi, p. 35 et 36.

* 47 Articles L. 313-11 et L. 313-13 du CESEDA.

* 48 Convention relative au statut des réfugiés, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 54-290 du 17 mars 1954.

* 49 Directive 2011/95/UE concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

* 50 Rapport n° 425 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, p. 201. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-425/l14-4251.pdf .

* 51 Article L. 752-2 du CESEDA.

* 52 Voir le commentaire de l'article 1 er du projet de loi pour plus de précisions.

* 53 Articles L. 411-7 et L. 752-1 du CESEDA.

* 54 L'application aux apatrides de cet article du CESEDA étant assurée par un renvoi opéré à l'article L. 812-5 du même code.

* 55 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 121. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 56 Rapport d'activité 2017 de l'OFPRA, p. 104. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/ra_ofpra2017_web_0604.pdf .

* 57 Source : amendement de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, adopté par votre commission.

* 58 Alors, qu'en l'état du droit, ce motif de refus concerne uniquement les « demandeurs » de la réunification familiale, c'est-à-dire les personnes bénéficiant d'une protection internationale et demandant à être rejoints en France par les membres de leur famille.

* 59 La sanction contre les auteurs de mutilations sexuelles pouvant atteindre dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

* 60 Conseil d'État, 21 décembre 2012, arrêt n° 332491.

* 61 Directive 2011/95/UE concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

* 62 Étude d'impact du projet de loi, p. 32.

* 63 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, op.cit. , p. 120.

* 64 Rapport d'activité 2017 de l'OFPRA, p. 46. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/ra_ofpra2017_web_0604.pdf .

* 65 Loi relative à la réforme du droit d'asile.

* 66 Défenseur des droits, avis n° 14-10, 6 novembre 2014.

* 67 Rapport d'activité 2017 de l'OFPRA, op. cit. , p. 65.

* 68 Arrêté pris pour l'application des articles L. 723-5 et L. 752-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et définissant les modalités de l'examen médical prévu pour les personnes susceptibles de bénéficier, ou qui bénéficient, d'une protection au regard des risques de mutilation sexuelle féminine qu'elles encourent.

* 69 Étude d'impact du projet de loi, p. 34.

* 70 Article selon lequel le secret professionnel, donc le secret médical, n'est pas applicable « à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».

* 71 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 72 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, op. cit. , p. 138-139.

* 73 Convention et protocole relatifs au statut des réfugiés, assemblée générale des Nations Unies, le 28 juillet 1951. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/convention_1951_protocole_1967.pdf

* 74 Cette directive est consultable à l'adresse suivante :

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32011L0095

* 75 Statut de l'Office du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, assemblée générale des Nations unies, le 14 décembre 1950. Ce document est accessible à l'adresse suivante :

http://www.unhcr.org/fr/about-us/background/4aeafff76/statut-hcr.html

* 76 Voir article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 77 Cet article a été créé par la loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d'asile.

* 78 Idem note 1.

* 79 À l'article premier, A. (2).

* 80 Office français de protection des réfugiés et apatrides, « À l'écoute du monde », rapport d'activité 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-6

* 81 Conseil d'État, 6 novembre 2000, GISTI, n° 204784.

* 82 Voir commentaire de l'article 5 pour les missions de l'OFPRA et la procédure applicable.

* 83 Hypothèse b) de la section F mentionnée supra .

* 84 Conseil d'État, 10 ème et 9 ème sous-sections, 5 mai 2011, OFPRA c/ H. , n° 320910.

* 85 3. a) et b).

* 86 Décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 87 Conseil d'État, deuxième et septième chambre réunies, 30 janvier 2017, n° 394686.

* 88 Dictionnaire juridique, Gérard Cornu, Association Capitan, 11ème édition presses universitaires de France, 2016.

* 89 Cour nationale du droit d'asile, grande formation, 26 septembre 2017, M. K, n° 16029802.

* 90 Cour nationale du droit d'asile, première section, troisième chambre, 14 novembre 2017, M. E, n° 14010003.

* 91 Il s'agit de la section F de l'article 1 er de ladite convention, qui contient une liste limitative de trois cas dans lesquels certaines personnes, bien que répondant aux conditions requises par la section A, ne peuvent cependant pas être reconnues réfugiées au motif qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles ont commis des actes qui les rendent indignes de cette protection.

* 92 Ces trois cas sont les suivants :

« a) Qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ;

b) Qu'elle a commis un crime grave ;

c) Qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »

* 93 À son article 18 qui stipule que « le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la Communauté européenne ».

* 94 La loi précise qu'il s'agit d'un ou plusieurs crimes commis avant l'entrée en France de la personne concernée, et qui seraient passibles d'une peine de prison s'ils avaient été commis en France.

* 95 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-79 QPC du 17 décembre 2010, M. Kamel D.

* 96 Crime contre la paix, agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies, crime de guerre, ou menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

* 97 Les clauses d'exclusion ou de cessation sont prévues par la convention de Genève. S'agissant du refus ou du retrait, il s'agit des hypothèses de l'article L. 711-6 du CESEDA, découlant du droit de l'Union européenne. Globalement la terminologie est différente, mais dans les deux cas, l'exclusion ou le refus interviennent en amont de la reconnaissance de la protection internationale ou de l'octroi du statut. S'agissant des clauses de cessation ou des hypothèses de retrait, elles interviennent toutes pour mettre fin au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection internationale.

* 98 Office français de protection des réfugiés et apatrides, « À l'écoute du monde », rapport d'activité 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-6

* 99 Cas d'exclusion prévu à l'article L. 712-2 concernant la protection subsidiaire.

* 100 Voir commentaire de l'article 6 pour de plus amples développements sur le champ de compétence de la CNDA.

* 101 Conseil d'État, 2 ème et 7 ème chambre réunies, 23 décembre 2016, n os 403971, 403975, et 403976.

* 102 Le Conseil d'État avait auparavant jugé que la compétence attribuée à l'ancienne commission des recours des réfugiés (devenue depuis la Cour nationale du droit d'asile) ne comprenait pas les litiges relatifs au refus du directeur général de l'OFPRA d'enregistrer une demande d'asile et qui, par suite, devaient être portés devant la juridiction administrative de droit commun (Conseil d'État, 9 mars 2005, n° 274509). Cela concernait, à titre d'illustration, les clauses d'exclusion de la protection internationale. Le Conseil d'État a donc tiré les conséquences de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile, en confirmant l'unification du contentieux des décisions prises par l'OFPRA.

* 103 Y compris lorsque l'affaire en question s'est terminée par un non-lieu.

* 104 Voir supra , il s'agit des clauses prévues par les articles L. 711-3 et L. 712-2 du CESEDA.

* 105 Circulaire du 27 septembre 2016 relative aux échanges d'informations entre l'autorité judiciaire et les autorités en charge de l'asile. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSD1627395C.pdf

* 106 « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

* 107 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-485 du 4 décembre 2003 sur la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, considérant n° 43.

* 108 Décret n° 2018-141 du 27 février 2018 portant application de l'article L. 114-1 du code de la sécurité.

* 109 Voir considérant 23 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 déjà citée.

* 110 Ce délai court à compter de la notification des droits qu'il peut exercer en matière de demande d'asile.

* 111 Voir commentaire de l'article 6.

* 112 La durée initiale de l'attestation est fixée à un mois, ce qui laisse le temps au demandeur de déposer sa demande d'asile auprès de l'OFPRA, dans un délai qui ne doit pas excéder 21 jours à compter l'enregistrement de la demande en préfecture. Cette attestation est ensuite renouvelée pour une durée de neuf mois puis par périodes de six mois, sauf pour les cas où l'OFPRA statue en procédure accélérée, auquel cas l'attestation est renouvelée d'abord pour six mois puis par périodes de trois mois.

* 113 Conseil d'État, deuxième et septième sections réunies, 20 octobre 2016, n° 394964, et Cour de justice de l'Union européenne, 28 juillet 2011, Diouf , n° C-69/10.

* 114 Office français de protection des réfugiés et apatrides, « À l'écoute du monde », rapport d'activité 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-6

* 115 Confirmé par Conseil d'État, deuxième et septième chambres réunies, 30 janvier 2017, n° 394686.

* 116 Rapport annuel de l'OFPRA déjà cité.

* 117 Ibid. supra .

* 118 Ibid. supra .

* 119 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, sur la loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

* 120 Conseil d'État, 5 avril 2006, GISTI et a., n° 284706.

* 121 Conseil d'État, 5 avril 2006, GISTI et a., n° 284706.

* 122 Celui-ci dispose que « Les États contractant appliqueront les dispositions de cette convention aux réfugiés sans discrimination quant à sa race, la religion ou le pays d'origine ».

* 123 Cour de justice de l'Union européenne, 31 janvier 2013, H.I.D., n° C-175/11.

* 124 Traité du 2 octobre 1997 instituant la Communauté européenne au Royaume-Uni et à l'Irlande, protocole sur l'application de certains aspects de l'article 7 A.

* 125 Conseil d'État, 30 décembre 2009, OFPRA c/ M. Cosmin Covaciu, n° 305226.

* 126 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, sur la loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.

* 127 Conformément à l'article 34 de la Constitution selon lequel « la loi fixe les règles...concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

* 128 Conformément à l'article 21 de la Constitution selon lequel le Premier ministre « assure l'exécution des loi s ».

* 129 Conseil d'État, 5 avril 2006, GISTI et a., n° 284706.

* 130 Le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile a précisé les modalités de cette procédure au sein d'un nouvel article R. 722-2-1 du CESEDA.

* 131 L'article R. 722-2-1 du CESEDA précise que le président du conseil d'administration de l'OFPRA n'est pas tenu d'inscrire à l'ordre du jour les demandes abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.

* 132 Le Conseil d'État avait auparavant jugé à plusieurs reprises que l'Albanie ne pouvait être inscrite sur la liste des pays sûrs en raison de l'instabilité du contexte politique et social (Conseil d'État, 13 février 2008, Forum Réfugiés, n° 295443 et 26 mars 2012, Action syndicale libre (OFPRA), n° 349174), avant de l'accepter en 2014, en raison d'évolutions en faveur de la démocratie et malgré certaines difficultés persistantes dans la lutte des pouvoirs publics contre le crime organisé (Conseil d'État, 10 octobre 2014, Association Elena et a., n° 375474).

* 133 La Géorgie avait également déjà été confirmée par le Conseil d'État parmi les pays sûrs (Conseil d'État, 10 octobre 2014, Association Elena et a., n° 375474).

* 134 Conseil d'État, 30 décembre 2016, association Elena France et autres, n os 395058, 395075, 395133 et 395383.

* 135 Conseil d'État, 10 octobre 2014, Association Elena et a., n° 375474, décision dans le même sens Conseil d'État, 26 mars 2012, Action syndicale libre, (OFPRA), n° 349174.

* 136 Il s'agit de l'Arménie, de l'Albanie, de la Géorgie, de la Serbie et du Sénégal.

* 137 Conseil d'État, 13 février 2008, Forum Réfugiés, n° 295443.

* 138 Conseil d'État, 23 juillet 2010, Amnesty international et a., n° 336034.

* 139 Ibid. supra .

* 140 Conseil d'État, 4 mars 2013, Association des avocats Elena France et a., n° 356490.

* 141 À cet égard, l'appréciation de l'orientation sexuelle des demandeurs d'asile ne peut pas se faire par la réalisation et l'utilisation d'une expertise psychologique basée sur des tests projectifs de la personnalité, cette expertise constituant une ingérence d'une particulière gravité (Cour de justice de l'Union européenne, 25 juillet 2018, n° C-473/16-F). La CJUE a relevé que la fiabilité même d'une telle expertise a été fortement contestée par le gouvernement français et qu'une telle expertise n'est pas indispensable pour apprécier la crédibilité des déclarations du demandeur d'asile, compte tenu notamment de l'importance de l'entretien personnel et de la formation requise du personnel responsable de la détermination du statut.

* 142 S'agissant des critères permettant d'établir la persécution, le Conseil d'Etat a jugé qu'en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social (CE, 27 juillet 2012, M., n° 349824).

* 143 Voir exposé général.

* 144 Ce délai est néanmoins variable selon les régions en fonction de leur degré d'exposition aux flux de demandeurs d'asile.

* 145 Ces données ne comprennent que les premières demandes, et peuvent donc différer des chiffres globaux qui comprennent également les demandes de réexamen, la réouverture de dossiers et les demandes de mineurs accompagnants.

* 146 Si un ressortissant étranger ne se présente pas à l'entretien individuel faute d'avoir eu connaissance de sa convocation, il peut demander à rouvrir son dossier à n'importe quel moment pendant neuf mois.

* 147 Voir infra .

* 148 Conseil d'État, 13 février 1980, Nal .

* 149 Conseil d'État, 20 novembre 1970, Bouez et UNEF .

* 150 Conseil d'État, 12 décembre 1953, de Bayo .

* 151 Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Etudes-Publications/Rapports-Etudes/Rapport-public-2018

* 152 Cour nationale du droit d'asile, rapport d'activité 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.cnda.fr/La-CNDA/Donnees-chiffrees-et-bilans

* 153 C'est-à-dire le nombre de décisions rendues par rapport aux nombre d'affaires entrantes.

* 154 Correspond à la somme des délais de jugement de toutes les affaires traitées sur une période donnée, divisée par le nombre de dossiers effectivement jugés pendant la même période, et prend en compte l'ancienneté des dossiers.

* 155 Voir infra .

* 156 Office français de protection des réfugiés et apatrides, « À l'écoute du monde », rapport d'activité 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-6

* 157 C'est-à-dire qu'elle statue sur la situation au moment de l'audience, telle qu'elle a pu évoluer.

Le Conseil d'État l'a reconnu dans sa décision Aldana Barrena du 8 janvier 1982.

* 158 Cette définition est identique à celles prévues pour les juridictions administratives de droit commun à l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

* 159 Depuis mai 2011, la CNDA admet le dépôt des recours par voie numérique. Le pourcentage de dossiers reçus par cette voie dématérialisée augmente chaque année. Il atteint 76 % en 2016, contre 73 % en 2015.

* 160 L'OFPRA peut également former des recours en révision visant à la rétractation d'une décision de la CNDA suite à la constatation de faits de nature à justifier une absence de protection ou à caractériser une fraude. L'Office a formé 30 recours de cette nature en 2017.

* 161 Conseil d'État, 9 mars 2018, M. D. n° 411892 B.

* 162 Conseil d'État, 14 septembre 2015, n° 388766.

* 163 Article R. 733-25 du CESEDA.

* 164 Article R. 733-1 du CESEDA.

* 165 Par la mise à disposition par l'État de locaux situés à proximité du siège actuel de la CNDA.

* 166 Voir commentaire de l'article 4.

* 167 Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, Rapport de commission d'enquête n° 300 (2005-2006) de MM. Georges Othily et François-Noël Buffet, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 6 avril 2006, tome 1, p. 151. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r05-300-1/r05-300-1.html

* 168 Voir commentaire de l'article 6 bis A infra .

* 169 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, sur la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 170 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

* 171 Christian Licoppe, « L'asile par visioconférence » , article publiée dans la revue Plein droit n° 110, octobre 2016. Cet article est consultable à l'adresse suivante : https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2016-3-p-20.htm

* 172 D'après les estimations de votre rapporteur réalisées à partir d'un radio entre le nombre de demandes d'asile constaté en 2016 et le nombre de personnes s'étant vues octroyer une protection en 2017.

* 173 Il résulte de cette augmentation du nombre de décisions rendues, une augmentation en nombre du nombre de décisions d'octroi d'une protection internationale (23 958 en 2017 contre 19 982 en 2016), qui a pour effet de réduire mécaniquement la proportion des déboutés du droit d'asile sur deux ans.

* 174 Cour des comptes, référé n° S 2015 09771, L'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/30968

* 175 Voir commentaire de l'article 23.

* 176 Voir commentaire de l'article 6 supra pour la composition des formations de jugement.

* 177 Conseil d'État, 22 juin 2017, n° 400366.

* 178 Voir notamment commentaire de l'article 24.

* 179 Conseil d'État, Assemblée, 2 décembre 1994, Mme A ., n° 112842.

* 180 Conseil d'État, 18 décembre 2008, OFPRA c/ Mme A. épouse B ., n° 283245.

* 181 Voir commentaire de l'article 3.

* 182 Loi permettant une bonne application du régime d'asile européen

* 183 Convention dont la ratification a été autorisée par la loi n° 94-107 du 5 février 1994.

* 184 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

* 185 Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), 15 mars 2017, Al Chodor , affaire C-528/15, jurisprudence reprise par la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 27 septembre 2017 (affaire 17-15.160).

* 186 Conseil constitutionnel, 15 mars 2018, Loi permettant une bonne application du régime d'asile européen , décision n° 2018-762 DC.

* 187 Lors de l'examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile (amendement COM-46 adopté par la commission des lois du Sénat le 5 mai 2015 mais non repris par l'Assemblée nationale).

* 188 L'article 27 du règlement « Dublin III » permettant de contester la décision de transfert « dans un délai raisonnable », que la Commission européenne propose d'ailleurs d'uniformiser et de fixer à sept jours (projet COM (2016) 270 final, modifiant le règlement « Dublin III », mai 2016).

* 189 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 245. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 190 Interview du directeur général de l'OFPRA accordé au quotidien Le Monde le 8 janvier 2018.

* 191 Arrêté du 9 octobre 2015 pris en application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 192 Article R. 723-1 du CESEDA.

* 193 L'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 723-14 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français.

* 194 Dans l'hypothèse selon laquelle il s'agit des mesures d'éloignement majoritaires.

* 195 Si la décision est prise par voie d'ordonnance (voir commentaire article 4), le droit au maintien sur le territoire prend toujours fin au moment de la date de la notification de l'ordonnance.

* 196 Signifie que la demande de réexamen comportait des éléments nouveaux mais a été rejetée pour la deuxième fois sur le fond.

* 197 S'il est statué par voie d'ordonnance, jusqu'à la notification de celle-ci.

* 198 La mesure d'éloignement ayant déjà été prise, elle n'a pas été implicitement abrogée par la demande d'asile.

* 199 Dans cette hypothèse, l'OQTF ayant été émise avant que le demandeur d'asile ne fasse sa demande, le temps que l'OFPRA statue, le délai de recours à l'encontre de l'OQTF sera forcément expiré. D'où la mise en place d'un mécanisme spécifique dans ce cas-là.

* 200 En conséquence, la mesure d'éloignement ne peut être prononcée pendant ce délai de quarante-huit heures ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat qu'il désigne à cette fin soit nommé.

* 201 Conseil d'État, 26 novembre 1993, Préfet de police de Paris, n° 138967.

* 202 Cour européenne des droits de l'homme, affaire I.M. c. France, requête n° 9152/09, ancienne cinquième section, arrêt du 2 février 2012.

* 203 Un recours formé devant la CNDA à l'encontre d'une décision de l'OFPRA intervenant dans le cadre de la procédure prioritaire - désormais procédure accélérée - ne présentait à l'époque pas de caractère suspensif.

* 204 Articles L. 5223-3 et R. 5223-5 du code du travail.

* 205 Voir les commentaires des articles 9, 26 bis A et 27 pour plus de précisions.

* 206 Directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte).

* 207 Loi relative à la réforme du droit d'asile.

* 208 Arrêté du 21 décembre 2015 pris en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 209 Ce comité consultatif est chargé de « procéder aux concertations permettant de mieux répondre aux besoins en matière d'habitat et d'hébergement et de favoriser la cohérence des politiques locales » (article L. 364-1 du code de la construction et de l'habitation). Il est composé de trois collèges : représentants des collectivités territoriales, professionnels intervenant dans les domaines du logement et divers organismes d'accueil, d'accompagnement et d'insertion.

* 210 Article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 211 Articles 2 et 3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

* 212 Arrêté R75-2016-11-16-001 portant schéma régional d'accueil des demandeurs d'asile pris en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 213 Sauf si le préfet de département s'y oppose pour des motifs d'ordre public (article L. 744-3 du CESEDA).

* 214 Article L. 744-3 du CESEDA.

* 215 Article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 216 Étude d'impact du projet de loi, p. 59.

* 217 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 293. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 218 Voir, pour plus de précisions, l'avis budgétaire n° 114 (2017-2018) fait par votre rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2018, p. 26-27. Cet avis est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a17-114-2/a17-114-21.pdf .

* 219 Étude d'impact du projet de loi, p. 60.

* 220 Rapport n° 857, op.cit ., p. 265.

* 221 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, op.cit. , p. 281.

* 222 Alors, qu'en l'état du droit, le demandeur d'asile doit simplement avertir le directeur de son centre d'hébergement lorsqu'il s'absente de manière prolongée.

* 223 Article disposant notamment que « les États membres peuvent décider du lieu de résidence du demandeur (...) aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande de protection internationale ».

* 224 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 225 Objet de l'amendement de notre collègue députée Élise Fajgeles, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.

* 226 Source : objet de l'amendement du Gouvernement adopté par votre commission.

* 227 L'enregistrement de la demande d'asile nécessitant plusieurs semaines (préparation du dossier, prise de rendez-vous dans une PADA puis à la préfecture, etc .).

* 228 Amendements identiques de nos collègues députés Élise Fajgeles et Florent Boudié, adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.

* 229 Conseil d'État, juge des référés, 20 février 2018, Fédération des acteurs de la solidarité et autres , affaire n° 417207.

* 230 Loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 231 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, op.cit. , p. 290.

* 232 Conseil d'État, 17 janvier 2018, La Cimade, la fédération des acteurs de la solidarité, l'association Dom'Asile, le groupe d'information et de soutien des immigrés et l'association groupe accueil et solidarité , affaire n° 410280.

* 233 Étude d'impact du projet de loi, p. 59.

* 234 Article L. 744-8 du CESEDA, reprenant l'article 20 de la directive « Accueil » du 26 juin 2013.

* 235 Soit, en l'état du droit, 120 jours à compter de l'entrée en France. L'article 5 du projet de loi réduirait ce délai à 90 jours.

* 236 Cette information est transmise dans une langue que le demandeur d'asile comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend.

* 237 Étude d'impact du projet de loi, p. 64.

* 238 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 239 Ce délai est aujourd'hui d'un mois. L'article 6 du projet de loi tend à le réduire à quinze jours.

* 240 Article R. 744-12 du CESEDA.

* 241 Sauf, par définition, lorsque la CNDA rend une ordonnance dans le cadre d'une procédure accélérée. Dans ce cas, sa décision n'est pas lue et seule sa notification fait foi.

* 242 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 243 Article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

* 244 Article 25 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 245 Rapport n° 425 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de réforme de l'asile, p. 186.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/l14-425/l14-4251.pdf .

* 246 Sont notamment visés l'accès à un logement social, les allocations familiales, l'accès au marché du travail, ou encore la protection sociale.

* 247 Lors de l'examen de la demande d'asile, l'OFPRA certifie la composition familiale que lui communique le demandeur, cet acte ayant valeur authentique.

* 248 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France , Aurélien Taché, Sabine Fourcade, Catherine Hesse et Justin Babilotte, rapport remis au Premier ministre février 2018. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/184000099/index.shtml

* 249 Office français de protection des réfugiés et apatrides, « À l'écoute du monde », rapport d'activité 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/publication-du-rapport-d-activite-6

* 250 Cette période de neuf mois pouvant être prolongée, par périodes de trois mois, après évaluation de la situation de la personne et de sa famille (article R. 349-1 du code de l'action sociale et des familles).

* 251 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 252 Rapport n° 425 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de réforme de l'asile, p. 208. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l14-425/l14-4251.pdf .

* 253 Source : instruction du ministre de l'intérieur du 4 décembre 2017 relative à l'évolution du parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés, annexe 1.2.

* 254 Voir le commentaire de l'article 9 pour plus de précisions sur ce traitement automatisé de données.

* 255 Article D. 861-1 du code de la sécurité sociale.

* 256 Pour plus de précisions, voir l'avis n° 114 (2017-2018) fait par votre rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2018.

Cet avis est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a17-114-2/a17-114-21.pdf .

* 257 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 258 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 259 Ces formalités et documents varient selon son statut : visa, justificatif d'hébergement, documents relatifs à l'objet et aux conditions du séjour, preuve des moyens d'existence, assurance sociale, garantie de rapatriement, autorisation d'exercer une activité professionnelle, etc.

* 260 Interdiction judiciaire ou administrative du territoire, arrêté d'expulsion, interdiction de retour sur le territoire, interdiction de circulation sur le territoire, etc. (voir chapitre II, infra)

* 261 Le CESEDA prévoit, à l'égard des entreprises de transport, une large obligation de réacheminement et de prise en charge des frais (art. L. 213-4 à 213-8), ainsi que de lourdes amendes administratives sanctionnant le défaut de contrôle des documents de voyage et, le cas échéant, du visa dont l'étranger non ressortissant d'un État européen doit être porteur (art. L. 625-1 à 625-7).

* 262 Créée en 1982, la procédure est désormais encadrée par l'article 43 (« Procédures à la frontière ») de la directive dite « procédures ».

* 263 La Cour européenne des droits de l'Homme ayant condamné l'ancien régime procédural relatif à l'asile à la frontière, dans la mesure où « l'article 13 [de la Convention] exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif » (CEDH, 26 avril 2007, Gebremedhin contre France, req. n°25389/05), le législateur a instauré en 2007 un recours suspensif spécifique pour les demandeurs d'asile maintenus en zone d'attente (loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile).

* 264 Censurant la création des premières « zones de transit » envisagées à cet effet par le législateur en 1992, le Conseil constitutionnel a admis le principe que l'autorité administrative puisse priver une personne de sa liberté sans décision préalable du juge judiciaire dans l'attente du départ de l'intéressé, de manière spontanée ou forcée (décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, Loi portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France). Cette reconnaissance s'est toutefois accompagnée d'une double et importante réserve, dont la méconnaissance avait conduit en l'espèce à une invalidation du dispositif initial :

- le législateur est tout d'abord tenu de « prévoir l'intervention de l'autorité judiciaire en vue d'autoriser, s'il y a lieu, la prolongation du maintien, et en lui permettant ainsi d'apprécier, de façon concrète, la nécessité d'une telle mesure » ;

- en second lieu, la durée de privation de liberté « ne saurait excéder un délai raisonnable ».

* 265 Cette voie de droit est assez rarement exploitée car, au-delà d'un délai de quatre jours, le placement en zone d'attente ne peut être prolongé et autorisé que par le juge des libertés et de la détention, saisi par l'administration. Dès lors, s'il reste saisi du recours dirigé contre l'arrêté de placement en zone d'attente, le juge administratif ne peut plus, à partir de ce délai, prononcer une remise en liberté.

* 266 Le Conseil constitutionnel a validé le principe de ce dispositif dérogatoire pour les lieux de rétention selon un raisonnement applicable, mutatis mutandis, aux zones d'attente, jugeant que « par elle-même, la tenue d'une audience dans une salle à proximité immédiate d'un lieu de rétention n'est contraire à aucun principe constitutionnel » et rappelant « qu'en autorisant le recours à des salles d'audience spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention ou à des moyens de télécommunication audiovisuelle, le législateur a entendu limiter des transferts contraires à la dignité des étrangers concernés, comme à une bonne administration de la justice ». Il a toutefois assorti ce dispositif de conditions relatives à l'aménagement spécial des salles d'audience, rappelant que « le législateur a expressément prévu que ladite salle devra être « spécialement aménagée » pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et permettre au juge de « statuer publiquement » » (Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité

* 267 Celle-ci porte sur les conditions d'entrée (passeport, visa, moyens de subsistance, non inscription dans le SIS, absence de menace à l'ordre public), ainsi que les documents autorisant le séjour et l'exercice d'une activité professionnelle. Ce contrôle est opéré lors du passage à l'aubette par la consultation de différentes bases de données. En cas de doute sur un document, le voyageur peut se voir retenu le temps d'un contrôle dit « de seconde ligne », plus approfondi.

* 268 Par une décision n° 415291 du 28 décembre 2017, le Conseil d'État a rejeté les recours dirigés contre la nouvelle décision de prolongation du Gouvernement français du 3 octobre 2017 réintroduisant temporairement un contrôle aux frontières intérieures de l'espace Schengen. Il a d'abord admis la proportionnalité de cette mesure de police (au regard de l'actualité et de la gravité de la menace terroriste, et de la nécessité, pour la prévenir efficacement, de contrôler l'identité et la provenance des personnes désireuses d'entrer en France) et jugé que n'avaient pas été méconnues les règles fixant une durée maximale pour une telle dérogation à la libre circulation par le « code frontières Schengen ».

* 269 Rapport n° 484 (2016-2017) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission d'enquête - 29 mars 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-484-notice.html

* 270 CE, juge des référés., 5 juillet 2017, n° 411575, publié au Recueil.

* 271 Sur l'introduction inutile dans le CESEDA de la nécessité de prendre en compte la vulnérabilité des demandeurs d'asile sous statut « Dublin » alors même que le Règlement « Dublin III » prévoit déjà des garanties en ce sens et plus complètes, voir le rapport n° 425 (2014-2015) de votre rapporteur sur la proposition de loi relative à la réforme du droit d'asile. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-425/l14-425.html

* 272 Article 7 (« Traitement des vérifications aux frontières »), al. 1, du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen),

* 273 Annexe VII (« Modalités propres à certaines catégories de personnes »), point 6.1. (« Mineur ») dudit règlement.

* 274 La rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée nationale justifiait l'absence de fixation de cette distance dans le texte de la commission et son renvoi au pouvoir réglementaire par le fait que « la géographie doit commander à la norme dans la mesure où il est fondamentalement différent de franchir les Alpes, le Rhin ou la plaine séparant la France de la Belgique. Il conviendra, par conséquent, que le décret définisse des périmètres variables en fonction des obstacles naturels, des infrastructures de transport et de tout autre paramètre utile . » En séance, cette distance a été inscrite dans la loi et fixée à 10 km et seules les modalités du contrôle renvoyées au décret en Conseil d'État.

* 275 Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

* 276 Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 sur la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 277 Créé par la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l'immigration, dite « loi Debré », et complété par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

* 278 Directive relative au regroupement familial.

* 279 Article R. 411-4 du CESEDA.

* 280 Source : ministère de l'intérieur.

* 281 Voir les commentaires des articles 2 et 3 du projet de loi pour plus de précisions sur la réunification familiale.

* 282 Aux mesures d'éloignement détaillées ci-dessous s'ajoutent celles permettant spécifiquement la reconduite d'un étranger vers un autre pays de l'Union européenne (« réadmission » en vertu d'un tel accord ou de la convention de Schengen, « transfert » en application du système régi par le règlement « Dublin III », etc.)

* 283 La loi distingue deux catégories d'étrangers protégés :

- pour une première catégorie d'étrangers protégés (à l'instar du parent d'enfant français ou de l'étranger en situation régulière depuis plus de dix ans), la mesure d'expulsion ne peut être prononcée que si elle « constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique » (art. L. 521-2 du CESEDA) ;

- une deuxième catégorie d'étrangers protégés (tel l'étranger qui réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans) ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion « qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » (art. L. 521-3 du CESEDA).

* 284 « si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société » (art. L. 521-3 du CESEDA), conformément à la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

* 285 CE, 20 janv. 1988, n° 87036.

* 286 I de l'article 551-1 du CESEDA

* 287 2° de l'article 561-2 du CESEDA

* 288 Ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

* 289 Entrée irrégulière en l'absence de titre valable de séjour ; maintien sur le territoire au-delà de la durée autorisée ; refus d'octroi ou de renouvellement, retrait ou expiration du titre de séjour ; refus définitif de la qualité de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire, ou perte du droit temporaire au maintien sur le territoire. Cependant, une OQTF peut également être prononcée à l'encontre de l'étranger, résidant en France depuis moins de trois mois, qui menace l'ordre public ou occupe un emploi sans autorisation.

* 290 Mais elle n'a pas besoin de donner lieu à une motivation distincte de celle de la décision de refus d'octroi ou de renouvellement, de retrait ou d'expiration du titre de séjour, le cas échéant.

* 291 L'article L. 511-3-1 du CESEDA prévoit que les ressortissants de l'Union européenne peuvent faire l'objet d'une OQTF dans trois cas :

- lorsqu'ils ne justifient plus d'un droit au séjour en France (pour se maintenir sur le territoire national après une durée de trois mois, les ressortissants de l'Union européenne doivent en effet remplir une des conditions posées par l'article L. 121-1, notamment l'exercice d'une activité professionnelle ou disposer de ressources suffisantes pour ne pas être une charge pour le système d'assistance sociale) ;

- lorsque le ressortissant multiplie les séjours d'une durée inférieure à trois mois, et que cela est considéré comme un abus de droit pouvant justifier l'éloignement (est notamment constitutif d'abus de droit le fait de séjourner en France « dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ») ;

- si, pendant les trois mois suivant son entrée en France, son séjour constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française.

* 292 Article L. 511-4 du CESEDA, qui mentionne notamment l'étranger mineur, l'étranger qui réside habituellement en France depuis l'âge de 13 ans, etc.

* 293 Par une décision n° 2018-709 QPC du 1 er juin 2018, Section française de l'observatoire international des prisons et autres , le Conseil constitutionnel a censuré l'application de ces délais spéciaux à l'étranger en détention.

* 294 Comme l'a précisé le Conseil constitutionnel

* 295 « 1. Les décisions de retour sont assorties d'une interdiction d'entrée : a) si aucun délai n'a été accordé pour le départ volontaire, ou b) si l'obligation de retour n'a pas été respectée. Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d'une interdiction d'entrée.

« 2. La durée de l'interdiction d'entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d'un pays tiers constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. »

* 296 Voir le commentaire de l'article 16 du projet de loi pour plus de précisions.

* 297 Compte rendu de la commission des lois du Sénat du 14 novembre 2017, consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20171113/lois.html .

* 298 Voir le commentaire de l'article 25 du projet de loi pour plus de précisions sur le régime juridique des visas.

* 299 Conseil d'État, 29 mars 2010, affaire n° 325122.

* 300 Les visas de court séjour, d'une durée inférieure à trois mois, relevant de la compétence de l'Union européenne, conformément au règlement (CE) 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas.

* 301 Voir notamment le communiqué suivant : « La politique de l'Union européenne en matière de visas : la Commission présente des propositions pour la rendre plus solide, plus efficace et plus sûre », 14 mars 2018.

* 302 « "risque de fuite" : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ; »

* 303 « a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

« b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

« c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

« d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

« e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ;

« f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. »

* 304 Recommandation (UE) 2017/432 de la Commission du 7 mars 2017 visant à rendre les retours plus effectifs dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil.

* 305 Aux termes du 1 de l'article 7 (« Départ volontaire ») de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : « La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire »

* 306 (Ainsi que la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent, le cas échéant) première phrase du III de l'article L. 512-1 du CESEDA.

* 307 Deuxième phrase du III de l'article L. 512-1 du CESEDA.

* 308 Article L. 552-1 du CESEDA.

* 309 Arrêté du 27 avril 2018 relatif à l'aide au retour et à la réinsertion.

* 310 Article L. 611-3 du CESEDA.

* 311 Aux termes du 3 de l'article 7 (de la directive dite « Retour » : « Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations (...) de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. »

* 312 Selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel en la matière « Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à toutes les personnes qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté individuelle, protégée par l'article 66 de la Constitution, qui ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire et la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. Les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis . » (Décision n° 2018-762 DC du 15 mars 2018, Loi permettant une bonne application du régime d'asile européen).

* 313 Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée

* 314 Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié.

* 315 Directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe.

* 316 Directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

* 317 Les mesures de transfert concernant les étrangers placés sous statut « Dublin ». Voir le commentaire de l'article 7 bis pour plus de précisions.

* 318 Article L. 111-1 du code de la sécurité sociale.

* 319 Aux termes de l'article L511-4 du CESEDA, « ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; »

* 320 Aux termes de l'article L. 521-4 du CESEDA, « L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion »

* 321 Pour l'OQTF (I de l'article L. 513-1 du CESEDA), pour l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation (II du même article), pour l'arrêté d'expulsion (article L. 523-1 du CESEDA), etc.

* 322 L'article 15 de la directive « Retour » impose aux autorités nationales de recourir aux mesures « les moins coercitives » pour exécuter une mesure d'éloignement forcé. L'assignation à résidence constitue, pour cette raison, le procédé qui doit prévaloir sur la rétention administrative dans la mesure du possible.

* 323 Elle s'applique aux étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), sans délai ou dont le délai de départ volontaire est expiré, d'une interdiction de retour ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, ou encore d'une interdiction administrative du territoire.

* 324 Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français, l'assignation peut être renouvelée tant que cette mesure demeure exécutoire.

* 325 Pour un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire.

* 326 La durée de la phase initiale de la rétention, augmentée de deux à cinq jours en 2011 (loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité) a été à nouveau réduite à 48 heures en 2016 (loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France).

* 327 Article L. 551-2 du CESEDA.

* 328 Demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin. Il est également informé qu'il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix (article L. 551-1 du CESEDA).

* 329 « en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public », ou « lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement » ou encore « lorsque, malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai » ou enfin « lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration » (article L. 552-7 du CESEDA).

* 330 Ainsi que pour contester la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent, le cas échéant (première phrase du III de l'article L. 512-1 du CESEDA).

* 331 deuxième phrase du III de l'article L. 512-1 du CESEDA.

* 332 Article L. 552-1 du CESEDA.

* 333 Données issues du logiciel LOGICRA et communiquées aux députés auteurs du rapport d'information sur l'application de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France

* 334 Source : DCPAF, durée de rétention par nationalité (métropole), janvier- avril 2018

* 335 Voir le commentaire sous l'article 11 A (nouveau)

* 336 Loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen.

* 337 Issu du décret n° 2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation et modifiant le code de la construction et de l'habitation, pris notamment pour l'application de l'article L. 111-7-3 dudit code.

* 338 Elle s'applique aux étrangers faisant l'objet d'une OQTF (sans délai ou dont le délai de départ volontaire est expiré), d'une interdiction de retour ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, ou encore d'une interdiction administrative du territoire.

* 339 Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français, l'assignation peut être renouvelée tant que cette mesure demeure exécutoire.

* 340 Cas d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire.

* 341 Article R. 561-2 du CESEDA.

* 342 Dans sa décision n° 2017-674 QPC, M. Kamel D., du 30 novembre 2017 [Assignation à résidence de l'étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire ou d'un arrêté d'expulsion], le Conseil constitutionnel a partiellement censuré les dispositions qui permettaient, en particulier, à l'autorité administrative d'assigner à résidence, sans limite de durée, un étranger faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, jugeant que s'il était certes loisible au législateur de ne pas fixer de durée maximale à l'assignation à résidence (afin de permettre à l'autorité administrative d'exercer un contrôle sur l'étranger compte tenu de la menace à l'ordre public qu'il représente ou afin d'assurer l'exécution d'une décision de justice), dans le cas d'une interdiction judicaire du territoire, il était porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir de l'étranger faute de prévoir qu'au-delà d'une certaine durée l'administration doive justifier de circonstances particulières imposant le maintien de l'assignation.

Pour une analyse détaillée, voir le commentaire de l'article 3 dans le rapport n° 218 (2017-2018), fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi permettant une bonne application du régime d'asile européen.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l17-218/l17-218.html

* 343 Cette disposition concernait tant les personnes soumises au règlement « Dublin III » (article L. 742-2 du CESEDA) que l'ensemble des étrangers placés en assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du même code.

* 344 Aux termes de l'article 9 (« Droit de rester dans l'État membre pendant l'examen de la demande ») : « Les demandeurs sont autorisés à rester dans l'État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu'à ce que l'autorité responsable de la détermination se soit prononcée » (Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte)).

* 345 « Les États contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières . » (Article 31 « Réfugiés en situation irrégulière dans le pays d'accueil », § 1). « Les États contractants n'appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d'autres restrictions que celles qui sont nécessaires » (même article, § 2).

* 346 Sauf dans le cas des personnes demandant l'asile alors qu'elles font déjà l'objet d'un placement en rétention (et qui sont soumise à une procédure particulière) ou des demandeurs d'asile sous statut « Dublin » (dont le traitement de la demande relève d'un autre État européen, et qui peuvent faire l'objet de mesures de surveillance en application du règlement européen dit « Dublin III » sous certaines conditions, en cas de « risque non négligeable de fuite »).

* 347 Directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale

* 348 À la suite de décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 6 décembre 2011, C-329/11, Achughbabian c. France) et de la Cour de cassation (Cass. 1 ère civ, 5 juillet 2012, 1-19.250) excluant le placement en garde à vue d'un étranger à l'occasion d'une procédure diligentée du seul chef de séjour irrégulier, la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées a dépénalisé l'infraction de séjour irrégulier sur le territoire national.

* 349 Aux termes de son arrêt du 7 juin 2016, C-47/15, Affum c. France, la CJUE a en effet dit pour droit que la directive « retour » s'oppose à ce qu'un ressortissant d'un pays non membre de l'Union européenne puisse, avant d'être soumis à la procédure de retour, être mis en prison au seul motif de son entrée irrégulière sur le territoire d'un État membre via une frontière intérieure de l'espace Schengen Il en va ainsi également lorsque ce ressortissant, qui se trouve en simple transit sur le territoire de l'État membre concerné, se fait intercepter lors de sa sortie de l'espace Schengen et qu'il fait l'objet d'une procédure de réadmission vers l'État membre d'où il vient.

* 350 Voir les arrêts El Dridi du 28 avril 2011, Alexandre Achugaghbabian du 6 décembre 2011 et Md Sagor du 6 décembre 2012.

* 351 Cf. l'arrêt de la chambre criminelle du 1 er avril 2015, n° 13-86418.

* 352 En application de l'article 20-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée à l'encontre d'un mineur.

* 353 Le tableau infra recense les dispositions spécifiques du code pénal.

* 354 La compétence du préfet est liée pour mettre à exécution l'interdiction du territoire par un arrêté de reconduite à la frontière.

* 355 En application de l'article 131-30-1 du code pénal, est concerné :

- l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, s'il établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure ;

- l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française à condition que le mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné la condamnation, que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

- l'étranger justifiant par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il était titulaire pendant cette période d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ;

- l'étranger résidant régulièrement depuis plus de dix ans en France, sauf s'il était titulaire pendant cette période d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention « étudiant » ;

- l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.

* 356 En application de l'article 131-30-2 du code pénal, est concerné par cette protection :

- un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

- un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;

- un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, à condition que ce mariage soit antérieur aux faits ayant entraîné sa condamnation et que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ou, sous les mêmes conditions, avec un ressortissant étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

- un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ;

- un étranger qui réside en France sous couvert du titre de séjour prévu par le 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

* 357 Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

* 358 Le tableau infra précise les qualifications pénales visées par l'extension du champ d'application, ainsi que les peines minimales encourues.

* 359 Ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna.

* 360 Ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française.

* 361 Ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie.

* 362 À l'exception des étrangers concernés par une mesure de protection particulière mentionnés à l'article 131-30-1 du code pénal

* 363 L'infraction assure, d'une part, la transposition de la directive n° 2002/90/CE du 28 novembre 2002 définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, issue d'une initiative française, et, d'autre part, l'application du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000 et ratifiée par la France le 29 octobre 2002.

* 364 L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ou du territoire français pour une durée de dix ans au plus ; la suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ; le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation administrative d'exploiter certains services ; la confiscation des moyens de transport ayant servi à commettre l'infraction.

* 365 Lorsque l'infraction est commise en bande organisée, dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, lorsqu'elles ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine, lorsqu'elles sont commises au moyen d'une habilitation ou d'un titre de circulation en zone réservée d'un aérodrome ou d'un port, ou, enfin, lorsqu'elles ont comme effet, pour des mineurs étrangers, de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel.

* 366 À compter de la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme.

* 367 La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, a étendu les immunités prévues l'article L. 622-4 du CESEDA :

- concernant l'immunité familiale, pour inclure dans le champ des personnes couvertes la famille proche du conjoint de l'étranger ;

- concernant l'immunité humanitaire, en adoptant une formulation plus large incluant des actes que ne permettait pas d'exempter de poursuite une rédaction jusqu'ici inspirée de l'exception tirée de « l'état de nécessité ».

* 368 Constitue un faux l'« altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques » (Article 441-1 du code pénal).

* 369 Objet de l'amendement de notre collègue députée Fiona Lazaar, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

* 370 Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair. Voir les commentaires des articles 21 et 22 pour plus de précisions.

* 371 OCDE, « Le recrutement des travailleurs immigrés. France », 2017, p. 124.

* 372 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 373 Le bénéficiaire doit avoir obtenu un diplôme français au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret.

* 374 Transposition de la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié.

* 375 À l'inverse du salarié temporaire « ICT », le salarié en mission conclut un contrat de travail avec l'entreprise française. Voir le commentaire de l'article 29 du projet de loi pour plus de précisions.

* 376 Alors que, généralement, un premier titre de séjour temporaire d'un an est octroyé avant de pouvoir accéder à une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans (voir le commentaire de l'article 1 er pour plus de précisions).

* 377 Article L. 313-2 du CESEDA.

* 378 Voir le commentaire de l'article 26 bis A du projet de loi.

* 379 Article L. 311-1 du CESEDA.

* 380 Prévue par l'article R. 5221-20 du code du travail, cette « opposabilité » conduit la DIRECCTE à accepter (ou à refuser) une autorisation de travail d'un étranger au regard de « la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée » (voir le commentaire de l'article 27).

* 381 Hors les titres de séjour accordés aux membres de la famille des « passeports talents ».

* 382 Étude d'impact du projet de loi, p. 166.

* 383 OCDE, « Le recrutement des travailleurs immigrés. France », 2017, p. 125, 164 et 165.

* 384 Ce dispositif permet notamment de délivrer plus rapidement des titres de séjour à des acteurs du numérique et de mettre à leur disposition des incubateurs d'entreprises.

* 385 La définition de critères rendus publics a été ajoutée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur proposition de notre collègue députée Fiona Lazaar, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Cette disposition met en oeuvre une préconisation du Conseil d'État, selon laquelle le Gouvernement doit « noter la nécessité de rendre publique la liste des organismes et procédures de reconnaissance concernés, pour éviter toute disharmonie dans l'application que les services pourront faire de ces dispositions sur le territoire ».

* 386 Les adjectifs « social, international et environnemental » ont été ajoutés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue députée Marielle de Sarnez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

* 387 Article 1383 D du code général des impôts.

* 388 Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair. L'article 21 du projet de loi prévoit des dispositifs comparables pour les étudiants.

* 389 À titre d'exemple, un chercheur arrivant en France en 2017 bénéficie d'un « passeport talent » jusqu'en 2021. Si sa famille le rejoint en 2019, elle serait également autorisée à résider en France jusqu'en 2021.

* 390 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 391 Étude d'impact du projet de loi, p. 167, 168 et 170.

* 392 Objet de l'amendement de notre collègue députée Marielle de Sarnez, adopté avec l'avis favorable de la rapporteure de la commission des lois.

* 393 Directive du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié.

* 394 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 480. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 395 OCDE, « Le recrutement des travailleurs immigrés. France », 2017, p. 173 et 204.

* 396 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 397 Article L. 313-7 du CESEDA.

* 398 Article L. 313-18 du CESEDA. Pour obtenir une carte de séjour pluriannuelle, l'étudiant doit justifier du caractère réel et sérieux de ses études.

* 399 La délivrance de la carte de résident nécessite une présence régulière et interrompue en France pendant cinq ans, une assurance maladie et des ressources dont le montant est au moins égal au SMIC.

* 400 Voir le commentaire de l'article 20 du projet de loi pour plus de précisions sur les chercheurs.

* 401 Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

* 402 Cette précision a été insérée à l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Florent Boudié, avec l'avis favorable du Gouvernement et de la rapporteure.

* 403 Voir le commentaire de l'article 20 pour plus de précisions sur le droit applicable aux chercheurs.

* 404 Décret n° 2016-1463 du 28 octobre 2016 fixant la liste des diplômes prévue aux articles L. 311-11, L. 313-10 et au 1° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le seuil de rémunération prévu à l'article L. 311-11 du même code.

* 405 Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

* 406 Règlement du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers.

* 407 Initialement fixée à six mois, la durée de l'APS a été portée à un an par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 408 Voir le commentaire de l'article 27 du projet de loi pour plus de précisions sur l'opposabilité de la situation de l'emploi.

* 409 OCDE, « Le recrutement des travailleurs immigrés. France », op.cit. , p. 197.

* 410 Voir le commentaire de l'article 21 pour plus de précisions.

* 411 Étude d'impact du projet de loi, p. 182.

* 412 Voir le commentaire de l'article 26 pour plus de précisions sur cette visite médicale.

* 413 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 414 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 415 Décret portant publication de l'accord européen sur le placement au pair.

* 416 Étude d'impact du projet de loi, p. 176 et 177.

* 417 Directive du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

* 418 Chiffres pour la France entière (métropole et outre-mer) et prenant en compte toutes les nationalités.

* 419 À la date d'établissement de ces données, la décision n'était pas encore connue pour 18 246 demandes d'asile déposées en 2015. Ces données résultent d'une étude menée par le département des statistiques, des études et de la documentation, à partir du logiciel AGEDREF.

* 420 Précision ajoutée en séance publique par notre collègue député M. Zumkeller.

* 421 S'agissant des titres de séjour, voir commentaires des articles 28 et suivants.

* 422 Ils peuvent en revanche, dans le cadre d'une décision judiciaire (juge des enfants), devoir retourner dans leur pays d'origine s'ils peuvent y être accueillis (par leur famille ou un tuteur légal par exemple).

* 423 Alors même que l'encadrement d'une liberté de circulation semble bien relever du pouvoir législatif en application de l'article 34 de la Constitution.

* 424 Les articles L. 321-3 et L. 321-4 du CESEDA s'appliquent à Mayotte de la même façon que sur le reste du territoire français.

* 425 Ce régime prévoit toutefois que le visa est délivré de plein droit à l'étranger qui demande l'asile lorsqu'il est convoqué par l'OFPRA.

* 426 Le tableau ci-dessous présent huit d'entre elles, la neuvième étant présentée dans la partie consacrée à Mayotte.

* 427 En application de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

* 428 En application de l'accord entre l'UE et la Confédération suisse du 21 juin 1999.

* 429 L'acte de « kafala » est un engagement, figurant dans le droit de plusieurs pays, selon lequel un enfant mineur est pris en charge sans qu'un lien de filiation soit créé. Ce sont des décisions prises par un juge en Algérie ou au Maroc sur le territoire de l'un de ces deux pays, qui s'appliquent en France en vertu de la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 et de la convention franco-algérienne du 27 août 1964.

* 430 Visiteur, étudiant, stagiaire, stagiaire ICT, stagiaire détaché ICT ou en recherche d'emploi ou de création d'entreprise, travailleurs temporaire vie privée et familiale, vie privée et familiale

* 431 S'agissant de l'enfant d'un ressortissant européen ou de son conjoint (3° de l'article L.321-4 du CESEDA).

* 432 Délivrance du DCEM au profit du mineur dont l'un des parents est titulaire d'un titre de séjour, quel qu'en soit le fondement (1°).

* 433 Étude d'impact du projet de loi, p. 202.

* 434 Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas.

* 435 Règlement établissant un modèle type de visa.

* 436 Rapport d'information n° 127 (2015-2016) fait au nom de la commission des finances du Sénat et consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/r15-127/r15-1271.pdf .

* 437 Amendement de notre collègue Richard Yung et de notre ancien collègue Éric Doligé, adopté le 8 octobre 2015, avec l'avis favorable de la commission des lois du Sénat, lors de l'examen du projet de loi relatif au droit des étrangers en France.

* 438 Étude d'impact du projet de loi, p. 203.

* 439 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 440 Décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers.

* 441 Arrêté relatif à la visite médicale des étrangers autorisés à séjourner en France.

* 442 Avis budgétaire n° 114 (2017-2018) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2018, p. 12 à 14. Cet avis est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a17-114-2/a17-114-21.pdf .

* 443 Article 5 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 444 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 445 Voir le commentaire de l'article 31 pour plus de précisions sur le titre de séjour « étrangers malades »

* 446 Étude d'impact du projet de loi, p. 208.

* 447 Article 3 de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

* 448 Projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, devenu la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 précitée.

* 449 Conseil constitutionnel, 21 mars 2018, Loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue socia l, décision n° 2018-761 DC.

* 450 Étude d'impact du projet de loi, p. 205.

* 451 Limite d'âge fixée pour les agents contractuels employés par les administrations de l'État par l'article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public

* 452 Par cohérence, les médecins de l'OFII en fonction à cette date et âgés de plus de 67 ans pourraient poursuivre ou renouveler l'exécution de leur contrat jusqu'à l'âge de 73 ans.

* 453 Article 75 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

* 454 Étude d'impact du projet de loi, p. 209.

* 455 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 456 Le recul de l'âge de départ à la retraite des médecins de l'OFII constitue en effet une mesure transitoire, qui n'a pas vocation à figurer dans le code du travail.

* 457 650 euros par personne pour les ressortissants de pays tiers soumis à visa, 300 euros par personne pour les ressortissants de pays tiers dispensés de visa et le Kosovo et 50 euros par personne pour les citoyens de l'Union européenne.

* 458 Voir le commentaire de l'article 13 pour plus de précisions.

* 459 Objet de l'amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale.

* 460 Article L. 5223-2 du code du travail.

* 461 Adoption en séance publique, avec l'avis favorable de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure.

* 462 « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France », février 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/184000099/index.shtml .

* 463 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 464 Depuis le début de l'année 2018, l'OFII peut également prescrire 20 % d'heures de formation linguistique supplémentaires pour les stagiaires n'ayant pas obtenu le niveau A1 à la fin de leur formation.

* 465 Sur une échelle allant de A1.1 (pour les connaissances linguistiques les plus rudimentaires) à C2 (pour les connaissances les plus poussées).

* 466 Article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 467 Article L. 751-1 du CESEDA.

* 468 Source : « 72 propositions pour une politique ambitieuse des étrangers arrivés en France », op.cit. , p. 27.

* 469 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 470 Article L. 313-27 du CESEDA.

* 471 Avis n° 114 (2017-2018) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2018, p. 8. Cet avis est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/a17-114-2/a17-114-21.pdf .

* 472 Rapport n° 660 (2016-2017) fait au nom de la commission des finances du Sénat sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants, p. 27 et 31. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r16-660/r16-6601.pdf .

* 473 Source : « 72 propositions pour une politique ambitieuse des étrangers arrivés en France », op.cit. , p. 48.

* 474 Source : « 72 propositions pour une politique ambitieuse des étrangers arrivés en France », op.cit ., p. 51.

* 475 Accord-cadre national entre l'État, l'OFII et Pôle emploi en faveur de l'insertion professionnelle des étrangers primo-arrivants 2016-2019.

* 476 Voir le commentaire de l'article 26 bis A pour plus de précisions.

* 477 À l'exception des cartes de résident délivrées de plein droit (réfugiés, titulaires d'une rente d'accident, étrangers ayant servi dans une unité combattante de l'armée française, etc .).

* 478 Cadre européen commun de référence défini par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation du 2 juillet 2008.

* 479 Visas de long séjour valant titre de séjour ou carte de séjour temporaire étudiant dans la limite de 60 % de la durée annuelle du travail, visas de long séjour valant titre de séjour ou carte de séjour temporaire vie privée et familiale, cartes de séjour « passeport talent », cartes de séjour pluriannuelle salarié détaché ICT, carte de résident, carte de résident longue durée-Union européenne.

* 480 Récépissé de première demande ou de demande de renouvellement d'une carte de séjour autorisant à travailler.

* 481 Demandeurs d'asile dans certains cas et étranger qui travaille en France mais n »y réside pas.

* 482 Arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

* 483 Lacune à laquelle votre commission propose de répondre à l'article 27.

* 484 Décret n° 2014-1292 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe « silence vaut acceptation » ainsi qu'aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites sur le fondement du II de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

* 485 Voir commentaire de l'article 24.

* 486 Voir commentaire de l'article 3. D'autres procédures de retour sont également prévues dans le cadre des zones d'attente voir commentaire de l'article 10 bis A.

* 487 « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

* 488 Dont 20 demandes de réexamen.

* 489 En application de l'article L.5221-7 du CESEDA, voir commentaire du présent article supra.

* 490 Ce délai fait toutefois l'objet de négociations dans le cadre du régime d'asile européen commun.

* 491 Conseil d'État, juge des référés, arrêt du 15 février 2017, Ministère de l'intérieur c/Agry Verdun, n° 407355.

* 492 Garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958, et confirmé par l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

* 493 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, sur la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

* 494 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-558/559 QPC du 29 juillet 2016, M. Joseph L. et autre [ Droit individuel à la formation en cas de rupture du contrat de travail provoquée par la faute lourde du salarié ].

* 495 Rapport d'information de Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-Pierre Godefroy fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat publié le 28 juin 2017, (2016-2017), sur la prise en charge sociale des mineurs non accompagnés. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-598-notice.html

* 496 Rapport d'information de Mme Élisabeth Doineau et M. Jean-Pierre Godefroy fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat publié le 28 juin 2017, (2016-2017), sur la prise en charge sociale des mineurs non accompagnés. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-598-notice.html

* 497 Mission bipartite de réflexion IGAS- IGA - IGJ - Assemblée des départements de France - Conseils départementaux de Meurthe-et-Moselle et de l'Oise. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/publications-10047/rapports-thematiques-10049/rapport-sur-les-mineurs-non-accompagnes-31585.html

* 498 Ordonnance relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 499 Source : avis n° 394206 du 15 février 2018 du Conseil d'État sur le projet de loi.

* 500 Voir, à titre d'exemple, la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile (35 articles) et la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France (68 articles).

* 501 Avis n° 394206 du 15 février 2018 précité.

* 502 Articles L. 5223-1 à L. 5223-6 du code du travail.

* 503 Avis n° 394206 du 15 février 2018, précité.

* 504 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 505 À la différence des titres de séjour « transfert temporaire intragroupe » (ICT), qui sont délivrés aux salariés d'une multinationale étrangère (voir le commentaire de l'article 29 du projet de loi).

* 506 Étude d'impact du projet de loi, p. 213.

* 507 Circulaire INTK1229185C, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dite « circulaire Valls ».

* 508 Article L. 5221-2 du code du travail.

* 509 L'article D. 5221-2-1 du code du travail mentionne notamment les participations à des manifestations sportives, culturelles, artistiques et scientifiques, le mannequinat et la pose artistique, les missions d'audit et d'expertise en informatique, gestion, finance, assurance, architecture et ingénierie.

* 510 Article R. 5221-20 du code du travail.

* 511 Arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

* 512 Rapport n° 716 (2014-2015) fait par votre rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, p. 70. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-716/l14-7161.pdf .

* 513 Conseil d'État, 26 décembre 2012, Confédération générale du travail , n° 353288.

* 514 Étude d'impact du projet de loi, p. 215.

* 515 Étude d'impact du projet de loi, p. 215.

* 516 Avis n° 394206 du 15 février 2018 du Conseil d'État sur le projet de loi.

* 517 Si l'étranger séjourne en France trois mois ou moins, il lui suffit d'obtenir un visa de court séjour auprès de son ambassade ou de son consulat (article L. 121-1 du CESEDA).

* 518 Articles L. 311-9 et L. 313-17 du CESEDA.

* 519 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 529. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 520 Directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un transfert temporaire intragroupe.

* 521 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 522 Voir le commentaire de l'article 20 pour plus de précisions sur les salariés en mission.

* 523 Directive 2014/66/UE du 15 mai 2014 précitée.

* 524 Étude d'impact du projet de loi, p. 219.

* 525 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 531. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 526 Avis n° 394206 du 15 février 2018 du Conseil d'État sur le projet de loi.

* 527 Article L. 313-7-2 du CESEDA.

* 528 Article L. 313-17 du CESEDA.

* 529 Article selon lequel « le ressortissant de pays tiers qui demande à être admis en vertu de la présente directive (apporte la preuve qu'il) a occupé un emploi dans la même entreprise ou le même groupe d'entreprises (...) au moins pendant une période ininterrompue de trois à six mois dans le cas des employés stagiaires ».

* 530 Alors, qu'à l'inverse, un étranger sollicitant un regroupement familial doit avoir séjourné en France de manière régulière depuis au moins dix-huit mois (article L. 411-1 du CESEDA).

* 531 Voir le commentaire de l'article 20 du projet de loi pour plus de précisions sur la notion « d'enfants du couple » et son adéquation avec le droit européen.

* 532 Cette carte est d'une durée identique à celle de la mission du salarié, dans la limite d'une durée maximale d'un an diminuée, le cas échéant, de la durée des séjours déjà effectués ailleurs en Europe.

* 533 Dont la durée est égale à la période de validité restant à courir pour le titulaire de la carte « stagiaire mobile ICT ».

* 534 Article L. 313-24 du CESEDA.

* 535 La durée de ce titre de séjour est égale à la période de validité restant à courir pour le titulaire de la carte « salarié détaché ICT ».

* 536 Article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, CESEDA.

* 537 Article 458 du code civil.

* 538 Circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l'état civil relatifs à la naissance et à la filiation.

* 539 Étude d'impact du projet de loi, p. 225.

* 540 Rapport n° 371 (2005-2006) fait par votre rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, p. 263. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/l05-371-1/l05-371-11.pdf .

* 541 Circulaire du 28 octobre 2011 précitée.

* 542 Rapport n° 371 (2005-2006), op. cit ., p. 258.

* 543 Loi relative à l'immigration et à l'intégration.

* 544 Peine portée à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.

* 545 Étude d'impact du projet de loi, p. 227-228.

* 546 Avis n° 394206 du 15 février 2018 sur le projet de loi.

* 547 Cette hypothèse est la plus fréquente en droit civil, la filiation maternelle étant directement établie par l'accouchement (voir supra pour plus de précisions).

* 548 Rapport n° 857 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi, p. 534. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0857.pdf .

* 549 Source : objet de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.

* 550 Source : objet de l'amendement du Gouvernement.

* 551 Voir, pour plus de précisions sur les documents à produire, les articles 63 et 70 du code civil (mariage) et le décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 relatif à la déclaration, la modification, la dissolution et la publicité du pacte civil de solidarité (PACS).

* 552 Conformément à l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 553 Le présent article du projet de loi ayant vocation à s'appliquer à Mayotte, les actuels articles 2499-1 à 2499-5 du code civil seraient abrogés par coordination.

* 554 Conseil constitutionnel, 22 juin 2012, M. Thierry B. [Consentement au mariage et opposition à mariage] , décision n° 2012-261 QPC.

* 555 Rapport n° 371 (2005-2006), op. cit. , p. 264.

* 556 Étude d'impact du projet de loi, p. 222.

* 557 Rapport n° 371 (2005-2006), op. cit., p. 265.

* 558 Information du 29 janvier 2017 du ministère de l'intérieur et du ministère de la santé concernant l'application de la loi n° 2016-274 relative au droit des étrangers en France.

* 559 Arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 560 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 561 Articles L. 313-11 (11°) et L. 313-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 562 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 563 Voir notamment les articles R. 4127-1 à R. 4127-1 du code de la santé publique.

* 564 En pratique, ces données sont intégrées au rapport d'activité de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

* 565 Arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre de la santé relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 566 Conseil constitutionnel, 21 décembre 1999, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , décision n° 99-422 DC.

* 567 Article L. 143-10 du code de la sécurité sociale.

* 568 Amendement adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

* 569 Cette disposition concernant les mariages forcés est issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 570 Rapport d'information n° 822 fait sur le projet de loi, p. 32. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i0822.pdf .

* 571 Cette durée est prorogeable lorsqu'une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou lorsque le juge aux affaires familiales a été saisi d'une requête relative à l'exercice de l'autorité parentale.

* 572 Amendement adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

* 573 Devenu la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 574 Conseil constitutionnel, 26 janvier 2017 , Loi relative à l'égalité et à la citoyenneté , décision n° 2016-745 DC.

* 575 Rapport n° 827 (2015-2016) fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, p. 578. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l15-827/l15-8271.pdf .

* 576 Loi relative au droit des étrangers en France.

* 577 Devenu la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté.

* 578 Conseil constitutionnel, 26 janvier 2017 , Loi relative à l'égalité et à la citoyenneté , décision n° 2016-745 DC.

* 579 Rapport n° 716 (2014-2015) fait par votre rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, p. 81. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/l14-716/l14-7161.pdf .

* 580 Seuls les conjoints et les enfants du couple étant éligibles au regroupement familial.

* 581 Amendements adoptés avec l'avis favorable de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

* 582 Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

* 583 Ces rapports sont consultables à l'adresse suivante : www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Documentation/Rapports-publics/Les-rapports-au-Parlement-article-L.-111-10-du-code-de-l-entree-et-du-sejour-des-etrangers-et-du-droit-d-asile-CESEDA .

* 584 En pratique, le ministère de l'intérieur renvoie aux rapports d'activité annuels de l'OFPRA et de l'OFII.

* 585 Organisme régi par le décret n°89-912 du 19 décembre 1989 portant création d'un Haut Conseil à l'intégration.

* 586 Source : objet de l'amendement de notre collègue députée Laurence Vichnievsky, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

* 587 Voir le commentaire de l'article 9 du projet de loi pour plus de précisions sur ce schéma national.

* 588 Voir par exemple la décision suivante : Conseil d'État, 12 octobre 2016, Ministre de l'intérieur , affaire n° 392390.

* 589 Régie par les articles L. 312-1 à L. 312-3 du CESEDA, la commission du titre de séjour est composée, dans chaque département, d'un maire et de deux personnalités qualifiées. Elle est notamment saisie lorsque le préfet refuse de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

* 590 Circulaire INTK1229185C relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 591 Source : ministère de l'intérieur.

* 592 Loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 593 Les personnes accueillies disposant d'un statut « exclusif de tout lien de subordination », ce qui a pour effet d'écarter les règles du code du travail.

* 594 Source : rapport d'activité d'Emmaüs France, consultable à l'adresse suivante : www.emmaus-france.org/qui-sommes-nous/notre-organisation .

* 595 Ce qui inclut notamment les « sortants de prison, (les) migrants avec ou sans papiers, (les) personnes physiquement affaiblies ou psychologiquement fragiles ».

* 596 Voir le commentaire de l'article 33 ter A pour plus de précisions.

* 597 Source : objet des quatre amendements identiques adoptés par l'Assemblée nationale.

* 598 Puis d'une carte de séjour pluriannuelle et d'une carte de résident (voir supra ).

* 599 À l'article 2 de son protocole additionnel.

* 600 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, sur la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

* 601 Mais vaut pour tous les mineurs.

* 602 Circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l'État auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme tels.

* 603 Voir par exemple, décision du Défenseur des droits n° 2017-095. Cette décision est consultable à l'adresse suivante : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=16518

* 604 Tribunal administratif de Versailles, décisions du 15 mars 2018, n os 1800315, 1800317 et 1800333.

* 605 Avis n° 527 (2017-2018) de M. Jacques Grosperrin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, déposé le 31 mai 2018. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a17-527/a17-527.html

* 606 Les membres du Conseil d'État sont répartis dans les cinq grades suivants : auditeur, maître des requêtes, conseiller d'État, président de section et vice-président du Conseil d'État.

* 607 Loi relative au droit des étrangers en France

* 608 « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France », février 2018, p. 58-59. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/184000099/index.shtml .

* 609 Amendement adopté avec l'avis favorable de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure.

* 610 Sauf lorsque ce renouvellement est expressément interdit par la loi, comme pour la carte de séjour temporaire « stagiaire ICT » (voir le commentaire de l'article 29 pour plus de précisions).

* 611 Source : site internet de la préfecture du Rhône ( www.rhone.gouv.fr ).

* 612 « 72 propositions pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France », op.cit. , p. 58.

* 613 Compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, deuxième séance du 22 avril 2018.

* 614 Voir le commentaire de l'article 31 pour plus de précisions sur la procédure dites des « étrangers malades ».

* 615 Loi relative à l égalité et à la citoyenneté.

* 616 Voir commentaire de l'article 5.

* 617 Ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (partie législative).

* 618 Étude d'impact du projet de loi, p. 253.

* 619 Article 63 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 620 Sur proposition de notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure.

* 621 Conseil constitutionnel, 1 er décembre 2017, Kamel D. , décision n° 2017-674 QPC.

* 622 Les migrants climatiques : visages humaines d'un dérèglement planétaire , Banque Mondiale, 19 mars 2018. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2018/03/19/meet-the-human-faces-of-climate-migration

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